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-- 761 -- UNE NOUVELLE ESPECE DE DIATOMEE MARINE DU MIOCENE SUPERIEUR DE CHYPRE : BOGOROVIA CYPRIATA. par Daniel GARDETTE * R~sum6 Une nouvelle esp~ce de Diatom6e, Bogorovia cypriata, a 6t6 d~couverte dans un gisement tripolac6 du Miocene sup~rieur de Chypre (M~diterran6e orientale). Les descriptions morphologiques sont compl6t6es par des remarques sur l¥cologie et sur la variabilit~ de cette esp~ce. Abstract A new species of diatom, Bogorovia cypriata, is found into an upper Miocene tripolaceous deposit from the Cyprus island (eastern mediterranean basin). Some remarks on the ecology and the variability of Bogorovia cypriata, complete the description. Introduction La diatom6e d6crite ici, Bogorovia cypriata, provient du niveau 326 de la coupe in6dite lev6e par J.-M. Rouchy, dans ia carri6re de Kahvasos (Bassin de Psematismenos-Zyyi, Chypre) (fig. 1). Ce niveau est situ6 dans la partie sup6rieure d'une formation gypseuse d'fige Messinien probable (1). I1 corres- pond ~ un s6diment tripolac6, d'environ 50 cm d'6paisseur, blanch~tre, pulv6rulent, pr6sentant une structure finement lit6e se d6bitant ais6ment en plaquettes. Ce tripoli renferme des Diatom6es (94 %), des Silicoflagell6s (5 %), des Radio- laires et des spicules de Spongiaires. L'6sp6ce nouvelle repr6sente~0,4% des Diatom6es (soit 2 individus sur un comptage de 500). L'observation a port6 sur un effectif total de 37 individus, dont 25 frustules entiers ont pennis l'analyse biom6- trique. (1) Communication orale de J.M. Rouchy. * Laboratoire de Pal~ontologie,Universit6 de Paris-Sud, Centre d'Orsay. 91405 ORSAY-CEDEX, France. G~obios nO 11- fasc. 5 p. 761 - 767, 2 fig., 1 tabl., 1 1ol. Lyon, octobre 1978

Une nouvelle espece de Diatomee marine du Miocene superieur de Chypre: Bogorovia cypriata

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UNE N O U V E L L E ES P ECE DE D I A T O M E E MA RIN E

DU MIOCENE S U P E R I E U R DE C H Y P R E : BOGOROVIA CYPRIATA.

par

Daniel GARDETTE *

R ~ s u m 6

Une nouvelle esp~ce de Diatom6e, Bogorovia cypriata, a 6t6 d~couverte dans un gisement tripolac6 du Miocene sup~rieur de Chypre (M~diterran6e orientale). Les descriptions morphologiques sont compl6t6es par des remarques sur l¥cologie et sur la variabilit~ de cette esp~ce.

Abstract

A new species of diatom, Bogorovia cypriata, is found into an upper Miocene tripolaceous deposit from the Cyprus island (eastern mediterranean basin). Some remarks on the ecology and the variability of Bogorovia cypriata, complete the description.

I n t r o d u c t i o n

La diatom6e d6crite ici, Bogorovia cypriata, provient du niveau 326 de la coupe in6dite lev6e par J.-M. Rouchy, dans ia carri6re de Kahvasos (Bassin de Psematismenos-Zyyi, Chypre) (fig. 1).

Ce niveau est situ6 dans la partie sup6rieure d'une formation gypseuse d'fige Messinien probable (1). I1 corres- pond ~ un s6diment tripolac6, d'environ 50 cm d'6paisseur, blanch~tre, pulv6rulent, pr6sentant une structure finement lit6e se d6bitant ais6ment en plaquettes. Ce tripoli renferme des Diatom6es (94 %), des Silicoflagell6s (5 %), des Radio- laires et des spicules de Spongiaires. L'6sp6ce nouvelle repr6sente~0,4% des Diatom6es (soit 2 individus sur un comptage de 500).

L'observation a port6 sur un effectif total de 37 individus, dont 25 frustules entiers ont pennis l'analyse biom6- trique.

