3
Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2009) 38, 693—695 CAS CLINIQUE Tumeur séreuse borderline péritonéale découverte lors d’une césarienne. À propos d’un cas Peritoneal serous borderline tumor discovered during a cesarean section. A case report J. Raiga a,, S. Ben Abdelkrim a , F. Dupré b , A. Treisser a a Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier Princesse-Grâce, 3, avenue Pasteur, 98000 Monaco b Service d’anatomopathologie, centre hospitalier Princesse-Grâce, 3, avenue Pasteur, 98000 Monaco Rec ¸u le 8 d´ ecembre 2008 ; avis du comité de lecture le 3 septembre 2009 ; définitivement accepté le 9 septembre 2009 Disponible sur Internet le 12 octobre 2009 MOTS CLÉS Tumeur séreuse borderline péritonéale ; Césarienne ; Péritoine Résumé Au cours d’une césarienne réalisée chez une jeune femme de 36 ans, l’obstétricien découvre des petites granulations sur le péritoine pelvien. Des biopsies sont réalisées. Le diagnostic de tumeur séreuse borderline péritonéale primitive est posé par les anatomo- pathologistes. La patiente sera réopérée à deux reprises : une première fois pour évaluation diagnostique, puis une deuxième à six mois d’intervalle, par un geste plus radical dans un but thérapeutique. La conduite à tenir concernant ces tumeurs borderline péritonéales chez des femmes jeunes reste difficile et nécessite une prise en charge pluridisciplinaire. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Peritoneal serous borderline tumor; Cesarean; Peritoneum Summary During a caesarean section performed in a 36-year-old woman, we discovered small granulations on the pelvic peritoneum. Biopsies were performed. The diagnosis of primitive borderline serous tumor was confirmed by pathologists. The patient was operated twice: once for diagnostic evaluation, and again six months later. A radical gesture was then decided for therapeutic purposes. The optimal attitude regarding these borderline peritoneal tumors in young women remains difficult and requires a multidisciplinary workout between pathologists and surgeons. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Raiga). Introduction Les tumeurs séreuses borderline péritonéales accompa- gnent le plus souvent une tumeur ovarienne borderline. Les tumeurs séreuses péritonéales borderline primitives sont rares, la conduite à tenir n’est donc pas « standardisée ». Le cas clinique présenté met en évidence les difficultés 0368-2315/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jgyn.2009.09.008

Tumeur séreuse borderline péritonéale découverte lors d’une césarienne. À propos d’un cas

  • Upload
    j-raiga

  • View
    227

  • Download
    8

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Tumeur séreuse borderline péritonéale découverte lors d’une césarienne. À propos d’un cas

Journal de Gynecologie Obstetrique et Biologie de la Reproduction (2009) 38, 693—695

CAS CLINIQUE

Tumeur séreuse borderline péritonéale découvertelors d’une césarienne. À propos d’un casPeritoneal serous borderline tumor discovered during a cesarean section.A case report

J. Raigaa,∗, S. Ben Abdelkrima, F. Dupréb, A. Treissera

a Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier Princesse-Grâce, 3, avenue Pasteur, 98000 Monacob Service d’anatomopathologie, centre hospitalier Princesse-Grâce, 3, avenue Pasteur, 98000 Monaco

Recu le 8 decembre 2008 ; avis du comité de lecture le 3 septembre 2009 ; définitivement accepté le 9 septembre 2009Disponible sur Internet le 12 octobre 2009

MOTS CLÉSTumeur séreuseborderlinepéritonéale ;Césarienne ;Péritoine

Résumé Au cours d’une césarienne réalisée chez une jeune femme de 36 ans, l’obstétriciendécouvre des petites granulations sur le péritoine pelvien. Des biopsies sont réalisées. Lediagnostic de tumeur séreuse borderline péritonéale primitive est posé par les anatomo-pathologistes. La patiente sera réopérée à deux reprises : une première fois pour évaluationdiagnostique, puis une deuxième à six mois d’intervalle, par un geste plus radical dans un butthérapeutique. La conduite à tenir concernant ces tumeurs borderline péritonéales chez desfemmes jeunes reste difficile et nécessite une prise en charge pluridisciplinaire.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSSummary During a caesarean section performed in a 36-year-old woman, we discovered smallgranulations on the pelvic peritoneum. Biopsies were performed. The diagnosis of primitive

Peritoneal serousborderline tumor;Cesarean;Peritoneum

borderline serous tumor was confirmed by pathologists. The patient was operated twice: oncefor diagnostic evaluation, and again six months later. A radical gesture was then decided fortherapeutic purposes. The optimal attitude regarding these borderline peritoneal tumors inyoung women remains difficult and requires a multidisciplinary workout between pathologists

. All

and surgeons.© 2009 Elsevier Masson SAS

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Raiga).

