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Une Opposition en régime autoritaire: L'Exemple du Réveil Est-Africain au Kenya Author(s): Hervé Maupeu Source: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 25, No. 2 (1991), pp. 257-272 Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African Studies Stable URL: http://www.jstor.org/stable/485219 . Accessed: 14/06/2014 19:44 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Taylor & Francis, Ltd. and Canadian Association of African Studies are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.129 on Sat, 14 Jun 2014 19:44:23 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Une Opposition en régime autoritaire: L'Exemple du Réveil Est-Africain au Kenya

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Une Opposition en régime autoritaire: L'Exemple du Réveil Est-Africain au KenyaAuthor(s): Hervé MaupeuSource: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol.25, No. 2 (1991), pp. 257-272Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African StudiesStable URL: http://www.jstor.org/stable/485219 .

Accessed: 14/06/2014 19:44

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Une Opposition en regime autoritaire:

L'Exemple du Reveil Est-Africain au Kenya

Herv6 Maupeu

Abstract

This article is a case study illustrating the classical problem of the relationship between state and religion. In 1978 the newly-elected President Moi took advantage of a favorable religious situation in order to obtain the political support of certain churches. The resulting coalition of religious and political elites suffered from a lack of sympathy among the mass of the faithful, and the adoption in 1986 of a new electoral process led to strong political opposition on the part of Christian organizations. The mobilization of opposition against the regime appeared to be led by a broadly-based Protestant movement called the "East African Awakening" which eventually convinced the clergy to terminate its support for the regime. Some historical reflections about this movement explain the motivation behind and limits of its political activity.

Introduction

En avril 1986, le parti unique du Kenya, la Kenya African National Union (KANU) annonce une reforme electorale. Les elections proprement dites seront

pr cdees par des "primaires" oiu les votants s'aligneront derriere le candidat de leur choix. En aofit, cette proposition est ratifibe A l'unanimite par la conference des d'l'gues de la KANU. Le National Council of Churches of Kenya (NCCK), qui rassemble la quasi totalite des eglises protestantes du pays, denonce cette mesure propre A diviser les Kenyans, estiment ses membres. Ces derniers affir- ment que leurs fideles ne participeront A aucune election regie par cette procedure. Des politiciens ainsi que le president lui-meme condamnent la prise de position des Protestants. Mgr. Raphael Ndingi Mwana A'Nzeki qui preside le Catholic Church Episcopal Conference exprime alors son accord avec les opinions de ses collegues protestants. La Law Society of Kenya se range du c6t6 des eglises chretiennes et demande l'ouverture d'un debat public sur le sujet. En septembre, le president Moi annonce que les leaders religieux, les membres des forces armies et des polices ainsi que certains hauts fonctionnaires participeront aux "primaires"

Je suis reconnaissant a deux personnes qui ont accepte de relire ce texte; R. Marchal et F. Constantin. Je remercie le Centre de Recherche, d'Echanges et de Documentation universi- taires (CREDU) qui a finance mes sejours a Nairobi ainsi que le Centre de Recherche et d'Etude sur les Pays d'Afrique Orientale (CREPAQ) (Universit6 de Pau).

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en votant par procuration. Quelques jours plus tard, le chef de l'Etat repond aux

critiques des eveques en les accusant d'etre a la solde de puissances etrang"res; il revele que NCCK est sponsorise par l'association americaine World Vision Inter- national (organisme que Moi felicite deux mois plus tard pour son action sur le developpement 6conomique du pays; mais la versatilite de la classe politique

kenyane n'est plus a demontrer). En 1987 et 1988, des echanges acrimonieux opposent les leaders chr~tiens a

certains hommes politiques sur l'opportunit& de la r6forme electorale. Cela n'empichera pas les elections de se

derouler selon la procedure choisie par le

parti.' Ces faits soulevent des interrogations. La presse se fait l'&cho empress& de

l'opinion politique des eveques. Mais on ne sait rien de l'effet de ces discours sur les fideles. On ignore si les elections ont donne lieu a des mobilisations de la part des associations chr&tiennes et plus particulierement du Reveil Est-Africain (REA) auquel appartient plus de 90go% du clerge protestant et qui r6unit une part significative de l'elite des fid les des nombreuses eglises protestantes kenyanes. Ces questions conduisent A s'interroger sur le problkme tr s classique des rapports entre le pouvoir et I'Eglise. La vie politique kenyane offre une etude de cas interes- sante dans la mesure o u le President Moi s'est, dans un premier temps, legitim& en obtenant le soutien des institutions protestantes. Il fut vite contraint de modifier ses alliances du fait de l'hostilite du REA.2

Le neo-constantinisme: Un des mncanisnmes de legitimation A le tate du pays durant plus d'une d6cennie, le pr6sident Moi a eu l'habilet& d'utiliser plusieurs m6canismes qui accr'ditent son pouvoir politique. Mais A la fin des annees soixante-dix, il a construit son r6gime en s'appuyant sur les 6glises chretiennes.3 Cela tient essentiellement a la situation que lui a lguce son illustre predecesseur, Jomo Kenyatta.

L'hkritage de Jomo Kenyatta L'architecture institutionnelle du pays fut pensee de faqon a etouffer toute eventu- alit& d'emergence d'organisations intermediaires susceptibles de permettre aux agents sociaux de prendre place dans le champ politique. Dans la plupart des pays africains, le parti unique est charge d'agreger les interits, de proceder a l'allocation de ressources et ainsi d'empicher la politisation autonome des groupes sociaux. Au Kenya, c'est moins une institution que la personne du president qui a pr6ten- tion a "recapituler" la soci&et (selon 1'expression de A. Mbembe (1988, 7)). En 1963, Kenyatta herite d'un Etat colonial bureaucratique qui dispose d'une admin- istration locale particulierement puissante. Le Mzee (Kenyatta) comprend vite le profit qu'il peut tirer d'une pareille machine. II desire affirmer son pouvoir contre des partis qui se veulent les relais de nationalismes ethniques mais 6galement

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contre un pouvoir legislatif que l'etat d'urgence (durant la crise Mau Mau) a atro- phi& (Gertzel 1970, chapter I; Tamarkin 1978; Mueller 1984).

