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UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER Faculté de droit et science politique UMR 5815 Dynamiques du droit CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE MEMOIRE Présenté par Sofia EL GUERNE Sous la direction d’Alexandra PAULS – 2015 – Master 2 Droit Economique, parcours Droit privé Economique (DPE) ARBITRAGE ET ACTION DE GROUPE

UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER Faculté de droit et … · §1- Les avantages de l'arbitrage collectif §2- Les inconvénients de l'arbitrage collectif CHAPITRE II : L'INTÉRÊT ET LA

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UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

Faculté de droit et science politique

UMR 5815 Dynamiques du droit

CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

MEMOIRE

Présenté par Sofia EL GUERNE

Sous la direction d’Alexandra PAULS

– 2015 –

Master 2 Droit Economique, parcours Droit privé Economique (DPE)

ARBITRAGE

ET

ACTION DE GROUPE

Sommaire: (Les chiffres renvoient aux pages)

Liste des abréviations ...............................................................................................................2

Résumé́ ......................................................................................................................................32

Plan ............................................................................................................................................6

Mémoire ....................................................................................................................................8

Bibliographie ............................................................................................................................34

Liste des abréviations

AAA : American Arbitration Association

AFOC : Association force ouvrière consommateur

Art. : Article

C. : Code

C. civ. : Code civil

C. conso : Code de la consommation

CMP : Commission mixte paritaire

CPC : Code de procédure civile

éd. : edition

FAA: Federal arbitration act

P. : page

PME : Petites et Moyennes entreprises

Supplementary rules: Supplementary rules for class arbitration

TGI : Tribunal de grande instance

UFC-Que choisir : Union fédérale des consommateurs – Que choisir

Introduction

« L'arbitrage n'est pas le for des forts »1

Thomas Clay

1� M. De Fontmichel, Le faible et l'arbitrage, préf. Th. Clay, 2011, éd. Economica

L'arbitrage est perçu comme une institution réservée aux intérêts professionnels et pourtant ça n'a pas toujours été le cas. On le retrouve à l'époque romaine pour trancher les litiges de la cité, il concerne tous les litiges du quotidien. A l'époque féodale, il est également utilisé pour régler des conflits concernant les droits réels, les contrats civils et commerciaux et en matière familiale. Il se présentait alors comme une alternative plus rapide à la justice royale, pour régler les litiges.En 1790, l'arbitrage est perçu comme une instance concurrente de l'Etat et cela a conduit à interdire l'arbitrage avant la naissance du litige par la voie de la clause compromissoire.2

Aujourd'hui, cette justice privée n'est plus que l'antre des professionnels souhaitant régler le litige de manière confidentielle, non formaliste et rapide.

Le débat de l'arbitrabilité du droit de la consommation ressurgit depuis quelque temps et surtout depuis l'entrée en vigueur de la loi Hamon du 17 mars 2014.Le 17 mars 2014 est née la nouvelle action de groupe. Elle permet à une association de consommateurs d'agir pour la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs qui sont placés dans une situation similaire ou identique et qui ont pour origine commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à ses obligations légales ou contractuelles (art. L. 423-1 C.conso)

La justice américaine conçoit l'idée de retrouver un consommateur devant le for arbitral. Elle a même combiné la class action avec l'arbitrage ce qui a donné lieu à la class arbitration. La class arbitration est une procédure, très proche de la class action, dans laquelle un ou plusieurs requérants ayant subi de la part du même défendeur un préjudice dont l'origine est commune exercent, au nom d'une catégorie de personnes, un arbitrage.La procédure est plus formaliste mais le but est le même à savoir la protection des consommateurs.

À l'heure où l'action de groupe est entrée en vigueur, il est intéressant de poser la question de la mise en place, en France, de la class arbitration.

Cette étude porte donc, sur la possibilité de mettre en place l'arbitrage collectif en France. Peut-on combiner ces deux institutions juridiques dans une seule et même procédure ? Plus spécifiquement peut-on intégrer une class arbitration dans notre droit français ?

L'enjeu de cette étude est la non arbitrabilité du droit de la consommation par la voie de la clause compromissoire. Il est difficile de percevoir une action de groupe devant le for arbitral lorsque le droit de la consommation n'est arbitrable que sous certaines conditions, notamment par la voie du compromis.

Tout le débat va porter sur l'enjeu des interdictions posées par le législateur en matière de droit de la consommation et sur l'hypothèse d'une class arbitration en France. Sera écarté de notre champ de recherche l'arbitrage international, nous nous consacrerons exclusivement au droit interne par l'étude de l'action de groupe (partie 1) et par l'étude de l'arbitrage collectif (partie 2).

2 � Cass. Civ., 10 juillet 1843, Cte L'allliance c. Prunier, S. 1843, 1, 561 note Devilleneuve

PLAN

PARTIE I : L'ACTION DE GROUPE

CHAPITRE I : L'ACTION DE GROUPE : UN MÉCANISME DE RÈGLEMENT DES LITIGES COLLECTIFS PROMETTEUR

Section I : L'inefficacité des recours collectifs actuels

§1- L'action dans l'intérêt collectif des consommateurs I- Le régime de l'action dans l'intérêt collectif des consommateursII- L'efficacité de l'action dans l'intérêt collectif des consommateurs

§2 - L'action en représentation conjointeI- Le régime de l'action en représentation conjointe II- L'efficacité de cette action

Section II : La loi Hamon et la nouvelle action de groupe

§1- L'action de groupe : un mécanisme protecteur des intérêts du consommateurI- La naissance de l'action de groupeII- Les avantages de l'action de groupe

§2- Le fonctionnement de l'action de groupe issue de la loi HamonI- Le champ d'applicationII- La procédure

A- L'initiative de l'action de groupeB- Le déroulement de l'instance

CHAPITRE II : L'ACTION DE GROUPE : UN MÉCANISME ENCORE INACHEVÉ

Section I : Les limites à l'efficacité de l'action de groupe

§1- Le monopole des associations§2- Un champ d'application restreint

Section II : L'action de groupe : un danger économique

§1- Des entreprises fragilisées§2- Des répercutions sur les consommateurs

PARTIE 2 : L'ARBITRAGE COLLECTIF

CHAPITRE I – LE FONCTIONNEMENT DE L'ARBITRAGE COLLECTIF AUX ETATS-UNIS

Section I : La naissance de l'arbitrage collectif aux Etats-Unis

§1- De la nécessité de mettre en place l'arbitrage collectifI- La class action américaineII- Les outils utilisés par les professionnels

§2- Les sources de l'arbitrage collectif aux Etats – UnisI- La création par la jurisprudence

A- Les prémicesB- La consécration de l'arbitrage collectif à travers la jurisprudence Bazzle

II- Les règlements d'institutions privés : l'étude des supplementary rules for class arbitration de l'American Arbitration Association

A- La procédure des Supplementary Rules for class arbitration de l'American Arbitration Association

B- L'opportunité de la procédure de l'American arbitration association

Section II : Les enjeux de l'arbitrage collectif

§1- Les avantages de l'arbitrage collectif§2- Les inconvénients de l'arbitrage collectif

CHAPITRE II : L'INTÉRÊT ET LA POSSIBILITÉ D'UNE CLASS ARBITRATION EN DROIT FRANÇAIS

Section I : L'arbitrabilité du droit de la consommation

§1- L'arbitrabilité du droit de la consommation en droit interneI- L'arbitrabilité par la voie du compromis

A- L'ordre public : une limite du domaine de l'arbitrabilitéB- La libre disposition des droits acquis : une limite temporelle de

l'arbitrabilité

II- L'arbitrabilité par la voie de la clause compromissoire A- L'affirmation de la prohibition de la clause compromissoire en

arbitrageB- Une prohibition confuse

§2- La loi Hamon et l'arbitrage collectifI- La loi Hamon et la clause compromissoire : La vision de Thomas ClayII- La loi Hamon et le compromis

Section II : L'hypothèse de l'arbitrage collectif en droit français

§1- L'hypothèse d'un arbitrage collectif à la française§2- L'opportunité de la mise en place d'un tel système en droit français

PARTIE I : L’ACTION DE GROUPE

L’action de groupe est un « ovni juridique »3 Patrice Hilt

L’action de groupe est ce mécanisme qui n’était plus à espérer en droit français. Plusieurs échecs laissaient présager une incompatibilité de l’action de groupe avec le droit français. Les propositions se sont succédées sans grand succès. Il a fallu attendre plus de trente ans après le premier projet du professeur Calais Auloy sur la mise en place d’une action proche de la class action, pour avoir une action de groupe digne de ce nom.

L’action de groupe est ce mécanisme de règlement des litiges collectifs prometteur (chapitre 1) que beaucoup attendaientt mais qui reste encore inachevée (chapitre 2).

3 � P. Hilt, « Action de groupe consacrée par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation peut-on s'en satisfaire ? », Gazette du Palais 2014, n°114

CHAPITRE I : L’ACTION DE GROUPE : UN MECANISME DE REGLEMENT DES LITIGES COLLECTIFS PROMETTEUR

L'action de groupe est née de la loi Hamon du 17 mars 2014 (section 2), elle vient pallier l'inefficacité des recours collectifs actuels (section 1).

Section I : L'inefficacité des recours collectifs actuels

Le législateur a voulu parvenir à une protection efficace des droits du consommateur même lorsque ce dernier ne disposait pas des moyens nécessaires financiers, pour réparer son dommage. L'idée était de s'inspirer du mécanisme de la class action qui plaît tant aux américains depuis les années 1960.Le législateur a donc mis en place dans un premier temps l'action dans l'intérêt collectif des consommateurs (§1) puis, dans un second temps l'action en représentation conjointe (§2).

§1- L'action dans l'intérêt collectif des consommateurs

L'action dans l'intérêt collectif des consommateurs présente un régime particulier (I) dont l'efficacité est incertaine (II).

I- Le régime de l'action dans l'intérêt collectif des consommateurs

L'action dans l'intérêt collectif des consommateurs a été introduite par la loi Royer de 19734 à l'article L.421-1 du Code de la consommation. Les associations peuvent « exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ».

Toutes les associations ne disposent pas de cette possibilité, les conditions sont fixées aux articles L.411-1, L.412-1 et R.411.1 du Code de la consommation. L'association doit être une personne morale, agréée, déclarée, représentative et doit avoir pour objet explicite la défense des consommateurs.