I

LgtrL

0368-2315/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits rdoi:10.1016/j.jgyn.2009.09.008

rights reserved.

ntroduction

es tumeurs séreuses borderline péritonéales accompa-nent le plus souvent une tumeur ovarienne borderline. Lesumeurs séreuses péritonéales borderline primitives sontares, la conduite à tenir n’est donc pas « standardisée ».e cas clinique présenté met en évidence les difficultés

éservés.

Page 2: Tumeur séreuse borderline péritonéale découverte lors d’une césarienne. À propos d’un cas

6 J. Raiga et al.

dtc

C

Mcpepepdddlmo

d«tsddrplldt

clin

pp

àcdcditelcd

p

ugpsra

Dt

pdco

p

emsd

D

Ldoàltm«dd

itaiaI

94

iagnostiques et thérapeutiques après la découverte for-uite de granulations péritonéales au cours d’une césariennehez une jeune femme.

as clinique

me M., 36 ans, est opérée le 5 novembre 2006 d’uneésarienne pour son deuxième enfant en raison d’unerésentation transverse. L’obstétricien, une fois l’enfantxtrait, constate qu’il existe de fines granulations sur leéritoine pelvien. Il contrôle les ovaires qui sont sainst réalise des biopsies péritonéales avant de fermer laaroi. L’examen anatomopathologique montre qu’il s’agit’une lésion papillaire séreuse proliférante de type bor-erline, sous la forme d’implants péritonéaux non invasifs,e type desmoplastique. Un premier bilan est réalisé :es marqueurs sériques, notamment le CA125 sont nor-aux, l’échographie pelvienne montre l’absence de kyste

varien.Une cœlioscopie « d’exploration » est réalisée le 13

écembre 2006 : il existe des granulations péritonéalesparsemées » dans le cul-de-sac de Douglas, sur le péri-oine prévésical, sur le fond utérin et quelques granulationsuperficielles sur les ovaires sans qu’il existe de kystes oue lésions bourgeonnantes. Il n’existe pas de granulationsans les gouttières pariétocoliques ni sur le mésentère. Onetrouve un îlot isolé de granulations sur la coupole dia-hragmatique droite. Des biopsies sont réalisées sur touses sites suspects, ainsi qu’une cytologie péritonéale, unearge biopsie d’épiploon et des prélèvements superficiels deseux ovaires aux endroits précis où siégeaient des granula-ions.

L’examen anatomopathologique montre, sur chacun dees prélèvements, des localisations d’une tumeur papil-aire séreuse proliférante de type borderline, réalisant desmplants non invasifs, souvent de type desmoplastique avecombreux psammomes.

L’ensemble de ces prélèvements et la biopsie péritonéalerécédente ont été relus en collaboration avec le service deathologie de l’institut Gustave-Roussy à Villejuif.

Le cas de cette patiente est présenté le 20 février 2007une réunion de concertation pluridisciplinaire de can-

érologie du centre hospitalier Princesse-Grâce. Les avisivergent sur la conduite à tenir. Certains optent pour unehirurgie radicale immédiate argumentant qu’il est difficile’être sûr qu’il n’existe pas un foyer de cancer invasif passénapercu, d’autres sont plus attentistes argumentant queous les foyers biopsiés sont borderline non invasifs et qu’ilst possible qu’on assiste à une disparition spontanée desésions. Une attitude intermédiaire a été adoptée : contrôleœlioscopique à six mois, chirurgie radicale si persistancees granulations.

Cette attitude est expliquée à la patiente « qui ne veutas courir le moindre risque » ayant déjà deux enfants.

Nouvelle intervention le 6 juin 2007 qui débute parn contrôle cœlioscopique qui montre la persistance des

ranulations péritonéales. On commence par l’ablation duéritoine de la coupole diaphragmatique droite par cœlio-copie, puis reprise de la cicatrice de césarienne pouréaliser une hystérectomie avec annexectomie bilatérale,blation en totalité du péritoine atteint (cul-de-sac de

rstdd

Figure 1 Tumeur séreuse borderline péritonéale.