Le gouvernement a la haute main sur le Parlement. L'exdcutif a l'habitude de l1galiser ses actions contraires A la loi en faisant adopter des legislations retroac- tives (Ghai and McAuslan 1970, 351). Ces mesures sont d'autant mieux acceptdes que de nombreux deputes mbnent parallklement A leur vie politique une carriere dans les affaires. Cela les rend dependants de l'administration pour l'obtention de credits, de licences, de devises 'trangeres (Tamarkin 1978, 304). L'arrestation de plusieurs deputes rappelle que l'immunit6 parlementaire reste au Kenya des plus limit'e (Dauch and Martin 1985, chapitre I).

Ainsi que le remarque Susanne D. Mueller (1984, 402), "l'un des buts princi- paux de l'administration est de contr6ler et de contenir la politique africaine dans un cadre administratif." En jouant de leurs pouvoirs de police (autorisation de reunions, enregistrement des partis politiques et de leurs branches locales, permis de voyager dans les districts voisins), les District Commissioners doivent Hliminer les associations qui pourraient se rdvdler menaqantes. Ces manoeuvres seront

perpetr'es de 1966 A 1969 A l'encontre de la Kenya People's Union (KPU) de O. Odinga. D&s 1966, Kenyatta explicite le r6le de l'administration locale: "les fonc- tionnaires ne sont pas impartiaux. Ce sont les fonctionnaires de la KANU" (Mur- ray 1968, 45).

Cependant, meme A l'egard du KANU, le gouvernement fait preuve d'une cer- taine mefiance. Il peut toujours abriter des forces desireuses de concurrencer les bases du pouvoir. Ce parti "faible et emascule" (Tamarkin 1978, 308) voit donc son r61le limite A certaines fonctions. Il sert d'arine ofi des acteurs politiques se disputent le contr61le de ressources subsidiaires (Bienen 1974, 81). Le parti, par son r6le disciplinaire, permet 6galement d'l1iminer les dissidents en ayant recours a relativement peu de coercition (Tamarkin 1978, 308).4 La KANU contribuera ainsi a l'alimination des doctrines offrant des alternatives aux politiques gouver- nementales (marxisme A la fin des annees soixante, populisme au debut des annees soixante-dix). Cette entreprise va de pair avec une volont& ouverte de "d'politisa- tion" du mode d'agr&gation des interkts (Mbembe 1988).

Daniel arap Moi (devenu President de la Republique en 1978, apr&s la mort de Kenyatta) a forge son assise 6lectorale sur la formation de l'identite Kalenjin. Apres la seconde guerre mondiale, une elite de la Rift Valley tente, avec le soutien du pouvoir colonial, d'unifier les "ethnies de langues Nandi" au sein d'une iden- tite Kalenjin (Kipkorir and Welbourn 1973; Omosule 1989). Moi contribue A ce processus et profite de la creation de cette identite pour se batir une clientele A la mesure de cette communaute nouvelle. Apres l'independance du Kenya, le leader du nationalisme Kalenjin negocie son depart du Kenya African Democratic Union (KADU) avec l'elite kikuyu du KANU. Cette alliance Kalenjin-Kikuyu lui vaut la vice-presidence du pays (Murray 1968, 48; Throup 1987). Mais les

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intrigues qui ont precede le dcics de Kenyatta ont remis en cause cette union de la Rift Valley et de la Province Centrale. Une faction kikuyu a tente de faire modifier la Constitution afin d'empicher le vice-president de succ'der automatiquement au president (Karimi and Ochieng I980). En 1978, Moi prend le pouvoir grace notamment au soutien de Kibaki, le ministre des Finances et Njonjo, I'Attorney General. Ces derniers appartiennent aux "sommets de l'Etat" mais ne d'tiennent pas encore une assise politique importante dans leurs districts kikuyu. Le nouveau

regime se voit donc confront6 a de fortes tensions rdgionales cr66es par un

developpement tres inegal selon les provinces, tensions amplifices par la tentative de certains Kikuyu de sauvegarder leur acces privilkgie aux ressources etatiques (Leys 1975; Anthony 1988).

Moi h rite donc d'un Etat ou le syst me de patronage est presque enti&rement

cont61o par le Pr'sident (Khapoya 1988, 56). Mais quinze ans apr&s l'accession A l'independance, I'Etat dispose de moins de postes i attribuer, de moins de richesses i distribuer (la recession economique des annees soixante-dix a dure- ment touch6 le pays; elle est amplifi'e par une croissance demographique galo- pante). La conjoncture se prite peu a des alliances ethniques. Du fait de son his- toire politique, le Parlement ou le parti unique du Kenya ne peuvent aider A la 1egi- timation du nouveau president. A son arrivee au pouvoir, Moi se heurte donc a un choix tres reduit d'institutions sur lesquelles s'appuyer.

Les 4glises protestantes dans la production du politique Le Kenya a developpe peu de groupes suffisamment structures et capables de ser- vir de tribune et de base de clientelisme A des fins politiques si ce n'est: les coopera- tives, dont le r61e a bien 6te mis en evidence par G. Lamb (1974) dans son analyse de la vie politique de Murang'a, les groupes de femmes (voir notamment, M. Maas (1986)) et les difflrentes associations gerees par les &glises chretiennes. L'obliga- tion oii se trouve Moi de diff6rencier son ideologie de celle de son trop illustre pred cesseur resserre encore le choix des groupes sur lesquels il peut s'arc-bouter. Les cooperatives et les associations de femmes peuvent seulement relayer une id'ologie "entrepreneuriale" A laquelle est identifi' le regime de Kenyatta.

Dans le syst&me autoritaire kenyan, les 6glises protestantes restent l'un des rares agents sociaux autorises a produire des representations de l'ordre social. Moi cherche A b'neficier de la representativite et de la visibilit& sociale des 6glises chretiennes pour plusieurs raisons.

