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Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2014 - Vol. 8 - N°2 161 Pour la pratique Correspondance Arnaud Basdevant Service de nutrition Hôpital de la Pitié 83, bd de l’Hôpital 75651 Paris cedex 13 [email protected] Résumé Le parcours de soins après chirurgie bariatrique est émaillé de situations urgentes, précoces ou tardives. Des symptômes souvent atypiques, des difficultés d’examen posent des problèmes de diagnostic. Deux règles impératives : – tachycardie (> 120 batt./min), gêne respiratoire, sepsis, agitation, avec ou sans douleur abdominale, ou vomissement, doivent faire évoquer une complication chirurgicale et imposent un avis du chirurgien qui décidera d’une éventuelle exploration chirurgicale en urgence ; – des signes évocateurs de carences vitaminiques, notamment neurologiques, justifient l’administration immédiate de vitamine B1. Mots-clés : Chirurgie bariatrique – urgence – obésité. Summary Bariatric emergencies may occur early or many years after the procedure. Symptoms may be misleading. Two major rules: - A bariatric emergency should be suspected if tachycardia is above 120 beats/min, with sepsis, dyspnea or agitation, and if abdominal pain or vomiting occurs. A surgi- cal consulting is mandatory. Any suspicion of abdominal complication should lead to exploratory surgery without delay; - Vitamin B1 deficiency should be treated immediately, without waiting for biological confirmation. Key-words: Bariatric surgery – emergency – obesity. Urgences : étape critique du parcours de soins après chirurgie bariatrique Bariatric emergency management C. Ciangura 1, 2 , A. Torcivia 3 , C. Poitou 4 , J.-M. Siksik 3 , M. Vignot 5 , J.-L. Bouillot 6 , A. Basdevant 4, 7 1 Service de diabétologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. 2 Service de nutrition, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. 3 Service de chirurgie digestive et hépato- biliaire, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. 4 Service de nutrition, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris ; Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris. 5 Cadre de soins, pôle Cœur et métabolisme, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. 6 Service de chirurgie digestive, Hôpital Ambroise-Paré, AP-HP, Boulogne-Billancourt ; Université Versailles Saint-Quentin. 7 Institut de cardiologie, métabolisme et nutrition (ICAN), Centre intégré de l’obésité, Paris. © 2014 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. peut mettre en cause le pronostic fonc- tionnel, voire vital. Cet article est centré sur la prise en charge des complications de la chirurgie relevant de l’urgence. Le recours aux urgences après chirurgie de l’obésité Après chirurgie bariatrique, le taux d’admission en urgence est de 6 à 21 % des opérés dans la première année, dont un tiers dans le premier mois post-opé- ratoire. Ultérieurement, le recours aux urgences s’étale régulièrement dans le temps [3]. Le patient en situation aiguë Introduction Compte tenu du développement de la chirurgie de l’obésité en France (30 000 patients opérés en 2012, près de 200 000 opérés plus ou moins suivis) [Données Cnamts, non publiées], l’accueil d’un patient bariatrique pour une situation d’urgence est devenu une situation cou- rante [1, 2]. Les urgences sont liées aux complications plus ou moins tardives de la chirurgie bariatrique elle-même, ou à des situations aiguës qui ne lui sont pas liées. La connaissance de ces compli- cations, de leur présentation clinique et radiologique, souvent déroutante, est essentielle, car tout retard diagnostic

Urgences : étape critique du parcours de soins après chirurgie bariatrique

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Page 1: Urgences : étape critique du parcours de soins après chirurgie bariatrique

Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2014 - Vol. 8 - N°2

161Pour la pratique

Correspondance 

Arnaud BasdevantService de nutrition Hôpital de la Pitié 83, bd de l’Hôpital 75651 Paris cedex [email protected]

Résumé

Le parcours de soins après chirurgie bariatrique est émaillé de situations urgentes, précoces ou tardives. Des symptômes souvent atypiques, des difficultés d’examen posent des problèmes de diagnostic. Deux règles impératives : – tachycardie (> 120 batt./min), gêne respiratoire, sepsis, agitation, avec ou sans douleur abdominale, ou vomissement, doivent faire évoquer une complication chirurgicale et imposent un avis du chirurgien qui décidera d’une éventuelle exploration chirurgicale en urgence ;– des signes évocateurs de carences vitaminiques, notamment neurologiques, justifient l’administration immédiate de vitamine B1.

Mots-clés : Chirurgie bariatrique – urgence – obésité.

SummaryBariatric emergencies may occur early or many years after the procedure. Symptoms may be misleading. Two major rules: - A bariatric emergency should be suspected if tachycardia is above 120 beats/min, with sepsis, dyspnea or agitation, and if abdominal pain or vomiting occurs. A surgi-cal consulting is mandatory. Any suspicion of abdominal complication should lead to exploratory surgery without delay; - Vitamin B1 deficiency should be treated immediately, without waiting for biological confirmation.

Key-words: Bariatric surgery – emergency – obesity.

Urgences : étape critique du parcoursde soins après chirurgie bariatrique Bariatric emergency management

C. Ciangura1, 2, A. Torcivia3, C. Poitou4,

J.-M. Siksik3, M. Vignot5, J.-L. Bouillot6,

A. Basdevant4, 7 1 Service de diabétologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.2 Service de nutrition, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.3 Service de chirurgie digestive et hépato-biliaire, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.4 Service de nutrition, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris ; Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris.5 Cadre de soins, pôle Cœur et métabolisme, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.6 Service de chirurgie digestive, Hôpital Ambroise-Paré, AP-HP, Boulogne-Billancourt ; Université Versailles Saint-Quentin.7 Institut de cardiologie, métabolisme et nutrition (ICAN), Centre intégré de l’obésité, Paris.

