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Trafic des Enfants du Pendjab - Conference Paper 26-27 Mai 2005

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Trafic des Enfants du Pendjab - Conference Paper 26-27 Mai 2005

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Trafic des Enfants du Pendjab vers la France1

Zubair TAHIRMai 2005

Avant propos

“Trafic” et “traite”: précisions quant à la terminologie utilisée

Le « trafic » et la traite des êtres humains, et particulièrement ceux des mineurs, sont considérés depuis une dizaine d’années comme des problèmes importants. Cette question a retenu l’attention de différents acteurs au plan international. Les pays concernés ont subi des pressions de la part des lobbies internationaux de défense des droits de l’homme et des droits de l’enfant. Ils ont donc été obligé d’informer le public, d’opérer des changements de politique et de mettre en place des réformes légales.

Un grand nombre de gouvernements confondent encore les termes « trafic » et « traite ». Le mot « trafic » est utilisé lorsqu’une personne est déplacée de façon illégale, mais avec son consentement. Le terme « traite » est utilisé lorsque ce déplacement est fait sans le consentement de la personne.

S’agissant des enfants d’Asie du Sud, je suis convaincu qu’il faut utiliser le mot « traite ». En effet, le pouvoir décisionnel de mineurs peut être remis en question du point de vue légal. Même si ces enfants sont envoyés en Europe par leurs familles, ceux qui les envoient ne se rendent pas réellement compte de la misère et des problèmes auxquels doivent faire face ces enfants pendant le voyage et tout au long de leur vie clandestine dans les pays de destination.

Mineurs isolés d’Asie du Sud : un phénomène pendjabi en progression

Les données de l’Aide Social à l’Enfance de Paris (CAMIE) montrent un accroissement significatif du nombre d’enfants qu’ils reçoivent chaque année. A ce jour, la CAMIE a accueilli des enfants de 95 nationalités. En 1999, ce service a reçu 209 jeunes en total dont 7 Indiens et 3 Pakistanais. En 2002, il a reçu 43 Indiens et 20 Pakistanais. Ces chiffres sont, respectivement, de 33 et 48 en 2003 et de 30 et 25 lors du premier semestre de 2004.

Le Service Mineurs d’Enfants du Monde – Droits de l’Homme (EMDH) a commencé son activité d’accueil des mineurs isolés étrangers à la fin de 2002. A ce jour, l’Association a reçu en moyenne 24 enfants par mois venant de différentes régions du monde. Ces enfants viennent de Chine, d’Asie du Sud, d’Europe de l’Est, d’Afrique du Nord et de d’Afrique subsaharienne.

Dans le cas de l’Asie du Sud, ils arrivent principalement d’Inde et du Pakistan. Des 653 enfants reçus jusqu’à la fin 2004, 113 sont originaires de ces deux pays (soit 17%). Une analyse statistique des données concernant les enfants montre que la quasi-totalité d’entre 1 l’Article a été présenté au Colloque du 26-27 mai 2005 à Saverdun – France

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eux vient du Pendjab. Ils sont originaires de quelques districts du nord de cette région qui se trouve des deux côtés de la frontière séparant l’Inde et le Pakistan.

Afin de comprendre ce phénomène, nous nous attacherons dans un premier à la connaissance des caractéristiques géographiques, historiques, culturelles et économiques du Pendjab.

Pendjab : contexte géographique, historique, culturel et économique.

Situation géographique : une plaine fertile au pied de l’Himalaya

Le Pendjab est une vaste plaine riche en alluvions. La frontière septentrionale est formée des contreforts de l’Himalaya, le massif du Pir Punjal au Pakistan et les monts Shivalik en Inde. Le fleuve Indus forme la frontière occidentale et le fleuve Yamuna celle orientale. Les cinq fleuves du Pendjab, Jehlam, Chenab, Ravi, Beas et Sutlej rejoignent l’Indus au Sud. Le nom Pendjab provient des mots persans ‘Punj’ (cinq) et ‘Aab’ (eaux).

Historique : la scission religieuse et politique

La région a été un des centres de la civilisation préhistorique de vallée d'Indus en 1500 Av. JC. Le Pendjab était la région des aryens. Il a été occupé par Alexandre le Grand puis par l'empire des Mauryas. Les musulmans ont occupé Pendjab de l’Ouest au 8ème

siècle et y ont implanté l'Islam. Ce n’est qu’au 12ème siècle qu’ils ont conquis le Pendjab de l’Est qui est resté principalement hindou.

C’est sous l'empire des Moghols que le Pendjab a connu un essor cultuel. Quand l'empire a décliné vers la fin du 18ème siècle, les Sikhs prirent le pouvoir. Au 19ème siècle leur expansion territoriale les mena au conflit contre les Britanniques, victorieux des deux guerres sikhes (1846 et 1849). En 1849, ils ont annexé la majeure partie du Pendjab et en ont fait une province, cependant certains états princiers ont été maintenus.

