Un nouveau Rotifere du genre Pedalia habitant les. lacs des hautes montagnes.

Par

J. Wiszniewski.

(Station Hydrobiologique de Wigry, Pologne).

Avec 5 figures.

Depuis que L e v a n d e r a clecrit en 1892 l’espkce Pedalia fennica (= Pedalion fennicum), celle-ci etait retrouvke par plusieurs auteurs. D’une part des nombreuses trouvailles de cette espkce (comp. la liste de la littdrature y relative dans ma note de 1932) ont permis la ranger parmi les formes stenohalines, propres aux eaus saumgtres, comme l’a fait p. ex. R e m a n e (1929); par contre, la constatation de sa presence clans quelques bassins, situes dans les montagnes, a autorise Weber et Monte t (1918) B esprimer l’opinion snivante: cccette espkce appartient A la faune pelagique des lacs et des grancls &tangs des hautes altitucles, (p. 227). Cet avis est bask B son tour sur une remarque de Z s c h o k k e (1 900) : ctwahrscheinlich diirfte sich ergeben, da13 das von drei hochalpinen Lokalitaten gemeldete Pedalion mirum Hudson der von Levancler beschriebenen norclischen Form, P. fennicum, ent- spricht)) (p. 92)l).

De meme, Zederbauer et B r e h m (1908)) indiquent la presence de P. fennica dans les montagnes d’Arm6nie et T a r n o g r a d s k y (1925) la cite (avec un point cl’interrogation) pour le Caucase du Nord. C’est enfin Valkanov (1931, 1932) qui a trouve un reprksentant de ce

l) Weber et Montet prksentent une liste suivante de donnkes bibliographi- ques concernant l’apparition cle la forme en question dam les Alpes: P u g n a t 1896, Zschokke 1895, 1900, Imhof 1887c, 189Os, 1890b, 1891, 1892, 1893 et 1893 b.

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genre, comparable B P. fennica, dans les montagnes de Rila et Pirin (Bulgarie), en la designant dans ses notes comme Pedalion sp.

Ce mode de repartition &range de ladite espkce, seulement dans les eaux saumhtres d’une part et dans les bassins des hautes altitudes - de l’autre, semble &re assez suspect et il fait supposer B priori que les euemplaires, trouves dans les montagnes, n’ont BtB identifies avec l’espkce de Levander que par un malentendu des auteurs qui tous ne s’occupaient de ces Rotifbres que facultativement.

Grhce B la bienveillance de Mr le dr A. V a1 k a n o v de Sofia j ’ai r e p quelques echantillons de plancton provenant des montagnes Rila (2200 m au-dessus dn niveau de la mer). Un representant du genre

Fig. 1 Pedalia bulgarica n. sp. w e de c6t6.

en question, queMrVa1- kanov a d6ignB dans ses notes (1. c.) comme Pedalion sp., y est ren- fermd dans un grand nombre d’exemplaires. L’examen precis de ces materiaux a demontre que nous avons ici de- vant nos yeux m e espbce nouvelle, difE8- rente de Pedalia fennica. En presentant ci -des- sous la description de

cette espkce, je propose la nommer Pedalia bulgarica n. sp. Le corps EL la forme typique du genre; je ne m’en occuperai pas

plus prhs, en me referant, p. ex., k la description detaqee que j’ai donnee pour l’esphce P. intermedia dans ma note de 1929. I1 faut cependant souligner qne le tronc est relativement plus court et plus large par rapport aux autres reprbentants du genre (fig. 1). Les appendices digitiformes posterieursl), caracteristiques pour P. mira et P. intermedia, y manquent totalement. Dans la partie posterieure du tronc, sa face ventrale se trouve une protuberance normale pour le genre, mais un peu moins accentuhe, que chez les autres espbces. La disposition des appendices locomoteurs sur le tronc est normale.

l) Dans mes notes pr6cCdantes j’ai dCsign6 ces organes c o m e les appen- dices glandulaires; Remane (1932) leur attribue tout dernihrement une signification phit6t sensorielle.