Le Kenya connait un reveil religieux qui rev t des formes diverses. 5 Depuis les annees soixante-dix, les sectes se multiplient (pr&s de huit cents enrigistr'es en 1986) (Seeley 1983; Maupeu 1988). Les Tournees d'6vang6lisation de precheurs americains ou europeens rencontrent un grand succ&s. En 1988, le Rev. Bonke, un evang6liste allemand residant en Afrique du Sud, a reuni plusieurs dizaines de mil-

liers de fiddles. Ses praches ont beneficie d'une couverture tdl6visde: plusieurs

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dimanches apr&s-midi lui furent entierement consacr6s sur la Voice of Kenya. Mais au Kenya, le reveil est essentiellement associe A un mouvement pr&cis. Depuis la fin de la crise Mau Mau, le REA constitue la theologie et le mouvement

h6gemonique au sein des 6glises protestantes du pays. De nombreux crit&res pour- raient aider A mesurer l'influence du REA sur le protestantisme kenyan. Jocelyn Murray (entretien juin 1989) remarquait que tous les 61'ves de Limuru Theologi- cal College, qui forme la majeure partie du clerg6 protestant du pays, se disent lies au R6veil. L'entr6e au coll&ge depend de l'avis de l'6glise locale dont sont issus les el&ves et il est admis que seuls les revitalistes sont dignes de ce privilege. De m6me, un pasteur ne peut esperer devenir 6veque que s'il est "sauv6."

La philosophie sociale du REA presente plusieurs caracteres qui ne peuvent laisser les hommes politiques indiff6rents. Plusieurs historiens ont analyse les recits des conversions religieuses americaines en fonction de la culture politique de ce pays. Les termes commun6ment employ6s par les "sauv6s" concernaient essen- tiellement le theme de la libert&. Cette perception d6mocratique ne se retrouve pas en Afrique de l'Est. Ainsi, le vote A bulletin secret est rarement justifie par le prin- cipe de liberte de pensee. Mgr. Njuguna, 6veque anglican du diocese de Mount Kenya South, voit dans cette procedure 61ectorale un principe biblique. Le Rev. Dr. Njoya, pasteur en charge de 1981 i 1987 de St. Andrew's Church, la paroisse presbyt'rienne la plus prestigieuse de Nairobi, craint que le type de vote propose par la KANU expose le pays A "une resurgence des distinctions raciales, ethniques, de clans ou de classes sociales." Il rappelle que le REA reste particulierement oppose A la mise en 'vidence de toute division sociale, le seul clivage valable etant entre "sauv's" et "non sauves." Il est ainsi recommand6 de ne pas se marier avec un partenaire qui n'appartient pas au mouvement car la societe comme le REA reposent sur le "pilier familial" (titre d'une chronique du mensuel revitaliste Beyond). Le REA est guide par le "Saint Esprit."Plusieurs pasteurs rappellent que sa suprematie n'est en rien dependante des volontes du gouvernement ou de la theorie politique de la democratie. Au debut de son regne, Moi cherchera le soutien de ce groupe A la doctrine peu sensible aux principes democratiques et aux analyses en termes de classes sociales.

Les annees quatre-vingt apparaissent donc au premier abord comme une de ces epoques de syncretisme oii les oppositions politiques et ideologiques s'effacent, ofi l'esprit du reveil protestant est plus important que les distinctions traditionnelles entre courants de pensie, entre classes, entre groupes regionaux.

Ce regain d'inter^t pour la chose religieuse dans sa forme revitaliste beneficie dans les campagnes kenyane du relais de l'infrastructure locale des eglises. Les associations chr&tiennes prennent souvent une coloration revitaliste. Peu d'&tudes sociologiques ont &t& menees sur ces institutions. Une monographie de M. Maas (1986) laisse entrevoir les dividendes que les politiciens esp&rent percevoir de leur association avec ces groupes chretiens. Cette anthropologue hollandaise a tente de

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decrypter l'election d'un parlementaire dans le District de Kiambu. Elle met en evidence le r61e primordial du Kulima Harambee Group. Il soutient un candidat qui, une fois depute, donne aux membres du groupe des informations sur les ter- rains A vendre, joue les intermediaires au cours des transactions, se charge de faire amener l'eau sur la parcelle. Le second groupe influent au moment des elections est la Women's Guild de la Presbyterian Church of East Africa. Cette organisation, dont la secretaire regionale n'est autre que la propre mire du parlementaire, invite le candidat qu'elle soutient lors de ses Harambees. II peut alors faire un discours politique et montrer sa puissance en distribuant d'importantes sommes d'argent. Ces Harambees sont l'occasion de contacts entre les associations economiques et religieuses. La Women's Guild essaie alors de convertir certaines des femmes presentes. Le futur depute trouve dans le groupe chretien une tribune politique qui peut s'averer payante lors du scrutin. 11 doit donc se singulariser par une atti- tude et un discours chretiens proches de ceux du Reveil quand ce mouvement est hegemonique au sein du protestantisme local. Tout parlementaire kenyan sait que son election se fait souvent sur le parvis de l'&glise.

