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Actualités pharmaceutiques n° 522 janvier 2013 15 Mots clés • Anticoagulant • Fluindione • Héparine non fractionnée • Phlébite • Thrombose veineuse profonde Keywords • Anticoagulant • Deep Vein Thrombosis • Fluindione • Phlebitis • Unfractionated heparin Une ordonnance de sortie hospitalière post-phlébite Une ordonnance de sortie hospitalière post-phlébite, comportant à la fois une héparine non fractionnée administrée dès l’admission de la patiente à l’hôpital et de la fluindione prescrite en relais ambulatoire, nécessite une vigilance quotidienne accrue. Le suivi biologique est indispensable pour adapter le traitement. Certains aliments et médicaments seront également à surveiller pour prévenir tout risque hémorragique ou thrombotique. A postphlebitic syndrome hospital discharge prescription . A postphlebitic hospital discharge prescription, including both an unfractionated heparin administered on admission of the patient to the hospital and fluindione prescribed in the outpatient’s department, require increased daily monitoring. Biological monitoring is essential in adjusting the treatment. Certain foods and medicines should also be monitored to prevent any thrombotic or haemorrhagic risk. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Françoise COUIC MARINIER commentaire ordonnance © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2012.11.014 L a thrombose veineuse pro- fonde, plus couramment appelée phlébite, correspond à une obstruction par un thrombus (caillot de sang) du réseau veineux profond au niveau des membres inférieurs. En France, il serait dénombré de 25 à 30 000 phlébites par an. Par ailleurs, elles seraient à l’origine de 20 000 décès par embo- lie pulmonaire. Profil de la patiente La patiente, M me Rachida Dusen, est une femme âgée de 65 ans, retraitée, mesurant 1,60 m pour 95 kg. Elle est mariée et mère de 7 enfants. Elle accepte les génériques. Antécédents pathologiques La patiente souffre depuis 7 jours d’une phlébite au niveau du mollet droit. Historique médicamenteux De la Calciparine ® a été prescrite après l’admission à l’hôpital de M me  Dusen pour phlébite. Afin d’amorcer un relais de l’hépa- rine non fractionnée, du Préviscan ® a été mis en place deux jours plus tôt. Recevabilité de l’ordonnance L’ordonnance émane d’un médecin spécialiste. Elle est datée signée, recevable et non renouvelable car la patiente sera suivie par son prati- cien hospitalier encore quelques semaines (figure 1) . Le dosage de Doliprane ® n’étant pas précisé, il sera délivré le plus petit dosage adulte, soit 500 mg sous la forme galénique choisie par la patiente. Figure 1. Ordonnance de sortie hospitalière post-phlébite. © DR

Une ordonnance de sortie hospitalière post-phlébite

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Page 1: Une ordonnance de sortie hospitalière post-phlébite

Actualités pharmaceutiques

• n° 522 • janvier 2013 • 15

Mots clés• Anticoagulant

• Fluindione

• Héparine

non fractionnée

• Phlébite

• Thrombose veineuse

profonde

Keywords• Anticoagulant

• Deep Vein Thrombosis

• Fluindione

• Phlebitis

• Unfractionated heparin

Une ordonnance de sortie hospitalière post-phlébiteUne ordonnance de sortie hospitalière post-phlébite, comportant à la fois une héparine

non fractionnée administrée dès l’admission de la patiente à l’hôpital et de la fluindione

prescrite en relais ambulatoire, nécessite une vigilance quotidienne accrue. Le suivi

biologique est indispensable pour adapter le traitement. Certains aliments et médicaments

seront également à surveiller pour prévenir tout risque hémorragique ou thrombotique.

A postphlebitic syndrome hospital discharge prescription . A postphlebitic hospital discharge prescription, including both an unfractionated heparin administered on admission of the patient to the hospital and fluindione prescribed in the outpatient’s department, require increased daily monitoring. Biological monitoring is essential in adjusting the treatment. Certain foods and medicines should also be monitored to prevent any thrombotic or haemorrhagic risk.

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

Françoise COUIC

MARINIER

commentaire

ordonnance

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2012.11.014

L a thrombose veineuse pro-fonde, plus couramment appelée phlébite, correspond

à une obstruction par un thrombus (caillot de sang) du réseau veineux profond au niveau des membres inférieurs. En France, il serait dénombré de 25 à 30 000 phlébites

par an. Par ailleurs, elles seraient à l’origine de 20 000 décès par embo-lie pulmonaire.

Profi l de la patienteLa patiente, Mme Rachida Dusen, est une femme âgée de 65 ans, retraitée, mesurant 1,60 m pour 95 kg.

Elle est mariée et mère de 7 enfants. Elle accepte les génériques.

Antécédents pathologiquesLa patiente souffre depuis 7 jours d’une phlébite au niveau du mollet droit.

Historique médicamenteuxDe la Calciparine® a été prescrite après l’admission à l’hôpital de Mme Dusen pour phlébite. Afin d’amorcer un relais de l’hépa-rine non fractionnée, du Préviscan® a été mis en place deux jours plus tôt.

