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1 sportsetloisirs.ch S P O RT T E N N I S Photos : L. Chiambretto LE TOUR DU MONDE EN 80 REBONDS Laurent Chiambretto est professeur de tennis à Paris. Ces derniers mois, il a parcouru la planète pour voir comment s’enseignait et se pratiquait son sport favori. Récit d’un carnet de voyage débutant par la Nouvelle-Zélande. Depuis l’instauration en 1968 de l’ère open réunissant ama- teurs et professionnels, le tennis s’est considérablement développé. Ils étaient à peine 91 pays représentés au sein de la Fédération Internationale de Tennis dans les années 70. Ils sont plus de 200 aujourd’hui. Les passionnés de ce jeu sont ainsi de plus en plus nombreux à s’extasier devant les exploits de Federe r, à vouloir imiter les coups droits de Nadal ou à simplement rêver d’un destin de champion. Sur notre sol, les conditions sont souvent réunies pour permet- t re à un enfant doué d’envisager une carrière professionnelle ou simplement lui faire pratiquer ce sport dans des conditions idéa- les. Mais qu’en est-il ailleurs? Comment est vécu et pratiqué ce sport aux quatre coins de la planète? D’Auckland à Buenos Aires en passant par Pékin ou Bamako, venez découvrir et re n c o n t rer le monde de la petite balle jaune! 1. LA NOUVELLE-ZÉLANDE

Tour du monde en 80 rebonds

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Voici la chronique du tour du monde en 80 rebonds par Laurent Chiambretto, tennisman et voyageur.

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S P O RTT E N N I S

Photos : L. Chiambretto

LE TOUR DU MONDE

EN 80 REBONDS

Laurent Chiambretto est professeur de tennis àParis. Ces derniers mois, ila parcouru la planète pourvoir comment s’enseignaitet se pratiquait son sportfavori. Récit d’un carnet de voyage débutant par

la Nouvelle-Zélande.

Depuis l’instauration en 1968 de l’ère open réunissant ama-teurs et professionnels, le tennis s’est considérablement développé.Ils étaient à peine 91 pays représentés au sein de la Fédération Internationale de Tennis dans les années 70. Ilssont plus de 200 aujourd’hui.Les passionnés de ce jeu sont ainsi de plus en plus nombre u xà s’extasier devant les exploits de Federe r, à vouloir imiter lescoups droits de Nadal ou à simplement rêver d’un destin dec h a m p i o n .Sur notre sol, les conditions sont souvent réunies pour permet-t re à un enfant doué d’envisager une carr i è re professionnelle ousimplement lui faire pratiquer ce sport dans des conditions idéa-les. Mais qu’en est-il ailleurs? Comment est vécu et pratiquéce sport aux quatre coins de la planète?D’Auckland à Buenos Aires en passant par Pékin ou Bamako,venez découvrir et re n c o n t rer le monde de la petite balle jaune!

1 . LA NOUVELLE-ZÉLANDE

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La pre m i è re étape de ce voyagenous amène dans le Pacifiquesud sur les terres sauvages néo-z é l a n d a i s e s .Dans ce pays écrasé culture l l e-ment par le ru g b y, le tennis ra-masse les miettes. C’est biensimple, dans les quotidiens na-tionaux, neuf pages sport i v e ssur dix sont consacrées au bal-lon ovale. La dern i è re re l a t esuccinctement l’actualité desa u t res disciplines. Cette dispa-rité se re t rouve également dansl ’ o c t roi des crédits financiers.Le rugby se taille la part du lionet il ne reste que des budgetsmodestes alloués par l’Etat auxa u t res fédérations. Et ce n’estque le début du phénomène. Aquelques semaines de la coupedu monde en France, l’ “ovali-sation” des esprits n’a pas finide monter en puissance !La seule lueur d’espoir seraitqu’un champion intern a t i o n a léclose et fasse un peu d’ombreaux omniprésents All Blacks.

Le tennis n’en est malheure u s e-ment pas là. Peu de joueurscompétitifs ou de résultats si-gnificatifs. D’ailleurs, cela faitvingt ans qu’aucun exploit kiwin’est à signaler. Qui se souvientd’ailleurs de Chris Lewis, fina-liste à Wimbledon en 1983 faceà McEnro e ?La fédération nationale bapti-sée “Tennis New Zealand” s’estévidemment posée la questionde savoir ce qui lui faisait stru c-t u rellement défaut par rapportà ses homologues euro p é e n n e sou américaines. Elle a donc en-t repris un gros travail de re m i s een question pour finalementcalquer son organisation intern esur le modèle des grandes na-tions tennistiques avec notam-ment la mise en place d’un ap-p rentissage théorique et prati-que pointu pour les entraîneurs,le lancement de nombre u s e scompétitions jeunes (tourn o i so fficiels, interclubs, champion-nats scolaires) et l’élaboration

NOUVELLE-Z E L A N D E

recherche championdésespérément...

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d’un nouveau système de clas-sement (nommé Top Dog)adapté à tous les niveaux.Malgré cela, le nombre dejoueurs réussissant à percer et àdevenir professionnels reste dé-r i s o i re. Pour beaucoup de mesinterlocuteurs, l’isolement dupays jouerait en défaveur decette éclosion. Il faudrait queles jeunes néo-Zélandais puis-sent aff ronter plus fre q u e m m e n tles meilleurs espoirs mondiaux.M a l h e u reusement, le budget dela fédération permet rare m e n td’envoyer ses meilleurs élé-ments sur le sol européen ouaméricain. A l’inverse des jeunes espoirsSuisses ou Français qui s’ague-rissent dans les plus grandst o u rnois internationaux, la Nou-

velle-Zélande se contente d’or-ganiser annuellement des re n-c o n t res avec son voisin Austra-lien qui, lui-même, peine deplus en plus à trouver des suc-cesseurs à ses légendes d’autre-fois (Rod Laver, Ken Rosewall,Roy Emerson et Marg a re tC o u rt). Leyton Hewitt est ac-tuellement le seul Australien àf i g u rer encore dans la sélectiondes cent meilleurs joueurs auclassement AT P. La Nouvelle-Zélande, elle, n’en compte au-cun. Sportivement parlant, lepays est donc à la traine. En revanche, sous d’autres as-pects, il ferait plutôt figured’exemple. Les grands clubssont en effet très bien armés surle plan commercial. Dans le di-re c t o i re, le responsable sport i f

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p a rtage son pouvoir avec le di-recteur marketing chargé du“business”: Recherche dessponsors, organisation d’événe-ments, gestion du magasin, par-tenariat avec les grandes mar-ques. En outre, ces académiesn’hésitent pas à investir dansdu matériel technologique der-nier cri.Très à la mode dans les séancestechniques, un dispositif vidéoavec caméra et ordinateur estinstallé au bord du terrain. Pre-nons l’exemple d’un atelier“ s e rvice”. Chaque élève sert àtour de rôle. La caméra enre-g i s t re l’action qui sera littérale-ment disséquée par le logicielune minute plus tard. Cela per-met de visualiser à chaud cha-cun des gestes. L’ e n s e i g n a n t ,par le biais de l’image, décom-pose son mouvement et com-munique, avec le support d’ou-tils de dessins, sur les corre c t i f sà apport e r. Il superpose ensuite

sur les mouvements de son élèvecelui d’un grand champion pourcrédibiliser un peu plus son in-t e rvention. Ce système vidéo per-met en effet de facilement com-biner deux évolutions distinctessur la même image.Quelque soit leur niveau de pra-tique, ces entraînements hebdo-m a d a i res captivent vraiment lesplus jeunes qui sont ainsi dansune réceptivité et une concen-tration optimale durant toute laséance. Dans une époque ou leroyaume de l’image (télévision,jeux vidéos, internet) est omni-présent, ce support permet àl’enfant de se re t rouver dans une n v i ronnement qu’il connaît etapprécie. Le travail pédagogiquede l’enseignant s’en trouve boni-fié et du même coup, les joueurssont fidélisés grâce au côté “fun”et à l’originalité de la séance.

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Ces clubs n’hésitent d’ailleurspas à inventer des conceptspour développer leur clientèle.Le tennis “Aerobic” a été ainsiconçu il y a quelques annéespour séduire un nouveau seg-ment de consommatrices. Lesséances se déroulent chaqueaprès-midi durant soixante mi-nutes. Une vingtaine de part i c i-pantes, dont l’âge varie entrequarante et soixante ans, sontréunis sur trois terrains avect rois professeurs diff é re n t s .Rythmés par une sono assour-dissante, les élèves eff e c t u e n tdes gammes de coups sur cha-que atelier de vingt minutes.La priorité est mise sur la répé-tition des gestes, les rotations ra-pides, le rythme soutenu, l’alter-nance avec des mouvements defitness et seulement une ébau-che d’enseignement technique.Ce concept commercial perm e td ’ a t t i rer une nouvelle clientèle

féminine au départ portée sur lac u l t u re du corps et qui pourr aensuite venir grossir les eff e c t i f sdu club. Comme ce public estf o rmé principalement de re t r a i-tées ou de femmes au foyer, celap e rmet également aux ensei-gnants du club de travailler enj o u rn é e .

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Donc, pas de champion en Nou-velle-Zélande, mais beaucoup d’in-novations et de pratiquants! Cettespécificité s’explique peut-être aussipar un cadre de vie vraiment idyl-lique et une culture sportive essen-tiellement basée sur le bien-être etla santé sans notion de compéti-tion ou d’affrontement. Dans cecontexte, le tennis reste considérécomme un joli sport de récréationà pratiquer en famille et seulementpour le plaisir. Un nouveau seigneur de la ballejaune censé décrocher les anneauxde la gloire internationale n’est doncpas près d’arriver !Une gloire qu’aimerait bien toucherdu doigt la Chine, notre prochain re-p o rtage, et les instances du tennislors des prochains Jeux Olympi-ques de Pékin 2008. En effet, tout letravail mis en place depuis quel-ques années sera uniquement jugésur le nombre de médailles rappor-tés au pays !

N o u v e l l e - Z é l a n d eS u p e rficie : 270.534 km24 107 000 habitants8ème sport nationalClassement mondial du meilleur joueur : n°495Classement mondial de la m e i l l e u re joueuse : n°156

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Photos : L. ChiambrettoLE TOUR DU MONDE

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L a u rent Chiambre t t onotre baroudeur, est pro-fesseur de tennis à Paris.

Ces derniers mois, il a par-couru la planète pour voircomment s’enseignait etse pratiquait son sportfavori. Il nous amène

aujourd’hui en Chine aucœur de Pékin.

2 . LA CHINE

Après une première escale Néo-Zélandaise nous montrantun tennis essentiellement basé sur le loisir et le bien-être,nous changeons littéralement de monde pour nous retrouver,au sein de l’Asie du Nord-Est, dans une Chine complète-ment absorbée par la perspective des prochains JeuxOlympiques de Pékin.

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Ce n’est un secret pour per-sonne, la Chine compte faire dePékin 2008 une manifestationgrandiose et montrer ainsi sonplus beau visage à la face dumonde. Au niveau sportif, cetteobjectif passe nécessaire m e n tpar une domination au classe-ment des médailles. La pre s-sion est donc considérable pourles dirigeants et les athlètes dechaque discipline. Ils saventbien que tout le travail mis enplace depuis quelques annéessera uniquement jugé sur len o m b re de médailles et de titre squ’ils récolteront. La ballejaune ne fait pas exception à larègle. Ce sport est en pleinee ff e rvescence depuis quelquesannées. D’ailleurs, l’utilisationdu mot sport traduit peu la réa-lité. En effet, on devrait plutôtparler de phénomène social.Dans une culture qui accord eune grande importance au « p a r a î t re », le tennis tro u v e

p a rfaitement sa place: il person-nifie la réussite ! Tous ceux quipeuvent se le perm e t t re se doi-vent désormais de s’adonnerquelques heures par semaine àce passe-temps chic et pre s t i-gieux. Mais pratiquer ce sportcoûte cher. Très cher même.Une heure de pratique indivi-duelle vaut 20 dollars, soit leq u a rt du salaire mensuel d’untravailleur moyen. Et les autre s ?Pour eux, le boom du tennis lesréduirait plutôt à un rôle des p e c t a t e u r. Depuis la médailled’or du double féminin Li Ti n get Sun Tian aux derniers Jeuxd’Athènes et l’implantation duMasters à Shangai, chacun sepassionne pour ce jeu et l’onéchange volontiers des considé-rations savantes sur les chancesdes uns et des autres tout aulong de la saison. Les re n c o n-t res à la télévision deviennentégalement part i c u l i è re m e n ts u i v i e s .

