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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2014 - N°461 // 21 Un essai qui suggère qu’en première intention l’association dolutegravir/ABC/3TC serait plus efficace et mieux tolérée. Traitement antirétroviral : une anti-intégrase en première ligne ? Les anti-intégrases sont récemment apparus comme une arme essentielle dans l’arsenal thérapeutique opposé au VIH. Leur utilisation dans une pre- mière ligne de traitement reste néan- moins une option alternative, com- parée aux traitements de première intention habituellement recomman- dés, à savoir l’association de deux inhibiteurs nucléosidiques de la trans- criptase inverse (NRTI) à un inhibiteur non nucléosidiques de la transcriptase inverse (NNRTI) ou à une antiprotéase (IP). L’essai SINGLE, qui visait à évaluer l’efficacité d’une association incluant le nouvel anti-intégrase dolutegravir (S/GSK1349572) comme traitement de première intention pourrait faire évoluer ces recommandations. Cet essai de phase 3, multicentrique en double aveugle, a randomisé 833 sujets VIH+, naïfs de tout traitement, en deux groupes : un groupe (n = 414) recevant une trithérapie associant dolutegravir (50 mg en une prise orale par jour) au combo abacavir (ABC)/3TC (ou Kivexa © , un comprimé par jour), un groupe (n = 419) recevant l’association de réfé- rence associant dans un même com- primé (Atripla © , un comprimé par jour), 2 NRTI (ténofovir/TDF et FTC) et un NNRTI (efavirenz/EFZ). Tous les sujets étaient virémiques pour le VIH-1 (CV > 1 000 c/mL) et avaient été scree- nés comme non porteurs de l’allèle HLA B5701 (qui est associé à un risque plus élevé d’hypersensibilité à l’abacavir). Le critère d’évaluation principal était la proportion de patients indétectables (CV < 50 c/mL) à la 48 e semaine de trai- tement, les critères secondaires étant le délai pour atteindre l’indétectabilité, la remontée des CD4, le profil de tolé- rance et l’apparition de mutations de résistance en cas d’échec. Les sujets étaient par ailleurs stratifiés selon la CV initiale et le nombre de CD4 au moment du traitement. Le bras dolutegravir apparaît supérieur au bras de référence, puisque 88 % des sujets ayant reçu cet anti-inté- grase sont indétectables à S48 contre 81 % du groupe contrôle (p = 0,003). Le délai médian pour obtenir l’indétec- tabilité est également plus court sous dolutegravir (28 j) que sous la combi- naison de référence (84 j ; p < 0,001), avec une remontée des CD4 plus impor- tante (267 vs 208/mm 3 , p < 0,001). Cette supériorité, qui est plus marquée pour les patients les moins avancés dans la maladie (CV < 100 000 c/ml et/ou CD4 > 200 par mm 3 ), est en partie liée à une meilleure tolérance de la combinaison comprenant le dolute- gravir, avec significativement moins de patients ayant arrêté le traitement pour effets indésirables dans le groupe avec l’anti-intégrase (2 %) que dans le groupe-contrôle (10 %). Aucune muta- tion de résistance n’a été détectée dans les échecs du groupe dolutegravir, alors qu’une mutation de résistance au téno- fovir et quatre mutations de résistance à l’efavirenz ont été décelées chez les patients en échec sous Atripla ® . Cet essai suggère donc qu’en traite- ment de première intention, l’asso- ciation dolutegravir/ABC/3TC serait à la fois plus efficace et mieux tolé- rée que l’association TDF/FTC/EFZ. Ces résultats devront être confirmés sur un suivi à plus long terme, avant de faire modifier les recommanda- tions officielles, d’autant que la com- binaison avec l’anti-intégrase reste plus coûteuse que la combinaison de référence. Walmsley SL, Antela A, Clumeck N, et al. N Engl J Med 2013;369:1807-18. La trisomie 21 (maladie de Down dans les pays anglophones), qui résulte de la pré- sence de trois chromosomes 21, est la plus fréquente des anomalies chromosomiques. On l’observe dans 1 grossesse sur 700 et chez 1 nouveau-né sur 2 000. En France, elle touche plus de 65 000 personnes, qui souffrent ainsi des diverses séquelles qui lui sont associées (retard mental, mal- formations cardiaques, prédisposition à l’épilepsie et à certaines hémopathies) et présentent une espérance de vie réduite, autour de 50 ans. Aucun traitement médical ne permet d’amé- liorer ce pronostic, d’où l’intérêt porté à une étude investiguant l’efficacité potentielle d’une nouvelle molécule, sur un modèle murin reproduisant cette terrible affection. La molécule testée est un agoniste de la voie de signalisation Hedgehog, nommé SAG1.1. Cette substance a été choisie car elle est notamment capable d’augmenter le développement du cervelet, qui est juste- ment la région cérébrale le plus atrophiée chez les patients trisomiques. Le modèle animal utilisé est la souris TS65D, une sou- ris génétiquement modifiée qui reproduit fidèlement les principales anomalies céré- brales et cognitives de la trisomie. L’injection d’une dose unique de SAG1.1 à ces souris dès la naissance se révèle susceptible de corriger les anomalies morphologiques du cervelet. Ce même traitement parvient surtout à améliorer les performances cognitives des souris à l’âge adulte, avec normalisation de certains tests de mémoire et d’apprentissage. D’un point de vue physiologique, le traitement par SAG1.1 rétablit partiellement la spas- ticité synaptique dépendante du récep- teur au N-méthyl-d-aspartate (NMDA) et corrige le ratio NMDA/AMPA, connu pour son importance dans les phénomènes de mémorisation. Ces résultats confirment l’importance de la voie de signalisation Hedgehog dans le développement cérébelleux et suggère son impact direct sur les fonctions de l’hippo- campe. Il reste maintenant à vérifier l’inno- cuité de cette molécule, avant de pouvoir envisager des essais chez l’Homme. Das I, Park JM, Shin JH, et al. Sci Transl Med 2013;5(201):201ra120. doi: 10.1126/. Trisomie 21 : une molécule pleine de promesses

