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Article original Traitement actuel des phéochromocytomes : à propos de 50 cas Current management of pheochromocytoma: about 50 cases S. Cherki a , S. Causeret a , J.C. Lifante a , J.Y. Mabrut a , S. Sin a , N. Berger b , J.L. Peix a, * a Service de chirurgie générale, hôpital de l’Antiquaille, 1, rue de l’Antiquaille, 69321 Lyon cedex 05, France b Laboratoire d’anatomie-pathologie, Hôtel-Dieu, 1, place de l’hôpital, 69288 Lyon cedex 2, France Reçu le 19 décembre 2002 ; accepté le 27janvier 2003 Résumé But de l’étude. – Ce travail rapporte notre expérience de la chirurgie du phéochromocytome, les résultats et les indications respectives de la laparoscopie et de la laparotomie. Patients et méthodes. – Entre janvier 1994 et mai 2002, 50 patients ont été opérés, par laparotomie ou par laparoscopie, d’un phéochromocytome. La survenue en péri-opératoire de poussées hypertensives a été évaluée rétrospectivement. Tous les patients ont eu un dosage des dérivés méthoxylés urinaires au 2 e mois postopératoire. Le résultat à long terme a été évalué chez 44 patients. Le recul moyen était de 39 mois. Résultats. – Dix patients ont été opérés par laparotomie : 8 surrénalectomies unilatérales (les lésions étaient > 8 cm dans 7 cas) et 2 surrénalectomies bilatérales (une récidive et une lésion polylobée et kystique). Quarante patients ont été opérés par laparoscopie : 32 par laparoscopie exclusive dont une surrénalectomie bilatérale (les lésions étaient < 5 cm dans 29 cas). Chez 8 patients (20 %) une conversion a été nécessaire. Les causes de conversion ont été des difficultés d’hémostase ou de dissection liées à la présence d’une fibrose périsurrénalienne dans 7 cas. En cas de laparoscopie, les troubles hémodynamiques n’étaient pas plus fréquents ; les durées opératoires et d’hospitalisation étaient plus courtes et le taux de guérison à long terme de 100 %. Conclusion. – Bien que la laparoscopie soit devenue la voie d’abord de référence dans le traitement du phéochromocytome, la laparotomie reste indiquée dans certains cas : taille tumorale > 8 cm, fibrose périsurréalienne et lésions récidivantes notamment à droite. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Study aim. – The aim of this retrospective study was to assess our experience of the laparoscopic surgery of pheochromocytoma .We report indications and results of laparoscopic and open adrenalectomy for pheochromocytoma. Patients and methods. – Between january 1994 and may 2002, 50 patients underwent laparoscopic or open adrenalectomy for pheocromocytoma. The perioperative hemodynamic parameters were assessed for each patient. In each case, urinary metanephrine levels were measured at the second month postoperatively. The long term outcome was assessed in 44 patients. The mean follow-up was 39 months. Results. – Ten patients underwent open adrenalectomy: 8 patients for unilateral tumors (tumor size was > 8cm in 7 cases) and 2 patients for bilateral tumors (1 recurrence and 1 cystic polylobed tumor). Fourty patients underwent laparoscopic adrenalectomy: in 32 cases, including 1 patient with a bilateral tumor, no conversion was performed (tumor size was < 5cm in 29 cases). In 8 cases (20%), a conversion to an open operation was performed. The reasons to convert were bleeding and periadrenal fibrosis in 7 cases. In laparoscopic adrenalectomy group, hemodynamic troubles were not more frequent, the hospital stay was shorter and there was no recurrence. Conclusion. – Laparoscopic adrenalectomy is the Gold standard procedure for patients with pheochromocytoma. But open adrenalectomy is sometimes indicated: tumor size > 8cm, periadrenal fibrosis, and recurrence tumor. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.L. Peix). Annales de chirurgie 128 (2003) 232–236 www.elsevier.com/locate/annchi © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0003-3944(03)00065-8

Traitement actuel des phéochromocytomes : à propos de 50 cas

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Article original

Traitement actuel des phéochromocytomes : à propos de 50 cas

Current management of pheochromocytoma: about 50 cases

S. Cherkia, S. Causereta, J.C. Lifantea, J.Y. Mabruta, S. Sina, N. Bergerb, J.L. Peixa,*a Service de chirurgie générale, hôpital de l’Antiquaille, 1, rue de l’Antiquaille, 69321 Lyon cedex 05, France

b Laboratoire d’anatomie-pathologie, Hôtel-Dieu, 1, place de l’hôpital, 69288 Lyon cedex 2, France

Reçu le 19 décembre 2002 ; accepté le 27janvier 2003

Résumé

But de l’étude. – Ce travail rapporte notre expérience de la chirurgie du phéochromocytome, les résultats et les indications respectives dela laparoscopie et de la laparotomie.