L’EMPIRE DU

MILIEU SE

PASSIONNE POUR

LA BALLE JAUNE

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En quelques années, le tennisest devenu le troisième sport leplus diffusé après le football etle volleyball (705 heures de ten-nis à la télévision en 2002 etplus de 2500 heures depuis2 0 0 4 !). Reste à constru i re desc o u rts. Pékin, la capitale abri-tant 13 millions d’habitants,compte en effet moins de 100t e rrains couverts. Pour cela, ona mis en place un pro g r a m m edémesuré “à la chinoise” quiprévoit par exemple lac o n s t ruction de quelque 2500nouveaux courts par an! Au niveau des entraînements,le travail se fait très souvent aupanier sous la forme de gam-mes précises pour une automa-tisation maximale. La granded i ff é rence avec notre moded’enseignement réside dans lestatut de l’entraîneur et la façonde communiquer avec ses élè-ves. Ou plutôt de ne pas com-m u n i q u e r. Le coach chinois secontente en général de dirigerses troupes dans un esprit qua-siment militaire. Il donne sesconsignes puis explique legeste. Ensuite, il n’interv i e n tplus du tout oralement. Niconseil, ni encouragement. Laconvivialité et l’humour ne fontmanifestement pas partie de

l’arsenal éducatif. Quant auxjoueurs, ils semblent unique-ment concentrés sur la répéti-tion d’un même mouvement.Personne ne s’exprime. Tout sed é roule dans un lourd silenceque vient seulement troubler leb ruit des balles. Après la leçon,le travail continue. Avec leconcours d’un part e n a i re ouc o n t re un mur d’entraînement,les élèves se re t i rent sur d’au-t res terrains et répètent inlassa-blement leurs gammes decoups droits et de revers plu-sieurs heures d’aff i l é e ! Ici,cette forme de persévérance quifrise l’acharnement ne sur-p rend personne. Question detradition: le jeune Chinois doittoujours être le meilleur danstout ce qu’il entre p rend. Qu’ils’agisse de sport ou d’études, ilsubit une forte pression fami-liale qui s’explique vraisembla-blement par la politique de l’en-fant unique. Mais le résultat estc o n s t e rnant. La notion de plai-sir a complètement disparu .Seul un sentiment de devoirsemble guider ces enfants quic h e rchent tous à se distinguerpar des dispositions mentalestrès solides et une abnégationtotale. Pas sûr que cela crée desc h a m p i o n s .

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Il semble d’ailleurs que le régimes’en rende compte. Depuis quel-ques années, tout a changé dansl’entraînement des élites répart i e sdans les diff é rentes académies dupays. Auparavant, ces joueursétaient placés sous la tutelle del’Etat et étaient confiés à des for-mateurs autodidactes plus ou

moins compétents, sansf o rmation part i c u l i è re, etauxquels il était form e l l e-ment interdit de s’ouvriraux méthodes étrangère sd’enseignement. Chaqueentraîneur avait alors à sadisposition un groupe ouune équipe et appliquaitun programme unique etf o rmaté sans tenir comptele moins du monde desbesoins spécifiques dechaque joueur. Face aumanque de résultats, lesresponsables ont comprisqu’il devenait indispen-sable de changer de poli-tique. Dans un pre m i e rtemps, ils ont commencéà détacher un coach indi-viduel par espoir.Ensuite, ils ont re c ru t é

sur le marché international. En2001, la société “Sport MarketingUSA” signait un accord avec laFédération chinoise prévoyantl’embauche de spécialistesAméricains de premier plan pouraiguiller et former les entraîneurschinois. Cette alliance tennistiquee n t re ces deux pays s’est soldéepar la nomination d’un Américaincomme responsable technique etpar l’envoi des meilleurs espoirsnationaux dans les camps d’entraî-nement aux Etats-Unis (jusqu’à 40semaines par an). Aujourd’hui, onre t rouve des coachs américains àtous les postes-clé dans les pro v i n-ces Chinoises. Plus récemment, ilsont été rejoints par d’autres en pro-venance essentiellement d’Euro p ede l’Est et d’Espagne. Depuis peu,le gouvernement Chinois a égale-ment décidé d’intro d u i re le tennisdans les cours des écoles secon-d a i res pour vulgariser ce sport .P rofitant de cette opportunité, lafédération nationale projette d’or-ganiser des tournois dans toutesles écoles concernées afin desélectionner les meilleurs joueurset les inclure rapidement dans unp rogramme d’entraînement.

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L’ITF (Fédération Intern a t i o n a-le de Tennis) voit plutôt d’untrès bon œil cette ouvert u re versun marché potentiel et juteuxd’un milliard d’individus. Ellep a rticipe activement à des “cli-nics” (séminaires) pour la for-mation des joueurs et des nou-veaux coachs chinois.Et les premiers résultats com-mencent à tomber. Nous avonsévoqué la médaille d’or auxd e rniers Jeux Olympiques.Soulignons aussi la présencede l’équipe féminine dans leg roupe mondial de la FedCup. Et ce n’est pas tout. A cej o u r, trois Chinoises figure n tdans les soixante pre m i è re smondiales. Les hommes souf-f rent grandement de la compa-raison. Le meilleur joueur chi-nois flirte en effet aux alen-tours de la 500e place mon-diale, et l’équipe de CoupeDavis s’est fait battre parTaiwan. Elle devra pro c h a i n e-ment battre le Kazakhstanpour éviter la relégation dansle groupe 2. Pragmatiques, lesdirigeants chinois tiennentcompte de cette disparité au

moment d’établir leur budget.On sait en effet que la form a-tion d’un jeune championp rend entre quatre et huit ans.O r, les Jeux sont proches. Ilsont donc décidé de consacre rla totalité des fonds financiersau tennis féminin plus suscep-tible d’engranger des médail-les. Le but avoué est de dispo-ser dans un futur proche d’unevéritable ribambelle de jeunesjoueuses, pour ainsi dire inter-changeables, sur le modèlerusse (six joueuses classéesp a rmi les quinze meilleure smondiales). Un objectif ambitieux qui n’ef-fraie pas l’Argentine, notrep rochain re p o rtage. Avec déjà5 joueurs classés parmi les 30p remiers mondiaux, cettenation étonne et obtient d’ex-cellents résultats, principale-ment sur terre battue. Nouse s s a i e rons d’en connaître lesraisons.

C H I N ES u p e rficie : 9.574.479 km21, 242 milliards d’habitants5è m e s p o rt nationalClassement mondial du meilleurjoueur : n°512Classement mondial de la m e i l l e u re joueuse : n°20

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Photos : L. ChiambrettoLE TOUR DU MONDE

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L a u rent Chiambre t t onotre baroudeur, est

professeur de tennis à Paris. Ces derniers mois, il a parcouru la planète pourvoir comment s’enseignait et se pratiquait son sport

favori. Il nous amène aujourd’hui en Argentine au pied de la cordillère

des Andes.

3 . L’ A R G E N T I N E

Après une précédente escapade en Chine nous décri-vant le portrait d’un tennis « effervescent » avantl ’ h e u re du jugement olympique, nous changeons decap pour nous re t rouver en Amérique du sud dans uneA rgentine, fière du parcours de ces joueurs, malgré uncontexte économique diff i c i l e .

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En débarquant à Buenos Aire s ,une question me taraudait l’es-prit: comment ce pays arr i v e - t - i là pro d u i re tant de bons joueurs,s u rtout sur terre battue, alors qued ’ a u t res fédérations financière-ment plus puissantes sont loind’égaler de telles perf o rm a n c e s ?Une partie de la réponse résidep robablement dans l’histoire dutennis argentin. Dans les années70, cette discipline a vu débar-q u e r, surgi de nulle part, un hé-ros au physique avantageux,G u i l l e rmo Vilas. La discipline asubi alors une importante pous-sée médiatique et il a fallu pre s-que vingt ans d’eff o rts pour quel’Association Argentine de Te n-nis (AAT) gère de manière eff i-cace les retombées de ce succès.Au demeurant, ceci a perm i sl’avènement de nouveaux talentscomme Gabriela Sabatini ou, àun niveau moindre, Albert oMancini. Ensuite, ce fut la dé-ferlante. Le tennis argentin peuts ’ e n o rgueillir de compter den o m b reux joueurs parmi lesmeilleurs mondiaux comme il y

a quelques temps Gaudio (Ro-l a n d - G a rros 2004), Coria (ancienn u m é ro 3 mondial) ou actuelle-ment Nalbandian (Masters 2005),Chela, Canas et Monaco (tousq u a t re classés dans le top 25).D’ailleurs, les chaînes de télévi-sion n’hésitent plus à re t r a n s-m e t t re les tournois ATP où lesA rgentins s’illustrent et les nom-b reux re p o rters rivalisent d’élo-ges dithyrambiques pour leurs «conquistadors » nationaux. To u tcela participe évidemment à l’en-gouement prononcé des jeunespour ce sport, malgré un coût re-lativement élevé. A la fin des an-nées 90, on a d’ailleurs cru quela crise économique aurait rai-son de sa pratique. A cette épo-que, l’Argentine payait les err a n-ces d’une politique dictée par leFonds Monétaire Intern a t i o n a l(FMI) ce qui se solda notammentpar une forte dévaluation de lamonnaie locale. L’achat d’une ra-quette devenait un investisse-ment conséquent dans le budgetdes ménages puisque les diff é-rents modèles en provenance des

L’ARGENTINE :

SOLIDARITÉ ET

DÉTERMINATION

AVANT TOUT...

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Etats-Unis étaient vendus aucours du dollar et que celui-ciétait passé en quelques annéesd’un index de parité (un peso =un dollar) à un taux de changenettement défavorable (trois pe-sos = 1 dollar). Alors, plutôt qued’assister impuissante à son pro-p re eff o n d rement, la fédérations’est organisée de manière eff i-cace. Pre m i è re décision : danschaque tournoi, on prélèveraitd é s o rmais 20 à 50% des som-mes engagées pour alimenter unfonds de développement qui per-mettra aux joueurs les plus dé-munis de poursuivre leur form a-tion. Le cas échéant, on leur prê-tera également l’indispensableraquette. Des modèles en plasti-que ont même été construits etdistribués pour répondre à laf o rte demande. Le rendu n’estpas exceptionnel. Mais cela suf-fit pour démarre r. Le jeunejoueur qui montre des disposi-tions intéressantes à l’entraîne-ment pourra se voir proposer uneaide financière. Ainsi, cert a i n e smunicipalités participent àl’achat de l’équipement pour lesenfants des classes défavorisées.Ensuite, si les résultats sont pro-metteurs, une collaboration se

met en place avec les membre sdu club qui investissent alors dessommes d’argent parfois consi-dérables pour payer l’entraîne-ment, l’équipement et les fraisde transport. Il s’agit d’une sort ede pari sur l’avenir. Les finan-ciers tablent sur une rétributionqui peut être très intére s s a n t epuisque les prix éventuellementgagnés par le joueur dans lest o u rnois sont ensuite part a g é sselon la mise initiale de chacun.A u t re particularité : la très bonneo rganisation générale des compé-titions (essentiellement sur terrebattue) qui attire un nombrec roissant de personnes venantaussi bien participer que re g a r-d e r, converser ou s’imprégner del ’ e n v i ronnement général. Lejoueur qui vient de finir sonmatch, restera souvent sur placeattiré par l’eff e rvescence joyeuseet l’extrême convivialité (anima-teur permanent, ambiance musi-cale, espaces de jeux pour les en-fants et barbecue géant venantc l ô t u rer chaque journée). A lafin de chaque compétition, leclub organisateur et la ligue bé-néficient alors de bonnes re t o m-bées médiatiques qui favorisentles nouvelles vocations.