Recevabilité de l’ordonnanceL’ordonnance émane d’un médecin spécialiste. Elle est datée signée, recevable et non renouvelable car la patiente sera suivie par son prati-cien hospitalier encore quelques semaines (figure 1). Le dosage de Doliprane® n’étant pas précisé, il sera délivré le plus petit dosage adulte, soit 500 mg sous la forme galénique choisie par la patiente.Figure 1. Ordonnance de sortie hospitalière post-phlébite.

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Actualités pharmaceutiques

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ordonnancecommentaire

Questions préalables indispensables« Prenez-vous d’autres traitements (même en automédication) ? » Réponse : « Non, je ne prends que des plantes. » « Prévoyez-vous dans les semaines à venir une intervention chirurgicale ou une extraction dentaire, des soins podologiques [anticoagu-lants] ? » Réponse : « Non. » (En cas de réponse positive à cette ques-tion, il faut prévenir les spécialistes concernés.)

Analyse du traitement F Calciparine® : héparine non

fractionnée (sel calcique). F Doliprane® : le paracétamol,

aussi appelé acétaminophène, doit son nom à la contraction de para-acétyl-amino-phénol. Il appartient à la classe des antalgiques antipyré-tiques non salicylés. Le mécanisme d’action complet du paracétamol reste inconnu plus d’un siècle après sa découverte, en 1889, par l’Alle-mand Karl Morner.

F Préviscan® : la fluindione est un anticoagulant qui appartient à la famille des antivitamines K (AVK). Les AVK ont un effet anticoagulant indirect en empêchant la synthèse

des formes actives de plusieurs fac-teurs de la coagulation. En administration per os, l’hypo pro-throm binémie est obtenue dans les 36 à 72 heures. En effet, la demi-vie des facteurs de la coagulation dépendant de la vitamine K est variable, de 6 heures à 2 ou 3 jours. Ainsi, le traitement sera équilibré après plusieurs jours, l’action anticoa-gulante pouvant persister 3 à 4 jours après l’arrêt du traitement.

Eff ets indésirables F Calciparine® : troubles sanguins

(hémorragies), parfois douleur et nodule au point d’injection, réaction allergique, et, rarement, ostéo-porose (dans le cadre des traite-ments de longue durée).

F Préviscan® : en général, signes de surdosage (signes d’alerte nécessitant une orientation chez le médecin), voire réaction allergique (diarrhée).

F Doliprane® : éruption, rougeur cutanée et atteinte hépatique.

Signes d’alerte nécessitant une orientation chez le médecin traitantIl faut absolument adresser la patiente au médecin traitant si elle évoque des symptômes nouveaux à type de : saignements (des gen-cives, du nez), œil rouge, toute ecchymose inexpliquée, tout sai-gnement ou toute trace de sang dans les urines, les expectorations, les selles, les vomissements ou ou tout autre symptôme d’atteinte des lignées sanguines et plaquettaires, mais aussi douleurs abdominales, fièvre ou malaise persistants (Calci-parine®, Préviscan®).

Suivi du traitement et adaptation posologique

F Numération formule san-

guine (NFS) : numération des pla-quettes.

F Temps de Quick : il permet d’explorer les facteurs II, VII, X qui

sont déprimés par les AVK  : l’Interna tional normalized ratio (INR) est un mode d’expression du temps de Quick qui tient compte de la sen-sibilité du réactif (thromboplastine) utilisé pour réaliser le test. L’INR, dans le cadre de la prise en charge de la phlébite, est de 2,5. Un INR supérieur à 5 est associé à un risque hémorragique.

F Rythme des contrôles biolo-

giques :

• le premier contrôle doit s’effec-tuer dans les 48 +/- 12 heures après la première prise d’AVK, pour dépister une hypersensibilité individuelle ;

• le deuxième contrôle se réalise en fonction des résultats du premier INR pour apprécier l’efficacité anticoagulante (selon les cas, entre 3 à 6 jours après la première prise) ;

• les contrôles ultérieurs doivent être pratiqués tous les 2 à 4 jours jusqu’à stabilisation de l’INR, puis avec un espacement progressif jusqu’à un intervalle maximal de 1 mois ; l’équilibre du traitement n’est parfois obtenu qu’après plu-sieurs semaines ;

• après un changement de poso-logie, le premier contrôle doit être réalisé 2 à 4 jours après la modifi-cation, puis les contrôles doivent être répétés jusqu’à stabilisation tous les 4 à 8 jours. F Relais de l’héparinothérapie :

en raison du temps de latence de l’action anticoagulante des AVK, l’héparine doit être maintenue à dose inchangée pendant toute la durée nécessaire, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’INR soit situé dans la zone thérapeutique recherchée 2 jours consécutifs.

Médicaments d’automédication à proscrire avec ce traitement

F Les anti-inflammatoires non

stéroïdiens (AINS), comme l’ibu-

profène, et l’aspirine doivent être

La phlébite se manifeste notamment par une douleur d’intensité variable au niveau du mollet.

