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225 Ann Dermatol Venereol 2006;133:225-9 Articles scientifiques Mémoire original Traitement de cicatrices chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie : résultats préliminaires S. SELLIER (1), M.-C. BOULLIE (1), P. JOLY (1), D. DEHESDIN (2) Résumé Introduction. De nombreux traitements sont proposés pour les cicatrices chéloïdes, mais aucun n’est régulièrement efficace. Nous rapportons les résultats préliminaires obtenus, par une technique associant shaving et cryochirurgie, chez 10 malades ayant de volumineuses cicatrices chéloïdes. Malades et méthodes. Dix malades ayant une ou plusieurs volumineuses cicatrices chéloïdes ont été traités par « shaving » de la base d’implantation de la chéloïde, immédiatement suivi d’une cryochirurgie du tissu chéloïdien restant et du tissu sous chéloïdien, en utilisant une impédancemétrie de 500 Kohms. Le suivi minimal était de 12 mois après traitement. Les résultats étaient considérés comme bons en cas de réduction de 80 à 100 p. 100 du volume initial de la cicatrice chéloïde, moyens en cas de réduction de 50 à 80 p. 100 ou de récidive partielle, mauvais en cas de réduction inférieure à 50 p. 100 ou de récidive complète. Résultats. Dix malades (7 hommes, 3 femmes), d’âge moyen 23 ans (10-45 ans), ayant 16 chéloïdes ont été traités. Les chéloïdes étaient localisées sur la face postérieure du pavillon de l’oreille (n = 10), sur le bord libre du pavillon de l’oreille (n = 3), la nuque (n = 1), le pubis (n = 1), et sur la région présternale (n = 1). La durée moyenne d’évolution des cicatrices était de 3,1 ans (18 mois-10 ans). La taille des lésions était toujours supérieure à 30 mm de grand axe. Le suivi moyen était de 23 mois (12 mois-56 mois). Les résultats ont été considérés comme bons pour 13 chéloïdes (dont 3 ont nécessité un second traitement) et moyens pour 3 autres chéloïdes. Une amélioration des signes fonctionnels a été observée chez tous les malades. Discussion. Les résultats de cette étude préliminaire sont très encourageants puisque tous les malades ont été améliorés, tant pour le volume des chéloïdes que pour les signes fonctionnels. La combinaison d’un « shaving » et de cryochirurgie nous semble constituer une alternative intéressante dans les volumineuses cicatrices chéloïdes, en particulier post-otoplastie. Summary Introduction. Numerous treatments have been proposed in patients with keloid scars. Unfortunately, most exhibit poor efficacy. The preliminary results obtained in ten patients with large keloid scars treated by shaving followed by cryosurgery are reported. Patients and methods. Ten patients with one or more keloid scars were treated by shaving of the keloid immediately followed by cryosurgery of underlying scar tissue using an impedance of 500 kOhms. Minimum post-treatment follow-up was 12 months. “Major response” was defined as a reduction in keloid thickness of 80% to 100%, “moderate response” as an improvement of 50% to 80% or partial relapse, and failure as an improvement of less than 50% or complete relapse after treatment. Results. A total of 16 keloids in ten patients (7 men, 3 women) aged from 10 to 45 years old (mean age: 25 years) were treated. Keloids were localised on the lower lobe of the ear (n = 10), on the ear lobe (n = 3), on the neck (n = 1), on the pubis (n = 1), and on the presternal area (n = 1). Mean duration of keloids was 3.1 years (18 months – 10 years). Mean follow-up was 23 months (12-56 months). “Major responses” were observed in 13 cases (82%) (3 cases required further treatment); “moderate response” was observed in 3 cases (18%). Conclusion. These preliminary results are highly encouraging since all patients showed improvement. Shaving associated with cryosurgery appears to us to be a useful treatment for large keloids scars, particularly after otoplastic surgery. es cicatrices chéloïdes sont liées à une cicatrisation dys- trophique, conduisant à une tumeur fibreuse dermique s’étendant au delà des limites de la lésion initiale, avec des prolongements « en pince d’écrevisses » sans aucune ten- dance à la régression spontanée après 18 mois d’évolution [1]. Ces tumeurs fibreuses, déclenchées par des traumatismes va- riables (plaies, cicatrices chirurgicales, vaccins, brûlures, ta- touages, piercings, infections, piqûres…) se localisent de préférence dans la région présternale et deltoïdienne, la partie supérieure du dos et des bras, le cou, la barbe et les lobules d’oreilles, définissant des zones à risque d’après Crockett [2]. Certains facteurs favorisant les chéloïdes sont connus, notam- ment la prédisposition ethnique, une susceptibilité familiale Treatment of keloids with shaving and cryosurgery: preliminary reports. S. SELLIER, M.-C. BOULLIE, P. JOLY, D. DEHESDIN Ann Dermatol Venereol 2006;133:225-9 (1) Clinique Dermatologique, (2) Service d’ORL et Chirurgie Cervico-faciale, CHU de Rouen. Tirés à part : P. JOLY, Clinique Dermatologique, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen. E-mail : [email protected] L

