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UNIVERSITE JEAN MOULIN – LYON 3 FACULTE DE DROIT LES TECHNIQUES CONVENTIONNELLES DE LUTTE CONTRE LES POLLUTIONS ET LES NUISANCES ET DE PREVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT DISCIPLINE : DROIT DE L’ENVIRONNEMENT présentée et soutenue publiquement le 29 novembre 2005 par Christelle BALLANDRAS ROZET JURY Directeur de thèse : Monsieur Jean UNTERMAIER Professeur à l’Université Jean Moulin – Lyon 3 Directeur de l’Institut de droit de l’environnement Rapporteurs : Monsieur Raphaël ROMI Professeur à l’Université de Nantes Chaire Jean Monnet de droit européen de l’environnement Monsieur Pierre LASCOUMES Directeur de recherche au CNRS Suffragants : Monsieur Stéphane DOUMBE-BILLE Professeur à l’Université Jean Moulin – Lyon 3 Directeur du Centre de droit international Monsieur Jean-François SESTIER Professeur à l’Université Jean Moulin – Lyon 3

UNIVERSITE JEAN MOULIN – LYON 3 · FACULTE DE DROIT LES TECHNIQUES CONVENTIONNELLES DE LUTTE CONTRE LES POLLUTIONS ET LES NUISANCES ET DE PREVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES THESE

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  • UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON 3FACULTE DE DROIT

    LES TECHNIQUES CONVENTIONNELLES DE LUTTE CONTRE LES

    POLLUTIONS ET LES NUISANCES ET DE PREVENTION DES

    RISQUES TECHNOLOGIQUES

    THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT

    DISCIPLINE : DROIT DE LENVIRONNEMENT

    prsente et soutenue publiquement le 29 novembre 2005par

    Christelle BALLANDRAS ROZET

    JURY

    Directeur de thse : Monsieur Jean UNTERMAIERProfesseur lUniversit Jean Moulin Lyon 3Directeur de lInstitut de droit de lenvironnement

    Rapporteurs : Monsieur Raphal ROMIProfesseur lUniversit de Nantes

    Chaire Jean Monnet de droit europen de lenvironnement

    Monsieur Pierre LASCOUMESDirecteur de recherche au CNRS

    Suffragants : Monsieur Stphane DOUMBE-BILLE Professeur lUniversit Jean Moulin Lyon 3

    Directeur du Centre de droit international

    Monsieur Jean-Franois SESTIER Professeur lUniversit Jean Moulin Lyon 3

  • REMERCIEMENTS

    Je voudrais exprimer ma trs grande reconnaissance au Professeur Jean

    UNTERMAIER qui, en me confiant ce travail, ma permis de progresser

    intel lectuellement et de mener des rflexions passionnantes sur un thme

    empreint dincomprhensions et dincertitudes. Je le remercie pour la

    confiance quil ma tmoigne et les conseils quil ma prodigus tout au long

    de cette recherche.

    Je remercie galement :

    Les professeurs qui me font lhonneur de juger ce travail,

    Les professionnels et le personnel de ladministration qui, par leur

    aimable contribution, mont permis de mener bien la ralisation de cette

    thse :

    Mme AOUNI, Sous-Direction de la pollution urbaine, Agence de l'eau Rhne-

    Mditerrane et Corse,

    Mme BAIZEAU, Charge de Mission Dchets, Direction de l'Environnement

    et de l'Energie, Rgion Rhne-Alpes,

    M. BAL, Directeur adjoint du Btiment et des Energies Renouvelables,

    ADEME,

    M. BONHOURE, Responsable cellule Eau, Direction de l'Environnement et de

    l'Energie,

    Mle DAUBERT, Service Juridique, Union des Industries Chimiques,

    M. DECHAMBOUX, Etablissements Dechamboux, SA Dechamboux Henri,

    usine de rgnration, Bonneville,

    M. DENEUVY, Responsable SEMA, DIREN Lyon,

  • M. DUMAS, Responsable de la Mission Coordination Planification, Agence

    de l'Eau, Rhne-Mditerrane et Corse,

    M. DURAND, Adjoint au chef du service de l'environnement industriel ,

    Direction de la prvention des pollutions et des risques, Ministre de

    l'Environnement,

    M. FAUCONNIER, Direction des Affaires Techniques, Fdration Nationale

    du Btiment,

    M. FRESSONNET, APORA,

    M. GUILLERMIN, Services Techniques, Mairie de Bourg-en-Bresse,

    M. HUBERT, Directeur rgional, Dpartement producteurs, Eco-Emballages,

    Lyon,

    M. JOURDE, CNPF,

    Mme LAUNOIS, Commission Environnement, Chambre de Commerce Internationale,

    M. LEHMANN, Chef du service rgional environnement, Direction rgionale

    de lindustrie, de la recherche et de lenvironnement Rhne-Alpes,

    M. MILLIERE, Directeur Socit Dalkia Centre Mditerrane,

    M. MORETEAU, Directeur du service urbanisme, Villeurbanne,

    M. PEAU, Responsable environnement la Communaut de Communes du

    Bassin de vie de Bourg-en-Bresse,

    M. REYDET, Syndicat National du Dcolletage,

    Mme SIGIER, Responsable juridique et assurances, Socit Dalkia Centre

    Mditerrane,

    Mle THIBAUT, Charge de mission environnement, Chambre de Commerce et

    d'Industrie de l'Ain,

    M. TISSEUIL, Service environnement FEDEREC,

    M. WEBER, ADEME.

    Toutes les personnes qui, par leur gentillesse et leur patience, mont

    soutenu en me transmettant courage et confiance, mes parents et Eric tout

    spcialement.

  • A mes enfants,

    Chlo et Baptiste,

  • 7

    SOMMAIRE

    Introduction. 13

    Premire partie :L'approche formelle des conventions de luttecontre les pollutions.La recherche dune systmatisation conventionnelle.. 49

    Titre I : La gense du dveloppement des techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions 57

    Chapitre I : Un clectisme conventionnel mergent,expression d'une mtamorphose du droit.. 63

    Chapitre II : L'closion d'une panoplie de techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions 133

    Titre II : La classification des conventions de lutte contreles pollutions 311

    Chapitre I : La classification didactique des conventions delutte contre les pollutions 317

    Chapitre II : La classification fonctionnelle des conventions delutte contre les pollutions. 377

    Deuxime partie :Lapprhension des conventions de lutte contre

    les pollutions fonde sur le critre matriel. La recherche dune rationalit conventionnelle 491

    Titre I : Contribution la rationalisation des techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions 499

    Chapitre I : La convention-cadre, support juridiquedes conventions de lutte contre les pollutions. 505

    Chapitre II : Essai de modlisation des techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions... 647

    Ti t r e I I : L e s t e ch n ique s c onv en t ionn e l l es d e lu t t ec o nt r e l e s po l lu t i o ns , i l lu s t r a t ion d ' u ne mu ta t i onf on c t i onn e l l e d e l ' E t a t .. 719

    C h ap i t r e I : Le s c o nv en t io ns d e l u t t e c on t r e l e s p o l l u t i on s ,d e s do nn e s j u r id iq u es im pu l s an t e t r e f l t an t l at r an s fo rm at io n d e l E t a t . 7 2 7

    C h ap i t r e I I : Le s c o n ve n t io ns d e l u t t e c on t r e l e s p o l l u t i on s ,t r ad u c t i on d un e go uv er n an c e t a t i qu e .. 7 79

  • 8

  • 9

    LISTE DES ABREVIATIONSET DES SIGLES

    ADEME : Agence de l'Environnement et de Matrise de l'EnergieAFDI : Annuaire franais de droit international, CNRS, Parisaff. : affaireA.J. : Actualit juridique-Droit administratifAJDA : Actualit juridique-Droit administratif, ditions du Moniteur,

    Parisal. : alinaAN : Assemble NationaleAnn. IDI : Annuaire de l'Institut de Droit InternationalAPD : Archives Philosophiques du droit art. : articleAss. : AssembleBDEI : Bulletin de droit de lenvironnement industrielB.I.I.A.P. : Bulletin de lInstitut International de lAdministration PubliqueBOMETT : Bulletin Officiel du Ministre de l'quipement, du transport

    et du tourismeBull. : BulletinC : Communication, subdivision du Journal officiel de lUnion europennec/ : contreC.A. : Cour d'appelC.A.A. : Cour administrative d'appelCass. : Cour de cassationCC : Conseil ConstitutionnelC.E. : Conseil d'EtatCE : Communaut europenneCEE : Communaut conomique europenneCEFIC : European Chemical Industry CouncilCGCT : Code gnral des collectivits territorialesCMP : Code des Marchs PublicsCf. : confer, se reporter civ. : chambre civile de la Cour de cassationchron. : chroniqueC.J.C.E. Rec. : Recueil de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal de

    premire instance des Communauts europennes, diteur :Office des Publications officielles des Communauts europennes, Luxembourg

    C.J.C.E. : Cour de Justice des Communauts europennesCJEG : Cahier Juridique de l'Electricit et du Gaz, Revue mensuelle

    dite par EDF et GDF, distribue par Les Librairies Techniques depuis 1976

    coll. : collectioncomm. : commentaire

  • 10

    concl. : conclusionsD. : Recueil Dalloz, ParisDA : Droit administratifdir. : sous la direction dedoc. : documentdoctr. : doctrineDP : Dalloz Priodiqued. : dition(s), diteurEDCE : Etudes et documents du Conseil d'Etatfasc. : fasciculeFederec : Fdration Franaise de la Rcupration pour la Gestion

    Industrielle de l'Environnement et du RecyclageFNB : Fdration Nationale du BtimentGAJA : Les grands arrts de la jurisprudence administrative, ditions

    Sirey, Paris, 14me d. 2003GP : La Gazette du Palais, Parisibid. : ibidem, au mme endroitICCA : International Council of Chemical AssociationsICC : International Chamber of Commerce ou CCI : Chambre de

    Commerce InternationaleICME : International Council on Metals and the Environmentinfra : au-dessous, plus basJ.Cl. : Jurisclasseur, ditions Techniques, ParisJCP : Jurisclasseur priodique (semaine juridique), dition gnraleJCP d. CI : Jurisclasseur priodique (semaine juridique), dition

    commerce et industrieJCP d. E : Jurisclasseur priodique (semaine juridique), dition entrepriseJOCE : Journal Officiel des Communauts europennes, Office des

    Publications officielles des Communauts europennesJORF : Journal Officiel de la Rpublique franaise, ditions des

