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UNE TERRE JOURNAL D’ INFORMATION DE PAIN POUR LE PROCHAIN N° 4-4 JANVIER 2012 DOSSIER PORTRAIT Le combat d’une Sénégalaise pour les femmes rurales La campagne « Droit sans frontières » bat son plein éVéNEMENT PLUS D’éGALITé, MOINS DE FAIM SEULE TERRE

Une seule terre N°4 - Janvier 2012

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Journal d'information de Pain pour le prochain. Plus d'égalité, moins de faim

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Page 1: Une seule terre N°4 - Janvier 2012

Une terreJournal d’information de Pain Pour le Prochain n° 4-4 Janvier 2012

Dossier

Portrait

Le combat d’une Sénégalaise pour les femmes rurales

La campagne « Droit sans frontières » bat son plein

événement

PluS d’éGalité, moinS de faim

seule terre

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Votez pour la femme qui fait battre votre cœur !A Rio de Janeiro une montagne s’élève vers le ciel, le « Corcovado ». Au sommet du « bossu » trône la statue du Christ Rédempteur. Les bras écartés, le Christ veille sur cette ville où les inégalités sociales cohabitent au quoti-dien. Mes yeux rivés sur le Corcovado, une analogie s’impose à moi : « homo incurvatus in se ipsum » – l’homme replié sur lui-même, « bossu ». Cette célèbre formule de Martin Luther désigne l’égoïsme de l’Homme qui croit uniquement en son propre pouvoir, sans Dieu ni maître.

En juin, les gouvernements du monde vont se réunir dans la métropole brésilienne pour la conférence des Nations unies appelée « Rio + 20 ». Au programme, le développement durable et l’avenir climatique de la planète. Il y a vingt ans, au célèbre « Sommet de la terre » de Rio, les dirigeants ont pris des engage-ments en faveur du développement durable, notion devenue célèbre depuis. Aujourd’hui, le bilan est mitigé. L’équilibre entre l’économie, le social et l’écologie a du plomb dans l’aile.

Que vont décider les hommes – et les femmes – d’État sous le regard bienveillant du Christ Rédempteur ? Vont-ils dépasser le stade des belles promesses et comprendre qu’il est urgent d’agir, dans un monde où les plus pauvres sont les premières victimes de la crise climatique ? La sécheresse dans la Corne de l’Afrique en est l’actualité la plus dramatique.

Pain pour le prochain sera à la conférence, dans le cadre du réseau européen APRODEV. Pour que les voix des populations victimes de la pauvreté et des dérèglements climatiques soient entendues, elles seront représentées à Rio par de nombreuses ONG.

Découvrez dans ces pages la possibilité d’envoyer une des six femmes « artisanes » du développement durable à Rio !

« Le royaume des cieux est comparable à du levain qu’une femme prend et enfouit dans trois mesures de farine » Matthieu, 13.33

Martina Schmidt, secrétaire romande de Pain pour le prochain

Les multinationales suisses commettent trop souvent de graves violations des droits humains et de l’environnement dans les pays en développement. Glencore, par exemple, a été accusée de pollution des cours d’eau en RDC, de déplacement de populations en Colombie et d’atteinte à la santé de cen-taines de personnes en Zambie. Nestlé a été pointé du doigt

pour avoir violé les droits syndicaux en Indonésie et en Russie et avoir fait travailler des enfants dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire. Trafigura a affrété le Probo Koala, un navire qui a déversé des déchets toxiques dans la banlieue d’Abidjan, provoquant la mort de dix-sept personnes. Une cinquantaine d’ONG suisses, dont Pain pour le prochain, ont lancé la campagne « Droit sans frontières », qui exige que les entreprises suisses soient obligées de prendre des mesures pour éviter les violations des droits humains et de l’environnement par leurs filiales ou fournisseurs à l’étranger. Signez la pétition en ligne sur www.droitsansfrontieres.ch

