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481 J Chir 2008,145, N°5 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Staff public Une complication complexe après sphinctérotomie endoscopique J.-Y. Mabrut Service de chirurgie digestive, hôpital de la Croix-Rousse – Lyon. Correspondance : J.-Y. Mabrut, service de chirurgie digestive, hôpital de la Croix-Rousse, 193 grande rue de la Croix-Rousse, F 69317 Lyon. e-mail : [email protected] Présentation du cas clinique Cette observation a été présentée au 3 e Congrès francophone de chirurgie digestive et hé- patobiliaire, à Marne-la-Vallée, le 7 décembre 2007 lors de la séance de dossiers clini- ques. Le présentateur (Docteur Jean-Yves Mabrut) fait des propositions, discutées par les animateurs (Docteur Sauvanet et Mariette) qui encouragent la salle à prendre la parole. Docteur Jean-Yves Mabrut : « Il s’agit d’une patiente âgée de 71 ans aux antécédents médicaux d’insuffisance mitrale modérée et d’une “triade de Saint”, avec un reflux gastro-œsopha- gien, une lithiase vésiculaire, traitée par cholécystectomie cœlioscopique en 1998, et une diverticulite sigmoïdienne, traitée par résection sigmoïdienne par laparotomie en 2001. La patiente, qui est donc cholécystectomisée, a présenté en août 2005 une pancréatite œdéma- Figure 1 : Scanner initial. a b c d teuse bénigne et il est réalisé à l’époque une cholangiopancréatographie rétro- grade (CPRE) à visée diagnostique en septembre 2005. À la lecture du compte rendu de la CPRE il n’y a pas de lésion canalaire, pas de lithiase endobiliaire et une sphinctérotomie endoscopique est réalisé pour le motif d’“oddite”. La pa- tiente dans les suites de cette sphincté- rotomie à visée diagnostique présente des douleurs abdominales intenses et un scanner est réalisé le lendemain ; dont voici les coupes principales (figure 1) »

Une complication complexe après sphinctérotomie endoscopique: An unusual complication of endoscopic sphincterotomy

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Staff

public

Une complication complexe après sphinctérotomie endoscopique

J.-Y. Mabrut

Service de chirurgie digestive, hôpital de la Croix-Rousse – Lyon.

Correspondance :

J.-Y. Mabrut,

service de chirurgie digestive, hôpital de la Croix-Rousse, 193 grande rue de la Croix-Rousse, F 69317 Lyon.

e-mail : [email protected]

Présentation du cas clinique

Cette observation a été présentée au 3

e

Congrès francophone de chirurgie digestive et hé-patobiliaire, à Marne-la-Vallée, le 7 décembre 2007 lors de la séance de dossiers clini-ques. Le présentateur (Docteur Jean-Yves Mabrut) fait des propositions, discutées par lesanimateurs (Docteur Sauvanet et Mariette) qui encouragent la salle à prendre la parole.

Docteur Jean-Yves Mabrut

: « Ils’agit d’une patiente âgée de 71 ans auxantécédents médicaux d’insuffisancemitrale modérée et d’une “triade deSaint”, avec un reflux gastro-œsopha-gien, une lithiase vésiculaire, traitée par

cholécystectomie cœlioscopique en1998, et une diverticulite sigmoïdienne,traitée par résection sigmoïdienne parlaparotomie en 2001. La patiente, quiest donc cholécystectomisée, a présentéen août 2005 une pancréatite œdéma-

Figure 1 : Scanner initial.

a b

c d

teuse bénigne et il est réalisé à l’époqueune cholangiopancréatographie rétro-grade (CPRE) à visée diagnostique enseptembre 2005. À la lecture du compterendu de la CPRE il n’y a pas de lésioncanalaire, pas de lithiase endobiliaire etune sphinctérotomie endoscopique estréalisé pour le motif d’“oddite”. La pa-tiente dans les suites de cette sphincté-rotomie à visée diagnostique présentedes douleurs abdominales intenses etun scanner est réalisé le lendemain ;dont voici les coupes principales

(figure 1)

»

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Docteur Mariette : « Donc la maladea eu une CPRE de justification ap-proximative, qui a entraîné des pro-blèmes objectifs. »

Docteur Jean-Yves Mabrut

: « Ellen’a pas de fièvre, on est à J1, mais elle ades douleurs abdominales très intenses,un début de défense et voila le scannerdont on dispose. La question est : quelest le diagnostic et quelle est l’attitudethérapeutique ? »

Docteur Chiche : «

Je crois quesur le cliché

il y a un rétro-pneumopé-ritoine

(figure 1a)

. Je pense qu’il s’agitd’une perforation après sphinctéroto-mie endoscopique.

