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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 327, S~rie II b, p. 826-828, 1999 Cosmologie/Cosmology I1 nous a fallu un si6cle... ! Depuis les premibres idEes de Sir Norman Lockyer (il envisageait l'6volution d'une Etoile de la droite h la gauche de la branche des gEantes, puis de la gauche ~t la droite de la branche des naines, dans un diagramme couleur-magnitude trEs primitif) jusqu'aux conceptions actuelles, tr~s satisfaisantes, mais pourtant pas enti~rement achevEes, de l'dvolution d'une Etoile (depuis quelque condensation initiale jusqu'5 son Evaporation plus ou moins brutale et ~t la formation de ses rdsidus denses), il nous a fallu un si~cle... Or, une Etoile est une chose bien simple : une masse quasiment sphdrique de gaz parfait. Les galaxies, avec leurs milliards d'Etoiles, leur poussibre interstellaire, leurs nuages gazeux, neutres ou ionisEs, certaines avec des structures compliquEes, bras spiraux ou barres, certaines souvent simplement un ellipso~'de plus ou moins aplati, ne sont pas des objets simples... L'(volution d'une galaxie doit gvidemment ~tre d'une grande complexitY. Or, nous ne comprenons presque rien ~ cette ~volution. Certes, nous connaissons certains phEnomEnes Evolutifs : enrichissement en ElEments lourds, fusion de deux ou plusieurs galaxies, formation des areas de galaxies, existence de noyaux actifs, de trous noirs dans ces noyaux... Mais que de diversitE encore real comprise, et que de points d'interro- gation !... Savons-nous si toutes les galaxies ellipsoYdales proviennent d'une fusion de spirales ? C'est possible. Est-ce gEnEral ? Savons-nous si toute galaxie a eu, a, ou aura un noyau actif ? Et sinon, quels sont les param~tres qui commandent cette activitE ? Nous connaissons peu de galaxies ~ trou noir... La nEtre en est une. Est-ce un phdnomEne gEnEral, ou exceptionnel ? Les idEes ne manquent pas... Mais nous ne sommes qu'en un 6tat trbs prEliminaire d'une investigation sErieuse portant sur l'dvolution galactique, et ce, bien que depuis dEj~ les anndes trente, Hubble et d'autres eussent commence rEfldchir h ces questions, fi imaginer des sequences Evolutives, tout comme Lockyer l'avait fait pour les dtoiles, quelques dEcennies auparavant. 1287-4620/99/032700826© Acad~miedes sciences/Elsevier, Paris ~2 6

Un débat majeur: la cosmologie du «Big Bang: I. Introduction au débat

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 327, S~rie II b, p. 826-828, 1999 Cosmologie/Cosmology

I1 nous a fallu un si6cle... ! Depuis les premibres idEes de Sir Norman Lockyer (il envisageait l'6volution d'une Etoile de la droite h la gauche de la branche des gEantes, puis de la gauche ~t la droite de la branche des naines, dans un diagramme couleur-magnitude trEs primitif) jusqu'aux conceptions actuelles, tr~s satisfaisantes, mais pourtant pas enti~rement achevEes, de l'dvolution d'une Etoile (depuis quelque condensation initiale jusqu'5 son Evaporation plus ou moins brutale et ~t la formation de ses rdsidus denses), il nous a fallu un si~cle... Or, une Etoile est une chose bien simple : une masse quasiment sphdrique de gaz parfait.

Les galaxies, avec leurs milliards d'Etoiles, leur poussibre interstellaire, leurs nuages gazeux, neutres ou ionisEs, certaines avec des structures compliquEes, bras spiraux ou barres, certaines souvent simplement un ellipso~'de plus ou moins aplati, ne sont pas des objets simples... L'(volution d'une galaxie doit gvidemment ~tre d'une grande complexitY. Or, nous ne comprenons presque rien ~ cette ~volution. Certes, nous connaissons certains phEnomEnes Evolutifs : enrichissement en ElEments lourds, fusion de deux ou plusieurs galaxies, formation des areas de galaxies, existence de noyaux actifs, de trous noirs dans ces noyaux... Mais que de diversitE encore real comprise, et que de points d'interro- gation !... Savons-nous si toutes les galaxies ellipsoYdales proviennent d'une fusion de spirales ? C'est possible. Est-ce gEnEral ? Savons-nous si toute galaxie a eu, a, ou aura un noyau actif ? Et sinon, quels sont les param~tres qui commandent cette activitE ? Nous connaissons peu de galaxies ~ trou noir... La nEtre en est une. Est-ce un phdnomEne gEnEral, ou exceptionnel ? Les idEes ne manquent pas... Mais nous ne sommes qu'en un 6tat trbs prEliminaire d'une investigation sErieuse portant sur l'dvolution galactique, et ce, bien que depuis dEj~ les anndes trente, Hubble et d'autres eussent commence rEfldchir h ces questions, fi imaginer des sequences Evolutives, tout comme Lockyer l'avait fait pour les dtoiles, quelques dEcennies auparavant.