    Journaux officiels, ParisJOUE : Journal Officiel de lUnion europenne, Office des Publications de lUnion europenneJuris. : jurisprudenceL : Lgislation, subdivision du Journal officiel de lUnion

    europenneLeb. : Recueil des arrts du Conseil d'Etat et du Tribunal des Conflits (Lebon)LGDJ : Librairie gnrale de droit et de jurisprudence, Parisloc. cit. : locus citatusLPA : Les Petites AffichesL.Q.J. : Le Quotidien juridiqueMl. : Mlanges offerts ou Etudes ddies MTP : Moniteur des Travaux Publicsn : numroNC : Numro complmentaire du JORFN.E.D. : Notes et tudes documentairesop. cit. : opus citatusord. : ordonnance

  • 11

    PMPOA : Programme de matrise des pollutions d'origine agricolep. : page(s)prc. : prcit(e)PUF : Presses universitaires de France, ParisRBDI : Revue belge de droit internationalRDP : Revue du droit public et de la science politique en France et

    l 'tranger, diteur : LGDJ, ParisRec. : Recueil des arrts de la C.J.C.E ou du C.E.RA : Revue administrativeRCDIP : Revue critique de droit international privRDCC : Recueil des dcisions du Conseil constitutionnelRPDA : Recueil pratique de droit administratifRDSS : Revue de droit sanitaire et social, d. SireyRev. : RevueRFAP : Revue franaise d'administration publique, diteur : Institut

    international d'administration publique, ParisRFDA : Revue franaise de droit administratif, dition Sirey, ParisRGDA : Revue Gnrale du Droit des Assurances (ancienne RGAT :

    Revue Gnrale des Assurances Terrestres), revue trimestrielle,LGDJ, Paris

    RGDIP : Revue gnrale de droit international public, dition Pedone, ParisRIDC : Revue internationale de droit compar, diteur : Socit de

    lgislation compare, ParisRJE : Revue juridique de l'environnementRMC : Revue du March commun et de l'Union europenne, Editions

    Techniques et Economiques, Paris RSF : Revue de sciences financiresRTDC : Revue Trimestrielle de Droit civil, ditions Sirey, ParisRTD Com. : Revue Trimestrielle de droit commercial et de droit

    conomique, ditions Sirey, Paris RTD Comp. : Revue Trimestrielle de Droit Compar, ditions Sirey, ParisRTDE : Revue Trimestrielle de Droit Europen, ditions Sirey, Pariss. : et suivant(es)S. : Recueil SireySect. : SectionSNDEC : Syndicat National du Dcolletagesomm. : sommairespc. : spcialementSt : Socitsupp lt : supplmentSupra : au-dessus, plus hautt. : tomeT.A. : Tribunal administratifT.C. : Tribunal des conflitsT.G.I. : Tribunal de grande instance

  • 12

    trad. : traductionUIC : Union des Industries Chimiquesvol. : volume

  • 13

    "La nature s'est rserve tant de libert qu'avec notre savoir et notre

    science nous ne pouvons jamais la pntrer entirement ni la pousser dans ses

    derniers retranchements"1. La dialectique de J.W. Von Goethe tend reconnatre

    une force inhrente la nature qui lui permet de survivre aux faits nfastes de

    l'homme. Elle invite reconsidrer la problmatique lie aux rapports de l'tre

    humain la nature et leur imputer la responsabilit d'une triste ralit :

    l 'altration de l'quilibre entre les tres vivants et les ressources naturelles, la

    rarfaction et la disparition d'espces animales et vgtales.

    Les conventions de lutte contre les pollutions2 tentent prcisment de redfinir

    cette problmatique en contribuant au rtablissement de lquilibre cologique.

    Elles favorisent la conciliation des intrts conomiques et environnementaux en

    invitant les parties contractantes modifier leur comportement pour produire et

    agir de faon mieux respecter la nature. Elles font de lhomme un alli

    cologique. Elles incitent ce dernier une prise de conscience des impratifs de

    protection du milieu et des conditions de vie, de manire modifier les

    processus de production. Dans ces conditions, le partenaire conomique nest

    1 J.W. VON GOETHE, Sentences en prose, 1870, tr . Lichtenberger, in La Sagesse de Goethe, La Renaissance du Livre , 1930.2 Lexpression "conventions de lutte contre les pollutions" sera employe tout au long de cette thse pour dsigner lensemble des conventions de lutte contre les pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques.

    INTRODUCTION

  • 14

    plus lennemi de la nature. Il devient un acteur favorisant la rduction des

    atteintes de son activit sur les cosystmes et son cadre de vie.

    Les conventions traduisent une volution comportementale propre djouer les

    habitudes humaines qui, pour la plupart, expriment un dsintrt pour les

    proccupations cologiques. Le plus souvent pris de progrs scientifique et

    technique, l 'homme est en effet, appel exploiter, voire surexploiter les

    richesses naturelles au risque de les puiser, sans se soucier aucunement des

    rpercussions ventuelles sur sa sant, son bien-tre et lenvironnement, tel

    point que l'on peut dire sans choquer quiconque : "Vivre c'est polluer"3.

    L'environnement est faonn par lhomme de toute sa puissance. Il apparat

    comme le rceptacle d'expriences multiples, lesquelles tentent de satisfaire les

    exigences de chaque individu ; il devient une "chose", un outil au service du

    bien-tre immdiat. Or, ces prouesses humaines le prdestinent un pril dont

    l'vidence est dsormais nettement perue par l 'ensemble de la population.

    Sans doute l'avenir de l'environnement est-il incertain si aucun

    changement dattitude n'intervient rapidement : une prise de conscience

    objective des risques que font courir les activits humaines la nature lui serait

    salvatrice ; personne ne peut nier que les agressions de l'homme ont pris des

    proportions telles qu'aujourd'hui il devient ncessaire de protger et de prserver

    les espces vgtales et animales. Pour ce faire, l 'encadrement juridique des

    conduites parat une solution efficace : l 'adoption de rgles dont le propre est de

    contraindre un comportement donn, contribue une mutation socitale

    conforme aux exigences environnementales, afin de rendre fusionnelle la

    coexistence de l'ensemble des tres vivants.

    La question de la capacit de cet "impratif juridique"4 assurer la survie des

    espces ainsi que l'quilibre de la plante, se pose avec une acuit particulire

    ds lors que l'on sait que les richesses provenant de la mer ou de la terre sont

    puisables. D'aucuns contrediront ce caractre dnonc d'ailleurs ds le 17me

    sicle par l 'anglais Selden, dans son ouvrage le Mare Clausum (La mer ferme)

    3 M. BACHELET, L'ingrence cologique , Paris, Editions Frison-Roche, 1995, p.16.4 R. CAPITANT, Introduction l'tude de l 'i l l icite. L'impratif juridique , thse de doctorat en droit, Librairie Dalloz, Paris, 1928, p.1.

  • 15

    crit en 1635, dans lequel il contredit Grotius ; celui-ci, au dbut du mme

    sicle, dans le "Mare Liberum" (La mer libre), douzime chapitre d'une

    consultation intitule "De jure praedae" (Du droit des prises)5 qu'il a rdige la

    demande de la Compagnie des Indes, relevait au contraire le caractre

    inpuisable de ces richesses.

    Le constat selon lequel les ressources naturelles diminuent cause des activits

    humaines incite donc rflchir la faon d'agir autrement, c'est--dire en

    respectant la nature, avant d'atteindre un point de non-retour dsastreux.

    Pourtant, il faut attendre la fin du 20me sicle pour qu'une prise de conscience

    collective apparaisse. L'industrie et la technologie n'ont cess, depuis des

    dcennies, de se dvelopper au risque d'avoir des consquences dvastatrices

    irrversibles. La socit accumule, depuis lre industrielle, les moyens

    susceptibles de nuire la nature lchelle plantaire. Elle mne des actions qui

    engendrent parfois des catastrophes cologiques la rparation desquelles elle

    se trouve trop souvent dsarme. La seule rponse quelle est en mesure

    dapporter nest pas la hauteur des exigences de la compensation laquelle

    exige un retour au statu quo ante. Dans lhypothse dune pollution maritime par

    les hydrocarbures, le remde apparat aussi pire que le mal. Lemploi de produits

    constitus dun mlange de tensioactifs trs concentrs qui fragmentent les

    nappes de ptrole pandues en mer et les rduit en fines particules engendre la

    destruction de la flore marine. La rfrigration et la climatisation utilises de

    plus en plus systmatiquement par les industriels et les particuliers, et les

    activits de combustion des nergies fossiles, surtout le ptrole et le charbon,

    rejettent des gaz polluants tels que les gaz fluors et le dioxyde de carbone, qui

    contribuent la destruction de la couche dozone et leffet de serre. Les pluies

    charges dlments acides par les dgagements gazeux des sites industriels et

    urbains ont des rpercussions nfastes sur les vgtaux, les animaux, les mers et

    4 En 1609, " le gouvernement hollandais publia le chapitre 12 d'une consultation rdige par Grotius la demande de la Compagnie des Indes : De jure praedae (Du droit des prises). Dans ce chapitre, intitul Mare Liberum ("La mer libre"), Grotius invoquait des arguments tirs de la nature de la mer (mobilit, fluidit, impossibilit d 'tablissement, caractre inpuisable des ressources) et du droit naturel (). Le principal contradicteur de Grotius fut l 'Anglais Selden qui crivit, en 1635, le Mare Clausum ("la mer ferme") par opposition au Mare Liberum du Premier" (P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public , Paris, LGDJ, 7 me d., 2002, p.1195, n692). I l dfendait l 'ide selon laquelle la mer tait susceptible d 'appropriation et que les ressources taient puisables.

  • 16

    les ocans. La qualit des eaux sen trouve altre, le transit des bancs de

    poissons, leur reproduction et leur croissance sont perturbs. Les missions

    polluantes qui se diffusent dans lair engendrent galement la fragilisation de la

    sant humaine. Laugmentation du nombre de pathologies, tels que les maladies

    respiratoires de lenfant, lasthme, les allergies, les troubles du dveloppement

    neurologique, les cancers infantiles, les perturbations du systme endocrinien,

    serait due la pollution environnementale, selon la Commission europenne

    dans son "Plan daction europen 2004-2010 en faveur de lenvironnement et de

    la sant"6. Les dioxines qui sont des molcules cycliques composes datomes de

    carbone, dhydrogne, doxygne et dhalognes, accentuent le phnomne de

    fragilisation. Elles sont largement associes lindustrie chimique des drivs

    chlors et des chlorophnols. Elles rsultent des procds dincinration de

    dchets, de fonderie, de mtallurgie, de sidrurgie, de blanchiment de la pte

    papier, de fabrication dherbicides et de pesticides. Elles engendrent une

    dgradation de lair, du sol et de leau dont les consquences se prolongent dans

    la chane alimentaire. Leurs rpercussions sur la sant sont alors extrmement

    inquitantes, puisquelles favorisent notamment la diminution des dfenses

    immunitaires et le dveloppement des cancers.