»

Docteur Mariette :

« Est-ce qu’il y aun épanchement d’autre naturequ’aérique ? »

Docteur Jean-Yves Mabrut :

« Ilexiste une aérobilie, secondaire à lasphinctérotomie

(figure 1a)

, un épan-chement intrapéritonéal avec égale-ment un petit pneumopéritoine

(figures 1a et 1b)

, un rétropneumopé-ritoine avec dissection de la graissepérirénale

(figure 1b, 1c et 1d)

. On voiten périduodénal l’épanchement ga-zeux rétropéritonéal

(figure 1d)

. Lapatiente est stable du point de vue hé-modynamique, elle n’a pas de fièvre,elle a cette douleur qu’elle tolère re-lativement bien et on n’a que des ima-ges scannographiques d’air en arrièreet en avant dans la cavité péritonéaleet en rétropéritonéal.Quelle prise en charge thérapeutiqueproposez-vous, est-ce que vous faitesune cœlioscopie, une laparotomie, est-ce que vous surveillez, est-ce que

vous refaites un cathétérisme rétro-grade… ? »

Docteur Dousset :

« La premièrehypothèse c’est bien sûr la perfora-tion duodénale, au cours de lasphinctérotomie endoscopique d’in-dication discutable, car il existe unrétro pneumopéritoine. Souvent cesperforations s’expriment plus en ré-tro péritonéal qu’en intrapéritonéal,il peut y avoir un épanchement in-trapéritonéal de contiguïté. L’ur-gence, c’est de le reconnaître préco-cement, le traiter médicalement avecune aspiration digestive, une anti-biothérapie, une surveillance clini-que rapprochée. Il y a très peu dechoses dans la littérature sur le sujetmais, dans notre centre, on a vu uncertain nombre de ces perforations,

Figure 2 : Scanner au 3e jour du traitement médical.

a b

c d

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3 fois sur 4 le traitement médical suf-fit à guérir ces patients. »

Docteur Mariette : « Donc traite-ment médical. Y a-t-il d’autres pro-positions ? Qui l’aurait opérée ? »

Docteur Berdah :

« Je répondrai justeà la question : qui l’aurait opérée ? Jepeux argumenter ma réponse positive :si la patiente a des douleurs abdomina-les, c’est un diagnostic très précoce, onpeut se donner un peu de temps. Maisil y a un risque d’infection rétropérito-néale gravissime et on a tendance à lesopérer précocement, peut-être dans uncertain nombre de cas pour rien, maisau moins faire un décollement et unlarge drainage. »

Docteur Vons

: « Comme le DocteurDousset : je tenterais un traitement mé-dical. »

Docteur Sauvanet : « On va faire vo-ter la salle, qui l’opère ? Plus haut lesmains, qui lui met une sonde gastri-que et des antibiotiques ? Voilà, c’estla majorité »

Docteur Jean-Yves Mabrut :

« La pa-tiente n’a pas été montrée à un chirur-gien et il a été fait un traitement médi-cal ; antibiotiques et sonde gastrique.Au troisième jour, avec une évolutionclinique favorable, un scanner est fait

(figure 2)

. Sur ce scanner il n’y a pasd’aggravation des lésions, on voit quandmême toujours l’épanchement intrapé-ritonéal et en arrière il y a toujours cerétropneumopéritoine, mais en raisonde l’évolution favorable, le traitementmédical est poursuivi. Dans la majoritédes cas les problèmes se règlent médi-calement comme cela a été souligné.Dans notre cas, pour l’intérêt du dos-sier, cela ne se règle pas comme ça. Au7

e

jour, la patiente se dégrade d’un pointde vue clinique. Elle devient fébrile, hé-modynamiquement instable, on la metsous amines vasopressives. Elle a unsyndrome péritonéal diffus, avec unedéfense essentiellement de l’hypochon-dre et du flanc droits, une acidose mé-tabolique, des épanchements pleuraux.La patiente est transférée en réanima-tion pour avis. Il est réalisé un 3

e

scan-ner abdominal

(figure 3)