Patients et méthodes. – Entre janvier 1994 et mai 2002, 50 patients ont été opérés, par laparotomie ou par laparoscopie, d’unphéochromocytome. La survenue en péri-opératoire de poussées hypertensives a été évaluée rétrospectivement. Tous les patients ont eu undosage des dérivés méthoxylés urinaires au 2emois postopératoire. Le résultat à long terme a été évalué chez 44 patients. Le recul moyen étaitde 39 mois.

Résultats. – Dix patients ont été opérés par laparotomie : 8 surrénalectomies unilatérales (les lésions étaient > 8 cm dans 7 cas) et 2surrénalectomies bilatérales (une récidive et une lésion polylobée et kystique). Quarante patients ont été opérés par laparoscopie : 32 parlaparoscopie exclusive dont une surrénalectomie bilatérale (les lésions étaient < 5 cmdans 29 cas). Chez 8 patients (20 %) une conversion a éténécessaire. Les causes de conversion ont été des difficultés d’hémostase ou de dissection liées à la présence d’une fibrose périsurrénaliennedans 7 cas. En cas de laparoscopie, les troubles hémodynamiques n’étaient pas plus fréquents ; les durées opératoires et d’hospitalisationétaient plus courtes et le taux de guérison à long terme de 100 %.

Conclusion. – Bien que la laparoscopie soit devenue la voie d’abord de référence dans le traitement du phéochromocytome, la laparotomiereste indiquée dans certains cas : taille tumorale > 8 cm,fibrose périsurréalienne et lésions récidivantes notamment à droite.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Study aim. – The aim of this retrospective study was to assess our experience of the laparoscopic surgery of pheochromocytoma .We reportindications and results of laparoscopic and open adrenalectomy for pheochromocytoma.

Patients and methods. – Between january 1994 and may 2002, 50 patients underwent laparoscopic or open adrenalectomy forpheocromocytoma. The perioperative hemodynamic parameters were assessed for each patient. In each case, urinary metanephrine levels weremeasured at the second month postoperatively. The long term outcome was assessed in 44 patients. The mean follow-up was 39 months.

Results. – Ten patients underwent open adrenalectomy: 8 patients for unilateral tumors (tumor size was > 8cm in 7 cases) and 2 patients forbilateral tumors (1 recurrence and 1 cystic polylobed tumor). Fourty patients underwent laparoscopic adrenalectomy: in 32 cases, including1 patient with a bilateral tumor, no conversion was performed (tumor size was < 5cm in 29 cases). In 8 cases (20%), a conversion to an openoperation was performed. The reasons to convert were bleeding and periadrenal fibrosis in 7 cases. In laparoscopic adrenalectomy group,hemodynamic troubles were not more frequent, the hospital stay was shorter and there was no recurrence.

Conclusion. – Laparoscopic adrenalectomy is the Gold standard procedure for patients with pheochromocytoma. But open adrenalectomyis sometimes indicated: tumor size > 8cm, periadrenal fibrosis, and recurrence tumor.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J.L. Peix).

Annales de chirurgie 128 (2003) 232–236

www.elsevier.com/locate/annchi

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.DOI: 10.1016/S0003-3944(03)00065-8

Mots clés : Surrénalectomie laparoscopique ; Phéochromocytome

Keywords: Laparoscopic adrenalectomy; Pheochromocytoma

Le phéochromocytome est une cause rare d’hypertensionartérielle (HTA) (0,5 %), importante à diagnostiquer du faitdu risque de complications aiguës. L’HTA due au phéochro-mocytome est curable chirurgicalement dans 90 % des cas.