JUstiCe

Des entreprises suisses plus responsables – partout dans le monde

« L’heure la plus sombre vient toujours avant l’aube. Les crises multiples offrent l’opportunité de trouver de nouveaux modèles, inspirés de la déclaration sur le droit au dévelop-pement. » Cette affirmation de Tamara Kunanayakam, ambassadeur du Sri Lanka auprès de l’ONU, résume l’opinion

générale des participants à la journée organisée par Pain pour le prochain et Action de Carême pour célébrer les 25 ans de la déclaration. Les propos provocateurs de Johan Galtung, lauréat du Prix Nobel alternatif et d’Elisio Macamo, de l’université de Bâle, ont nourri des débats animés sur la nécessité de trouver des modèles de développement adaptés à un monde multipolaire, qui se départissent de celui axé sur la croissance, imposé par l’Occident.

anniversaire

Le droit au développement, plus actuel que jamais

Le Right Livelihood Award, plus connu comme Prix Nobel alternatif, sera décerné cette année à GRAIN, une ONG – soutenue par Pain pour le prochain – qui se bat pour les droits des petits paysans et la préservation de la biodiversité. Le Prix rend hommage à la lutte de GRAIN contre l’accaparement des terres. Sur son site www.farmlandgrab.org, notre parte-naire dénonce les 60 à 80 millions d’hectares de terres acquis

par des multinationales, des gouvernements étrangers et des fonds de pension dans les pays du Sud, menaçant le droit à l’alimentation. www.rightlivelihood.org

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Le Prix Nobel alternatif récompense la lutte contre l’accaparement des terres

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60 à 80 millions d’hectares de terres cultivables ont déjà été acquis dans les pays en développement – une menace au droit à l’alimentation.

en CHiffresPhoto de couverture :La campagne œcuménique 2012 vous invite à découvrir six femmes qui se battent avec courage contre la faim et le changement climatique.

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Parvenir à l’égalité entre femmes et hommes est l’une

des meilleures façons de lutter contre la pauvreté.

C’est aussi l’objectif de la campagne œcuménique

de Pain pour le prochain et Action de Carême, en

vue du Sommet « Rio + 20 » qui va consacrer le

concept d’économie verte – encore aveugle aux

besoins spécifiques des femmes.

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Dossier

PluS d’éGalité, moinS de faim

Selon la FAO, les femmes vivant dans les pays du Sud représentent 43 % de la main-d’œuvre agricole. Si elles avaient le même accès aux moyens de production que les hommes, elles pourraient augmenter les récoltes de leurs champs de 20 à 30 %. Ceci permettrait de réduire le nombre de personnes victimes de la faim dans le monde de 100 à 150 millions.

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industrialisée, orientée vers l’exportation – est le meilleur moyen de combattre efficacement la faim.

Le sommet qui se tiendra en juin de cette année à Rio pour faire le suivi des enga-gements pris en 1992 – connu comme « Rio + 20 » – va se concentrer sur un nouveau mantra, censé remplacer ou compléter – c’est selon – le développement durable : « l’économie verte ». Une idée lancée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) qui a calculé que, pour arrêter le réchauf-fement de la planète, il faudrait investir 2 % du produit intérieur brut mondial dans l’agriculture, la construction, l’appro-visionnement en énergie, la pêche, la sylvi-culture, l’industrie, le tourisme, le transport

et la gestion des déchets et de l’eau.

L’économie verte oublie les femmesBien que le concept soit encore flou, il est vu avec suspicion par les ONG, qui lui reprochent de ne pas intégrer l ’aspect d’égalité « genre », à savoir la prise en compte des besoins dif férenciés des hommes et des

femmes. Alors que le développement durable essaie de faire une synthèse, même difficile, entre économie, environ-nement et aspect social, l’économie verte néglige la durabilité sociale et donc les droits humains, dont ceux des femmes.

Mais rien n’est encore joué et le comité directeur des femmes de « Rio + 20 » ne baisse pas les bras : il demande de ne pas promouvoir seulement les secteurs agro-industriels dominés par les hommes, mais aussi les modes de production et transformation agricoles beaucoup plus pérennes et typiquement féminins. Pour cela, il faut allouer des fonds spécifiques aux activités des femmes et leur donner accès à une technologie de pointe durable. Sans oublier la valorisation du plus invisible des secteurs : l’économie des soins, terme qui désigne le travail non rémunéré effectué à 70 % par les femmes à la maison, avec les enfants et les personnes âgées.