    Fort de ces rvlations, lhomme prend conscience, depuis les annes

    1970, de lintrt quil a protger lenvironnement. Il ne sagit pas pour lui de

    se contenter des dnonciations purement cologistes de cette poque qui, comme

    lnonce le rapport du Club de Rome7, prdisent une catastrophe prochaine en

    raison de l'puisement des ressources naturelles. Il sattache mieux

    comprendre les interactions entre lenvironnement et la sant pour modifier les

    processus de production. Il tente de sauvegarder lenvironnement afin de

    prserver sa sant.

    Ce contexte nouveau marque le passage, selon lexpression de E. Morin, de la

    "science cologique la conscience cologique". Bien qu'il soit apparu, dans un

    6 "Plan daction europen 2004-2010 en faveur de lenvironnement et de la sant" de la Commission europenne du 9 juin 2004, IP/04/728.7 D. MEADOWS et al. , Halte la croissance , Paris, Fayard, 1972.

  • 17

    premier temps, sous la forme d'une "prophtie aux couleurs d'apocalypse"8, il

    confirme la fin d'une priode d'une trs grande libert d'action o le savoir

    technologique constitue l 'unique l imite, au profi t d 'un encadrement juridique

    de l 'act ivit humaine. Surtout , i l t raduit le facteur essentiel lement

    psychologique par lequel l 'homme porte un jugement mitig sur le bien-

    fond de ses activits au regard de leurs rpercussions sur l 'environnement :

    les actions humaines sont largement reconnues comme polluantes et

    nuisibles, et certaines d 'entre el les comme comportant une part de risque

    vident. Forts de cette lucidit , les acteurs conomiques doivent dsormais

    agir en alliant respect de la nature et progrs technique : le maintien de

    l'quilibre ncessaire la reconstitution des ressources, par rfrence au concept

    "d'codveloppement" imagin par I. Sachs9, implique une attitude "responsable"

    guide par les impratifs environnementaux.

    L'tre humain doit intgrer le facteur cologique dans sa conception

    conomique, pour ne pas puiser les richesses naturelles, pour limiter les

    pollutions et les nuisances suscites par son activit et pour prvenir les risques

    technologiques ventuels. C'est ce prix qu'il ne sera plus considr comme "le

    destructeur n de la plante, comme le fils ingrat d'une mre jusqu'ici

    nourricire, en dpit de sa pauvret dans certains cas"10.

    Les modalits d'action des acteurs environnementaux sont en principe

    rigoureusement fixes par l 'Etat, lequel dicte un nombre considrable de

    normes sous forme de lois et de rglements11. Ces rgles s'avrent les

    instruments de prdilection de tout Etat de droit, dont la finalit est prcisment

    de protger le gouvern de l'arbitraire de cette instance12, et duquel merge une

    8 E. MORIN, Pour une nouvelle conscience plantaire, Le Monde diplomatique , octobre 1989, p.1.9 I. SACHS, Stratgies de l'codveloppement , Les Editions ouvrires, Paris, 1980 ; L'codveloppement : stratgies pour le XXI m e sicle , Paris, Syros, 1997.10 M. BACHELET , op. cit ., p.94.11 Cf. X. LABBE, Les critres de la norme juridique , manuel, coll. Droit, Presses Universitaires de Lille, 1994.12 J. RIVERO, Etat de droit, Etat du droit, Mlanges en l'honneur de Guy Braibant , l 'Etat de droit, Paris, Dalloz, 1996, p.609. L'auteur donne la dfinition de l 'Etat de droit dans les termes suivants : "L'Etat de droit, c 'est celui dans lequel la toute puissance du pouvoir trouve sa limite dans la rgle juridique qu'il est tenu de respecter. Comme toute institution, i l rpond une finalit. Ici, la finalit n'est pas douteuse : c 'est la protection du citoyen

  • 18

    "socit de droit, dans laquelle peu prs toutes les activits humaines

    pourraient, voire devraient, tre soumises au droit, et encadres par lui", comme

    le souligne le professeur Carcassonne13. Il n'est donc pas surprenant de relever la

    prolifration "quasi incontrle"14 des actes unilatraux, de dnoncer l 'tat de

    surproduction normative qui favorise la "complexit" du droit. Qu'il s'agisse de

    la dplorer en voquant ses effets nfastes comme procde le J. Chevallier15 ou

    de plaider sa cause conformment aux remarques du professeur Untermaier16,

    cette inflation constitue une ralit qui ne peut tre passe sous silence, tant il

    est vrai qu'elle tend justifier le recours au procd conventionnel.

    Elle se traduit par un accroissement du nombre de textes et par l 'augmentation

    concomitante du volume de chacun d'eux ; l 'un et l 'autre nourrissant un flou

    juridique qui favorise "un dficit d'excution"17 et entrane systmatiquement un

    processus de rejet des normes.

    Pour preuve, le domaine de la protection de l'environnement en gnral et celui

    de la lutte contre les pollutions et les nuisances et de la prvention des risques

    technologiques en particulier, subissent une prolifration juridique qui scrte

    des troubles et des dysfonctionnements parvenant compromettre la pertinence

    des rgles de droit. Le foisonnement exagr des textes unilatraux et leur

    complexification croissante aboutissent ternir l 'aura de lgitimit dont sont

    habituellement porteuses les normes ; celles-ci atteignent alors un degr

    d'opacit qui engendre une perte d'effectivit. Le dispositif juridique semble

    alors affaibli par cette prolifration au point de peser moins lourdement sur les

    activits sociales et conomiques.

    contre l 'arbitraire".13 G. CARCASSONNE, Socit de droit contre Etat de Droit, Mlanges en l 'honneur de Guy Braibant, L'Etat de droit , op. cit. , p.38.14 Cf. Conseil d 'Etat, Rapport public, 1991, EDCE , n43, La Documentation franaise, 1992, p.15.15 J. CHEVALLIER, La rationalisation de la production juridique, in L'Etat propulsif , contribution l'tude des instruments d'action de l'Etat, publi par C.-A. MORAND , Paris, Publisud, 1991, p.11, loc. cit. , p.20 et s.16 J. UNTERMAIER, Nous n'avons pas assez de droit ! Quelques remarques sur la complexit du droit en gnral et du droit de l 'environnement en particulier, in Les hommes et l 'environnement. Quels droits pour le vingt-et-unime sicle ? , Etudes en hommage Alexandre Kiss, Paris, Editions Frisons-Roche, 1996, p.499 et s.17 J. CHEVALLIER, op. cit . , p.23.

  • 19

    Les multiples textes en vigueur ne suffisent donc pas empcher les actions

    prjudiciables de l'homme sur l 'environnement. En effet, nombreux sont les

    industriels et les agriculteurs qui ne respectent pas la lgislation des

    installations classes18, alors qu'ils y sont soumis. La violation de cette

    rglementation lourde et complique tmoigne de la difficult qu'ont les

    pouvoirs publics imposer les normes qu'ils laborent. Elle rvle en filigrane

    un manque de volont pour ne pas dire de bonne foi que ce non-respect participe

    affirmer : la mise aux normes des infrastructures entrane bien souvent des

    frais considrables qui peuvent mettre lentreprise en difficult conomique.

    Cette dvaluation contribue l 'mergence du procd contractuel. La convention

    se prsente comme un instrument juridique dont le rle est de suppler la

    rglementation et de compenser ses dfaillances. Elle est perue comme le seul

    outil juridique palliant les dfauts de l'acte unilatral. Certes, elle n'est pas pour

    autant exempte de toute imperfection, mais elle offre des spcificits qui sont

    autant d'atouts favorables la protection de l'environnement. Son essor est donc

    invitable. Cette technique juridique vise corriger les dfectuosits lies la

    mise en uvre de la seule rgle unilatrale et s'inscrit dans une perspective

    d'efficacit. Elle devient un support juridique incontournable au point

    d'apparatre comme une rfrence idologique. Son augmentation quantitative

    s'accompagne ncessairement d'une augmentation qualitative des rsultats

    environnementaux : la rduction des pollutions et des nuisances et la prvention

    des risques technologiques semblent dsormais mieux assures.

    Il peut tre soutenu qu' l 'inflation ngative de l'acte unilatral correspond une

    inflation positive de la convention : le mouvement d'expansion du procd

    contractuel tend contrebalancer les imperfections de la rglementation et les

    dysfonctionnements ns de la prolifration normative. Ce phnomne est

    particulirement visible dans le domaine de la lutte contre les pollutions et les

    nuisances et la prvention des risques technologiques.

    La prsente recherche vise cerner et identifier les techniques

    conventionnelles la fois d 'un point de vue thorique et pratique en veillant

    18 Articles L 511-1 et s. du Code de l 'environnement.

  • 20

    garantir une approche conforme la dogmatique juridique. Elle sappuie sur

    lanalyse rationnelle des concepts, tout en soulignant les difficults

    dapprhension de la rali t. Il importe de prciser les termes du sujet et de

    les dfinir, avant de s 'at tacher leur apprciation in concreto et d 'voquer des

    considrations d 'ordre mthodologique l ies la collecte des donnes, afin de

    dgager la problmatique de la recherche.

    1/ L'acception thorique de la recherche

    Rflchir aux techniques conventionnelles de lutte contre les pollutions

    et les nuisances et de prvention des risques technologiques suppose un

    travail smantique pralable. L'apprhension de cet intitul exige d 'envisager

    successivement les termes suivants : "conventionnelles", "techniques", "la

    lutte contre les pollutions et les nuisances et la prvention des risques

    technologiques".

    Ladjectif "conventionnel" signifie "qui rsulte dune convention"19. Il

    renvoie explicitement au mot "convention" provenant du latin conventio qui

    dsigne une runion. Ce nom est, en droit civil, un "accord de volont destin

    produire un effet de droit quelconque. Par rapport au contrat, la convention est

    le genre car ses effets peuvent tre autres que ceux qui rsultent d'un contrat.

    Nanmoins, dans le langage courant, les deux termes sont utiliss l 'un pour

    l'autre"20.

    Bien que laconique, cette dfinition incite rflchir la distinction qui semble

    tre fondamentale, entre les mots "convention" et "contrat", pour en prciser

    davantage le sens et la porte sur le plan thorique. Il convient de les

    19 Dictionnaire Le Grand Robert de la langue franaise, 6 volumes, 2 me dition augmente, 2001.20 G. MONTAGNIER, S. GUINCHARD, (dir .) , Lexique des termes juridiques , Paris, Dalloz, 14 me dition, 2003.

  • 21

    apprhender en tant que concepts21, c'est--dire en tant que mots exprimant une

    ide abstraite et gnrale, et reprsentant un ensemble de caractres communs

    relevant de lexprience.