. »

Docteur Cherqui :

« Je veux justeréintervenir sur le vote qui a eu lieu àmain levée, je n’ai pas vu le résultat, j’aieu l’impression qu’il y a une majorité depersonnes favorable au traitement mé-dical »

Docteur Sauvanet : « Oui c’était

3

/

4

versus

1

/

4

»

Docteur Cherqui :

« Moi j’ai levé lamain pour l’opérer parce que, dans l’im-mense majorité des cas ces perforationsrétro péritonéales sont cloisonnées. Il ya un rétro pneumopéritoine mais quandil y a un pneumopéritoine et, surtout,un épanchement péri hépatique impor-tant, (nous ne sommes pas en présenced’un un micro-épanchement hépatique)cette malade a une péritonite, avec ungros trou dans le duodénum et c’est laraison pour laquelle j’avais levé le doigt.S’il y avait juste un rétro pneumopéritoi-ne, je ne l’aurais pas opérée. Maintenantelle a manifestement une péritonite gé-néralisée et il faut l’opérer. »

Docteur Jean-Yves Mabrut :

« C’estvrai que dans la littérature il y a des

Figure 3 : Scanner au 7e jour de traitement médical.

a b

c d

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arguments pour faire un traitement chi-rurgical quand la pathologie devient in-trapéritonéale mais les succès du traite-ment médical sont possibles, même si ily a un petit pneumopéritoine, lorsqu’il ya une effraction, un épanchement. »

Docteur Mariette : « L’épanchementintrapéritonéal semble effectivementêtre décisionnel. »

Docteur Jean-Yves Mabrut :

« Doncon est au 7

e

jour, la patiente s’est stabi-lisée sous remplissage et amines vaso-pressives, on décide d’aller au blocopératoire. La voie d’abord est une la-parotomie médiane, cette patiente avaitdéjà une médiane et cela paraissait jus-tifié, pour faire un bilan d’extension deslésions et un traitement des lésions in-tra- et rétropéritonéales. Les constata-tions opératoires sont une ascite diffusequi est grisâtre. Il n’y a pas de pus dansle ventre. Il y a des taches de nécrosedans la racine du mésentère et dans laracine du mésocôlon droit. On réaliseun décollement duodénopancréatique.On trouve alors une infection du rétro-péritoine, de toute la graisse de la logerénale droite et on voit une perforationjuste au niveau de l’insertion de la pa-pille ; donc à la jonction entre le duo-dénum et la tête du pancréas avec unenécrose de la taille d’une pièce de 5 cen-times ; petite. Il n’y a pas de lésions de

pancréatite macroscopique. On a l’im-pression qu’il y a une désinsertion de lapapille, qui fait à peu près la moitié dela circonférence ; qui intéresse donc lapartie postérieure de la papille.On est au bloc opératoire, la patiente eststable mais sous amines pressives. Queltraitement proposeriez-vous ? »

Docteur Mariette : « Nous som-mes dans un contexte septique,une péritonite, une désinsertionpapillaire de l’ordre de 50 %. Queproposez-vous comme prise encharge thérapeutique ? Faites-vous une duodénopancréatecto-mie céphalique (DPC) ? Faites-vous un drainage ? Faites-vousrefaire une CPRE… ? »

Docteur Jean-Yves Mabrut :

« J’in-siste sur les lésions : sur le duodénum,il n’y a pas de signes inflammatoires, mi-se à part la désinsertion ; sur le pancréas,il n’y a pas de pancréatite ; en revanche,il y a une infection de la graisse rétro-péritonéale, assez diffuse, et la patienteest stabilisée. »

Docteur Sauvanet : « Pour la DPC,il n’y a pas l’air d’avoir beaucoup decandidats. On peut alors peut-êtrediscuter les modalités du drainage.Parce que drainer le rétropéritoineoui ; mais il y a peut-être d’autreschoses à discuter ? »