Le Mouvement des paysannes brésiliennes est plus radical – il s’oppose carrément au modèle d’économie verte et au mélange de nouvelles technologies, solutions axées sur le marché et appropriation privée des biens communs qu’il prône. Au lieu de cela, ces paysannes proposent une approche de l’environnement basée sur l’être humain et ses droits. Elles demandent de préserver la biodiversité et d’assurer une gestion pérenne des ressources naturelles, réclament un cadre juridique pour protéger les semences traditionnelles et rejettent toute tentative de breveter les savoirs ancestraux liés aux plantes.

Faim, sécheresse, inondations… Si les calamités naturelles frappent sans dis-

tinction d’âge et de sexe, leurs conséquences sur les hommes et les femmes sont très différentes : sur presque un milliard de personnes souffrant de la faim dans le monde, près de 70 % sont des femmes. Ces dernières sont aussi particulièrement vulnérables aux changements climatiques, car elles ont un accès plus limité aux sys-tèmes d’alerte précoce, elles sont plus forte-ment exposées au paludisme pendant la grossesse et l’allaitement et, en tant que principales nourricières de la famille, plus dépendantes des ressources naturelles.

Or, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que le nombre de personnes souffrant de la faim pourrait être réduit de 100 à 150 millions si les pay-sannes avaient un meilleur accès aux moyens de produc-tion. Car, bien qu’elles produisent la majo-rité des denrées ali-mentaires dans les pays en développe-ment, elles possèdent moins de 10 % des terres arables et ont difficilement accès aux savoir-faire agri-coles, aux technologies et aux crédits. Et ce alors même que le renforcement durable des petites exploitations agri-coles – souvent gérées par la gente fémi-nine, les hommes étant surtout impliqués dans l’agriculture extensive et

Pour lutter contre la faim, il faut valoriser le travail non rémunéré effectué à 70 % par les femmes à la maison (Markus Amrein, PPP)

La faim et le changement climatique n’ont pas

les mêmes conséquences sur les hommes et

les femmes. Pour les combattre, il faut prendre

en considération les besoins et préoccupations

des deux.

Le renforcement des petites exploitations agricoles, souvent gérées par des femmes, est le meilleur moyen de lutter contre la faim.

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© Markus Amrein, Pain pour le prochain

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Lutter contre l’accaparement des terres et le changement climatiqueLes femmes s’organisent aussi en Colombie, où l’accaparement des terres est le triste corollaire de la guerre civile. Par les meurtres, les viols, la torture et le recru-tement forcé, des acteurs nationaux et internationaux obligent les familles de petits paysans et les communautés rurales à fuir leurs terres. Pain pour le prochain soutient l’organisation féminine ASOMUPAZ, qui aide les femmes entre-preneuses et productrices à subvenir elles-mêmes à leurs besoins. Au Bénin, nous soutenons le syndicat Synergie paysanne, qui forme les femmes à la culture biologique, la gestion du ménage et la résolution du conflit – sans oublier des cours d’alphabétisation.

La lutte contre le changement climatique exige aussi une approche sexo-spécifique. Sur l’île de Mindanao, aux Philippines, le Center for Empowerment and Resource Development (CERD), une ONG appuyée par notre partenaire œcuménique Action de Carême, a vu, dans le passé, ses projets détruits par l’augmentation de la durée et de l’intensité des précipitations. Dans cet archipel, les femmes ramassent les coquillages, une activité très affectée par

détruites à plus de 80 % le long des côtes pour faire place à la pisciculture, ont été placées sous protection et le poisson a augmenté de nouveau. La pêche de cer-tains crustacés a été interdite à des périodes données. Les femmes ont créé des banques alimentaires, des réserves de riz et des jardins potagers où elles cultivent des variétés particulièrement résistantes aux fortes pluies et à la sécheresse.