    A cet gard, la thorie dveloppe par Lon Duguit contenue dans son Trait de

    droit constitutionnel22, apporte des claircissements prcieux. Le doyen de

    Bordeaux prsente d'un point de vue formel les actes juridiques partir d'une

    distinction entre l 'acte collectif, l 'union et le contrat dont les deux derniers

    seraient les composantes de la convention. Il justifie sa position en leur donnant

    des dfinitions trs rigoureuses.

    Il expose en des termes prcis ce qu'il entend par union, contrat et convention de

    la manire suivante : "Tout contrat est une convention, mais il y a beaucoup de

    conventions qui ne sont pas des contrats. Ce sont des conventions que certains

    auteurs allemands23 appellent des Vereinbarungen et que je propose d'appeler

    des unions. Deux ou plusieurs personnes entrent en relation et s'accordent sur un

    point dtermin ; mais la suite de cet accord on ne voit point apparatre une

    situation juridique subjective, un rapport particulier individuel et momentan de

    crancier et de dbiteur ; on aperoit, au contraire, la naissance d'une rgle

    permanente ou bien d'une situation juridique objective, d'un tat (status). On ne

    21 Les mots "concept" et "conceptualisation" proviennent du latin conceptus qui signifie action de contenir, pense, et concipere qui signifie contenir, admettre dans sa pense, concevoir. Le dictionnaire encyclopdique de thorie et de sociologie du droit (dir . A.J. ARNAUD), Bruxelles, LGDJ, 1988, donne la dfinition suivante des mots "concept" et "conceptualisation" : "L'acte et/ou l 'objet de pense dont la source est le sujet pistmique aboutissant une reprsentation gnrale d 'une classe dtermine de phnomnes. Les phnomnes reprsents peuvent appartenir au monde dit naturel (physique, physiologique), au monde dit intentionnel (social, historique, culturel) ou au monde des lois logico-mathmatiques. La reprsentation elle-mme est considre depuis Kant comme un schmatisme runissant les proprits essentielles ou typiques des phnomnes reprsenter ." En somme, le "concept" permet la reprsentation abstraite et gnrale des objets donns dans lexprience en leur attribuant un mme mot. Le concept darbre, par exemple, est form partir de la perception de chnes, de peupliers, de marronniers, de sapins, etc., grce lopration de conceptualisation. Le "concept" se distingue du mot "notion" qui consiste en la reprsentation mentale dun objet de pense abstraite. Ce terme dsigne "la connaissance intuitive, synthtique et assez imprcise (dun objet de connaissance)" , au point de devancer lexprience, selon le dictionnaire Le Grand Robert de la langue franaise (2001, Paris). I l renvoie, notamment la notion de temps, despace, aux notions de bien et de mal.22 L. DUGUIT, Trait de droit constitutionnel , 3 me d. en cinq volumes, Paris, Editions Fontemoing de Boccard, 1927, rimpression Cujas, Paris, 1972. Voir spc. tome 1.23 L'auteur se rfre JELLINEK et TRIEPEL : JELLINEK, System der subjectiven ffentlichen Rechte, 1892, p.193 et 194, TRIEPEL, Vkerrecht und Landsrecht , 1899, p.63 et s. , cits par L. DUGUIT, op. cit . , 37, p.367, loc. cit . , p.375-376.

  • 22

    peut pas dire qu'il y ait contrat. L'extrieur de l'acte est contractuel ; le fond ne

    l'est pas. () L'union serait en quelque sorte une convention"24.

    En revanche, le contrat est par dfinition mme un acte subjectif qui cre une

    situation elle-mme subjective. En effet, selon l'auteur, "il est constitu par deux

    dclarations de volont (qui sont l 'acte qui a pour objet de faire le contrat et

    celui qui s'attache prciser le rle que chacun entend jouer), impliquant un

    accord pralable. Chacune de ces dclarations de volont a un objet diffrent ;

    chacune a un but diffrent parce qu'elle est dtermine par l 'autre. L'acte pris en

    son tout a pour objet la naissance d'une situation runissant deux personnes ou

    deux groupes de personnes, entre lesquelles nat un rapport de crancier

    dbiteur"25.

    Ces deux dfinitions montrent que l'union et le contrat sont deux actes distincts

    car le premier, contrairement au second, ne cre pas d'obligation la charge de

    l'une des personnes contractantes qui deviendrait dbitrice au profit de l'autre sa

    crancire.

    Malgr leur nature juridique diffrente, ces deux actes n'en demeurent pas moins

    des conventions, lesquelles se dfinissent autrement que par la rfrence la

    volont : l 'objet semble une caractristique primordiale. Selon Lon Duguit, en

    effet, "dans la convention, () prcisment parce qu'elle est la condition de la

    naissance d'une rgle ou d'une situation lgale, la distinction ne doit pas tre

    faite entre la volont de faire la convention et la volont d'y jouer un certain

    rle. Les deux participants veulent la mme chose. Leur vouloir peut avoir un

    but diffrent, mais il a toujours le mme objet ; mme objet immdiat : dclarer

    accepter la convention ; mme objet mdiat : la naissance de la rgle ou de la

    situation lgale et objective, de l'tat, que la convention conditionne"26.

    En vertu de cette dfinition, l 'objet, qui caractrise la convention, apparat

    comme le dnominateur commun au contrat et l 'union. Grce lui, ces deux

    derniers actes peuvent tre considrs comme les composantes du premier.

    24 L. DUGUIT, op. cit . , p.409, 40.25 Op. cit . , p.383-384, 38.26 Op. cit . , p.410, 40.

  • 23

    Cette analyse thorique, quoique soutenue plus rcemment par les professeurs de

    Laubadre, Moderne et Delvolv27, ne fait cependant pas l 'unanimit parmi les

    juristes. Tout en reconnaissant qu'elle est trs fine et pntrante, certains d'entre

    eux, notamment les civilistes28 et quelques publicistes29, sont trs critiques et

    relvent son caractre subtil qui la rend difficilement applicable. Ainsi, la

    distinction duguiste est souvent considre comme "trop rductrice de la ralit

    et de la diversit des objectifs poursuivis par les parties"30, pour la simple raison

    que la ligne de sparation entre ces actes n'est pas suffisamment significative.

    Par consquent, la distinction est souvent inutilise, de telle sorte que les termes

    "convention" et "contrat" sont employs indiffremment pour dsigner le mme

    acte sans, toutefois, y inclure l'union. La convention est, alors, considre

    comme un contrat et non plus comme un concept regroupant en son sein deux

    types d'actes, le contrat et l 'union.

    Au demeurant, la construction de Lon Duguit parat devoir tre prise en compte

    dans le cadre de la prsente recherche, car elle permet d'apporter des

    claircissements notables sur la dlimitation du champ d'investigation. Sa

    rigueur permet de l'largir aux actes juridiques qualifis d'union qui y seraient

    exclus si les vocables "convention" et "contrat" taient confondus. De ce fait, y

    seront intgres les deux catgories d'actes, savoir l 'union et le contrat, en tant

    que composantes de la convention.

    Il ne s'agit cependant pas de prendre en compte isolment le mot

    convention, mais de se pencher sur la signification de l'expression "techniques

    conventionnelles". La combinaison de ces deux termes contribue prciser

    davantage le sens de chacun d'eux.

    27 Cf. A. DE LAUBADERE, F. MODERNE, P. DELVOLVE, Trait des contrats administratifs, tome 1, Paris, LGDJ, 2 me d., 1983.28 Cf. pour une prsentation critique de l 'analyse de L. Duguit : J. CARBONNIER, Les Obligations, tome 4, Thmis, Droit priv, Paris, PUF, 22me d. refondue, 2000, n15, p.50 ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEGUETTE, Droit civil , Les Obligations , Paris, Prcis Dalloz, 8 me d., 2002, n45, p.52.29 Cf. , par exemple, G. ROUHETTE, Contribution l'tude critique de la notion de contrat, thse, Paris, 1965 ; J. GHESTIN, La notion de contrat, Droits, Revue franaise de thorie juridique, n12, Le contrat , Paris, PUF, dcembre 1990, p.7.30 J. GHESTIN, op. cit. , p.23.

  • 24

    Le vocable "technique" concourt la dlimitation et lorientation de la

    prsente recherche : il constitue un substantif qui permet une apprhension

    rigoureuse de la notion de convention et de ladjectif "conventionnel". En tant

    que nom fminin issu du grec "technikos", "propre un art", et "techn", "art,

    mtier", il recouvre plusieurs significations, selon Le grand Robert de la langue

    franaise31. Il voque suivant les cas, l '"ensemble des procds empiriques

    employs pour produire une uvre ou obtenir un rsultat dtermin" en ce

    sens, il se rfre l 'art, la facture, la manire, la mthode -, l'"ensemble

    des procds mthodiques plus ou moins rgulariss et structurs, fonds sur des

    connaissances scientifiques et destins obtenir un rsultat, satisfaire des

    besoins, selon une finalit et une ustensilit" en ce sens, il est une technologie -,

    l '"ensemble des processus par lesquels s'accomplit une fonction, en biologie, en

    psychologie", et la "connaissance et (la) capacit employer les suites

    d'oprations requises, dans une technique" (au sens de technologie) il est alors

    une technicit. Il apparat la fois comme un procd stratgique et un

    processus matriel, comme le relve le professeur Sestier32.

    Appliqu la convention, ce terme prend une dimension spcifique. Il dsigne

    les moyens mis en uvre pour obtenir le rsultat dtermin et le support

    juridique qui permet cet aboutissement. L'expression "technique conventionnelle"

    est alors une "technique juridique" qui se dfinit comme "l'ensemble des moyens

    juridiques (formulation de la rgle, application par les praticiens) permettant la

    ralisation du droit dans un but dtermin"33. Certes, elle apparat trop gnrale

    eu gard la recherche qui ne concerne que les conventions, mais elle permet de

    situer celles-ci en son sein, dans la mesure o le concept "juridique" recouvre

    l'ensemble des techniques de droit utilises par l 'Etat.

    L'tude de P. Amselek relative l'volution gnrale de la technique juridique

    dans les socits occidentales34, fournit d'ailleurs des arguments convaincants et

    31 Op. cit .32 J.-F. SESTIER, Le dveloppement des techniques administratives conventionnelles , thse, Lyon III, 1988, p.12-13.33 Ibid .34 P. AMSELEK, L'volution gnrale de la technique juridique dans les socits occidentales, RDP , 1982, p.275 et in L'Etat propulsif , contribution l'tude des instruments d'action de l 'Etat , publi par C.A. MORAND, Paris, Publisud, 1991, p.129.