Les articles L. 421-1 à L. 421-9 du Code de la consommation définissent plusieurs formes d’actions dans l’intérêt collectif des consommateurs. Les associations disposent notamment, d'une action civile et d'une action en cessation.Dans cette action civile, elle va pouvoir demander des dommages et intérêts, la cessation des agissements illicites et éventuellement la publication des jugements.Cette action peut relever des juridictions pénales et aboutir à la condamnation de professionnels pour des faits de tromperie ou de fraude (art. L. 421-1 du C. conso).Dans l'action en cessation, indépendamment de faits constitutifs d’infractions, les associations peuvent obtenir devant les juridictions civiles cette fois, la suppression des clauses illicites et abusives contenues dans les contrats proposés aux consommateurs (art. L. 421-2 à L. 421-6 C. conso).

Les associations de consommateurs agrées jouent donc, un rôle en matière de contrôle, d’information et indirectement de répression. Elles accompagnent les consommateurs en justice au nom de l’intérêt de la collectivité.

II- L'efficacité de l'action dans l'intérêt collectif des consommateurs

Toutefois, l'action dans l'intérêt collectif ne permet pas aux consommateurs représentés d’être indemnisés individuellement des préjudices subis. Le préjudice réparé est celui causé à l’intérêt collectif des

4� Loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat

consommateurs personnifiés par l’association. La seule suppression des clauses abusives n'est pas satisfaisante pour le consommateur, à tel point qu'il existe peu d'actions en pratique.

§2 - L'action en représentation conjointe

Comme pour l'action dans l'intérêt collectif des consommateurs, l'action en représentation conjointe présente un régime particulier (I) dont l'efficacité est incertaine (II).

I- Le régime de l'action en représentation conjointe

L'action en représentation conjointe a été créée par la loi n°92-60 du 18 janvier 1992 on la retrouve aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du Code de la consommation.Elle permet à une association de consommateurs, reconnue et représentative au niveau national, d'agir en réparation du préjudice subi individuellement par des consommateurs personnes physiques, à condition que ce préjudice soit le fait d'un même professionnel.

La possibilité d'engager une telle action est soumise à la réunion de certaines conditions.Les consommateurs, personnes physiques identifiées, doivent avoir été victimes d'un préjudice personnel (matériel ou moral) de la part d'un même professionnel.Ensuite, le préjudice subi par chacun des consommateurs doit trouver son origine dans un même fait commis par un même professionnel.

Concernant le mandat, le mandataire ne peut être qu'une association agréée. L’action de l'association doit se fonder sur au moins deux mandats donnés par des consommateurs concernés. Le mandat est donné par écrit par chaque consommateur, il doit mentionner son objet et conférer à l'organisation nationale agréée le pouvoir d'accomplir au nom du consommateur tous les actes de procédure. Le mandat ne peut être sollicité que par voie de presse écrite pour éviter de ternir l'image des entreprises avant même que la responsabilité du professionnel ne soit reconnue. Seuls sont représentés par l'association les victimes ayant donné mandat, les autres conservent leur droit d'exercer des actions individuelles.

Si l'association obtient gain de cause, les dommages et intérêts sont alloués, non à l'association, mais aux consommateurs qui lui ont donné mandat. En revanche si l'association perd le procès, les consommateurs ne perçoivent rien et, ils auront perdu le droit d'exercer des actions individuelles.

II- L'efficacité de cette action

Cette action n'a pas eu le succès escompté, elle n'a été utilisée que cinq fois depuis sa création en 19925. Plusieurs raisons sont à l'origine de ce problème mais trois ont retenu notre attention.

Tout d'abord, l’echec vient sans doute du fait que les associations de consommateurs ne peuvent pas recourir à l’appel public pour contacter les consommateurs lésés. On est loin de la souplesse du droit américain.

Ensuite, le régime est très lourd en ce qui concerne la gestion des mandats individuels reçus, ce qui a conduit à paralyser l'action.

Enfin, l'association a toutes les responsabilités du mandataire, elles hésitent donc à engager de telles actions sachant les conséquences qui peuvent en découler. La gestion de plusieurs milliers de dossiers leur fait peur en raison du coût mais pas seulement, la perte d'une pièce ou un retard dans l'information d'un consommateur pourrait engager leur responsabilité civile. Or aucune compagnie d'assurances n'accepte de les assurer pour ce type de risque.

5� TI Rennes, 17 avril 1997 : Contrats, conc., conso. 1997, comm. 168

Pour la majorité de la doctrine, il s'agit d'une « action morte née ». Cette action a été rendue inutilisable.

Elle est un échec, en raison des conséquences qu'elle engage et elle n'a pas permis d'atteindre l'objectif de réparation du préjudice subi par chacun des consommateurs victimes d'un même professionnel.

Face à l'inefficacité des outils dont disposait le consommateur en matière d'action collective et à la multiplication des conflits collectifs, il était indispensable de reprendre le débat sur l'adoption d'une class action à la française.

Section II : La loi Hamon et la nouvelle action de groupe

La nouvelle action de groupe a été introduite dans un but de protection des intérêts du consommateur (§1) son fonctionnement diffère de la class action (§2).

§1- L'action de groupe : un mécanisme protecteur des intérêts du consommateur

De La loi Hamon est née l'action de groupe au sein du système français (I). Cette dernière présente plusieurs avantages (II) non négligeables.

I- La naissance de l'action de groupe

Le président Jacques Chirac fortement encouragé par de nombreux parlementaires a repris la discussion sur l'action de groupe dans son discours du 4 janvier 2005. Un groupe de travail fut réuni mais sans franc succès. Ce n'est que huit ans plus tard que le Ministre délégué à l'Economie Sociale et Solidaire et à la Consommation, Benoit Hamon, s'est intéressé plus profondément à ce sujet et a réussi à proposer un véritable projet d'introduction de l'action de groupe. Sous influence européenne, le projet de loi a été introduit en 2013 et a abouti à l'adoption de la loi Hamon du 17 mars 2014.

Selon les professeurs Mainguy et Depincé il s'agirait de « l'une des plus importantes lois de l'histoire du droit de la consommation à tout point de vue, depuis la loi fondatrice de 1972 sur le démarchage à domicile »6.

Le 13 février 2014, le texte du projet de loi relatif à la consommation est définitivement adopté en Commission mixte paritaire (CMP). L'Assemblée nationale l'adopte le 26, ouvrant ainsi le droit aux associations de consommateurs d'intenter des actions de groupe. Cependant, c'est le Décret du d'application du 24 septembre 2014 qui a rendu opérationnelle l'action de groupe.Aujourd'hui, les dispositions sur l'action de groupe sont prévues dans le Code de la consommation (art. L. 423-1 et s. C.conso) et dans le Code de procédure civile (art. 42, L. 111-1 et L. 111-2 CPC).

L'action de groupe permet aujourd’hui, à une association de consommateurs d'agir pour la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs qui sont placés dans une situation similaire ou identique et qui ont pour origine commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à ses obligations légales ou contractuelles (art. L. 423-1 C.conso).

II- Les avantages de l'action de groupe

Une telle action présente plusieurs avantages mais quatre principaux sont à retenir.

6 � D. Mainguy et M. Depincé, « L'introduction de l'action de groupe en droit français », JCP entreprise et affaires – N°12 -20 mars 2014

Elle permet d'abord un meilleur accès à la justice puisque les consommateurs qui n'ont pas les moyens financiers ou psychologiques d'intenter une action individuelle, peuvent bénéficier d'une action groupée.Le coût de l'action est beaucoup plus intéressant, plus motivant pour le consommateur puisque l'action est gratuite.

L'action de groupe permet ensuite une meilleure efficacité de la justice en évitant la multiplication des recours devant de nombreuses juridictions avec les risques de contrariété de décisions. Un même préjudice sera ainsi traité avec équité.

D'autre part, l'action de groupe aurait un effet dissuasif sur les professionnels. Ils sont soumis à une forte pression, les indemnités sont plus importantes puisqu'elles profitent à toutes les victimes du même dommage.

Enfin, l'action de groupe bénéficierait en définitive à d'autres professionnels. Par son côté dissuasif, elle aurait pour résultat d'éliminer les concurrents déloyaux, ceux qui ne se plient pas aux règles et qui pourtant n'étaient, jusque-là, pas sanctionnés.

§2- Le fonctionnement de l'action de groupe issue de la loi Hamon

La loi Hamon est inspirée de la class action mais elle présente un champ d'application (I) et une procédure (II) propre au droit français.

I- Le champ d'application

Le champ d'application est limité aux préjudices de consommation c'est à dire ceux qui résultent des relations entre un professionnel et un consommateur (art. L. 423-1 C.conso). Le consommateur est entendu comme une personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (art. préliminaire Code de la consommation).

L'action se limite au seul préjudice matériel subit par les victimes, les préjudices corporels et moraux ne sont donc pas pris en compte.

D'autre part, la réparation n'intervient qu'à la condition que les préjudicies réparables aient été causés par un professionnel et trouvent leur cause dans un manquement à une obligation légale ou contractuelle à l'occasion, notamment, de la vente de biens et de fournitures de services. Le juge évalue le préjudice in abstracto sans considération de la personne.

Cette idée résulte de la volonté de limiter les conséquences désastreuses que peut créer la réparation intégrale de tous les préjudices des consommateurs concernés. Il s'agit également d'être efficace dans l'évaluation du préjudice. Il serait difficile, en effet, de déterminer toutes les conséquences personnelles que, la faute à l'origine du préjudice, aurait causée.

À travers ce champs d'application, il est clair que le législateur a voulu éviter les dérives que la class action a pu connaître. En limitant le champ d'application, il permet d'avoir un mécanisme qui se rapproche du droit français et garantit un meilleur accueil dans notre droit.

II- La procédure

A- L'initiative de l'action de groupe

L'initiative de l'action de groupe est réservée aux associations de consommateurs agréées et représentative au niveau national (L. 432-1 du C. conso).

Cette solution est justifiée par le fait que le législateur veut à tout prix éviter une mauvaise utilisation de l'action de groupe, notamment chez les avocats qui cherchent des affaires faciles à gagner au détriment de l'image des entreprises.

Cette solution est aussi justifiée par la volonté du gouvernement de garder un contrôle des actions des associations a priori ou a posteriori.

Avocats et huissiers pourront assister l'association mais le contrôle de l'action reste du pouvoir exclusif de l'association (R.423-5 C.conso).Autrement dit, le débat sur la qualité à agir n'a pas lieu dans l'action de groupe.

B- Le déroulement de l'instance

Tout d'abord, l'association introduit l'action de groupe, par voie d'assignation. L'assignation vise à assurer la constitution du groupe et à présenter le principe de la responsabilité du professionnel.

L'action est introduite devant le Tribunal de grande instance (TGI) du lieu où demeure le défendeur et si le défendeur demeure à l’étranger ou s’il n'a pas de domicile, se sera le TGI de Paris (R. 423-2 C. conso).