Le traitement chirurgical du phéochromocytome consis-tait encore il y a une dizaine d’années en une large laparoto-mie. Celle-ci permettait une exploration abdominale et rétro-péritonéale complète et un contrôle premier des vaisseaux,afin de réduire les troubles hémodynamiques. Les progrès del’ imagerie permettent actuellement de localiser en préopéra-toire la tumeur et rend obsolète la nécessité d’une largeexploration abdominale et rétropéritonéale. La laparoscopie,initiée par Gagner en 1992, supplante dorénavant la laparo-tomie dans l’exérèse des tumeurs surrénaliennes bénignes[1–3]. D’abord appliquée avec prudence dans la chirurgie duphéochromocytome, la laparoscopie s’est généralisée danscette indication, même s’ il en existe encore des limites [4].

Ce travail rapporte notre expérience de la chirurgie duphéochromocytome, les résultats et les indications respecti-ves de la laparoscopie et de la laparotomie.

1. Patients et méthodes

Entre janvier 1994 et mai 2002, 50 patients, 23 hommes et27 femmes, ont été opérés d’un phéochromocytome. L’âgemoyen était de 54 ans (27–81).

Le diagnostic a été fait, dans tous les cas sauf un, enpréopératoire devant l’augmentation des dérivés méthoxylésurinaires et/ou plasmatiques. Chez un patient, les dérivésméthoxylés étaient normaux ; le diagnostic de phéochromo-cytome était obtenu après examen histologique.

Le bilan topographique a consisté en la réalisation d’unetomodensitométrie abdominale chez tous les patients, d’uneIRM abdominale chez 10 patients et d’une scintigraphie auMéthyllodoBenzylGuanidine (MIBG) chez 14 patients. Tousles patients, sauf un, ont été préparés par inhibiteurs calci-ques, 50 mg 2 fois par jour, pendant au moins une semaine.

En peropératoire, un monitoring continu de la tensionartérielle et de la fréquence cardiaque était réalisé. Lecontrôle hémodynamique était maintenu par perfusion d’ in-hibiteur calcique jusqu’à exérèse du phéochromocytomepuis par remplissage vasculaire. Rétrospectivement, à l’aidedes fiches d’anesthésie, nous avons dénombré les cas de

poussées hypertensives (pression artérielle systolique > 18mmHg) et de troubles du rythme cardiaque survenus enpéri-opératoire.

Les patients ont été opérés par laparotomie (sous costale)ou par laparoscopie (voie transpéritonéale latérale) selon latechnique décrite par Gagner [1].

La surveillance des patients était clinique (réévaluationdes symptômes préopératoire) et biologiques (dosage desdérivés méthoxylés urinaires). Tous les patients ont été réé-valués au 2e mois postopératoire. Pour 44 patients, des nou-velles récentes ont étéobtenues auprès des médecins traitantsou des endocrinologues. Six patients (12 %) ont étéperdus devue au-delà du 2e mois. Le recul moyen était de 39 mois(3–102).

2. Résultats

Sur les 50 patients, 47 patients avaient un phéocromocy-tome unique ; 3 patients avaient un phéocromocytome bila-téral (Tableau 1).

2.1. Voies d’abord et gestes chirurgicaux (Tableau 2)

Cinquante-trois phéochromocytomes ont été réséqués (26droits et 27 gauches). Dix surrénalectomies (20 %) ont étéeffectuées par laparotomie :

• huit exérèses unilatérales : la taille tumorale était supé-rieure à 8 cm dans 7 cas ;

• deux exérèses bilatérales : une surrénalectomie bilaté-rale avec conservation partielle de la corticosurrénaleétait effectuée pour une forme sporadique avec des lé-sions polylobées et partiellement kystiques. Une exérèseitérative droite associée à une surrénalectomie gaucheétait réalisée pour une récidive dans le cadre d’une NEMIIa.

Quarante surrénalectomies (80 %) ont été débutées parlaparoscopie : 32 surrénalectomies dont une bilatérale ont étéeffectuées par voie laparoscopique exclusive. Dans 29 cas, lephéocromocytome avait une taille inférieure à 5 cm.