Politiquement, la province du Pendjab fut divisée en deux à la partition de l’empire britannique des Indes en 1947. Le Pakistan a obtenu 62% du Pendjab (la partie occidentale). L’Inde a obtenu les 38% restant. Le Pendjab a été divisé approximativement selon les concentrations de populations musulmanes et hindoues. Le tableau suivant résume la taille de la zone considérée, la population et les groupes religieux.

- Division du Pendjab indien en trois Etats

Le Pendjab indien (235 690 km2) a été divisé en trois secteurs après la partition. Les nombreux états princiers des collines du Pendjab ont été fusionnés dans le territoire de l’union de Himachal Pradesh (maintenant un Etat). D'autres états princiers ont formé le territoire des états de l’est du Pendjab, et le secteur restant est devenu l'état indien du Pendjab. Dans 1956, cependant, l'état du Pendjab et le territoire des états de l’est du Pendjab ont été fusionnés pour former l'Etat du Pendjab. Dans une autre réorganisation en 1966, le Pendjab a été divisé en deux états: Haryana, hindi phone, et le Pendjab, pendjabi phone (avec 24 millions d’habitants en 2001 sur 51 189 km2). La capitale du

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Pendjab indien est Chandigarh. En Inde, l’Etat du Pendjab, représente seulement 1.54% du territoire indien mais 2.1% de la population indienne.

- Le Pendjab pakistanais, une province

La partie occidentale est devenue la province du Pakistan nommée le Pendjab, avec une population de plus de 72 millions habitants en 1998 (Pakistan environ 140 millions d’habitants), 150 220 kilomètres carrés. La capitale du Pendjab pakistanais est Lahore, la plus grande ville de la région. La province est presque entièrement musulmane, avec une petite minorité chrétienne.

Tableau 1 : Appartenance religieuse des pendjabis

Province Population (million) Groupes religieux

Pendjab (Pakistan) 73 95% Musulmans

Pendjab (Inde) 24 60% Sikhs35% Hindous2% Musulmans

Haryana (Inde) 18 90% Hindous

H. Pradesh (Inde) 6 96% Hindous

En Inde dans son ensemble, les Hindous représentent 82% de la population indienne alors que les musulmans et les sikhs ne représentent respectivement que 12% et 2%.

Au Pendjab pakistanais 95% de la population est musulmane alors qu’au Pendjab indien la majorité (60%) est Sikh, religion méconnue qui nécessite la description, présentée ci-dessous.

Un patrimoine culturel commun dépassant les clivages religieux

- Le Sikhisme, une religion née au Penjab

Les Sikhs, aujourd’hui, sont près de 19 millions dans le monde entier. Quelques 300 000 Sikhs habitent Grande-Bretagne. Ils ont, également, des communautés importantes en Amérique du Nord, en Australie, et à Singapour. Jusqu’en 1990, le Sikhisme est devenu la cinquième religion au monde avec environ 175 000 croyants aux Etats Unis et 225 000 au Canada. Le Sikhisme est hétérodoxe, combinant les enseignements de l'hindouisme de Bhakti et du soufisme musulman.

Le fondateur et le premier gourou sikh, le mystique Nanak (1469-1539) a reçu une révélation divine quant aux exercices quotidiens à pratiquer et la méditation religieuse. Il s'est opposé à l'idolâtrie, au rituel, à un sacerdoce organisé, et au système de caste.

Angad (1504-52), le deuxième gourou, a séparé les ascètes (“udasis”) des laïcs, éliminé la plupart des reliquats d'hindouisme, et présenté le manuscrit de Gurmukhi. Sous le quatrième gourou, Ram Das, Amritsar est devenue une ville sacrée. Arjun, le cinquième

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gourou a compilé la poésie de dévotion des premiers gourous sikhs et d'autres saints dans l'Adigranth, qui reste central à la vie religieuse sikh.

Sous les gourous suivants la communauté sikh s’est progressivement unie et a développé sa puissance militaire, l'empereur moghol Aurangzeb a réagi en exécutant le neuvième gourou et en commandant la destruction des temples sikhs.

En 1699, Govind Singh (1666-1708), le dixième et dernier gourou, a institué des pratiques devenues fondamentales à l'identité sikh. Par un rite préliminaire, les noms de famille des croyants ont été remplacés par Singh (lion) pour casser le système de caste. Il a créé la fraternité militaire appelée le Khalsa, ou "pure", dont l’idéal était le soldat-saint. Il a présenté les pratiques sikhes de porter un turban, un poignard, et de ne jamais couper cheveux et barbe.

Au 18ème siècle les Sikhs avaient conquis la majeure partie du Pendjab. Leur plus grand dirigeant, Ranjit Singh (1780-1839), a établi un royaume sikh au Pendjab. Après sa mort, le conflit avec les Anglais a causé les guerres sikhs et l'assujettissement du Pendjab. Les soldats sikhs ont ensuite constitué une parties des armées britanniques en Inde.

La partition du sous-continent indien en 1947 a divisé le Pendjab. Sikhs militants et l’ethnie Jats hindous ont combattu les musulmans du Pendjab ce qui a provoqué la mort d’environ un million de personnes. Près de 2.5 millions de Sikhs ont émigré du Pendjab occidental (au Pakistan) vers le Pendjab oriental (en Inde).