Traitement de cicatrices chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie : résultats préliminaires

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Page 1: Traitement de cicatrices chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie : résultats préliminaires

225

Ann Dermatol Venereol2006;133:225-9Articles scientifiques

Mémoire original

Traitement de cicatrices chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie : résultats préliminairesS. SELLIER (1), M.-C. BOULLIE (1), P. JOLY (1), D. DEHESDIN (2)

Résumé

Introduction. De nombreux traitements sont proposés pour les cicatrices

chéloïdes, mais aucun n’est régulièrement efficace. Nous rapportons les

résultats préliminaires obtenus, par une technique associant shaving et

cryochirurgie, chez 10 malades ayant de volumineuses cicatrices

chéloïdes.

Malades et méthodes. Dix malades ayant une ou plusieurs volumineuses

cicatrices chéloïdes ont été traités par « shaving » de la base

d’implantation de la chéloïde, immédiatement suivi d’une cryochirurgie du

tissu chéloïdien restant et du tissu sous chéloïdien, en utilisant une

impédancemétrie de 500 Kohms. Le suivi minimal était de 12 mois après

traitement. Les résultats étaient considérés comme bons en cas de

réduction de 80 à 100 p. 100 du volume initial de la cicatrice chéloïde,

moyens en cas de réduction de 50 à 80 p. 100 ou de récidive partielle,

mauvais en cas de réduction inférieure à 50 p. 100 ou de récidive complète.

Résultats. Dix malades (7 hommes, 3 femmes), d’âge moyen 23 ans

(10-45 ans), ayant 16 chéloïdes ont été traités. Les chéloïdes étaient

localisées sur la face postérieure du pavillon de l’oreille (n = 10), sur le

bord libre du pavillon de l’oreille (n = 3), la nuque (n = 1), le pubis (n = 1),

et sur la région présternale (n = 1). La durée moyenne d’évolution des

cicatrices était de 3,1 ans (18 mois-10 ans). La taille des lésions était

toujours supérieure à 30 mm de grand axe. Le suivi moyen était de

23 mois (12 mois-56 mois). Les résultats ont été considérés comme bons

pour 13 chéloïdes (dont 3 ont nécessité un second traitement) et moyens

pour 3 autres chéloïdes. Une amélioration des signes fonctionnels a été

observée chez tous les malades.

Discussion. Les résultats de cette étude préliminaire sont très

encourageants puisque tous les malades ont été améliorés, tant pour le

volume des chéloïdes que pour les signes fonctionnels. La combinaison

d’un « shaving » et de cryochirurgie nous semble constituer une

alternative intéressante dans les volumineuses cicatrices chéloïdes, en

particulier post-otoplastie.

Summary

Introduction. Numerous treatments have been proposed in patients with

keloid scars. Unfortunately, most exhibit poor efficacy. The preliminary

results obtained in ten patients with large keloid scars treated by shaving

followed by cryosurgery are reported.

Patients and methods. Ten patients with one or more keloid scars were

treated by shaving of the keloid immediately followed by cryosurgery of

underlying scar tissue using an impedance of 500 kOhms. Minimum

post-treatment follow-up was 12 months. “Major response” was defined

as a reduction in keloid thickness of 80% to 100%, “moderate response”

as an improvement of 50% to 80% or partial relapse, and failure as an

improvement of less than 50% or complete relapse after treatment.

Results. A total of 16 keloids in ten patients (7 men, 3 women) aged from

10 to 45 years old (mean age: 25 years) were treated. Keloids were localised

on the lower lobe of the ear (n = 10), on the ear lobe (n = 3), on the neck

(n = 1), on the pubis (n = 1), and on the presternal area (n = 1). Mean

duration of keloids was 3.1 years (18 months – 10 years). Mean follow-up

was 23 months (12-56 months). “Major responses” were observed in

13 cases (82%) (3 cases required further treatment); “moderate response”

was observed in 3 cases (18%).

