11
MOHAMEDDJEBROUNi Laboratoire d'Ecog6n6tique,Institut des Sciencesde la Nature, U.S.T.H.B,B.P.139 El Alia, 16111Alger, AIg6rie Variabilit6 morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations de Phragmites australis (CAV.) TRIN. ex STEUD. KEYWORDS Phm~nites amstralis, Variability, Morphology,Karyology, Enzymes ABSTRACT Use of morphological, karyological and enzymatic approaches in the study of 11 populations of Phragraites austra//$ (CAV.) TRIN.ex STEUD. originatingfrom different geographic areas, climates and ecologicalconditions reveals a spatial differentiation of populations. There is no relationship between the two levels of ploidy,2n=48 and 2n=96, and the habitat. In contrast, the climate and environmental conditions act to the selection of the well-adaptedgenotypes. So, the considerable phenotypicvariability of/'. australt~is due to a high adaptabilityand an important genetic diversity. INTRODUCTION Le roseau commun, Phragmites austraJis (CAV.) TRIN. ex. STEUD., g6n6ralement appel6 P. communis TRtN. (CLA'rrON 1968), est une esp6ce hautement polymorphe. Il se d6veloppe darts des conditions environnementales diverses of 1 il montre une grande adaptabilit6 6cologique. Morphologiquement, le P. australis varie en hauteur, en largeur des feuilles ainsi que pour les caract6res relatifs aax inflorescences et aux 6pillets (CLAYTON 1967, VAN DER TOORN 1971, HA.SLAM1972, HRADECKA1973a, b, ATER 1985, KSENOFONTOVA 1988). I1 constitue un complexe polyplo'ide important. De nombreux auteurs ont rapport6 diff6rents niveaux de plo'fdie, de triploide, 2n=36 :~ octoplo'fde, 2n=96 (REEzE 1957, RAICU et al. 1972, GORENFLOT 1976, GORENFLOT et al. 1972, 1974, STOtAN et al. 1974). La forme pentaploi'de, 2n = 60 est inconnue et les individus diplo'ides, 2n =24, r6colt6s par PAZOURKOVA (1973) en Tfebofi sont interpr6t6s comme un accident dans la descendance d'un polyplo'fde Folia Geobot. Phytotax., Praha, 27:49-59

Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

MOHAMED DJEBROUNi

Laboratoire d'Ecog6n6tique, Institut des Sciences de la Nature, U.S.T.H.B,B.P. 139 El Alia, 16111 Alger, AIg6rie

Var i ab i l i t 6 m o r p h o l o g i q u e , c a r y o l o g i q u e e t e n z y m a t i q u e chez q u e l q u e s p o p u l a t i o n s de Phragmites australis (CAV.) TRIN. ex STEUD.

KEYWORDS

Phm~nites amstralis, Variability, Morphology, Karyology, Enzymes

ABSTRACT

Use of morphological, karyological and enzymatic approaches in the study of 11 populations of Phragraites austra//$ (CAV.) TRIN. ex STEUD. originating from different geographic areas, climates and ecological conditions reveals a spatial differentiation of populations.

There is no relationship between the two levels of ploidy, 2n=48 and 2n=96, and the habitat. In contrast, the climate and environmental conditions act to the selection of the well-adapted genotypes. So, the considerable phenotypic variability of/'. australt~ is due to a high adaptability and an important genetic diversity.

INTRODUCTION

Le roseau commun, Phragmites austraJis (CAV.) TRIN. ex. STEUD., g6n6ralement appel6 P. communis TRtN. (CLA'rrON 1968), est une esp6ce hautement polymorphe. Il se d6veloppe darts des conditions environnementales diverses of 1 il montre une grande adaptabilit6 6cologique.

Morphologiquement, le P. australis varie en hauteur, en largeur des feuilles ainsi que pour les caract6res relatifs aax inflorescences et aux 6pillets (CLAYTON 1967, VAN DER TOORN 1971, HA.SLAM 1972, HRADECKA 1973a, b, ATER 1985, KSENOFONTOVA 1988).

I1 constitue un complexe polyplo'ide important. De nombreux auteurs ont rapport6 diff6rents niveaux de plo'fdie, de triploide, 2n=36 :~ octoplo'fde, 2n=96 (REEzE 1957, RAICU et al. 1972, GORENFLOT 1976, GORENFLOT et al. 1972, 1974, STOtAN et al. 1974). La forme pentaploi'de, 2n = 60 est inconnue et les individus diplo'ides, 2n =24, r6colt6s par PAZOURKOVA (1973) en Tfebofi sont interpr6t6s comme un accident dans la descendance d'un polyplo'fde

Folia Geobot. Phytotax., Praha, 27:49-59

Page 2: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

50 FOLIA OEOBOTANICA ET PHYTOTAXONOMICA, 27, 1992

Tab. 1. Localisation et caract6ristiques climatiques et 6coloqigues des populations 6tudi6es. Les approches effectu6es sur chaque population sont indiqu6es par M = morphologlque, C = caryologique, E = enzymatique.