© 2014 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

peut mettre en cause le pronostic fonc-tionnel, voire vital.Cet article est centré sur la prise en charge des complications de la chirurgie relevant de l’urgence.

Le recours aux urgences après chirurgie de l’obésité

• Après chirurgie bariatrique, le taux d’admission en urgence est de 6 à 21 % des opérés dans la première année, dont un tiers dans le premier mois post-opé-ratoire. Ultérieurement, le recours aux urgences s’étale régulièrement dans le temps [3]. Le patient en situation aiguë

Introduction

Compte tenu du développement de la chirurgie de l’obésité en France (30 000 patients opérés en 2012, près de 200 000 opérés plus ou moins suivis) [Données Cnamts, non publiées], l’accueil d’un patient bariatrique pour une situation d’urgence est devenu une situation cou-rante [1, 2]. Les urgences sont liées aux complications plus ou moins tardives de la chirurgie bariatrique elle-même, ou à des situations aiguës qui ne lui sont pas liées. La connaissance de ces compli-cations, de leur présentation clinique et radiologique, souvent déroutante, est essentielle, car tout retard diagnostic

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peut faire appel à son médecin traitant, ou au spécialiste endocrinologue/nutri-tionniste, ou au chirurgien bariatrique de l’équipe qui a été en charge de l’in-tervention. Mais, dans bien des cas, il sollicite directement les services d’ac-cueil d’urgence (SAU), rarement en lien avec un centre bariatrique spécialisé. Il est important qu’endocrinologues et nutritionnistes puissent dialoguer avec les urgentistes, qui ne sont pas habitués à ce type de pathologie. • Les causes d’admissions se répar-

tissent également entre événements médicaux et chirurgicaux : – les causes chirurgicales sont mul-tiples, dominées en post-opératoire précoce par les infections superficielles (abcès de paroi) et profondes (abcès, perforation, fistule), et, à tout moment, par les occlusions (sténose anastomo-tique, hernie interne, occlusions sur brides, hernie dans un orifice de trocart), et les hémorragies digestives [1, 4] ; – les complications médicales sont dominées par l’embolie pulmonaire, la défaillance cardiorespiratoire, les troubles hydro-électrolytiques, les carences nutritionnelles et les malaises de type hypoglycémie. • Les causes principales de décès

précoce sont l’embolie pulmonaire, la défaillance cardiorespiratoire, le sepsis en rapport avec une fuite anastomotique. • Le fait de se présenter pour une urgence

est un marqueur de risque de mortalité dans le premier mois après la chirurgie (0,3 % des patients opérés), les autres étant l’indice de masse corporelle (IMC), le sexe masculin et l’âge [revue in 1]. • Conclusion pratique 

La personne opérée de chirurgie baria-trique doit être informée de la conduite à tenir en cas de signes évoquant une complication aiguë (tableau I). Il est impératif que le spécialiste endocrinolo-gue/nutritionniste puisse dialoguer avec les professionnels des urgences en cas d’événement aigu.

Une symptomatologie banale peut cacher une urgence immédiate

• Avant d’aborder les différentes com-plications en fonction des techniques

chirurgicales, il faut aborder un premier point-clé : la présentation clinique des complications abdominales chez la per-sonne obèse opérée, est trompeuse, voire déroutante, en raison des difficul-tés de l’examen clinique et de l’atypie des symptômes (absence fréquente de signes d’irritation péritonéale, tableau pseudo-médical). C’est souvent sur des signes «  latéraux  », tels qu’une tachycardie, une gêne respiratoire, une agitation, qu’il faut évoquer les compli-cations. La situation peut être d’autant plus compliquée que l’origine médi-cale ou chirurgicale des symptômes peut prêter à discussion et peut être mixte, d’autant que ces personnes sont généralement « polypathologiques  » (insuffisance respiratoire, hypoven-tilation alvéolaire, etc.) et leur état ventilatoire de base est fréquemment altéré, avec désaturation en position allongée et effet shunt (atélectasie des bases). S’y ajoutent des obstacles tech-niques  pour les gestes de base (accès veineux, ventilation, monitoring, intu-bation), pour le transport (ambulance, brancard), l’accès à l’imagerie (limite de volume). Tout ceci représente une entrave à la qualité optimale des soins (tableaux II et III) [1, 5].

• Or, le pronostic en situation aiguë dépend, dans bon nombre de cas, de la rapidité d’une ré-intervention chirurgicale dont le délai doit être idéa-lement inférieur à 6-12 heures. Il faut donc rapidement faire la part entre des

Tableau I. Information du patient : quand faut il consulter en urgence ?

Des complications de la chirurgie de l’obésité peuvent survenir dans les jours et semaine qui suivent la chirurgie, mais aussi des mois ou des années après. Certaines de ces complications peuvent justifier un traitement d’urgence.

• Les symptômes qui doivent vous alerter :

– des palpitations (votre pouls bat à plus de 120 pulsations par minute) ;– un essoufflement récent, une gêne respiratoire ;– une fièvre inexpliquée ;– une sensation de malaise récente et intense ;– des douleurs dans le ventre, des vomissements répétés ;– des douleurs dans le dos ou l’épaule, un hoquet ;– une impossibilité de boire ou de manger ;– des fourmillements dans les bras ou les jambes, un déséquilibre, des troubles de mémoire ;– une impression de déprime intense ;– toute modification récente de votre état qui vous inquiète.

• Ce qu’il faut faire :

– prendre immédiatement l’avis de votre médecin traitant ;– prendre contact avec l’équipe médicale ou chirurgicale (endocrinologue ou nutritionniste

et chirurgien qui vous a opéré) qui vous a pris en charge pour cette chirurgie : vous devez avoir, en permanence, leurs coordonnées téléphoniques ;

– si vous n’avez pas pu avoir l’avis de votre médecin, rendez-vous au Service d’accueil d’urgence le plus proche, et dites que vous avez été opéré(e) d’une chirurgie de l’obésité ; donnez aux urgentistes les coordonnées des médecins et chirurgiens qui vous ont pris en charge ; pensez à prendre vos compte rendu d’hospitalisation de chirurgie et vos derniers examens.