Un nouveau Rotifere du genre Pedalia etc. 231

L’appenclice impair ventral (fig. 2) est le plus robuste; il est termin6 par un &entail de soies, disposees deux par deux, tout it fait comme chez P. fennica, mais il y en a au total 10 (fig. 2a,b) ou 12 (fig. 2c), c’est-8-dire 5 ou 6 paires, inserees sur les pddoncules distincts. On peut trouver quelques exemplaires, peu nombreux, qui representent un stacle intermkdiaire, la sixikme paire cle soies &ant tr&s r6duite; chez un seul indiviclu, m6me la cinqnikme paire h i t petite (fig. 2b).

Fig. 2 (a+) Diverses formee de l’appenclice locomoteur ventral.

Le nombre cle soies peut donc subir une certaine variabilitd inclividuelle, mais il ne tombe jamais jusqu’au nombre de 8 soies, propre A, l’espkce P. fennica et aus autres espkces du genre. Les soies sont robustes et grosses ; elles portent des fortes soies sdcondaires qui leur renclent l’aspect de plumes. Dans les parties supdrieures des soies primaires, c’est-&-dire prks de leurs bases, les soies sdcondaires sont grosses et ressemblent souvent aux Bpines, qui peuvent atteinclre quelquefois une longueur consiclkrable, ce qui rend aux p6doncules primaires l’aspect de trichotomie apparente (fig. 2 a, c). Cel8 concerne aussi bien l’appendice clorsal (fig. 3). Au-dessus du point d’insertion des soies l’appendice ventral est muni it chaque c6td de 3 OLI 4 crochets cuticulaires bien distincts, fins, pointus et dirig6s vers le bas. Les crochets alternent et ceux, situes tout prks nu-dessus de la base des soies, sont les plus longs et fins.

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L’appendice impair dorsal (fig. 3) n’a pas de crochets IatBraux; il est aussi termin6 par les soies dont le nombre vane sensiblement. Dans la plfipart des cas il y en a 7 (fig. 3b), plus rarement nous en voyons 8 (fig. 3a) et seulement des exemplaires peu nombreux en possedent 6 (fig. 3 c) ou mdme 5. Les soies sont disposdes en general deux par deux, mais chez quelques exemplaires ce trait n’est pas bien Bvident (fig. 3 c). I1 faut enfin remarquer que la variabilitb individuelle relative au nombre de soies sur les deux appendices impairs ne montre aucune corrdlation rdciproque. Les soies sbcondaires sont fortes, mais un peu moins marqudes, que sur l’appendice ventral.

Les appendices latdraux pairs sont munis des soies tres vigoureuses, avec les soies shcondaires tres bien d6veloppBes. Cel- les-ci, situBes prhs du point d’insertion des soies primai- res sont les plus grosses et elles peuvent devenir rBla- tivement longues, en imi- tant alors une dichotomie apparente qui n’a pas lieu, en gBnBra1, sur les appendi- ces pairs. Les appendices

Fig. 3 ( e c ) Diverse8 formes de I’appendice ventro-latBraux (fig*4b) POs- &dent 7 soies disposBes sB- parBment, ZL l’exception de

deux soies mBdianes qui ont un pkdoncule commun bien marqu6. Le nombre cle soies terminant les appendices dorso-latbraus correspond a 6 (fig. 4a); elles sont aussi inserBes sBparBment e t mdme le pBdon- cule de deus soies mBdianes est peu accentub. Au-dessus de la base des soies, l’appendice est muni tle chaque c6tB d’une Bpine cuticu- laire droite, pointue et assez longue. Le nombre de soies sur les appendices pairs ne varie point ; il est completement constant chez tous les exemplaires BxaminBs.

La position de l’appareil rotateur est normale; la levre sur son c6tB ventral, si caractBristique pour P. rnira, manque ici totalement.

L’anatomie des organes internes ne difFBrant pas de la structure cles autres especes du genre, je ne reviendrai pas A la description de ses d6tails. NBanmoins, il merite l’attention que le nombre de dents dans chaque nncus des trophi correspond ZL 6; c’est un trait important,

B

locomoteur dorsal.