Conclusion. These preliminary results are highly encouraging since all

patients showed improvement. Shaving associated with cryosurgery

appears to us to be a useful treatment for large keloids scars, particularly

after otoplastic surgery.

es cicatrices chéloïdes sont liées à une cicatrisation dys-

trophique, conduisant à une tumeur fibreuse dermique

s’étendant au delà des limites de la lésion initiale, avec

des prolongements « en pince d’écrevisses » sans aucune ten-

dance à la régression spontanée après 18 mois d’évolution [1].

Ces tumeurs fibreuses, déclenchées par des traumatismes va-

riables (plaies, cicatrices chirurgicales, vaccins, brûlures, ta-

touages, piercings, infections, piqûres…) se localisent de

préférence dans la région présternale et deltoïdienne, la partie

supérieure du dos et des bras, le cou, la barbe et les lobules

d’oreilles, définissant des zones à risque d’après Crockett [2].

Certains facteurs favorisant les chéloïdes sont connus, notam-

ment la prédisposition ethnique, une susceptibilité familiale

Treatment of keloids with shaving and cryosurgery: preliminary reports.S. SELLIER, M.-C. BOULLIE, P. JOLY, D. DEHESDINAnn Dermatol Venereol 2006;133:225-9

(1) Clinique Dermatologique, (2) Service d’ORL et Chirurgie Cervico-faciale, CHU de Rouen.

Tirés à part : P. JOLY, Clinique Dermatologique, CHU de Rouen, 1, rue de Germont,

76031 Rouen.

E-mail : [email protected]

L

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S. SELLIER, M.-C. BOULLIE, P. JOLY Ann Dermatol Venereol2006;133:225-9

ou les sutures mal orientées ou sous tension [3-4]. Outre la

gène esthétique, il peut exister des signes fonctionnels qui jus-

tifient à eux seuls, une prise en charge thérapeutique. De nom-

breux traitements sont proposés mais aucun ne permet une

amélioration franche et permanente des chéloïdes qui récidi-

vent le plus souvent après traitement. La cryochirurgie a déjà

été proposée sous différentes modalités [5]. Par un procédé de

réfrigération contrôlé et reproductible, elle permet la destruc-

tion par congélation d’un volume cutané cible préalablement

défini. Nous avons modifié la technique de cryochirurgie clas-

sique en la faisant précéder par un « shaving » de la cicatrice

chéloïde. Nous rapportons les résultats préliminaires obtenus

chez les 10 premiers malades traités.

Malades et méthodes

Cette étude rétrospective a été réalisée dans la clinique derma-

tologique du CHU de Rouen, entre mai 2000 et janvier 2005.

Les critères d’inclusion étaient les suivants : i) malade ayant

une ou plusieurs volumineuses cicatrices chéloïdes ;

ii) traitement par « shaving » suivi d’une cryochirurgie im-

médiate ; iii) suivi évolutif minimal de 12 mois après le traite-

ment.

Dix malades (7 hommes et 3 femmes), d’âge moyen 23 ans

(10-45 ans) ayant un total de 16 volumineuses cicatrices ché-

loïdes ont été inclus. Les chéloïdes traitées étaient pour 9 d’en-

tre elles sur peau blanche, 5 fois sur peau métisse, et 2 fois sur

peau noire. Les chéloïdes siégeaient à la face postérieure du

pavillon de l’oreille après otoplastie dans 10 cas, au bord libre

du pavillon de l’oreille après piercing dans 3 cas, sur la nuque

après un traumatisme lors d’une coupe de cheveux dans 1 cas,

sur le pubis après chirurgie testiculaire dans 1 cas, et dans la

région présternale (chéloïde spontanée) pour le dernier cas. La

durée moyenne d’évolution des chéloïdes était de 3,1 ans

(18 mois-10 ans). La taille des lésions était supérieure à

60 mm de grand axe et réalisait une masse polylobée dans

5 cas. Dans les 11 autres cas, la taille variait de 30 à 60 mm de

grand axe. La gène esthétique était considérée comme sévère

par 8 malades et plus modérée chez les 2 autres. Les chéloïdes

étaient douloureuses dans 5 cas, et prurigineuses dans 5 cas.