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Le tennis argentin repose égale-ment sur la débrouille et l’en-traide à tous les échelons de sono rganisation. Durant les compé-titions de jeunes, les part i c i p a n t s ,venus de provinces éloignées,sont régulièrement invités à man-ger et à dormir dans la “casa” deleurs futurs adversaires. Des ami-tiés se créent et, dans l’ensemble,il règne autour des compétitions,une atmosphère très diff é re n t ede celle que l’on re n c o n t re cheznous. Par exemple, je n’y ai pasvu ces mouvements de colère ,ces jets de raquette ou de tristescombats verbaux entre enfantset parents surexcités qui sontm a l h e u reusement notre quoti-dien en Europe. Les joueurs sem-blent entretenir des rapports cor-diaux et les joutes restent pro-fondément amicales. N’en dé-duisez surtout pas que les en-jeux sportifs passent au secondplan. Sur le terrain, il semble queles joueurs soient très conscientsdes eff o rts financiers consentis

par leur entourage (famille, club,mairie) et s’eff o rcent de se mon-ter à la hauteur des investisse-ments en adoptant un comport e-ment déterminé, appliqué et te-nace. Sans doute se berc e n t - i l saussi de rêves de promotion so-ciale, à l’image des idoles dont ilssuivent les exploits sur le petitécran. Au bout du compte, onest frappé par ce mélange d’ap-plication et de respect et l’onc o m p rend très vite que, dans cecontexte, le tennis n’est plus dutout considéré comme un simpled i v e rtissement. En suivant deslongs rallyes de fond de court, jeme suis dit que j’avais peut-êtresous les yeux les champions dedemain. J’ai alors voulu connaî-t re le point de vue des entraî-neurs argentins. La plupart semontraient assez sceptiques surla continuité des bons résultatsnationaux. Certains tenaientmême un discours franchementpessimiste. Ils m’ont expliquéque leur tennis se trouvait lui

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aussi confronté à un pro b l è m ede délocalisation. Les grandess t ru c t u res d’entraînement se si-tuent toutes autour de BuenosA i res, ce qui réduit fortement lap robabilité d’éclosion d’un nou-veau talent hors de la capitalesauf si les parents sont eux-mê-mes fortunés ou trouvent unmécène pour assumer le coût dela formation sans soutien fédé-ral. Pour résoudre ce pro b l è m e ,la fédération a récemment ou-v e rt huit centres en pro v i n c e .Mais des moyens financierst rop limités ne leur perm e t t e n tpas de tourner à plein régime.L’ a u t re gros problème découlede l’inégalité croissante de trai-tement entre les filles et les gar-çons. Sans représentation ausein de l’élite, le tennis fémi-nin est sous médiatisé et ne faitplus rêver les jeunes arg e n t i n e s(80% des compétiteurs sont ac-

tuellement de sexe masculin).En dehors de la capitale, lescompétitions réunissent sou-vent des plateaux faméliquescar les organisateurs se tro u-vent souvent en difficulté pourréunir un tableau de 8 joueuses.Celles qui persévèrent danscette discipline manquent doncc l a i rement de la plus élémen-t a i re des émulations et le tennisa rgentin re c h e rche désespéré-ment sa nouvelle Gabriela Saba-t i n i .Un désespoir qui est malheu-reusement bien ancré au Mali,n o t re prochain re p o rtage. En ef-fet, malgré les eff o rts de ses di-rigeants, le tennis peine à se dé-velopper et plonge petit à petitdans l’anonymat le plus com-plet. Nous tenterons d’en com-p re n d re les raisons.

A R G E N T I N ES u p e rficie : 2.780.400 km2 36 millions d’habitants700 000 pratiquants3e s p o rt nationalClassement mondial du meilleurjoueur : n°10Classement mondial de la m e i l l e u re joueuse : n°40

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S P O RTT E N N I S

Photos : L. ChiambrettoLE TOUR DU MONDE

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L a u rent Chiambre t t onotre baroudeur, est

professeur de tennis à Paris. Ces derniers mois, il a parcouru la planète pourvoir comment s’enseignait et se pratiquait son sport

favori. Il nous amène aujourd’hui au Mali dans

l’agitation colorée de Bamako.

4 . LE MALI

Après une dern i è re halte en Argentine nousmontrant toute la force d’un tennis nationalporté par la détermination et l’entraide, nouschangeons entièrement d’horizon pour atterriren Afrique de l’Ouest dans un Mali désire u xd’installer la petite balle jaune parmi les disci-plines majeure s .

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Actuellement, le tennis maliend e m e u re très en retrait par rap-p o rt aux autres disciplinescomme le football, le basket,l’athlétisme ou le judo. Pour-quoi ? Question d’image, sansdoute. Trop bourgeois. Trop éli-tiste. Trop cher ! Quelques chif-f res permettent de compre n d rep o u rquoi l’off re des clubs fait sipeu d’émules. La cotisations’élève à 50.000 Francs CFA paran (125 CHF) un montant jugéexorbitant par la majorité destravailleurs qui émargent à dess a l a i res mensuels du même or-d re... A titre de comparaison,une inscription dans un clubde foot ne coûte que 13.000F C FA (33 CHF). A ce prix trèsélevé, il faut également ajouterle coût de la raquette, des bal-les, des chaussures. On com-p rend donc mieux les réticen-ces. De ce fait, il n’existe quedeux clubs à Bamako et on re-cense à peine une dizaine det e rrains disséminés dans tout

le terr i t o i re. Nous avons visitéle TC Bamako : le club le plusp restigieux de la capitale (1 mil-lion d’habitants). Le jour de no-t re visite, les terrains étaient dé-s e rts et pour cause : l’école detennis ne tourne que les merc re-dis entre 16h30 à 18h30. En de-hors de ces périodes d’activité,on ne trouvera quasiment per-sonne. Le TCB est passé de 150a d h é rents il y a dix ans à unepetite trentaine actuellementdont un tiers d’expatriés. Lesinstallations partent en décrépi-tude : terrains cabossés, locauxpeu entretenus, matériel (ra-quettes et balles) intro u v a b l e .Pour l’instant, seule l’action dequelques (rares) bénévoles per-met au club de se maintenir envie. Mais les bonnes volontéscommencent à s’émousser. Unevisite à la fédération maliennenous a confirmé les grandes dif-ficultés rencontrées par la nou-velle équipe de dirigeants ré-cemment nommée à la place

SOS

D’UN SPORT EN

DETRESSE

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des anciens avec pour missionde développer et dynamiser ces p o rt. Ici comme ailleurs, la fé-dération a misé sur l’émerg e n c equasiment spontanée d’unjoueur talentueux en espérantque ce dernier serve de loco-motive et draine à son tour lesfoules vers le tennis. Dans cetteoptique, elle s’est décidée à en-voyer ses meilleurs re p r é s e n-tants dans les compétitions in-t e rnationales africaines tout ense donnant les moyens de par-ticiper régulièrement à la CoupeDavis. Un programme très am-bitieux pour une nation qui, àl’inverse de ses voisins ivoi-riens et sénégalais, ne possèdeaucun joueur de standing inter-national. Devant l’absencecriante de résultats, il a falludonc changer son fusil d’épauleet re c e n t rer sa politique sur lesjeunes. Grâce au soutien de lafédération internationale quia p p o rte 75% des fonds du pro-gramme, des instituteurs ont étéf o rmés au mini-tennis (1) en2003. Depuis lors, ils ensei-gnent cette activité dans unet rentaine d’écoles primaires dela capitale. Depuis peu, le

concept a également été appli-qué dans d’autres régions pluséloignées de Bamako. Bien évi-demment, tout le monde espèreque ces initiatives débouchentsur de nouvelles vocations.D ’ a u t res décisions ont égale-ment été prises comme distri-buer du matériel aux vain-queurs de tournois ou autori-ser le port de sandalettes à laplace des chaussures de sportpour alléger les dépenses. Lesdirigeants maliens espèrent àprésent imiter le modèle came-rounais. Ces derniers ont signéen 2004 une convention d’assis-tance et de partenariat avec laFédération Française afin de re-cevoir du matériel, de mieuxf o rmer leurs entraîneurs et decréer une passerelle pour en-voyer les meilleurs jeunes dansles ligues ou certains clubs fran-çais. Plus tard, on s’eff o rc e r ad’enrichir le calendrier de lapetite balle jaune qui se résumepour l’instant au seul tourn o ii n t e rnational sur le sol maliennommé «Prize Money » et danslequel se re t rouvent tous lesmeilleurs représentants del’Afrique de l’Ouest.

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Dans cette optique, le chef dug o u v e rnement, pratiquant as-sidu de ce sport, vient de pro-m e t t re la tenue d’une nouvellecompétition humblement inti-tulée « le tournoi du pre m i e rm i n i s t re ». L’évènement de ré-f é rence reste toutefois le Cham-pionnat national. Toujours trèsbien médiatisé. Ainsi, chaqueannée, on distribue six titre smasculins (simple et double se-niors, vétérans, cadets, mini-mes et depuis peu benjamins)et un seul chez les femmes(simple dames). De fait, ces der-n i è res sont plutôt rares sur lest e rrains de sport. Elles ne re p r é-sentent guère plus de 20% del’ensemble des affiliés et àpeine 10% dans les catégoriesd’âge. Là encore, l’explicationserait culturelle et fort e m e n timprégnée des discriminationssexistes en Afrique de l’Ouest.Très tôt, les jeunes filles doi-vent participer aux travaux do-mestiques et ne disposent pasdes mêmes loisirs que les gar-çons. La politique du pays ga-rantissant des chances égales

de participation et d’implica-tion dans une activité ludiquen’est ainsi pas souvent re s p e c-tée. Quant à celles qui échap-pent à ce déterminisme, elless’orientent plus souvent versle basket-ball qui, à l’image dufootball pour les garçons, de-m e u re plus abordable financiè-rement mais également bienplus populaire .Un manque de popularité quin’est pas du tout à l’ord re dujour en Belgique, notre pro-chain re p o rtage. En effet, lesf o rmidables résultats du tan-dem Justine Hénin- Kim Clijs-ters ont propulsé la petite ballejaune sur le devant de la scènemédiatique. Après une longuepériode d’anonymat, le tennisbelge est en plein âge d’or.Nous essaierons d’en compre n-d re les raisons.

(1) Le mini-tennis est une activité pré-p a r a t o i re au tennis destinée aux 5-6ans. Il permet la découverte du jeugrâce à des aménagements du terr a i n ,à des raquettes et à des balles adap-tées permettant de mettre le tennis àp o rtée de l’enfant.

M A L IS u p e rficie : 1.240.198 km2

12 millions d’habitants7è m e s p o rt national

Aucun joueur, ni joueuse au classement mondial

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S P O RTT E N N I S

Photos : L. ChiambrettoLE TOUR DU MONDE

EN 80 REBONDS

L a u rent Chiambre t t onotre baroudeur, est

professeur de tennis à Paris. Ces derniers mois, ila parcouru la planète pourvoir comment s’enseignaitet se pratiquait son sportfavori. Il nous amène au-

jourd’hui en Belgique au cœur d’un tennis également concerné

par les divisions communautaires.

5 . LA BELGIQU E

Après une précédente escale malienne nous décri-vant un tennis peu populaire au coût très élitiste,nous revenons en Europe pour nous re t rouver dansune Belgique, fière de ces résultats malgré le chocprovoqué par la retraite surprise de Justine Hénin.

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Avec le tandem Clijsters-Héninqui pointait aux pre m i è res placesde la hiérarchie mondiale, le ten-nis belge a vécu un rêve éveillé.Jamais auparavant si petite na-tion (10,5 millions d’habitants)n’avait accumulé autant de vic-t o i res : 8 grands chelems, 4 Mas-ters, 1 Fed Cup, 1 titre olympiqueet plus de 70 tournois WTA en-t re 2000 et 2008 ! Chez les gar-çons, la situation est nettementmoins exceptionnelle. Mais, avecla génération formée par desjoueurs comme Xavier Malisse,les frères Rochus et Steve Darc i s ,le pays compte de solides re p r é-sentants souvent classés parm iles 100 meilleurs mondiaux.Grâce à cette belle brochette dechampions, le tennis est devenu,au fur et à mesure, le sport leplus médiatisé du royaume, der-r i è re l’incontournable football.Tous ces exploits ont évidem-ment encouragé les vocations etde nouveaux pratiquants sontvenus gonfler les effectifs desécoles de tennis. Mais ce ne futpas le raz-de-marée auquel onaurait pu s’attendre. Pour quelleraison ? Sans doute est-ce lié aucoût relativement élevé des ins-criptions (200 euros enmoyenne). Il faut savoir que lesclubs belges tournent de plus enplus sur capitaux privés. En clair,ils fonctionnent comme des en-t reprises et doivent re n t a b i l i s e rdes investissements assez lourd s

consentis dans l’infrastru c t u re etl ’ e n c a d rement. Pour cela, ils ten-tent de développer des activitésen marge du tennis, comme lebridge, le squash, le hockey surgazon ou la restauration. De nom-b reuses soirées sont ainsi org a n i-sées tout au long de l’année et lesclubs se transforment en un vé-ritable lieu de vie où l’on se re n-c o n t re dans un cadre souventconvivial et accueillant. Au-j o u rd’hui, les plus modestes tour-nent avec des effectifs de 200-300 adhérents. Dans la capitale,ces chiff res peuvent être dou-blés, voire triplés. Globalement,leur situation financière est assezsaine. Comme souvent dans cepays, les problèmes se re n c o n-t rent plutôt sur le terrain politi-que. La Belgique traverse actuel-lement la plus grande crise deson histoire. Les Flamands, ma-j o r i t a i res dans le pays, veulentdavantage d’autonomie, voire àt e rme leur indépendance tandisque Wallons et Bruxellois, plusdéfavorisés économiquement,restent viscéralement attachés àun état central fort. Il faut savoir,en effet, que la Belgique est com-posée de trois régions (Flandre ,B ruxelles et Wallonie) et de tro i scommunautés linguistiques(néerlandophone, francophone,g e rmanophone). Cela fait déjà 6g o u v e rnements (1) auxquels ilfaut évidemment ajouter une re-présentation nationale appelée

L’AGE D’OR

DU TENNIS

BELGE

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“ G o u v e rnement fédéral”. Unedes conséquences visibles de cem o rcellement des pouvoirs a étéla scission des fédérations spor-tives. Du moins celles qui vou-laient conserver leurs subven-tions. Ainsi, la Fédération RoyaleBelge de Tennis (FRBT) est diri-gée par une association franco-phone (AFT) et une associationnéerlandophone (VTV) totale-ment indépendantes au niveaupolitique et budgétaire mais quidoivent néanmoins composerl’une avec l’autre pour chaquedécision qui engage la belgiquesur le plan international. Et cen’est pas toujours facile. Parexemple : on n’utilise pas les mê-mes méthodes d’enseignementpour les compétitions. Ainsi, lesFlamands re c o u rent à l’utilisa-tion d’une balle interm é d i a i re(2) entre le mini-tennis (3) et lepassage sur grand terrain. Pas lesWallons. A l’inverse, l’AFT uti-lise la balle en mousse (4) pourf a i re débuter les enfants en tour-nois. Pas la VTV. Mais les résul-tats sont au rendez-vous ! La ri-valité des fédérations pousse cha-cun à se surpasser. Et la compé-tition s’exerce aussi entre géné-rations. Les chiff res parlentd’eux-mêmes. Chez les dames,la voie a été ouverte par SandraWa s s e rman qui fit irruption dansle top 50 à la fin des années 80.