Un iiouveau Rotifere du genre Pedctlia, etc. 238

par lequel P. bulgarick. diffbre nettement de P. fennica, qui en possbde 7. Les dents sont fines, termides par des Blargissements en forme de massues. En outre, la structure des trophi est tout & fait normale. (fig. 5 . )

Comme il rdsulte des observations de V a l k a n o v (1. c,), l’espbce en question est souvent teint6e de couleur rosiitre.

Dimensions : longueur du tronc 220-340 p ; l’appendice locomoteur ventral (sans soies terminales) est toujours plus long; il at- teint p. ex. 390 ,LL chez un in- dividu dont la longueur du tronc correspond & 340 p.

L’espkce que je viens de dBcrire montre une affinitB la plus Bvidente avec P. fennica, les cleux autres espbces - P. mira et P. intermedia - for- mant un deuxikme groupe cl’espkces voisines entre elles. P. bulgarica d8kre de P. f en - nica tout d’abord par le nom-

Fig. 4 Appendices Iocomoteurs pairs : a) dorso-latbraux, b) ventro-lat6raux.

bre de dents dans les unci et par le nombre de soies sur l’appendice ventral. En outre, on peut mentionner encore quelques details carac- teristiques et notamment : le nombre cle soies sur les appendices la- tBraux, qui est moindre chez P. bulgarica, l’existance de deux Bpi- nes supplementaires sur les appen- dices dorso-lateraus, ainsi que la forme des crochets sur l’appendice ventral. E d n , P. bulgarica est plus grande que P. fennica.

Quant au caractere Bcologique et ZL la distribution gBographique cle notre esphce, nous en avons peu ZL dire pour le moment. On ne peut constater sa presence avec toute certitude que dans les montagnes Rila e t Pirin oil elle a BtB trouvee par Mr. Valkanov. Mais il est trbs probable que Tar - nograclsky ait trouvB notre espbce dans les montagnes de Cau- case du Nord; on peut en juger avec une grande aaisemblance d’aprks son dessin (1. c. pl. 111, fig. l l ) , qui reprdsente l’appendice

Fig. 5 Trophi.

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ventral ddune esphce que cet auteur a designee coinme ((Pedalion fennicum( ?)o. L’appendice dont il s’agit posskde certainement plus que 8 soies, leur nombre precis &ant impossible Q determiner en vue de l’inexactitude de la reproduction de l’esquisse. Une remarque de l’auteur qui a aperqu 3-4 soies inserees sur cheque pddoncule sera compr6hensible, si nous nous rappelons la possibilite de la trichotonlie apparente de quelques soies, ce que j’ai mentionne plus haut. NOLIS aurions alors un habitat probable de P. bulgarica outre la p6ninsule des Balkans; tous les deux habitats - Rila et Pirin ainsi que le Caucase du Nord - sont eleves bien haut au-dessus du niveau de la mer. L’apparition de notre espkce dans deux massifs bien eloignes de montagnes rend trks probable la supposition que P. bul- garica soit une espkce qui justement ccappartient a la faune pdlagique des lacs et des grands Btangs des hautes altitudes)) et que c’6tait aussi cette forme que les auteurs mentionnes ont rencontree dans les Alpes et en Armenie. Peut-&re, les trouvailles futures pourront constater sa presence dans les autres systkmes de montagnes. Cette supposition, bien que la plus probable, n’est pas pour le moment absolument sfire; elle evige une affirmation par les etudes directes cles matkriaux prove- nant des endroits dont il s’agit. On ne peut pas notamment esclure Q priori la possibilite de l’existance d’autres esphces de Pedalia dont le caractkre Bcologique serait le m&me, que celui de P. bulgarica. Mais nous pouvons en tout cas considdrer comme presque certain que ce n’est pas P. fennica qui vit dans les lacs des hautes altitudes, l’espkce en question &ant une a a i e forme stenohaline dont la repartition est liee a une concentration clefinie de sels clissous dans l’eau du bassin, et non pas A sa situation 0rographique.l)