Docteur Vibert :

« Je draine la voie bi-liaire et je mets un drainage au contactavec un module drain-lame. »

Docteur Sa Cunha :

« Il faut faireun drainage biliaire en faisantune cholécystectomie avec un draind’Escat. »

Docteur Sauvanet : « Elle a déjàété opérée et a eu une cholécys-tectomie. »

Docteur Sa Cunha :

« Soit on retrou-ve le moignon cystique ce qui va êtredifficile, soit il y a un trou au niveau ducholédoque. »

Docteur Mariette : « Il y a en effetun trou de 50 % et une désinsertionpapillaire »

Docteur Sa Cunha :

« Mais, si j’ai biencompris, au dessus il y a un trou de lavoie biliaire, il y a un trou dans le cho-lédoque ? »

Docteur Mariette : « Non la commu-nication se fait juste à la jonction, onest vraiment dans le sillon entre leduodénum et le pancréas. »

Docteur Sa Cunha :

« On met undrain là-dedans ; un drain de Kehr. Ondraine au contact, on fait une exclusionde l’estomac avec un agrafage sur lepylore [

exclusion pylorique

], une gastro-

Figure 4 : Schéma de la mise en place du drain de Kehr en per-opératoire.

Figure 5 : Contrôle radiologique par le drain de Kehr au 10e jour postopératoire.

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entéro-anastomose, et une jejunosto-mie d’alimentation. »

Docteur Mariette : « Donc vousproposez une dérivation. »

Docteur Dousset : « À mon avis cequ’il ne faut pas faire, c’est la duodéno-tomie pour faire le bilan lésionnel, c’estle piège qu’il faut éviter. Il faut aborderla voie biliaire principale, faire une cho-lédocotomie dont le double but est à lafois d’avoir une opacification cholédo-cienne, et de la papille, voir si on peutopacifier le Wirsung voir s’il y a un ca-nal collecteur commun, et ensuite faireun drainage de la voie biliaire principa-le. Pour ce qui est de la perforation pos-térieure du duodénum, en fonction desconstatations opératoires je me poseraila question soit d’un drainage simple aucontact, soit d’une intubation par undeuxième drain de Kehr dans cet orificesi on peut le cathétériser, soit encore siles conditions locales s’y prêtent la dis-cussion, sous couvert d’un drain de Ke-hr, d’une suture qui a probablement20 % de chances de marcher, sous cou-vert d’un encollage, et d’une épiploplas-tie avec la corne droite de l’épiploonpassé en rétro duodénopancréatique. »

Docteur Sauvanet : « Il doit être unpeu cartonné l’épiploon, à J7… »

Docteur Mariette : « Tout le mondeest a priori d’accord pour l’intuba-tion et le drainage, on avance. »

Docteur Mabrut :

« Moi je suis tombédans le piège, décrit par le docteurDousset, j’ai fait la duodénotomie. Parla duodénotomie, on a vu les lésions dela papille et la désinsertion. Le traite-ment a été conservateur avec un draina-ge du canal de Wirsung intubé par voie

trans duodénale qui sortait en externe àla “Volker” et puis mise en place d’undrain de Kehr en abordant la voie biliai-re principale par cholédocotomie dontla branche inférieure descend vers le baset intube la papille

(figure 4)

et qui setermine dans le duodénum, pour es-sayer de tutoriser, sachant qu’il y avaitune désinsertion qui était partielle etpuis est réalisée une épiplooplastie aucontact d’un suture papille duodénumle tout encollé par de la colle de fibrine.Enfin une jéjunostomie d’alimentationest réalisée. On n’a pas fait de gastro-entéro-anastomose. »

Docteur Mariette : « Et pas d’exclu-sion du duodénum ? »

Docteur Mabrut : « Non une sondegastrique au contact, sans gastrostomiede dérivation »

Docteur Mariette : « Donc une son-de gastrique dans le duodénum, uneintubation de la papille, une jéjunos-tomie, une épiplooplastie et puis undrainage du canal de Wirsung. »