Tableau II. Principales difficultés dans

la prise en charge du patient obèse aux

urgences.

– Transport– Installation – Position du patient– Mobilisation– Recueil des paramètres : pression

artérielle (brassard adapté), pouls, oxymétrie

– Examen physique– Repères anatomiques (ponctions

lombaires, gaz du sang, ou autres)– Monitoring : ECG, etc.– Adaptation des doses de médicaments– Ponction veineuse, pose de perfusion,

cathétérisme– Imagerie : mobilisation,

positionnement, contraintes des équipements (poids, volume) interprétation

– Soins infirmiers– Vêtements, pyjamas – Ergonomie

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Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2014 - Vol. 8 - N°2

163Urgences : étape critique du parcours de soins après chirurgie bariatrique

conclure à des vomissements gravi-diques banals.

Chez la personne opérée d’un by-pass gastriqueDeux complications dominent, avec un risque vital : – la fuite anastomotique post-opératoire précoce ;– l’occlusion sur hernie interne, laquelle peut survenir à n’importe quel moment du suivi, même plusieurs années après le by-pass [7].

Fistules digestives au niveau de l’anastomose gastro-jéjunale ou de l’anastomose jéjuno-jéjunale du pied de l’anse en Y ou de la ligne d’agrafes de l’estomac excluIl s’agit de la première cause de mortalité précoce (10 premiers jours post-opéra-toires) et de contentieux. Elle s’observe dans 1 à 6 % des cas. Son diagnostic est difficile en raison de l’absence fréquente des signes péritonéaux et des difficultés d’examen chez des personnes massi-vement obèses. Il ne faut pas compter sur des tableaux évocateurs avec dou-leurs abdominales et signes péritonéaux francs, qui peuvent exister, mais qui ne sont pas les plus fréquents. La péritonite peut être accompagnée d’un abdomen souple. Il faut prêter attention à des signes moins typiques, et donc trom-peurs, tels que des douleurs dorsales ou pelviennes croissantes à projection dorsale, une tachycardie inexpliquée, une polypnée, une agitation, des mani-festations psychologiques, un hoquet, dans un contexte fébrile ou subfébrile. Le patient doit être informé que le moindre de ces signes doit le conduire à consulter le chirurgien en urgence. Les examens d’imagerie (scanner et transit à la gastrographine) sont marqués par un taux élevé de faux négatifs.• Conclusion pratique 

Toute tachycardie inexpliquée (signe d’alerte si > 100 batt./min ; très forte suspicion de complication abdominale si > 120 batt./min), toute gêne respi-ratoire et/ou tout syndrome septique accompagné d’une agitation ou d’une sensation de malaise inexpliquée dans les suites précoces d’un by-pass jus-tifient, après réalisation d’un scanner

problèmes chirurgicaux liés au montage digestif ou au dispositif implanté, et des problèmes médicaux liés à la « maladie digestive iatrogène » créée par l’inter-vention elle-même, ou à des pathologies coexistantes. D’où la nécessité du conditionnement immédiat du patient afin de détecter des signes d’urgence vitale par un monitoring régulier des constantes (sans oublier la nécessité de maintenir la position demi-assise, notamment lors des transports en brancard et en ambulance). D’où l’im-portance de conduire promptement le diagnostic, en s’aidant rapidement d’un avis chirurgical. Enfin, il faut savoir que certains actes doivent être évités. Il ne faut pas poser de perfusion glucosée sans avoir, au préalable, administré de la vitamine B1 afin d’éviter d’en aggraver la carence potentielle. Il peut être délé-tère de poser une sonde naso-gastrique chez un malade ayant un tube digestif remanié avec des sutures récentes : si la pose d’une sonde s’avérait néces-saire (i.e. tableau d’occlusion), elle sera réalisée par un chirurgien averti des spécificités du geste dans ce contexte. • Il faut également insister sur l’im-

portance primordiale des dimensions

relationnelles. On sait le regard négatif porté à l’obésité, largement répandu, y compris parmi les professionnels de santé. Cette forme de rejet, inaccep-table, expose à ne pas considérer à leur juste valeur les plaintes, et peut altérer le raisonnement et l’action médicaux. Le patient lui-même minimise parfois les symptômes, ce qui aggrave le défaut d’alerte. La relation en situation d’ur-gence doit s’affranchir de toute forme de stigmatisation ou de discrimina-tion : pas de jugement de valeur, pas de compassion déplacée, mais une bienveillante neutralité laissant intact le raisonnement médical doivent être la règle. • Conclusion pratique 

Le patient « bariatrique » en situation d’urgence doit être examiné sans retard, en se méfiant des symptômes d’appa-rence banale ; il faut lui faire confiance (s’il consulte aux urgences, c’est qu’il a perçu un changement dans son état), rechercher des symptômes qu’il peut omettre, et avoir une approche diagnos-tique médico-chirurgicale ; le patient doit être monitoré sur les constantes vitales et transporté demi-assis.

Complications chirurgicales : quels signes ? quels traitements ?