1287-4620/99/032700826 © Acad~mie des sciences/Elsevier, Paris ~2 6

Pourrions-nous alors pr6tendre ~t la connaissance, ~t une 6chelle beaucoup plus grande, de l'Univers et de son 6volution ? Pourrions-nous conna~tre, avec une raisonnable certitude, les lois de la cosmolo- gie ? I1 est vrai que nous savions appliquer les lois des gaz parfaits bien avant de conna~tre leur structure mol6culaire. Mais cette connaissance s'arrfitalt pr6cis6ment h l'6chelle des mol6cules. Nos vues cosmologiques cesseraient-eUes aussi d'&re valides ~t l'6chelle des galaxies, ou peut-&re des 6toiles, si l 'on admet que l'Univers se comporte, m@me dans ses 6tats les plus condens6s, comme un milieu continu, homog6ne, admettant une 6quation d'6tat similaire ~ celle des gaz parfaits ? Cela est loin d'etre d6montr6, loin aussi d'etre exclu.

D'ofi ce d6bat, souvent tr~s vif d'ailleurs dans les milieux sp6cialis6s, bien qu'il ne doive pas affecter des domaines bien 6tablis de la connaissance, tels que la thforie de la relativit6 restreinte ou m~me celle de la relativit6 g6n6rale, tels aussi que l'61ectrodynamique quantique, etc. C'est un d6bat qui n'en est peut-~tre qu'h ses d6buts, en d6pit de l'audience apport6e h la pr6sentation souvent flamboyante de la cosmologie dite standard, celle du ~< Big Bang >>. Pour cette raison, nous avons pens6 qu'il 6tait sage d'ouvrir la porte, dans les colonnes des Comptes rendus de l'Acad~mie des sciences, ~ cet important 6change de vue.

Les deux auteurs sont des experts internationalement reconnus de ce domaine. Les professeurs Joseph Silk et Jayant Narlikar ont 6crit tous deux d'excellents ouvrages sur ces questions ; Joseph Silk a occup6 au cours des ann6es 1997-1999, la prestigieuse chaire Blaise-Pascal de l'Institut universitaire de France. Jayant Narlikar a pr6sid6 la Commission ~< Cosmologie ~> de l 'Union Astronomique Inter- nationale, et, par deux fois, a 6t6 professeur au Coll~ge de France, sur la chaire d'l~tat. Nous ne pouvions trouver meilleurs interlocuteurs, plus comp6tents, plus ouverts au d6bat. Nous leur sommes reconnaissants d'avoir accept6 de jouer ce jeu, en un dialogue serr6 et constructif.

I. Introduction to the debate

It took us one century!... Since the earliest ideas of Sir Norman Lockyer (he had considered the evolution of a star from right to left, along the giant branch, then from left to right in the dwarf branch, in a very primitive colour-magnitude diagram) till the present concepts, quite satisfactory, but not yet completely achieved, of the evolution of a star (from some initial condensation to its more or less brutal evaporation and the formation of its dense remnants), it took us one century... But a star is indeed a very simple thing: a quasi-spherical mass of ideal gas!...

Galaxies, with their billions of stars, their interstellar dust, their gaseous clouds, neutral or ionised, some of them with complicated structures, spiral arms or bars, some often simply a more or less flattened ellipsoid, are by no means simple objects...The evolution of a galaxy must obviously be of an extreme complexity. Unfortunately, we understand almost nothing of this evolution. Of course, we know some evolutionary phenomena: enrichment in heavy elements, fusion of two (or more) galaxies, formation of clusters of galaxies, existence of active nuclei, of black holes in these nuclei... But what a diversity still badly understood, and how many question marks! Do we even know whether all ellipsoidal galaxies are resulting from a fusion of spirals? Possibly true. But is it general? Do we know whether every galaxy has had, has, or will have an active nucleus? And if not, what are the parameters which command this activity? We know very few black holes galaxies. Ours is one example. But is it a general phenomenon, or an exceptional one? Ideas are not lacking. But we are now at the very preliminary stage of a serious investigation dealing with galactic evolution; and that, although, already since the thirties, Hubble and others had begun to thing about these questions, to imagine some evolutive sequences, just as Lockyer a few decades earlier, had done in the case of stars...

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Could we, in such a situation, pretend to know, at a much larger scale, the Universe and its evolution? Could we know with a reasonable certainty the laws of cosmology? It is true that we knew how to apply the laws of ideal gases much before we knew their molecular structure. But this knowledge stopped precisely at the scale of these molecules. Would our cosmological views cease also to be valid at the scale of galaxies, perhaps of stars, if one admits that the Universe behaves, even in its more condensed stages, as a continuous medium, homogeneous, ruled by an equation of state similar to that of ideal gases? This is far from being demonstrated, far also from being excluded.

Hence the debate, often quite intense in the specialised circles, although it should not affect well-established domains such as the theory of Special Relativity, or even that of General Relativity, such also as the Quantum Electrodynamics, etc. It is a debate which is perhaps only at its beginning, in spite of the audience brought to the often flamboyant presentation of the so called "standard" cosmology, i.e. that of the Big Bang. For that reason, we thought sensible to open the door, in the Comptes rendus de l'Acaddrnie des sciences, to this important exchange of arguments.

The two authors are internationally recognised experts of this field. Professor Joseph Silk and Professor Jayant Narlikar have both written excellent books on these questions. J. Silk has occupied, in 1997-1999, the prestigious Chaire Blaise-Pascal of the Institut Universitaire de France. Jayant Narlikar has chaired over the commission on Cosmology of the International Astronomical Union. We could not find better debaters, more competent, more open to the discussion. We are grateful to both of them for having accepted to play that game, in a strict and constructive dialogue.

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