Moi esp&re, en diffusant une ideologie qui associe saintete et populisme, beneficier des capacit6s des organisations chretiennes pour 16gitimer et relayer ses

idles polotiques (Dauch and Martin 1985, 129). Ainsi que le remarque ce politolo- gue, la formule incantatoire qui sert d'introduction A tous les bulletins d'informa- tion de la Voice of Kenya Mtukufu rais Daniel arap Moi alisema leo (Son Excellence le President D. arap Moi a d6clar6 aujourd'hui) poss&de une forte connotation religieuse (Mtukufu pourrait se traduire par "Sa Grandeur"). Le pr6sident delivre souvent ses messages politiques lors de preches. II assiste reguli&rement au Service des grandes eglises chr&tiennes du pays et prononce A l'occasion, des discours qui reprennent les th6mes de son ideologie "Nyayo." Des livres apolog6tiques mon- trent les caract&res chretiens de cette doctrine (Njiro 1980). Le tres serieux NCCK en definit m~me la theologie (NCCK 1983). De nombreuses &coles prennent I'habitude d'enseigner la philosophie "Nyayo" (voir notamment, The Tumutumu Girls Speak on Nyayo). Depuis 1986, cette matiere est obligatoire; elle prend la forme d'un cours d"'"education sociale et &thique" dont il est specifie qu'il doit completer l'enseignement de l"'"ducation religieuse." Ces modalites sont indis- pensables afin que "Moi et ses associ6s puissent constamment rassurer et instruire le public que la grande question est la moralit' (un probl&me de bien et de mal). Nyayo est la chemin de la salvation alors que le "magendo" (march6 noir mais egalement corruption) n'est pas seulement un delit mais un pech6 ... Les greves, les desordres etudiants et les formes populaires de protestation politique devien- nent des questions de moralit6 et sont juges ainsi que le "magendo" comme anti- nyayo" (Katx 1985, 159). Cette situation a inspire a Ngugi wa Thiong'o (1989, 84) un conte dans la veine d'Orwell, oii la radio nationale (The Voice of the Truth) d'un pays mythique rassure ainsi la population qui attend la Seconde Venue: "I1

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n'y a aucune chance pour que Jesus revienne sans qu'il rende, en tout premier lieu, une visite de courtoisie A Son Excellence Ole Excellence."

Nio-constantinisme' ou cesaro-papisme? Les leaders protestants ont toujours &t& conscients des risques que le pouvoir peut faire encourir A l'Eglise. H. Okullu (1972, 2-3) met les chr&tiens en garde contre "le temps de Constantin ... oil le gouvemement met I'Eglise dans sa poche en lui offrant sa protection."8 Mais cela ne veut pas dire qu'ils envisagent en espace reli- gieux radicalement separe de celui du politique. Bien au contraire. L'affrontement qui oppose les Protestants et les politiciens sur la procedure electorale tient large- ment au malentendu suivant: les uns souhaitent un Kenya place sous le sceau du neo-constantinisme alors que les autres se sont allies aux eglises afin d'instaurer un regime de type cesaro-papiste.

L'etude des rapports entre le Christianisme et le pouvoir politique au Kenya incite ~ chercher des cadres conceptuels dans les premieres cultures chretiennes occidentales. Ces societes ne connaissaient pas encore une dualite aboutie du tem- porel et du spirituel. Religion et politique se chevauchaient, se heurtaient ou se confondaient parfois donnant lieu "

differents types de collaboration entre le clerc et le prince que J. Ellul a defini sommairement:

... a partir de Constantin, il y a eu association active de l'Eglise et du pouvoir politique. Celui-ci appuyait l'Eglise, la favorisait, aidait A son developpement, a ses entreprises, donnait un statut special et privilegie a ses membres, garantissait biens et personnes, mettait a son service le bras s6culier, acceptait ses conseils, la melait 6troitement A ses decisions et a ses deliberations, affirmait la v6rit6 absolue du christianisme. Mais, en contrepartie, I'Eglise devait etre un soutien du pouvoir. Elle devait associer le pouvoir A ses entreprises, elle 6tait son agent de propagande et devait supporter les ingbrences du pouvoir dans son domaine.... Ce n'etait jamais un partage 6gal: tant6t 1'Etat asser- vissait I'Eglise (comme dans le cas du cesaro-papisme) et tant6t l'inverse (1973, 33).

L'aventure chretienne de la fin de l'Antiquite est donc marquee par la mise en place de deux pouvoirs d'6gale importance et condamnes a vivre ensemble. Cette transaction collusive renvoie A un optimum de puissance: elle se construit aux depens de la societe civile qui peut se voir interdire de crier des espaces sociaux porteurs de ressources propres face aux acteurs politiques (corporation, stratifica- tion sociale. Les vevques kenyans caressent ce reve d'un neo-constantinisme. Ils refusent de se construire en espace parfaitement autonome, de vivre en dehors du champ politique. En 1987, le secrdtaire general de NCCK, le Rev. Samuel Kobia, estime que l'6glise "considere la politique comme partie integrante de notre tache; notre ministere doit refleter la politique, il doit la mediter" (The Weekly Review 2 octobre 1987).9 La faqon dont I'6glise doit s'impliquer dans les affaires de l'Etat prend la forme d'un "ministere prophetique du jugement" (Gitari 1988). A l'instar

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des prophetes Amos et J&remie, les Chretiens, "conscience de la societe, doivent denoncer les plaies sociales (institutional evils) comme l'apartheid, la corrup- tion...."'o Mais le r61e politique des Chretiens ne se limite pas a cela. Le journal revitaliste Beyond (octobre 1986, 5) rappelle que "le pouvoir ne peut que cor- rompre et deshumaniser. Dans ces conditions, la religion devient une force stabil- isatrice." L'glise n'est pas un contre-pouvoir mais l'institution qui "&quilibre" le regime. En contrepartie, le pouvoir se voit oblige (mais il y a tout interet) de conso- lider l'assise sociologique des eglises protestantes aux d6pens de ses concurrentes. Moi s'attaque plus particulibrement aux sectes. Depuis de 16but des annees 80, I'administration refuse d'enregistrer les nouvelles &glises independantes, dissuade les schismes (Maupeu 1988 - cette monographie de God Last Appeal Church offre un exemple de ces relations tendues avec l'administration locale). Le Registre des Societes annule r6gulibrement l'inscription de plusieurs 6glises. Ce ne sont pas les mouvements les plus recents et les moins structures qui sont vises. Ainsi, en novembre 1987, cinq organisations religieuses se voient contraintes de disparaitre. Quatre d'entre elles sont bien implantees et respectees dans leurs terroirs: les Temoins de Jehovah bien qu'inscrits depuis 1961, ont converti des Kenyans depuis les annees trente (Wilson 1973-74); The Evangelical Church of the Holy Morning Star est apparue en 1969; The East-African Israel Church (Ithanga Branch) est nee en 1958; mais surtout, la African Israel Church (dont les origines remontent a 1942) voit son diocese d'origine, la Province de Nyanza, supprime. L'Islam n'est guere loge A meilleure enseigne que les sectes. Meme sur la c6te, I'6ducation religieuse dispensee dans l'enseignement public traite rarement de l'Islam. Manque d'enseignants musulmans affirme le gouvernement. En octobre 1987, une reunion islamique est annulee car les pricheurs "were expected to criti- cise Christianity" (The Weekly Review, 6 novembre 87, 20; 13 novembre 87, 15; Africa Research Bulletin [Political Series] 24, no. II [15 d6cembre 1987, 8704B). Les 6glises ind6pendantes et l'Islam sont les grands perdants de cette expdrience de n6o-constantinisme.