Les complications chirurgicales dépen-dent du type d’intervention [1, 6]. Les symptômes peuvent orienter direc-tement sur un problème chirurgical (douleurs abdominales, vomissements non expliqués par une erreur diététique) ou être plus vagues, à type de « sensa-tion de malaise récent ». Autrement dit, la survenue d’atypies récentes qui sur-prennent ou inquiètent le patient, doit appeler l’attention au même titre que des symptômes francs, et doit conduire à une suspicion de complication diges-tive et à faire appel au chirurgien qui jugera de la nécessité ou non d’une laparoscopie exploratrice devant un tableau qui ne fait pas sa preuve, même si les explorations d’imagerie sont négatives. Dans le cas particulier de la grossesse, la règle est de s’assurer de l’absence de complication chirurgicale avant de

Tableau III. Recommandation pour la

prise en charge des personnes obèses

aux urgences [Adapté de 5 & du Plan obésité (www.sante.gouv.fr › Plan obésité)].

• Monitoring

– immédiat et durable– FC, FR, PA, oxymétrie

• Équipements

– ambulance et brancards adaptés– lits adaptés– brassards de tensiomètres adaptés– garrots adaptés

• Examen clinique et actes

– formation à l’examen clinique de la personne obèse

– temps de garrot prolongé, réchauffement

– formation, expertise dans les gestes infirmiers

– aide échographique

• Mobilisation et installation

– position demi-assise– mobilisation de plus de personnel– système de levage– draps de transfert– formations à la mobilisation

de ces patients (ergonomie)

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Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2014 - Vol. 8 - N°2

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thoraco-abdominal (afin d’éliminer une pathologie sus-diaphragmatique et/ou une éventuelle collection cloisonnée intra-abdominale), une laparoscopie exploratrice, sans retard. Dans l’infor-mation pré-opératoire du patient, cette éventualité doit être signalée. Cette complication survient le plus souvent dans les premiers jours suivant l’inter-vention, mais elle peut être plus tardive. Dans tous les cas, il est recommandé de confier la prise en charge du patient à l’équipe chirurgicale bariatrique après avoir mis en route antalgique, antibio-tique, et réhydratation. Si le transfert d’urgence n’est pas possible, il faut sans retard ré-intervenir pour toilette péritonéale et drainage de la fistule, si possible par laparoscopie. Le traitement non chirurgical de ces complications anastomotiques n’est envisageable que dans des centres spécialisés.

Occlusion par hernie interneC’est une complication redoutable que l’on doit craindre tout au long du suivi, parfois plusieurs années après l’inter-vention. Il faut la suspecter devant des douleurs abdominales post-prandiales récentes et durables, avec parfois sensation de blocage et l’apparition de vomissements. Certains patients indiquent des positions qui soula-gent la douleur (position allongée, ou à quatre pattes). La symptomatologie peut être plus aiguë, avec douleurs abdominales paroxystiques, associées à des vomissements incoercibles en cas d’étranglement. La contribution de l’imagerie par scanner avec opacifica-tion digestive haute est variable : si elle confirme la suspicion clinique dans bon nombre de situations, elle est négative dans un cas sur cinq. Qui plus est, le type de montage est souvent inconnu du patient, et tous les radiologues ne connaissent pas tous encore parfaite-ment ce type de pathologie. C’est la raison pour laquelle une laparoscopie exploratrice se justifie à la moindre suspicion (sans attendre le scanner si le délai est trop long) car le risque de nécrose digestive, aux conséquences souvent dramatiques, et le risque de décès, sont élevés. Ce risque est plus élevé durant la grossesse, du fait de l’hyperpression abdominale et, qu’au

cours de la grossesse, les difficultés du diagnostic clinique et d’imagerie sont particulièrement importantes. • Conclusion pratique

Il faut prévenir le patient de la néces-sité de consulter immédiatement si de tels symptômes surviennent ; l’avis d’un chirurgien bariatrique est nécessaire ; la laparoscopie exploratrice se justifie au moindre doute.

Dilatation aiguë de l’estomac excluElle est due à l’obstruction (souvent au niveau de l’anastomose jéjuno-jéjunale) de l’anse bilio-pancréatique qui entraîne une dilatation de l’estomac exclu avec un risque de perforation et de péritonite gravissime. Elle survient dans les suites immédiates de l’intervention, et son dia-gnostic pose problème en l’absence de symptomatologie évocatrice. Une gastros-tomie de décharge s’impose en urgence et, à distance, le traitement de la cause.

Hémorragie digestiveElle peut mettre en jeu le pronostic vital. Dans les cas de saignement précoce post-opératoire, son origine se situe habituellement au niveau des anasto-moses gastro-jéjunale ou jéjuno-jéjunale et, rarement, de la poche gastrique résiduelle, alors qu’à distance de l’in-tervention, elle correspond à un ulcère anastomotique (notamment après mini-by-pass). Le diagnostic peut être porté devant des malaises répétés avec palpitations, devant un saignement exté-riorisé (hématémèse et/ou méléna) ou devant un tableau urgent d’état de choc. La fibroscopie, réalisée en urgence par un endoscopiste spécialisé, permettra le diagnostic et, souvent, le traitement. En cas d’échec, la chirurgie s’impose.

Sténose gastro-jéjunaleC’est une complication qui se manifeste, le plus souvent progressivement, dans les premières semaines post-opératoires (3 à 11 %), par des vomissements répé-tés par intolérance absolue aux liquides et aux solides ; les conséquences sont graves du fait des troubles hydro-élec-trolytiques et nutritionnels (carences vitaminiques). L’endoscopie est dia-gnostique, et parfois thérapeutique, par une ou plusieurs séances de dilatation.

Dans ce cas, elle doit être réalisée par une équipe spécialisée, car les risques de lésion de l’anastomose sont impor-tants. En cas d’échec, le traitement est chirurgical. Il convient d’être vigilant sur les conseils nutritionnels et le traitement des carences (protéines et vitamine du groupe B, en particulier).

Lithiase biliaire Elle est fréquente après toute perte de poids importante. Les signes sont ceux habituels de la pathologie biliaire. Le risque comprend la cholécystite, l’an-giocholite, et la pancréatite aiguë. La particularité de cette complication est que le by-pass empêche toute endos-copie interventionnelle.