L'instance est divisée en deux étapes : une instance qui vise à reconnaitre ou non la responsabilité du professionnel et une autre instance qui n'est qu'éventuelle, relative à la mise en œuvre du jugement (L. 423-12 C.conso). Une fois que le juge a déterminé le groupe il faut passer à la seconde étape qui est la mise en publicité (art. L. 423-4 C. conso).

Concernant la participation des consommateurs à l'action, elle se fait par le système de l'opt in et non de l'opt out comme aux Etats-Unis. L'opt in est un mécanisme par lequel les personnes doivent manifester leur assentiment pour intégrer l'action de groupe. Elle nécessite donc une manifestation explicite de la volonté du consommateur.Le choix du législateur est légitime puisque l'idée, pour un consommateur d'être engagé sans le vouloir, est très dangereuse. Tous les consommateurs ne désirent pas forcément prendre parti à ce genre de conflit. L'idée est dangereuse également pour le professionnel qui voit, les recours contre lui, se multiplier.

Le principe d'opt in permet d'avoir un consentement clair et de responsabiliser les consommateurs.

Une procédure simplifiée a été ajoutée au sein de l'article L. 423-10 du Code de la consommation. Cette procédure est réservée aux affaires dans lesquels les membres du groupe sont clairement identifiés. Elle permet d'écourter l'instance. Si le groupe est déterminé et que le préjudice est identique, le juge peut condamner le professionnel à les indemniser directement et individuellement.

L'action de groupe, telle qu'elle est présentée dans la loi Hamon, repose sur des appréhensions propres au droit français, elles sont fortement ressenties. Les cas sont retreints à tel point que l'on peut se demander si ces appréhensions n’ont pas fait de l'action de groupe un mécanisme rigide, qui nécessite encore d'être complété.

CHAPITRE II : L’ACTION DE GROUPE : UN MECANISME ENCORE INACHEVE

Partisans ou non de l'action de groupe s'accordent tous sur le fait que l'action de groupe à la française peut être améliorée7. Comme tout projet, il est nécessaire de faire un bilan après l'utilisation de cette procédure pour voir quels sont les défauts. En attendant le projet du gouvernement en septembre 2015, on peut déjà observer des limites à l'efficacité de l'action de groupe (section 1) et les dangers économiques qu'elle peut susciter (section 2).

Section I : Les limites à l'efficacité de l'action de groupe

L'efficacité limitée de l'action de groupe tient au fait que les associations de consommateurs détiennent le monopole de l'action (§1) et que le champ d'application de l'action de groupe est retreint (§2).

§1- Le monopole des associations

Accorder l'initiative de l'action à une association de consommateurs pose plusieurs problèmes quant à l'efficacité dans la mise en œuvre de l'action. Patrice Hilt8 désigne l'action de groupe comme un « ovni juridique ». L'action de groupe serait selon lui « une curiosité juridique dont l'objectif final ne peut finalement justifiée de telles transgressions ».

La désignation de l'association de consommateurs s'oppose, en effet, au principe d'égalité et de libre choix d'avocat mais surtout au principe selon lequel « nul ne plaide par procureur ». Pour agir en justice au nom et pour le compte d'une autre personne, il faut avoir reçu mandat par la personne qui veut agir. Ce mandat est indispensable puisqu'il devra être présenté ensuite au juge et à la partie adverse. La désignation a priori dans l'action de groupe va, nécessairement à l'encontre de ce principe, étant donné qu'au moment de l'introduction de l'instance, le groupe n'est pas encore constitué et les consommateurs qui vont composer le groupe ne sont pas encore connus.

D'autre part l'association, débordée par un nombre trop important de demandes de se joindre à l'action, est susceptible de faire un tri dans le choix des actions qu'elle portera devant les tribunaux.Nous ne sommes pas à l'abri d'un tri drastique, de la part de l'association, justifié par un manque de temps ou de moyens ou parce que c'est contraire à sa politique ou encore parce qu'elle préfère choisir une action intéressante en raison des retombées politiques ou médiatiques qu'elle peut avoir.

Le tri est inévitable étant donné que les associations sont très peu nombreuses (quinze associations agrées et représentées nationalement) et que les membres sont volontaires.9 Cependant, il est difficile de l'expliquer au consommateur qui voit dans l'action de groupe, enfin un moyen de se faire entendre

7 � D. Mainguy et M. Depincé, « L'action de groupe, nouvelle procédure du droit français de la consommation », Dr et patrimoine 2014, n°236

8� P. Hilt, « Action de groupe consacrée par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation peut-on s'en satisfaire ? », Gazette du Palais 2014, n°114

9 � S. Bonifassi, « La position des unions de jeunes avocats », LPA 10 juin 2005, p. 40. Dans le même sens ; D. Mainguy et M. Depincé, « L'action de groupe, nouvelle procédure du droit français de la consommation », Dr et patrimoine 2014, n°236

En désignant les associations, le législateur a pris le risque de voir les associations abandonner l'affaire à cause de l'usure du temps. Les associations vont-elles rester jusqu'à la fin du procès sachant qu'elles ne sont pas rémunérées ?Cette question de rémunération est susceptible de dissuader au stade même de l'introduction de l'action, l'enjeu est beaucoup trop coûteux. Si elles gagnent, elles n'auront droit qu'à l'indemnisation de leurs frais non compris dans les dépens et éventuellement l'allocation de provisions (art. L. 423-8 C.conso). En cas d'échec elles n'auront droit à rien.

Le Professeur Vincent Rebeyrol voit dans cette restriction budgétaire un moyen, pour le législateur de garder un outil permettant de limiter sérieusement le recours à la nouvelle action 10.

Les intentions de contenir l'initiative de l'action, à l'association, sont louables mais il s'agit d'un mécanisme trop rigide dont l'utilisation ne sera finalement ouverte qu'aux « grandes actions » c'est à dire des actions au dénouement positif certain. On l'a vu avec l'affaire Foncia, les associations, en introduisant leur action, étaient sûres du dénouement.

§2- Un champ d'application restreint

L'action de groupe n'est ouverte que devant les juridictions civiles. Cette solution ne pose de problème en soi mais étendre la compétence des tribunaux, offrirait un pouvoir d'agir plus grand pour le consommateur et permettrait par la même occasion un désengorgement des tribunaux judiciaires.

En revanche, l'omniprésence du juge est un problème (L. 423-3 à L.423-8 du C.conso), il dirige et instruit le procès mais il est aussi juge de la mise en l'état (L.423-3 et L.423-12 C.conso). Autrement dit, les parties n'ont d'autre choix que de suivre la solution du juge, de l'introduction de l'action à sa mise en l'état, c'est contraire au principe selon lequel le procès civil est la chose des parties.

D'autre part, l'action n'est ouverte que pour la réparation des préjudices individuels matériels subis par les consommateurs.Ce choix ne permet pas une réparation efficace du préjudice du consommateur, elle ne tient pas compte des conséquences personnelles. De sorte que le consommateur qui agit individuellement peut, à certaines occasions, obtenir beaucoup plus que s'il agit collectivement. Dès lors, cette restriction semble être incohérente.

Par exemple, dans un contentieux qui concernerait l'implantation de prothèses mammaires, on retiendrait l'action pour les personnes qui souhaiteraient réparer leur préjudice matériel (pour faire remplacer la prothèse défectueuse) mais pas l'action des personnes qui invoqueraient un préjudice moral ou corporel ou une atteinte à leur santé ou à leur corps11.

Cela réduit considérablement le nombre de procédure et revient à une action à la carte.

Du point de vue du professionnel l'action de groupe présente également un danger, un danger pour son image qui risque d'avoir des impacts économiques.

10� V. Rebeyrol, « La nouvelle action de groupe », D. 2014. 940

11 � D. Mainguy et M. Depincé, « L'action de groupe, nouvelle procédure du droit français de la consommation », Dr et patrimoine 2014, n°236

Section II : L'action de groupe : un danger économique

L'action de groupe fragilisent les entreprises (§1) et les conséquences se font ressentir sur le consommateur (§2).

§1- Des entreprises fragilisées

Au regard de l'article L. 423-3 al 2 du Code de la consommation, les réparations des préjudices subis par le consommateur vont fragiliser l'entreprise qui devra s'en acquitter. La réparation se fait, en principe, en espèce et par exception en nature. La réparation en nature est beaucoup plus efficace néanmoins ce n'est pas au professionnel de choisir. La détermination du montant de la réparation relève du pouvoir du juge judiciaire. Le risque est que le juge se serve de ce pouvoir comme un instrument de justice sociale pour dissuader le professionnel de recommencer, l'objectif de réparation serait donc dépassé.

D'autre part, l'image de l'entreprise risque d'être ternie. L'action de groupe peut entrainer une perte de confiance aussi bien chez les consommateurs que chez les banques et les assurances. In fine, tout ceci aura un coût.

C'est une pratique dangereuse notamment, pour les petites et moyennes entreprises (PME). Elle va nécessairement avoir un impact sur le marché surtout en France où les PME constituent 95% du tissu économique.

Les entreprises doivent, aujourd'hui, accorder une attention particulière aux procédures d'identification des dysfonctionnements et mettre en place des plans de communication ou gestion de crise12.

§2- Des répercutions sur les consommateurs

Le risque majeur est celui de la répercussion par le professionnel, des fortes indemnisations, sur le prix des produits et services de ce dernier. In fine, l'action de groupe pourrait porter atteinte au pouvoir d'achat.

Si l'introduction de l'action de groupe en droit français constitue, à première vue, une avancée majeure pour les consommateurs, en ce qu'elle pourrait leur permettre de bénéficier de meilleures conditions d'indemnisation, l'efficacité finale de l'action de groupe reste controversée. Pour les Etats-Unis, l'ouverture à d'autres instances que les tribunaux judiciaires a permis une meilleure efficacité de ce système. Reste à savoir si suivre l'exemple américain serait opportun en droit français.

12 � A. Cognac, « Action de groupe : quelle stratégie pour les entreprises ? », D. 2015

PARTIE II : L’ARBITRAGE COLLECTIF

L'arbitrage collectif constitue « la musique d'avenir ».13

Professeur Christophe Müller

Cette procédure existe depuis longtemps aux Etats-Unis sous le nom de class arbitration. Il s’agit d’une procédure très proche de la class action, dans laquelle un ou plusieurs requérant(s) ayant subi de la part du même défendeur un préjudice dont l'origine est commune exercent, au nom d'une catégorie de personnes, un arbitrage.

On parle de procédure hybride dans la mesure où, elle regroupe deux notions a priori, contradictoires.L'arbitrage est utilisé, en effet, par les professionnels pour sa confidentialité, la rapidité du traitement du litige et parce que la procédure n'est pas formaliste. L'action de groupe, en revanche, est connue pour être publique, judiciaire et très formaliste.

