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Une épistémologie empiriste pour la linguistique Author(s): Paul L. Garvin Source: La Linguistique, Vol. 15, Fasc. 1 (1979), pp. 65-89 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30249198 . Accessed: 14/06/2014 10:43 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.126.198 on Sat, 14 Jun 2014 10:43:20 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Une épistémologie empiriste pour la linguistique

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Une épistémologie empiriste pour la linguistiqueAuthor(s): Paul L. GarvinSource: La Linguistique, Vol. 15, Fasc. 1 (1979), pp. 65-89Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30249198 .

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UNE EPISTEMOLOGIE EMPIRISTE POUR LA LINGUISTIQUE'

Paul L. GARVIN

I

Depuis le debut de ma carriare, j'ai toujours 6prouv6 un senti- ment de malaise t l'6agard des tendances thdoriques predominantes de la linguistique americaine, qu'il s'agisse de l'orientation beha- vioriste du passe ou des diverses alternatives gendrativistes plus recentes2. Ce n'est que derniRrement que je me suis rendu compte de la profondeur de mon disaccord. Il touche ta la fagon meme de

penser reflit6e dans ces theories. Afin de clarifier et de justifier mon propre point de vue, il m'a fallu rendre explicites les pre- misses fondamentales sur lesquelles s'appuient et ma conception du langage, et ma conception de la linguistique. En bref, il m'a fallu rendre explicite ma position 6pistimologique.

A la base meme de ma position 6pist6mologique se trouve une conception du langage comme partie int'grante du comportement social humain. Pour etre compatible avec une telle conception du langage, une 6pistimologie qui s'adresse ta la linguistique doit donc etre ddrivie d'une 6pistimologie qui s'applique aux sciences humaines en gendral.

A ma connaissance, il y a deux fagons d'aborder les fondements

6pistimologiques des sciences humaines. D'un c6ti il y a les phi- losophes de la science qui s'interessent aux sciences humaines.

i. Ce travail (pour la version anglaise, voir GARVIN, 1978) constitue l'application a la linguistique d'un effort antirieur plus gen6ral (GARVIN, 1977). L'auteur a beaucoup b6ndficie des suggestions de Madeleine Mathiot.

2. BAR-HILLEL (1967, 420) mentionne mon < individualism and reluctance to join the crowd and to become a second fiddle in one of the fashionable linguistic orchestras e. La Linguistique, vol. 15, fasc. 1/1979 3

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Leurs arguments sont surtout basis sur l'experience acquise dans les sciences naturelles qu'ils considbrent comme le moddle des

disciplines scientifiques. Leurs principes epistemologiques sont derives de la thdorie et de la pratique des sciences naturelles, et ces memes principes sont appliques aux sciences humaines. De l'autre c6t' il y a les chercheurs des sciences sociales et humaines qui s'efforcent de developper les fondements epistemologiques de leurs

disciplines respectives. La preoccupation principale de ces derniers semble etre de specifier les principes qui feront de leurs champs d'etudes de vraies sciences, c'est-a-dire, une fois encore, des sciences semblables aux sciences naturelles. Je trouve ces deux

positions insatisfaisantes pour deux raisons :

i) Elles reposent sur une conception erronee de la nature des modalites du comportement social humain : celles-ci sont a la fois

plus complexes et plus difficiles ' distinguer les unes des autres

que les principes qui gouvernent le fonctionnement de l'univers physique.

2) Elles reposent sur une conception erronee de la science : celle-ci est definie en fonction de techniques developpees sur le mod&le des sciences naturelles (telles que la methode expirimen- tale, la faqon formelle de theoretiser, ou l'emploi d'outils statis-

tiques)3 et non en fonction de la fagon theorique et mithodologique la mieux adaptee au traitement des donnees particulieres au

comportement social humain. A mon sens, le but principal d'une

epistimologie destinee aux sciences humaines est d'etre approprie aux donnees du comportement plut6t que de se conformer a une notion priconque de ce qu'une science devrait etre - surtout si une telle notion provient d'une expirience essentiellement etran-

gire g celle des sciences humaines. Mon choix ,pistimologique s'appuie sur une prise de position

metatheorique. Cette prise de position metatheorique propose que les mod&les formels ne sont pas appropries aux sciences humaines. Par prise de position metatheorique j'entends une prise de position qui represente mon point de vue theorique sur ce qu'une theorie doit tre. Par theories formelles j'entends les theories qui ont des

pritentions formelles mathematiques ou logiques comme par exemple les modules du comportement social humain, linguistique

3. Pour une critique par un philosophe du traitement 6pist6mologique adopt6e habituellement pour les sciences de comportement, voir KAPLAN, 1964.

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ou autre, qui sont bases sur les notions de la th'orie des ensembles. Il me semble que le comportement social humain est beaucoup trop subtil et complexe pour etre repr'sente de fagon realiste par de tels moddles. Je ne vois pas comment les equations, les fonctions mathematiques, les propositions logiques, ou d'autres outils sem- blables peuvent reprisenter de fagon adequate la relativitY, la varietd, les limites indistinctes et la complexiti gendrale du comportement humain dans son etat naturel.

Une prise de position metatheorique souligne le jugement de valeur fondamental sur lequel repose une epistemologie. La prise de position que j'ai adoptee donne la prioriti au realisme et non a l'eligance ou a la simplicite. A mon sens, un intiret excessif pour l'elgance ou la simplicite peut facilement fausser la realite. Mon but principal c'est de fausser le moins possible la realite. En resume, je propose qu'une fagon de theoritiser appropride 'a l'analyse des donnies du comportement social humain doit se baser sur une epistimologie conforme A la prise de position meta- theorique que je viens de presenter.

II

Tout cadre de reifirence epistimologique peut etre specifie grace A trois points de repbre notionnels : un principe de base, une serie de theses initiales et une serie d'outils conceptuels.

Le principe de base exprime le choix du principe explicatif fondamental ou des principes explicatifs fondamentaux proposes A l'interieur d'un cadre de rifdrence epistimologique donne. Le principe de base diffire done de la prise de position mitatheorique qui, elle, prescrit le choix de la fagon de theoretiser.

Les th6ses initiales expriment des suppositions ginerales et non

ditaillies sur la nature de l'objet &tudie. Ces theses representent les croyances fondamentales du chercheur. En tant que supposi- tions ginerales et non detaillkes, les theses initiales sont necessaire- ment vagues. En tant que croyances fondamentales, elles represen- tent une forte affirmation de probabilite existentielle, c'est-a-dire une forte conviction de la part du chercheur que ces th6ses initiales correspondent A la realite de l'objet itudid.