Traitement antirétroviral : une anti-intégrase en première ligne ?

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2014 - N°461 // 21

Un essai qui suggère

qu’en première

intention l’association

dolutegravir/ABC/3TC

serait plus efficace

et mieux tolérée.

Traitement antirétroviral : une anti-intégrase en première ligne ?Les anti-intégrases sont récemment apparus comme une arme essentielle dans l’arsenal thérapeutique opposé au VIH. Leur utilisation dans une pre-mière ligne de traitement reste néan-moins une option alternative, com-parée aux traitements de première intention habituellement recomman-dés, à savoir l’association de deux inhibiteurs nucléosidiques de la trans-criptase inverse (NRTI) à un inhibiteur non nucléosidiques de la transcriptase inverse (NNRTI) ou à une antiprotéase (IP). L’essai SINGLE, qui visait à évaluer l’efficacité d’une association incluant le nouvel anti-intégrase dolutegravir (S/GSK1349572) comme traitement de première intention pourrait faire évoluer ces recommandations.Cet essai de phase 3, multicentrique en double aveugle, a randomisé 833 sujets VIH+, naïfs de tout traitement, en deux groupes : un groupe (n = 414) recevant une trithérapie associant dolutegravir (50 mg en une prise orale par jour) au combo abacavir (ABC)/3TC (ou Kivexa©, un comprimé par jour), un groupe (n = 419) recevant l’association de réfé-rence associant dans un même com-primé (Atripla©, un comprimé par jour), 2 NRTI (ténofovir/TDF et FTC) et un NNRTI (efavirenz/EFZ). Tous les sujets étaient virémiques pour le VIH-1 (CV > 1 000 c/mL) et avaient été scree-nés comme non porteurs de l’allèle HLA B5701 (qui est associé à un risque plus élevé d’hypersensibilité à l’abacavir). Le critère d’évaluation principal était la proportion de patients indétectables (CV < 50 c/mL) à la 48e semaine de trai-tement, les critères secondaires étant le délai pour atteindre l’indétectabilité, la remontée des CD4, le profil de tolé-rance et l’apparition de mutations de résistance en cas d’échec. Les sujets étaient par ailleurs stratifiés selon la CV initiale et le nombre de CD4 au moment du traitement.Le bras dolutegravir apparaît supérieur au bras de référence, puisque 88 % des sujets ayant reçu cet anti-inté-grase sont indétectables à S48 contre 81 % du groupe contrôle (p = 0,003).