Plus récemment, les Sikhs militants ont réclamé un Etat indépendant, le Khalistan. L'agitation au Pendjab a éclaté au début des années 80. L’armée indienne a attaqué le temple d’Or de la ville sacrée d’Amritsar en 1984 qui avait été occupée par les sikhs militants.

La même année, le premier ministre indien, Indira Gandhi, a été assassinée par ses gardes du corps sikhs en représailles. La violence engendrant la violence, des milliers de sikhs ont été massacrés dans toute l’Inde. Uniquement à Delhi, plus de 2 500 Sikhs ont été tués. Les hostilités religieuses et la violence communautaire au Pendjab ont continué dans le début des années 90.

- La langue pendjabi, expression d’une culture commune

Le Pendjabi est la langue des régions du Pendjab de l'Inde et du Pakistan. Elle est la langue maternelle de 90% de la population. C'est une langue indo-européenne. Le Pendjabi, langue officielle de l'état indien du Pendjab, et est également parlé dans des secteurs voisins tels que Haryana et Delhi.

Au Pakistan, cependant, le Pendjabi n'est pas langue officielle et n'a aucun statut officiel dans l'éducation. Formellement, le gouvernement, les journaux, et l'éducation, aussi bien que dans la plupart des écrits, les Pakistanais du Pendjab tendent à employer l’Ourdou et l’Anglais, qui sont les langues officielles de la nation. Des « pendjabi phone » constituent le plus grand groupe linguistique au Pakistan (environ 50% de la population pakistanaise totale, ou au-dessus de 60% si nous incluons le dialecte 'Siraiki' étroitement lié au Pendjabi, parlé dans et autour de la ville historique de Multan).

Le Pendjabi est également parlé dans plusieurs autres pays où les pendjabis ont émigré en grands nombres, tels que la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et particulièrement au

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Canada où il représente la 6ème langue la plus parlée avec 271 220 personnes l’utilisant quotidiennement. Le Pendjabi est la langue sacrée des Sikhs, dans laquelle la littérature religieuse est écrite (Granth). C'est la langue de la musique de Bhangra, très populaire en Asie du Sud et à l'étranger. La culture pendjabi a souffert de la partition en 1947. Cependant, la langue et la culture tendent à unir au delà des affiliations nationales et religieuses.

La langue pendjabi moderne a beaucoup emprunté à d'autres langues, y compris l’Hindi, l’Ourdou, le Persan et l’Anglais. Elle est dérivée du Sanskrit. En outre, comme l’Hindi et l’Ourdou, il a un nombre substantiel des mots arabes, persans, et même quelques-uns turcs. On peut subdiviser la langue Pendjabi en Pendjabi occidental (Lahnda) et Pendjabi oriental. Il y a plusieurs différents alphabets utilisés selon la région et le dialecte parlé.

Les Sikhs du Pendjab indien emploient l’écriture Gurmukhi (de la bouche des gourous). Les hindous, et ceux vivant dans les états voisins tels que Haryana et Himachal Pradesh emploient parfois l’écriture Devanagari. Alors que les musulmans, et en général Pendjabi pakistanais, emploient l’écriture arabe modifiée appelée Shahmukhi.

Une économie agricole avec des industries en plein essor

- Le Pendjab pakistanais

La province est une vaste plaine irriguée par cinq fleuves principaux : l’Indus, le Jhelum, le Chanab, le Ravi, et le Sutlaj. Ils proviennent de l'Himalaya et coulent du nord-est vers le sud-ouest. Le volume d’eau augmente en été après des pluies de mousson, provoquant des inondations.

Le Pendjab est la province la plus peuplée du Pakistan. Selon le recensement 1998, la population de la province est de 72 millions d’habitants2. La densité de population est 353 hab/km 2 , alors qu’elle n’est que 164 hab/km 2 au niveau national. Le Pendjab représente 25.8% de la surface totale du Pakistan. Plusieurs métropoles pakistanaises sont pendjabies: Lahore, Faisalabad, Rawalpindi, Multan et Gujranwala. La province du Pendjab est divisée administrativement en 34 districts (l’équivalent des départements français).

L'économie du Pendjab est principalement agricole, bien que l'industrie apporte une contribution substantielle. La province joue un rôle essentiel dans la production agricole nationale. Elle contribue environ 68% à la production annuelle de céréales dans le pays. 20 millions d’hectares sont cultivés et 3.6 millions d’hectares de jachères cultivables. Le coton et le riz sont les principales récoltes.

Le Pendjab a également plus de 48 000 usines. A ce réseau s’ajoute un des dizaines des milliers de petites industries familiales. Les régions de Lahore et de Gujranwala ont la plus grande concentration de petites unités à faible technologie. La zone de Sialkot excelle dans les articles de sport, les instruments chirurgicaux et les ustensiles en inox.

Le Pendjab détient également des sous-sols riches avec des dépôts étendus de charbon, de gemmes, de dolomite, de gypse et de silice.