Docteur Sauvanet : « Le docteurDousset devait être à l’intervention,il a presque tout deviné ! »

Docteur Mabrut : « On terminepar le traitement de la rétropéritonite,de l’infection rétropéritonéale, avecmobilisation de l’angle droit, du colondroit et puis une véritable nécrosecto-mie de toute la graisse qui était infectée,grisâtre, en arrière du mésocolon droitet un drainage du rétropéritoine avecdes drains. Initialement, les suites sontassez favorables en ce qui concerne laprise en charge de la perforation avecune amélioration de l’état général. Onfait un contrôle par le drain de Kehr au

10

e

jour qui est satisfaisant et qui va per-mettre de le clamper

(figure 5)

. Puis lapatiente est réalimentée, initialementpar la jéjunostomie d’alimentation, puis

per os

si bien que l’on va retirer entre le15

e

et le 20

e

jour les drains puis le draindans le canal de Wirsung au 26

e

jour.On continue de la surveiller, essentiel-lement pour l’infection rétropéritonéa-le, bien que la patiente soit maintenantasymptomatique et on réalise un scan-ner au 28

e

jour

(figure 6)

. La patiente n’apas de fièvre, elle n’a plus d’antibioti-ques et on retrouve une collection quiest rétropéritonéale, qui descend, lelong des vaisseaux iliaques en avant eten arrière du mésorectum. La patienteest totalement asymptomatique, elle ha-bite à 150 km et elle souhaite vraimentrentrer chez elle. On la laisse donc re-partir, en la surveillant régulièrementpar des scanners. Elle revient, ce quiétait un peu prévisible, avec une suppu-ration qui s’extériorise par un des an-ciens orifices de drain avec un écoule-ment purulent. Des prélèvementsbactériologiques trouvent du staphylo-coque

aureus

, elle est mise sous antibio-tiques adaptés et voilà le scanner de J 80

(figure 7)

. La collection s’est bien orga-nisée, on voit maintenant un épaississe-ment des parois de cette collection avecde l’air à l’intérieur, peut être un peu denécrose, une prise de contraste autourde la collection, qui montre qu’elle estvraiment bien organisée. En revanche,en intrapéritonéal, on a l’impressionque le problème est réglé. »

Docteur Cherqui

: « On peut imagi-ner qu’il y ait eu une fistule duodénalepostérieure, dans un rétropéritoine lui-même disséqué initialement par l’insuf-flation de l’endoscopie, et on voit ici,que c’est descendu le long du rétropé-

Figure 6 : Scanner au 28e jour postopératoire : persistance d’une collection rétro péritonéale (flèches bleues).

a b

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ritoine. On peut donc penser que cettemalade a une perforation duodénale ré-tropéritonéale avec un abcès persis-tant. »

Docteur Mabrut :

« On n’a pas toutesles coupes parce que l’on ne peut pastout vous montrer, mais dans la régionpériduodénale il n’y a plus du tout d’in-flammation sur le scanner. On a plutôtl’impression que c’est un abcès résiduel.On avait un contrôle par le drain de Kehrqui montrait qu’il n’y avait pas de fuiteet les autres coupes à l’étage duodénalsont plutôt satisfaisantes, il n’y a plusd’inflammation. Cela paraît cicatrisé. »

Docteur Sauvanet : « Pouvez-vousnous dire à quoi ressemble la maladeà ce moment-là sur le plan général ? »

Docteur Mabrut : « Elle se porte trèsbien. Elle n’est pas septique, ne pose pasde problème. Par l’ancien orifice dedrain un peu de pus s’évacue régulière-ment, 20, 30 ml par jour, un peu de li-polyse, de la graisse infectée qui coule. »

