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Adieu la raison by Paul Feyerabend; B. Jurdant Review by: Miguel Espinoza Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 180, No. 4, TRAVAIL ET NATURE (OCTOBRE-DÉCEMBRE 1990), pp. 687-689 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41096372 . Accessed: 20/09/2013 07:42 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Philosophique de la France et de l'Étranger. http://www.jstor.org This content downloaded from 131.170.6.51 on Fri, 20 Sep 2013 07:42:31 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

TRAVAIL ET NATURE || Adieu la raisonby Paul Feyerabend; B. Jurdant

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Adieu la raison by Paul Feyerabend; B. JurdantReview by: Miguel EspinozaRevue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 180, No. 4, TRAVAIL ET NATURE(OCTOBRE-DÉCEMBRE 1990), pp. 687-689Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41096372 .

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Analyses et comptes rendus 687

catalogue de recettes qui marchent. L'idée est correcte, à condition de ne pas trop y insister, car elle est très rebattue, et par ailleurs la question de savoir si Duhem a voulu assurer à la science et à la religion des domaines distincts (thèse de la double vérité), n'a qu'un intérêt secondaire... Duhem a mis le doigt sur un point important, et qui dépasse même l'opposition entre réalisme et idéalisme, classique en philosophie.

Ce point est le suivant : la méthode des anciens astronomes consiste à reconstituer une morphologie quand on ne connaît pas tous les états internes du processus qui la sous-tend ; en de certains cas la réalité se présente comme une boîte noire dont nous n'observons que les sorties et dont nous ignorons les lois de fonctionnement ou bien encore ne disposons d'aucun moyen de les connaître. (Une comparaison avec la méthodologie de la Théorie des catastrophes peut aider à comprendre que des situations de ce genre se présentent tout naturellement.) En de pareilles conditions la modestie des anciens astronomes est parfaitement à sa place. Galilée s'est trompé en réclamant pour sa reconstitution des morphologies célestes un mode de validité inapproprié. Ses adversaires avaient donc raison.

A titre d'information complémentaire, je rappelle que l'acception non réaliste du mot « hypothèse » est encore adoptée par Descartes en liaison avec la doctrine de l'omnipotence divine. Dieu peut créer les apparences que nous voyons par une infinité de moyens, sans qu'il soit possible à l'esprit humain de démêler lequel de tous ces moyens il a voulu employer : « Je croirai avoir assez fait, si les causes que j'ai expliquées sont telles que tous les effets qu'elles peuvent produire se trouvent semblables à ceux que nous voyons dans le monde, sans m'enquérir si c'est par elles ou par d'autres qu'ils sont produits » (Principes, IV, § 204). Au contraire, Newton répudie la conception de l'hypothèse fictive : « Je ne feins pas d'hypothèses », complétons : à la manière de Descartes et des anciens astronomes.

L'expression « physique chrétienne » est, je crois, de Duhem, du moins Fa-t-il utilisée. Depuis ce temps-là, nous avons entendu parler de physique aryenne, voire de physique juive... Ce sont de mauvais souvenirs. Mais la première expression ne me paraît ni vide, ni ridicule : elle convient, à la rigueur, pour désigner l'attitude métaphysique de savants qui partent du principe que la nature ne nous a pas consultés dans le choix de ses lois et que rien ne prouve que notre intelligence soit capable de saisir à coup sûr toutes ses raisons. Par exemple, pour Einstein, l'incompréhensible était que l'univers fût compréhensible. Il est clair que sur la base d'idées pareilles il ne pouvait développer qu'une physique chrétienne.

Jean Largeault.

Paul Feyerabend, Adieu la raison, trad, par B. Jurdant, Paris, Seuil, 1989, 380 p.

En bon empiriste, Feyerabend a du goût pour le particulier et pour la complexité de l'apparence. Il laisse entendre que la qualité de la vie des individus a beaucoup à gagner si l'on tient compte de la richesse de la réalité et de la multiplicité des façons d'apprécier les choses. A l'opposé, on trouve la tyrannie de la vérité et des principes réducteurs. L'attention prêtée aux points de vue émanant des sources les plus différentes, la suspension des

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688 Revue philosophique

jugements définitifs sur la vérité font partie du relativisme dont Feyerabend est l'un des représentants contemporains les plus productifs.

La thèse principale du relativisme est qu'il n'existe pas un monde, régi par une rationalité, saisissable par une théorie, mais plusieurs mondes, doués d'une multiplicité de logos, saisissables par plusieurs attitudes ou sensi- bilités. Le relativisme a un aspect épistémologique, l'abstention de parler sur la réalité et sur la vérité, et un aspect social et moral : on est attentif aux contributions émanant d'une multiplicité de sources. L'idéal poursuivi par Feyerabend est le pluralisme culturel, jugé plus apte que Puniformisme à améliorer la qualité de la vie humaine.

Voyons d'abord l'aspect épistémologique. Les différents mondes sont exprimables par des théories incommensurables, c'est-à-dire logiquement et empiriquement incomparables. Putnam avait critiqué cette affirmation en disant que pour déclarer que deux théories sont incomparables, il faut les comprendre. Si on les comprend, on peut les évaluer et choisir la meil- leure : le relativisme est auto-réfutant. La réaction ne s'est pas fait attendre : la critique suppose 1) que la compréhension des concepts étrangers nécessite traduction et, 2) qu'une traduction réussie ne transforme pas la langue qui traduit. Or, d'après Feyerabend, cette double supposition est fausse : comprendre n'implique pas traduction mais plutôt apprentissage et inven- tion. Rien n'empêche, dans l'apprentissage, de transformer les concepts précédents : une nouvelle théorie qui « inclut » une ancienne théorie ne sauve pas sa signification.