Le délai médian pour obtenir l’indétec-tabilité est également plus court sous dolutegravir (28 j) que sous la combi-naison de référence (84 j ; p < 0,001), avec une remontée des CD4 plus impor-tante (267 vs 208/mm3, p < 0,001). Cette supériorité, qui est plus marquée pour les patients les moins avancés dans la maladie (CV < 100 000 c/ml et/ou CD4 > 200 par mm3), est en partie liée à une meilleure tolérance de la combinaison comprenant le dolute-

gravir, avec significativement moins de patients ayant arrêté le traitement pour effets indésirables dans le groupe avec l’anti-intégrase (2 %) que dans le groupe-contrôle (10 %). Aucune muta-tion de résistance n’a été détectée dans les échecs du groupe dolutegravir, alors qu’une mutation de résistance au téno-fovir et quatre mutations de résistance à l’efavirenz ont été décelées chez les patients en échec sous Atripla®.Cet essai suggère donc qu’en traite-ment de première intention, l’asso-ciation dolutegravir/ABC/3TC serait à la fois plus efficace et mieux tolé-rée que l’association TDF/FTC/EFZ. Ces résultats devront être confirmés sur un suivi à plus long terme, avant de faire modifier les recommanda-tions officielles, d’autant que la com-binaison avec l’anti-intégrase reste plus coûteuse que la combinaison de référence.

Walmsley SL, Antela A, Clumeck N,

et al. N Engl J Med 2013;369:1807-18.

La trisomie 21 (maladie de Down dans les pays anglophones), qui résulte de la pré-sence de trois chromosomes 21, est la plus fréquente des anomalies chromosomiques. On l’observe dans 1 grossesse sur 700 et chez 1 nouveau-né sur 2 000. En France, elle touche plus de 65 000 personnes, qui souffrent ainsi des diverses séquelles qui lui sont associées (retard mental, mal-formations cardiaques, prédisposition à l’épilepsie et à certaines hémopathies) et présentent une espérance de vie réduite, autour de 50 ans.Aucun traitement médical ne permet d’amé-liorer ce pronostic, d’où l’intérêt porté à une étude investiguant l’efficacité potentielle d’une nouvelle molécule, sur un modèle murin reproduisant cette terrible affection.La molécule testée est un agoniste de la voie de signalisation Hedgehog, nommé SAG1.1. Cette substance a été choisie car elle est notamment capable d’augmenter le développement du cervelet, qui est juste-ment la région cérébrale le plus atrophiée chez les patients trisomiques. Le modèle animal utilisé est la souris TS65D, une sou-ris génétiquement modifiée qui reproduit fidèlement les principales anomalies céré-brales et cognitives de la trisomie.L’injection d’une dose unique de SAG1.1 à ces souris dès la naissance se révèle susceptible de corriger les anomalies morphologiques du cervelet. Ce même traitement parvient surtout à améliorer les performances cognitives des souris à l’âge adulte, avec normalisation de certains tests de mémoire et d’apprentissage. D’un point de vue physiologique, le traitement par SAG1.1 rétablit partiellement la spas-ticité synaptique dépendante du récep-teur au N-méthyl-d-aspartate (NMDA) et corrige le ratio NMDA/AMPA, connu pour son importance dans les phénomènes de mémorisation.Ces résultats confirment l’importance de la voie de signalisation Hedgehog dans le développement cérébelleux et suggère son impact direct sur les fonctions de l’hippo-campe. Il reste maintenant à vérifier l’inno-cuité de cette molécule, avant de pouvoir envisager des essais chez l’Homme.

Das I, Park JM, Shin JH, et al. Sci Transl Med

2013;5(201):201ra120. doi: 10.1126/.

Trisomie 21 : une molécule pleine de promesses