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Traitement de l’hépatite C. Une révolution ne doit pas en cacher une autre Philippe Sogni Université Paris Descartes, Institut Cochin, Inserm U-1016 et Assistance publiqueHôpitaux de Paris, Hôpital Cochin, Service d’hépatologie, 27, rue du Faubourg-Saint- Jacques, 75014 Paris, France [email protected] Disponible sur internet le : 21 mars 2014 Treatment of hepatitis C infection. A revolution should not hide another L’hépatite C est une maladie grave et fréquente. L’OMS estime qu’au niveau mondial, 150 millions de personnes sont chroniquement infectées par le virus C et que plus de 350 000 personnes décèdent chaque année de complications hépatiques liées au virus C [1]. En France en 2004, 230 000 personnes avaient une hépatite C avec multiplication virale dans une enquête portant sur les affiliés au régime de sécurité sociale en métropole [2]. Jusqu’à il y a quelques semaines, le traitement reposait sur une trithérapie associant interféron pégylé, ribavirine et inhibiteur de protéase de 1 re génération (bocéprévir ou télaprévir) pour les patients avec une hépatite C de génotype 1. Une bithérapie associant interféron pégylé et ribavirine restait le traitement de référence pour les génotypes 2 à 6. Même si ces traitements offrent des chances de guérison de l’ordre de 70 % chez des patients traités pour la première fois, les contre- indications et les effets secondaires engendrés limitent leur utilisation le plus souvent aux patients ayant une fibrose hépatique significative. La première révolution est celle de l’arrivée de nouvelles molécules qui sont des inhibiteurs directs et spécifiques de la multiplication du virus C puisque 3 molécules ont une AMM ou une ATU disponible et plus de 10 autres sont en développement de phase III. Les trois classes de médicaments actuellement développées sont les inhibiteurs de protéase, les inhibiteurs de polymérase et les inhibiteurs de NS5A [3]. Même si en 2014 devraient être disponibles des nouvelles molécules associées à la bithérapie pégylée, dès 20152016 des traitements associant ces nouveaux inhibiteurs entre eux et sans interféron devraient pouvoir être utilisés en pratique courante. Très clairement, le but sera d’avoir des taux de guérison de plus de 90 % avec une nette diminution des effets secondaires. C’est le moins que l’on puisse attendre de ces molécules dont les propositions tarifaires seront discutées mais qui risquent d’être disponibles à un prix élevé. Cette première révolution est en cours et elle va avancer rapidement du fait de l’implication des « big pharma » qui sont en concurrence. Presse Med. 2014; 43: 339340 ß 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com 339 Éditorial tome 43 > n84 > avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.009

Traitement de l’hépatite C. Une révolution ne doit pas en cacher une autre

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Presse Med. 2014; 43: 339–340� 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Disponible sur internet le :21 mars 2014

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tome 43 > n84 > avril 2014http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.009

Traitement de l’hépatite C. Une révolution nedoit pas en cacher une autre

Philippe Sogni

Université Paris Descartes, Institut Cochin, Inserm U-1016 et Assistance publique–

Hôpitaux de Paris, Hôpital Cochin, Service d’hépatologie, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France

[email protected]