Les outils conceptuels constituent l'appareil conceptuel en fonction duquel sont formulkes les questions ditaillies ainsi que

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les re'ponses a ces questions, grace auxquelles une comprehension analytique de l'objet itudid est progressivement acquise. En tant que detaillis, les outils conceptuels sont necessairement speci- fiques. En tant que questions, plut6t que croyances fondamentales, elles representent une faible affirmation de probabilite existentielle.

Avant de proceder ta la description detaill'e du cadre de ref6- rence epistemologique que je propose, je voudrais considirer

quelques points cruciaux qui y touchent :

I. A mon avis, toute decision de poursuivre une orientation

epistimologique donnie est accompagnee par le choix d'une cer- taine prise de position metatheorique et par le choix d'un certain principe de base, choix qui reposent entibrement sur des critbres subjectifs de la part du chercheur. Ces derniers sont ou bien sa conviction personnelle, ou bien un argument logique, ou bien encore son desir de suivre une mode.

2. Les points de repbre notionnels qui servent a specifier un cadre de rifirence epistimologique suivent un ordre de priorite : le choix du principe de base determine le choix des th6ses initiales, et le choix de ces dernilres determine le choix des outils conceptuels.

3. Parmi les trois points de repbre notionnels, le principe de base est le plus general, alors que les th6ses initiales et les outils conceptuels sont plus specifiques. Ces deux derniers contiennent chacun une multitude de notions. Les theses initiales en contiennent moins que les outils conceptuels, puisqu'il y a moins de croyances fondamentales que de questions a adresser aux donnies. Les th6ses initiales se distinguent des outils conceptuels pour une autre raison : les theses initiales couvrent tout un champ d'etudes, alors

que les outils conceptuels doivent etre adaptis aux configurations plus speciales des problames particuliers. On peut done considerer que les trois points de repere d'un cadre de rifdrence 6pistemolo- gique s'itagent sur trois niveaux diffdrents de specification epist6- mologique, proc6dant des convictions les plus gindrales et les plus fermes, le principe de base, jusqu'aux convictions les plus spici- fiques et les moins fermes, les outils conceptuels.

En resume, ces trois points de repbre notionnels repr6sentent trois niveaux de confiance nettement diff6rents en ce qui concerne les convictions de probabilite existentielle qu'ils impliquent. Par consequent, il est n6cessaire de les distinguer rigoureusement.

4. Comme je les conqois, les theses initiales et les outils concep- tuels font partie de deux types de modbles bien distincts l'un de

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l'autre. Les theses initiales constituent un seul modile thdorique qui s'applique 'a la langue dans son ensemble ainsi qu'A toutes les langues. Les outils conceptuels constituent une serie de modiles de refirence caracterises par des degres diff6rents de specificitY. Ces diff6rents modbles de rdf'rence traitent plus ou moins en profon- deur ou bien un aspect particulier de la langue ou bien des types diff6rents de langue (moddles de rdf'rence phonologique, morpho- logique, syntaxique, ainsi que, pour chacun d'entre eux, diffirents modules de refirence typologiques).

La relation entre ces deux types de moddles est la suivante: les

modules de refirence fournissent les details absents dans le module thdorique.

5. Une question cruciale pour une orientation epistimologique concerne le niveau du cadre de rdfirence auquel les hypotheses au sens technique du terme entrent en jeu. La plupart des cher- cheurs essaient de ddriver leurs hypotheses directement 'a partir du module theorique. Dans mon cas, ni le module theorique ni les diffirents moddles de rdfirence ne servent directement a generer des hypotheses au sens technique du terme. Au lieu de cela, les deux types de moddles servent 'a developper une strategie methodo- logique qui, au cours de l'application des demarches operatoires detaillkes qu'elle prescrit, sert 'a deriver un grand nombre d'hypo- theses a petite envergure.

En resumd, je voudrais caractiriser ma position epistimologique comme suit :

a) Les jugements de valeurs fondamentaux sur lesquels repose toute orientation epistimologique sont rendus explicites au lieu d'etre obscurcis par la croyance qu'il est possible d'arriver "a une

<< objectivite complete >>. b) Les deux types de modbles que je propose (un moddle

theorique et une serie de moddles de refirence) representent des niveaux de confiance nettement diffdrents, au lieu d'inclure toutes les notions epistimologiques dans un seul moddle, ce qui a pour consequence de rendre indistinctes les differences entre les niveaux de confiance.

c) Les hypothdses au sens technique du terme sont considerees comme faisant partie de l'appareil mithodologique plut6t que de l'appareil theorique du fait qu'elles naissent au cours de l'appli- cation d'une methode et ne font pas partie des fondations theo- riques de la recherche.

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III

Comme principe de base j'ai adopte celui de l'empirisme fonc- tionnel. Ce principe de base a deux aspects : un aspect empiriste et un aspect fonctionnaliste.

L'aspect empiriste du principe de base s'appuie sur le principe que toutes les suppositions ayant trait a la nature de l'objet etudid et a la nature de la mithode employee pour traiter cet objet doivent deriver de l'observation du comportement social humain et qu'elles doivent se rapporter B ce comportement. En ce qui concerne la linguistique cela signifie que toutes les suppositions ayant trait a la nature du langage et 'a la nature de la methode linguistique doivent &tre derivees de l'observation du comporte- ment des sujets parlants et doivent se rapporter a ce comportement.

L'aspect empiriste du principe de base implique aussi le prin- cipe que tout raisonnement qui conduit des donnies aux conclu- sions doit &tre presente de fagon explicite et detaillke. Il implique egalement le principe que le systdme abstrait sur lequel reposent les rigularites d'une forme de comportement social humain

donnie, et cela s'applique igalement au langage, doit tre extra- pole A partir des manifestations concreites. Ainsi, dans le cas du langage, c'est en observant ses manifestations concrktes dans le comportement des sujets parlants qu'on peut (et doit) itudier le systeme abstrait sous-jacent. La documentation obtenue sur ce comportement, le corpus, represente un echantillon des innom- brables inoncis possibles dans une communaute parlante. La valeur de cet ichantillon est une question empirique a laquelle on

peut repondre par des moyens empiriques. Ma position est B l'oppose de l'opinion plus repandue que

toutes propridtis de l'objet etudid soient deduites a partir d'un

module theorique formulk a priori. Pour moi, le module theorique et les modules de refdrence servent de cadre de rffirence pour le developpement d'un processus ordonne de raisonnement condui- sant des donnees aux conclusions - c'est-a-dire le developpement d'une procidure de decouverte ordonnee. A mon avis, l'avantage d'une telle position est qu'elle permet un travail cumulatif et

qu'elle difffrencie nettement entre resultats analytiques et pures suppositions ou opinions.