(1) Communication orale de J.M. Rouchy.

* Laboratoire de Pal~ontologie,Universit6 de Paris-Sud, Centre d'Orsay. 91405 ORSAY-CEDEX, France.

G~obios nO 11- fasc. 5 p. 761 - 767, 2 fig., 1 tabl., 1 1ol. Lyon, octobre 1978

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Ot '_ 5 ~

Fig. 1 - Situation g6ographique. Position map.

Fig. 2 - Sch6mas des terminaisons valvaires : " " a : face interne ; b : face externe

Schematical valvar end : a : internal view ;b : external view. fl 1v I I

I - Description a - Observation au microscope photonique

Le frustule en vue connective est 16g6rement renfl6 au centre et aux extr6mit6s. En vue valvaire, le contour est elliptico-lanc6ol6, avec des terminaisons plus ou moins effil6es et 6mouss6es ~ leur extr6mit6. Les valves pregentent une double sym6trie : apicale et transapicale.

La valve, h ctoison simple, ne pr6sente ni c6tes transapicales, ni de zone marginale diff6renci6e, ni de structure axiale rappelant un pseudoraph6.

Selon l'axe apical, l 'omementat ion est constitu6e de lignes alternes d'ar6oles circulaires, ce qui donne fr6quemment la valve une allure sigmoi~le selon l 'orientation de celle-ci sur la pr6paration.

Selon l'axe transapical, les ar6oles sont dispos6es suivant des lignes 16g6rement courbes ~ convexit6 orient6e vers les terminaisons, devenant rectilignes dans la partie m6diane de la surface valvaire, ot~ cUes sont au nombre constant de 7.

La valve est om6e sur son Pourtour de protub6rances de taiUe variable.

b - Observation au microscope 61ectronique ~i balayage (M.E.B.).

L'observation au M.E.B. permet d'apporter des pr6cisions sur les terminaisons valvaires et les protuberances margi- nales:

- l 'ornementation de la face interne de la valve est uniquement constitu6e d'ar~oles (environ 0,7/~ de diam~tre); la surface valvaire, aux bords 16gdrement redresses, se r6tr6cit progressivement du centre vers les extr6mit6s, o~ elle forme une goutti~re termin6e par un manchon perc~ d'une seule ar6ole (fig.2 a );

- outre les perforations identiques ~ celles de la face interne, la face externe est orn6e de tubuli marginaux disposes entre chaque ar6ole et implant6s au sommet de l'angle form~ par le b o r d e t la surface valvaire; les tubuli sont spatul6s

leur extr6mit6; quant aux terminaisons valvaires, elles pr6sentent un ~paississement portant un replat avecune sorte d'ergot dont la pointe est orient~e vers la surface de la valve (fig.2 b).

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c - Discussion

Cette esp~ce pr~sente d'dvidentes affinitds avec Bogorovia paleaceus (RATTRAY) JOUSE; toutefois eUe en diffSre par la disposition mieux ordonnde des ar6oles et par un contour plus efFild et moins ovoide. H.J. Schrader (1) a d6crit sous le nom de Cussia sp. 1 une forme qui me semble attribuable ~ Bogorovia cypriata.

Je rattache cette nouvelle esp6ce au genre Bogorovia JOUSE, 1973 (= Cussia SCHRADER, 1974). Selon A.P. Jous6 (2), Bogorovia est un genre marin se rencontrant de l'Oligoc~ne sup6rieur au Miocene moyen. Avec B. cypriata, la r6partition stratigraphique du genre s'dtend donc jusqu'au Miocene terminal.

A.P. Jous~ (3) et H.J. Schrader (4) n'ont pas prdcisd fi quelle famille se rattache le genre Bogorovia. Celui-ci me paraR appartenir clairement fi la famille des Fragilariaceae, conformdment fi la classification de N.I. Hendey (5).

Genre Bogorovia JOUSE, 1973

Bogorovia cypriata nov. sp.

Holotype : no 45 B, Collection M.N.H.N., Paris

Derivatio nominis : Cypre (Ile de Chypre).