Pourtant cette combinaison fonctionne aux Etats-Unis, elle est permise et même recommandée.

Depuis l'insertion de l'action de groupe par la loi Hamon, le débat de la création d'un arbitrage collectif au sein du système français ressurgit. Cette procédure suscite quelques interrogations notamment, s'il est possible de combiner l'arbitrage tel qu'on le connait en France avec l'action de groupe issue de la loi Hamon.

Il est intéressant d'étudier le fonctionnement l'arbitrage collectif aux Etats Unis (chapitre 1) pour savoir si cette procédure est finalement applicable en droit français (chapitre 2).

13 � Ch. Müller, Class Arbitration, in Mélanges en l'Honneur de Pierre Tercier, Schulthess, 2008, p. 921

CHAPITRE I– LE FONCTIONNEMENT DE L’ARBITRAGE AUX ETATS-UNIS

Pour comprendre le mécanisme de l'arbitrage collectif aux États-Unis il est nécessaire de revenir à sa naissance (section 1) et d'étudier les enjeux qu'il suscite (section 2).

Section I : La naissance de l'arbitrage collectif aux Etats-Unis

La mise en œuvre de l'arbitrage collectif est née de la nécessité de mettre en place ce mécanisme (§1) plusieurs sources sont à l'origine de sa naissance (§2).

§1- De la nécessité de mettre en place l'arbitrage collectif

Face à une action de groupe américaine (I) virulente pour les entreprises, ces dernières ont trouvé des outils permettant de contourner l'action de groupe (II).

I- La class action américaine

Le système de la class action en droit américain s'est développé dans le début des années 1960. Ce système permet « à un ou plusieurs requérants d'exercer au nom d'une catégorie de personnes, une action en justice ».

L'initiative de l'action revient à n'importe quel membre du groupe.

La class action, contrairement au droit français, couvre plusieurs domaines comme le droit de la consommation, le droit du travail, de l'environnement ou de l'actionnariat.

La procédure de la class action est prévue par l'article 23 des Federal rules of civil procedure. Elle débute avec l'étude de la validité du recours collectif par le juge. Pour l'autoriser, ce dernier doit vérifier que la preuve de l'impraticabilité d'une jonction d'instance notamment en raison du trop grand nombre des membres potentiels, a été rapportée. Ensuite, il doit vérifier le lien unissant les membres du groupe. Enfin, il devra s'assurer que les représentants du groupe protègeront, de façon adéquate, les intérêts des membres de la classe.Une fois que ces conditions sont remplies, le juge peut autoriser le recours collectif par une ordonnance de certification.

La procédure repose sur un système d'opt out toutes les personnes membres de la class sont effectivement représentées par l'action engagée. Certaines personnes ne sont pas au courant. L'idée est de réunir un grand nombre de victimes présumées pour exercer une forte pression médiatique sur le professionnel et générer des indemnités importantes.

La procédure américaine admet, en effet, la possibilité́ de condamner le défendeur à des dommages et intérêts punitifs. Il s’agit de dommages et intérêts alloués par le juge dans le but de sanctionner un comportement ou une pratique frauduleuse dépassant le cadre d’une simple négligence ou d’une faute lourde. Les dommages et intérêts punitifs s’ajoutent aux dommages et intérêts octroyés au titre de l’indemnisation du préjudice subi. C'est un élément de sanction civile à but dissuasif pour le professionnel.

La class action est séduisante pour les avocats en raison du système de contingency fee. Les avocats avancent les fonds nécessaires à l'engagement de la poursuite et travaillent gratuitement. En cas de victoire, ils se rémunèrent sur la base d'un pourcentage de la condamnation.L'enjeu n'est pas négligeable, l'affaire ENRON en 2008 a donné́ lieu au versement de 688 millions de dollars d’honoraires aux avocats des plaignants correspondant à 9,52% du montant des dommages et intérêts attribués à toutes les victimes potentielles.

Ce système présente, en revanche, un problème majeur, l'ambulance chasing qui donne lieu à de graves dérives pour l'économie de l'entreprise. Les avocats entament des actions contre les sociétés solvables. Ils savent, compte tenu de l'effet médiatique désastreux, que les entreprises finiront par transiger.Cette action qui était au départ mise en place pour protéger le consommateur, a fini par être une véritablement arme destructive du consommateur contre le professionnel.

II- Les outils utilisés par les professionnels

Les consommateurs avaient compris l'efficacité du mécanisme de l'action de groupe et ils avaient également compris qu'ensemble ils formeraient une puissance capable d'obtenir plus facilement gain de cause. Les recours se sont donc multipliés donnant lieu à des indemnisations importantes de la part des professionnels.

Dès lors, les entreprises avaient trouvé deux façons de limiter l'impact les class actions.

Le premier moyen consistait à mettre, dans les contrats avec les consommateurs, des clauses interdisant un recours collectif dit « class action waiver ».14

Le second moyen, beaucoup plus subtil, consistait à insérer des clauses compromissoires dans les contrats avec les consommateurs et grâce à l'effet relatif des clauses compromissoires, l'action de groupe n'était pas possible. Etant donné que la jurisprudence n'autorisait pas alors, l'arbitrage collectif, ces clauses diminuaient l'accès à la justice des consommateurs. 15

L'autorisation de la class arbitration était donc, devenue nécessaire aux Etats Unis.

Les associations de consommateurs et les avocats ont voulu interdire cette clause compromissoire par la « doctrine of unconscionability » qui correspond à l'idée que, pour être opposable une clause ou un contrat doit exprimer la volonté des parties.Effectivement dans un contrat d'adhésion, les consommateurs signent les contrats sans pouvoir en négocier le contenu.L'idée est que les consommateurs qui signent de tel contrat n'ont pas pu exprimer leur volonté de renoncer aux recours judiciaires, qui leur semblent permis par la loi. Il est difficile de croire qu'un consommateur soit conscient, au moment de la signature de son contrat, qu'il renonce volontairement à l'idée de pouvoir réclamer un montant même modeste et, ce, avant même la naissance du litige.La clause compromissoire devient, dès lors, une arme du professionnel pour répondre à la class action.

Les juges ont pris conscience de la nécessité d'autoriser un arbitrage collectif.

14� C. Abid, « Le renouveau de l’arbitrage international dans les litiges de consommation : l’introduction de l’arbitrage collectif en France », RTD com. 2014. 27

15 � Cour d'appel de Californie, 2 octobre 1975, Vernon v. Drexel Burnham & Company, 52 Cal. App. 3rd 706

§2- Les sources de l'arbitrage collectif aux Etats - Unis

Deux procédures de sources distinctes ont permis la mise en place de l'arbitrage de groupe aux Etats-Unis. Il y a d'abord eu la mise en œuvre par la jurisprudence (I) puis la création des règlements d'institutions privées (II).

I- La création par la jurisprudence

A- Les prémices

Les clauses compromissoires ont entrainé une véritable inégalité et injustice pour les consommateurs. Les tribunaux américains, plus particulièrement ceux de l'Etat de Californie, se sont rendu compte des dégâts que cela pouvait causer en matière de protection du consommateur. Progressivement, ils ont donc reconnu l'arbitrage collectif.

Elle a été appelée « class wide arbitration » créée par la jurisprudence de la Cour californienne dans l'affaire Keating c. Superior Court16. Dans cet arrêt, la Cour a considéré qu’il n'existait pas d'obstacle insurmontable à procéder à une action collective dans l'arbitrage. Les objectifs poursuivis et les impératifs procéduraux de l'action de groupe peuvent être combinés sans que « violence soit faite » à l'une ou l'autre de ces procédures17. De ce fait, le consommateur ne perd pas son droit de se regrouper en action collective et la convention n'est plus abusive.

En revanche, les avancées ne sont que très timides. Pour autoriser l'arbitrage collectif, le juge doit vérifier que les faits remplissent les critères du recours collectif, qu'il s'agit de circonstances particulières de la cause qui impliquent plusieurs personnes, qu'un arbitrage individuel entrainerait un préjudice et que la réclamation est très modeste. Cette procédure subit donc, un fort interventionnisme du juge judiciaire.De plus, il est permis de saisir le juge judiciaire à tout moment de l'instance arbitrale pour invalider les décisions prises par l'arbitre.

Ce fort interventionnisme est justifiée pour certains auteurs qui considèrent que « laisser les arbitres seuls décider de toutes les questions de procédures seraient inconciliables avec les exigences de « due process ». Pour d'autres comme le professeur Bernard Hanotiau, les arbitres sont parfaitement à même de faire respecter le principe du contradictoire et les différentes étapes d'une procédure collective par conséquent, ce fort interventionnisme du juge judiciaire n'est pas justifié18.

L'encadrement était justifié au départ, étant donné qu'il s'agissait d'un nouveau mécanisme. Ne connaissant pas ou peu les effets futurs, il était nécessaire de contrôler cette instance même si elle dénaturait, quelque peu, l'instance arbitrale.

B- La consécration de l'arbitrage collectif à travers la jurisprudence Bazzle

En 2003, dans un arrêt Green Tree Financial corp v. Bazzle 23 juin 2003 la Cour Suprême reprend la discussion sur la class arbitration19.

16 � Keating v. Superior Court, 645 P. 2d 1192 (Cal. 1982)

17 � M. De Fontmichel, Le faible et l'arbitrage, préf. Th. Clay, 2011, éd. Economica

18 � Dans le même sens arrêt Independent Association of continental Pilots c. Continental Airlines

19� Green Tree Finanacial corp v. Bazzle 23 juin 2003, note E. Ordway et B. Derains Gazette du Palais n°311, p. 49

Green Tree était accusé par deux groupes de demandeurs, signataires de contrat de prêt, de ne pas les avoir les informés de leur possibilité de désigner un conseil et un agent d'assurance. Il ne leur avait pas non plus, donné le formulaire à cet effet.

La clause compromissoire prévue dans le contrat de prêt faisant référence au Federal Arbitration Act. Dans cette clause, il était prévu que « tout litige, demandes ou controverses résultant dû, ou liés à ce contrat ou aux relations qui résultent de ce contrat (…) seront résolus par l'arbitrage d'un arbitre désigné par (Green Tree) avec le consentement (de l'emprunteur).

Le premier groupe demanda au juge d'autoriser une class action. Le deuxième groupe demanda à l'arbitre d'autoriser la class action.

Green Tree a contesté la demande du premier groupe au motif que clause compromissoire prévoyait que le litige soit soumis à l'arbitrage.Le juge ne contestait pas le fait que l'instance devait se dérouler devant le tribunal arbitral mais il a ajouté, contre toute attente, que le recours collectif était possible devant l'instance arbitrale. Green Tree fut alors condamnée au paiement d'une indemnité de 11 millions de dollars plus les honoraires de conseils.