  • 25

    prcieux pour tayer ce point de vue. Selon lui, cette expression s'analyse

    c o mm e l a t e c hn i qu e d e d i r e c t i o n h t r onom e o u a u to no m e d es c on du i t es

    humaines par les autorits politiques, au moyen de normes juridiques qui

    peuvent tre des commandements ou des recommandations. En effet, c'est en

    examinant la technique juridique elle-mme, qu'il dfinit comme "la direction

    des conduites par des autorits publiques au moyen de normes", qu'il en retrace

    l'volution historique dans les socits occidentales dont il relve quatre

    caractristiques : sa dsacralisation, l 'extension de son champ d'application, le

    changement de sa finalit et ses changements structuraux. Cette dernire ligne

    d'volution, qui concerne les modalits de la technique juridique, n'est en fait

    qu'une consquence des prcdentes. Ainsi, le droit qui, dans l'Antiquit et le

    Moyen-Age avait une origine divine, s'est transform pour devenir une technique

    humaine et laque. Cette dsacralisation lui a permis de se dvelopper pour

    guider la population dans ses agissements. Elle a engendr l 'avnement de

    l'"Etat de droit" dans lequel l 'autorit au pouvoir doit, au mme titre que tout

    autre citoyen, se rsoudre respecter la rgle juridique. Les gouvernants ne sont

    donc plus en dehors du droit. Tout en s'y soumettant, ils n'en demeurent pas

    moins les principaux metteurs. On parle alors d'"Etat-Gendarme". Or, dans la

    mesure o ils interviennent de plus en plus dans la vie des personnes, c'est--

    dire dans les domaines conomiques et sociaux, ils ont influenc le changement

    de finalit de la norme juridique, laquelle devient davantage une technique de

    gestion. Aussi, cet interventionnisme, caractristique de l'"Etat-Providence", a-t-

    il engendr une mutation de la rgle de droit qui comporte dsormais deux

    aspects structurels dont l 'un est li la nature des normes juridiques et l 'autre

    est relatif la nature de la direction de la conduite humaine. C'est ainsi que P.

    Amselek distingue les commandements qui sont des normes thiques dont la

    vocation instrumentale est d'tre obligatoirement suivie par ses destinataires, et

    les recommandations qui sont des normes thiques dont l 'observance est conue

    comme souhaitable mais pas obligatoire. Il les qualifie respectivement de

    technique de direction autoritaire, et de technique de direction souple de la

    conduite humaine ; la technique des commandements, comme celle des

    recommandations, implique soit une situation d'htronomie, dans laquelle les

    individus entretiennent des relations de suprieurs subordonns, soit une

  • 26

    situation d'autonomie dans laquelle chacun dcide de se forger soi-mme des

    normes.

    Conformment cette distinction, la technique conventionnelle se prsente, in

    fine, comme un procd de droit de direction autonome de la conduite humaine,

    dans la mesure o elle est labore d'un commun accord sans faire natre de

    relations hirarchiques entre les parties concernes. Elle peut noncer des

    normes autoritaires qui constituent des commandements, ou des normes souples,

    c'est--dire des recommandations.

    Elle sous-tend par ailleurs une multitude de "sous-techniques" qui sont autant de

    moyens juridiques distincts dont l 'objectif commun est la lutte contre les

    pollutions et les nuisances et la prvention des risques technologiques. La forme

    plurielle de l'intitul du sujet de recherche incite en effet concevoir la

    technique conventionnelle en tant que genre, englobant des techniques

    conventionnelles multiples considres alors comme des espces.

    La prsente recherche consiste apprhender les techniques conventionnelles

    qui ont trait, dune part, la lutte contre les pollutions et les nuisances et,

    dautre part, la prvention des risques technologiques. Il est ncessaire de

    prciser chacun de ces groupes de mots.

    Lexpression "lutte contre les pollutions et les nuisances" se compose de

    trois noms qui doivent tre expliqus sparment.

    La lutte suppose un combat ou "une opposition violente entre deux

    adversaires (individus, groupes), dont chacun sefforce dimposer lautre sa

    volont et de faire triompher sa cause"35. Elle exprime un effort que fait une

    personne pour tenter de lemporter sur lautre. Applique lenvironnement, elle

    consiste en laction de sopposer aux pollutions et aux nuisances.

    35 Dictionnaire Le Grand Robert de la langue franaise, op. cit.

  • 27

    La notion de pollution concerne l'altration des milieux. Elle vise latteinte

    porte la qualit physique, chimique et bactriologique de l'eau36, de l ' a i r 37 e t

    du so l 38 pa r l a d i f fus ion ou l a d i l u t i on de subs t ances nui s ib l es e t

    t ox iques .

    Le milieu aquatique subit une dgradation frquente de sa qualit en raison des

    eaux domestiques uses, du lessivage du matriel agricole, des rejets industriels

    et de matires en suspension emmenes par les eaux pluviales. Laltration de

    ses proprits physiologiques peut rsulter dune concentration de germes

    pathognes, dune difficult doxygnation en raison de la prsence dun film

    comme une couche dhuile empchant loxygne de lair de pntrer leau, dun

    rejet de substances toxiques, et dune eutrophisation due la prsence excessive

    de certains dchets favorisant un dveloppement dsquilibr de la flore

    aquatique.

    Lair qui est lenveloppe atmosphrique entourant la plante, est menac dans sa

    qualit par la dispersion de substances nocives dont lorigine est soit naturelle -

    lanhydride sulfureux peut se dgager dune ruption volcanique -, soit

    provoque par lactivit humaine. Lhomme est lorigine des smogs, cest--

    dire des brouillards en milieu urbain dans les climats temprs et froids, qui

    rsultent de la concentration doxydes de soufre et dazote, et dont les

    rpercussions sur la sant sont importantes : les citadins se plaignent

    dirritations des yeux, de maux de gorge et des bronches, de problmes

    cardiaques et dasthme. Il est par ailleurs responsable des pluies acides qui

    36 L'article L 211-1 du Code de l 'environnement voque expressment la question de la protection de la ressource en eau contre toute pollution.37 La pollution de l 'air est dfinie par l 'article L 220-2 du Code de l 'environnement de la manire suivante : "Constitue une pollution atmosphrique au sens de la prsente loi l 'introduction par l 'homme, directement ou indirectement, dans l 'atmosphre et les espaces clos, de substances ayant des consquences prjudiciables de nature mettre en danger la sant humaine, nuire aux ressources biologiques et aux cosystmes, influer sur les changements climatiques, dtriorer les biens matriels, provoquer des nuisances olfactives excessives".38 Selon la Rsolution (72) 19 du Comit des ministres du Conseil de l 'Europe du 30 mai 1972 relative la Charte europenne des sols (M. PRIEUR, S. DOUMBE-BILLE, Recueil francophone des textes internationaux en droit de l'environnement , CD-Rom, vol.1, AUPELF-UREF, Bruylant), "le sol est un milieu vivant et dynamique qui permet l 'existence de la vie vgtale et animale. Il est essentiel la vie de l 'homme en tant que source de nourriture et de matires premires. Il est un lment fondamental de la biosphre et contribue, avec la vgtation et le climat, rgler le cycle hydrologique et influencer la qualit des eaux".

  • 28

    contribuent la dgradation des forts de conifres. La combustion de fuel et de

    charbon engendre une concentration dacides sulfuriques et nitriques dans lair

    qui tend dcimer une partie des forts.

    Le sol subit galement les consquences nfastes de lactivit humaine. Sa

    fertilit est indispensable une agriculture de qualit. Or, les pratiques

    culturales intensives par lutilisation massive dengrais chimiques afin

    daugmenter la productivit, engendre une modification de lquilibre du sol et

    appauvrit ses proprits naturelles. Cette dgradation aboutit par ailleurs une

    perte de qualit des aliments qui peut savrer nuisible pour la sant.

    Lexploitation des ressources minrales qui sont dites non-renouvelables en

    raison du temps quil faut pour quelles se constituent, incite repenser les

    modes de production nergtique. La plante contient des rserves en

    combustibles dorigine fossile (charbon, gaz et ptrole) et en minerais quil

    importe de prserver en recherchant des nergies de substitution, comme la

    gothermie, les biocarburants, lnergie solaire et olienne, et en dveloppant le

    recyclage, en particulier celui du cuivre, du zinc, du plomb et de laluminium

    produit par lindustrie sidrurgique.

    La notion de nuisance suppose en revanche une subjectivit lie

    l'hypothse d'un dsagrment sonore ou matriel subi par l 'homme. Elle se

    dfinit comme "toute agression d'origine humaine contre le milieu physique ou

    biologique, naturel ou artificiel, entourant l 'homme, l'ide d'agression traduisant

    prcisment le jugement dfavorable port sur la modification de

    l 'environnement en cause"39. Elle renvoie aux problmes dus au bruit40, ceux

    suscits par les dchets.

    Le bru i t n en t ra ne pas s t r ic to sensu de dsqui l ib res co logiques . Ses

    ef fe t s touchent au cadre de v ie des popula t ions rura les e t u rbaines , qu i l

    39 F. CABALLERO, Essai sur la notion juridique de nuisance , thse Droit, Paris, LGDJ, 1981, p.6.40 Selon le professeur PRIEUR (Droit de lenvironnement , Prcis Dalloz, Paris, 5 me dition,

    2004, n840, p.601), "le bruit peut tre dfini comme toute sensation auditive dsagrablegnante ou tout phnomne acoustique produisant cette sensation. Le bruit tant par natureun phnomne subjectif, on a pu dire aussi que c 'tait tout son non dsir. () C'est donc lanuisance la plus insidieuse, celle qui est ressentie physiquement par le plus grand nombrede personnes et contre laquelle les pouvoirs publics semblent les plus dmunis".

  • 29

    dtr iore . Il es t l a p lupar t du temps peru comme une gne quot id ienne

    qu i l es t ncessa i re de rdui re . Il a f fec te de surcro t l a san t des ind ividus

    en ayant une inf luence d i rec te sur l e sys tme nerveux vgta t i f qu i d i r ige

    les fonct ions au tomat iques de l organisme41, en susc i tan t des l s ions

    audi t ives , des modi f ica t ions du rythme card iaque, une augmenta t ion de la

    tens ion ar tr iel l e , notamment . Ces consquences pathologiques font du

    bru i t une nuisance qui l fau t combat t re .