2 Précisemment 72 585 430 habitants

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- Le Pendjab indien

La majeure partie du Pendjab indien est une plaine fertile ; vers le sud-est se trouve un paysage semi–aride à aride; irrigué par quatre fleuves, le Ravi, le Beas, le Satluj et le Ghaggar coulent à travers l'état dans la direction sud-ouest. Ils ont de nombreux affluents. En outre, le Pendjab est irrigué par un système de canaux. Un vaste réseau de canaux et des puits abyssiniens irriguent 90% des terres cultivées. L'agriculture soutient l'économie du Pendjab et 97% des terres cultivables sont exploitées. Les récoltes principales sont le blé, le riz et le coton. La priorité est accordée au développement de la canne à sucre, des graines oléagineuses, de l'horticulture et de la sylviculture.

Le Pendjab ne représente que 1.5 % de la surface du pays. Cependant le Pendjab produit 22% du blé (12.7 millions de tonnes ), 9% de riz (6.8 millions de tonnes) et 24% de coton (0.3 million de tonnes) de la production nationale. Cette agriculture est très mécanisée, le Pendjab possédant le plus grand nombre de tracteurs du pays et ayant le niveau le plus élevé de consommation d’engrais par hectare.

Son taux de croissance économique moyen de 10% est parmi le plus haut dans le pays. L’Etat a également le revenu per capita le plus élevé en Inde.

Le Pendjab a plus de 197 000 de petites et moyennes industries et d'environ 653 industries d’envergure. L’Etat est leader dans la fabrication de machines-outils et d’outillage, de machines d’impression et de découpe de papier; de pièces automobiles et de commutateur électrique. L'Etat fournit également plus de 75% de la production du pays pour des bicyclettes, machines à coudre et articles de bonneterie.

Une analyse des données de la traite des enfants pendjabis

Les enfants pendjabis accueillis en France sont originaires de quelques districts du nord de cette région qui se trouvent des deux côtés de la frontière séparant l’Inde et le Pakistan. Selon les données du Service Mineur, 92% des enfants du Pendjab pakistanais sont venus d’une petite région des 4 districts du Gujrat, de Mandi Bahauddin, de Gujranwala et de Sialkot (appelée ci-après « Triangle Nord »). De même, dan le cas Pendjab indien, 98% des enfants sont venus de 3 districts du nord du Pendjab indien (Jalandhar, Kapurthala et Hoshiarpur) appelée ci-dessous « Triangle Doab ». (Cf. la carte du sous-continent indien)

Dans le cas du Pakistan, des 51 enfants accueillis par EMDH, 47 viennent de ce petit secteur qui se compose de 4 districts appelés Gujrat, Mandi Bahauddin, Gujranwala et Sialkot (Districts du Nord). De même, pour l’Inde, jusqu’en août 2004, le Service Mineurs a accueilli 62 jeunes. Ils sont tous originaires du Pendjab, à l’exception d’un seul. La plupart d’entre eux viennent de 3 districts du nord de cette région appelés Jalandhar, Kapurthala et Hoshiarpur (zone Doabs).

Les « Triangle Nord » et « Triangle Doab »

Le triangle Nord est situé au nord de la province du Pendjab pakistanais. Ayant la capitale, Islamabad, au nord ouest et la capitale provinciale, Lahore, à l’est, cette zone est

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reliée aux autres parties du pays grâce à la légendaire voie rapide “Grand Trunk Road” et à l’autoroute. Cette zone a des sols riches et est relativement mieux pourvus en eau pour l’agriculture. Située entre trois grands fleuves le Ravi, le Chenab et le Jehlam, cette zone produit un riz de bonne qualité, basmati, et du sucre de cane. Cette zone a aussi une bonne qualité d’eau souterraine qui est utilisée comme complément à l’eau des canaux d’irrigation en cas de rupture d’approvisionnement. A cet environnement favorable à l’agriculture, s’ajoute la concentration des unités industrielles de la province dans ces districts. Ces unités produisent et exportent des produits sportifs, des instruments chirurgicaux, des biens électriques et des vêtements en cuir.

De même, le triangle Doab se trouve dans le nord de la province du Pendjab indien. Cette zone est mieux pourvue en eau pour l’agriculture. Située entre deux grands fleuves le Sutlej et le Beas, cette zone produit le riz, le blé et du sucre de cane. Il y a une grande concentration d’unités industrielles de la province dans ces districts. Ces unités produisent et exportent des produits sportifs, électriques et des tissus.

En bref, les triangles Nord et Doab détiennent un environnement économique qui fournit des opportunités d’emploi plus élevées que dans les autres districts.

En dépit de cette situation relativement avantageuse, les personnes de cette zone ont plus tendance à l’émigration. La question se pose alors ainsi: quels sont les facteurs poussant les gens à partir à l’étranger? Pour cela, ils vont jusqu’à utiliser des moyens illégaux. Les raisons vraisemblables sont discutées dans les pages suivantes.

Figure : La situation du Pendjab en sous-continent indien.

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Profil des enfants pendjabis accueillis en France

Des 110 enfants arrivés d’Inde et du Pakistan, presque la totalité des 62 enfants indiens appartiennent à la communauté Sikh.