L'aspect empiriste du principe de base s'adresse principalement

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aux questions ayant trait au mode de raisonnement qui mane a la

dicouverte du systeme abstrait sur lequel reposent les regularites d'une forme de comportement donnee. Les questions ayant trait au statut ontologique de ce systhme ou A sa localisation n'y sont pas abordies. Ainsi, il ne s'agit pas de decider si ce systeme abstrait

represente une structure situde dans l'esprit - ou dans le cer- veau - des responsables d'un comportement donne, ou si ce

systhme ne represente qu'une simple systimatisation par le cher- cheur des rigularites qu'il observe dans ce comportement. Ces considerations d'ordre ontologique ne sont pas jugees pertinentes, car elles ne contribuent en rien a resoudre la question fondamentale

qui a trait a la maniRre dont on arrive a une comprehension du

systeme abstrait. L'aspect fonctionnaliste du principe de base propose qu'une

structure (comme celle de la langue ou de n'importe quel autre

systhme de comportement) doit tre itudiee sur la base de son fonctionnement. Une telle affirmation demande une clarification

plus ditaillke de la notion de fonction4. Le terme < fonction >> n'est pas utilise ici dans son sens formel

logico-mathematique mais plut6t dans son sens ordinaire. Ainsi, les questions abordies ont trait au fonctionnement du systeme dans son ensemble et de ses ilements les uns vis-A-vis des autres. La notion de fonction telle qu'elle est utilisee ici peut &tre specifide comme suit :

I. Etant donne que la notion de fonction s'applique aussi bien au fonctionnement du systhme dans son ensemble qu'au fonction- nement de ses i1lments les uns vis-a-vis des autres, deux types de fonctions sont distinguis : x) les fonctions externes, celles qui carac-

tirisent le fonctionnement du systhme dans son ensemble; et 2) les fonctions internes, celles qui caracterisent le fonctionnement des

e'lments du syst6me les uns vis-a-vis des autres. De ces deux types de fonctions seules les fonctions externes

servent de principe explicatif dans le cadre de l'empirisme fonc- tionnel. Par consiquent, la discussion qui suit ne se r'fifrera qu'a ces derniares.

2. La notion de fonction dans le sens de fonction externe peut etre caracterisle comme le r6le qu'un systeme de comportement

4. Pour une discussion d6taill6e de la notion de fonction, voir MATHIOT et GARVIN, I975-

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donne joue dans la vie d'un peuple. II est important de noter que la notion de fonction ne s'identifie pas a la notion d'usage. Les fonctions d'un comportement donne sont extrapoldes a partir de conditions ayant trait A l'usage de ce comportement.

3. II semble qu'il soit necessaire de distinguer entre fonctions immediates et fonctions profondes. Cette distinction correspond au fait que le r6le joud par un systtme de comportement donnd a une signification manifeste - i.e. les fonctions imm'diates - et une signification cach'e - i.e. les fonctions profondes. Ces der-

nitres bien souvent sont loin d'etre flagrantes. Elles peuvent meme tre en contradiction apparente avec les fonctions imm&- diates. Ainsi, la fonction immediate d'une forme de comportement donnd peut etre d'attirer l'attention alors que sa fonction profonde peut 6tre de reduire la tension.

4. La meme fonction peut &tre manifestee par diffdrents sys- thmes ou par diffirents modes de comportement. Ainsi, le meme message (c'est-a-dire la fonction refdrentielle) peut etre exprimd par des voies de communication diffdrentes. Par exemple, une formule de salutation peut tre exprimde verbalement ou par un geste.

5. Bien qu'un systhme de comportement donnd ait la plupart du temps plus d'une fonction, bien souvent une seule de ces fonctions est la fonction dominante pour ce qui est du systhme en question, alors que les autres fonctions sont des fonctions subor-

donndes. Ainsi, par exemple, la fonction rdfirentielle (la fonction qui permet de se rdfirer a divers types de phenomenes distinguds par une culture - elle correspond plus ou moins a ce qu'on appelle parfois la signification intellectuelle) est la dominante pour un systhme tel que le langage naturel humain. La fonction esth&- tique (fonction qui consiste a provoquer une reaction esthetique - notion qui

" son tour, devrait &tre d6finie, mais ce problkme ne nous concerne pas ici) est la fonction dominante dans les systhmes artistiques tels que la musique ou certains des arts

graphiques. L'importance de la distinction entre fonctions domi- nantes et fonctions subordonnees provient du fait qu'il est rai- sonnable de proposer que la structure d'un systeme de comporte- ment donne est base sur sa fonction dominante plut6t que sur les fonctions subordonnees de ce systhme.

6. Finalement, il faut noter que (avec de notables exceptions comme par exemple la fonction refdrentielle du langage) les fonc-

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tions d'un systhme de comportement donni sont loin d'etre flagrantes. I1 s'ensuit que, dans la plupart des cas, les fonctions particulibres 'a un systhme donne ne peuvent pas etre postulkes a priori. Ces fonctions ne font pas partie de l'appareil episti- mologique. II faut les decouvrir grace A l'emploi d'un appareil methodologique. En termes de l'aspect empiriste du principe de base, c'est l'observation du comportement qui permettra de les extrapoler.

7. Dans le cas du langage, c'est la fonction refdrentielle qui est la fonction dominante. C'est sur la base de cette fonction que la structure du langage peut etre caracterisee.

En resume, on peut caracteriser l'empirisme fonctionnel comme un point de vue centre sur le comportement des etres humains plut6t que sur les etres humains eux-mimes, puisque le but est

d'expliquer la nature du comportement des tres humains plut6t que certaines caracteristiques des etres humains eux-memes (comme, par exemple, la cognition).

IV

Passons maintenant 'a la consideration des theses initiales qui sont les consequences du principe de base de l'empirisme fonc- tionnel. Je voudrais souligner encore une fois que ces thbses initiales reprisentent les croyances fondamentales du chercheur, tendent a tre gendrales et vagues, mais aussi tendent "a constituer une forte affirmation de probabilit6 existentielle.

Dans le cas de la linguistique, le manque de sp6cificiti des th6ses initiales est justifi6 si on veut tenir compte des deux conclusions apparemment contradictoires qui s'imposent au sujet de la varietd des langues humaines. La premiere conclusion est que toutes les langues du monde se ressemblent jusqu'd un certain point du fait meme que ce sont des langues. La deuxibme conclu- sion est que toutes les langues du monde sont diff6rentes les unes des autres du fait meme que ce sont des langues diffirentes. Tout cadre theorique doit faire en sorte qu'il y ait compatibiliti entre les similarites et les differences entre les langues. Pour etre utile du point de vue theorique, une conception du langage doit done etre, d'un c6te, suffisamment specifique pour pouvoir stipuler toutes les propri&tis necessaires a une langue naturelle, de l'autre,

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suffisamment gendrale pour pouvoir s'accommoder de la grande variete des caracteristiques diffdrentes des langues individuelles

reveiles par l'analyse linguistique. Puisque, comme je l'ai mentionne d&s l'abord, je considbre la

langue comme un systhme de comportement, les theses initiales ayant trait au langage doivent etre en rapport avec les theses initiales plus gendrales s'appliquant a tous les systemes de compor- tement. Par consequent, avant de dicrire en detail les theses initiales ayant trait tout particulibrement au langage, j'exposerai d'abord bribvement quelques-unes de ces theses initiales plus generales.