La faim et le changement climatique n’ont pas les mêmes conséquences sur les hommes et les femmes. Pour les combattre, il faut prendre en considération les besoins et préoccupations des deux. IA

Contrairement au terme « sexe », qui évoque les différences biologiques, le genre désigne les rôles et les concepts identitaires acquis, issus du contexte social et culturel, que l’on attribue au caractère féminin et au caractère

masculin. Ces concepts normatifs et ces rôles figés tirent leur origine de l’organisation sociale, économique, religieuse, juridique et politique de la société.

Or, pour Pain pour le prochain et Action de Carême, l’égalité entre les femmes et les hommes est une condition nécessaire pour lutter contre la faim et le changement clima-tique. Dans un monde où les postes clés économiques, politiques et religieux sont dominés par les hommes, nos œuvres d’entraide luttent contre les rôles stéréotypés et les inégalités de pouvoir, tout en aidant les hommes à définir leurs nouveaux rôles.

Concrètement, on peut intégrer les questions de genre de plusieurs façons : en établissant des budgets qui tiennent compte des besoins spécifiques des hommes et des femmes ; en prenant systématiquement en compte les

incidences différentes sur les sexes dans les négociations climatiques ; en associant les femmes aux décisions sur les mesures à prendre pour lutter contre le réchauffement de la planète ; en s’assurant que l’économie verte bénéficie à part égale aux deux sexes, ou encore en valorisant l’économie des soins et le travail dans les secteurs informel et de subsistance.

Pain pour le prochain et Action de Carême soutiennent des organisations locales, dans les pays en développement, qui essaient de donner aux femmes un accès fiable aux moyens de production et aux ressources telles que la terre, l’eau, les moyens de production, le savoir-faire et les crédits. Elles les aident aussi à améliorer leurs possibilités de transformation et de commercialisation. Au bout du compte, il s’agit de développer le pouvoir de négociation politique et social des hommes et des femmes à parts égales.

Bousculer des rôles figésQU’est Ce QUe Le Genre ?

Aux Philippines, la lutte contre le changement climatique est l’un des principaux défis. Elle exige une approche sexo-spécifique

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Dans un monde où les postes clés sont dominés par les hommes, Pain pour le prochain lutte contre les rôles stéréotypés et les inégalités de pouvoir.

sur presque un milliard de personnes souffrant de la faim dans le monde, près de 70 % sont des femmes

en CHiffres

les changements climatiques. Les pêcheuses et les enfants n’étant pas des catégories officiellement reconnues, ils ne bénéficient pas des aides publiques accordées aux pêcheurs, si bien que la pauvreté et la faim ont augmenté.

Un atelier séparé par sexes, mené par Pain pour le prochain, a mis en lumière l’importance de l’aspect genre : alors que le ramassage des coquillages représente 30 % des gains du ménage, les hommes ne l’avaient même pas mentionné, ne le considérant pas comme une source de revenu ! Dès lors le CERD aide les pêcheuses à s’organiser, protéger et gérer les ressources côtières. Les forêts de mangrove,

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P ain pour le prochain et Action de Carême soutiennent plusieurs projets

de lutte contre le changement climatique et la faim dans les pays en développement. Nous en avons retenu six, portés par autant

de femmes en Afrique, Asie et Amérique latine. L’engagement de toutes ces battantes nous passionne, mais hélas, une seule aura la possibilité d’aller le présenter à « Rio + 20 », le sommet sur le développe-ment durable qui va se tenir dans la métropole brésilienne en juin prochain. Laquelle ? A vous de choisir !

Etes-vous convaincu par la pugnacité de Rocio Bedoya, cette cheffe d’entreprise colombienne, elle-même déplacée par la guerre civile, qui a décidé de dire non à la misère en soutenant les femmes entre-preneuses pour qu’elles puissent subvenir toutes seules à leurs besoins ? Ou peut-

être vous sentez-vous plus proche de la cause de Lisete Aleixo, cette paysanne brési-lienne qui cultive ananas, noix de cajou et baies d’açai bio en pleine forêt vierge d’Amazonie pour ne jamais être obligée de quitter sa terre natale. A moins que votre cœur ne penche pour Natalie Tamo, jeune ingé-nieure agronome camerou-naise qui apprend aux paysans et paysannes à fabriquer du compost bio à partir de fumier animal – une façon de développer des synergies entre élevage et culture de la terre.