Dominique Van Roost-Monamiet Sabine Appelmans s’installè-rent dans le top 20 au cours de ladécennie suivante. L’ a p o t h é o s efut ensuite atteinte avec JustineHénin et Kim Clijsters qui s’em-p a r è rent respectivement du trônede reine mondiale. Pour les hom-mes, la pro g ression est semblablesi l’on fait abstraction de la placede numéro 1 mondial qui consti-tue une sorte de consécration ab-solue et à laquelle aucun Belgen’a encore pu prétendre. Oncompte une finale jouée sur lec i rcuit ATP avant 1995. Quatree n t re 1995 et 1999. Et mainte-nant vingt-deux depuis l’an2000. Le tennis belge a décidé-ment le vent en poupe et de nou-veaux tournois voient le jouravec l’argent des sponsors et desinvestisseurs privés. Bref, toutva bien dans le meilleur desmondes ! Le secret de cette réus-site ? Peut-être est-ce lié au sys-tème de dépistage mis très rapi-dement en place par les instan-ces nationales grâce principale-ment au mini-tennis ? Pre n o n sl’exemple des francophones. Ilso rganisent beaucoup d’événe-ments pour les enfants. Entre 6 et8 ans, ceux-ci sont invités pourdes week-ends d’animation. Onfait des petits tournois sur dest e rrains de 12 x 5,5 mètres avecdes balles en mousse. On en pro-

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fite aussi pour proposer des testsphysiques de dépistage. Les cho-ses deviennent ensuite plus sé-rieuses. Les premiers tourn o i so fficiels ont lieu dans chaque ré-gion, suivis d’une phase finale auniveau des ligues. Cette habituded ’ o rganiser des re n c o n t res déjàc h a rgées d’enjeux explique sansdoute le succès des petits Belgeslorsqu’il leur arrive de jouer àl ’ é t r a n g e r. Ils font souvent figurede terreurs dans leurs catégoriesd’âge. Les 8-9 ans passent en-suite sur des terrains légère m e n tplus grands (18 x 6,5 mètre s )avec des balles souples (5). Ap a rtir de 10 ans, on se lance surgrand terrain avec des balles du-res. L’adaptation se fait assez fa-cilement et, à chaque étape deson parcours, l’enfant conserve lavariété des coups développéslors de son apprentissage. Cettefaçon de faire demeure sansconteste la marque de fabriquedu tennis belge. Elle favorise lesens du toucher dans toutes lessituations de jeu, ce qui perm e tà des joueurs comme Justine Hé-nin ou les frères Rochus de com-penser un sérieux handicap detaille. Le terrain de 18 mètres delong favorise aussi la prise d’ini-

tiative, à l’inverse du terrain de24 mètres qui, chez des enfantsde dix ans, peut conduire à destactiques trop défensives. Ici, ilsont la possibilité de monter à lavolée sans risque de se faire sys-tématiquement lober. La préco-cité de l’apprentissage leur per-met aussi d’acquérir plus aisé-ment de bonnes habitudes tech-niques. Démonstration faite dusuccès de la méthode, la plupartdes nations ont adopté cet ap-p rentissage, ce qui pourrait mar-quer un recul de la Belgique dansla hiérarchie mondiale. Une réa-lité qui s’est soudainement ac-célérée depuis la retraite récentede son dernier joyau féminin.Une traversée du désert est à pré-voir durant quelques années àmoins qu’entre-temps, nos voi-sins belges trouvent le moyen dereconquérir leur avance. Une avance que ne possède plusl’Australie, notre prochain re p o r-tage. Cette puissance historique,qui dominait outrageusement letennis mondial jusqu’aux années1970, ne compte plus aucunm e m b re dans le top 50. Noust e n t e rons d’en compre n d re lesr a i s o n s .

B E L G I Q U ES u p e rficie : 30 528 km2

10,5 millions d’habitants187 000 pratiquants

2è m e s p o rt nationalClassement mondial du

meilleur joueur : n°59Classement mondial de

la meilleure joueuse : n°67

(1) Cinq en réalité, car les gou-v e rnements de la Région et de laCommunauté flamande ont fu-sionné pour former le VlaamseRaad (Le Conseil flamand)

(2) Balle de pression inférieureutilisée comme transition entre laballe souple et la balle dure.

( 3 ) Le mini-tennis est une activitépréparatoire au tennis destinéeaux 5 -6 ans. Il permet la dé-c o u v e rte du jeu grâce à desaménagements du terrain, à desraquettes et à des balles adap-tées permettant de mettre le ten-nis à portée de l’enfant.( 4 ) Balle très légère d’un diamè-tre supérieur à la balle tradition-nelle adaptée.

(5) Balle molle ayant un rebondbas adapté au mini-tennis

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S P O RTT E N N I S

Photos : L. Chiambrettoet Dimitri KozlinskiLE TOUR DU MONDE

EN 80 REBONDS

L a u rent C h i a m b re t t o

n o t re baro u d e u r, est p rofesseur de tennis à

Paris. Ces derniers mois,il a parc o u ru la planète pour

voir comment s’enseignait etse pratiquait son sport favori.

Il nous amène aujourd’hui au cœur de l’Australie, terre

des maîtres légendaires de la balle jaune.

6 . L’ AU S T R A L I E

Après une dern i è re halte en Belgique nousdécrivant l’incroyable réussite de son tennisnational, nous changeons d’hémisphère pournous re t rouver en Océanie dans une Austra-lie aux résultats faméliques et nostalgique desa splendeur passée.

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Pour bien mesurer l’ampleur de ladomination australienne à l’aubedes années 50, énumérons sim-plement l’impressionnant palma-rès des tennismen de l’époque : 4t o u rnois du grand chelem gagnéspar Lew Hoad, 8 par Ken Rose-wall, 11 par Rod Laver (1) et 12 parRoy Emerson. Et ce ne sont pas les

seuls à s’être distin-gués. Au final, entre1946 et 1976, 66 titre sdu grand chelem sur120 ont été re m p o rt é spar l’armada austra-lienne ! Cette supréma-tie a naturellement dé-bouché par une main-mise sans précédentsur la Coupe Davis. 15t i t res re m p o rtés parl’équipe nationale en-t re 1950 et 1967. Un

véritable raz-de-marée ! Le ten-nis féminin n’a pas été en re s t eégalement. Cette période a ainsivu l’émergence d’une des plusgrandes championnes de l’his-t o i re : Marg a ret Smith- Court, 24t i t res du grand chelem re m p o r-tés sur 48 tournois disputés (2) !Ces chiff res donnent le vert i g e .Ils témoignent du poids historiquede l’Australie sur la planète jaune.Mais les temps ont changé. La « mondialisation » a fait peu àpeu son apparition sur le circ u i t .De nouvelles nations ont émerg é .La concurrence s’est fort e m e n t

densifiée au fil du temps et cettedomination sans partage a finale-ment cessé. Depuis les années 80,le tennis australien-hommes etfemmes confondus- n’a plus re m-p o rté que 6 titres du grand chelem(le dernier en 2002). Et ce fléchis-sement ne cesse de se pro p a g e r.Ce sport traverse actuellement lapasse la plus difficile de son his-t o i re. L’équipe de Coupe Davis,battue cette année par le Chili, estr é t rogradée et quitte le gro u p emondial. Son chef de file Lley-ton Hewitt, ancien numéro 1mondial et souvent blessé, n’oc-cupe plus qu’une constern a n t e1 0 8e place mondiale... Mêmeconstat pour les filles. Aucunejoueuse ne figure parmi les 40m e i l l e u res mondiales. La situa-tion a rarement été aussi préoccu-pante pour le tennis australien.Quelles sont les raisons de ce dé-clin ? Une partie de la réponseréside probablement dans le stylede jeu traditionnellement préco-nisé dans les écoles australiennes: le service-volée. Tous les grandsjoueurs nationaux (Laver, New-combe, Cash, Rafter...) ont bâtileur palmarès grâce à cette filièrede jeu basée sur l’offensive et laprise rapide du filet. Depuis ledébut du millénaire, la donne ap o u rtant considérablement évo-lué. Le ralentissement des condi-tions de jeu s’est propagé aux 4coins du globe et l’évolution dumatériel a favorisé les re l a n c e u r s

L’AUSTRALIE :

GRANDEUR

ET DÉCADENCE

F red Stolle, Rod Laver, Marg a reth SmithYvonne Goolagong, John Newcombe, Lew Hoad & Ken Rosenwall

Mauly Seaside championsC o u rtesy SMH & Bruce Mackenzie

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et les joueurs de fond de court. Lapratique systématique du ser-vice-volée a ainsi quasiment dis-p a ru. Cette marque de fabriquenationale, devenue obsolète, adonc joué un rôle certain de ca-talyseur dans le déclin austra-lien. L’ a u t re raison de cette perte de vi-tesse se trouve sans doute dansla multiplication des activitéss p o rtives. En effet, le sport faitp a rtie intégrante du style de vieaustralien et de l’identité natio-nale. Favorisé par un climat pro-pice, des horaires aménagés etun niveau de vie élevé, « thelucky country » (3) p ropose unéventail de sports quasiment il-limité. La petite balle jaune subitdonc la féroce rivalité des sport sde haut-niveau comme le cricket,la natation ou le football austra-l i e n ( 4 ). Mais cela ne s’arrête paslà. L’attachement des Australiensà la nature et à l’enviro n n e m e n tse traduit également par un en-gouement prononcé pour toutesles activités « outdoor » (surf ,plongée, parapente, rafting...). Lac o n c u rrence est donc présentesur tous les fronts. Les jeunesaustraliens ont d’ailleurs ten-dance à privilégier ces activités« funs » aux horaires peu contrai-gnants et à l’investissement re l a-tif. La qualité de vie est telle dans

ce pays qu’on ne veut pas trop derestrictions dans son emploi dutemps. Un sport comme le tennisavec ses entraînements hebdoma-d a i res et ses nombreuses compé-titions attire donc moins les jeu-nes. Par conséquent, la constantebaisse du nombre de ses prati-quants n’est pas une réelle sur-prise (3% en moins cette année).Malgré tout, le public continue àg a rder un intérêt médiatique pro-noncé pour ce sport. Et cela d’unem a n i è re étonnante. Selon le der-nier rapport Sweeney ( 5 ), le tennisest, en effet, considéré comme les p o rt numéro 1 de la nation pourla pre m i è re fois depuis 17 ans !C’est une nouvelle très encoura-geante, voire inespérée pour letennis australien au vue des nom-b reuses difficultés qu’il traverse.Mais les dirigeants actuels saventque la petite balle jaune ne peuts u rv i v re indéfiniment commes p o rt majeur sans un singulier ef-f o rt sur les perf o rmances de haut-niveau. Ils ont donc mis en placede nouvelles réformes pour re-t rouver leur standing. Pre m i è redécision : développer une nou-velle stratégie de base afin d’en-courager les gens à re t o u rner à cejeu ou à le pratiquer pour la pre-m i è re fois. Cette campagne pu-b l i c i t a i re, diffusée dans tous lesmédias, propose d’aider les gens