    Les dchets qu i sont , aux termes de l ar t i cle L 541-1-II du Code de

    l envi ronnement , "tout rsidu dun processus de production, de transformation

    ou dutilisation, toute substance, matriau, produit ou plus gnralement tout

    bien meuble abandonn ou que son dtenteur destine labandon", apparaissent

    comme des "anti-biens quil faut se hter dliminer", selon le doyen

    Carbonnier42, eu gard leur dangerosit environnementale. La ques t ion de

    leur l iminat ion se pose avec une acui t par t i cul ire en ra i son de

    l augmenta t ion cons tan te depuis plus ieurs dcennies de la quant i t

    dordures des mnages qui se chi f f re en mi l l ions de tonnes par an , e t de la

    toxicit des produits laisss par les activits industrielles. Le constat de la

    contamination des nombreux sites dlimination des dchets du fait dune

    gestion non approprie aux risques et nuisances potentiels des dchets incite les

    pouvoirs publics ragir en rglementant. Or, ce nest que depuis le milieu des

    annes 1970 quils ont pris en compte les risques lis aux dchets, avec la

    directive du Conseil de la Communaut europenne n75/442 du 15 juillet 197543

    et la loi cadre n75-633 du 15 juillet 1975 relative llimination des dchets et

    la rcupration des matriaux44. Les co l lec t iv i ts locales e t l es indus t r ie l s

    unissent l eurs ef for t s pour rdui re t an t l e vo lume des dchets urbains que

    la nociv i t des dchets indus t r ie ls e t o rganiques . Il s recourent au

    processus de valori sa t ion par recyclage , c es t --d i re par r in t roduct ion

    di rec te comme mat ire premire "secondai re" dun dchet dans le cycle de

    41 L. ABDELMALKI, P. MUNDLER, Economie de lenvironnement , Hachette, Coll. Les Fondamentaux, Paris, 1997, p.15.42 J. CARBONNIER, Droit civil Les biens , Paris, PUF, 16 me dition, 1995, p.393-394.43 Directive du Conseil 75/442/CEE, du 15 juillet 1975 relative aux dchets, JOCE N L 194/39, du 27 juillet 1975.44 Loi n75-633 du 15 juillet 1975 modifie relative llimination et la rcupration des matriaux, JORF 3 avril 1992, p.5003.

  • 30

    production dont il est issu, par rgnration, cest--dire par rintroduction

    directe aprs transformation physico-chimique, ou par inc inra t ion avec

    rcupra t ion dnergie . Il s concluent ensemble des convent ions avec des

    organismes spcia l i ss en mat ire d l iminat ion des dchets dembal lages

    te l s que Eco-Embal lages , Cyclamed e t Adelphe 45. Les en t repr i ses conf ien t

    en out re l es fer ra i l l es , l es mtaux non fer reux ( i l s agi t de l a luminium,

    du p lomb, du z inc , du cuivre e t des al l i ages cu ivreux) , l es t ex t i l es , l e

    verre , l es pa le t tes en bois , l es papiers e t car tons aux profess ionnels de la

    rcupra t ion e t du recyclage qui en assurent l a ges t ion e t l a va lori sa t ion .

    Par a i l l eurs , l e dveloppement du t raf ic t ransf ronta l ier des dchets

    dangereux depuis l es annes 1980 a inc i t l es gouvernements

    rglementer l es mouvements d impor ta t ion e t d expor ta t ion des dchets ,

    e t ce no tamment aprs que l on a i t perdu la t race de 41 ft s de dchets de

    diox ine en provenance de l usine ch imique de Seveso , en Ita l i e , qu i

    avaien t t l or igine dun accident t rs grave en 1976. Il s on t t

    re t rouvs dans un abat toi r abandonn en France . La rvla t ion par

    l organisa t ion Greenpeace en 1988 de l ex is tence de cont ra t s conclus

    ent re des en t repr i ses europennes et amr ica ines e t des gouvernements de

    pays en voie de dveloppement par l esquels des dchets dangereux ta ient

    t ransfrs vers ces pays tmoigne dune s i tua t ion inqui tan te . Le

    commerce des dchets s ef fec tuai t en tou te i l l i c i t : i l fa isa i t l ob jet de

    cont ra t s de vente en tre l en t repr i se product r ice des dchets e t l a soci t

    rcupra t r ice sans que l Eta t ai t donn son accord , a lors qu i l es t l e

    s ignata i re du cont ra t d acquis i t ion f ina le des dchets . Il convenai t a lors

    de les soumet t re une rglementa t ion spci f ique qui compensai t

    l inappl icab i l i t des rgles de commerce : en tan t que dchets , l eur

    march s ef fec tuai t , l or igine , en marge de tou te rglementa t ion , tant

    donn quun dchet nes t pas , par df in i t ion , un produi t qu i a une valeur

    marchande ; i l ne peut donc re lever des rgles de commerce . Les pouvoi rs

    publ ics on t ragi en instaurant un cont r le e t en garan t i ssan t l a t raabi l i t

    45 Le statut de ces organismes est prcis dans la premire partie, t i tre I, chapitre II, section II (cf. infra).

  • 31

    des f lux de dchets . Le Consei l des Communauts europennes a adopt la

    d i rec t ive 84/631/CE le 6 dcembre 1984, re la t ive l a survei l l ance e t au

    cont r le des mouvements t ransf ront ires de dchets dangereux 46. Ce tex te

    tab l i t une procdure de cont rle des changes de dchets e t p rc i se l es

    condi t ions de leur t ransport . La convent ion sur l e cont r le des

    mouvements t ransf ront ires de dchets dangereux e t de leur l iminat ion

    s igne Ble l e 22 mars 1989 sous l gide du Programme des Nat ions

    unies pour l envi ronnement 47 condamne le t raf ic i l l i c i t e de dchets e t

    reconna t l a poss ibi l i t de fa i re du commerce de dchets pour l es Eta ts qui

    y consenten t , par l a conclus ion daccords . Ces tex tes t enten t de conci l i e r

    les f lux de dchets avec les impra t i f s envi ronnementaux . Lexpans ion du

    commerce de dchets a mis en v idence leur ventuel le ut i l i t conomique

    nonobs tant l eur dangeros i t . E l le a mont r que les dchets n taien t pas

    seulement des rs idus des t ins t re mis au rebut , mais qu i ls avaien t une

    valeur commercia le .

    La "prvention des risques technologiques" se rfre plus spcifiquement

    aux mesures prises pour viter que se ralise un vnement ventuel dont les

    consquences seraient irrversibles pour la nature, les cosystmes et la sant de

    lhomme. Elle tend sopposer ce que des accidents majeurs48 lis lactivit

    industrielle se produisent. Certaines catastrophes ont en effet pu avoir des

    consquences irrmdiables.

    Lexemple de la catastrophe de Bhopal en Inde en 1984, o la fuite dun gaz

    toxique dune usine amricaine de pesticides a provoqu 4 000 dcs et des

    handicaps irrversibles chez 20 000 personnes. Lexplosion, en 1986, du

    46 Directive du Conseil 84/631/CEE, JOCE , N L 326/31 du 13 dcembre 1984.47 La convention est entre en vigueur en France le 5 mai 1992, grce au dcret n92-883 du 27 aot 1992, JORF 2 septembre 1992, p.11971.48 La directive 96/82/CE du Conseil du 9 dcembre 1996 concernant la matrise des dangers l is aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (JOCE , N L 10/13 du 14 janvier 1997) (dite directive Seveso II) dfinit en son article 3-5 la notion d'accident majeur comme : "Un vnement tel qu'une mission, un incendie ou une explosion d 'importance majeure rsultant de dveloppements incontrls survenus au cours de l 'exploitation d'un tablissement couvert par la prsente directive, entranant pour la sant humaine, l 'intrieur ou l 'extrieur de l 'tablissement, et/ou pour l 'environnement, un danger grave, immdiat ou diffr, et faisant intervenir une ou plusieurs substances dangereuses".

  • 32

    racteur nuclaire de la centrale ukrainienne de Tchernobyl a libr un nuage

    radioactif qui a gravement irradi un grand nombre de personnes et provoqu la

    contamination de millions dhectares de terre. Les mares noires ont galement

    des rpercussions irrversibles sur la faune et la flore marine, comme lattestent

    le naufrage du ptrolier librien Torrey-Canyon au large de la Cornouaille le 18

    mars 1967, qui a entran le dversement de 60 000 tonnes d'hydrocarbures en

    mer et la pollution de 180 kilomtres de ctes franaises et anglaises, celui de

    l 'Olympic Bravery le 24 janvier 1976 sur les roches de la cte d'Ouessant o

    250 000 tonnes d'hydrocarbures ont t dverses, l 'chouement du ptrolier

    librien Amoco-Cadiz le 16 mars 1978 au large des ctes bretonnes qui a

    engendr le dversement de 230 000 tonnes de ptrole, celui du navire Exxon-

    Valdez le 24 mars 1989 sur un rcif en Alaska, librant ainsi 40 millions de

    litres de ptrole brut qui ont englu 1 500 kilomtres carrs de glaces arctiques

    et souill 1 700 kilomtres de ctes, le naufrage de l'Erika prs des ctes

    franaises en dcembre 1999, et celui du Prestige le 13 novembre 2002 qui a

    dvers plus de 60 000 tonnes de fuel lourd au large du cap Finistre.

    Ces vnements sont reprsentatifs des dangers que peuvent occasionner les

    activits industrielles. La manipulation de substances chimiques et fossiles,

    lactivit nuclaire prsentent des risques qil importe de matriser en recourant

    une politique prventive.

    La prsente recherche concerne les actes de nature conventionnelle

    contribuant combattre les effets nfastes de lactivit humaine, notamment

    industrielle, tant sur la sant, la salubrit que sur les lments naturels, et ceux

    permettant d'viter que ne se produise un vnement incertain d l 'utilisation

    des outils, des procds et des mthodes industriels49. Cette acception thorique

    commande une approche pragmatique qui repose sur une mthodologie

    spcifique.

    49 Pour la commodit de lexpos, les expressions "les techniques conventionnelles de lutte contre les pollutions", "les conventions de lutte contre les pollutions" ou "les conventions environnementales" dsigneront " les techniques conventionnelles de lutte contre les pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques".

  • 33

    2/ L'apprhension rationnelle de la recherche

    Il convient de procder au recensement des conventions de lutte contre les

    pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques, et ce

    conformment une mthode d'analyse rationnelle.

    Il est ncessaire de rflchir, au pralable, une dmarche logique

    d'identification et de collecte des donnes, dans la mesure o ces accords sont

    signs par des parties de nature juridique diverse et ne respectent pas

    ncessairement de formalisme prtabli. Tant et si bien qu'aucune approche

    rationnelle ne semble guider leur laboration. De surcrot, aucun cheminement

    logique vers la conclusion de certains d'entre eux n'est perceptible, ce qui rend

    alors leur identification et leur collecte trs prilleuses. Cet obstacle pourrait

    tre facilement surmont si les acteurs environnementaux, que ce soit

    l 'administration ou les industriels, taient plus cooprants. Or, ce n'est pas

    toujours le cas.

    Certains intervenants, dont bon nombre d'entreprises, sont en effet assez

    rticents transmettre les documents juridiques, sous prtexte que

    l'environnement est peru comme un sujet sensible qui ncessite le plus grand

    secret.