La plupart de ces theses paraitront evidentes. Elles sont, pourtant, loin d'etre triviales quand on tient compte de leurs consequences. Dans ce qui suit, je presenterai ces theses en commentant bribvement leurs consequences dans le cas particulier du langage. Les details du modile theorique que je propose pour la linguistique seront prisentis plus tard.

i. Le comportement social humain est complexe. - Cette thcse est trop souvent ignoree des theoriciens lorsqu'ils construisent un modile pour l'analyse d'un objet donne, tant en linguistique que dans les autres sciences du comportement. Une implication d'ordre general de cette these concerne le critbre de simpliciti qui, par lui-meme, n'est pas adequat pour evaluer les modules (pas plus que les resultats) d'une science du comportement. Une autre implication importante concerne les modalitis du comportement social humain qui ne peuvent pas etre reprisenties adequatement par un moddle base sur un seul principe d'explication. Appliquie a la linguistique, cette these implique que le systame de la langue est structure dans plus d'une direction, c'est-a-dire qu'il y a plus d'une serie de niveaux allant, par exemple, de la phonologie a la syntaxe ou la semantique, comme le veut la tradition descriptiviste americaine ou, plus ricemment, la grammaire stratificationnelle. Comme je le conqois, le systhme de la langue est une hierar- chie multiple, c'est-a-dire qu'il est structure dans plus d'une direction.

2. Le comportement social humain est syste'matique. - Cette thbse est necessaire pour justifier la proposition que le comportement social humain se prate a une description ordonnee. S'il etait

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compl6tement dCa au hasard, aucune description ne serait possible5. Deux questions se presentent A l'occasion de cette thbse. A) Combien de systemes sont en jeu dans une forme parti-

culibre du comportement social humain ? Dans le cas du langage, la question peut etre formulke comme suit : combien de sous- systhmes y a-t-il au sein du systeme de la langue, et quelles sont les relations reciproques entre ces sous-systames. Cette question est en rapport direct avec la notion de hierarchie multiple men-

tionnie plus haut.

B) Quelle est la nature d'un systhme de comportement donne ? Dans le cas du langage, j'accepte le point de vue saussurien

que la langue est un systhme de signes, avec toutes les consequences que cette conception entraine8.

3. Les systimes du comportement sont des systemes mal definis. - Cette thbse propose que les irrigularitis du comportement social humain font partie intigrante des systhmes de comportement, et que par consequent toute conceptualisation de ces systemes doit tenir compte de ces irregularitis. De par leur nature mal dffinie les

systhmes de comportement sont done des systhmes ouverts, ils ont des bords indistincts, << pour chaque rbgle il y a une exception >>)7. En resume, la notion de systeme mal defini implique que la possibilite d'6lements residuels sans systematicite est considrfie par le modcle thiorique comme une propriete intrinsbque des systhmes de comportement et non comme la consequence d'une << connaissance insuffisante de ces systhmes )). Notons que cette derniRre position implique l'espoir qu'avec le progrbs de nos connaissances il sera possible d'dliminer les irrigularitis et de presenter les phenom6nes du comportement comme faisant partie de syst6mes clos et bien definis.

Cette these est trbs proche de la these du principe gestaltiste qui implique des phinomenes mal definis, comme par exemple les recouvrements partiels et les fusions. Elle est aussi implicite dans la prise de position mitatheorique presentde initialement,

5. Comme l'a note HJELMSLEV (1953, 24) dans le cas du langage : < A process is unimaginable - because it would be in an absolute and irrevocable sense inexplicable - without a system lying behind it. )

6. Certaines de ces consequences ont dej tt6 traities par Karl Biihler (voir surtout BiUHLER, 1934; pour un r6sum6 des id6es de Biihler qui sont pertinentes a la linguistique, voir GARVIN, 1966).

7. Cf. l'application de la notion de systeme mal defini au langage par HocKETT (1968, 44-55).

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selon laquelle les modules formels - qui sont essentiellement des representations de systtmes bien definis - ne sont pas appropries a une science du comportement.

4. Le comportement social humain syste'matique exhibe une covariation entre forme et fonction. Cette th6se est une consequence directe de l'aspect fonctionnel du principe de base. La notion de forme se rapporte aux aspects observables du comportement. La notion de fonction - dans le sens specifie plus haut - se rapporte A la

signification sous-jacente de ces aspects. La notion de covariation se rapporte A une corrflation du genre suivant : tout changement des aspects observables du comportement implique un changement de leur signification fonctionnelle et vice versa.

Dans le cas du langage, etant donne que la fonction rifdrentielle est la fonction dominante, la notion de covariation entre forme et fonction devient covariation entre forme et signification. La notion de covariation entre forme et fonction, ou signification, est basde sur la notion saussurienne du signe en general (et du signe linguis- tique en particulier) comme < entiti psychique A deux faces >> (1955, 99). Mon interpretation de la notion saussurienne est que la double nature du signe linguistique se retrouve avec les modi- fications appropriees dans tous les aspects du langage. Par consi- quent, je n'accepte pas la notion de niveau (ou composante) semantique (ou semimique) comme dissocid de la forme. A mon sens, chaque aspect de la langue exhibe d'une fagon qui lui est propre une covariation entre forme et signification.

Il est important de signaler que, dans le sens oh je l'entends, la covariation n'implique pas une correspondance absolue. Au contraire, en vue de la prise de position mitatheorique et de la th6se sur la nature mal difinie des systemes du comportement, la covariation entre forme et fonction est conque comme etant imparfaite : des aspects diffdrents du comportement peuvent avoir la meme fonction; le meme aspect peut avoir plus d'une fonction.

Dans le cas du langage, cette these est illustree par la notion de l'allomorphie (plusieurs formes peuvent etre des allomorphes du meme morpheme du moment ohi elles partagent la meme signification); elle est aussi illustree par un grand nombre de

morphemes qui ont chacun plusieurs significations grammaticales (comme le cas bien connu des affixes flexionnels des langues indo- europdennes qui ont chacun plusieurs significations catigorielles).