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à trouver un court de tennis ainsiqu’un part e n a i re de jeu pour joueravec eux. L’objectif de la fédéra-tion nationale (Tennis Australia)est d’enrayer la baisse des prati-quants et d’encourager de nou-velles vocations chez les jeunes etmoins jeunes.A u t re changement : un investis-sement important dans la form a-tion et l’entraînement des athlètes.La fédération a mis en place desg roupes d’entraînement de topniveau pour perm e t t re aux meil-leurs de s’entraîner ensemble.Cinq académies nationales ont étéainsi créées dans les centres d’en-traînement d’Adélaïde, Brisbane,M e l b o u rne, Perth et Sydney (lesplus grands foyers du pays). Cha-que académie accueille mainte-nant ses meilleurs jeunes âgés de10 à 15 ans et dispose d’un entraî-neur national, employé par la fé-dération. En parallèle, Tennis Australia aaugmenté les tournois de qualitésur son sol. 28 tournois A.M.T(Australian Money To u rn a m e n t s )ont été ainsi introduits dans lepays et re g roupent les meilleursAustraliens. Ajoutés aux 23 tour-nois internationaux déjà existantsdans le pays, ils permettent à sesmeilleurs jeunes de continuer às ’ a g u e rrir au contact de la concur-rence et du haut-niveau. L’ e n c a d rement technique a égale-ment fait l’objet d’une nouvellepolitique. De nombreux anciensjoueurs australiens sont désor-

mais employés par la fédérationen tant que coachs salariés, entraî-neurs nationaux ou consultants.On privilégie ainsi l’expériencede ceux qui se sont confrontés auhaut-niveau pour encadre r, for-mer et diriger les nouvelles géné-rations. Et ce re c rutement n’a pasde fro n t i è res. Félix Mantilla, unEspagnol ancien n°10 mondial,vient d’être embauché comme en-traîneur à plein temps. Ses atouts?Il a enregistré ses meilleurs résul-tats sur terre battue, possède unescience certaine du jeu de fond dec o u rt et fait partie d’une nationcomptabilisant 9 joueurs classésdans le top 50 (dont le n°1 mon-dial). Soit tout ce qui fait cru e l l e-ment défaut à l’Australie... Au final, les dirigeants n’ont paslésinés sur les moyens pour re-c h e rcher et former de nouveauxtalents. L’objectif à moyen term eest d’ailleurs parfaitement expli-cite : (re)devenir la plus grande na-tion mondiale de tennis et faire vi-b rer à nouveau la population !Des sensations extraord i n a i re sque connaît déjà bien le Chili, no-t re prochain re p o rtage. Aprèsavoir formé le 1er joueur sud-amé-ricain n°1 mondial, le tennis chi-lien a off e rt au pays ses 2 uniquest i t res olympiques en 2004. Desrésultats étonnants au re g a rd de lac o n c u rrence qui sévit sur le cir-cuit mondial. Nous tentero n sdonc de compre n d re les raisonsde cette réussite.

S u p e rficie : 7.682.300 km2

21,3 millions d’habitants1e r s p o rt national

Classement mondial du meilleur joueur : n°108

Classement mondial de la meilleure joueuse : n°43

(1) Cette légende australienne tient uneplace très part i c u l i è re dans l’histoire dutennis. C’est le seul champion à avoir réa-lisé deux fois le grand chelem (c’est-à-diregagner les 4 tournois du grand chelem lamême année) en 1962 et 1969.( 2 ) A ce jour, elle détient le re c o rd absolude titres en grand chelem devant Steff iG r a ff (22 victoires). Elle a également réa-lisé un grand chelem en 1970.( 3 ) Un des surnoms de l’Australie. Onpeut traduire cette expression par « payschanceux » ou « pays béni ».( 4 ) Comme son nom l’indique, cette dis-cipline est originaire d’Australie. C’est uns p o rt collectif opposant 2 formations de18 joueurs sur un grand terrain ovale,avec un ballon ovale.( 5 ) C’est un rapport annuel donnant leclassement des principaux sports en Aus-tralie. Il est établi sur la participation, len o m b re de spectateurs et la couvert u redes médias

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S P O RTT E N N I S

Photos : L. ChiambrettoLE TOUR DU MONDE

EN 80 REBONDS

L a u rent C h i a m b re t t o

n o t re baro u d e u r, est professeur de tennis

à Paris. Ces derniers mois,il a parc o u ru la planète pourvoir comment s’enseignait et se pratiquait son sport

favori. Il nous amènea u j o u rd’hui au Chili dans un Santiago

m o d e rne et t u r b u l e n t .

7 . LE CHILI

Après une dern i è re escale en Australie nousdécrivant un tennis à la re c h e rche de sa gloirepassée, nous changeons d’horizon pour re v e n i ren Amérique du sud dans un Chili gonflé d’or-gueil par les prouesses olympiques de ses joueurs.

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2

Depuis la fin des années 90, malgrédes moyens financiers plus limitésque d’autres nations, le Chili conti-nue à étonner la planète tennis enobtenant d’excellents résultats chezles hommes. Jugez-en par vous-même. En 1998, son jeune espoirM a rcelo Rios accéda à la finale del’Open d’Australie, seulement battupar le Tchèque Petr Korda. Quelquesmois plus tard, il confirma sa pro-g ression et re m p o rta le tournoi deMiami contre André Agassi. Ce suc-cès lui permit alors de détrôner l’il-l u s t re Pete Sampras et d’accéder à laplace de n°1 mondial. Une consécra-tion totale puisqu’il devint égale-ment le premier sud-américain àa t t e i n d re ce rang ! D’ailleurs, à l’issuede cette perf o rmance, une fouleimmense se rassembla pour acclamerson nouveau champion. La suite desa carr i è re fut malheure u s e m e n tbeaucoup moins flamboyantepuisqu’il perdit rapidement sa placede leader mondial et n’arriva jamaisà re m p o rter un tournoi du grand che-lem ( 1 ). Cela ne l’empêcha pas aufinal de re m p o rter 18 tournois sur lec i rcuit et de rester une véritablelégende dans son pays ( 2 ). Au moment où il arrêta sa carr i è re ,la relève ne se fit pas attendre et per-mit même au sport chilien de vivreun moment exceptionnel. En eff e t ,lors des Jeux Olympiques 2004d’Athènes, Nicolas Massu et Fer-nando Gonzalez passèrent à la pos-

térité en re m p o rtant le double mes-sieurs. Ils off r i rent ainsi au peuplechilien la toute pre m i è re médailled’or olympique de son histoire !Quelques heures plus tôt, Gonzalezavait déjà réussi le tour de force d’ar-racher une médaille de bronze ensimple messieurs. Mais la belle his-t o i re ne s’arrête pas là. Le lendemain,Nicolas Massu, également qualifiépour la finale du simple, oublia lafatigue accumulée et réussit à décro-cher une deuxième médaille d’or àl’issue d’un combat homérique de 5sets contre l’Américain Mardy Fish.Le pays fut littéralement en liesse.Plusieurs milliers de personnes des-c e n d i rent dans les rues pour célébre rces retentissants exploits. A leurre t o u r, les héros défilèrent en busdécapotable dans les art è res de lacapitale avant d’être reçus par le pré-sident de la république. 10 000 per-sonnes se réunirent alors pour venirles acclamer devant le palais de laMoneda ( 3 ).Par la suite, Massu ne réussit jamaisà digérer sa double perf o rmance his-torique. Gonzalez devint alors le nou-veau chef de file. Une finale de grandchelem à l’Open d’Australie 2007( p e rdue contre Federer) et une présence régulière dans le top 15mondial lui conférèrent ce nouveaustatut. Un nouvel exploit faillit d’ail-leurs se pro d u i re lors des Jeux Olym-piques 2008 de Pékin. Fern a n d oGonzales ne s’inclina qu’en finale

F I E RTÉ

E T

R E C O N N A I S S A N C E

Page 31: Tour du monde en 80 rebonds

3sportsetloisirs.ch

c o n t re Rafael Nadal et obtint unes u r p renante médaille d’argent. Cefut encore la seule médaille re m p o r-

tée par le Chili ( 4 ). Elle lui valut d’êtreélu sportif de l’année par la presse deson pays. Cette année, Gonzales ae n c o re fait parler de lui en atteignantles demi-finales à Roland Garro s .Devant tous ces bons résultats d’en-semble, on pourrait donc en déduireque les formateurs chiliens ont réa-lisé un travail exceptionnel pour sor-tir ce trio magique. Il semblerait pour-tant que non. Il y a encore peu, toutle monde avait la possibilité de deve-nir professeur de tennis sans passerde formation. La législation et l’org a-nisation au niveau des diplômess’avéraient en effet inexistantes. Sou-vent, les anciens joueurs de compé-tition, les professeurs d’éducationphysique ou toute autre personnesachant bien manier la raquette deve-naient enseignants de tennis eta p p renaient les rudiments de leurp rofession comme autodidacte. Pouravoir une chance de devenir pro f e s-sionnel, il fallait alors se tourner versdes compétences étrangères. Ainsi,les résultats obtenus par les tennis-men comme Rios, Gonzalez et Massusont dus principalement aux initia-tives part i c u l i è res de chacun. Parexemple, le père de Fernando Gon-zalez a vendu sa maison pour s’ins-taller aux U.S.A avec sa famille afinque son fils puisse se former commetennisman. La même chose s’est pro-

duite avec Marcelo Rios. Son père ,un puissant homme d’aff a i res, le sou-tint d’un point de vue économique etl’envoya aux Etats-Unis pour qu’il aitla meilleure formation possible.Quant à Nicolas Massu, il améliorason jeu en étant envoyé fréquem-ment dans des camps d’entraîne-ment américains et espagnols. Sansces initiatives personnelles, il estp robable qu’ils n’aient pas été pro f e s-sionnels, ou tout au moins, qu’ilsn’aient pas réalisé la même carr i è re .En tout cas, la belle réussite de cesjoueurs a propulsé le tennis à unniveau de popularité jamais atteint.Une notoriété, certainement ampli-fiée par le manque de résultat desa u t res disciplines. En effet, l’équipenationale de football (sport roi auChili) ne s’est plus qualifiée pourune phase finale de coupe du mondedepuis 1998 tandis que les autre ss p o rts populaires comme l’athlé-tisme, la boxe ou le basket n’obtien-nent pas ou plus de résultats signifi-catifs. Mais ce ne sont pas les seulesraisons. Les exploits de ces tennis-men, se battant sur chaque point,s u rmontant leurs moments diff i c i-les avec conviction et courage pourfinalement triompher ont pro f o n d é-ment marqué les quinze millions dechiliens. Ils avaient valeur d’exem-ple pour ce pays qui, depuis 1990,tente de se re c o n s t ru i re et d’aller del’avant depuis la fin de la dictaturem i l i t a i re et le retour pro g ressif de ladémocratie.

Page 32: Tour du monde en 80 rebonds

4

Tous les enfants ont donc voulu pra-tiquer le tennis : certains jouère n tdans les rues avec ce qui pouvaitressembler le plus à une raquettetandis que d’autres prirent d’assautles écoles de tennis. A l’instar deson voisin argentin (lors de l’avène-ment de Guillermo Vilas), la fédéra-tion chilienne fut rapidement débor-dée par cet afflux de demandes. Ellene pouvait contenter tout le monde.La plupart des infrastru c t u res « ten-nis » sont, en effet, recensées surSantiago la capitale et Viña del Marla région environnante. 80% descompétiteurs chiliens sont ainsi issusde ces deux ligues ce qui crée un videdans les autres régions et ne perm e tpas de répondre à la forte demande. A u t re problème : le manque d’ensei-gnants et d’encadrement technique.Un déficit quantitatif mais égalementqualitatif puisque la plupart desentraineurs, comme on a pu le voir,n’ont jamais reçu de formation. Poury re m é d i e r, les instances du tennisont décidé de stru c t u rer l’enseigne-ment et de mettre en place une nou-velle politique. La fédération a ainsisigné une convention avec l’univer-sité chilienne pour inclure un pro-gramme de formation basé sur lesfondamentaux du t e n n i s( 5 ) et des-tiné aux futurs professeurs d’éduca-tion physique. En parallèle, elle vaessayer d’intéresser et de former l’en-seignant scolaire à la pratique du

mini-tennis. L’objectif de ces rassem-blements sera d’intégrer la disciplineau programme scolaire chilien. Lesdirigeants espèrent ainsi l’émerg e n c ede nouveaux talents car Gonzalez etMassu ne sont plus de jeunes joueurset la relève se fait désire r. Chez leshommes, aucun espoir chilien n’estclassé parmi les 300 meilleurs mon-diaux. La situation est encore pirepour les dames qui ne comptabilisentaucune joueuse dans le top 600. Ceconstat alarmant a d’ailleurs été àl’origine d’une nouvelle réform eengagée par la fédération. Elle adécidé, dès cette année, d’envoyerses meilleurs jeunes éléments (gar-çons et filles de 14-16 ans) s’aguerr i rdans les grandes compétitionsjuniors en Europe et Amérique dusud. Elle espère ainsi éviter une tro plongue éclipse au plus haut niveau.Malgré toutes ces actions, continuerà offrir au peuple chilien d’autre schampions, d’autres raisons d’êtreh e u reux risque d’être difficile dansles années à venir. Une difficulté queconnaît très bien le Vietnam, notrep rochain re p o rtage. En effet, malgréun attrait prononcé pour la ballejaune, ce pays reste totalement absentde la scène mondiale et tarde à set rouver une locomotive, à l’imagede ce qu’avait réalisé Paradorn Sri-chaphan (n°9 mondial en 2003) pourle voisin thaïlandais. Nous essaie-rons d’en connaître les raisons.