Chez une personne porteuse d’un anneauLes complications de l’anneau peuvent être précoces, ou survenir à distance de l’intervention : le patient et ses méde-cins et chirurgien resteront donc vigilants durablement [6]. Les manifestations fréquentes sont douleur, dysphagie, into-lérance alimentaire, ou vomissements, qui peuvent traduire la principale com-plication, le glissement ou la bascule de l’anneau entraînant une dilatation aiguë ou chronique ou l’érosion gastrique.

GlissementLa dilatation aiguë de la poche (1 % des cas) se manifeste par une dysphagie brutale et douloureuse, en sachant que cette douleur peut être discrète, même en cas d’ischémie gastrique. Donc, toute douleur aigue chez un patient porteur d’anneau doit faire suspecter la dilatation aiguë. La tachycardie (> 120 batt./min) et la gêne respiratoire sont des signes clés, qui doivent alerter l’urgentiste. La bascule de l’anneau se voit sur le cli-ché d’abdomen sans préparation  : le dispositif a perdu sa position oblique en haut et à gauche à 45°. La dilatation de poche peut être visible spontané-ment, ou être diagnostiquée sur un transit oeso-gastro-duodénal (TOGD) qui montre l’absence de passage du produit hydrosoluble dans l’estomac. Une augmentation du taux de lactates et une acidose a été décrite, associée à une nécrose gastrique. La déflation de l’anneau doit se faire en urgence, par

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Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2014 - Vol. 8 - N°2

165Urgences : étape critique du parcours de soins après chirurgie bariatrique

ponction aseptique du boîtier à l’aiguille de Huber, de préférence (aiguille stan-dard, si pas d’aiguille de Huber). Si elle n’est pas efficace, il faut envisager un retrait chirurgical de l’anneau par lapa-roscopie en urgence. Si la dilatation est due à une obstruction alimentaire, on aura eu recours à la fibroscopie. Le glissement au long cours (5 à 10 %) se manifeste par une symptomatolo-gie voisine, mais progressive (ce qui n’empêche pas des épisodes aigus), généralement précédée par des signes de reflux gastro-œsophagien et des vomissements à répétition. Le diagnos-tic est fait par opacification digestive. Le desserrage de l’anneau s’impose avec, dans nombre de cas, nécessité d’abla-tion de l’anneau (très fréquente au bout de 3 années et plus)

Altération de tubulureLa rupture de la tubulure ou sa décon-nexion peut rester asymptomatique (en dehors de la reprise de poids), ou entraîner (si l’extrémité rompue de la tubulure est libre dans la cavité périto-néale) des douleurs abdominales par irritation et être à l’origine de perfora-tion traumatique du grêle ou du colon avec péritonite, voire une hémorragie par blessure de rate imposant une splénectomie. Le diagnostic de décon-nexion de tubulure se fait sur un cliché d’abdomen sans préparation. La hernie au niveau de l’incision pour la mise en place du boîtier est rare (risque d’occlu-sion digestive).

Migration de l’anneauLa migration de l’anneau (4 %), long-temps asymptomatique (elle peut être une découverte fortuite de fibroscopie), résulte d’une érosion progressive de la paroi gastrique par l’anneau, souvent trop serré. La présentation clinique est souvent banale  : douleurs de l’hypo-chondre ou de la base thoracique, reprise de poids, avant d’entraîner saignement gastrique, douleur et infection. Une colonisation bactérienne rétrograde de la tubulure est possible, se manifestant par une infection au niveau du boîtier. La perforation gastrique avec péritonite est exceptionnelle. Le diagnostic se fait par le TOGD et la fibroscopie. Le patient peut alors être adressé dans un centre

bariatrique spécialisé pour ablation de l’anneau.

Reflux sévèreLa survenue d’un reflux sévère, avec des douleurs épigastriques ou des douleurs thoraciques aiguës, secondaire à une stase œsophagienne et à une dilatation au dessus de l’anneau, impose une déflation de l’anneau et un traitement par inhibi-teurs de la pompe à protons. Néanmoins, le retrait de l’anneau peut être nécessaire. Le diagnostic différentiel avec une douleur angineuse peut se poser.

Chez une personne opérée de gastrectomie en manchon, ou sleeve gastrectomyLe débat sur les risques de la sleeve gas-trectomy est ouvert. On ne connaît pas son devenir à long terme (10 ans et plus), faute de recul. Certains considèrent qu’il s’agit d’une intervention à faible risque, d’autres en soulignent les effets secon-daires. Les complications dominantes sont liées au risque de rupture de la ligne d’agrafe, créant une fistule ou un saignement.

FistulePréoccupation majeure, elle se situe au niveau de l’extrémité supérieure de la ligne d’agrafes. Cette fistule est le plus souvent précoce, mais il faut y penser également à distance, voire tardivement. Les symptômes rejoignent ceux décrits pour les fistules post-by-pass. Le risque de diffusion de la fistule au niveau des organes abdominaux, mais également dans la plèvre et les bronches, doit être connu. Les difficultés thérapeutiques sont souvent considérables et appellent une prise en charge hautement spécialisée par des chirurgiens bariatriques et des endoscopistes rompus à ces questions.

HémorragiesDécrites dans la période post-opératoire précoce, elles sont soit intra-périto-néales, soit intra-luminales.

Sténose médiogastriqueAutre complication particulière de ce type d’intervention (4 %), elle se manifeste par une dysphagie et des vomissements. Elle est diagnostiquée, et le plus sou-vent traitée, par fibroscopie (dilatation),

mais une ré-intervention peut s’imposer. Elle s’accompagne fréquemment d’une dénutrition (vitamines, protéique) qu’il faut prendre en charge sans attendre (suppléments intraveineux, si besoin). Les occlusions sont rares, en rap-port avec des adhérences, des brides intra-abdominales ou des éventrations étranglées au niveau des orifices de tro-cart. Une autre complication, justifiant rarement un passage aux urgences, est l’apparition d’un reflux gastro-oesopha-gien, fréquent, et qui questionne sur la surveillance à moyen et long terme (risque d’endobrachyoesophage).