Une grande partie des enfants indiens vient du district de Hoshiarpur et un grand pourcentage des enfants pakistanais vient du district de Mandi Bahauddin.

L’âge des enfants pendjabis est passé de 14 ans et plus à moins de 14 ans. Le changement de la loi française (celle qui nécessitait trois années de séjour avant que le processus de naturalisation ne puisse être entamé) semble avoir affecté le choix de l’âge des enfants.

Les enfants pendjabis ne parlent ni français, ni anglais ni aucune autre langue européenne.

Virtuellement tous les enfants passés par EMDH sont des garçons. La liste ne comporte que 2 filles.

Il est difficile de croire les informations que les enfants donnent.

L’évaluation des jeunes constate que la plupart des enfants n’avaient pas le niveau d’études normal pour leur âge.

La plupart de ces enfants pourraient avoir été renvoyés de l’école ou être en échec scolaire ; peut-être que la famille ne s’attendait pas à ce qu’ils réussissent et que cela a influencé les décisions prises concernant l’avenir de l’enfant.

Dans le centre d’hébergement d’EMDH, plusieurs des garçons pendjabis un peu plus âgés font preuve d’un manque de bonnes manières et se comportent mal avec les autres élèves et spécialement avec les filles.

Quelques-uns des immigrants plus âgés qui se présentent comme des enfants peuvent ne pas être des mineurs (ils doivent donc subir un examen de maturation osseuse).

Il est à noter que les enfants pendjabis ne sont pas impliqués dans des vols de rue au contraire des enfants d’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord3. Souvent les enfants des rues sont impliqués dans de telles activités. Ainsi, il est plus que probable qu’ils sont en contact avec leurs compatriotes ou qu’ils soient héberger par des membres de leur famille. Par conséquent, leurs cas doivent être étudier avec attention.

Qui envoie les enfants à l’étranger et qui paye ?

Les enfants expliquent que leurs parents empruntent de l’argent et vendent leur terre ou leurs biens afin de pouvoir envoyer leurs enfants à l’étranger. Il résulte des enquêtes qu’EMDH a réussi à mener auprès de parents qu’elle a pu contacter dans les deux parties du Pendjab que les familles ne veulent pas que les enfants « exportés » soient rapatriés. Il est important de noter qu’ayant envoyé un enfant à l’étranger, à un prix considérable, la

3 Selon une discussion avec les éducateurs du SEAT de Paris.

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famille doit récupérer son argent. Donc, les enfants doivent gagner de l’argent pour rembourser. Ils ne parlent pas de leurs conditions de vie en France à leurs familles. Ils sont conscients du fait que l’argent qui leur a permis de partir a été difficilement trouvé. Les enfants qui travaillent envoient a plupart de l’argent gagné à leur famille afin de payer la dette contractée.

Comment voyagent-ils?

Les souvenirs de voyage écrits des enfants révèlent les misères qu’ils endurent pendant le voyage. Ils nous donnent également des renseignements sur les réseaux des trafiquants bien établis. Leurs petits groupes forment un grand réseau qui s'étend de Dhaka à Londres et de Moscou au Cap. Plusieurs itinéraires sont utilisés.

La plupart des enfants pakistanais traversent la frontière Taftan (Zahidan) pour entrer en Iran soit à pied soit dans des camions. D’Iran, ils entrent en Turquie4 avec l’aide des trafiquants. De Turquie, ils utilisent des bateaux cargos pour atteindre la Grèce, l’Italie ou parfois directement la France. Ils n’ont alors aucun document de voyage et tout est illégal. Ils voyagent par groupe de 5 à 40 personnes. Ces groupes sont normalement accompagnés par des trafiquants5.

Un deuxième itinéraire est de venir par avion en Afrique de Nord, par exemple au Maroc, en Algérie, Tunisie et Libye. De Libye, ils traversent normalement la Méditerranée pour atteindre la Sicile ou l’Italie continentale alors que du Maroc et d’Algérie ils atteignent l’Espagne.

Une fois arrivé dans un pays membre de l’Union Européenne, ils voyagent en train ou en bus. Dans un cas, on peut noter qu’un compatriote chauffeur de taxi a aidé un enfant pour son voyage d’Italie vers la France.

Le troisième itinéraire possible est de prendre un vol du Pakistan ou de l’Inde vers la Russie, de là ils entrent dans les pays de l’Europe de l’Est et ainsi en France. Ce trajet est peu fréquent récemment. La situation politique défavorable de ces pays y a affaibli le réseau des trafiquants.

Enfin, des enfants arrivent en France par avion en utilisant un vol direct en provenance du Pakistan et de l’Inde. Dans ce cas, ils utilisent des documents de voyage en bonne et due forme, i.e. un passeport. Habituellement, ce passeport est falsifié par le trafiquant avec l’aide rémunérée des administrations concernées.

Comment fonctionne le réseau de trafiquants?

Une organisation complète est nécessaire pour ce type de voyage. Par exemple, dans le cas d’un vol direct de Paris, le trafiquant préparera un passeport factice qui est en fait produit par le bureau des passeports avec des tampons originaux. Ainsi, la falsification est indécelable.