Mon avis est que la signification est fonction d'une multiplicité d'élé- ments : sens des mots, caractéristiques de la référence et des systèmes de symboles, façon dont chaque système engendre ses structures, habileté de l'interprète, etc. Dans le passage d'une théorie à une autre, quelques-uns de ces éléments peuvent être sauvegardés, d'autres, remplacés. Ce n'est pas une question de tout ou rien. Ainsi, même si la complexité de ce thème fait qu'on ne peut pas reconduire d'un mot, je pense que la vérité est plus du côté de Putnam que de Feyerabend. Je partage l'avis d'Aristote que là où il y a des choses meilleures que d'autres, il y en a une qui est la meilleure : je préfère croire qu'il y a un monde, régi par une rationalité, saisissable finalement par une grande théorie.

Si pour le relativiste il n'y a pas de vérité unique, pourquoi se donne-t-il la peine de prendre la parole ? Le relativisme n'est-il pas un appel à ne rien faire ? N'y a-t-il pas contradiction à vouloir nous convaincre de la valeur d'une idée si, d'après l'avis du relativiste, elle est une manifestation de l'ensemble des concepts et des valeurs qui déterminent son comporte- ment, bref, de son idéologie ? Feyerabend a vu juste : l'argument du rela- tiviste est typiquement ad hominem : on parle contre le dogmatique. Pour saper la confiance de Pobjectiviste, le relativiste utilise la même raison, objective et univoque, que lui et cela n'est pas contradictoire.

Un mot sur l'aspect social du relativisme. On sourit devant les affirma- tions, telles que celle de Husserl, selon laquelle les Européens sont l'essence de l'humanité, et les autres peuples, des approximations, plus ou moins heureuses, de cet idéal. Quand on est sûr d'appartenir au peuple le plus humain qui soit, comment s'empêcher de montrer au monde la voie vers la véritable vie humaine ? Quand ces croyances sont incarnées par des gens qui ont, de plus, le pouvoir économique et technologique suffisant pour diriger les affaires des autres, l'uniformité de mœurs et d'idéaux arrive à s'imposer.

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Analyses et comptes rendus 689

Pourquoi le scientisme est-il redoutable ? Parce qu'il a la particularité de faire croire qu'il n'est pas une idéologie : l'appel que fait l'expert à la science est censé être un appel à la raison universelle et idéologiquement neutre. Or croire cela, c'est oublier que la science, surtout la science moderne et contemporaine, est abstraite ; que les systèmes scientistes sont sous- déterminés par l'expérience. Il ne faut pas se méprendre : entre les données empiriques et les propositions théoriques il y a place pour l'arbitraire et le conventionnel, pour les croyances mythiques.

Ce n'est pas tout : quiconque croit que les sciences sont idéologiquement neutres oublie qu'elles ne saisissent que quelques aspects de l'être, ceux qui se sont révélés pertinents pour le contrôle de la nature. Le plus souvent, les scientifiques sont aujourd'hui motivés plutôt par le souci de contrôle technologique que par la compréhension désintéressée de la nature. C'est à la raison, scientiste, opportuniste et uniformisante, que Feyerabend dit adieu.

Que faut-il retenir ? Je pense qu'on peut logiquement garder les avan- tages du relativisme social, le pluralisme culturel, sans pour autant adhérer au scepticisme en métaphysique ; là, du point de vue de l'intelligibilité de la nature, aucune hypothèse ne semble aussi satisfaisante que le réalisme.

Miguel Espinoza.

Olof Franck, The criteriologie problem : a critical study with special regard to theories presented by Antony Flew, D. Z. Philipps, John Hick, Basil Mitchell, Anders Jeffner, and Hans Hof, Stockholm, Almqvist & Wiksell International, 1988, 288 p.

L'A. part du problème du critère de la signification posé par les philo- sophes du Cercle de Vienne, et pose, à la suite de A. Flew, le problème de l'application d'un critère de ce genre aux phrases portant sur Dieu. Il ne s'agit pas, comme les positivistes le soutenaient, de construire ces phrases comme des non-sens, mais de déterminer leurs conditions de signification, qui ne sont pas nécessairement des conditions de vérité. L'A. discute les positions wittgensteiniennes de D. Z. Philipps (il y a un jeu de langage autonome de la religion). Puis l'A. discute les vues de théologiens suédois. Dans l'ensemble c'est une étude de sémantique théologique, dans laquelle on retrouve les discussions sur la référence et les descriptions définies de la philosophie du langage anglo-saxonne des trente dernières années. Exercice : ajouter aux Dialogues sur la religion naturelle un interlocuteur représentant les positions exprimées dans ce livre, et voir ce que Philon aurait pu répondre.

Pascal Engel.

Philipp Frank, Das Kausalgesetz und seine Grenzen, Francfort, Suhrkamp, 1988, 358 p., coll. « Suhrkamp Taschenbuch, Wissenschaft ».

On est encore très mal informé en France des débats épistémologiques qui ont animé le monde universitaire germanique dans l'entre-deux- guerres, et tout particulièrement de ceux qui ont porté sur ce qu'on appelait alors « la nouvelle physique », à savoir les théories de la relativité et la mécanique

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