Mais cette coalition des Chr'tiens et du pouvoir ne dure guere car Moi pr6fbre le module du cesaro-papisme. II aime cette association d'une 6glise forte et d'un chef de l'Etat 6lu de Dieu. Ce m6lange tend A donner un optimum de legitimit6 puisqu'il personnifie la victoire permanente de la Vfrit6 sur l'Erreur. Cette con- ception s'&carte de celle des Protestants (clerg& mais 6galement politiciens liUs aux 6glises) dans la mesure oif le Pr6sident du Kenya revendiquerait ais6ment la predominance sur I'appareil religieux."

Concr&tement, neo-constantinisme et c'saro-papisme ne se distinguent qu'en pbriode de crise. Lorsque les eglises et l'exbcutifne s'accordent plus sur les grands principes de la politique A mener, le C'sar arbitre et son avis pr'vaut dans la resolu- tion du conflit. Un Constantin, au contraire, ne peut rester au dessus de la mlee. Il se voit contraint de negocier. Dans la conjoncture kenyane, le REA se montre

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peu dispos6 a tolbrer certaines alliances du r6gime de Moi et oblige les Protestants A se d6solidariser du regime lors de l'affaire du "queuing."

Les limites des mobilisations politiques du Reveil Est-Africain Le d6bat sur la proc6dure electorale a oppose le gouvernement aux eglises protes- tantes. Mais les mass-media n'ont retransmis que les opinions de quelques leaders

religieux: essentiellement trois evfques anglicans (Mgr. Okullu, Mgr. Gitari et Mgr. Muge) et un pasteur presbyterien (le Rev. Njoya). Ces quatre prelats ont

longtemps sbjournm 6 l'6tranger pour leurs 6tudes (trois d'entre eux sont docteurs en theologie). Ils ont travaill6 pour des institutions internationales qui rassemblent

plusieurs 6glises protestantes: Gitari a collabor6 au Pan African Fellowship of

Evangelical Students (extension africaine de la Cambridge Inter-Collegiate Chris- tian Union [CICCU]) puis A la Bible Society of Kenya; ses liens avec World Vision lui permettent de recevoir une aide financiere importante pour son diockse. Okullu a v6cu en Ouganda oiu il s'occupait notamment des relations entre les

6glises protestantes et catholiques; il a dirig6 A plusieurs reprises NCCK et appar- tient au Conseil Mondial des Eglises qui regroupe les eglises protestantes les plus importantes. Muge et Njoya ont des liens moins evidents avec les assembl6es pro- testantes internationales mais voyagent beaucoup dans les pays occidentaux. Ils sont eux aussi connus comme des "jet-set bishops." Les journalistes ne

s'intiressent qu'a ces pasteurs A la dialectique brillante et A la langue bien pendue. Mais le journal Beyond, financ6 par NCCK et interdit de publication en 1988, rap- pelle qu'ils ne font qu'exprimer les positions definies lors des assembl6es de NCCK ou des reunions du REA. Les "sauves" jouent un r1le primordial dans ce d6bat sur le type d'elections necessaire au Kenya. Un rappel des caractbres des pr6c6dentes mobilisations politiques du REA aide a comprendre la position de ce groupe religieux dans le champ politique kenyan. Il convient d'analyser la port6e des actions politiques de ce mouvement protestant mime s'il se montre incapable de faire modifier la procedure 6lectorale adoptee par la KANU.

La croisade du peuple de J6sus En cinquante ans d'existence au Kenya, le REA fut mil1 aux &venements poli- tiques les plus importants du pays. L'attitude de ce groupe vis A vis de la r6forme 6lectorale est largement conditionnee par son patrimoine politique acquis durant les d6cennies pr6cedentes.

Le REA apparait au Rwanda et dans l'ouest de l'Ouganda au debut des annees trente. Trbs vite, Joe Church, l'evang6liste initiateur du r6veil, incite son frbre, le Rev. Howard Church, g faire connaitre le mouvement rwandais dans la r6gion Kikuyu oin il travaille. En avril 1937, un meeting revitaliste est organis g Kabete. La philosophie politique du REA kenyan est profondement marquee par l'expbri- ence de deux crises qui ont secou& le christianisme kikuyu.

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Le premier traumatisme apparait avant que le REA n'atteigne le Kenya. A la fin des

annres vingt, des missionnaires protestants essaient d'interdire la clitoridec-

tomie dans la Province Centrale. La plupart des fideles de ces 6glises quittent les missions. Une importante 6glise ind6pendante, I'African Independent Pentecos- tal Church, est alors creee. Cette "crise de la circoncision" occasionne le clivage "Kirore" (ceux qui restent au sein des missions) et "Aregi" (les fideles quittant les

6glises europeennes) (Murray 1974; Sandgren 1976). Ce conflit nous interesse dans la mesure ofi ce clivage Kirore / Aregi se perp6tue A l'6poque contemporaine. Ainsi que le montrent David Sandgren (1976) et Kevin Ward (1976), les "Kirore" ont soutenu les Britanniques durant la r6bellion Mau Mau alors que nombre d'entre eux appartenaient au REA. Les "Aregi" au contraire ont rejoint les maquis Mau Mau. En 1969, aprbs l'assassinat de T. Mboya, les Kikuyu ont organis6 une vaste prise de serment afin de soutenir Kenyatta. Encore une fois, le clivage Kirore/Aregi est apparu. Plusieurs "Kirore" se rcfusant a cette c6r6monie paYenne ont et6 tues.