Docteur Dousset

: « On finit parle temps à croiser des histoires bizarrescomme ça, dans les quelques cas que j’aivus, cela n’a aucune chance de guérirspontanément et le risque ultérieur c’estla septicémie et même, à ce propos, uncas d’arthrite septique ; parce que toutça est près de la hanche droite. Il estdonc urgent de drainer cette malade.Questions qui ne sont pas du tout facilesparce que ce sont toujours des collec-tions abcédées résiduelles, très mal si-tuées, de petite taille, qui s’étendent sur15 cm de hauteur. On est très mal et onn’a pas une grande expérience des voiesrétro péritonéales, même si on peut sefaire conseiller ou aider. Le drainagetransglutéal serait pour moi la premièreapproche, à la condition que les radio-logues soient “capables”, et d’accordpour mettre un gros drain dans la pers-pective d’une irrigation-drainage. Maiscela a une chance sur deux de ne pasmarcher. L’autre hypothèse en tout casc’est d’obtenir un drainage déclive, as-piratif, avec lavage, vers le bas. Donc

l’autre hypothèse c’est de discuter undrainage transrectal, mais en tout cas ledrainage par le haut, à l’aplomb sur lemuscle psoas iliaque, va reproduire lemême abcès résiduel 1 mois après. »

Docteur Mariette : « Donc drainagechirurgical ou radiologique mais dé-clive. »

Docteur Sauvanet : « Sans reprendreuniquement l’orifice fistuleux. »

Docteur Mariette : « Il n’y a plus deproblème. Cela vaut-il le coup de vé-rifier l’étage d’origine de la collec-tion ? »

Docteur Sauvanet : « Mais, elle man-ge la malade ! »

Docteur Mabrut : « La patiente pré-sente un écoulement, un mélange depus, de lipolyse, de graisse, qui coule parun ancien orifice de drainage rétropéri-tonéal. Donc on est parti sur l’hypo-thèse que le problème duodénal était

Figure 7 : Scanner au 80e jour postopératoire : Organisation de la collection rétropéritonéale (flèches bleues).

a b

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réglé et qu’il restait cette collectionrétropéritonéale sachant que c’est de lagraisse, que ça ne cicatrise pas bien quece n’est pas bien vascularisé. »

Docteur Letoublon

: « Moi je n’es-saierai pas de faire un drainage décliveparce que c’est très difficile à cet en-droit. Surtout si l’on veut qu’il soit degros calibre ; le moindre radiologue nevoudra pas le faire, même postérieur.En revanche je crois qu’il y a une bonneindication de drainage radiologique an-térieur, par une fenêtre satisfaisante,puis de dilatation et probablement unnettoyage par un système bien connudes urologues, le néphroscope. On ar-rive bien à faire le traitement des pan-créatites aiguës de cette manière et onarrive à nettoyer très bien des cavités ré-tro pancréatiques comme cela. Nous lefaisons assez régulièrement et ce mesemble une bonne indication. »

Docteur Vacher : «

Pour une histoirede iatrogénie multiple, je ferais une fis-tulographie, pour être sûr que cela nevient pas d’ailleurs. »

Docteur Mabrut :

« Il y a eu uncontrôle par le drain de Kehr, où il n’yavait pas de fuite. La patiente est vrai-ment asymptomatique, on est sûr qu’iln’y a pas d’autre problème. »

Docteur Vacher :

« On a quand mêmeun orifice qui coule et on n’a pas de rai-son de ne pas l’opacifier. »

Docteur Mariette : « Même si laperforation duodénale est fermée,personne n’émet l’hypothèse d’uneéventuelle collection sur une nécro-se pancréatique à bas bruit ou… ?Peut-être pourrait-on doserl’amylase ? »

Docteur Mabrut :

« L’amylase est né-gative, on a l’impression que c’est de lagraisse. »

Docteur Alvez :

« La localisation de lacollection me semble assez accessible àune voie transglutéale et on a la bonnedéclivité pour ce drainage, qui permet-trait d’avoir une idée de la bactériologie,de la composition de ce liquide. »

Docteur X : « Transglutéale ou transa-nale, il me semble que c’est vraimenttrès bas, accessible au doigt, on voit lecoccyx, on voit le sillon interfessier, cen’est pas une voie très inconfortablepour les patients et il me semble assezefficace. »

Docteur Mabrut : « C’est juste qu’entransglutéal, ça fait très mal. C’est trèsdouloureux en per- et en post-pose dedrain.