L'arbitre quant à lui, pour le deuxième groupe, a autorisé la class arbitration et condamna Green Tree au paiement de 9 millions de dollars plus les frais d'honoraires de conseils.

Pour Green Tree, les demandes ne pouvaient être faites sous la forme d'un recours collectif, il a donc interjeté appel. Les deux appels furent joints devant la Cour suprême de Caroline du sud, elle confirma les sentences jugeant que, dans le silence de la clause compromissoire, cette dernière devrait être comprise comme autorisant les « arbitrages collectifs ».

L'affaire a été traitée devant la Cour suprême des Etats-Unis. Green Tree soutenait que par la clause compromissoire il devait désigner un arbitre unique avec l'accord du demandeur ce qui était, selon lui, contraire à la notion de la class action. La class action n'implique pas, en effet, un arbitrage avec le seul demandeur initial mais avec tous les consommateurs représentés par ce demandeur initial.

La Cour Suprême affirme, alors, que la clause présente des termes ambigus. Elle ajoute que la question, dont dépend la soumission à l'arbitrage d'une class action, est une question d'interprétation de la clause compromissoire qui relève de l'arbitre et non des juridictions étatiques ou fédérales.

La Cour se base entre autre sur le principe établi par l'arrêt Mitsubishi20 énonçant que tout doute concernant l'interprétation d'une clause compromissoire doit être soumis à l'arbitre.

Les tribunaux étatiques ont donc le pouvoir de décider de la validité des clauses d'arbitrage et de leur applicabilité. Seulement une fois la convention d'arbitrage validée, c'est à l'arbitre qu'il revient de décider de la procédure à suivre.

Cette jurisprudence est plus dans l'esprit du professeur Hanotiau et l'idée selon laquelle les arbitres sont capables de faire respecter les différentes étapes d'une procédure collective. L'institution arbitrale est perçue comme une véritable juridiction, non plus en concurrence avec les juridictions étatiques mais une seconde solution avec d'autres avantages.

Elle autorise implicitement la tenue d'arbitrage collectif. Cette solution a aussi été étudiée par une autre source, les règlements d'institutions privés.

20� Arrêt Mitsubishi Motors Corp. v. Soler Chrysler-Plymouth, Inc., 473 U.S. 614, 624-28 (1985)

II- Les règlements d'institutions privés : l'étude des supplementary rules for class arbitration de l'American Arbitration Association

Suite à l'arrêt Bazzle, plusieurs institutions d'arbitrage américaines ont élaboré des règlements privés regroupant des règles sur l'arbitrage collectif. Parmi ces institutions, la Judicial Arbitration and Mediation Services, la National Arbitration Forum et l'American Arbitration Association (AAA).L'American arbitration association a élaboré le règlement le plus utilisé (A) son utilisation suscite cependant quelques interrogations (B).

A- La procédure des Supplementary Rules for class arbitration de l'American Arbitration Association

L'AAA a élaboré les Supplementary Rules for class arbitration (supplementary rules) dans lesquelles, elle reprend la jurisprudence Bazzle et les dispositions relatives au recours collectif devant le tribunal arbitral.

Dans les supplementary rules, la procédure d'arbitrage ne peut être engagée que dans des cas restreints : si la clause compromissoire stipule expressément la possibilité d'un arbitrage collectif AAA ou en cas de silence de la clause ou sur ordre étatique compétent.

Si l'on rentre dans un de ces cas, l'arbitre doit procéder à l'étude de la clause compromissoire pour savoir si elle autorise ou non l'action collective devant le tribunal arbitral, pour ce, il rend une sentence partielle appelée « clause construction award ».Dès lors, les parties disposent de trente jours pour contester la compétence du tribunal arbitral devant les juridictions étatiques.

À l'expiration du délai ou lorsque les parties ont expressément informé l'arbitre qu'aucune contestation ne sera introduite, l'arbitre peut procéder à la certification de la classe. Ainsi, il vérifie que tous les individus composant la classe ont signé une clause d'arbitrage identique ou similaire.

Comme pour les cours californiennes, le recours collectif ne sera admis que s'il n'existe pas de meilleure procédure afin de garantir un règlement efficace et équitable du litige. Une fois la certification faite, l'arbitre doit rendre une sentence appelée « class determination award ». Elle définit la classe en précisant les règles d'intégration et d'exclusion de la classe, elle identifie les représentants et les conseils et elle expose les différentes prétentions des parties21.

Les parties ont alors à nouveau trente jours pour contester cette sentence devant les juges judiciaires. À l'expiration de ce délai ou lorsque les parties ont expressément informé l'arbitre qu'aucune contestation ne serait faite, le tribunal arbitral procède à la notification de la procédure à tous les membres potentiellement identifiés.

Le système est celui de l'opt out, identique à celui adopté en procédure civile américaine. Une fois la notification faite aux membres identifiés de la classe, le tribunal statue sur le fond du litige.

21 � M. De Fontmichel, Le faible et l'arbitrage, préf. Th. Clay, 2011, éd. Economica

B- L'opportunité de la procédure de l'American arbitration association

La procédure de l'AAA, comme pour la jurisprudence Bazzle, donne compétence à l'arbitre pour mener la procédure de la class action (certification de classe, sentences). Néanmoins, ce système reste toujours assez contrôlé, les décisions peuvent être contestées deux fois ; une fois après la clause construction award et une autre après la class determination award avec un délai à chaque fois de trente jours.

C'est un système cantonné à l'accord du juge comme pour les cours californiennes, il témoigne d'un réel manque de confiance dans l'arbitrage collectif et plus généralement dans l'arbitrage.

Les possibilités de recourir à l'arbitrage sont restreintes pour le consommateur : il faut que le contrat n'interdise pas la class action devant l'arbitrage collectif, que la clause litigieuse soit similaire ou identique à celle d'autres consommateurs et il ne doit pas disposer de meilleure procédure afin de garantir un règlement efficace et équitable de son litige. L'utilisation de cette nouvelle procédure est très encadrée.

Dans le même sens, la Cour Suprême en 201022 a adopté une position conservatrice à l'égard des arbitrages collectifs. Elle a jugé, que, constitue une violation du Federal Arbitration Act (FAA), le fait pour un Tribunal arbitral d'imposer un arbitrage collectif à des parties qui n'y avaient pas expressément consenti.Par la suite, en 201123, puis en 201324, la Cour suprême a infirmé des décisions de juridictions inférieures qui avaient écarté la clause de renonciation à une procédure de class arbitration comme contraire au FAA.

Malgré cette évolution de la jurisprudence et un contrôle renforcé de l'AA, le nombre d'arbitrages collectifs n'a cessé d'augmenter aux Etats-Unis d'une centaine administrés par l'AAA en 2006 à plus de 401 aujourd'hui25.

Section II : Les enjeux de l'arbitrage collectif

L'arbitrage collectif est un système qui fonctionne aujourd'hui aux Etats-Unis, il présente certains avantages (§1) non négligeables mais comme tout système juridique nouveau il présente des inconvénients (§2) qui permettent de douter de l'efficacité de ce système.

§1- Les avantages de l'arbitrage collectif

Les Etats-Unis l'ont bien compris l'arbitrage collectif, au-delà du fait qu'il soit devenu nécessaire, présente des avantages non négligeables.

Aujourd'hui le problème est que l'arbitrage est couteux et dissuade les consommateurs d'agir devant le tribunal arbitral de sorte que l'on y trouve très rarement des consommateurs. D'autre part, il existe toujours des a priori sur l'arbitrage et l'idée que les arbitres ont été payés par les professionnels parce qu'ils disposent d’importants moyens financiers.

22 � Cour Suprême des Etats-Unis, 27 avril 2010, 130 S. Ct. 1758 (2010) Stolt Nielsen S.A et al. v. Animalfeeds International Corp.

23 � Cour Suprême des Etats-Unis, 27 avril 2011, 131 S. Ct. 1740 (2011) AT&T Mobility LLC v. Conception

24 � Cour Suprême des Etats_Unis, 20 juin 2013, 133 S. Ct. 2304 (2013) American Express Co. et al. V. Italian Colors Restaurant

25 �https://www.adr.org/aaa/faces/services/disputeresolutionservices/casedocket?_afrLoop=2327191735972221&_afrWindowMode=0&_afrWindowId=gt3rghooo_1#%40%3F_afrWindowId%3Dgt3rghooo_1%26_afrLoop%3D2327191735972221%26_afrWindowMode%3D0%26_adf.ctrl-state%3Dgt3rghooo_124

En conséquence, l'arbitrage collectif serait un bon procédé permettant de redorer le blason de cette institution qui semble n'être réservée qu'aux intérêts professionnels. Groupés les consommateurs sont une puissance et combinée à la force du professionnel, cela donnerait un vrai procès équilibré.

Toujours dans l'idée d'accès à la justice, l'arbitrage collectif permet d'alléger la charge de travail devant les tribunaux judiciaires souvent engorgés par de tel recours et qui entraine un traitement de l'affaire parfois trop long. L'arbitrage collectif permet de traiter l'affaire devant un public d'arbitres plus spécialisés puisqu'ils sont choisis, pour la plupart, par les parties. Un meilleur traitement de l'affaire est à espérer on sait combien les professionnels sont satisfaits de ce système.

D'ailleurs, le recours à l'arbitrage collectif pourrait être dissuasif pour le professionnel qui est face à un tribunal connaisseur, face à des arbitres qui prennent le temps de traiter des dossiers techniques. Les arbitres sont, en effet, payés et réquisitionnés pour un long moment afin de traiter le dossier correctement. L'efficacité du système pourrait les dissuader d'utiliser des méthodes abusives contre le consommateur.

En plus de l'efficacité de l'arbitrage, le traitement des dossiers d'arbitrage collectif, par les arbitres a été estimé par l'AAA comme plus rapide que l'action devant les tribunaux étatiques. Certes, il n'est pas aussi rapide que celui de l'action individuelle mais il est plus rapide qu'une action collective devant les tribunaux étatiques.

Enfin, ce mécanisme peut se révéler très utile dans les litiges transfrontaliers. Il permet de réunir dans un seul tribunal, un for neutre, plusieurs consommateurs de pays différents qui ont subi un préjudice d'un même professionnel.

L'arbitrage collectif est un système prometteur, seulement il présente certains inconvénients qui permettent de douter de son efficacité dans d'autres systèmes n'ayant pas adopté la class action telle qu'elle est prévue aux Etats-Unis.

§2- Les inconvénients de l'arbitrage collectif

L'arbitrage collectif malgré ces avantages pose des problèmes pratiques qui risquent de dénaturer l'instance arbitrale. L'introduction de l'action groupe au sein de l'arbitrage implique de revoir la flexibilité, la confidentialité de l'arbitrage.