Complications médicales : de véritables urgences

Les complications médicales sont domi-nées, en termes de gravité, par l’embolie pulmonaire et la défaillance cardiorespi-ratoire en post-opératoire précoce, puis par les troubles hydro-électrolytiques, la carence en vitamines avec des consé-quences potentiellement gravissimes, l’anémie par saignement déjà évoquée, et les hypoglycémies [1, 8, 9].

Embolie pulmonaireC’est la principale cause médicale de décès précoce : fréquence de 1 à 2 %, mortalité de 30 %. Le diagnostic n’est pas simple, car les signes cliniques peuvent ne pas être spécifiques et se confondre avec ceux des complications chirurgicales, et les examens complé-mentaires de routine sont peu contributifs (radiographie pulmonaire, D-dimères). Une complication abdominale (fistule) peut parfaitement évoquer une embolie pulmonaire (EP) par la tachypnée et la tachycardie. L’angioscanner est l’exa-men de référence. Si l’angioscanner ne retrouve pas d’anomalie à l’étage tho-racique expliquant la symptomatologie ayant fait évoquer une EP, il faut suspec-ter une complication abdominale et faire réaliser un scanner abdominal. La défaillance cardiaque est l’autre grande cause médicale de décès post-opératoire.

Carences • La complication médicale la plus sous-

estimée, négligée et potentiellement

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Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2014 - Vol. 8 - N°2

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dramatique, est la carence vitami-nique B [8]. Elle peut se manifester par des signes neuropsychiatriques ou neu-rologiques à type de paresthésies, des troubles des fonctions supérieures et des manifestations cérébelleuses, voire des polyradiculopathies et des neuropa-thies périphériques. Le diagnostic à ne pas manquer est celui du syndrome de Gayet-Wernicke exposant, en l’absence de traitement urgent, à une redoutable séquelle, le syndrome de Korsakoff et ses altérations définitives des fonctions supérieures. La chirurgie bariatrique, quelle que soit la technique, est une circonstance à haut risque de Gayet-Wernicke. La moindre manifestation neurologique, notamment paresthésies, sensation de brûlure des pieds, troubles de la sensibilité profonde, atteintes motrices, ataxie, signes visuels, alté-ration de la mémoire et des fonctions supérieures, doit conduire à une subs-titution vitaminique immédiate puisqu’il n’y a aucun paramètre biologique fiable de carence vitaminique en urgence. Il faut avoir comme principe que, sans attendre ces signes, tout patient opéré d’une chirurgie bariatrique présentant un amaigrissement important et rapide associé à des vomissements répétés doit être considéré comme à très haut risque de carence en vitamines du groupe B. Le diagnostic suspecté conduit au pré-lèvement sanguin pour dosage (dont le résultat reviendra plus tard), et pourra être confirmé par une imagerie cérébrale par résonance magnétique nucléaire (IRM). Mais ne jamais attendre ces don-nées biologiques ou d’imagerie pour agir  : débuter le traitement par de la thiamine (vitamine B1) à raison de 200 mg trois fois par jour, recours à la voie parentérale en salle d’urgence, en se rappelant l’effet aggravant des perfu-sions de glucosé sur la carence [8]. • D’autres carences en vitamine peu-

vent survenir : en B12 (manifestations neurologiques et hématologiques, sou-vent dissociées) et, plus rarement, en vitamine A (troubles visuels), et en vita-mine K, ce qui peut poser des problèmes chez les patients sous anticoagulants. • À ces carences vitaminiques peuvent

s’associer des carences en micronutri-ments, en fer avant tout, mais également en cuivre (manifestations neurologiques),

en sélénium (insuffisance cardiaque aiguë, fatigue, myosite), et en zinc. En cas de vomissements répétés, de perte de poids importante ou de fatigue intense, il faut associer au traitement par B1, de la B12 et des polyvitamines et micronutriments par voie parentérale (Cernevit®, Decan®).

AnémieEn dehors des causes chirurgicales immédiates d’anémie aiguë évoquées précédemment, des épisodes de déglobulisation peuvent survenir, très à distance de la chirurgie, en rapport avec des ulcérations gastriques ou anastomo-tiques. Le risque est de sous-estimer la signification de signes habituels tels que lipothymie, accélération du pouls, alors que la variation du taux d’hémo-globine n’a pas encore été majeure. Il faut prendre en compte ces symptômes avant une situation critique de déglobu-lisation, car l’aggravation de la situation peut être très rapide et dramatique. L’endoscopie permet le diagnostic et, dans bon nombre de cas, l’hémostase. En cas de récidive hémorragique grave, il faudra ré-intervenir.

Troubles hydro-électrolytiquesIls résultent de vomissements répétés, éventuellement associés à des diarrhées. Les vomissements sont souvent sous-estimés ou déniés par les patients, qui les tolèrent parce qu’ils contribuent à leur amaigrissement : l’interrogatoire doit donc être minutieux et insistant. Ils peu-vent être liés à un manque de suivi des consignes diététique, à des intolérances alimentaires, à une tachyphagie, à une mastication incomplète, à la consomma-tion conjointe d’aliments et de boissons. Mais la persistance de vomissements, leur répétition rapprochée, voire l’apparition d’une intolérance absolue aux liquides doivent, en premier lieu, faire évoquer des complications chirurgicales (sténose anastomotique, glissement de l’anneau) (cf. supra). Les troubles ioniques sont dominés par l’hypokaliémie, fréquente et parfois sévère, majorée en cas de prise de diurétiques et/ou de diarrhées.