Ou alors est-ce le combat de Coumba Sall qui vous enf lamme ? Grâce à une formation en culture biolo-gique et élevage de volaille, cette petite paysanne séné-galaise a permis à tout un village de ne plus souffrir de la période de soudure, la saison des pluies qui va de juin à octobre. C’est le moment où rien ne pousse et lors duquel les paysans qui n’ont pas de sources alternatives de revenu souffrent le plus gravement de la faim. Ou alors voulez-vous apporter votre soutien à Fidelina Bagusan-Yana, une pêcheuse philippine qui se bat corps et âme contre la surexploitation de la baie d’Hinatuan en faisant de la culture bio et en transmet-

tant son savoir-faire aux autres femmes de pêcheurs ? A moins que vous ne pré-fériez appuyer Salamatou Gazéré Dotia, une syndicaliste béninoise qui, pendant la saison sèche, forme les femmes à la gestion du ménage, la culture biologique et la résolution des conflits.

Entre ces six femmes votre cœur balance ? Difficile de choisir, en effet… Pourtant, une seule va pouvoir faire le voyage de Rio, mais pour faire entendre la voix de toutes les autres aussi ! A vos stylos donc, ou rendez-vous sur www.droitalimenta-tion.ch ou www.facebook/voiceinrio à partir du 26 février 2012. IA

Cette année, à l’occasion des soupes de Carême et autres actions de la campagne œcuménique, votez pour le projet et la femme qui font battre votre cœur ! La gagnante pourra faire entendre sa voix au sommet sur le développe-ment durable de « Rio + 20 ».

« a voice in rio » : donnez votre voix à une femme du Sud !

Dossier

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Le combat d’une Sénégalaise pour les femmes rurales

A DÉCOUVRIR

La faim, nouvelle arme de destruction massive« En 2008, année de la grande crise alimentaire mondiale, le géant de l’agroalimentaire Cargill a atteint un chiffre d’affaires de 120 milliards de dollars et un profit net de 3,6 milliards ». C’est ce genre de paradoxe que dénonce Jean Ziegler dans son dernier livre, Destruction massive. Avec la verve et le lyrisme qu’on lui connaît, l’ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation montre que la faim et la sous-alimentation ne sont pas une fatalité. Nul besoin de libéraliser davantage l’agriculture des pays en dévelop-pement, puisque la production agricole mondiale pourrait nourrir 12 milliards d’êtres humains sur terre. Mais la spéculation sur les biens agricoles, la production d’agrocarbu-rants et le contrôle de la chaîne alimentaire par une poignée de multinationales font de la faim un crime contre une bonne partie de l’humanité.

Jean Ziegler, Destruction massive. Géopolitique de la faim, Paris, Seuil, 2011Photo : Jean Ziegler, Destruction massive

Construire la paix, envers et contre toutDonner la parole à celles et ceux qui, dans l’horreur, ont su être des artisans de paix. Dans Dépasser la haine, construire la paix, des Rwandais, Burundais et Congolais livrent des témoignages poignants sur leurs expériences dans la région des Grands Lacs. Celle-ci a été meur-trie par les conflits inter-ethniques pendant des décennies et le génocide rwandais de 1994 y a constitué l’apogée de l’abomination. Justin Kahamaile, un Congolais installé à Genève, a porté ce projet jusqu’à son décès d’un cancer, en 2009. Il est l’un des fondateurs de l’Initiative de Genève pour la paix dans les Grands Lacs, lancée en 2003 par la Comtec (la Commission Tiers Monde de l’Eglise catholique), Eirene Suisse et la Ville de Genève pour créer un espace de dialogue et mener des projets qui favorisent le vivre ensemble. La dramaturge Sandra Korol et le photographe Serge Boulaz ont recueilli les témoignages de ces acteurs de paix : la parole de Justes qui, la plupart du temps, s’ignorent.