L'adoption d'un mécanisme tel que celui des tribunaux californiens, avec son formalisme lourd notamment l'intervention du juge à plusieurs stade de l'instance, présente un risque. Le risque est d'avoir des actions qui restent bloquées faute d'accord et des recours dilatoires.26

Pour certains auteurs, ce formalisme n'est pas justifié puisque les parties en choisissant l'arbitrage collectif conviennent de renoncer à certaines procédures propres au processus judiciaire.27 Ce fort interventionnisme se justifierait, selon l'association Option consommateurs28 (Québec) par le fait qu'un arbitrage collectif demande plus de garanties procédurales qu'un arbitrage individuel.

Concernant le modèle de l'arbitrage collectif de l'AAA, comme vu précédemment la procédure est très rigoureuse, formaliste, plus que celle que l'on trouve devant les tribunaux judiciaires classiques. Cela participe à la judiciarisation du procès arbitral29 et fait perdre à l'arbitrage son but premier à savoir juger

26 � « L'arbitrage collectif : Une solution pour les consommateurs ? » Etude présentée au Bureau de la consommation d'Industrie Canada par Option consommateurs

27 � Dunkelman v. Cincinnati Bengals Inc, 821N.E. 2D 198 (Ohio Ct App. 2004), page 202

28 � Etude présentée au Bureau de la consommation d'Industrie Canada par Option consommateurs, « L'arbitrage collectif : Une solution pour les consommateurs ? »

29 � M. De Fontmichel, Le faible et l'arbitrage, préf. Th. Clay, 2011, éd. Economica

d'une manière différente que les tribunaux étatiques. On est dans un tribunal arbitral en concurrence avec les tribunaux judiciaires et cela faire perdre toute l'efficacité du système. 30

Les Etats-Unis ont autorisé l'arbitrage collectif par nécessité mais il s'avère que ce mécanisme soit devenu avantageux, il a permis un réel équilibre des forces entre consommateurs et professionnels. Certes la possibilité d'y recourir est limitée et le juge judiciaire est très présent mais c'est ce qui garantit le mieux le respect de ces procédures encore nouvelles.Les consommateurs sont attirés par ce mécanisme, ils sont compris par les arbitres, ils sont écoutés il s'agit d'une véritable institution formée pour les entendre. C'est un outil dont l'efficacité n'est pas négligeable, reste à savoir si la procédure de l'arbitrage collectif conviendrait au système français, ce système français qui vient à peine d'accepter l'action de groupe.

30� Affaire AT&T c. Conception : « Le passage d'un arbitrage bilatéral à un arbitrage collectif sacrifie le principal avantage de l'arbitrage : son caractère informel et rallonge le procès, augmente son coût et finalement, il est probable d'aboutir à une impasse procédural plutôt qu'à une instance définitive ».

CHAPITRE II : L’INTERET ET LA POSSIBILITE D’UNE CLASS ARBITRATION EN DROIT FRANCAIS

L'arbitrage en France est limité à certains domaines. Le droit de la consommation n'est arbitrable que sous certaines conditions. Pourtant pour la mise en place d'un arbitrage collectif il est impératif d'avoir un droit de la consommation arbitrable (section 1). Le système américain répond à des exigences particulières, il s'agira donc de réfléchir à l'hypothèse d'un arbitrage collectif adapté aux exigences du droit français (section 2).

Section I : L'arbitrabilité du droit de la consommation

L'arbitrage international permet de trancher des litiges impliquant des consommateurs dans le cadre d'un litige international. Seulement notre étude se basera sur l'arbitrage interne du droit de la consommation (§1) qui aujourd'hui est au centre des préoccupations. D'autre part, la loi Hamon a apporté certains éléments permettant de reprendre le débat sur l'arbitrage collectif en France (§2).

§1- L'arbitrabilité du droit de la consommation en droit interne

Le droit français fait la distinction entre le compromis (I) et la clause compromissoire (II). La validité de la clause compromissoire est étudiée de manière autonome.

I- L'arbitrabilité par la voie du compromis

A- L'ordre public : une limite du domaine de l'arbitrabilité

La notion d'arbitrabilité est floue en droit français31. Il est difficile d'en dessiner les contours. Certains auteurs ont donné des définitions qui permettent de comprendre ce que cette notion peut recouvrir. Elle est définie comme l'aptitude d'une cause à constituer l'objet d'un arbitrage32. Ce terme exprime « la qualité qui s'applique à une matière, à une question ou un litige, d'être soumis au pouvoir juridictionnel des arbitres »33. Autrement dit, c'est l'objet qui pourra ou non être traité devant le for arbitral.

L'arbitrabilité nous renvoie à deux articles du code civil l'article 2059 et l'article 2060. L'article 2060 du Code civil traite de l'ordre public de direction et l'article 2059 du Code civil s'intéresse plus spécifiquement à l'ordre public de protection. Le premier désigne l'intérêt supérieur de la société et le second s'intéresse à l'intérêt privé de leur titulaire.

L'article 2060 du Code civil prévoit qu'il était interdit de « compromettre (…) dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public ».L'ordre public, ce sont des règles impératives que les individus ne peuvent écartés et qui répond à des exigences fondamentales ou à des intérêts primordiaux (article 6 du C. civil).

En d'autres termes, une convention ne peut être en contradiction avec l'ordre public. De sorte que, la rencontre entre un consommateur et un professionnel devant le for arbitral est exclue.

Cet article 2060 du Code civil pose donc une limite quant au domaine qui peut concerner l'arbitrage.

31 � C. Jarrosson, « L'arbitrabilité : présentation méthodologique » RJ com., 1996. 1.

32 � A. Bucher, « Le nouvel arbitrage international en Suisse », Théorie de pratique du droit, 1998.

33 � P. Level, « L'arbitrabilité », Rev. Arb. 1993, p213

Cependant, cet article a été jugé trop sévère pour la doctrine. Et c'est par l'arrêt Tissot34 que la Cour de cassation a assoupli ce principe. Elle a considéré que « l'existence d'une réglementation d'ordre public ne suffisait plus à entrainer la nullité du compromis d'arbitrage ».L'arbitre devient donc compétent pour traiter d'une question intéressant l'ordre public. En revanche, l'arbitre ne peut tirer les conséquences de la validité ou non du compromis, il doit renvoyer l'affaire devant les juridictions étatiques.

En conséquence, la mise en cause de l'ordre public intéressant le droit de la consommation n'est plus un obstacle en soi à l'arbitrabilité du litige mais il existe toujours une certaine méfiance à l'égard des arbitres qui doivent surseoir à statuer et renvoyer l'affaire devant les juridictions étatiques pour ce qui est de la sanction.

B- La libre disposition des droits acquis : une limite temporelle de l'arbitrabilité

En outre, l'article 2059 du Code civil dispose que « Toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition ». L'article s'intéresse plus particulièrement à l'ordre public de protection. Ce dernier vise à protéger certains individus contre l'arbitrage qui est vu comme un mécanisme très peu protecteur de la partie faible. Travailleur, consommateur et assuré ne peuvent être soumis à l'arbitrage.

La libre disposition des droits s’entend comme la possibilité pour un individu de renoncer à ces droits par un acte juridique. Une fois que les droits sont acquis il peut y renoncer librement. Seulement, la volonté des parties ne joue pas lorsqu'il s'agit de l'ordre public de protection.L'ordre public de protection existe pour protéger le contractant contre une renonciation trop rapide et irréfléchie de ses droits. Ceci explique l'interdiction de la convention d'arbitrage entre un professionnel et un consommateur parce que l'on considère que par la signature de la convention, le consommateur renonce aux garanties que lui offrent les tribunaux étatiques, ce serait comme renoncer au droit lui-même 35.Ce n'est qu'une fois que le litige est survenu que le consommateur retrouve ses droits, ils deviennent disponibles. A ce moment-là, il pourra négocier un compromis pour choisir d'aller ou non devant un arbitre.

Le compromis est prévu à l'article 1447 et s. du Code de procédure civile. Il peut être passé à tout moment avant le procès mais après la naissance du litige ou même lorsqu'il sera ouvert. Il s'agit là d'une limite temporelle quant à l'arbitrabilité du droit de la consommation.

Pourtant une fois le litige né, peu de personnes désirent négocier un compromis. La relation est généralement rompue et dans l'esprit des consommateurs signer un compromis revient à transiger en faveur du professionnel. Aujourd'hui, plusieurs auteurs s'intéressent à la clause compromissoire et sa validité.

II- L'arbitrabilité par la voie de la clause compromissoire

A- L'affirmation de la prohibition de la clause compromissoire en arbitrage

La prohibition de la clause compromissoire a commencé avec l'arrêt Prunier du 10 juillet 184336. La Cour de cassation à travers cet arrêt, a exprimé son inquiétude quant à la protection de la partie faible. Elle considérait, dès lors, que cette clause compromissoire priverait « des garanties que présentent les tribunaux ».

La jurisprudence constante estimait que la prohibition de la clause compromissoire devait être interprétée de manière générale.

34 � Cass. Com., 28 nov.1950, S.1951, I,120 note J. Robert

35 � M. De Fontmichel, Le faible et l'arbitrage, préf. Th. Clay, 2011, éd. Economica

36 � Cass. Civ., 10 juillet 1843, Cte L'allliance c. Prunier, S. 1843, 1, 561 note Devilleneuve

Ce n'est qu'en 1925, que le législateur écarte cette prohibition en matière commerciale. En 1972, le législateur consacre cette idée dans l'article 2061 du Code civil.

La Cour de cassation par un arrêt de 199837 a jugé dès lors que, l'existence d'un litige antérieur à un protocole n'était pas établi et donc que la clause par laquelle les parties désignent un arbitre et renoncent à toute procédure judiciaire ne peut avoir la nature d'un compromis d'arbitrage. Autrement dit, la clause qui prévoit le règlement du litige par l'arbitrage avant même la naissance du litige est prohibée sauf en matière commerciale.

Le recours à l'arbitrage par le biais d'une clause compromissoire ne permettrait pas aux parties de connaître l'étendue du conflit à naître.

Seulement, des excès se sont fait ressentir, paralysant la possibilité d'agir devant le Tribunal arbitral. Ces excès ont conduit à une refonte de l'article 2061 du Code civil par la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001. L'article est rédigée de la manière suivante : « Sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle ».

Cette notion d'activité professionnelle a suscité quelques interrogations qui ont rendu la prohibition confuse.