Dumping syndrome et hypoglycémiesLe dumping précoce survient dans les 30 minutes suivant le début de la prise

alimentaire, parfois même au cours du repas. Les manifestations cliniques sont nombreuses et peu spécifiques : douleurs abdominales, nausées, mani-festations vasomotrices (flushs), fatigue, malaise. Il est généralement lié à la non observance des conseils diététiques (durée de repas trop courte, tachyphagie avec mastication limitée, repas riches en hydrates de carbone ou en lipides). Le traitement immédiat consiste à corriger l’hypotension, traiter les vomissements et corriger les éventuels désordres élec-trolytiques. Le dumping syndrome tardif, survenant entre 1 h 30 et 4 heures après le repas, correspond à des hypoglycé-mies hyperinsulinémiques réactionnelles avec, éventuellement, des symptômes neuroglycopéniques. Ces manifesta-tions sont plus fréquentes au-delà de la première année post-opératoire. Par ailleurs, des hypoglycémies tardives peuvent être observées chez les per-sonnes diabétiques, en raison d’une mauvaise adaptation du traitement en période d’amélioration de l’état glycé-mique post-opératoire [9]. Le traitement d’urgence consiste, s’il existe une perte de connaissance, au « resucrage » en intraveineux (IV) selon les procédures habituelles. Si l’administration de glu-cose par voie IV est instaurée, il faut penser à y associer de la vitamine B1 (cf. supra). Si le patient est conscient, le « resucrage » per os ne doit pas être excessif afin d’éviter une autre hypo-glycémie réactionnelle par absorption rapide du saccharose (par exemple  : deux carrés de sucre (n°4), ou une demie pâte de fruits, ou une cuillère à café de miel ou de confiture, ou un petit verre de jus de fruit ou de sodas [10 cl]). Dans un second temps, les conseils diététiques doivent être repris. L’acarbose, en ralen-tissant l’absorption des glucides, peut améliorer la symptomatologie.

Effets secondaires des traitements de co-morbiditéIls peuvent être source de consultation en urgence : hypoglycémie par inadap-tation des doses d’antidiabétiques lors de la période post-opératoire d’amélio-ration très rapide du diabète (premières semaines), hypokaliémies sous diu-rétiques, etc. Il est prudent d’arrêter la metformine, qui peut entraîner des

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douleurs abdominales et des troubles digestifs pouvant masquer les symp-tômes d’une complication chirurgicale.

Autres • La consommation d’alcool peut être

très mal tolérée, notamment après by-pass où le taux d’alcoolémie augmente très rapidement et de façon extrê-mement importante (absorption plus rapide, métabolisation plus lente). • La lithiase rénale est fréquente après

chirurgie de l’obésité, notamment après by-pass, et mérite une expertise en néphrologie. • Les complications psychologiques

doivent être connues. Si, dans la très large majorité des cas, l’intervention entraîne des bénéfices psychologiques significatifs, il est des cas de dépression post-opératoire avec parfois idées suici-daires, voire passage à l’acte. Le nombre de suicide augmente après chirurgie bariatrique dans différentes études.

Inscrire l’urgence bariatrique dans le parcours de soins

• La gestion des urgences bariatriques est une condition première pour la réduction de la morbi-mortalité liée à cet acte chirurgical, à court et long terme. Dans la perspective actuelle du parcours de soins promu par la Haute Autorité de Santé (HAS), les situations aiguës doivent être anticipées par une information du patient sur la conduite à tenir, par des recommandations aux médecins traitants et par une optimi-sation de l’organisation des soins [10]. On peut proposer une série de mesures qui concernent la personne opérée, son médecin traitant, les équipes spéciali-sées (cf. tableaux I à IV). • La personne opérée doit être infor-

mée des signes d’alerte, de la conduite à tenir, des différents recours. Ces élé-ments pourraient, idéalement, figurer dans un document remis au patient ou sur un site, et être communiqués à son médecin traitant. Les signes d’alerte ont déjà été discutés et figurent dans le tableau I. L’information sur ces signes d’alerte doit être reprise régulièrement lors des consultations de suivi, à court

terme (1er et 3e mois, 1 an) et à distance, car, il faut le rappeler, des complications aiguës peuvent survenir des années après l’acte opératoire. • Le médecin traitant doit également

disposer des informations sur les signes d’alerte et pouvoir accéder à un conseil

de la part de l’équipe médico-chirurgi-cale en charge du suivi initial du patient et/ou connaître les modalités d’accès aux urgences dans l’établissement de référence.Si le patient est à proximité du site où il a été opéré, la meilleure option est, en

Tableau IV. Points clés sur les urgences bariatriques.

Signes d’alerte

--------------------------------------------------Signes d’alerte d’une complication

chirurgicale

– TACHYCARDIE >120 batt./min ;– Fièvre ou fébricule ;– Polypnée et/ou gêne respiratoire ;– Douleur abdominale s’aggravant lors

de l’alimentation ;– Douleur dorsale ;– Pesanteur pelvienne ;– Hoquet ;– Vomissements.---------------------------------------------------Signes d’alerte d’une complication

médicale

– Signes neurologiques et neuropsychiatriques : neuropathie périphérique, agitation, troubles cognitifs, signes cérébelleux ;

– Signes d’hypoglycémie ;– Perte de poids rapide ;– Tendance suicidaires.