4 Cet itinéraire était tellement utilisé par les Pakistanais que le gouvernement de Turquie a mis une restriction sur les détenteurs de passeport pakistanais: ils ne peuvent plus entrer en Turquie par voie terrestre. Ils ne peuvent le faire que par avion. De plus, ils doivent donner la preuve qu’ils détiennent une certaine somme d’argent en liquide ou en traveller chéques au contrôle des douanes. Ce montant est habituellement mentionné sur leurs visas.5 Récit d’un jeune pakistanais inclu dans l’annexe pour avoir un aperçu de ce genre de voyage.

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Selon la législation pakistanaise, le nom de l’enfant peut être mentionné sur le passeport de ses parents jusqu’à ses 12 ans. Par conséquent l’enfant peut aller à l’étranger avec un seul de ses parents. Cette option est très utilisée par les trafiquants si un enfant semble avoir moins de 14 ans. En premier , ils préparent un faux acte de naissance. Puis, avec l’aide des officiels en charge des passeports, le nom de l’enfant est apposé sur le passeport d’une personne ayant déjà obtenu un visa Schengen.

Une autre possibilité est qu’ils préparent un vrai passeport pour l’enfant et obtiennent un véritable visa en soudoyant un officiel de la section consulaire d’un des états Schengen. Pour cela, le trafiquant doit avoir des relations avec les sections consulaires des états Schengen à Islamabad ou Karachi. Ils peuvent avoir ce type de relations dans d’autres pays du monde. Dans ce cas, l’enfant voyage en premier vers ce pays et après avoir obtenu un visa Schengen, il voyage plus loin. Au moins un cas de ce type a été rapporté à EMDH. Un adolescent a voyagé par avion du Pakistan vers le Ghana avec 4 autres adolescents. Du Ghana, ils ont obtenu des visas pour l’Espagne.

Enfin, le passeport d’une autre personne peut être utilisé. Dans ce cas soit un enfant voyage avec le passeport d’un enfant qui lui ressemble soit la photo sur le passeport est remplacée6. Un passeport pakistanais valide avec un visa Schengen peut être vendu contre un montant significatif et peut être déclaré perdu ultérieurement.

Dans toutes ces options mentionnées, le coût du voyage est très élevé. A l’heure actuelle, il peut être estimé de 8 000 à 10 000 euros. Arrivé à destination, le passeport est récupéré par le trafiquant pour d’autres utilisations. Ceci est décidé habituellement lors de l’accord initial.

Contrairement au voyage aérien, en cas de voyage par route et par bateau, un réseau complet de trafiquant est impliqué. Les trafiquants sont bien connectés les uns aux autres, cependant chacun a la responsabilité d’une charge spécifique. Par exemple, un trafiquant passe un accord pour amener une personne du Pakistan vers l’Iran. En Iran le voyageur sera pris en main par un autre trafiquant qui travaille entre l’Iran et la Turquie et ainsi de suite. Le premier trafiquant gardera le paiement pour le premier passage mais aussi une commission du second trafiquant pour lui avoir fourni un client. Le voyageur n’a pas d’argent avec lui donc pour les contrats ultérieurs une garantie de paiement est donnée. Un voyageur assure le nouveau trafiquant que dès son arrivée à destination, le paiement sera effectué à la famille du trafiquant au Pakistan.

En cas de voyage par route ou par bateau, les voyageurs se déplacent en groupe. Ils sont logés dans des lieux très sommaires tels que des cabanes de bergers. On leur donne seulement l’essentiel pour survivre. De tels voyages sont très longs, de 1 à 6 mois. Comme cette option est la plus difficile, le coût du voyage n’est pas très élevé: un voyage vers la France coûte de 2 000 à 5 000 Euros.

En France, le législateur a voté une nouvelle loi (loi du 26 novembre 2003) qui restreint la possibilité d’acquérir la nationalité française (on ne peut la demander désormais qu’à partir de 18 ans). Pour l’obtenir, un mineur doit passer au moins 3 ans sous la protection des services sociaux (ASE: Aide Sociale à l’Enfance), ce qui signifie qu’il doit arriver sur le territoire français avant ses 15 ans. Nous remarquons que les enfants indiens et

6 Le terme “PC” est très utilisé par les trafiquants. PC signifie Photo Change.

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pakistanais accueillis par l’Association depuis janvier 2004 ont autour de 15 ans. Cela montre que les trafiquants s’adaptent aux nouvelles lois.

Pourquoi émigrent ils?

La plupart des enfants pendant les premiers entretiens essayent de raconter une histoire classique i.e. les parents ont été tués soit par des terroristes soit par l’Etat dans les cas des Sikhs. Ils essayent de lier leurs histoires avec le mouvement indépendantiste des sikhs. Un grand nombre des enfants ont affirmé qu’ils ont quitté leur pays à cause de conflits liés à la propriété, à la terre et à l’eau. Certains enfants pakistanais prétendent que leurs familles ou qu’eux-mêmes ont été soumis à des discriminations politiques ou communautaires. Après vérification, un ensemble de facteurs influe sur la décision d’envoyer un enfants à l’étranger.