B- Une prohibition confuse

Dans l'article 2061 du code civil, la notion d'activité professionnelle est exprimée au singulier ce qui pose une difficulté d'interprétation. Est-ce que le contrat conclu, doit être conclu « à raison d'une activité professionnelle » pour les deux parties ou seulement pour l'une d'entre elle ? Cela reviendrait à reconnaître que toutes les clauses compromissoires dans les contrats de consommation conclut avec un professionnel pourraient être valables, étant donné que le professionnel contracte dans le cadre de son activité professionnelle.

La Cour de cassation, dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 16 juin 2011 38 a considéré que le bilatéralisme de l'activité professionnelle est nécessaire. Elle l'a confirmé une seconde fois dans un arrêt du 29 février 201239. Une grande majorité de la doctrine va dans le sens de l'exigence du bilatéralisme.

Par ces décisions, la Cour de cassation reste dans l'esprit de protection de la partie faible. Comme le contrat de consommation est souvent un contrat d'adhésion, le consommateur risquerait de se voir imposer, par le professionnel, partie forte au contrat, le recours à l'arbitrage et le choix de l'arbitre.

Et pourtant, la clause compromissoire pourrait s'avérer nécessaire étant donné que le compromis est très peu mis en œuvre. Cela se justifie notamment par le fait qu'une fois le litige né, les parties campent sur leur position respective et sont réfractaires à l'idée de s'accorder sur la conclusion d'un compromis. De ce fait, la prohibition est disproportionnée puisqu'elle revient à prohiber l'arbitrage en général.

Jusque-là, le législateur était perdu sur la notion de clause compromissoire et sur la possibilité de mettre en œuvre l'arbitrage. Le doute a été effacé par la loi Hamon du 17 mars 2014.

§2- La loi Hamon et l'arbitrage collectif

37� Cass. Civ. 2e, 23 sept. 1998

38� Civ. 1re, 16 juin 2011, no 10-22.780, RJ com. 2011. 16. - Civ. 1re, 29 févr. 2012, no 11-12.782, Rev. arb. 2012. 359, note de Fontmichel ; RJ com. 2013. 24, obs. Moreau

39 � Cass. Civ. 1re, 29 février 2012, Mme Thomas ép. Lepage c. Epox, D. 201. 689 note X. Delpech

La loi Hamon apporte quelques éclaircissements sur la relation du droit de la consommation avec la clause compromissoire (I) et sur la relation entre le droit de la consommation et compromis d'arbitrage (II).

I- La loi Hamon et la clause compromissoire : La vision de Thomas Clay

La loi Hamon apporte une réponse claire quant à la suspicion qui règne sur la validité d'une clause compromissoire dans un contrat de consommation. Avec la mise en œuvre de l'action de groupe, le législateur a voulu éviter des interprétations en faveur d'une clause compromissoire pouvant empêcher l'action de groupe grâce à l'effet relatif des clauses compromissoires. Il prévoit à l'article L. 423-25 du code de la consommation l'interdiction des clauses compromissoires empêchant l'action de groupe.

« Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d'interdire à un consommateur de participer à une action de groupe ».

Ceci résulte également d'un souci de protection pour éviter les dérives qu'ont connu les Etats-Unis et qui ont poussé à l'autorisation de la class action arbitration.

L'interdiction est claire et pourtant le professeur Thomas Clay y voit deux limites qui pourraient autoriser l'arbitrage collectif en droit français.40

Pour lui, l'interdiction ne viserait que les actions de groupe judiciaires qui seraient entravées par les clauses d'arbitrage. Il en déduit qu'elle n'empêche pas les class action arbitrations dans la mesure où, ces class action arbitrations naitraient des clauses compromissoires et se développeraient hors du cadre judiciaire.

Ensuite, cette interdiction ne concernerait pas l'arbitrage international en effet, la clause compromissoire est valable dans le contrat international de consommation. A ce sujet la jurisprudence est constante. 41

Dans le même sens, dès l'entrée en vigueur de la loi, Ebay et Dropbox ont inséré des clauses d'arbitrage dans les conditions générales de ventes. Il n'en demeure pas moins que, en matière interne, la clause compromissoire serait réputée non écrite si elle empêchait l'action de groupe judiciaire.

II- La loi Hamon et le compromis

La loi Hamon a prévu aux articles L 423-15 et L 423-16 du code de la consommation la possibilité de recourir à la médiation dans l'action de groupe. Seules les associations peuvent participer à cette médiation. L'accord négocié devra être soumis à l'homologation du juge, il vérifie la conformité aux intérêts des membres du groupe, le juge pourra alors lui donner force exécutoire.

Selon les professeurs Daniel Mainguy Malo Depincé42 cette mesure alternative n'est pas la seule. La loi Hamon, en effet, n'aurait pas prévu l'interdiction d'un recours à l'arbitrage une fois les droits disponibles. Le compromis peut prévoir la résolution du procès devant un tribunal arbitral. Cette solution serait opportune dans le cas d'une action quantitativement importante.

Dans le même sens, le professeur Nabil Antaki43 suggère que les réclamations les plus importantes et les plus complexes soient réglées par une procédure d'arbitrage. Pour lui, l'arbitrage collectif est plus intéressant dans

40� T. Clay, « Arbitrages et modes alternatifs de règlement des litiges, D. 2014. 2541

41 � Arrêt Rado, Cass. Civ. 1re, 30 mars 2004

42� D. Mainguy et M. Depincé, « L'introduction de l'action de groupe en droit français » ,JCP, éd. E, 2014, 1144

43 � Antaki, N., « L'arbitrage collectif : pourquoi pas ? », dans N. Antaki et E.S. Darankoum (dir.), La Justice en marche : du recours collectif à l'arbitrage collectif, Montréal, Éditions Thémis, 2007, p. 49

la mesure où, les litiges complexes en arbitrage sont traités par une seule et même composition contrairement aux tribunaux judiciaires. Devant les tribunaux judiciaires, si l'affaire va jusqu'en appel l'affaire, elle sera étudiée dans un premier temps par un juge unique puis une seconde fois en apppel, mais avec une tout autre composition (trois nouveaux juristes). Cela fait perdre beaucoup de temps et étant donné la complexité de certaines affaires ce n'est pas intéressant.

Etant donné l'état actuel du droit en matière de droit de la consommation, il est intéressant d'étudier la possibilité de la mise en place d'un arbitrage collectif en France.

Section II : L'hypothèse de l'arbitrage collectif en droit français

L'hypothèse de l'arbitrage collectif (§1) doit être adaptée aux réglementations actuelles. Seulement pour mettre en place un tel système il faut également étudier son opportunité au regard du droit français (§2).

§1- L'hypothèse d'un arbitrage collectif à la française

Le mécanisme de l'arbitrage collectif pour ne pas échouer doit correspondre à certains aspects de l'action de groupe française plutôt qu'à la class action américaine.

Tout d'abord, comme pour l'action de groupe, le système doit être un système d'opt in pour ne pas heurter le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur ». Un système qui ne repose pas sur une présomption de participation44.

Ensuite, l'arbitre devra rendre une sentence partielle pour se prononcer sur l'existence d'un préjudice de masse et la responsabilité ou non du professionnel45. Cela permettra de limiter, comme pour l'action de groupe devant les juridictions étatiques, les dérives sur l'entreprise liées à la publicité.

C'est dans un second temps, une fois que la responsabilité du professionnel est reconnue que l'arbitre pourra donner les instructions concernant la publicité. Et ceux qui se reconnaîtront dans ce préjudice se feront connaître du tribunal.

Contrairement au système de l'AAA dans lequel entre chaque étape, les parties ont trente jours pour contester devant les tribunaux étatiques, tout se fera par l'arbitre pour ne pas dénaturer cette instance. Comme on l'a vu précédemment un interventionnisme trop important du juge participerait à la judiciarisation du procès arbitral. Cela permettrait également d'éviter les actions bloquées faute d'accord ou les recours dilatoires.Le tribunal arbitral n'est pas une antenne des tribunaux judiciaires mais une véritable juridiction indépendante qui traite les litiges d'une autre manière que les tribunaux français.

Comme dans la jurisprudence Bazzle où l'interprétation de la clause compromissoire revient à l'arbitre, il reviendra à l'arbitre de se prononcer sur la possibilité d'une action de groupe devant son instance.

Une fois la procédure terminée, l'arbitre rendra une sentence finale dans laquelle il aura le pouvoir de tirer les conséquences de l'action engagée. Dans cette sentence finale, il allouera les dommages et intérêts.

44 � C. Abid, « Le renouveau de l’arbitrage international dans les litiges de consommation : l’introduction de l’arbitrage collectif en France », RTD com. 2014. 27

45 � M. De Fontmichel, Le faible et l'arbitrage, préf. Th. Clay, 2011, éd. Economica

§2- L'opportunité de la mise en place d'un tel système en droit français

La tendance en France et en Europe est au développement des mécanismes de règlements alternatifs des litiges. D'ailleurs, la mise en place d'un arbitrage collectif intéresse certains auteurs notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi Hamon.

Le professeur Nabil Antaki, dans son article46, démontre que la mise d'un arbitrage n'est pas incompatible aujourd'hui et n'est pas non plus une grande nouveauté. En effet, il est courant que des personnes qui ont un intérêt commun mandatent l'une d'elles pour les représenter devant une cour ou devant un Tribunal arbitral.Il encore plus courant que plusieurs causes d'action soient réunies dans une même procédure judiciaire ou arbitrale. Ces procédures nous prouvent qu'on a déjà intégré dans notre culture, ce type de procédure et qu'un arbitrage collectif n'est autre que la continuité de ces procédures existantes.

Ce système permettrait de voir un peu plus de consommateurs devant les instances arbitrables et de pallier au problème du coût de l'arbitrage, jugé trop élevé pour les consommateurs.

L'arbitre est un juge et en tant que tel, il est gardien de l'ordre public, il applique, respecte et sanctionne la violation de l'ordre public de protection. En soi, l'arbitrage n'est pas celui dont on doit se méfier c'est plutôt l'utilisation détournée et abusive que peut en faire le professionnel. L'outil est neutre mais s'il est mal utilisé, il permet l'abus.

C'est pour cette raison qu'écarter la voie de la clause compromissoire est opportun. Il faut laisser place au compromis avec la mise en place du système cité plus haut. Cette solution est beaucoup plus appropriée au système actuel et reste en faveur de la protection du consommateur.

Le système ne permet en revanche pas, de revenir sur la solution finale. Il faut espérer que les associations soient aptes à choisir un bon arbitre. Si elles se font assister d'un avocat comme pour l'action de groupe, ce recours deviendra intéressant puisque les avocats sont plus familiers avec ce type de procédure.Les associations comme UFC que choisir et l'AFOC sont favorables à ce système qui, pour elles, ouvrent d'autres voies pour recourir à la justice.