Chez 8 patients (20 %) une conversion en laparotomie aété nécessaire. Il s’agissait de 5 phéochromocytomes droitset de 3 gauches. La taille était inférieure à 5 cm dans 6 cas.Les causes de conversion étaient dans 5 cas des difficultés

Tableau 1Caractéristiques des phéochromocytomes des 50 patients

Phéochromocytome unilatéral Phéochromocytome bilatéral TotalSporadique 43 1 44Von Recklinghausen 3 3NEM IIa 1 2 3Total 47 3 50

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d’hémostase, avec notamment une déchirure de la veine caveinférieure englobée dans une gangue fibreuse. Dans 2 autrescas, l’existence d’une fibrose périsurrénalienne imposait uneconversion. Dans un cas, la conversion était réalisée du faitde l’ impossibilité de découvrir une petite lésion du côtégauche.

2.2. Troubles hémodynamiques péri-opératoires

Vingt patients (40 %) ont eu au moins une poussée hyper-tensive : 5 patients à l’ induction de l’anesthésie (3 unique-ment à ce stade de l’ intervention), 18 patients pendant legeste opératoire [3 laparotomies (30 %) et 14 laparoscopies(35 %)]. Les troubles hémodynamiques ont été de courtedurée et d’ intensité modérée à l’exception d’un patient dontla pression artérielle systolique a atteint 330 mmHg. Aucunepoussée hypertensive n’a eu lieu au moment de l’ insufflationdu pneumopéritoine. La survenue de troubles hémodynami-ques n’a jamais été à l’origine d’une conversion. Un arrêttransitoire de la dissection était réaliséjusqu’à obtention d’unbon contrôle hémodynamique.

2.3. Durée opératoire

La durée moyenne d’ intervention a été de 52 min (35–150) par laparoscopie contre 75 min (50–130) par laparoto-mie.

2.4. Morbidité

La mortalitépéri- et postopératoire a éténulle ; La morbi-dité totale a été de 10 % (5 patients). Après laparotomie, lamorbiditéa étéde 30 % (3 patients) : 2 suppurations pariéta-les et une éventration tardive. Après laparoscopie, la morbi-dité a été de 5 % (2 patients) : un épanchement pleural droit(intervention convertie pour plaie de la veine cave inférieure)et un pneumothorax droit. Le seul patient transfusé corres-pondait à la plaie de la veine cave inférieure.

Parmi les 3 patients opérés d’un phéochromocytome bila-téral, 2 ont eu un traitement substitutif à vie par hydrocorti-sone (30 mg j–1). Le patient pour lequel un fragment decorticosurrénale a étéconservé était sous 15 mg j–1 d’hydro-cortisone 3 mois après l’ intervention.

2.5. Durée d’hospitalisation

La durée moyenne d’hospitalisation postopératoire étaitde 9,6 j en cas de laparotomie (7–20 j) et de 5,4 j (3–15 j) encas de laparoscopie.

2.6. Anatomopathologie

Sur les 53 phéochromocytomes réséqués, 17 lésionsavaient une taille inférieure ou égale à 3 cm, 25 comprisesentre 3 et 7 cm et 11 supérieures à 7 cm.

Trois volumineux phéochromocytomes de 8, 11 et 17 cmétaient suspects de malignitéaprès examen anatomopatholo-gique (invasion vasculaire).

2.7. Taux de guérison

Au 2e mois postopératoire, les dérivés méthoxylés urinai-res étaient normaux chez 49 patients (98 %). Un patient opérépar laparotomie d’un phéochromocytome de 11 cm suspectde malignité à l’examen anatomopathologique, présentaitune élévation persistante des dérivés méthoxylés. Il existaitun foyer hyperfixant à la scintigraphie au MIBG en regard dela loge rénale. À cet endroit, une image d’allure tissulaireétait retrouvée à la tomodensitométrie. Une néphrectomieélargie a été réalisée. La malignité était affirmée par la pré-sence d’une métastase ganglionnaire du pédicule rénal. Lesdérivés méthoxylés se sont normalisés àl’ issue de l’ interven-tion, avec un recul de 28 mois.

À long terme, 6 patients ont étéperdus de vue. Chez les 44autres patients, les dérivés méthoxylés urinaires étaient nor-maux. Chez 10 patients persistait une hypertension artériellemodérée, en dépit de la normalisation des dérivés méthoxy-lés.