Le genre Pedalia Barrois renferme donc a present cinq espkces bien denies. Elles sont caracterisees par une suite de marques morpho- logiques dont les plus importantes nu point de vue de leur valeur pour le systkme nous citons ci-clessous. Ce sont tout d’abord: le nombre de dents dans les unci, la presence resp. l’absence de la lkae Q l’appareil rotateur, ainsi que des appendices post6rieurs digitiformes et enfh le mode d’insertion et le nombre de soies sur l’appendice locomoteur ventral. C’est vrai, que le trait cite dernihrement montre une varia-

l) La con&atation de P . fennica dans les sources themales en Afrique du Sud (Hutchinson, 1932) reprbsente un fait B part: est-ce justement cette espbce que l’auteur a eue deva,nt ses yeux?

Un nouveau Rotifbre du genre Pedalia etc. 235

bilite individuelle chez l’esphce P. bulgarica, mais ces variations sont regulikres et elles n’oscillent que dans les limites strictement ddfinies sans transgresser chez les esphces voisines. Quant & la structure des appendices locomoteurs lateraux, il est probable qu’on puisse h i attribuer une valeur morphologique, malgre qu’une variabilite indi- viduelle y relative nit pu &re aussi constatee (Hauer , 1925, chez P. fennicn var. oxyuris et d e Beauchamp, 1932, chez P. jenkinae).

Genre : Pedalia Barrois (= Pedalion Hudson)

6

manque manquent

deux p. dens

10 ou 12

Wombre cle dents clans ~’LUICUS ..............

LBwe k I’appareil rota- teur ................

Appencl.digitiformespost . Mode d’insertion des soies

snr l’append. ventral . Nombre cle soies sur

I’append. ventral .... Nombre de soies sur les

app. ventro-latbraux. . Nombre de soies SW les

app. dorso-latbraus. . .

9-10

manque manquent

?

1

existe esistent s8par6- ment

8

manque manque existent manquen s6par6- deus ment p.cleux

8 8

7 1 6-8

6 I 6-8

La presence des Bpines laterales SUT les appendices dorso-lateraux de P. bulgarica semble Btre un trait particdier qui n’a jamais Bt6 observe chez les autres esphces. Ces Bpines presentent peut-&tre les Qbauches des soies normales clont le nombre est ici reduit. - La structure de l’appendice dorsal est peu caractdristique en vue cle la possibilitd d’une grande variabilite individuelle, concernant le nombre et le mode d’insertion des soies (P. bulgarica et P. mira - comp. ma note de 1931). Par contre, la forme des crochets cuticdaires latbraux de l’appendice ventral semble meriter l’attention : chez P. mira et P. fennica ces crochets sont gros et plutBt en forme d‘escaliers, tandis que chez P. intermedia, P. jenkinae et P. bulgarica ils sont plus fins et aigus en forme d’dpines bien formkes. Enfin, il faut faire remarquer que la presence d’un appendice cuticulaire, en forme de glaive, dont est niuni la partie postBrieure du tronc chez P. fennica var. oxyuris, n’a qu’une importance mediocre au point de vue du systhme: elle ne prouve pas l’indbpendance sp6ci-

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fique de cette forme, qui se renferme bien dans lea limites de l’esphce P. fennica, comme une varietd distincte. Cette question a dte discu- tee dam ma note de 1932; une observation intkressante y relative se trouve aussi dans un travail de Kudie l ina (1930). Le tableau que je presente ci-dessus renferme un apergu des mar-

ques rnorphologiques qui caractdrisent cinq esphces du genre Pe- duliu et qui nous semblent plus importantes au point de vue de la classification du genre Itl’etat actuel de notre connaissance du problhme.

En finissant, je veux adresser It Monsieur le Docteur A. Valkanov mes remerciements les plus sinchres pour son amabilitd, avec laquelle il a bien voulu mettre ses matdriaux B ma disposition.

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