Le doute demeure quant à l'utilisation effective de cette voie de recours par les associations de consommateurs qui généralement expriment le mécontentement des consommateurs et les relations restent cristallisées à ce stade de la procédure.

Effectivement les avocats Benoit le Bars et Raphaël Kaminsky soulèvent le fait que l'on arrive trop tard. Des sites internet existent déjà et proposent aux consommateurs, via des réseaux sociaux, de consolider leurs plaintes pour faire pression sur les sociétés qui craignent d'être inscrites sur une liste grise ou noire et boycottées par les consommateurs.

Aujourd'hui règne un doute quant à l'utilisation effective de ces nouveaux moyens de recours, les négociations privées entre en jeu, les consommateurs s'auto-protège, ils sont devenus une vraie force qui fait peur aux entreprises notamment les entreprises naissantes. Il est donc peu sûr que cet arbitrage fonctionne aussi bien en France, il risque d’être perçu comme un doublon par conséquent l’utilisation est peu sure. La promotion par le législateur de ce nouveau mécanisme est nécessaire pour faire fonctionner un tel système. Il est peu probable de voir des associations et des consommateurs devant le for arbitral à l’heure actuelle même si les avantages sont nombreux.

46 � Antaki, N., « L'arbitrage collectif : pourquoi pas ? », dans N. Antaki et E.S. Darankoum (dir.), La Justice en marche : du recours collectif à l'arbitrage collectif, Montréal, Éditions Thémis, 2007, p. 49

CONCLUSION GÉNÉRALE

Selon G. Paisant et H. Motulsky.47 « L'arbitrage suppose un équilibre des forces et partout où cet équilibre est rompu, l'arbitrage s'asphyxie ». Arbitrage et action de groupe combinés révèlent un véritable équilibre entre la partie faible et la partie forte. Ce mécanisme ne peut être ignoré.

L'objectif de cette étude était de démontrer que l'arbitrage et l'action de groupe sont deux systèmes bien différents mais pas incompatibles. Il ne s'agit plus maintenant de les distinguer mais de les voir ensemble, ne former qu'un. Ensemble, ils permettent de répondre aux objectifs de chacun une véritable protection pour le consommateur et une instance spécialisée pour le professionnel.

L'arbitrage ne doit plus être perçu comme une instance réservée à la défense des intérêts professionnels incapables de rendre une décision impartiale. L'arbitre est un juge capable de résoudre de manière efficace les litiges qui impliquent un consommateur. Cette harmonie entre les deux doit dominer.

L'analyse de l'arbitrage collectif a révélé certains défauts comme la judiciarisation de l'arbitrage ou encore l'appel qui n'est pas possible mais l'hypothèse présentée nous a permis de comprendre que les avantages sont encore plus intéressants. L'hypothèse nous a permis également de voir que ce système pouvait être mis en place en France avec l'assistance des avocats pour le choix des arbitres.

Notre analyse vise à retenir l'arbitrage mais dans le cadre du compromis et non de la clause compromissoire jugé en défaveur du consommateur.

Le mécanisme est loin d'être d'achevé mais son avenir n'est pas impossible il est même prometteur.

47 � G.Paisant et H. Motulsky, « L'arbitrage et les conflits du travail », Rev. Arb., 1956.78

Résumé

La tendance en France et en Europe est au développement des mécanismes de règlements alternatifs, et à la protection des consommateurs. Face à l'inefficacité des systèmes actuels de protection des consommateurs (action dans l'intérêt collectif des consommateurs et action en représentation conjointe) pour des litiges de consommation au montant faible, une loi a été adoptée sur l'action de groupe (Loi Hamon du 17 mars 2014). Son régime est prévu à l'article L 423-1 et s. du code de la consommation. Elle permet à une association de consommateurs représentée nationalement et agréée, d'agir devant les juridictions étatiques pour obtenir réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs qui sont placés dans une situation similaire ou identique, et qui ont pour origine commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à ses obligations légales ou contractuelles.

A peine entrée en vigueur, les opinions divergent quant à l'efficacité de ce système. Pour certains auteurs elle ne présente que des avancées timides, il s'agirait d'une réforme a minima48. Cependant, la grande majorité des auteurs partisans ou non du système actuel, s'accordent sur le fait que l'action de groupe peut être améliorée.

En attendant ce perfectionnement qui peut prendre du temps, certains auteurs ont proposé une solution alternative ; la solution nord-américaine qui consiste à présenter ce même type d’action devant un tribunal arbitral. Il s'agit de la class arbitration appelée aussi arbitrage collectif, arbitrage de groupe.Bien qu'il s'agisse de deux modes de règlement des litiges opposés - l'arbitrage se caractérise généralement par sa confidentialité, sa flexibilité, sa rapidité et son absence de formalisme, alors que l'action collective se caractérise par sa publicité, son formalisme et son caractère judiciaire - , cette procédure hybride a fait ses preuves et ensemble, ces deux mécanismes offrent une double protection au consommateur et rationalise l'utilisation des ressources judiciaires49. L'arbitrage collectif est né aux Etats Unis. Il est né de la volonté de protéger le consommateur contre le professionnel qui avait tendance à insérer une clause empêchant la class action. Les entreprises par l'insertion d'une clause compromissoire, dans les contrats de consommation, limiter l'impact des class actions sans autoriser l'arbitrage collectif grâce à l'effet relatif de la clause compromissoire. Ce n'est que progressivement que les tribunaux ont fini par admettre l'arbitrage collectif pour sa destination première.Le développement de l'arbitrage collectif aux Etats-Unis s'est fait par la jurisprudence et ensuite par la soft law. Le développement s'est fait dans un premier temps grâce à la jurisprudence à travers deux décisions importantes. Tout d'abord, la décision Keating c. Superior court au terme de laquelle la Cour suprême estime qu'« il n'existe pas d'obstacle insurmontable à procéder à une action collective dans l'arbitrage ». Cette décision est suivie de la jurisprudence Green Tree financial corp v. Bazzle (2003) dans laquelle la Cour suprême décide que le Federal Arbitration Act n'interdit pas de soumettre le recours collectif à l'arbitrage et que les arbitres ont compétences pour déterminer si un tel recours entre dans le champs d'application de la clause compromissoire.Le développement s'est fait ensuite par la soft Law avec la procédure des Supplementary Rules for class arbitration de l'American Arbitration Association (AAA), il s'agit de la procédure la plus utilisée. Ce sont des règles qui reprennent la jurisprudence Bazzle et qui donnent les conditions dans lesquelles l'arbitrage collectif peut être utilisé.

48 � C. Abid, « Le renouveau de l’arbitrage international dans les litiges de consommation : l’introduction de l’arbitrage collectif en France », RTD com. 2014. 27

49 � N. Antaki, « L'arbitrage collectif : pourquoi pas ?», Les journées Maxilien-Caron 2006, ed. Thémis 2007 p.49

Désormais aux Etats-Unis l'utilisation de cette procédure n'est plus à remettre en question. Son utilisation ne cesse d'augmenter en 2006 avec 100 administrés et en 2014, 401 administrés un réel système qui fonctionne50.Ce système d'arbitrage présente plusieurs avantages, il augmente notamment la protection de la partie faible en ouvrant l'action au tribunal arbitral, les tribunaux sont désengorgés et l'efficacité du tribunal arbitral offre un effet dissuasif pour le professionnel. Certaines données américaines nous montrent même que l'action collective est plus rapide que celle devant les tribunaux étatiques.

L'arbitrage collectif serait « la musique d'avenir »51.

Tout au long de notre analyse, nous allons prouver les avantages de l'insertion de l'arbitrage collectif, au sein du système juridique français et proposer l'hypothèse d'un système d'arbitrage collectif à la française.

La difficulté aujourd'hui est que le droit de la consommation n'est arbitrable que par la voie du compromis52, il s'agira alors de proposer un schéma dans lequel on pourrait admettre l'arbitrabilité du droit de la consommation.

50 �https://www.adr.org/aaa/faces/services/disputeresolutionservices/casedocket?_afrLoop=2327191735972221&_afrWindowMode=0&_afrWindowId=gt3rghooo_1#%40%3F_afrWindowId%3Dgt3rghooo_1%26_afrLoop%3D2327191735972221%26_afrWindowMode%3D0%26_adf.ctrl-state%3Dgt3rghooo_124

51 � Ch. Müller, Class Arbitration, in Mélanges en l'Honneur de Pierre Tercier, Schulthess, 2008, p. 921

52 � Article 2061 C.C confirmé par la Cour de cassation Cass civ 1, 29 février 2012

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GÉNÉRAUX

M. De Fontmichel, Le faible et l'arbitrage, préf. Th. Clay, 2011, éd. Economica

Ch. Müller, Class Arbitration, in Mélanges en l'Honneur de Pierre Tercier, Schulthess, 2008, p. 921

TEXTES

Circulaire action de groupe 26/09/2014

Les supplementary rules de l'American Arbitration Association

Loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanatRule 23 of the Federal Rules of Civil Procedure.Article 2061 du code civil, modifié par la Loi n°2001-420 du 15 mai 2001 - art. 126 JORF 16 mai 2001.Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques

ARTICLES DE REVUE ET CHAPITRES D’OUVRAGES

C. Abid, « Le renouveau de l’arbitrage international dans les litiges de consommation : l’introduction de l’arbitrage collectif en France », RTD com. 2014. 27

Antaki, N., « L'arbitrage collectif : pourquoi pas ? », dans N. Antaki et E.S. Darankoum (dir.), La Justice en marche : du recours collectif à l'arbitrage collectif, Montréal, Éditions Thémis, 2007, p. 49

Bisson, D., « En quête de l'arbitrage collectif : La jurisprudence québécoise aurait-elle donné naissance à une nouvelle procédure hybride ? », dans N. Antanki et E.S. Darankoum (dir.), La Justice en marche : du recours collectif à l'arbitrage collectif, Montréal, Éditions Thémis, 2007, p. 69

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Cass. Civ., 10 juillet 1843, Cte L'allliance c. Prunier, S. 1843, 1, 561 note Devilleneuve Cass. Civ. 2e, 23 sept. 1998

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Arrêt Rado, Cass. Civ. 1re, 30 mars 2004

Cour Suprême des Etats-Unis, 27 avril 2010, 130 S. Ct. 1758 (2010) Stolt Nielsen S.A et al. V. Animalfeeds International Corp

Cour Suprême des Etats-Unis, 27 avril 2011, 131 S. Ct. 1740 (2011) AT&T Mobility LLC v. Conception

Cour Suprême des Etats-Unis, 20 juin 2013, 133 S. Ct. 2304 (2013) American Express Co. et al. V. Italian Colors Restaurant