Six patients avaient eu des traitements antérieurs, inefficaces

ou ayant aggravé les chéloïdes. Le suivi moyen après traite-

ment était de 23 mois (12 mois-56 mois).

Le traitement par « shaving » et cryochirurgie, était réalisé

sous anesthésie locale ou brève anesthésie générale. Le sha-

ving consistait en une section, au bistouri électrique, de la ché-

loïde à sa base d’implantation, « en berceau » plus ou moins

marqué, sans exérèse totale du tissu chéloïdien profond. Le

traitement cryochirurgical du tissu chéloïdien restant et du tis-

su sous chéloïdien, suivait immédiatement, réalisé à l’azote li-

quide à l’aide de l’unité mobile « Erbokryo-derm ». Le contrôle

de la réfrigération était obtenu par l’impédancemètre de surfa-

ce, sans utilisation d’aiguilles. La taille de la cryode utilisée et

le nombre d’impacts réalisés étaient adaptés à la surface de

section de la chéloïde, avec des zones de chevauchement pos-

sible en cas de multiplicité des impacts. Un seul temps de con-

gélation-décongélation spontané était effectué avec une

impédancemétrie de surface contrôlée à 500 Kohms. Pour les

localisations auriculaires, un pansement compressif tel qu’il

est fait après otoplastie, était réalisé pour une durée de 8 jours,

reproduisant une « pressothérapie » transitoire adjuvante.

Les malades ont été revus tous les 2 mois pendant les

6 premiers mois puis tous les 4 mois. Les résultats étaient

jugés au minimum un an après le traitement. Ils étaient con-

sidérés comme « bons »: en cas de réduction de 80 à

100 p. 100 du volume initial de la chéloïde, « moyens » : en

cas de réduction de 50 à 80 p. 100 ou de récidive partielle,

« mauvais » : en cas de réduction inférieure à 50 p. 100 ou de

récidive à l’identique.

Résultats

Les résultats ont été jugés « bons » pour 13 chéloïdes

(81 p. 100) (fig. 1, 2, 3) dont 3 fois après un second traite-

ment motivé par une récidive modérée survenue 6 mois

après le traitement initial chez 2 malades et après 18 mois

chez le troisième. Le suivi, de ces 3 malades après ce second

traitement était respectivement de 6 mois, 50 mois et

18 mois. La réponse au traitement a été considérée comme

« moyenne » pour 3 chéloïdes : il s’agissait de 2 chéloïdes

rétro-auriculaires chez un même malade, qui ont récidivé de

50 p. 100 en épaisseur et en superficie, 6 mois après le pre-

mier traitement (fig. 4), et de la chéloïde présternale, qui a

récidivé de 50 p. 100 d’épaisseur sur toute la superficie, en

moins de 6 mois. Dans ces trois cas, un second traitement a

été réalisé très récemment, ne permettant pas de juger de

l’évolution définitive. Aucune récidive à l’identique de la lé-

sion initiale n’a été observée.

Une amélioration des signes fonctionnels a été observée

chez tous les malades, même lorsque les résultats étaient ju-

gés « moyens ». Tous les malades se sont déclarés satisfaits

du traitement. Les effets secondaires ont été un œdème pos-

topératoire chez tous les malades, une rétention aiguë d’urine

transitoire chez le malade traité pour une cicatrice chéloïde

pubienne, enfin une hypochromie de la cicatrice chez 3 mala-

des à peau pigmentée.

Discussion

Les résultats de cette étude, bien que portant sur un effectif li-

mité, sont très encourageants puisque la combinaison du trai-

tement par « shaving » et cryochirurgie a permis une

réduction de 80 à 100 p. 100 du volume chéloïdien initial

dans 13 cas sur 16 (81 p. 100) avec cependant la nécessité d’un

second traitement dans trois cas. Les trois derniers malades

(19 p. 100) n’ont obtenu qu’une réduction du volume chéloï-

dien initial de 50 à 80 p. 100 et ont eu récemment un deuxiè-

me traitement. Aucun malade n’a eu de récidive à l’identique

de sa chéloïde. Six des 10 malades de cette série avaient eu

auparavant un ou plusieurs traitements jugés inefficaces, ou

ayant aggravé les chéloïdes.