Dépasser la haine, construire la paix, Témoignages de paix dans la région des Grands Lacs, Editions d’en bas, Comtec, Eirene Suisse, Lausanne, 2011Photo : Dépasser la haine, construire la paix

Pauline Ndiaye est l’hôte de la campagne œcuménique. Elle nous parle de la difficulté de lutter pour l’égalité dans un pays où le clivage entre les sexes est accentué par le fossé entre la vie en milieu urbain et rural.

A DÉCOUVRIR

La campagne œcuménique de cette année étant consacrée à l’aspect genre

de la lutte contre la faim et le changement climatique, le choix de Pauline Ndiaye comme hôte de campagne s’est imposé comme une évidence. Cette dynamique sénégalaise est responsable de l’enca-drement des femmes paysannes à Enda Pronat, partenaire de Pain pour le prochain par le biais de l’EPER. En fervente catholique, elle s’empresse de saluer chaleureusement l’initiative œcuménique de la campagne, « car sous d’autres cieux, catholiques et réformés se tireraient des flèches ! »

C’est qu’issue d’une minorité religieuse dans un pays à majorité musulmane, elle est particulièrement sensible à la dimen-sion interreligieuse. Elle assure d’ailleurs que la cohabitation entre les religions ne pose pas de problème au Sénégal : « Lors de la célébration des fêtes musulmanes et chrétiennes, les gens s’associent aux réjouissances des uns et des autres, indé-pendamment de leur religion. » Quant aux ONG chrétiennes, elles ne ren-contrent pas non plus de difficultés par-ticulières, affirme-t-elle.

« En tant que croyante, je pense qu’une organisation confessionnelle a un peu plus à apporter qu’une organisation laïque. C’est la dimension spirituelle du travail » nous confie-t-elle.

Dans une société patriarcale, qu’est-ce qui pousse une Sénégalaise à s’engager pour les droits de ses consœurs ? « D’abord je suis femme, répond-elle, donc j’ai un intérêt inné pour mes congénères, sur-tout quand elles vivent en milieu rural, dont je suis moi-même issue. En effet, le décalage entre la vie des femmes en ville

et à la campagne est grand, bien que l’accès à certains services de base et les médias tendent à le réduire. Sans vouloir généraliser, ces dernières travaillent beaucoup plus que les citadines, parfois à l’aide d’outils mécaniques, mais souvent à la main. Pourtant, à part quelques leaders qui commencent à émerger, elles sont presque complètement exclues des ins-tances de prise de décision communau-taires et de la gestion des collectivités locales. »

Elle l’admet : le genre est un concept en partie occidental, comme beaucoup d’autres. Mais il a l’avantage d’aider à comprendre l’origine des inégalités entre les hommes et les femmes et d’essayer d’y remédier. « Cependant, il ne faut pas l’aborder de la même façon en Europe et chez nous, tient-elle à souligner, surtout en milieu rural. » Et comme le genre s’applique toujours à une société donnée, il faut que le changement respecte les réalités sociales. « La notion est là, mais il faut l’adapter. Elle ne doit pas venir bouleverser les relations de façon brutale ».

Les choses avancent pourtant, mais à leur rythme. Grâce notamment à la presse et à des partenaires comme Pain pour le prochain, l’EPER et la coopération suisse, qui ont beaucoup investi dans le renfor-cement des capacités des femmes. Pauline relève des résultats encourageants, comme l’augmentation du nombre d’élues dans les gouvernements locaux et l’amélioration des conditions de travail, de vie et d’accès aux ressources des femmes.

« Malgré un environnement difficile, un pas dans la bonne direction, même si l’accompagnement est encore nécessaire pour consolider les acquis. » IA

PORTRAIT

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Neuchâtel21 janvier, 8 h 45salle de paroisse des Valangins

Valais27 janvier à 19 h 30Notre-Dame du Silence

Fribourg31 janvier à 19 h 30paroisse du Christ Roi

Jura31 janvier à 19 hCentre Saint-François

Genève2 février à 18 h

Vaud4 février à 8 h 45Saint Jacques

L’évènement de lancement médiatique de la campagne œcuménique aura lieu le 23 janvier. Informations sur le lieu : www.droitalimentation.ch/actualites

La journée des roses aura lieu le 17 mars 2012. 160 000 roses du commerce équitable (Max Havelaar) seront mises en vente pour le droit à l’alimentation.