3. Discussion

3.1. Prévention des troubles hémodynamiquesperopératoires

Malgré la préparation systématique par inhibiteurs calci-ques, 20 patients (40 %) ont eu au moins une poussée hyper-tensive. Celles-ci étaient de courte durée et d’ intensitémodé-rée. Seul un patient opéré d’un phéochromocytome droitpartiellement kystique, a présenté une poussée hypertensivemajeure (330 mmHg de pression artérielle systolique) lors dela mobilisation du foie par laparoscopie. Classiquement, lesphéochromocytomes sécrétant de façon élective ou prédomi-nante de l’adrénaline sont à l’origine de troubles du rythmecardiaque [5]. La préparation préopératoire par inhibiteurscalciques quel que soit le profil sécrétoire (adrénaline ounoradrénaline) et quelle que soit l’ intensité des signes clini-ques (y compris dans les formes non ou peu fonctionnelles)doit être considérée comme indispensable [6].

Tableau 2Voies d’abord et gestes chirurgicaux réalisés

Laparotomie Laparoscopie Totalexclusive convertie

Surrénalectomie unilatérale 8 31 8 47Surrénalectomie bilatérale 2 1 0 3Total 10 32 8 50

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Elle ne dispense pas d’un monitoring péri-opératoirecontinu et des règles classiques de dissection. Les troubleshémodynamiques peuvent survenir dès l’ induction de l’anes-thésie, avant tout geste chirurgical, comme nous l’avonsconstaté à5 reprises. En peropératoire, la survenue d’à-coupstensionnels est liée essentiellement à la manipulation tumo-rale. Il convient de mobiliser le moins possible la glandesurrénale avant d’avoir contrôlé les pédicules. Néanmoins, àdroite, pour un de nos patients, la simple mobilisation du foiea entraîné une sécrétion massive de catécholamines. Unemobilisation minimale de la glande surrénale nécessite unevoie d’abord adaptée. Par laparotomie, l’abord antérieurtranspéritonéal par une large incision sous-costale est la voiede choix. La laparoscopie est également une excellente voied’abord. Dans notre série, 32 patients (64 %) ont été opéréspar laparoscopie exclusive. Comme d’autres équipes, nousn’avons pas constaté de troubles hémodynamiques en pro-portion anormalement élevée [7–9]. Cependant la sélectiondes cas les plus difficiles pour la laparotomie rend touteinterprétation discutable. Néanmoins, il a été rapportéque lapression artérielle, la pression veineuse centrale et la pres-sion capillaire pulmonaire n’étaient pas statistiquement plusélevées en cas de laparoscopie [10–11].

3.2. Limites de la laparoscopie

La laparoscopie est devenue pour le phéochromocytomela voie d’abord de référence [12–13]. Tous les patients denotre série ont été opérés par voie transpéritonéale latérale.Nous n’avons aucune expérience de la voie rétropéritonéalequi est une alternative pour les lésions de petite taille[14–15], et qui a la faveur des urologues.

La dissection de certains phéochromocytomes peut s’avé-rer difficile, ainsi une laparotomie première ou secondairepar conversion reste indiquée dans certains cas. Le taux deconversion était important dans notre série (20 %, 8 patients)par rapport aux données de la littérature [12,16]. Il représenteplus de la moitié de nos conversions en chirurgie surréna-lienne laparoscopique alors que le phéochromocytome nereprésente que le quart de la pathologie surrénalienne denotre service. Cependant 7 des 8 conversions ont étéréaliséeslors des 20 premières surrénalectomies laparoscopiques pourphéochromocytome. Compte tenu des risques hémodynami-ques auxquels sont exposés les patients, il nous semble pré-férable en cas de difficultés, de convertir rapidement pouréviter des manipulations tumorales intempestives ou desdurées opératoires anormalement élevées.

La fibrose périsurrénalienne et à moindre titre les lésionskystiques et polylobées sont des sources de difficultés opéra-toires. Les récidives tumorales et les lésions géantes sont descontre-indications de la chirurgie surrénalienne laparoscopi-que.