Locus typieus : Kalavasos (fig. 1).

Stratum typicum : Messinien.

Diagnose : Valvae eUiptico-lanceolatae; subacute apicibus; symmetrica apicalis et transapicalis; superficies valvarum paulo

convexa; axis apicalis cum areolae circulares (8 in 10 /a ) in seriebus curvatis et alternis; axis transapicalis cum areolae in seriebus curvatis rectisque in medio; tubuli marginales; raphe et area hyalina centrali desunt.

Mensura valvarum : Long. :313-70# ;lat. :7 ,5 - 1 0 # .

Valve elliptico4anc~ol6e; terrninaisons subaigu6s; sym~trie apicale et transapicale; surface valvaire l~g~rement convexe; suivant l'axe apical, ar~oles circulaires (8 fi 10/~) en lignes alternes courbes, devenant rectilignes dans la r6gion m~diane; tubuli marginaux; raph6 et aire hyaline centrale abseiats.

Dimensions : L. : 3 0 - 7 0 # ;1. :7,5 - lO,u.

II - Pal6o6cologie

Le genre 6tant uniquement fossile, nous ne pouvons qu'6mettre des hypoth6ses concernant son milieu de vie. Des comparaisons semblent possibles avec des formes affmes telles que Cymatosira GRUNOW, Dimeregramma RALFS et Glyphodesmis GREVILLE. En effet, les tubuli marginaux en s'enchevr6trant devaient permettre la fixation des frustules entre eux, de mani6re ~ former une cha~ne; de m6me,l'6paississement valvaire de la face externe portant le replat, devait faciliter la fixation des valves de deux frustules adjacents.

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Ces caractrres morphofonctionnels 6voquent un mode de vie colonial et m~roplanctonique qui pourrait 6tre celui de B. cypriata. Ceci semble ~tre confirm6 par l'analyse diatomitique en cours, qui indique un milieu nrritique, pouvant supporter des variations de salinitr, et r~v~le, par ailleurs, un climat temprr~ fi subtropical au moment du drp6t.

IH - Variabilit6

Cette esprce prrsente une variabilit6 importante de la forme grnrrale, traduite par le rapport L/1 (6). Les valeurs de ce rapport se situent entre 3,5 et 7. II apparaR clairement que la variabilit6 du rapport longueur / largeur est essentiel- lement attribuable aux variations de la valeur du paramrtre L (tab1. I). Ces faits concordent avec les observations concernant le drveloppement des frustules de Diatomres. Deux hypothrses peuvent 6tre retenues. Premirrement, au cours de la division binaire le rapport L/l, chez les Diatomres Pennres, tend ~ diminuer (5). De ce fait, les sprcimens obtenus au cours des multiplications vrgrtatives successives prrsentent un contour plus arrondi que celui de la cellule-mrre initiale. F.E. Round (7) precise que chez ces Diatomres, la rrduction de taille suivant 1'axe apical a pour effet soit une diminution d'rpaisseur du manteau valvaire, soit de la ceinture (bandes connectives), ou une action conjugure de ces deux facteurs. En d'autres termes, la largeur ne diminue pas en proportion de la longueur durant les divisions cellulaires successives. Par ailleurs, N.I. Hendey (5) fait remarquer que divers facteurs (luminositr, salinitr, pression osmotique sur la paroi cyto- plasmique.. .) influent 6galement sur la forme grnrrale des frustules.

En conclusion, s'il est certain que la division binaire conditionne fortement la variabilit6 morphologique, il est, par contre, plus difficile de prrciser 1'importance des facteurs du milieu sur cette variabilit6

Toutefois, l'effectif faible de l'rchantillon doit nous inciter fi la prudence dans l'interprrtation de ces rrsultats. Nranmoins, en traduisant mathrmatiquement la variabilit6 observre en microscopie, cette analyse souligne les rrserves qu'il faut apporter fi la validit6 de sous-esprces, varirtrs ou formes, drfinies fi partir de sprcianens isolrs ou en nombre insuffisant.