Superficie : 756.945 km215 millions d’habitants

2ème sport nationalClassement mondial du

meilleur joueur : n°11Classement mondial de lameilleure joueuse : n°638

(1) Marcelo Rios est pour l’instant leseul joueur de l’histoire à avoiroccupé la place de numéro 1 mon-dial sans avoir gagné un seul titre dugrand chelem.

(2) Il fut désigné comme meilleursportif chilien du 20ème siècle par lem i n i s t è re de la jeunesse et des sport s

( 3 ) Le palais de la Moneda, à Santiago,est le siège de la présidence du Chili.

( 4 ) A ce jour, le Chili a obtenu 13médailles dans son histoire olympi-que. Quatre l’ont été grâce au tennis,soit près du tiers des médailles re m-p o rtées !

( 5 ) Ce programme se nommeE . N . E . T.E (École Nationale de Form a-teurs de Tennis). Les textes de la F. I . T(Fédération Internationale de Te n n i s )sont utilisés pour cette form a t i o n .

Page 33: Tour du monde en 80 rebonds

LE TOUR DU MONDE

EN 80 REBONDS

L a u rent C h i a m b re t t o

n o t re baro u d e u r, est p rofesseur de tennis à

Paris. Ces derniers mois, il a parc o u ru la planète pour

voir comment s’enseignait etse pratiquait son sport favori.

Il nous amène aujourd’hui au Vietnam dans la f o u rm i l i è re bruyante d ’ H ô - C h i - M i n h - Ville

(anciennement S a ï g o n ) .

8 . LE V I E T NA M

Après une dern i è re halte au Chili nous décrivantl ’ i n c royable fierté d’un peuple pour ses glorieux com-battants, nous changeons de cap pour atterrir en Asiedu Sud-Est dans un Vietnam désireux d’intégrer auplus vite l’échiquier du tennis mondial.

1sportsetloisirs.ch

Texte : Laur ent Chiambre t t oPhotos : L. Chiambretto

Page 34: Tour du monde en 80 rebonds

2

A l’inverse d’autres nations asiatiques, le tennis fait depuislongtemps partie de la culturevietnamienne. Il est apparu pen-dant l’occupation française quidura presque 1 siècle ( 1 ). Pen-dant de nombreuses années, letennis est alors considérécomme un jeu destiné aux riches. Trois décennies deg u e rre ( 2 ) ont ensuite laissé ces p o rt et ses nombreux terr a i n sen très mauvais état. Malgrétout, quelques terrains subsis-t è rent encore au Cercle Sport i fC o u n t ry de Saïgon dans ce quiétait alors un lieu de rassemble-ment pour les VIP durant cesannées de conflit. A la fin de lag u e rre du Vietnam, le paysconnut alors une période écono-mique très sombre. Il devenaittrès compliqué de pouvoir jouerau tennis. Vu Thi Hien, numéro2 vietnamienne en 1983 et sym-bole de cette période, devaitainsi récupérer des vieilles raquettes auprès d’employés derésidents étrangers pour pou-voir pratiquer son sport dans debonnes conditions. Elle avait dûégalement s’endetter auprès deses amis pour s’offrir un billet detrain et avoir la possibilité dep a rticiper aux compétitions o rganisées dans le sud du pays.Le cruel manque de moyens fi-nanciers qui touchait la popula-

tion vietnamienne permettait demoins en moins la pratique dujeu. La pénurie de joueuses pro-pulsa ainsi Hien comme tro i-sième meilleure joueuse dupays dès la fin de son... pre m i e rt o u rnoi. Le tennis sombra alorsdans une douce léthargie du-rant un long moment. Il fallut at-t e n d re la fin des années 90 pourque ce sport redevienne un jeup o p u l a i re au Vietnam. Dans lemême temps, le pays avait re t rouvé un rythme de cro i s-sance soutenu et équilibré.L’économie se développait trèsrapidement. Le tennis en pro f i t aimmédiatement. Pas moins de4000 courts furent construits surle terr i t o i re lors de ces 7 dern i è-res années. Les raisons de cetteébullition ? Le tennis vietna-mien bénéficie de l’augmenta-tion du niveau de vie dans lepays et de l’image de santé et devitalité qui colle à la pratiquede ce sport. Les Vi e t n a m i e n ssont également de fins connais-seurs de l’actualité tennistiqueet se passionnent pour le jeu etles champions. Certains n’hési-tent d’ailleurs pas à déambulerdans une tenue 100% tennispour coller au phénomène demode sans avoir touché uneseule raquette de leur vie. Maiscet engouement ne doit pasnous faire oublier que ce sport

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET

PÉNURIE SPORTIVE...

Page 35: Tour du monde en 80 rebonds

3sportsetloisirs.ch

est avant tout pratiqué par l’éliteurbaine. Un chiff re finalementassez insignifiant lorsqu’on saitque 80% de la population viten zone rurale... Cette aff i l i a t i o ntennis-classe bourgeoise poussed’ailleurs certaines classesmoyennes à pratiquer ce sportdans l’unique but d’être assimi-lés à une échelle sociale supé-r i e u re. Les femmes, de leur côté,restent un peu plus en retrait etne représentent que 20% des ef-fectifs. En effet, dans la culturevietnamienne, les filles re s t e n tsouvent à la maison et prati-quent peu le sport. Même chezles familles moins traditionna-listes, le tennis reste une activitépeu populaire. Et ceci pour uneraison très simple. L’image debeauté pour une Vi e t n a m i e n n eest assimilée à la pâleur. Lechoix d’un sport couvert seradonc souvent privilégié parcrainte du soleil. Cette grande ferveur populaireassociée à la prometteuse écono-mie du pays n’a toutefois paséchappé aux dirigeants du ten-nis mondial. A l’instar de ce quis’est passé en Chine, ils ont

confié au pays l’org a n i s a t i o nd’un premier tournoi pro f e s-sionnel (ATP) à Hô-Chi-Minh-Ville en 2005. Ce ne fut malheu-reusement pas le succès escompté. En effet, peu dejoueurs connus part i c i p è rent àl’évènement au grand désap-pointement des fans. Les prixdes places étaient, de plus, inac-cessibles pour le travailleur viet-namien moyen. Il fallait comp-ter 30 dollars pour la journée et150 dollars pour la semaine.Une belle somme dans un paysoù le salaire ouvrier moyen sesitue autour de 50 dollars parmois. A l’issue de cette compé-tition, les instances du tennismondial ne fourn i rent d’ailleurspas les chiff res de fréquentationde la semaine. Et l’année suivante, le tournoi disparut p u rement et simplement du calendrier officiel de l’AT P. Ilfut remplacé par une mini-exhi-bition réunissant 4 pro f e s s i o n-nels du top 100 en 2006. Et 4 a u t res du top 30 en 2008. Cetted e rn i è re manifestation de hautniveau connut toutefois un beausuccès popula i re . Les amateurs

Page 36: Tour du monde en 80 rebonds

4

de tennis pro u v è rent que leurengouement pour ce jeu étaittoujours intact. Mais au-delà du côté marketing,pour que cet élan ne se re f ro i-disse pas, il faudrait, à moyent e rme, un joueur de niveau in-t e rnational à l’image de ce qu’afait Srichaphan pour la Thaï-lande ( 3 ). Or, la politique de laFédération est loin de fairel’unanimité au pays. Le classe-ment actuel des Vi e t n a m i e n ssemble d’ailleurs confirmer cesdoutes. A ce jour, aucun joueurvietnamien n’est classé parm iles 1500 meilleurs mondiaux.Le tableau est à peine moinss o m b re dans le tennis fémininpuisque la mieux classée dupays se trouve au-delà de la9 0 0è m e place. Les joueurs, eux-mêmes, remettent en causeé n e rgiquement leurs dirigeants.Une prise de position pourt a n tloin d’être monnaie courantedans un régime communiste.Quelques mois avant, NguyenThuy Dung, triple championnenationale, avait ainsi quittél’équipe de tennis de sa ville.Elle ne supportait plus la gestiondes joueurs(es) par les org a n i s-mes du gouvernement vietna-mien. Tout(e) joueur(se) de tennis voulant pre n d re part àdes compétitions nationales oui n t e rnationales doit être, en ef-fet, sélectionné(e) et re c o m-mandé(e) par les org a n i s m e s

g o u v e rnementaux qui le(a) g è rent. Sans cette pro c é d u re ,toute participation à une mani-festation est impossible. Dung adonc décidé de s’affranchir pourchoisir ses compétitions, sec o n f ronter plus régulière m e n taux meilleures et ainsi pro g re s-ser au classement. Un choixcourageux car cette indépen-dance l’a obligé à pre n d re enc h a rge financièrement toutes lesdépenses liées à sa carr i è re. Cefait ne s’apparente cependantpas à un cas isolé. Dern i è re-ment, les meilleurs du pays,bien que sélectionnés par leursdirigeants, ont ainsi refusé dep re n d re part à un tournoi auCambodge qu’ils jugeaient com-plètement inappropriés à leurniveau. De son côté, la Fédération Vi e t-namienne refuse de s’épancherpubliquement sur ces pro b l è-mes. Son discours reste lemême: créer les meilleure sconditions pour ses joueurs etles envoyer dans les compéti-tions internationales. Elle ad-met toutefois avoir des diff i c u l-tés financières. Les faibles sub-ventions versées par l’Etat limi-tent automatiquement ses coûtsde formation et obligent parf o i sles familles de joueurs à dépen-ser leur pro p re argent. Etonnantparadoxe pour un gouvern e-ment qui fait pourtant constru i reses terrains à un rythme ef-

Page 37: Tour du monde en 80 rebonds

fréné... Dans ce contexte, comment sortir alors de jeunestalents ? Pour y arr i v e r, la Fédé-ration table principalement surla remise à niveau de ses meil-leurs coachs. Depuis 30 ans, lesmêmes sont en place et prati-quent toujours le même typed’enseignement. Un savoir quin’évolue plus devient rapide-ment un handicap à la form a-tion et à l’éclosion de jeunes espoirs nationaux. Avec l’aidede la Fédération Intern a t i o n a l ede Tennis, les dirigeants ontdonc organisé plusieurs form a-tions pour perm e t t re à leurs entraîneurs d’être initiés auxnouvelles méthodes pédagogi-ques à Hô-Chi-Minh-Ville etdans la province de Vinh Phuc.Dans un deuxième temps, la Fédération s’est également tour-née vers l’extérieur. Elle a en-gagé deux entraîneurs françaisexpérimentés pour former les

jeunes talents nationaux maiségalement encadrer les coachslocaux. Ne nous y trompons pas.Ces nouvelles actions visent àun résultat immédiat. Les diri-geants veulent amener, au plusvite, un(e) joueur(se) vietna-mien(ne) dans le top 100, mêmes’il s’agit d’un(e) Viet kieu ( 4 ).Sans cela, la passion vécue pourla balle jaune risque de lente-ment décliner au profit d’un a u t re sport... Une urgence que ne connaît pasla France, notre prochaine des-tination. En effet, ce pays necompte pas moins de 17joueurs, hommes et femmesconfondus, dans le top 100. Sonsouci serait plutôt de gagner unt i t re du grand chelem chez leshommes, exploit qui n’a pas étéréalisé depuis la victoire de Yannick Noah en 1983. Noust e n t e rons d’en connaître les rai-s o n s .

S u p e rficie : 332.378 km2

83 millions d’habitants3e s p o rt nationalClassement mondial du meilleur joueur : n°1505Classement mondial de lam e i l l e u re joueuse : n°927

5sportsetloisirs.ch

(1) En 1858, les Français débarquent dans la baie Da Nang. Trente ans plus tard,le Vietnam est annexé à l’empire colonial français et devient l’Union indochinoise(qui comprend également les royaumes du Cambodge et du Laos actuels). La Francene se retire définitivement du pays qu’en 1954 suite à la bataille de Diên Biên Phuqui scelle définitivement son sort durant la guerre d’Indochine (1946-1954).