L’action pain du partage aura lieu du 28 février au 8 avril 2012

L’hôte du Sénégal, Madame Pauline Ndiaye sera en Suisse du 1er au 18 mars 2012. Contacts Andreas von Kaenel : [email protected]

mobiLisation

La campagne « Droit sans frontières » bat son plein

Avenue du Grammont 9 – 1007 Lausanne

Tél. 021 614 77 17 – Fax 021 617 51 75

[email protected] – www.ppp.ch

CCP 10-26487-1

Editeur : Pain pour le prochain

Rédaction : Martina Schmidt, Isolda Agazzi,

Corrections : Françoise Caroff

Graphisme : Corrado Luvisotto, Grafix, Fribourg

Impression : Imprimerie St-Paul, Fribourg

Prix de l’abonnement : 10 francs suisses

Tirage : 15 500 exemplaires

ISSN 2235-0780

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La campagne de cinquante ONG suisses, dont Pain pour le prochain, en faveur de règles contraignantes pour les multinationales, a démarré sur les chapeaux de roue. La pétition est en ligne www.droitsansfrontieres.ch et nous comp-tons sur votre signature ! Fin janvier, à l’occasion du Forum de Davos, nous lancerons une vaste action de mobilisation par les réseaux sociaux. A la mi-mars, des représentants de communautés affectées présenteront leurs expériences de l’impact des activités d’entreprises suisses sur les droits humains. Les discussions avec des représentants des entreprises, de l’administration fédérale et du Parlement permettront de débattre des solutions pro-posées par la campagne, telles qu’elles ressortent d’une étude fouillée du droit suisse.

La soLiDarite Par Le sPort

Le Champion Solidaire court autrementL’action « Champion Solidaire » a débuté lors de l’édition 2010 des 20 Km de Lausanne. Aujourd’hui, plus de 150 personnes courent par solidarité avec les populations des pays du Sud ! Vous les reconnaîtrez aux bandanas colorés qu’ils porteront le 28 avril 2012 sur le parcours des 2, 4, 10 ou 20 km de Lausanne. Parmi eux Tesfay Felfele qui a terminé 1er de l’édition 2011 du quart du Marathon de Lausanne.Vous souhaitez participer ? Vous avez trois possibilités : chausser vos baskets, acheter un bandana et courir la distance de votre choix ; ou faire un don ou acheter un bandana (Fr. 10.–) ; ou parrainer un coureur et récolter des fonds en son nom.En 2012, l’action « Champion Solidaire » sera le partenaire officiel des 20 km de Lausanne. Cette année, les fonds récoltés serviront à financer un projet de lutte contre l’exode des jeunes au Honduras par la valorisation du travail agricole.

www.championsolidaire.ch

Tesfay Felfele sera-t-il sur le podium cette année encore ?

Pour la cinquième année consécutive, des boulangeries vont vendre, durant la campagne œcuménique, le « pain du partage », une manière concrète de s’allier à la lutte contre la faim dans le monde. L’année dernière, l’action a touché plus de 300 boulangeries dans toute la Suisse. Et presque autant de boulangeries reconduisent l’action cette année. Pour chaque pain spécial piqué d’un drapeau, vendu jusqu’à Pâques, elles verseront 50 centimes aux programmes et projets de Pain pour le prochain et Action de Carême pour renforcer les capacités des communautés et des agriculteurs aux Philippines. Vous trouverez la liste des boulangeries qui proposent le pain du partage sur www.droitalimentation.ch/pain

50 Centimes QUi font La DifferenCe

Partager le pain pour lutter contre la faim

« Je pars du principe que la vie m’a donné tellement que de temps en temps je tente de redonner à mon tour. »