Effectif Valeur Valeur Moyenne Variance Ecart-type Coef. de maximale minimale arithm_~tique variabilit6

n M m X o'2 cr" c . v

Longueur 25 67,2 /~ 32 /~ 46,78 103,111 10,154 21,70 % L

Largeur 25 10,0 /a 7,2/a 9,04 0,583 0,763 8,44 % 1

Rapport 25 7,0 3,5 5,17 1,034 1,017 19,67 % L/l

Tabl. 1 - Principales caractrristiques statistiques. Main statistical data.

Remerciements

Je tiens fi exprimer ma vive reconnaissance fi M. M. Ricard (Laboratoire de Cryptogamie, M.N.H.N. Paris) pour ses remarques critiques du manuscrit, fi M. J.-M. Rouchy (Laboratoire de G~ologie, M.N.H.N. Paris) qui m'a confi6 le matrriel et ~i Mine A. Raguideau (Laboratoire de Palrontologie, Orsay) qui a r~alis~ les clicMs au microsocope 61ectronique balayage.

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R~f6rences bibliographiques

(1) SCHRADER H.J. - [nit. Rep. DSDP, Washington, 24, 1974, p. 887 - 967. (2) JOUSE A.P. - Nova Hedwig4a, Lehre, 45, 1973, p. 333 - 357. (3) JOUSE A.P. -Bot . J., Akad. Nauk. SSSR, 1976, p: 1232 - 1234. (4) SCHRADER H.J. -Proc. Calif. Ac. Sc., San Francisco, 4 th, 39, 23, 1974, p. 517 - 562. (5) HENDEY N.I. - Fishery lnvest., London, IV, V, 1964,317 p. (6) DAVIS J.C. - -Stat is t ics and Data Analysis in Geology, New York, 1973, 550 p. (7) ROUND F.E. -NovaHedwigia, Lehre, 23, 1972, p. 291 - 303.

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P L A N C H E 1

Bogorovia cypriata n o v . sp .

Fig. 1 ~ Vue interne d'une valve montrant la forme g6n6rale en gondole. (x 4000).

Fig. 2 - Frustule complet avec les tubuli marginaux (x 1500).

Fig. 3 - 6 - Diff6rentes rues valvaires montrant la variabilit6 morphologique de cette esp6ce; 5 : holotype. (x 1500).

Fig . 7 - Face externe. Replat visible sur l'6paississement de la terminaison. (x 2750).

Fig. 8 - Face externe. Tubuli marginaux spatul6s fi leur extr~mit6. (x 2250).

Fig. 9 - Face exteme. D6tail de la fig. 8. (x 5000).

Fig. 10 - Face interne. Prolongation de l'aire centrale en goutti6re. (x 1400).

Fig. 11 - Face interne. Connexion par les tubuli de 2 valves appartenant ~ 2 frustules diff6rents. (x 2500).

Fig. 12 - Face interne. D6tail de la fig. 11. (x 10000).

Microscopie photonique : fig. 2 - 6. Microscopie 61ectronique fi balayage : fig. 1,7 - 12.

Fig. 1 - Internal view of a valve showing the gondola4ike shape. (x 4000).

Fig. 2 - Complete frustule with the lateral tubuli. (x 1500).

Fig. 3 - 6 - Valvar view of different specimens showing the morphological variability of this species. 5 : holotype. (x 1500).

Fig. 7 - External view. Conspicuous shelf on the thickness of the valvar end. (x 2750).

Fig. 8 - External view. Lateral spatulate-shaped tubuli at its end (x 2250).

Fig. 9 - External view. Detail of the fig. 8 (x 5000).

Fig. 10 - Internal view. Extension of the central area as gutter-like. (x 1400).

Fig. 11 - Internal view. Connection by the tubuli of 2 valves of 2 different frustules. (x 2500).

Fig. 12 - Internal view. Detail of the fig. 11 (x 10000).

Photonic microscopy: fig. 2 - 6. Scanning electron microscopy : fig. 1,7 - 12.

G~obios N ° 11 -fasc. 5

Pl.1 D. Gardette

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