3.2.1. La fibrose périsurrénaliennePeu évoquée dans la littérature, elle nous semble assez

fréquente en cas de phéochromocytome. Les remaniementsfibreux de la graisse périsurrénalienne sont dus àdes hémor-

ragies antérieures favorisées par les à-coups hypertensifs[17]. Ils compliquent considérablement la surrénalectomie etexposent du côté droit à des blessures de la veine cave. Lerisque de plaie de la veine cave inférieure rend indispensablela présence de clamps vasculaires sur la table d’ instruments.Le contrôle laparoscopique n’est pas toujours possible. Encas de déchirure majeure, nous proposons dans un 1er tempsune hémostase temporaire par packing par une courte inci-sion sous-costale, patient en décubitus latéral. Puis le patientest installé en décubitus dorsal pour réaliser un abord abdo-minal ou thoraco-abdominal adapté à la lésion. L’existenced’une fibrose périsurrénalienne majeure, bien visible auscanner, est pour nous une contre-indication à la laparosco-pie.

3.2.2. Les récidivesLa persistance ou la récidive après normalisation d’une

élévation des dérivés méthoxylés urinaires et/ou plasmatiquedoit faire évoquer :

• une exérèse incomplète de la tumeur principale ;• la présence de tumeurs associées extrasurrénaliennes ;• le développement secondaire d’un phéochromocytome

dans la glande controlatérale, notamment dans le cadredes formes familiales et génétiques (NEM lIa, Von Rec-klinghausen, Von hippel Lindau) ;

• le développement de métastases en cas de malignité ;• le développement secondaire de greffes péritonéales en

cas d’effraction tumorale peropératoire.Li et al. ont rapporté3 cas de récidives à34, 46 et 48 mois

après surrénalectomie par laparoscopie en rapport avec unecontamination péritonéale peropératoire [18]. Initialement,les tumeurs avaient une taille supérieure à5 cm. Ils suggèrentque la laparoscopie augmente le risque de greffe péritonéaleen cas de tumeur supérieure à 5 cm. Dans notre expérience,aucun cas de récidive après laparoscopie n’est survenu, mais88 % des tumeurs avaient une taille inférieure à5 cm et nousavons toujours converti en cas de difficultés majeures dedissection. La taille tumorale est certainement une contre-indication relative à la laparoscopie. Il est difficile de fixerune taille limite théorique et valable pour tous les patients. Endessous de 5 cm, la laparoscopie est indiquée. Au-delà de 8cm, elle est plutôt contre-indiquée d’autant plus qu’ il existeun risque de malignité. Entre 5 et 8 cm, l’abord dépend del’expérience de l’opérateur, des conditions locales, comptetenu de la nécessité d’éviter toute manipulation brutale ettoute effraction tumorale [19].

En cas de récidive, l’abord laparoscopique semble contre-indiqué. D’une part, la fibrose due à l’ intervention précé-dente complique la dissection notamment à droite et d’autrepart une récidive peut être en rapport avec un phéochromo-cytome malin.

3.3. Les phéochromocytomes bilatéraux

Le traitement des phéochromocytomes bilatéraux en untemps est possible par laparoscopie comme pour l’un de nospatients porteur d’une NEM IIa [20,21]. L’abord laparosco-

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pique est plus délicat techniquement si une surrénalectomiepartielle avec conservation de la corticosurrénale est envisa-gée. La conservation du cortex surrénalien peut éviter oualléger l’opothérapie substitutive à vie par hydrocortisone.Un patient de notre série a bénéficiéde cette intervention parlaparotomie. Sa faisabilitépar laparoscopie a étédécrite [22].Depuis la réalisation de ce travail, nous avons réalisé souslaparoscopie, l’exérèse partielle d’une surrénale associée àune surrénalectomie controlatérale pour des phéochromocy-tomes bilatéraux dans le cadre d’une maladie de Von HippelLindau. En cas de formes familiales, les lésions bilatéralessynchrones ou métachrones sont fréquentes. La surrénalec-tomie bilatérale n’est indiquée qu’en cas de lésions macros-copiques bilatérales évidentes.

4. Conclusion

La surrénalectomie laparoscopique est devenue la voied’abord de référence dans le traitement du phéochromocy-tome. Néanmoins, certaines lésions exposent àdes difficultésde dissection, à des risques d’effractions tumorales avecgreffes tumorales péritonéales et à des troubles hémodyna-miques peropératoires. Les contre-indications relatives sontune taille tumorale supérieure à 8 cm, l’existence d’unefibrose périsurrénalienne et les récidives notamment àdroiteau contact de la veine cave inférieure.

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