Page 3: Traitement de cicatrices chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie : résultats préliminaires

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Ann Dermatol Venereol2006;133:225-9

Traitement des chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie

La cryochirurgie détruit les kératinocytes, les mélanocytes

et les follicules pilo-sébacés, sans détruire les fibroblastes

dermiques qui sont très résistants au froid (- 70°C). Ces fi-

broblastes remodelés synthétisent du néocollagène, qui se

dispose de façon linéaire et régulière par rapport à la jonc-

tion dermo-épidermique, sans organisation anarchique

comme dans les chéloïdes [5]. L’efficacité de la cryochirurgie

dans le traitement des chéloïdes est suggérée par plusieurs

études [6]. En monothérapie, la cryochirurgie permet une

amélioration franche des chéloïdes dans 50 à 80 p. 100 des

cas selon les études, avec environ 1/3 de récidives après un

suivi moyen d’environ 30 mois [7-9]. Les meilleurs résultats

sont généralement obtenus après plusieurs séances de cryo-

chirurgie [8, 9]. L’association de la cryochirurgie aux injec-

tions intralésionnelles de corticostéroïdes est controversée :

une supériorité de l’association des 2 techniques a été sug-

Fig. 1. Chéloïdes rétro-auriculaires post otoplastie. a) aspect avant traitement. b) résultat après traitement (cliché après 3 ans de recul). 1b1a

Fig. 2. Chéloïdes rétro-auriculaires post otoplastie. a) aspect avant traitement. b) résultat après traitement (cliché après 2,5 ans de recul). 2b2a

Page 4: Traitement de cicatrices chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie : résultats préliminaires

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S. SELLIER, M.-C. BOULLIE, P. JOLY Ann Dermatol Venereol2006;133:225-9

gérée par 2 études ouvertes [5, 10], mais elle n’a pas été con-

firmée dans une étude randomisée portant sur 40 malades

[11]. La cryochirurgie intralésionnelle a récemment été pro-

posée pour la prise en charge des volumineuses chéloïdes

[12]. Elle consiste à introduire dans la chéloïde une ou plu-

sieurs aiguilles dans lesquelles circule de l’azote liquide.

Des réductions de volume tumoral de 51 p. 100 ont été ob-

servées [12].

Les résultats obtenus dans notre étude par la combinaison

d’une cryochirurgie précédée d’un « shaving » semblent lé-

gèrement supérieurs à ceux obtenus avec les autres techni-

ques cryochirurgicales [7-12]. Nos résultats sont peut-être un

peu surestimés, compte tenu d’un suivi moyen légèrement

plus court : 23 mois versus 30 mois dans les autres études.

La combinaison d’un shaving et de cryochirurgie nous sem-

ble une technique plus efficace pour les volumineuses ché-

loïdes, car le shaving permet l’élimination d’une bonne

partie du tissu chéloïdien et le tissu restant est manifeste-

ment influencé par l’action du froid qui semble modifier le

comportement du fibroblaste au profit d’une cicatrice sub-

normale. Elle permet d’éviter chez la plupart des malades

une récidive à l’identique de la cicatrice chéloïdienne et ne

provoque jamais d’aggravation de la chéloïde initiale. Cette

technique semble particulièrement adaptée pour les chéloï-

des rétro-auriculaires post otoplastie dans lesquelles un bon

résultat a été obtenu dans 8/10 cas et où l’effet de la

« pressothérapie » adjuvante appliquée n’est peut-être pas

négligeable. Le principal effet secondaire de cette technique

Fig. 3. Chéloïdes du pubis après chirurgie testiculaire. a) aspect avant traitement. b) résultat après traitement (cliché après 9 mois de recul). 3b3a

Fig. 4. Chéloïdes rétro-auriculaires post otoplastie. a) aspect avant traitement. b) récidive modérée à 6 mois du traitement. 4b4a

Page 5: Traitement de cicatrices chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie : résultats préliminaires

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Ann Dermatol Venereol2006;133:225-9

Traitement des chéloïdes par « shaving » et cryochirurgie

est l’œdème post-cryochirurgie, qui est cependant limité

dans les localisations auriculaires de notre série, compte

tenu de l’effet drainant exercé par le pansement compressif

prolongé.

Pour optimiser les résultats obtenus, la technique a été

modifiée depuis quelques mois. Elle associe l’exérèse totale

du tissu chéloïdien, par une résection chirurgicale complète

de tout le tissu cicatriciel jusqu’à visualisation du tissu

macroscopiquement sain, à une augmentation de la puissan-

ce de la réfrigération jusqu’à 1 000 Kohms. Les premiers ré-

sultats obtenus semblent plus satisfaisants.

Références

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