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Actualités pharmaceutiques

• n° 522 • janvier 2013 • 17

Déclaration d’intérêts :

l’auteur déclare ne pas avoir

de confl its d’intérêts en relation

avec cet article.

L’auteurFrançoise COUIC MARINIERDocteur en pharmacie,

201 avenue du Général-

Leclerc, 54000 Nancy, France

[email protected]

commentaire

ordonnance

proscrits du fait de la prescription, ici, de deux anticoagulants.

F Les spécialités disponibles

contenant du paracétamol étant nombreuses, il faut vérifier systéma-tiquement, avant leur prise, la pré-sence de paracétamol pour éviter un surdosage qui pourrait s’avérer grave.

F Tout t ra i tement (même

homéopathique jusqu’à 4 CH) à

base de millepertuis, inducteur enzymatique qui va réduire au bout d’une dizaine de jours l’efficacité de l’ensemble des traitements de la patiente, doit être évité.

F Certaines plantes à visée cir-

culatoire anticoagulante conte-

nant du salicylate de méthyle

peuvent avoir un effet fluidifiant san-guin non négligeable.

Chronobiologie du traitement (sauf indication médicale contraire)Le médecin n’indique pas, sur l’or-donnance, les moments de prise. Ce sera donc au pharmacien de les préciser à la patiente.

F Calciparine® : une injection par jour, à réaliser de préférence le matin ou à l’heure d’administration en milieu hospitalier.

F Préviscan® : la posologie est strictement individuelle et liée aux

résultats de l’INR. Les comprimés doivent être pris avec de l’eau, durant le repas du soir, et à heure fixe. Il est important que le carnet de suivi soit rempli régulièrement par la patiente.En cas d’oubli : une prise oubliée ne peut être rattrapée que dans un délai de 8 heures. Au-delà, la prise suivante sera prévue le lendemain, à l’heure et à la dose habituelle. Il est important de noter l’oubli dans le carnet de suivi.

F Doliprane® : le dosage n’est pas précisé. Il doit être conseillé une forme à 500 mg, à prendre 3 à 4 fois par jour et à renouveler, si besoin, toutes les 4 heures minimum.En cas d’oubli : si l’oubli date de moins d’une heure, la patiente doit prendre la dose habituelle. Au-delà, elle devra attendre la prochaine prise et ne pas doubler la dose.

Ce qu’il ne faut surtout pas oublier de dire à la patiente

F Le traitement ne doit jamais

être arrêté sans avis médical. F L’observance est indispen-

sable : il faut prendre tous les médi-caments, même en l’absence de symptômes.

F Les analyses biologiques doi-vent être effectuées, tel que prévu, très régulièrement.

F Avant toute prise de sang, l’in-firmière doit être prévenue de la prise d’anticoagulants par la patiente.

F Avant tout soin infirmier, podo-

logique, dentaire ou tout examen

invasif, la prise d’anticoagulants doit toujours être signalée par la patiente.

Conseils associésIl est important, dans ce contexte, que la patiente consomme de manière régulière les aliments contenant de la vitamine K : choux (verts ou non, brocolis et chou-fleur), légumes à feuilles vertes (épi-nards, cresson, laitue, fèves, persil), ainsi que les navets, les tomates et les abats.Le traitement par AVK et héparine n’étant pas anodin, il est capital de donner un certain nombre de recommandations à la patiente :• respecter strictement la posolo-

gie et le moment de prise ;• toujours porter sur soi la carte de

traitement par AVK et remplir scrupuleusement le carnet de suivi du traitement ;

• respecter le calendrier des exa-mens biologiques (INR) et les faire réaliser systématiquement dans le même laboratoire ;

• connaître son INR cible et la démarche à suivre en cas d’INR non adéquat ;

• savoir comment stopper un sai-gnement bénin ;

• éviter les sports violents, de contact ou de combat (arts mar-tiaux, boxe, rugby...) et les travaux comportant des risques de chute, de traumastisme ou de blessure (VTT, roller...) ;

• demander l’accord du médecin avant toute injection intramuscu-laire, infiltration, extraction den-taire ou soin de pédicurie. w

La phlébite se manifeste par : • une douleur d’intensité variable au niveau du mollet avec augmentation du volume de celui-ci, due à la réac-tion inflammatoire que cela engendre et exacerbée par la flexion du pied, des crampes, une pesanteur, une sensation d’engourdissement ;

• une chaleur locale ; • un œdème ; • une fièvre légère (38 °C) ; • une sensation de malaise inexpliqué accompagnée d’angoisse.

Le stade de thrombophlébite confir-mée se manifeste par :

• des douleurs intenses et tenaces sur tout le membre inférieur qui irradient ;

• une fièvre ; • de la tachycardie ; • un œdème cylindrique (jambe dou-loureuse en poteau) ;

• un mollet devenu chaud, blanc, dur, qui ne prend pas le godet.

Comment reconnaître une phlébite ?