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Page 14: Une épistémologie empiriste pour la linguistique

Une dpistemologie empiriste 77

Comme t l'occasion de la th6se pricedente, plusieurs questions se presentent, parmi lesquelles une est tout particulibrement importante pour le langage. La question est de savoir si la forme et la fonction (en cas du langage, la forme et la signification) ont la meme importance ou si l'une doit &tre consid&rie comme etant

plus pertinente que l'autre. Prisentfe diffdremment, la question est de savoir si la forme ou la fonction doit tre considerde comme etant la covariante dominante. A mon avis, la rdponse est affirma- tive. L'aspect fonctionnaliste du principe de base suggbre que c'est la fonction qui est la covariante dominante dans la covariation entre forme et fonction. Appliquee au langage, la suggestion est

que c'est la signification qui est la covariante dominante dans la covariation entre forme et signification.

Cette suggestion s'appuie sur des arguments theoriques et sur des arguments opiratoires.

Les arguments thioriques proviennent plus ou moins directe- ment de l'aspect fonctionnaliste du principe de base. L'argument d6cisif est le suivant : on ne peut considerer un aspect du compor- tement important que si on peut lui attribuer une fonction (dans le sens du terme specifie plus haut). Dans le cas du langage, ses

caracteristiques, generales ou particulibres, ne peuvent tre consid&rees importantes du point de vue linguistique qu'autant qu'elles ont trait directement ou indirectement a la signification, directement dans le sens qu'elles servent a l'expression de la signification, indirectement dans le sens qu'elles servent a la diff6- renciation de la signification. Ainsi, le modble theorique que je propose distingue entre niveau phonematique et niveau morph6- matique de la grammaire comme suit : le niveau phondmatique sert a la diff6renciation de la signification; le niveau morphema- tique sert t l'expression de la signification.

L'argument operatoire en faveur de la fonction comme covariante dominante est apparent6 a la proposition que pour comprendre la structure des systhmes du comportement il est necessaire d'etablir des unites analytiques du comportement clairement definies - dans le cas du langage, des unites linguis- tiques clairement definies. Dans le cadre de rifdrence que je preconise, la signification est l'ingredient essentiel pour arriver A la difinition de ces unitis8.

8. Cf. la rel6gation de la signification au statut de makeshift dans la tradition beha- viouriste de la linguistique am6ricaine (BLoCH, 1948, 3).

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78 Paul L. Garvin

5. Le comportement social humain systimatique exhibe le principe gestaltiste. - Je considbre ici la notion de gestalt dans son sens le

plus general, c'est-A-dire le principe qui veut << que le tout est plus que la somme de ses parties )), et non dans les details techniques de la psychologie de la forme. Cette perspective du principe gestaltiste implique que les unites du comportement ne sont pas considerees comme etant hermitiquement siparees les unes des autres. Il est raisonnable de supposer que les limites entre les unites du comportement peuvent se recouvrir partiellement; et qu'elles se fondent en unites complexes ayant des caracteristiques globales qui leur sont propres, au lieu de se succider micanique- ment comme les perles d'un collier.

Applique au langage, le principe gestaltiste fait que, premitre- ment, les limites entre les unites linguistiques ne sont pas toujours clairement marquees, mais qu'au contraire, elles sont sujettes a avoir des bords indistincts et des recouvrements partiels. Ces faits sont illustres par la morphonologie complexe du recouvrement

partiel des morphtmes comme, par exemple, la forme familibre << chais pas c) au lieu de la forme plus explicite << je ne sais pas >>. Le principe gestaltiste fait aussi que, deuxiamement, les unitis linguistiques obeissent a un principe d'intigration. Au lieu de constituer de simples chaines additives, elles se fondent en unitis fusionnies ayant des qualitis globales qui leur sont propres. L'exemple phonologique le plus notable de ce phinombne est la fusion des phonemes en syllabes. Un autre exemple notable, tire du lexique, est la fusion de plusieurs termes en une seule unite lexicale ayant une signification qui n'est pas apparentie a la somme des significations de ses composantes. Ainsi, le terme << cul-de-sac >> n'a trop a faire ni avec un sac ni avec l'autre partie de l'expression.

Enfin, la langue encore plus que beaucoup d'autres systemes de comportement manifeste la relation entre figure et fond, relation qui manifeste aussi le principe gestaltiste, et dont on parle beaucoup dans la psychologie gestaltiste de la perception. Le

principe en jeu ici est le suivant : les figures (c'est-a-dire les formes ddlimities) sont pergues par rapport k un fond (c'est-a-dire le fond particulier avec lequel elles contrastent). Par consequent, la meme figure est pergue de fagons diffirentes par rapport a des fonds diffdrents. Applique au langage, ce principe fait que les unites linguistiques sont perques par rapport 't un fond constitud

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Page 16: Une épistémologie empiriste pour la linguistique

Une ipistimologie empiriste 79

par le contexte linguistique et la situation extra-linguistique dans

lesquels elles se presentent; leurs caracteristiques, tant formelles

que significatives, sont affectees par ce fond. La variation de la forme phonetique des segments phonologiques dans des contextes

phonetiques diffdrents offre un exemple notable de l'influence du contexte linguistique. La variation de la signification d'une unite lexicale donnee dans des circonstances culturelles ou situation- nelles diffdrentes offre un exemple notable de l'influence de la situation extra-linguistique9.

6. La perception consciente des phenomines du comportement varie suivant les systimes et suivant les aspects d'un meme systeme. - La mesure dans laquelle les sujets prenant part A un comportement donne sont conscients de la presence d'un systhme de comporte- ment donni ou d'un aspect particulier de ce systhme varie, et il semble que cette variation soit une caractiristique du systhme dans son ensemble, ou d'un aspect particulier de ce systhme. La notion de degres de perception consciente est importante autant du point de vue theorique que du point de vue operatoire. Theori-

quement, la notion de degres de perception consciente est voisine de la notion des degris de << profondeur >> psychologique dans le sens oii les psychologues cliniciens emploient ce terme. Les comportements dont les participants sont conscients A un degrd relativement &leve sont relativement proches de la << surface >

psychologique; les comportements dont les participants sont conscients A un degre relativement bas sont relativement plus << profonds >> dans le sens psychologique du terme10. L'importance operatoire de la notion de degres de perception consciente est comme suit : les comportements dont les participants sont conscients A des degres diffdrents demandent des demarches ana-

lytiques diffdrentes. Ainsi, il est raisonnable de s'attendre A ce

qu'un comportement dont les participants sont conscients A un

9. D'autres points de vue theoriques donnent parfois indirectement une place a l'aspect fusionnel du principe gestaltiste. Tel est le cas pour des notions comme les < parentheses >> ou 1' << enchAssement >>. Par contre, l'aspect situationnel de la relation entre figure et fond est relgu6 la << pragmatique >>. Le principe gestaltiste occupe une place centrale dans le cadre th6orique que je preconise. Les consequences sont les sui- vantes : d'un c6td, le rejet de notions comme l'analyse en << chaines >> ou 1' < algebre des concatenations >>; de l'autre, une conception de la linguistique suffisamment ample pour inclure non seulement les aspects contextuels mais aussi les aspects situationnels du langage.