- Une tradition de l’expatriation

Depuis la Première Guerre mondiale, entre 28 et 30% de l’armée britannique est composée de soldats originaires du Pendjab. L’âge légal pour s’enrôler était de 14 ans et demi. Donc, historiquement, les habitants de cette région envoyaient leurs enfants vers le danger et en voyage. En outre, ces soldats qui ont beaucoup voyagé pendant les deux guerres mondiales se sont souvent installés à l’étranger à leur retraite et ont ainsi commencé à montrer les avantages de l’immigration à leurs proches.

Dans les années 70, quand les politiques de visa des pays développés européens n’étaient pas encore trop strictes, et que la demande de main d’oeuvre des pays du Golf Persique était très importante à cause du récent développement de l’industrie pétrolière, beaucoup de personnes des triangles Nord & Doab se sont installées à l’étranger, légalement.

Le mouvement armé des Sikhs dans les années 1980 a également joué un rôle important. Selon la National Human Rights Commission indienne, 10 000 personnes ont disparu, 15 000 sont mortes. Ainsi, les gens pensaient que garder leurs enfants dans le pays était plus dangereux que de les envoyer à l’étranger.

L’effet de démonstration joue aussi un rôle essentiel en cela. Les personnes voient leurs familles et voisins qui ont envoyé leurs enfants à l’étranger quelques années auparavant et qui ont changé de style de vie grâce à leurs versements. Même en travaillant toute une vie, ces familles n’auraient pas pu améliorer ainsi leur niveau de vie. Cela donne aux autres une raison de plus de faire de même. Par conséquent, les parents sont prêts à risquer la vie des plus jeunes de la famille.

- La pauvreté, facteur d’immigration, une idée contredite par les faits

L’émigration due à des raisons économiques est un phénomène bien connu. Le poids de la surpopulation sur les ressources d’un pays mène à un manque d’opportunités et au chômage. Ils émigrent vers des pays où ils peuvent obtenir de meilleures opportunités. Logiquement, les personnes appartenant aux zones les moins développées du Pakistan devraient émigrer. Or, ce n’est pas le cas. A contrario, les données révèlent que l’émigration provient des zones relativement plus développées i.e. des districts du Nord.

La pauvreté n’est pas la cause de la migration irrégulière et du trafic des enfants dans cette zone précise. Les gens qui payent entre 800 000 et 1 000 000 de roupies indiennes

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(équivalant à 15 000 à 18 000 euros) ont une source de revenu. Les parents et les familles concernés ne sont pas vraiment pauvres. Il est possible que les familles considèrent l’envoi de leur enfant en France comme un investissement, et un bénéfice potentiel pour tous.

A cause de l’héritage, la taille des terres devient trop réduite pour qu’elle puisse être utilisée de manière productive. Les gens vendent ces parcelles et utilisent l’argent pour partir et envoyer leurs enfants à l’étranger. Dans ces circonstances, ils ont besoin d’être guidés afin d’investir cet argent dans les entreprises locales appropriées.

- Saisir une opportunité

Comme indiqué plus tôt, les districts du nord sont situés entre les deux grandes villes d’Islamabad et de Lahore où se situent respectivement les Ambassades et les agences de voyages. Ainsi, la population de cette zone a eu l’avantage d’avoir un accès aisé à ces facilités. Quand les restrictions sur les visas des différents pays de l’Union Européenne ont augmenté progressivement et que la demande de main d’oeuvre des pays du Golf avait diminué, ils ont commencé à utiliser des moyens illégaux pour d’installer à l’étranger. Ceux qui ont eu l’expérience de vivre à l’étranger ont développé la carrière de préparer de faux documents et trafiquant d’êtres humains. Cette zone est devenue un sanctuaire pour les passeurs.

Les enfants provenant du Pakistan ont un niveau scolaire bien inférieur à celui comparé à leur âge. Un collégien moyen devrait être en 10ème année de scolarité à l’âge de 15 ans alors qu’ils ont quitté l’école 2 à 3 ans avant leur voyage. Les écoles publiques sont bien implantées dans cette zone qui fournit une éducation jusqu’à la 10ème année à des tarifs très faibles. Ainsi, la pauvreté ne peut être un prétexte. Cela indique que les enfants n’ayant pas de possibilité d’avoir une bonne carrière à cause de la faiblesse de leurs résultats scolaires, sont envoyés à l’étranger. Dans une école dirigée par la fondation SGB pour les élèves pauvres âgés entre 3 et 8 ans, 75 enfants sur 100 ont déjà leur passeport prêt, ce qui n’est pas exigé par la loi. Cela montre l’intention des parents d’envoyer ces enfants à l’étranger.Ces trafiquants attirent les personnes en leur dépeignant un avenir meilleur à l’étranger. Ils arrivent à les convaincre de considérer le coût du voyage comme un investissement pour leur futur. Ainsi, les plus pauvres vendent leurs possessions ou empruntent l’argent pour payer ce coût. Ainsi, dans les années 60 quand les agents montraient des photos de femmes à moitié nues aux villageois pour leur dépeindre une image attrayante des pays européens. Les gens préparent de faux documents bancaires afin de prouver qu’ils sont riches et obtenir des visas étudiants pour leurs enfants. Par conséquent, il faut aussi être attentifs aux cas de faux étudiants.

