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Traitements de potabilisatien et assurance qualit# des eaux de consommation humaine TRAITE M E NTS D E POTAB ILI SATIO N ET ASSURANCE QUALITE DES EAUX DE CONSOMMATION HUMAINE Georges Popoff a p lus de cinq ans se sent 6coul6s depuis la promulgation de la nouvelle directive 98/83/CE relative aux eaux destinees & la consommation humaine. Cdincidant pratiquement avec le nouveau millenaire, comme si le legislateur avait voulu marquer d'un grand coup ce passage, son application devrait etre roccasion d'une remise en question fondamentale : elle fait de la protection de la sante de la population vis-&- vis des risques hydriques un objectif prioritaire. Les exigences de qualite de I'eau au robinet du consommateur, la prise en compte par- tielle des analyses d'auto-surveillance des distributeurs, le recentrage sur des parametres exclusivement & portee sanitaire en application des nouveaux principes de I'Organisation mondiale de la sante (OMS) ou la definition de nouvelles regles concernant les derogations en cas de depassement des parametres chimiques ou des param~tres indicateurs de la qualite de I'eau sent des dispositions novatrices. Les modifications introduites par cette directive sent en realite plus importantes qu'il n'y paraft pour un lecteur neophyte ; s'il est legitime de s'interroger sur les consequences de son application pour les consommateurs, les distributeurs d'eau ou les acteurs indus- triels ou agricoles, il apparait plus problematique de le faire pour les autres acteurs concer- nes de pres ou de loin par la distribution de I'eau. Sa transposition en droit frangais dans le Code de la sante publique a ete I'occasion de renforcer la securite sanitaire des eaux en consacrant le rSle eminent de la demarche glo- bale d'assurance qualite dans le suivi sanitaire des eaux. La maitrise de la qualite devient un leitmotiv des distributeurs d'eau et la reconnaissance officielle de I'auto-surveillance s'avere etre un puissant outil pour la mise en place des water safety plans chere & I'OMS. Cette nouvelle approche de la qualit6 se trouve completee par un renforcement des dis- positions techniques concernant la qualite des produits et des proced6s de traitement des eaux, ainsi que celle des materiaux au contact des eaux ou encore un renforcement des conditions d'agrement des laboratoires. aAgence fran?alse de s6curit6 sanitaire des aliments Direction de I'evaluation des risques nutritionnels et sanitaires Unite charg~e de I'evaluation des risques li~s & l'eau B.R 19 - 27-31, av. du G6neraI-Leclerc 94701 Maisons-Alfort cedex © Elsevier SAS. Revue Fran?aise des Laboratoires, juin 2004, N ° 364 21

Traitements de potabilisation et assurance qualité des eaux de consommation humaine

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Page 1: Traitements de potabilisation et assurance qualité des eaux de consommation humaine

Traitements de potabilisatien et assurance qualit# des eaux de consommation humaine

TRAITE M E NTS D E POTAB I LI SATI O N ET ASSURANCE QUALITE DES EAUX DE CONSOMMATION HUMAINE

Georges Popoff a

p lus de cinq ans se sent 6coul6s depuis la promulgation de la nouvelle directive 98/83/CE relative aux eaux destinees & la consommation humaine.

Cdincidant pratiquement avec le nouveau millenaire, comme si le legislateur avait voulu marquer d'un grand coup ce passage, son application devrait etre roccasion d'une remise en question fondamentale : elle fait de la protection de la sante de la population vis-&- vis des risques hydriques un objectif prioritaire. Les exigences de qualite de I'eau au robinet du consommateur, la prise en compte par- tielle des analyses d'auto-surveillance des distributeurs, le recentrage sur des parametres exclusivement & portee sanitaire en application des nouveaux principes de I'Organisation mondiale de la sante (OMS) ou la definition de nouvelles regles concernant les derogations en cas de depassement des parametres chimiques ou des param~tres indicateurs de la qualite de I'eau sent des dispositions novatrices. Les modifications introduites par cette directive sent en realite plus importantes qu'il n'y paraft pour un lecteur neophyte ; s'il est legitime de s'interroger sur les consequences de son application pour les consommateurs, les distributeurs d'eau ou les acteurs indus- triels ou agricoles, il apparait plus problematique de le faire pour les autres acteurs concer- nes de pres ou de loin par la distribution de I'eau. Sa transposition en droit frangais dans le Code de la sante publique a ete I'occasion de renforcer la securite sanitaire des eaux en consacrant le rSle eminent de la demarche glo- bale d'assurance qualite dans le suivi sanitaire des eaux. La maitrise de la qualite devient un leitmotiv des distributeurs d'eau et la reconnaissance officielle de I'auto-surveillance s'avere etre un puissant outil pour la mise en place des water safety plans chere & I'OMS. Cette nouvelle approche de la qualit6 se trouve completee par un renforcement des dis- positions techniques concernant la qualite des produits et des proced6s de traitement des eaux, ainsi que celle des materiaux au contact des eaux ou encore un renforcement des conditions d'agrement des laboratoires.