Io. Cette distinction n'est pas du meme ordre que la distinction entre structure pro- fonde et structure de surface propos*e r6cemment en linguistique.

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80 Paul L. Garvin

degri relativement dlev6 se prete a un traitement base sur des questions directes posies a ces participants, alors que les compor- tements dont les participants sont conscients A un degr6 relative- ment bas ne se pretent pas A ce genre de traitement.

Dans le cas du langage, la notion de degres de perception consciente a surtout trait A la distinction entre lexique et gram- maire appartenant au cadre de ref6rence que j'ai adoptd. Du point de vue theorique, le lexique et la grammaire reprisentent deux aspects - ou dimensions - de la langue, diff6rents l'un de l'autre, entre autres, en fonction de leurs degrds respectifs de perception consciente. Les phenombnes lexicaux sont caracterises par un

degrd relativement fleve de perception consciente alors que les phenomenes grammaticaux sont caracterises par un degre relative- ment bas de perception consciente : < [naive native speakers'] awareness of lexical phenomena is immediate, untaught, and in most cases overt, as can be seen from responses such as 'This is the way we call it', or 'We have no name for it', or again 'A chair is a kind of seat'. By contrast, the awareness of grammatical phenomena on the part of the same native speakers is only potential in the sense that the recognition of these phenomena has to be taught >> (Mathiot, 1967, 709).

La notion de degres de perception consciente a done une grande importance operatoire pour l'analyse linguistique puisque le lexique et la grammaire requierent des procedures radicalement

diffdrentes (cf. Mathiot, 1973, 24-33)- Notons cependant que, bien qu'il semble raisonnable de pro-

poser une relation entre degrd de perception consciente et < pro- fondeur >> psychologique (dans le sens sp6cifi6 plus haut), cette question n'a pas 6td exploree de fagon adequate pour ce qui est de la grammaire et du lexique.

V

Le moddle theorique1' que je propose a pour but de stipuler les

propriet6s g6ndrales des langues naturelles sur la base des pro- pridtes qui caractdrisent les systhmes de comportement que je viens de presenter. Une telle perspective de la langue comporte en fait

I1. Pour des descriptions plus anciennes de ce modble, voir GARVIN, 1963 et 1969.

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Une dpiste'mologie empiriste 8I

une definition ou une serie de definitions dans le sens classique plut6t qu'un modble dans le sens formel habituel, de 1l le nom de

module ddfinitionnel donne au modble thiorique. Comme toutes les dCfinitions classiques, la definition du

langage que je propose mentionne la classe des phinombnes a laquelle appartient I'objet a difinir (genus) ainsi que les caract&- ristiques propres a cet objet (differentia specifica). La classe des phenomhnes h laquelle appartient le langage est dkfinie par les

propri&tis que les langues naturelles partagent avec des pheno- mbnes voisins. Les caractdristiques propres au langage diff6ren- cient celui-ci des phinombnes voisins faisant partie de la meme classe.

Le langage appartient h une classe de ph6nombnes qui tous sont des systemes de signes au sens saussurien du terme (cf. 2, c IV). La notion de systhme de signes implique la notion de covariation entre forme et signification (voir 4, c IV).

Les caractdristiques propres au langage ont trait a ce que : I) c'est un systhme mal defini (voir 3, c IV), et 2) c'est une hidrar- chie multiple (voir I, c IV). Cette deuxieme caractiristique est

dlabor"e comme suit : la langue est conque comme un systhme structure dans deux dimensions et sur trois plans, chacun ayant une serie de niveaux distincts, les notions de dimensions, plans et niveaux 6tant dkfinis en termes fonctionnels.

La langue a deux dimensions : la grammaire et le lexique. Les deux dimensions sont diff6rencides l'une de l'autre sur la base de la fagon dont la fonction dominante du langage, la fonction r6firentielle, est manifestie dans chacune d'elles. Dans le lexique, la fonction rdfirentielle est rdalisde comme fonction dinomina- tive - les unites lexicales servant principalement d'6tiquettes (voir Mathiot, 1973, 22-23) - alors que dans la grammaire ce

n'est pas le cas. Ce n'est que recemment que j'ai reconnu la necessit6 de pre-

coniser une dimension lexicale indcpendante de la dimension

grammaticale. Cette ndcessite a dti itablie par les travaux lexico-

logiques de Madeleine Mathiot (1967, 708-710; 1973, 19-22), mais la structure de la dimension lexicale n'a pas encore dte suffisamment exploree pour permettre une formulation ditaillke A

l'intdrieur de mon cadre de refirence thdorique. La dimension grammaticale, elle, est suffisamment bien

connue pour permettre une formulation thdorique de sa structure.

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Page 19: Une épistémologie empiriste pour la linguistique

82 Paul L. Garvin

Cette structure est caracterisde par trois plans, chacun de ces plans comporte des distinctions qui lui sont propres.

Le premier de ces plans est le plan de la structuration. Il est caracterise par deux niveaux de structuration, la phonematique et la morphimatique. Le deuxibme plan est celui de l'intigration. Il est caracterise par un nombre non spicifi6 de niveaux d'inti- gration. Le troisilme plan est le plan de l'organisation. Il est caracterise par deux principes d'organisation, la selection et l'agencement.

Les critbres fonctionnels servant a definir ces diffdrentes notions sont les suivants :

i. Les deux niveaux de structuration sont diff6renciks l'un de l'autre sur la base de la fagon dont leurs unites respectives se rapportent a la signification. Les unites du niveau phonimatique servent avant tout 'a diffdrencier la signification, tandis que les unites du niveau morphimatique servent 'a la transmettre.

2. Les niveaux d'intigration sont diffdrencies les uns des autres sur la base de la complexite des unites qui les constituent. Elles vont du niveau des unites minimales qui constituent le degr6 de complexite le plus bas, jusqu'au niveau des unitis fusionnies maximales qui constituent le degre de complexiti le plus dlevi. Les unites fusionnies ne sont pas considreies comme de simples chaines d'unitis a un degri de complexit6 moins dleve. Elles sont considerees plut6t comme des entitis intigrales, au degri de complexiti qui leur est propre, et comme possidant des qualitis globales qui depassent la simple somme des qualitis de leurs composantes, et qui manifestent pour autant le principe gestaltiste discute plus haut.