Le rejet par les Chretiens de l'iddologie Mau Mau ne tient pas seulement a

l'expbrience de la "crise de la circoncision." Durant l'6tat d'urgence, le REA fait son entr6e sur la scene politique kenyane. A cette 6poque, le REA abandonne sa contestation du milieu missionnaire et s'intugre a l'6glise. Du fait des menaces qui pesent sur leur personne, les missionaires blancs et les Africains les plus impor- tants dans la hibrarchie protestante se sont, durant l'6tat d'urgence, replies sur les

plus gros centres missionnaires, laissant libres ainsi de nombreux postes suppl66s alors par les revitalistes. Ces temps de crise fournissent des &preuves auxquelles sont pr6par6s des "sauv6s" qui doivcnt constamment "approfondir par leur croisade l'acceptation de Jesus Christ" (formule communiment employ6e par les revitalistes).

Le REA s'est implant6 sur l'ensemble du Kenya mais a d6velopp6 des modules de r'veil bien differcnts selon les r6gions. Ainsi, chez les Luo, le r6veil a d6g'n're en schisme. Du point de vue id6ologique, un 16galisme rigide qui exige une conver- sion spirituelle retranchant les fiddles du monde laique caract'rise le r'veil luo. Les "sauv6s" kikuyu se sont au contraire pleinement investis dans la vie politique et economique de leur district et de Icur nation. Ils ont 6labor6 une th6ologie lib'rale qui leur permet d'l1argir leur assise sociale. Ce mouvement est souvent

accompagn6 par une progression 6conomique sensible de ses membres. Apres la crise Mau Mau, le module kikuyu devient heg6monique au sein du reveil kenyan. La capacit6 pr6coce des Kikuyu a s'emparer de positions de pouvoir au sein des missions leur permet de cr6er une 6glise revitaliste et d'imposer leurs vues doctri- nales a l'ensemble du mouvement (notamment, lors du rejet dans les ann6es soix- ante des dons charismatiques).

Le REA s'est principalement illustr6 a l'occasion de deux 6vinements poli- tiques: A l'apoque de la crise Mau Mau, puis en 1969 quand les Kikuyu ont pr&te serment de fidelite ia Kenyatta. L'analyse des actions des "sauves" conduit a

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degager les caracteres suivants. Ces chretiens respectent strictement leur doctrine pacifiste. Ils s'engagent politiquement par une mobilisation reactive. Leur attitude politique consiste en un rejet de doctrines opposees ~ leurs ideaux. La structura- tion de leur mouvement leur permet alors de participer A des actions organisees. Cette dynamique fut facilitee du fait que la plupart des sauves n'ont pas rejoint les villages crdes par les Britanniques durant I'etat d'urgence. Ils ont pref&re former autour des missions des cites chr&tiennes a l'acart qui rappellent les d6buts de l'vangelisation du pays. Chaque matin, ils quittent ce refuge pour se rendre dans les ecoles de brousse dont la charge leur incombe.

Dans les annees cinquante, les chretiens se sentent menaces par une doctrine Mau Mau qui renie leur religion mais 6galement le statut social qu'ils ont acquis dans la societe Kikuyu. La mobilisation protestante de 1969 ne s'explique pas seulement par les caractbres pai'ens que la prise de serment revit. Les 6glises ont vu dans le serment d'unite des Kikuyu un rappel de l'epoque Mau Mau et une attaque contre les positions prises par les missions durant cette guerre civile. Cet "1vdnement-traumatisme" reste tres vivace et sensible dans les memoires des chretiens.

L'abandon du nbo-constantinisme La chute de C. Njonjo en 1983 offre l'opportunit ~a quelques vieux politiciens kikuyu de revenir sur le devant de la scene. Dans le district de Nyeri, W. Kanja, qui avait paye son hostilit ~A l'Attorney General par un sbjour en prison, reorganise les associations d'anciens combattants Mau Mau et reunit autour de lui une alliance heteroclite de notables. En 1986, ce nouveau "big man" organise des meetings oui est celebree la guerre d'independance menee dans les annees cinquante. Les anciens soldats rappellent qu'ils n'ont gubre recueilli les fruits de leurs efforts. Bien vite, ce mouvement revele son veritable objectif: briser l'hegemonie dans le district de la faction du Vice-President M. Kibaki. Grice au vif soutien de l'administra- tion, le groupe de W. Kanja remporte les elections de 1988 (seul Kibaki sauve son si&ge dans la circonscription d'Othaya). Le reveil de la sensibilite Mau Mau s'effectue egalement dans le district de Nakuru. A la fin du regime de Kenyatta, la region etait contrilee par la faction Ngwataniro du nom d'une enorme cooperative qui drainait les economies de plus de vingt mille paysans. Afin de demanteler le pouvoir de ce groupe trop lie aux factions proches du Mzee, le President Moi nouvellement elu a favorise trois hommes politiques qui avaient souffert du regime precedent, K. Chotara, F. Kubai et M. Mwithaga. Tres vite, K. Chotara dame le pion aux deux autres en diffusant une ideologie populiste soulignant les souf- frances endurees par les Mau Mau. De 1980 a sa mort en 1988, il reste le pivot de la vie politique du district. "2

Le REA se sent doublement meurtri par ces mobilisations politiques dans les regions de Nyeri et de Nakuru. Le Reveil, du fait de son engagement dans les evenements politiques les plus importants de la Province centrale, a contribue A