Treatment of hepatitis C infection. A revolution should not hide another

L’hépatite C est une maladie grave et fréquente. L’OMS estime qu’au niveau mondial,150 millions de personnes sont chroniquement infectées par le virus C et que plus de350 000 personnes décèdent chaque année de complications hépatiques liées au virus C [1].En France en 2004, 230 000 personnes avaient une hépatite C avec multiplication virale dans uneenquête portant sur les affiliés au régime de sécurité sociale en métropole [2]. Jusqu’à il y aquelques semaines, le traitement reposait sur une trithérapie associant interféron pégylé,ribavirine et inhibiteur de protéase de 1re génération (bocéprévir ou télaprévir) pour les patientsavec une hépatite C de génotype 1. Une bithérapie associant interféron pégylé et ribavirinerestait le traitement de référence pour les génotypes 2 à 6. Même si ces traitements offrent deschances de guérison de l’ordre de 70 % chez des patients traités pour la première fois, les contre-indications et les effets secondaires engendrés limitent leur utilisation le plus souvent auxpatients ayant une fibrose hépatique significative.La première révolution est celle de l’arrivée de nouvelles molécules qui sont des inhibiteursdirects et spécifiques de la multiplication du virus C puisque 3 molécules ont une AMM ou une ATUdisponible et plus de 10 autres sont en développement de phase III. Les trois classes demédicaments actuellement développées sont les inhibiteurs de protéase, les inhibiteurs depolymérase et les inhibiteurs de NS5A [3]. Même si en 2014 devraient être disponibles desnouvelles molécules associées à la bithérapie pégylée, dès 2015–2016 des traitements associantces nouveaux inhibiteurs entre eux et sans interféron devraient pouvoir être utilisés en pratiquecourante. Très clairement, le but sera d’avoir des taux de guérison de plus de 90 % avec une nettediminution des effets secondaires. C’est le moins que l’on puisse attendre de ces molécules dontles propositions tarifaires seront discutées mais qui risquent d’être disponibles à un prix élevé.Cette première révolution est en cours et elle va avancer rapidement du fait de l’implication des« big pharma » qui sont en concurrence.

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Une deuxième révolution est nécessaire si l’on veut avoir uneefficacité contre l’épidémie d’hépatite C. Celle-ci va dépendrede notre capacité à mobiliser notre système de santé pour laprévention, le dépistage et l’accès aux soins des personnesinfectées par le virus C. Si elle est réussie, son impact surl’épidémie d’hépatite C sera a priori plus important que larévolution thérapeutique en cours. Pour faire simple et enutilisant des données grossières, en France sur 100 personnesporteuses du virus de l’hépatite C, 50 ont été dépistées,20 traitées et à l’heure actuelle 14 guéries. Si on augmenteles chances de guérison, on peut espérer, selon un mêmeschéma, arriver à 18 personnes guéries à terme avec lesnouvelles molécules. Et la France est le bon élève de l’Europeavec les meilleurs taux de prise en charge et de traitement del’hépatite C [4] ! Si on veut avoir une efficacité sur l’épidémie deVHC, il va falloir augmenter le pourcentage de personnesdépistées et le pourcentage de personnes traitées. Voilà lechallenge qui ne dépend pas de multinationales pharmaceu-tiques mais de notre capacité à mobiliser notamment lesacteurs de soins primaires, à utiliser par exemple de nouveauxtests de dépistage rapide pour le virus C et à aller vers lespopulations cibles que sont les usagers de drogues, la popula-tion carcérale et les populations précaires et migrantes.

Et puis, il reste l’absolue nécessité d’une politique cohérente,complète et volontaire de réduction des risques qui est le seulmoyen de diminuer le nombre de nouveaux cas d’hépatite C !Nous touchons là à la politique de santé au sens noble duterme, celle qui de manière non partisane, vise à améliorer lequotidien des Français, notamment des plus démunis face à lamaladie.

Déclaration d’intérêts : boards, workshops ou invitations à des congrès :Gilead, Bristol-Myers Squibb, Schering-Plough/MSD, Roche, Janssen,Mayoly-Spindler.

Références[1] Organisation mondiale de santé. Hépatite C, aide-mémoire no 164

(juillet 2013), http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs164/fr/index.html ; 2013 [Accès au site le 21/02/2014].

[2] Meffre C, Le Strat Y, Delarocque-Astagneau E, Dubois F, Antona D,Lemasson JM et al. Prevalence of hepatitis B and hepatitis C virusinfections in France in 2004: social factors are important predictors afteradjusting for known risk factors. J Med Virol 2010;82:546-55.

[3] Pol S, Corouge M, Mallet V, Sogni P. Rapid progression of antiviraltreatments of chronic hepatitis C infection. Minerva Gastroenterol Dietol2013;59:161-72.

[4] HCP, ELPA, EASL. Euro Hepatitis Care Index 2012 Report, http://www.healthpowerhouse.com/index.php?option=com_content&vie-w=article&id=338:euro-hepatitis-care-index-2012&catid=58:euro-hepa-titis-care-index&Itemid=78 ; 2012 [Accès au site le 21/02/2014].

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