Peritoneal serous borderline tumor.

ouglas, péritoine prérectal, péritoine prévésical) et omen-ectomie sous-colique.

L’examen anatomopathologique confirme sur tous lesrélèvements péritonéaux la présence d’une tumeur séreusee type borderline avec implants non invasifs. On retrouvee même type de lésions en superficie de l’utérus et desvaires (Fig. 1).

Cette patiente a été revue en consultation à six mois,uis à un an sans complications.

Un protocole de surveillance à long terme a été instaurét expliqué à la patiente : examen clinique et dosage desarqueurs sériques (CA125, ACE, CA199) tous le six mois,

canner abdominopelvien tous les ans ou au moindre signe’appel.

iscussion

es tumeurs séreuses borderline primitives du péritoine sontes tumeurs rares qui touchent la femme jeune. Ces tumeursnt été nommées « endosalpingiose atypique » en référencel’endosalpingiose très fréquemment associée [1]. Le terme

e plus couramment retenu est « tumeur séreuse du péri-oine à la limite de malignité » [2]. Ces tumeurs dérivent duésenchyme sous-cœlomique du péritoine, encore appelésystème müllérien secondaire » [3]. Il s’agit le plus souvente granulations péritonéales diffuses retrouvées à l’occasion’un bilan d’infertilité ou de douleurs pelviennes [4].

Le diagnostic histologique repose sur plusieurs critères :l s’agit de tumeurs papillaires séreuses proliférantes deype borderline réalisant des implants non invasifs. Lesspects décrits sont identiques à ceux réalisés par lesmplants péritonéaux épithéliaux non invasifs retrouvés enssociation avec les tumeurs borderline de l’ovaire [5].l s’agit de lésions à développement superficiel qui appa-aissent comme posées sur la surface du péritoine. Elles

ont multiples, fréquemment incrustées de microcalcifica-ions psammomateuses [6,7] et sont associées très souvent àes lésions d’endosalpingiose (architecture glandulaire aveces lumières bordées par un épithélium de type tubaire).
Page 3: Tumeur séreuse borderline péritonéale découverte lors d’une césarienne. À propos d’un cas

lt

C

Jd

R

[

[

[

[

[

[

Tumeur séreuse borderline péritonéale

Le diagnostic différentiel est parfois difficile avec lesimplants péritonéaux d’une tumeur borderline ovarienne ;c’est alors l’étude histologique de l’ovaire qui donnera lediagnostic définitif [8,9].

Dans notre cas, il s’agissait d’une découverte fortuitelors d’une césarienne. La conduite à tenir est particuliè-rement délicate chez ces femmes le plus souvent jeuneset encore désireuses de grossesses ultérieures. Deux étudesfont actuellement référence dans la littérature : Bell etScully [10] publient en 1990 une série de 25 patientes dont18 de moins de 35 ans. Parmi ces 25 patientes, 16 onteu une chirurgie radicale (hystérectomie, annexectomie,omentectomie), neuf ont eu une chirurgie conservatrice(conservation de l’utérus et au moins une annexe), six ontété traitées par chimiothérapie adjuvante. Après un suivimoyen de huit ans, quatre patientes ont récidivé, dont unea développé un carcinome séreux péritonéal et une estdécédée d’une tumeur abdominale extensive avec méta-stases pulmonaires sept ans après traitement radical. Parmiles huit patientes traitées par chirurgie conservatrice, uneseule a récidivé. Les auteurs de cette série concluent quele risque de récidive ou de transformation en carcinomeséreux, bien que faible, impose une résection de toutes leslésions macroscopiques chez les femmes non désireuses degrossesses ultérieures. L’étude de Biscotti et Hart [11] relateune série de 17 patientes (moyenne d’âge 33 ans) dont dixont eu un traitement chirurgical radical pour sept traite-ments conservateurs. Sur 12 patientes suivies à long terme,deux ont récidivé et ont été réopérées, la première à sixmois, la deuxième à 14 ans après la première interventionavec un suivi favorable ce qui incite l’auteur à préconiserun traitement conservateur chez les patientes désireusesde grossesses ultérieures. D’autres cas isolés ont été publiésdans la littérature : [12—16], la plupart ont été découvertslors de bilan d’infertilité ou de douleurs pelviennes.