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l'nonciation de l'identite kikuyu dans sa forme contemporaine. Ses fid&les peu- vent difficilement tolerer les manoeuvres de Kanja et Chotara destinees ~ desta- biliser l'influence politique de leur communaute ethnique en faisant chuter les hommes politiques kikuyu les plus puissants. Ces agissements deviennent d'autant plus inacceptables quand ils mettent en oeuvre, sous la houlette du

gouvernement, une resurgence des associations d'anciens combattants Mau Mau. Ce rappel de l'ideologie Mau Mau donne lieu A une campagne de presse dans les journaux protestants, campagne qui rappelle les souffrances endurees par les

chrdtiens durant cette periode. Tous les eveques kikuyu soulignent l'ambiguite de ces associations d'anciens combattants et demandent A leurs ouailles de ne pas s'acoquiner avec eux. La virulence de cette reaction amine les groupes Mau Mau A devenir plus discrets. La KANU decide alors d'annoncer sa reforme 'lectorale. Les memes 6veques kikuyu continuent a entretenir la pression de leurs troupes en

attaquant cette fois le nouveau type de scrutin. Tres vite, le mouvement touche l'ensemble du pays. Cependant, i'enjeu n'est plus le meme qu'au debut de l'annee. Le Rev. Gideon G. Ireri (Mount Kenya East) exprime l'opinion d'un cer- tain nombre de fideles quand il condamne la nouvelle procedure electorale mais affirme que la situation n'est pas comparable a celle de 1952 ou 1969 car "la selec- tion des candidats aux elections legislatives n'est pas un choix entre le bon et le mauvais. C'est le choix de candidats qui appartiennent au mime parti et soutien- nent la m me constitution du parti" (Beyond, October 1986). Le debat sur le mode

d'6lection reste un theme mobilisateur mais moins sensible que les ideologies Mau Mau.

Deux annees d'accrochages entre les pasteurs et le gouvernement n'empechent pas le parti unique de faire appliquer, lors des elections de 1988, sa procedure Clec- torale. L'extrime modestie de la participation 6lectorale a permis de constater que les consignes d'abstention de vote ont bien fonctionn&. Un tiers des 6lecteurs de 1983 ne se sont pas rdinscrits sur les listes 6lectorales. Lors des "primaires" oii les membres du KANU devaicnt d6signer les candidats aux 6lections legislatives, 20% seulement de l'Mlectorat s'est d6plac'6 A Nairobi. La KANU a sauv6 la face en ne capitulant pas devant les eglises mais elle a organis' des elections ridiculement peu representatives. Certes, lors des 6lections de 1983 le taux de participation avait

d6ji baiss6 mais le scrutin de 1988 a accentu ce processus de degradation. Le mbcontentement a l'6gard du r6gime s'est transformd en d'saffection vis a vis du systeme.

Le relatif succes des Protestants ne doit pas faire oublier les limites de leurs mobilisations. Les eglises semblent aujourd'hui se desengager du champ politique kenyan et seraient ~ nouveau tentees par le rive des Cites de Dieu qu'elles avaient recre'es durant la crise Mau Mau. Mais si ce theme est de plus en plus repris dans les sermons, tout le monde admet le caractere utopique de cet espoir. L'abandon du neo-constantinisme mutile l'ideologie du Christianisme kenyan d'un aspect ancien et profond. Ce rejet ne peut pas faire l'unanimite. Cela explique que

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l'Africa Inland Church et la Gospel Furthering Church aient quitte NCCK et que les Presbyteriens emettent des doutes sur l'evolution de cette federation des eglises. L'unite des communautes protestantes qui demanda tant d'efforts pour se realiser semble aujourd'hui chancelante. Les chretiens ne presentent pas pour autant une grave menace de destabilisation du regime politique. Les eglises n'entretiennent pas une theologie de la liberation capable d'engendrer une revolu- tion. Bien au contraire. Le Kenya souffre d'une absence de doctrine alternative A la politique proposee par le gouvernement. Ce ne sont pas les eglises qui comblent ce vide.

Notes

I Notamment Beyond, October 1986, The Weekly Review les numbros de avril, aouit et septem- bre 1986, 2 janvier 1987, 23 janvier 1987, 3 avril 1987, 24 avril 1987, 12 juin 1987, 3 juillet 1987, 28 aoit 1987, 4 septembre 1987, 2 octobre 1987, 7 octobre 1987, 29 avril 1988.

2 Cela conduit le r6gime autoritaire de Moi A laisser une fraction de l'~lite du pays condamner des aspects importants de sa politique. Ce qui est permis aux repr6sentants des institutions chretiennes n'est guere tolr6e de la part des autres groupes sociaux. Le gouvernment s'est d6barrasse sans piti6 de l'opposition marxiste. Le pouvoir a purge l'universite de ses enseig- nants "radicaux" (en 1982, cinq membres de l'Universit6 de Nairobi sont arret6s; dans les mois qui suivent, cinq autres partent en exil).

Le President Moi fait peser sur cette opposition de gauche une pression constante. En 1986, un fantomatique Mouvement Mwakenya de mouvance marxiste est d6nonc6. Des citoyens sont rtgulibrement arr~tes et condamn6s pour possession de litterature s6ditieuse. Mais rien n'est jamais devoilI du contenu de ces ouvrages. En 1988, un homme d'affaires de Nakuru accuse Raila Odinga (le fils de l'ancien Vice-President du Kenya) de diriger un Mouvement R6volutionnaire du Kenya (KMR) qui recruterait d'anciens soldats impliqu6s dans la tentative de coup d'Etat de 1982 afin de les former en Lybie a la guerilla (The Weekly Review 9 juin 1989 notamment).

Apres avoir m6nage les heritiers de l'opposition Kenya People's Union (KPU) en leur offrant des postes A la tate d'entreprises publiques, Moi les a exclus de la scene politique dks que son pouvoir fut suffisamment consolid6. Les elections furent regulierement utilisees afin de se d6barrasser des factions qui gravitaient autour de la famille Kenyatta, des soutiens de Njonjo, des derniers radicaux (Charles Rubia, Laurence Sifuna, Martin Shikuku, Mwashengu wa Mwashofi).