Complications

---------------------------------------------------Complications précoces : ≤ 30 jours post-

opératoires

– Fistule anastomotique ;– Dilatation gastrique aiguë ;– Hémorragie digestive ;– Complications infectieuses : abcès ;– Lâchage de la ligne de suture de l’estomac

exclu.---------------------------------------------------Complications tardives > 30 jours post-

opératoires

– Occlusions sur hernie interne ;– Sténose de l’anastomose;– Ulcère anastomotique, hémorragie ;– Érosion gastrique ou migration de l’anneau ;– Rupture de la tubulure.----------------------------------------------------Complications médicales

– Carence en vitamine B, syndrome de Gayet Wernicke ;

– Dénutrition protéique ;– Dumping syndrome, hypoglycémie ;– Inadaptation du traitement du diabète ;– Troubles hydro-électrolytiques ;– Dépression.

• La chirurgie bariatrique expose à des complications médicales et chirurgicales qui

peuvent mettre en jeu le pronostic vital en post-opératoire précoce (< 30 jours), mais

également à distance, des mois, voire des années, après l’acte chirurgical.

• La présentation clinique de ces complications peut être déroutante : soit par leur

apparente banalité, soit par l’atypie des symptômes, notamment pour les compli-

cations chirurgicales.

• La prise en charge des urgences bariatriques doit être médicale et chirurgicale :

idéalement en centre spécialisé, sinon en lien avec l’équipe qui a pris en charge le

patient avant et pendant l’intervention.

• Tout retard diagnostic et thérapeutique est une perte de chance.

• Une règle d’or : une tachycardie, une dyspnée, une fièvre inexpliquée, une sensation

de malaise récente et intense, doivent être considérées comme des signes d’alerte

de complications chirurgicales.

• Le moindre signe neurologique doit faire évoquer et traiter en urgence une carence

en vitamine B1 (i.e. paresthésies, troubles de l’équilibre ou de mémoire, dépression

de mémoire).

• Le patient doit être averti des signes devant le conduire à consulter en urgence.

Les points essentiels

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effet, de contacter l’équipe chirurgicale et/ou médicale qui a géré initialement son parcours bariatrique. Cela signifie, concrètement, de disposer du numéro d’appel pour un avis urgent : on voit ici l’intérêt d’un coordinateur des soins en charge d’orienter au mieux le patient. Il nous semble que cette fonction de coor-dination est désormais indispensable pour les centres spécialisés ayant un volume d’activité élevée, mais elle pose des questions de reconnaissance, de valorisation de cette activité et de for-mation. Si la personne n’a pas accès à cette équipe, il faut, à partir du pre-mier recours, une orientation vers un SAU qui doit pouvoir être informé par le patient et son médecin traitant sur le type de chirurgie bariatrique, sur les co-morbidités associées à l’obésité, sur le

contexte clinique global. L’équipe SAU doit elle-même avoir accès à l’équipe médico-chirurgicale spécialisée ; c’est souligner, à nouveau, la nécessité pour le patient de disposer en permanence des accès téléphoniques ou Internet du chirurgien et médecin spécialiste. • Les centres médico-chirurgicaux

engagés dans la prise en charge de la chirurgie bariatrique ont, dans leur cahier des charges défini par la Direction Générale de l’Organisation des Soins (DGOS), l’organisation des soins en aval de l’acte chirurgical, qui incluent les situations d’urgence. Il est, en effet, optimal de traiter les situations aiguës au sein des structures médico-chirur-gicales spécialisées, tant les difficultés diagnostiques et thérapeutiques sont grandes. Reste que tout SAU hors

centre spécialisé doit être en mesure de gérer cette situation. La question de la gestion des urgences en aval de l’acte de chirurgie est importante pour optimi-ser le parcours de soins [10].

Déclaration d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit

d’intérêt en lien avec cet article.

Références

[1] Ciangura C, Aron-Wisnewsky L, Poitou-Bernert C, et al. Urgences chez le patient opéré d’une chirurgie de l’obésité. Annales françaises de médecine d’urgence 2012;2:243-52.

[2] Basdevant A, Bouillot JL, Clément K, et al. Médecine et chirurgie de l’obésité. Paris: Médecine Sciences Publication, Lavoisier; 2011.

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[4] Hayashi SY, Faintuch J, França JI, Cecconello I. Four-year hospital resource utilization after bariatric surgery: comparison with clinical and surgical controls. Obes Surg 2011;21:1355-61.

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[9] Marsk R, Jonas E, Rasmussen F, Näslund E. Nationwide cohort study of post-gastric bypass hypoglycaemia including 5,040 patients undergoing surgery for obesity in 1986-2006 in Sweden. Diabetologia 2010;53:2307-11.

[10] Haute Autorité de Santé (HAS). Le parcours du patient candidat à la chirurgie de l’obésité. Juin 2009. www.has-sante.fr

• L’accueil de la personne opérée de chirurgie bariatrique est une situation de plus en

plus fréquente du fait du développement de cette chirurgie. La symptomatologie des

complications peut être trompeuse : des signes cliniques à prendre en considération,

tels que la tachycardie, une sensation de malaise inexpliquée et impromptue, une

agitation, doivent alerter, tout comme des douleurs abdominales récentes, souvent

atypiques et s’aggravant, et des vomissements. La moindre suspicion de complica-

tion abdominale (fistule anastomotique, hernie interne, hémorragie) nécessite un avis

chirurgical rapide qui peut conduire, en cas de doute, à une laparoscopie exploratrice

en urgence, y compris si nécessaire par un chirurgien non spécialisé. Les carences

en vitamine B1, évoquées devant toute manifestation neurologique, d’autant qu’il

existe un amaigrissement rapide ou une complication chirurgicale, exposent à des

séquelles, alors que leur correction est simple à mettre en place.

• Afin d’optimiser la gestion des ces épisodes aigus, l’information du patient sur les

symptômes d’alerte et sur la conduite à tenir, la possibilité qui lui est donnée de

prendre contact avec son centre référent médico-chirurgical, sont des conditions

premières. De même, contribuent à une gestion optimale, la connaissance par le

médecin traitant des signes évocateurs et le contact avec l’équipe spécialisée.

Conclusion