(2) Le pays a également connu un autre conflit sanglant contre les Américains lorsde la guerre du Vietnam (1964-1975) suivi d’une courte guerre contre la Chine defévrier à mars 1979.

(3) Vainqueur de 5 titres sur le circuit, Paradorn Srichapan est devenu le premierjoueur de l’histoire du tennis asiatique à faire son entrée dans le top 10 mondial en2003.

(4) Les “Viet Kieus” sont les Vietnamiens ayant quitté leur pays et résidant à l’étran-g e r. Après une longue période de relation tendue, le pays leur accorde enfin certains droits comme l’exemption de visa ou la double nationalité. Le tennis a d’ailleurs été le 1er sport à sélectionner une Viet kieu dans son équipe nationale lorsdes jeux d’Asie du Sud- Est en 2003.

Page 38: Tour du monde en 80 rebonds

LE TOUR DU MONDE

EN 80 REBONDS

L a u rent C h i a m b re t t o

n o t re baro u d e u r, est p rofesseur de tennis à

Paris. Ces derniers mois, il a parc o u ru la planète pour

voir comment s’enseignait etse pratiquait son sport favori.

Il nous amène aujourd’hui en France au coeur

de Paris, la villel u m i è re .

9 . LA FRANCE

Après une précédente escapade au Vietnam nous dé-crivant un tennis redevenu populaire malgré l’indi-gence des résultats sportifs, nous repartons en Europedans une France riche en bons joueurs mais pauvreen grands titres majeurs.

Texte : Laur ent Chiambre t t oPhotos : L. Chiambretto

1sportsetloisirs.ch

Page 39: Tour du monde en 80 rebonds

2

UN TITRE DU

GRAND CHELEM

SINON RIEN...

Le tennis( 1 ) est apparu en France

sur les plages de l’ouest, import é

par les riches touristes anglais.

Le premier club français “Déci-

mal club” voit ainsi le jour à

Paris en 1877. Mais c’est au

“ Tennis club de Dinard”, créé

en 1879 avec 6 courts en sable,

que ce sport connaît le plus

grand succès. Chaque année, le

t o u rnoi du club, né en 1886,

a t t i re les meilleurs tennismen

i n t e rnationaux de l’époque. La

haute société accourt de toute

l ’ E u rope mais aussi de l’Améri-

que pour assister à cet évène-

ment aussi bien sportif que mon-

dain. Dans le même temps,

le premier championnat de

France, exclusivement réserv é

aux joueurs nationaux, s’ouvre

à Paris en 1891. Malgré 5 mal-

h e u reux engagés lors de cette

p re m i è re édition, la compétition

p e rd u re dans le temps et décide,

en 1925, de s’ouvrir aux joueurs

étrangers. Les internationaux de

France voient ainsi le jour. Cette

époque aura également coïncidé

avec l’apparition des grandes

légendes françaises de ce jeu.

Jugez-en par vous-même. La pre-

m i è re championne de l’histoire ,

Suzanne Lenglen, surn o m m é e

“La divine” par ces concitoyens,

justifiera aisément ce surn o m .

241 tournois gagnés entre 1914

et 1926 dont 81 en simple (6 in-

t e rnationaux de France et 6

Wimbledon), 2 médailles d’or

olympiques et une invraisem-

blable série de 171 victoire s

consécutives re m p o rtées sur le

c i rcuit mondial ! Les hommes

a i d è rent également à la popula-

rité du tennis en France grâce à

la légendaire épopée des Mous-

q u e t a i res -René Borotra, Henri

Cochet, René Lacoste et Jacques

B rugnon- qui re m p o rt è rent 6

Coupes Davis consécutives en-

t re 1927 et 1932.

Dans les années suivantes, le

tennis vit une période moins

faste. Les résultats furent moins

p robants sur la scène intern a-

tionale. Cela n’empêcha pas le

n o m b re de licenciés d’accro î t re .

La Fédération passa ainsi de

53 000 pratiquants en 1950 à

plus de 311 000 vingt-cinq ans

plus tard. Et ce ne fut qu’une

étape avant le grand boom. Nous

sommes alors à l’aube des an-

nées 80. La F. F.T ( 2 ) axe principa-

lement sa politique sur la dé-

mocratisation de son sport. Elle

lance, par exemple, l’opération

“5 000 courts” afin de dévelop-

per le nombre de terrains dans

l’hexagone et ainsi favoriser la

pratique populaire. Une initia-

Page 40: Tour du monde en 80 rebonds

3sportsetloisirs.ch

tive qui s’inscrivait bien dans

son époque puisque la société

française commençait à consa-

c rer plus de temps à ses loisirs.

Le tennis quitte alors peu à peu

son image de sport élitiste. Dans

le même temps, la couvert u re

médiatique ne cesse de s’ampli-

fier autour de la balle jaune. On

se passionne pour les combats

e n t re Connors, Borg et autre Mac

E n roe. L’apogée est atteint en

1983 avec la victoire de Ya n n i c k

Noah sur ses terres de Roland

G a rros, un évènement national

qui reste gravé dans l’histoire

du sport français. Le nombre de

pratiquants va alors pro p re m e n t

e x p l o s e r. Les effectifs de la Fé-

dération passent en 1985 à 1 391

000 licenciés, soit une pro g re s-

sion de 347% en l’espace de 10

ans ! Depuis cette période et

malgré une sensible érosion de

ses effectifs dans les années 90,

le tennis se maintient allègre-

ment au-delà du million de li-

cenciés. Bien implanté comme

2e s p o rt national en terme de

pratiquants et d’exposition mé-

diatique, la petite balle jaune est

devenue une véritable industrie

en France. Elle génère près de 5

000 emplois au sein de la F. F. T

et de son réseau et le temps de

travail des 26 000 dirigeants bé-

névoles représentent environ 6

000 emplois à temps plein. Sans

parler des milliers d’autres em-

plois associés ...

Le tennis français profite égale-

ment pleinement de la manne fi-

n a n c i è re que représente Roland

G a rros. Le tournoi génère un

c h i ff re d’aff a i res de 137 millions

d ’ e u ros et rapporte 60 millions

Page 41: Tour du monde en 80 rebonds

4

l’avenir...

à la Fédération Française de Te n-

nis. Ce poids économique per-

met à la F. F.T de faire parf a i t e-

ment vivre ses 36 ligues et 86

comités départementaux (20 mil-

lions d’euros de budget annuel).

P rofitant de la locomotive

Roland Garros ( 3 ), la fédération a

ainsi mis en place un système

pyramidal parfaitement stru c-

turé. Ses ligues, calquées sur le

découpage régional administra-

tif français, ainsi que les comités

d é p a rtementaux lui perm e t t e n t

de quadriller le tennis régional et

local et ainsi d’accompagner ef-

ficacement ses 8 300 clubs. Cette

p rofessionnalisation du réseau

fédéral a d’ailleurs été imitée

par d’autres fédérations.

L’ a u t re grande réussite du tennis

français est sa filière de form a-

tion de haut niveau. Dans cha-

que ligue est créé un groupe ave-

nir régional composé de jeunes

espoirs (10-13 ans) recevant un

p rogramme de formation et bé-

néficiant de rassemblements ré-

gionaux. Les meilleurs intègre n t

ensuite les 14 pôles espoirs, dis-

séminés sur le terr i t o i re, en vue

d ’ ê t re formés pour le haut ni-

veau. Les pôles France consti-

tuent l’étape suivante et re g ro u-

pent les meilleurs espoirs du

pays (13-15 ans pour les filles et

14-18 ans pour les garçons). Les

conditions d’entraînement sont

s i m i l a i res aux exigences du haut

niveau. Préparation physique,

suivi médical et psychologique

poussé font également partie des

p rogrammes d’entraînement ap-

pliqués dans les Pôles. L’étape

finale conduit enfin les plus per-

f o rmants au centre national

d’entraînement de Roland Gar-

ros (16-20 ans pour les filles et

19-22 ans pour les garçons) où

ils découvriront le circuit pro f e s-

sionnel et part i c i p e ront à de

n o m b reuses tournées à l’étran-

g e r. Dans cette filière de form a-

tion, rien n’est laissé au hasard

et tout cela dans des infrastru c-

t u res de qualité. Cette excellence

s’est d’ailleurs traduite par de

re m a rquables résultats chez les

jeunes. 5 titres de champion

du monde et 23 titres de grand

chelem ont été gagnés dans la

catégorie junior lors de ces 20

d e rn i è res années.

P o u rtant, malgré ce tableau idyl-

Page 42: Tour du monde en 80 rebonds

5sportsetloisirs.ch

lique, la France n’a toujours

pas re m p o rté de tournoi du

grand chelem sur le circuit pro-

fessionnel masculin depuis

1983 ! Une incroyable disette

que parviennent diff i c i l e m e n t

à masquer les 2 Coupes Davis

glanées en 1996 et 2001. La

France a toujours possédé des

joueurs de classe mondiale (11

présents dans le top 100 ac-

tuellement) mais aucun n’a

laissé son empreinte sur un

t o u rnoi majeur. Chez les filles,

le constat est moins sévère .

Amélie Mauresmo (numéro 1

mondiale en 2004) et Mary

P i e rce ont re m p o rté 4 titres du

grand chelem ( 4 ) mais depuis

leur retraite, le tennis féminin

traverse une véritable traver-

sée du désert avec seulement

4 joueuses classées dans les

100 pre m i è res. Un bilan qui

apparaît finalement mitigé par

r a p p o rt aux moyens mis en

œ u v re par la fédération. Les

Français, si brillants chez les

juniors, ne parviennent pas à

re p ro d u i re leurs excellents ré-

sultats sur le circuit pro f e s-

sionnel. Pour expliquer cela,

c e rtains spécialistes mettent

en avant la pression populaire

et médiatique qui paralyse les

jeunes (et moins jeunes)

joueurs français, aussi vite por-

tés aux nues que descendus

en flamme dès leur pre m i è re

c o n t re - p e rf o rmance. L’ é d i t i o n

2010 de Roland Garros sem-

ble d’ailleurs étayer cette thèse.

Les Français ont subi un véri-

table naufrage collectif. 31 au

d é p a rt, 1 au stade des huitiè-

mes de finale puis aucun en

deuxième semaine. Malgré

tout, la difficulté à gérer la pre s-

sion ne peut pas tout expli-

quer et interroge. Le modèle

Français, longtemps cité en

exemple, est-il finalement tou-

jours aussi efficace ? Pour for-

mer un vivier de bons joueurs,

c’est une certitude. Mais pour

f o rmer des joueurs suscepti-

bles de re m p o rter des grands ti-

t res, il paraîtrait bien que non.

La nouvelle direction de la

F. F.T s’est, semble-t-il, posé les

mêmes questions et a décidé

de réagir depuis son élection

en 2009. Nouveau re s p o n s a-

ble de haut niveau nommé,

remise en question de son

o rganisation générale et colla-

boration plus étroite avec les

dirigeants bénévoles et anciens

Page 43: Tour du monde en 80 rebonds

6

F R A N C ES u p e rficie : 632 834 km2 64,7 millions d’habitants1 125 201 licenciés 2e s p o rt nationalClassement mondial du meilleur joueur : n°12Classement mondial de la meilleure joueuse : n°14

( 1 ) A l’époque, ce sport était appeléLawn-tennis(2) Fédération Française de Tennis( 3 ) La F. F.T envisage d’ailleurs dequitter le site actuel beaucoup troppetit comparé aux autres tournoismajeurs (8,5 hectares contre 14 àl’US Open et 20 à Wimbledon etl’Open d’Australie). Une décisionsera prise en février 2011(4) Open d’Australie et Wimbledonen 2006 pour Amélie Mauresmo etOpen d’Australie 1995 et RolandGarros 2000 pour Mary Pierce(5) En France, 14% seulement descourts sont en terre battue contre95% en Espagne ou en Amérique duSud.

joueurs(es) de haut niveau ont

débouché sur de nouvelles

orientations politiques. Une des

r é f o rmes les plus import a n t e s

s ’ a rticule autour de la form a-

tion. La fédération souhaite pas-

ser d’une filière unique à plu-

sieurs parcours de form a t i o n

vers le haut niveau. Par exem-

ple, au lieu d’intégrer les pôles

France, l’enfant pourra, s’il le

d é s i re, continuer à s’entraîner

dans sa ligue et ainsi mieux se

c o n s t ru i re affectivement en re s-

tant dans sa cellule familiale et

s p o rtive. En ouvrant ces autre s

voies vers le haut niveau, la F. F. T

m o n t re sa volonté de s’adapter

p ro g ressivement au rythme de

chacun. Elle espère ainsi que

ses jeunes seront mieux arm é s

mentalement pour entrer dans la

« jungle » du pro f e s s i o n n a l i s m e

et ainsi évoluer à leur meilleur

niveau. L’ a u t re réforme impor-

tante concerne la terre battue.