On a commencé par une voie chi-rurgicale ; une réintervention par voieiliaque rétropéritonéale en pensantqu’un drainage même par un gros drainne suffirait pas (figure 8). Parce qu’il fal-lait faire une vraie nécrosectomie. Onest donc resté en extrapéritonéal et ona fait une nécrosectomie de toute cettegraisse infectée en descendant le plusbas possible et en mettant un drain deWorth vers le bas pour essayer de fairedes irrigations-lavage. En sachant que,potentiellement, on laissait ce qui étaitle plus déclive pas parfaitement drainé,mais on voulait voir ce que ça donnait.En fait, le drain n’était pas positionnéassez bas, voyez sur cette coupe, malgrél’impression peropératoire satisfaisante,il restait cette collection (figure 9). On adrainé tout ce qui était autour des vais-seaux iliaques, mais pas plus bas. On adonc demandé aux radiologues de des-

cendre un drain complémentaire, lelong du drain de Worth pour affaisserla cavité résiduelle (figure 10). Finale-ment ça a drainé. On a fait des irriga-tions lavage, mais ce n’était pas encoreparfaitement propre, il restait probable-ment des séquestres graisseux. La voietransglutéale a donc été utilisée en com-plément (figure 11). On a installé unsystème d’irrigation continu par en-haut et par en-bas. Cependant on esttoujours dans une situation de collec-tion rétrorectale assez haute et on n’apas encore un drainage et un nettoyagede la cavité satisfaisant.Quelle attitude proposez-vous mainte-nant ? »

Docteur Mariette : « Drainage parvoie haute, drainage par voie basse,

Figure 9 : Scanner post re-laparotomie : Persistance d’une collection (flèches bleues) à distance du drain (ellipse noire).

a b

Figure 8 : Tracé de l’incision de la re-laparotomie.

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et al.

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et le scanner de contrôle montre en-core une collection déclive. »

Docteur Mabrut :

« La partie laplus déclive est rétrorectale, à la partiehaute du rectum. »

Docteur Sauvanet : « La patiente esttransformée en « machine à laver »,elle a des drains partout et il y a tou-jours une collection ! »

Docteur Perniceni :

« Est-cequ’on ne peut pas utiliser la voie d’abordqu’avait conseillée Monsieur Baulieuxpour drainer ces abcès qui sont présacro coccygiens après des anastomosestrès basses colo-anales, on est latérococcygien, ce n’est pas douloureux, onest déclive. Ce n’est pas un abord trèscompliqué ni très délabrant, est ce queça ne peut pas être une possibilité ? »

Figure 10 : Scanner après descente d’un drain par les radiologues, par voie percutanée, le long du drain de Worth (ellipse bleue).

a b

Figure 11 : Scanner lors de l’abord par voie percutanée transglutéale : l’aiguille est repérée par l’ellipse bleue.C

Docteur Mariette : « Monsieur Ma-brut a-t-il utilisé la voie de MonsieurBeaulieu ? »

Docteur Mabrut : « Eh bien oui !On a drainé par voie périnéale déclive

en passant dans le plan inter ano-coccy-gien, en arrière du rectum. Surla

figure 12

ce n’est la même patiente,mais elle permet d’illustrer la techni-que. Après exposition

(figure 12a)

, onincise le raphé anococcygien juste en

Figure 12 : Abord inter-ano-coccygien pour drainage (/lavage) d’abcès pré-sacré.

a b

c d

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Staff publicJ Chir 2008,145, N°5 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

avant du coccyx, on s’expose avec des écarteurs (figures 12bet 12c), on refoule le sphincter et le rectum. On va passervraiment en postérieur, pour racler le coccyx, et il faut re-monter assez haut, sur une quinzaine de cm, avant de re-trouver le drainage qui a été mis par voie transglutéale etpar voie extrapéritonéale iliaque. On a fini la nécrosecto-mie par en-bas et on a mis en place un système d’irriga-

tion-lavage (figure 12d), en laissant un drain-lame en bas,jusqu’à la cicatrisation dirigée.

Ceci a permis d’obtenir une cicatrisation, certes lente maissatisfaisante, en retirant les drains, en laissant un petit drainen silastic qui a été progressivement retiré. À 180 jours on aune cicatrisation qui est complète (figure 13) et la patiente,après 18 mois, est asymptomatique. »

Figure 13 : Scanner de contrôle au 180e jour.

a b

c d