La notion d'unitis fusionnees a pour consequence la distinction entre structure interne et fonctionnement externe d'une unite donnee comme caracteristiques potentiellement indeipendantes l'une de l'autre. Ainsi, des unitis ayant la meme structure interne

peuvent avoir un fonctionnement externe different, et des unites ayant une structure interne diffirente peuvent avoir le meme fonctionnement externe.

Les unitis qui ont la mime structure interne sont des unitis identiquement constituies. Les unites qui ont le meme fonction- nement externe sont des unites fonctionnellement equivalentes.

3. Les deux principes caracterisant le plan de l'organisation ont trait "a la fagon dont les moyens de signalisation de la langue

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Une epistimologie empiriste 83

sont employes : la selection d'leiments tires d'un inventaire ou bien l'agencement consicutif des elements1.a

Les trois plans de la dimension grammaticale de la langue se trouvent dans une relation hierarchique. Le plan de structuration est defini par le critbre fonctionnel le plus important; par conse- quent il precede les deux autres plans dans la hierarchie. Parmi ceux-ci, le plan d'integration A son tour precede le plan d'orga- nisation. Par consequent, une s6rie de niveaux d'integration se trouve A l'interieur de chacun des niveaux du plan de structura- tion, et les deux principes d'organisation jouent A l'int6rieur de chacun des niveaux d'integration appartenant aux diff6rents niveaux de structuration.

Le module theorique esquisse ici sert de cadre de refrrence

pour le d6veloppement ainsi que pour la justification des modules de rifdrence et des strategies methodologiques utilisees au cours de l'analyse linguistique, de la faqon suivante :

I. La separation des deux dimensions de la langue justifie une description qui se limite A une des deux dimensions. Ainsi, elle

permet le traitement de la grammaire A l'exclusion du lexique, et vice versa.

2. La distinction entre niveau phonematique et niveau mor-

phematique dans le plan de la structuration a pour consequence que la description du systhme phondmatique soit diff6rencide de celle du systhme morphematique, et que le traitement de leurs relations reciproques soit une partie s6paree de la description.

3. La distinction entre diff6rents niveaux d'integration a pour consequence que la description soit organisee sur la base non seulement des unites minimales mais aussi des unites fusionnees de divers degres de complexite, tant au niveau phonematique qu'au niveau morphematique de la structuration.

Ainsi, au niveau phondmatique la description doit &tre organisde non seulement sur la base d'unitis minimales, c'est-A- dire les phonemes (et leurs traits distinctifs), mais aussi sur la base des unites fusionnies presentes dans une langue donnie, comme les

syllabes et les autres groupes phoniques de divers degres de

complexitY. 4. L'independance potentielle de la structure interne et du

I2. Cf. l'axe paradigmatique et l'axe syntagmatique de la tradition structuraliste europenne (voir MARTINT, 1960, 33).

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Page 21: Une épistémologie empiriste pour la linguistique

84 Paul L. Garvin

fonctionnement externe a pour consequence que ces deux aspects de la structure soient diffdrencids dans la description.

5. La diff6renciation entre selection et agencement dans le

plan de l'organisation a pour consequence que la description comprenne non seulement l'inventaire des diffdrentes unites (mini- males et fusionnees) mais aussi leur distribution (c'est-a-dire leurs modes d'occurrence, tant leur cooccurrence obligatoire que leurs limitations distributionnelles).

Ces principes s'appliquent au module de rfi6rence aussi bien

qu'aux strategies methodologiques. Ces questions seront traities plus bas.

VI

Le troisibme point de repbre notionnel du cadre de rif6rence

6pistimologique est constitue par les outils conceptuels. Comme je l'ai dej? note, les outils conceptuels sont diff6rents des th6ses initiales dans le sens qu'ils representent non pas les croyances fermes mais plut6t les jugements intuitifs du chercheur ayant trait aux caracteristiques de l'objet etudid. Tout particulilrement, les outils conceptuels representent les notions que le chercheur utilise au cours de l'analyse pour formuler et conduire les enquetes detaill6es qu'il adresse aux donnees afin d'arriver

' une description. Ces enquetes ont trait aux aspects importants de l'objet 6tudie, qui dans le cas de la langue touchent surtout a ses unites et a leurs relations reciproques.

Plusieurs points mentionnis plus haut meritent d'etre repetes et traites plus en detail. Le premier touche a la systimaticit6 des outils conceptuels : les outils conceptuels sont integres dans une serie de moddles de r6f6rence; par consequent, chaque moddle de

ref6rence se compose d'une collection systimatique d'outils

conceptuels. Le deuxibme point a trait au fait que, etant donn6 son plus

grand degre de generalite, un seul module theorique suffit ia

englober tout un systeme de comportement. Par contre, la speci- ficite des outils conceptuels et le besoin qu'il y a de les adapter A des enquetes de details a pour consequence qu'ils soient integres en plusieurs modeles de ref6rence, chacun des modbles 6tant adapte

' un aspect diff6rent du systhme qu'on etudie. Ce point est 'labore plus bas.

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Page 22: Une épistémologie empiriste pour la linguistique

Une Ipistimologie empiriste 85

Le troisitme point a trait au fait que les modules de r6firence ne reprdsentent pas une conception theorique de la nature du

systdme etudid, mais qu'ils constituent plut6t un cadre de refirence

opiratoire pour la conduite de l'analyse. Ce cadre a pour but de fournir des points de rep"re hautement spdcifiques pour la stratigie de l'analyse. C'est en vue de ce but que les modbles de rffirence offrent un degr6 dleve de regularite et de logique interne, qualites qui sont en contradiction avec la these initiale sur la nature mal

dffinie des systemes de comportement. Par consequent, les modules de reffrence representent une vision idealisde de la realite de la structure qu'ils servent a analyser. Cette realite n'apparait pleinement qu'une fois la description terminee et, quand finale- ment elle apparait, elle est toujours diffhrente de l'image que les moddles de rdfirence en ont donne, car un systtme de comporte- ment n'a jamais le degr d leve de regularit' et de logique qui caractirise ces modules.

Le quatribme point a trait au fait que les moddles de rftirence ne sont ni des hypotheses ni des sous-theories. Au lieu de constituer des prises de position comme les hypoth6ses ou les sous-theories, les modules de ref6rence posent des questions. Par consequent, ils ne peuvent &tre ni confirmis ni invalides. Ce sont plut6t des cadres de ref6rence servant a adresser des questions aux donnees de fagon systematique, et ils peuvent etre modifies plut6t que confirmis ou invalides. Si, dans un cas - par exemple, une langue donnee -, une question particulibre obtient une reponse negative (ou encore si la question est inapplicable), le module de rif6rence n'est pas de ce fait invalide (m' me si des modifications sont jugees necessaires), puisque la meme question peut obtenir une reponse positive - ou bien etre applicable - dans un autre cas, par exemple, dans le cas d'une autre langue.