Quelles solutions ?

Les intérêts des enfants « exportés » ne semblent inquiéter personne d’autre que les autorités qui les accueillent en France. Dans la plupart des cas, les ambassades de l’Inde et celle du Pakistan n’acceptent pas de se charger de ces enfants. Puisqu’en général ces enfants n’ont pas de pièce d’identité, les deux ambassades disent qu’ils ne peuvent pas être automatiquement reconnus comme ressortissants de leur pays. Comme les enfants ne peuvent pas prouver qu’ils appartiennent à l’un des deux pays, ils sont dans une situation

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délicate. Comme les enfants, en général, ne demandent pas à être rapatriés, et que la loi française oblige à se conformer au souhait exprimé de l’enfant, les ambassades ne se sentent pas obligées d’intervenir ou de porter assistance à ces enfants.

Les enfants arrivent, on les accueille ; est-ce une solution ?

La solution à ce problème peut-être ne peut pas être trouvée à la destination mais à la source.

Attaquer les trafiquants et la corruption existante dans les bureaux d’immigration et des passeports est une activité au-delà de la juridiction des associations. De telles mesures sont bien sûr de la responsabilité des agences légales des gouvernements concernés.

Cependant, certaines interventions sont possibles. Au niveau des parents, il est nécessaire de développer leurs connaissances des intérêts réels des trafiquants, des conditions de voyage misérables auxquelles doivent faire face leurs enfants ainsi que leur vie en France. Ils doivent aussi être informer des changements de politique concernant l’asile et des lois les plus récentes. Cela requière d’initier une campagne de sensibilisation dans les triangle Nord et triangle Doab. Une telle campagne peut être menée en collaboration avec des ONG locales.

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Annexe : Ali : « Mon père m’a banni !! »

Ali a 16 ans. Il est sorti de son pays aux environs de mai-juin 2003. Le voyage a commencé d’une ville près de son village dans un camion à deux étages. Il a été caché avec environ 40 autres personnes en bas alors que les moutons étaient au 2ème étage. Après à peu près 200 kilomètres, les passeurs ont arrêté le camion dans une forêt. Ils ont pris tout le monde, un par un, dans la forêt et leur ont donné un tranquillisant. Il pense que tout le monde a dormi au moins 5 à 6 jours. Quand il est revenu à lui, il s’est retrouvé très faible et avait très faim. Il était dans une grande chambre avec les autres personnes dont quelques uns étaient encore inconscients. Plus tard, deux personnes parmi celles inconscientes étaient mortes.

Ils ont passé environ 3 mois dans cette chambre. Ils ont été gardé par 5-6 personnes et ont eu très peu de nourriture. Ainsi, tout le monde était très faible et n’était pas capable de se bagarrer avec les passeurs. Ils ont passé la plupart du temps à dormir. Ali ne peut pas préciser la position exacte de cet endroit. Selon lui, ce n’était pas au Pakistan. Ni la nourriture n’était Pakistanaise ni la langue des gardiens n’était une des langues pakistanaises. Ensuite, une nuit, ils ont été jeté dans un camion comme de vulgaires paquets. Après un voyage d’une nuit, ils sont arrivé sur la côte. Ils ont été jeté une autre fois dans une vedette. Ils ont passé plusieurs jours dans la vedette. Le voyage a été interrompu plusieurs fois par la météo et la peur des garde-côte. Une fois ils ont passé 10 jours sur une côte. Finalement, ils ont été débarqué par les passeurs sur une côte et on leur a dit que c’était la France. C’était la nuit et on leur a demandé de se disperser soit seul soit par groupe de maximum 3 personnes.

Il est parti avec une personne âgée. Ils ont marché sur un chemin et à l’aube ils sont arrivés dans une petite ville (Ali ne sait pas le nom de cette ville). C’était le 29 ou le 30 novembre 2003. L’autre personne avait des contacts en France. Il a demandé l’aide à une personne pour téléphoner. Il a expliqué leur position à son ami qui après plusieurs heures est arrivé dans un camion pour les chercher. Cet ami a envoyé Ali vers Paris avec un Sikh de l’Inde. Il a passé 2 semaines avec l’Indien qui l’a fait travailler en tant que peintre dans un bâtiment. Il lui a donné de la nourriture mais pas d’argent. Il a dormi dans le studio du Sikh avec 5-6 autres Sikhs qui buvaient, se bagarraient et amenaient des prostituées la plupart du temps. Un travailleur lui a conseillé de quitter le Sikh, si non, il allait être exploité. Alors, il l’a quitté et a passé un jour dans la rue. Le lendemain il a rencontré un compatriote Riasat. A ce moment-là, Ali était malade et faible. Riasat lui a donné l’hébergement pour quelques jours et puis l’a dirigé vers SSAE et EMDH.

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