Concernant notre patiente, nous lui avons exposé avec leplus d’objectivité possible l’état des connaissances concer-nant cette pathologie. Ayant deux enfants en bas âge, ellea choisi la chirurgie radicale. Les récidives sont rares maispeuvent survenir avec plusieurs années de latence. Une sur-veillance régulière à long terme s’impose.

Conclusion

Les tumeurs séreuses borderline du péritoine sont destumeurs rares. Elle sont souvent découvertes de facon for-tuite lors d’un bilan d’infertilité, de douleurs pelviennes plusrarement au cours d’une césarienne comme dans notre cas.Deux solutions thérapeutiques sont possibles, la premièreradicale (hystérectomie, annexectomie, omentectomie et

résection du péritoine atteint), la deuxième plus attentistepeut se discuter chez des patientes encore désireuses degrossesses en raison du bon pronostic à long terme de cestumeurs. La chimiothérapie ne semble plus avoir sa placelorsque les implants sont « non invasifs ». Dans tous les cas,

[

695

a patiente devra être avertie des risques de récidive à longerme et suivie régulièrement.

onflit d’intérêts

e soussigné Dr J. Raiga certifie qu’il n’existe aucun conflit’intérêt ni pour moi ni pour les co-auteurs de cet article.

éférences

[1] Dallenbach-Hellweg G. Atypical endosalpingiosis: a case reportwith consideration of the differential diagnosis of glandularsubperitoneal inclusions. Pathol Res Pract 1987;182:180—2.

[2] Gandhi H, Bickerton NJ. Primary borderline serous neoplasia ofthe peritoneum. J Obstet Gynaecol 2004;24:187—8.

[3] Lauchlan SC. The secondary mullerian system. Obstet GynecolSurv 1972;27:133—46.

[4] Lin PY, Ueng SH, Tseng MJ. Primary peritoneal serous borderlinetumor presenting as an ‘‘adnexal torsion’’ gynecologic emer-gency. Taiwan J Obstet Gynecol 2007;46:308—10.

[5] Bell KA, Smith Sehdev AE, Kurman RJ. Refined diagnostic crite-ria for implants associated with ovarian atypical proliferativeserous tumors (borderline) and micropapillary serous carcino-mas. Am J Surg Pathol 2001;25:419—32.

[6] Raju U, Fine G, Greenawald KA, Ohorodnik JM. Primarypapillary serous neoplasia of the peritoneum: a clinicopatho-logic and ultrastructural study of eight cases. Hum Pathol1989;20:426—36.

[7] Weir MM, Bell DA, Young RH. Grade 1 peritoneal serous carci-nomas: a report of 14 cases and comparison with 7 peritonealserous psammocarcinomas and 19 peritoneal serous borderlinetumors. Am J Surg Pathol 1998;22:849—62.

[8] Gitsch G, Tabery U, Feigl W, Breitenecker G. The differentialdiagnosis of primary peritoneal papillary tumors. Arch GynecolObstet 1992;251:139—44.

[9] Clement PB, Young RH. Florid mesothelial hyperplasia asso-ciated with ovarian tumors: a potential source of error intumor diagnosis and staging. Int J Gynecol Pathol 1993;12:51—8.

10] Bell DA, Scully RE. Serous borderline tumors of the peritoneum.Am J Surg Pathol 1990;14:230—9.

11] Biscotti CV, Hart WR. Peritoneal serous micropapillomatosis oflow malignant potential (serous borderline tumors of the per-itoneum). A clinicopathologic study of 17 cases. Am J SurgPathol 1992;16:467—75.

12] Couto D, Motal F, Silva T, De Oliveira C. Primary peritonealborderline tumour: report of an unusual case. Eur J GynaecolOncol 2007;28:54—6.

13] Hutton RL, Dalton SR. Primary peritoneal serous borderlinetumors. Arch Pathol Lab Med 2007;131:138—44.

14] Mourad N, Duvillard P, Sabourin JC. Borderline seroustumor of the peritoneum: report of two cases. Ann Pathol2007;27:239—42.

15] Joubert-Zakeyh J, Roaelfils I, Darcha C, Dechelotte PJ. Perito-

neal serous borderline tumors: report of two cases. Ann Pathol2006;26:111—4.

16] Biron-Shental T, Klein Z, Edelstein E, Altaras M, Fishman A.Primary peritoneal borderline tumor. A case report and reviewof the literature. Eur J Gynaecol Oncol 2003;24:96—8.