Après le récent fiasco à Roland

G a rros (pire bilan depuis 30

ans), deux actions vont être en-

t reprises : La construction de 4

c o u rts couverts en terre battue à

l’INSEP (Paris) où évoluent les

meilleurs 16-18 ans et la création

à Nice d’une nouvelle stru c t u re

nationale dotée de 8 terrains en

t e rre battue (4 couverts et 4 ex-

térieurs). Dans le même temps,

chaque ligue, au moment de ré-

nover ses terrains, sera mainte-

nant tenue de les transform e r

pour moitié en court ocre. En

augmentant ses terr a i n s( 5 ), la fé-

dération espère ainsi redonner le

goût de la terre à ses jeunes et

f o rmer à nouveau de vrais spé-

cialistes. Au final, les dirigeants

n’ont pas lésiné sur les moyens

pour gagner un grand chelem

masculin. Le plus tôt sera d’ail-

leurs le mieux. Médias et grand

public ne cachent plus leur im-

patience à vibrer pour un nou-

veau vainqueur tricolore, 27 lon-

gues années après Ya n n i c k

Noah... Une attente qui n’est pas du tout

à l’ord re du jour en Bolivie, no-

t re prochain re p o rt a g e . Très li-

mitée en joueurs de classe

mondiale, cette nation souff re

beaucoup de la comparaison

avec ses voisins argentins et

chiliens. Nous tenterons d’en

c o m p re n d re les raisons.

René Lacoste

Page 44: Tour du monde en 80 rebonds

LE TOUR DU MONDE

EN 80 REBONDS

L a u rent C h i a m b re t t o

n o t re baro u d e u r, est professeur de tennis

à Paris. Ces derniers mois,il a parc o u ru la planète pour

voir comment s’enseignait etse pratiquait son sport favori.Récit d’un carnet de voyages’achevant aujourd’hui en

Bolivie, véritable «Tibet des Amériques ».

1 0 . LA BOLIVIE

Après une dern i è re halte en France nous décri-vant un système de formation reconnu par tousmais faible en titres majeurs, nous retournonsen Amérique du Sud dans une Bolivie quis’éveille peu à peu à la petite balle jaune.

Texte : Laur ent Chiambre t t oPhotos : L. Chiambretto

1sportsetloisirs.ch

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Page 45: Tour du monde en 80 rebonds

2

NAISSANCE

D’UN SPORT ...

Considérée comme un des paysles plus pauvres du globe, la Bolivie est une nation extrême-ment endettée qui dépend en-c o re en grande partie des org a-nismes multilatéraux comme laBanque Mondiale. La pauvre t étouche ainsi plus de 60 % de la population (- de 2 $US par jour) et le salaire mi-nimum moyen par mois est de75 $US. Dans ces conditions, letennis, comme dans la plupartdes pays défavorisés, est de-meuré pendant longtemps l’apa-nage des couches sociales ai-sées. Cette réalité tend pourt a n tà s’essouff l e r. En effet, depuisquelques années, la FédérationBolivienne de Tennis (F.B.T) meten place un programme régu-lier de développement à traversle pays. Elle a ainsi entrepris unvéritable travail de fond pourp romouvoir son sport auprèsdes autorités publiques, tant na-tionales que départementales oumunicipales. Ces nombre u s e sre n c o n t res et réunions ont alorsdébouché sur l’organisation den o m b reux évènements org a n i-sés autour du tennis : pro-gramme d’initiation, tennis han-d i s p o rt, tournois universitaire s ,tennis dans les écoles ... Ainsi,pour le tennis scolaire, plus de7000 enfants ont découvert ces p o rt à travers les 111 manifes-

tations de tennis et mini-tenniso rganisées dans les terrains pu-blics et les clubs privés.L’augmentation des infrastru c-t u res a également validé et récompensé les eff o rts des diri-geants. De nouvelles aires dejeux ont vu le jour dans les prin-cipales art è res du pays. Uneaugmentation certes modestemais qui confirme l’émerg e n c edu mouvement. Le tennis estdevenu un sport plus pratiquéen Bolivie. Les plus démunisont maintenant la possibilité delouer des terrains publics. Unréel progrès qui n’était mêmepas envisageable il y a quelquesannées. Cette récente démocra-tisation ne doit toutefois pasnous faire oublier que l’accèsaux clubs privés reste toujoursr é d h i b i t o i re et hors de prix pourl’essentiel de la population. Au-delà de cette efficace politi-que de développement, le tennisest également devenu un sporti n c o n t o u rnable dans les médiasgrâce à des résultats part i c u l i è-rement fastes ces dern i è res an-nées. Sa fulgurante médiatisa-tion a eu pour cadre les Jeux Bo-livarianos ( 1 ) en 2009. Lors decette XVIe édition qui se déro u-lait sur le sol bolivien (plus pré-cisément à Sucre), le tennis aréussi l’incroyable perf o rm a n c ede re m p o rter 5 titres. Un exploit

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3sportsetloisirs.ch

considérable puisque jamais unediscipline sportive n’avait ré-colté une aussi grande moissonde médailles d’or depuis la créa-tion des Jeux en 1938 ! Cettegrande perf o rmance pro p u l s ad i rectement le tennis parmi less p o rts majeurs et dans les cœursboliviens. Et les résultats ne s’ar-r ê t è rent pas là. Les hommesm o n t è rent la même année dansle groupe II Amérique en CoupeDavis tandis que les femmes, enFed Cup ( 2 ) se pro p u l s è rent dansle groupe I Amérique. Et si celane suffisait pas, l’équipe mas-culine des 16 ans re m p o rta dansla foulée le titre sud-américain àQuito (Équateur). Un véritablefestival ! L’année suivante fut,par contre, moins prolifique. Al’inverse de leur homologue fé-minin, l’équipe hommes deCoupe Davis ne parvint pas à semaintenir dans sa nouvelle divi-sion. Mais cette déception futtoutefois atténuée par l’émer-gence d’un grand espoir de 17 ans : Hugo Dellien, classé 6e

junior mondial après de re m a r-quables prestations dans lest o u rnois internationaux de sacatégorie d’âge. Une belle pro-messe d’avenir dans une nationv i e rge de représentant(e)s dansle top 300 mondial actuel. Les associations et les clubs bo-

liviens donnèrent également desp reuves de leur eff o rt et investis-sement pour promouvoir le ten-nis en Bolivie. 100 % du calen-drier programmé avec la F.B.T aété ainsi réalisé cette année. Soit130 tournois nationaux et inter-nationaux organisés dans les ca-tégories de l’initiation, des jeu-nes, des seniors et vétérans. Unec o n f i rmation de la pro f e s s i o n n a-lisation naissante de ce sportdans le pays. La fédération a d’ailleurs eff e c-tué des changements import a n t sen modifiant son système d’in-f o rmation et de communication.Pour être en adéquation avecson nouveau statut médiatique,le site autrefois minimaliste dela F.B.T s’est complètement mo-d e rnisé. Les nouveaux adeptesdu tennis bolivien peuventmaintenant être informés sur lesrésultats de leurs joueurs, lesp roches évènements ainsi queles actions et les décisions desdirigeants. Et ce n’est qu’un dé-but. La fédération s’est égale-ment adjugé les services d’unee n t reprise chilienne pour mo-d e rniser la plate-forme d’admi-nistration des tournois, des clas-sements et des inform a t i o n ss p o rtives. Chaque joueur(se) bo-livien(ne), quelque soit son ni-veau de pratique, pourra ainsi

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s ’ i n s c r i re automatiquement dansles tournois nationaux org a n i s épar la F. B . T, consulter ses pro-p res résultats, voir son classe-ment ou visualiser le palmarèsdes autres joueurs. Une véritableavancée et un signe fort pour fi-déliser les compétiteurs et enamener de nouveaux.La formation des entraîneurs lo-caux est également un des autre sobjectifs fondamentaux de la po-litique fédérale. Jusqu’à peu, lescoachs étrangers, et principale-ment Argentins, s’occupaientdes espoirs du pays car les Bo-liviens, eux-mêmes, nec royaient pas beaucoup en leursp ro p res entraîneurs. Pour chan-ger la donne, un programme in-tensif de formation s’est mis enplace ces derniers mois. La Fé-dération Internationale de Te n-nis (I.T.F) a ainsi organisé descessions de haut niveau pour ai-der les entraîneurs locaux déjàen place. Les dirigeants boli-viens ont également invité descoachs professionnels expéri-mentés pour que ceux-ci fassentp a rtager leurs connaissances lorsde séminaires éminemment sui-vis par les entraîneurs du cru, lesp a rents de famille mais égale-ment les étudiants d’Education

Physique. Dans le même temps,60 professeurs de sport et 40 entraîneurs de tennis ont été f o rmés aux principales métho-dologies du programme de ten-nis scolaire. Rien n’est donclaissé au hasard. La Fédérationsouhaite maintenant récolter lesf ruits de son travail et placer, àmoyen terme, des joueur(se)sdans le top 100 mondial. Un ob-jectif légitime pour exister dansl’échiquier mondial mais quip o u rrait se heurter au manquede moyens financiers du pays.En effet, la fédération possèdeune trésorerie clairement insuf-fisante pour aider ses joueurs.Quant au gouvernement, ses ra-res budgets débloqués sont ré-s e rvés à quelques voyages inter-nationaux. Et les sommes ver-sées, en général basses, ne per-mettent pas de payer les fraisréels. Le financement privé n’ap-p o rte malheureusement pasplus de solutions. Le peuple bo-livien est le plus pauvre d’Amé-rique du Sud et les mécènes sontmoins légions qu’en Arg e n t i n eou au Chili. Quant aux sponsorsnationaux, ils sont très peu nom-b reux et difficiles à obtenir. Or

© C. Herbas

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le tennis est un sport cher quinécessite de voyager constam-ment aux 4 coins du globe.Dans ces conditions, il paraitd i fficilement envisageabled ’ i n t é g rer le top niveau mon-dial si l’on n’a pas la possibi-lité de s’échelonner fréquem-ment face à la concurrence in-t e rnationale. A moins qu’untalent unique éclose aux yeuxdu monde et fasse venir des « investisseurs » étrangers. LaBolivie espère que le pro m e t-teur Hugo Dellien sera celui-là.Les années à venir nous le di-ro n t . . .

Quelques années se sont éga-lement écoulées depuis nosp re m i è res pérégrinations ten-nistiques autour du monde.Les diff é rents pays visités n’ontpas tous connus la même réus-site. La Nouvelle-Zélande et leVietnam attendent toujours unjoueur de classe mondiale pen-dant que Français et Austra-liens essaient en vain de (re ) g a-gner un titre majeur. Le tennismalien a gagné en popularité eten crédibilité à l’inverse duChili sans relève et re d e v e n uune nation anonyme. Quant

au tennis chinois, malgré desJeux Olympiques ratés, il pos-sède désormais une joueusecapable de gagner un grand ti-t re ( 3 ). Un immense bonheurqu’ont récemment connu l’Ar-gentine et la Belgique en grandchelem ( 4 ). Déception pour lesuns, satisfaction pour les au-t res... L’ i n t e rnationalisation dutennis (plus de 200 pays aff i-liés) engendre maintenant unec o n c u rrence féroce qui empê-che de nombreuses nationsd ’ ê t re représentées sur le de-vant de la scène. Mais ce consi-dérable développement a éga-lement permis de faire décou-vrir et pratiquer ce sport à desmillions de nouveaux prati-quants. Une grande victoirecollective pour un sport si in-dividuel ! On ne pouvait rêver m i e u x . . .

B O L I V I ES u p e rficie : 1 098 581 km29,7 millions d’habitants5e s p o rt nationalClassement mondial du meilleur joueur : n°751Classement mondial de la meilleure joueuse : n°305

( 1 ) Les Jeux Bolivarianos sont unegrande compétition multi-sport re g roupant tous les 4 ans la Bolivie,la Colombie, le Venezuela, le Péro u ,l’Equateur et Panama.

( 2 ) L’équivalent de la Coupe Davischez les femmes

( 3 ) Il s’agit de Na Li, 7e mondiale etp re m i è re chinoise (et Asiatique,hommes et femmes confondus) fi-naliste d’un grand chelem à l’Opend’Australie 2011

( 4 ) L’ A rgentin Del Potro a triomphéen 2009 à l’US Open (en écart a n tsuccessivement Nadal et Federer !)pendant que la Belge Clijsters, s o rtie de sa retraite, re m p o rtait magistralement trois titres à l’USOpen (2009-2010) et l’Open d’Australie (2011)