a Agence fran?alse de s6curit6 sanitaire des aliments Direction de I'evaluation des risques nutritionnels et sanitaires Unite charg~e de I'evaluation des risques li~s & l'eau B.R 19 - 27-31, av. du G6neraI-Leclerc 94701 Maisons-Alfort cedex

© Elsevier SAS.

Revue Fran?aise des Laboratoires, juin 2004, N ° 364 21

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Traitements de potabil isation et assurance quafit~ des eaux de consommation humaine

S'il est encore difficile de mesurer toutes les implications que cette directive engendrera au quotidien, on peut dej& penser que les differents acteurs sauront s'adap- ter rapidement. Elle annonce ainsi I'amorce & terme d'un profond changement, une sorte de revolution culturelle dont I'ampleur nous echappe encore. Si I'on prend I'exemple des laboratoires de contr61e sanitaire des eaux, I'application de cette directive s'accompagnera de nouvelles r6gles d'agrement issues pour la plupart du monde agro-alimentaire, reposant d'une part sur I'accreditation par le COFRAC et d'autre part sur le respect d'exigences sanitaires propres au ministere charge de la Sant& Par ailleurs, la raise en place de nouvelles regles relatives aux marches publics vient modi- fier le paysage du champ d'action des laboratoires agrees jusqu'& present cantonnes dans une position monopolistique. En devenant partenaires des autorites sanitaires et du monde professionnel, les pistes nouvelles & explorer pour les laboratoires sont nombreuses, depuis les procedes de traitement des eaux, les materiaux, jusqu'aux reseaux d'eau. N'est-ce pas I& une formidable opportunite de progresser sur un plan scientifique et tech- nique, d'ameliorer & la fois leurs performances et la fiabilite des analyses et donc en deft- nitive la securite des consommateurs ? Bien entendu, ce texte europeen ne se limite pas & ces points : d'autres dispositions impor- tantes viennent aussi renforcer le dispositif de securite sanitaire, notamment la qualite des reseaux interieurs d'eaux ou la lutte contre I'exposition des populations au plomb d'ori- gine hydrique. Cette transposition ne fait que poursuivre, en la completant, I'oeuvre entreprise depuis plus de 20 ans pour assurer la securite de la consommation de I'eau comme le recom- mande depuis une dizaine d'annees I'OMS. A I'aube de ce troisieme millenaire, notre pays se dote enfin d'outils performants pour faire face & ces nouveaux defis de plus en plus pressants. Et ces defis ne se limitent pas seu- lement & notre pays : & I'heure de I'elargissement de I'Union europeenne & 25 membres, cette directive adresse aussi un signe fort & la communaute mondiale. L'un des futurs grands chantiers destine & garantir le plus large acces de tous & une eau pure se situe dans les pays en vole de developpement et en particulier en Afrique. Nul ne contestera les progres & realiser et I'ampleur de la t&che, mais I'inter6t et I'echo que cette directive suscite dans les pays du Maghreb et I'Afrique francophone en est un vibrant temoignage. En definitive, I'enjeu est de taille pour notre societe : pouvons nous continuer & garantir aux generations futures la preservation de la ressource hydrique et sa securite sanitaire dans un monde oQ la pollution et les changements de climats apparaissent de plus en plus comme des menaces reelles ? II etait grand temps d'avoir conscience d'une approche globale impliquant tousles acteurs, y compris les pouvoirs publics, et m6me si des pro- gres sont encore & faire et la t&che ardue, je choisis resolument le pari de I'optimisme.

Persuad6 de I'inegalite d'acces a. I'eau potable qui existe de par le monde, le comite scientifique de la Revue Frangaise des Laboratoires a pense qu'il 6tait utile de souligner le privilege des Europ6ens, parmi lesquels les Frangais, pour qui I'eau de consommation humaine est le produit alimentaire le plus contr61& Mais ce num6ro sp6cial en appelle s~rement un autre qui pourrait traiter des eaux pre-emballees, des eaux phar- maceutiques, voire des eaux ludiques... Bonne lecture ! I=.-M. Pailler.

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