Les modbles de rdfirence labores pour le langage tiennent compte des differences de structuration qui existent entre les divers aspects de la langue (ses dimensions, ses plans, ses niveaux) ainsi que de celles qui existent entre les diverses langues du monde (leur diversite typologique est non seulement admise mais encore soulignee). D'ois l'existence d'autant de modules de refdrence que le demandent les diff6rences de structuration.

La selection et l'dlaboration des modules de rdfdrence se rapportant A l'analyse grammaticale sont affectees par les condi- tions suivantes :

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86 Paul L. Garvin

i. Les niveaux de structuration et les niveaux d'integration. 2. Les caracteristiques typologiques de la langue investigu6e,

caractdristiques qui sont rev616es par des demarches analytiques cruciales.

Les deux niveaux de structuration exigent des traitements analytiques diff6rents. Par consequent, un moddle de ref6rence general est dlabor6 pour chacun d'eux : un moddle de ref6rence pour la structure phonematique et un module de refirence pour la structure morph6matique. Chacun de ces deux modbles de ref6- rence gendraux comporte un certain nombre de modules de r6firence specifiques se rapportant aux diff6rents niveaux d'int- gration anticipis pour chacun des niveaux de structuration.

Les caractdristiques typologiques des langues sont tenues en compte comme suit : chaque modlle de r6f6rence specifique comprend deux parties. L'une de ces parties est constitude par un

module de r6f6rence de base qui s'applique a toutes les langues. Ce module stipule certaines des caracteristiques universelles des langues et sert de r6f6rence au cours des d6marches initiales de l'analyse jusqu'au moment oji les caracteristiques typologiques de la langue examinee sont etablies.

L'autre partie du module de ref6rence specifique inclut une serie de moddles de ref6rence typologiques. C'est parmi ces

modules qu'est choisi celui qui s'applique 'a la langue examinee, une fois qu'il a 6te d6termine, grace A une procedure sp6ciale, A quel type cette derniere appartient.

En resume, A l'importance attribude A la diversite typologique correspond l'importance donn6e A l'dlaboration de modules de r6firence typologiques.

VII

Le but d'une 6pistemologie empiriste destinee A l'analyse des systhmes de comportement est d'dlaborer un appareil methodolo- gique pour l'analyse systematique de ces systhmes. En linguistique, cet appareil est appel <<analyse linguistique>> (et, plus recemment, << procedure de d6couverte >>)13.

Le but de l'appareil methodologique est de reveler la structu- ration d'un exemplaire de l'objet etudid, en linguistique, la struc-

13. CHOMSKY (1957, 50-53) offre l'argument classique pour un point de vue oppos6.

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Une dpistimologie empiriste 87

ture d'une langue donnie. Il est important de signaler que, selon l'empirisme fonctionnel, ni la grammaire ni le lexique d'une langue donnee ne constitue une thdorie de cette langue; c'est

plut6t une description basee sur une theorie et organisee sur la base du moddle theorique et des moddles de ref6rence qui s'appli- quent a la langue en question.

Cette fagon de travailler assurera un degr6 de dependabilit. et de replicabilite nettement plus eleve qu'une faqon de travailler oiI l'appareil m'thodologique n'est pas rendu aussi explicite.

Comme je la conqois, la mithode empiriste systematique est un processus heuristique plut6t qu'algorithmique.

Dans un processus algorithmique, toutes les 6tapes sont claire- ment definies g l'avance et le succes de l'operation est egalement garanti

'. l'avance dans un sens tres reel. Les algorithmes employes

dans les operations arithmetiques complexes offrent des exemples classiques d'un tel processus. En general, un processus algorith- mique ne peut s'appliquer qu'a la solution des problkmes claire- ment ddlimitis et relativement routinises, comme ceux qu'on trouve dans des champs d'etudes bien definis, par exemple, certaines branches des mathematiques.

Un processus heuristique n'offre pas de garantie de succes. Par contre, il se prete au traitement de phinomenes presentant des problkmes moins bien difinis et plus complexes. Ii est evi- dent que le langage et les autres phenomines du comportement appartiennent a cette deuxihme categorie (cf. les theses initiales concernant la complexite et la nature mal definie des systemes de comportement).

Un processus heuristique est une strategie flexible caracterisde par la ripitition judicieuse d'essais - << attaques des donnies c - immediatement suivis par l'dvaluation des resultats obtenus au cours de chaque essai.

Une procedure heuristique de decouverte a dji sits dlaborde pour les langues caracterisees par une morphologie A classes positionnelles et une syntaxe objective plut6t qu'ergative'4. Cette heuristique est decrite dans une monographie en cours de r6dac- tion. Elle constitue une des branches typologiques d'une heuris-

tique plus gendrale a plusieurs ramifications qui n'a pas encore

14. Pour une discussion anterieure de certains aspects de cette heuristique de de'cou- verte, voir GARVIN, 1972-

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88 Paul L. Garvin

dtl 6laborde et qui a trait A l'analyse de langues de types diffdrents. La procedure heuristique qui a dtd dlaborde s'appuie sur le

cadre de rfifrence fourni par le modrle drfinitionnel, et emploie une serie de modrles de refdrence appropries la branche typo- logique a laquelle elle appartient. Les essais et evaluations faisant partie des facettes de l'analyse sont executis grace ~ des ddmarches analytiques dCtailldes. C'est au cours de ces drmarches analytiques que des hypothbses au sens technique du terme sont gen&rees et

qu'elles peuvent etre verifiees. Pour terminer je voudrais souligner l'importance du fait que

l'pistimologie de l'empirisme fonctionnel n'est ni trop formelle ni trop ditaillke. C'est la seule fagon dont elle peut etre en rapport avec la prise de position mitatheorique presentee initialement.

Dans une science du comportement comme la linguistique, le but n'est pas de faire des << predictions >> dans le sens oii les sciences naturelles entendent cette notion. Le but est plut6t de fournir un cadre de rdfirence pour la description de l'objet itudid et pour contr6ler du point de vue ope'ratoire le grand nombre de variables qui sont manipuldes au cours de l'analyse. Dans la position adoptie ici, le cadre de rifdrence gineral est fourni par le moddle thdorique et les contr6les operatoires sont fournis par les modrles de rifdrence et par la procedure de ddcouverte heuristique utilisant ces modrles.

Universiti de l'Etat de New York ' Buffalo.

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Page 26: Une épistémologie empiriste pour la linguistique

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