3 Il faut savoir qu'en 1972, plus de 66.2% des Kenyans 6taient chr6tiens: 28% se disaient catholiques; 14.7% protestants (des anciennes missions britanniques et ambricaines); 14.6% appartenaient

' une eglise independante; 6.6% 6taient anglicans et 2.2% orthodoxes. Toujours selon les statistiques du Kenya Churches Handbook (1973), 6.6% des Kenyans etaient de confession musulmane (pour une discussion de ces chiffres, voir Constantin 1983).

4 Cela n'a gutre empech6 le r6gime de Kenyatta d'user de violence quand le parti se montrait incapable de se d6barrasser des hommes politiques les plus dangereux. Est-il necessaire de rappeler l'assassinat en 1975 du d6put' "populiste" J. M. Kariuki?

5 Le reveil est une forme religieuse aux caracteres bien pr6cis que l'on rencontre essentielle- ment dans les 6glises protestantes. Mais en Afrique de l'Est, les Catholiques Romains sont igalement touches a travers les "groupes charismatiques" qui, de l'avis du Pere Joinet (entre- tien 1986) semblent particulibrement implant6s au Kenya ainsi qu'en Tanzanie.

Catherine Robins (1979, 193) d6finit le REA par ses normes et valeurs:

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Operant au sein de l'eglise transplantee, ce mouvement religieux manque de formes organisationnelles d6finies. Des lors, il doit &tre d6fini en termes de pratiques et de croy- ances. Le fait religieux central dans la vie d'un "frere" revitaliste est l'exptrience de la conversion ou de l'acceptation de Jesus Christ comme "sauveur de sa personne." Etre sauve n'est pas un acte de volont6 mais plut6t une experience. Cependant, elle est acces- sible seulement a ceux qui sont prets a la recevoir et qui se repentent de leurs pech6s. Tant d'un point de vue religieux que social, la conversion concretise une nouvelle identit&.... De tous, on attend que la conversion soit suivie par un mode de vie respectant les normes rigides de la communaut6 revitaliste. en l'absence de recommandations bibliques claires dans de nombreux domaines de la vie quotidienne, on a recherche les regles de comporte- ments dans une synthese de valeurs culturelles indigines et des a priori 6vang6liques du XIXi'me siecle.

Il existe donc une sp6cificit6 theologique du REA que nous 6tudierons seulement dans la mesure oui elle 6claire une doctrine sociale. I1 semble cependant que les circonstances et les conditions de l'implantation de ce mouvement dans la Province Centrale du Kenya jouent un r6le important dans le type de mobilisation politique adopt6 par ces chr6tiens.

6 11 est significatif que la plupart des 6veques Kikuyu actuels ont, A un moment ou a un autre, travaill6 sous les ordres de Mgr. Langford-Smith (longtemps rest6 a la tate du diocese de Nakuru), qui fut un des pasteurs ayant le plus contribu6 a la diffusion du REA dans la Prov- ince Centrale du Kenya. Ainsi, Mgr. Kuria, qui dirige l'6glise anglicane au Kenya, fut son

eveque-assistant, John Mahiaini (aujourd'hui 6veque de Mount Kenya Central) a porte le titre de Provost de la Cathedrale de Nakuru. George Njuguna (actuellement 6veque de Mount Kenya South) a 6galement longtemps travaill6 dans le diocese de Nakuru.

Cette appartenance au REA n'empeche pas des heurts avec la hibrarchie du reveil (par exemple, Mgr. Gitari (Mount Kenya East Diocese) contestera publiquement certains aspects de la theologie du pouvoir des "sauv6s"). L'&lite de l'Eglise ne se confont pas neces- sairement avec celle du REA.

7 Je remercie Jean-Frangois Medard, qui en 1985 (alors qu'il dirigeait le CREDU-Nairobi oui je travaillais) a attire mon attention sur l'importance du theme de n6o-constantinisme dans le discours des protestants kenyans.

8 La d6finition du constantinisme que le prelat retient ne correspond pas A notre conception du n6o-constantinisme. Cette intervention de l'eveque nous interesse dans la mesure oii elle exprime des craintes justifices sur l'evolution d'un rapprochement des 6glises et de l'Etat.

9 En 1977 deji, l'assemblee annuelle de NCCK faisait la declaration suivante: "L'6glise tant la conscience de la nation, devrait enseigner et sauvegarder les valeurs intrinseques des per- sonnes ...."

io D. arap Moi, meeting of General Secretaries at St. Thomas Aquinas Seminary, July 1977. ii Cette volonte revit plusiers formes: l'interdiction de la revue financee par NCCK, Beyond;

Moi appartient a une petite eglise, I'African Inland Church (issue d'une mission financee par des sectes americaines fondamentalistes et qui s'est implant6e au Kenya au debut du si6cle; il est bien connu que le President aide cette eglise de ses deniers mais aussi de ses conseils eclairds). Le chef de l'Etat occupe dans le christianisme kenyan une place a part qui lui per- met de juger les ev~ques. Moi manipule avec habilete le langage du REA; Mgr. Muge est accuse de mentir aux Kenyans quand il parle d'une famine dans son diocese (The Weekly Review 22 janvier 88; 17 juin 88; 24 juin 88); il est demand6 A Mgr. Gitari de confesser les raisons de son voyage au Canada (on apprendra plus tard que l'6vique a rencontr6 dans ce pays des r6fugiis politiques kenyans) (The Weekly Review i9 mai 89).

12 J. Karimi and P. Ochieng 1980; David W. Throup 1987; Beyond May 1986; The Weekly

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Review, 02 janvier 87, 4-5; 03 juillet 87, 3-9; 22 janvier 88, 7; 12 f6vrier 88, 6-15; 25 mars 88, 13; io juin 88, 4-7; 16 septembre 88, 4-7, I2; 23 septembre 88, 4-10o; or janvier 88, 21; 15 jan- vier 88, 7-16; 25 mars 88, 7.

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