    Parfois aussi, l 'administration met une rserve quant la communication des

    actes en avanant des prtextes multiples et varis dont le bien-fond est

    discutable, prcisment en raison d'un droit l 'information consacr par la loi

    n2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations

    avec les administrations50, et larticle 7 de la Charte de lenvironnement qui en

    fait un principe de valeur constitutionnelle51.

    Cette rticence communiquer les informations tmoigne d'un contexte

    symptomatique mis en lumire par le thme de la "maladministration" dvelopp

    depuis une douzaine d'annes avec notamment la politique du renouveau du

    50 Loi n2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, JORF 13 avril 2000, p.5646.51 Loi constitutionnelle n2005-205 du 1 e r mars 2005 relative la Charte de l 'environnement, JORF 2 mars 2005, p.3697.

  • 34

    service public52. Le cloisonnement excessif des services administratifs largement

    dplor par les pouvoirs publics, constitue un obstacle la transmission des

    donnes. Les agents administratifs, quoique performants, s'affichent comme des

    spcialistes capables de fournir des renseignements pointus sur des questions

    prcises. Pour autant, l 'embarras se ressent ds lors qu'il s'agit d'apprhender

    globalement les problmes, si bien que seules des bribes d'information peuvent

    tre obtenues de chacun des services, charge pour le citoyen de multiplier ses

    dmarches administratives, dont la lourdeur est ncessairement source de

    complication et de dcouragement, et de voler de service en service, de faire du

    "porte--porte" pour tenter d'obtenir l 'ensemble des renseignements.

    C'est prcisment dans ce contexte que s'inscrit la dmarche de collecte

    des conventions. Il accrot la difficult de la tche en rendant prilleuse

    l'accessibilit de l'information et en contribuant laisser planer une part

    d'incertitude dans l'accomplissement de la recherche documentaire. L'objectif de

    l'exhaustivit parat illusoire, tant il est vrai que la prolifration des actes et leur

    dispersion gographique rendent impossible une liste complte et jour de

    l'ensemble des donnes. Il convient alors de poursuivre un objectif moins

    ambitieux et de se contenter de recenser un nombre suffisamment important de

    textes pour qu'ils soient reprsentatifs des techniques conventionnelles de lutte

    contre les pollutions et les nuisances et de prvention des risques

    technologiques. Pour ce faire, il importe de procder au recensement en ayant

    une approche rationnelle d'identification des accords et de collecte des actes.

    52 Circulaire du 23 fvrier 1989 relative au renouveau du service public (JORF 24 fvrier 1989, p.2526).

  • 35

    3/ La dmarche didentification et de collecte des conventions

    Il s'agit alors de cerner prcisment les actes qui seront par la suite

    rclams aux partenaires privs (personnes physiques, associations, socits) et

    publics (Etat, collectivits territoriales et leurs dmembrements).

    La recherche se limite aux techniques conventionnelles dont l 'objet consiste

    soit combattre et rduire les pollutions qui altrent la qualit de l'eau, de

    l'air, du sol, ainsi que les nuisances acoustiques, olfactives et alimentaires, soit

    prvenir la ralisation d'un vnement ventuel et incertain d'une exceptionnelle

    gravit d l'utilisation d'outils industriels, et ce conformment l 'approche

    thorique expose prcdemment53.

    Encore faut-il dterminer rigoureusement le champ d'investigation du point de

    vue gographique. L'tendue territoriale de la prsente recherche commande la

    dmarche de collecte, puisqu'elle constitue un indicateur de l'chantillonnage

    conventionnel intgrer.

    Tenter l'identification des techniques conventionnelles sur un plan international

    serait un objectif ambitieux, mais constituerait une preuve difficilement

    surmontable et risque tant donn l'ampleur du phnomne, la disparit des

    actes et leur maintien dans "les obscurits d'un espace no-corporatiste"54. Par

    consquent, il parat souhaitable de se limiter au droit interne et de prendre en

    compte incidemment, lorsque l'intrt l 'exige, tant le droit tranger que le droit

    international : l 'un et l 'autre offrent des exemples conventionnels topiques qui

    procdent d'une dmarche formelle prtablie par des textes unilatraux, et ce

    contrairement certains types d'accords de droit franais.

    En effet, les conventions de lutte contre les pollutions et les nuisances et de

    prvention des risques technologiques conclues au niveau international se

    comprennent, en principe, comme des traits qui sont "des accords internationaux

    conclus par crit entre Etats et rgis par le droit international"55. A ce titre, elles

    53 Cf. supra, 1/ de l 'introduction.54 P. LASCOUMES, L'co-pouvoir. environnements et politiques , Paris, Editions La Dcouverte, Srie Ecologie et Socit, 1994, p.170.55 Art. 2 1-a de la Convention sur le droit des traits signe Vienne le 23 mai 1969, in P.-M. DUPUY, Les grands textes de droit international public, Paris, Dalloz, 3me d., 2002, p.243.

  • 36

    respectent les rgles de formation des traits contenues dans la Convention sur

    le droit des traits signe Vienne le 23 mai 196956 : la violation des formalits

    relatives leur laboration, leur conclusion, leur validit et leur application,

    dont l 'origine est soit coutumire, soit conventionnelle57, constitue une cause de

    responsabilit de l'Etat. Au demeurant, un certain nombre d 'acco rds

    in t e rna t ionaux qui , comme l es t r a i t s , son t i s sus d 'une concertation entre

    sujets du droit international, ne sont pas soumis au droit des t rai t s , e t en

    particulier au principe pacta sunt servanda58 grce auquel le droit

    international conventionnel est obligatoire59. Ces documents sont qualifis

    d'actes concerts non conventionnels qui sont des gentlemen's agreements ou

    des non-binding agreements anglo-saxons en vertu desquels des personnes

    habilites engager l 'Etat signent un accord dont le respect s'impose comme une

    "question d'honneur ou de bonne foi"60.

    56 Prc.57 Certaines rgles sont des coutumes que la Convention de Vienne sur le droit des traits du 23 mai 1969 prcite codifie, notamment, en confirmant les cinq phases de conclusion des traits, savoir : la ngociation, la signature, la ratification, la publication et l 'enregistrement. En revanche, d 'autres sont directement issues de cette convention, soit par les prcisions qu'elles apportent aux coutumes (voir notamment, la dfinition conventionnelle du trait qui est plus complte que celle retenue par la coutume), soit par le caractre nouveau de la rgle qu'elles noncent (il s 'agit par exemple de la notion de jus cogens, norme imprative de droit international qui est prvue par l 'article 53 de ladite Convention).58 Pacta sunt servanda : principe du respect de la parole donne (P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public , op. cit. , n25, p.56), les parties sont lies par laccord et doivent lexcuter de bonne foi (J . COMBACAU, S. SUR, Droit international public , Domat droit public, Paris, Montchrestien, 6 me dition 2004, p.76). Ce principe est formul par larticle 26 de la Convention de Vienne sur le droit des trait (prc.) : "Tout trait en vigueur lie les parties et doit tre excut par elles de bonne foi."59 H. KELSEN, dans sa Thorie pure du droit ( trad. Ch. Eisenmann, Dalloz, Institut Kelsen, 1962 ; Bruylant-LGDJ, 1999, spc. p.314), explique le fondement du caractre obligatoire du droit par rfrence une loi dite "loi de normativit", selon laquelle les normes juridiques forment un systme hirarchis. Cette hirarchisation permet chaque norme de se situer par rapport l 'autre et de fonder son caractre obligatoire. Ainsi, chacune d'elle tire sa force obligatoire de celle qui lui est suprieure, et inversement, chacune d'elle sert de fondement celle qui lui est infrieur. Par rfrence cette pyramide dite "pyramide hirarchique", le droit international conventionnel reposerait sur le principe pacta sunt servanda qu'il considre comme un principe de droit coutumier. A ce titre, le droit conventionnel, dans la hirarchie des normes juridiques internationales, serait situ au-dessous du droit coutumier.60 M. VIRALLY, La distinction entre textes internationaux de porte juridique et textes internationaux dpourvus de porte juridique ( l 'exception des textes manant des organisations internationales) : Rapport provisoire, Ann. I.D.I. , volume 60-1, 1983, p.207, loc. cit. , p.208.

  • 37

    Les Etats recourent frquemment cette technique de droit dont l 'essor actuel

    tend complexifier le schma juridique : les accords dits formels, c'est--dire

    ceux dont les rgles d'laboration sont expressment prvues par un texte,

    coexistent dsormais avec les actes informels qui s'apparentent des gentlemen's

    agreements. Comme le souligne E. Rehbinder61, en Allemagne, Autriche,

    Belgique, France et Grande-Bretagne, les accords environnementaux informels

    dnomms "non-binding agreements" ou "self commitments" prvalent

    quantitativement, alors qu'aux Pays-Bas et au Portugal la situation est inverse,

    les contrats formels ont de loin la prfrence des acteurs environnementaux. Le

    Danemark et la Sude utilisent, quant eux, de manire quilibre les deux

    types d'accords.

    Ce constat invite procder une comparaison avec la situation en droit

    franais o la prolifration normative implique un processus de formalisation

    des faits, et ce afin de leur attribuer une assise juridique. La rglementation

    s'affiche de plus en plus comme un support prcis contribuant l 'encadrement

    des relations contractuelles. Ce processus de juridicisation des donnes du rel

    s'apparente celui dvelopp par certains Etats trangers.

    Le "covenant" nerlandais considr comme le pionnier en ce domaine, fait

    figure de modle et influence largement l 'apprhension des accords. Il dsigne

    deux contrats encadrs par une rglementation trs prcise. Il donne lieu d'abord

    la signature par l'autorit publique et une association professionnelle d'un

    accord-cadre qui est dpourvu de valeur j u r id i qu e , pu i s c e l l e d e c on t r a t s

    a u s e ns c iv i l i s t e du t e rm e p a r c ha qu e firme qui souhaite y adhrer62. Il est

    essentiellement considr comme l'instrument de mise en uvre de la

    rglementation par laquelle les usines doivent obtenir un permis d'exploitation

    pour fonctionner et se soumettre aux seuils d'missions polluantes qu'elle

    61 E. REHBINDER, Environmental Agreements - a New Instrument of Environmental policy, Environmental Policy and Law , 27/4 (1997), p.258, loc. cit . , p.260.62 Les "covenants" aux Pays-Bas sont une pice matresse de la politique environnementale. Dfinie par le National Environmental Policy Plan (NEPP) de 1989-1990, elle poursuit des objectifs qualitatifs et les traduit en plus de 200 objectifs quantitatifs. Voir, J . W. BIEKART, Environmental Covenants Between Government and Industry, A Dutch NGO's Experience, 4 RECIEL , Number 2, 1995, p.141 ; J. PETERS, Voluntary Agreements between Government and Industry, The Basic Metal Covenant as an Example, in, Environmental Contracts and Covenants : New Instrument for a Realistic Environmental Policy? , J. van Dunn (d.), 1993, p.19 ; J . van den Broek, Covenant and Permit in the Dutch Target Group Consultation, in J. van Dunn (d.) , op. cit . , p.33.

  • 38

    prvoit. Cette prsence conventionnelle et rglementaire simultane tend

    garantir l 'application de sanctions en cas de violation des dispositions

    convenues.

    Le Dual System Deutschland (DSD) arbore un formalisme semblable celui qui

    caractrise le "covenant" nerlandais et s'apparente galement au contrat-type. Il

    a t conu dans un Etat, l 'Allemagne, o peu d'accords formels sont en principe

    conclus en matire environnementale. Il constitue un engagement sign par six

    cents firmes du secteur des biens de consommation, de la distribution et des

    fabricants d'emballages dont l 'objectif est le recyclage des dchets d'emballages

    de vente quantifis et diffrencis par type de matriaux. Grce au support

    rglementaire, en l'occurrence le dcret Tpfer du 12 juin 199163, la procdure

    conventionnelle est strictement encadre et tmoigne d'une solennit propre

    garantir l 'application d'une sanction pour violation des formalits d'laboration

    de l'accord.

    L'encadrement lgislatif prsente un intrt vident : il contribue prciser le

    rgime de droit du contrat et parvient entourer ce dernier d'une garantie

    d'effectivit.

    Convaincu de l'attrait de ce type d'acte, l 'Etat franais en a dvelopp la

    technique par le contrat dit Eco-Emballages : prvu par le dcret du 1er avril

    199264 aux termes duquel le producteur ou l'importateur de produits

    commercialiss dans des emballages est soumis l 'obligation de pourvoir

    l'limination de ses dchets d'emballages, cet accord reprend, in fine, les mmes

    caractristiques que le DSD en Allemagne.

    Au demeurant, peu d'engagements sont ainsi formaliss en droit franais,

    de sorte qu'ils apparaissent a priori dpourvus de tout statut juridique et leur

    violation n'est en principe assortie d'aucune sanction. Ces exemples

    63 Le dcret Tpfer du 12 juin 1991 a t rdig sous l 'initiative des industriels concerns et permet de lgaliser les dcisions prises antrieurement par les firmes et de confirmer l 'objectif de recyclage des dchets d 'emballages. A ce titre, il devient un support juridique formel grce auquel est dtermin le statut des engagements pris et prcis les sanctions applicables pour non-respect des mesures ainsi prvues.64 Cf. le dcret n92-377 du 1 er avril 1992 portant application pour les dchets rsultant de l 'abandon des emballages de la loi n75-633 du 15 juillet 1975 modifie relative l 'limination des dchets et la rcupration des matriaux (JORF 3 avril 1992, p.5003).

  • 39

    conventionnels s'apparentent de toute vidence des contrats-type, lesquels se

    prsentent comme des modles d'actes labors par l 'autorit administrative et

    qui servent de rfrence l 'application des accords qu'ils sous-tendent : ces

    documents s'analysent comme des rglements et "les contrats conclus en

    application (de ces textes) seraient en ralit des accords attributifs de situations

    rglementaires"65. La jurisprudence a d'ailleurs reconnu le caractre

    rglementaire des contrats-type en dclarant recevables les recours pour excs

    de pouvoir forms contre eux66. Ils sont parfois issus directement de textes

    lgislatifs : larticle L 326-5 du Code rural sur les contrats-type sert de cadre

    lgal aux accords dintgration conclus titre individuel ou au contrat collectif ;

    larrt de la Cour de cassation du 4 mars 2003, SA Volailles Corico c/ Brizard

    Gilles67 rserve clairement la notion de contrat-type par secteur de production

    aux seuls contrats labors en application des dispositions particulires de

    larticle L 326-5 prcit68.

    Pour autant, la nature et la force juridiques de ces engagements paraissent

    incertaines. Ressortissent-ils au droit ou au non-droit, et dans ce cas, ont-ils une

    propension devenir du droit ? S'apparentent-ils des gentlemen's agreements ?

    Quel rgime peut-il leur tre appliqu ? Ces questions constituent, de facto, les

    lignes directrices de la recherche. Elles permettent de souligner la spcificit de

    la matire et incitent une dmarche de rationalisation des donnes factuelles

    l'appui de laquelle pourront tre cits les exemples du droit tranger et du droit

    international.

    Forte de cette dlimitation gographique, la recherche d'identification des

    conventions repose sur trois approches successives dont chacune contribue un

    recensement des accords.

    65 A. DE LAUBADERE, F. MODERNE, P. DELVOLVE, Trait des contrats administratifs , op. cit . , p.78.66 Voir ce titre, la jurisprudence bien tablie depuis plusieurs dcennies : CE 5 mai 1961, Ville de Lyon , Leb. , p.294 ; CJEG 1961.J. 175, concl. Braibant, note Teste et Chaudouard ; CE 13 juillet 1962, Conseil national de l'ordre des mdecins , RDP 1962, p.739, concl. Braibant.67 Cass. 1 r e civ., 4 mars 2003, SA Volailles Corico c/ Brizard Gilles, pourvoi n R 00-16.436 .68 J.-P. DEPASSE, Double clairage de la Cour de cassation en matire de contrats dintgration sur la notion de contrats-type et sur le contenu des contrats individuels, Revue de Droit Rural, n318, dcembre 2003, p.688, loc. cit . , p.690.

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    Tout dabord, elle consiste compulser la littrature juridique. Cette lecture

    permet de rpertorier d'un point de vue gnral les diffrents types de

    conventions qui sont susceptibles d'tre employs en matire de lutte contre les

    pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques : il

    s'avre que les diffrents genres conventionnels dj apprhends par le droit

    sont d'une utilisation frquente en ce domaine ; bon nombre d'accords

    s'apparentent en effet aux contrats de droit priv et de droit public, contrats

    d'assurance pour les uns, contrats de plan, contrats de marchs publics pour les

    autres. Cependant, cette dmarche n'est pas entirement satisfaisante, puisqu'elle

    ne permet pas une identification prcise de chacun des engagements dont

    certains arborent des traits particuliers.

    Puis, il s'agit de procder une approche rationnelle loigne de toute

    qualification fige et prtablie par le droit, et axe sur l 'analyse du contenu des

    stipulations. Prcisment, c'est au regard de l'objet des accords que ceux-ci

    seront intgrs la recherche : toute stipulation contribuant lutter contre les

    pollutions et les nuisances et prvenir les risques technologiques fera de l'acte

    pris dans son ensemble une technique conventionnelle prsentement

    apprhende.

    Enfin, une dmarche pragmatique est ncessaire. Il importe de recenser les

    filires industrielles pour tenter d'obtenir un panel suffisamment reprsentatif

    des engagements conclus en ce domaine. Pour chacune des branches d'activits,

    il sera procd une recherche systmatique des accords, dans un but de rigueur

    et de pertinence.

    Au terme de cette dmarche d'identification commence le processus de

    collecte des donnes. L encore, une approche rationnelle s'impose et commande

    un effort de communication qui demande un dplacement sur le terrain et la

    rencontre des partenaires environnementaux : les contractants privs, - les

    entreprises et les organismes professionnels69 -, et publics, - l 'administration

    69 Ce furent, par exemple, l 'Union des industries chimiques (UIC), la Fdration nationale du btiment (FNB), la Fdration franaise de la rcupration pour la gestion industrielle de l 'environnement et du recyclage (FEDEREC), le Syndicat national du dcolletage (SNDEC), notamment.

  • 41

    centrale (notamment, le ministre de l'Environnement), les collectivits

    territoriales, les tablissements publics nationaux (l'Agence de l'environnement

    et de la matrise de l'nergie et les agences de l'eau, par exemple) et territoriaux

    ainsi que leurs dmembrements70 -, devaient donc tre consults.

    De la sorte, il a pu tre rassembl un nombre de documents jugs suffisamment

    reprsentatifs des conventions existantes.

    4/ La problmatique de la recherche

    A la lumire de ces prcisions mthodologiques, il convient de

    s'interroger sur la "teneur" de ce droit conventionnel, pour paraphraser le

    professeur Amselek71, afin de rsoudre les doutes structurels qui tiennent

    essentiellement l 'ontologie juridique et la pratique. Sans doute l'incertitude

    quant la nature et au rgime de ces conventions conditionne-t-elle la prsente

    recherche et l 'oriente-t-elle invitablement vers un effort de thorisation des

    donnes.

    La lecture des accords invite se reporter la distinction fondamentale entre le

    critre formel et le critre matriel. Elle contribue une analyse rigoureuse des

    documents et permet de fixer la trame de la problmatique qui va guider la

    rflexion.

    Le flou qui entoure le statut juridique de certains actes proviendrait de la seule

    rfrence leur forme extrieure, alors que la prise en compte de la nature de

    leurs clauses permettrait de manire infaillible sa dtermination. En somme,

    dans la mesure o le critre formel n'apporte pas de rponse satisfaisante, le

    critre matriel lui supple remarquablement grce l 'analyse approfondie des

    dispositions qu'il suscite.

    La complmentarit et l 'interdpendance vidente des critres formel et matriel

    renvoient l 'une et l 'autre la dfinition thorique du concept de rgle de droit.

    En effet, cette distinction qui nourrit l 'esprit des juristes, constitue concrtement

    70 Ce furent principalement, les socits d 'conomie mixte et les associations.71 P. AMSELEK, La teneur indcise du droit, RDP , 1991-5, p.1199.

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    une sorte de dissection pistmologique de l'acte, de laquelle merge une

    structure dichotomique compose de deux concepts indissolublement lis. L'acte

    et la norme apparaissent comme les composantes constantes et ncessaires de la

    rgle de droit, comme l'affirme Kelsen72. L'un et l 'autre entretiennent une

    relation d'interdpendance qui parvient crer une situation symbiotique.

    L'acte est lui-mme porteur de deux sens complmentaires, dans la mesure o il

    se prsente la fois comme le negotium qui dsigne l'opration par laquelle les

    normes sont labores et l 'instrumentum en tant que support ou procd

    juridique d'diction des normes73. Il s'apparente alors une coquille vide prvue

    par l 'ordre juridique et institue par le droit, dont la vocation est de comporter

    un ensemble de normes : autrement dit, il prpare la venue de la norme en la

    prcdant et en lui assurant une prennit grce son caractre solennel. Ainsi

    dsigne-t-il "tout acte accompli volontairement en vue de produire des effets de

    droit"74.

    La norme, quant elle, constitue une proposition imprative indiquant un

    modle de conduite qui se comprend comme la signification de cet acte. Ce

    rapport de mutuelle dpendance dmontre par H. Kelsen se manifeste alors par

    le fait que "la norme qui con