Localit6 Code 1.at. Long. Climat Site Approche

ALGI~RIE

Laghouat LAGH 33~ 2~ aride lit d'oued M El Mesrane MESR 34~ 3~ aride dunes

continentales M C E Boughzoul BOUG 35~ 2~ semi-aride lacsal6 M C E Ghrlb GHRI 36~ 2~ sub-httmide barrage M C E Constantine CONS 36~ 6~ semi-aride marais M R6ghaia REGH 36~ 3~ sub-humide marais M C E Cap Djinet ISSE 36~ 3~ sub-humide embouchure

d'oued M C E Akbou SOUM 36~ 4%2'E sub-humide lit d'oued M

FRANCE

Roche tort ROCH 45~ 0~ atlantique marais C E Susc~,fio SUSC 47~ 2~ atlantique marais C E lie ' i rande ILGR 48~ 3~ atlantique bas de falaise

maritime C E

et non comme des formes originelles. Cependant, selon DYKYJOVA et PAZOURKOVA. (1979) la diplo'idie pourrait &re une r6ponse cytog6n6tique/t la transplantation d'un milieu saumS.tre un milieu d'eau douce.

En plus des s6ries euplo'ides, une s6rie aneuplo~de est centr6e autour de 2n=48 (PAZOURKOVA 1973, GORENFLOT et al. 1972, LENOIR et al. 1975).

Les approches biochimiques men6es par BAHRMAN et GORENFLOT (1983) et GORENFLOT et al. (1982, 1984) ne montrent aucune relation entre la composition flavonique et le hombre chromosomique, alors que la distribution des prot6inogrammes r6v61e deux groupes de populations h chaque niveau de plo'idie, 2n =48 et 2n=96.

A notre connaissance aucune donn6e n'est actuellement disponible concernant la variabilit6 enzymatique chez le P. australis. De plus. en Alg6rie, peu d'6tudes cytog6n6tiques ont 6t6 men6es sur cette esp6ce o/1 seulement une population t6traploi'de et deux populations octoploides ont 6t6 d6crites (REEZE 1957, GORENFLOT et al. 1974, 1984).

Ces derni~res remarques ont induit cette 6rude prospective sur la variabilit6 morphologique, caryologique el enzymatique de quelques populations de P. australis r6colt6es en Alg6rie du nord et dans I'ouest de la France. Les d6nombrements chromosomiques, les variations des caract6res morphologiques et les isomorphes de plusieurs syst6mes enzymatiques sont analys6s dans le but d 'appr6hender les differences ph~notypiques et g6n6tiques entre des populations isol6es g6ographiquement.

M A T E R I E L ET M E T H O D E S

Les onze populations dtudi6es se d6veloppent dans des conditions climatiques et 6cologiques diffdrentes dans le nord de l'Alg6rie et dans l'ouest de la France. l.es trois

Page 3: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

DJEBROUN1: VARIABILITY IN PIIRAGMITES.,4 USTRALIS 51

Tab. 2. Caract6res biom6triques retenus pour 1'6tude morphologlque

Hauteur totale des pousses Hauteur de la panicule

Longueur du rachis Distance s(:parant le ler et le 6~rne noeud en partant du niveau du sol Nombre de noeuds du chaume Diam~tre h la base du rachis Diam~tre h la base du chaume

approches, morphologique, caryologique et enzymatique ont 6t~, effectu6es sur cinq populations. Les autres populations ont 6t6 trait6es soit sur le plan morphologique, soit sur les plans caryologique et enzymatique (Tabl. 1). Dans chaque population dix pousses fertiles et trois sections de rhizomes sont r6colt6es.

Les pousses fertiles font l'objet de comptages et de mesures biom~.triques destin6es aux analyses multidimensionnelles. Les caract~res retenus pour l'analyse de la variabilit6 morphologique sont consign6s dans le tableau 2.

Les sections de rhizome sont cultiv6s sous serre, pendant cinq mois, dans des conditions identiques. Cette p6riode permet d'61iminer un 6ventuel choc dfa ~ la transplantation et la formation de nouvelles 6mergences.

I_es d6nombrements chromosomiques sont r6alis6s sur l'extr6mit6 des racines pr6trait6es pendant 16 heures "b. 4 ~ dans une solution satur6e d'~-bromonaphtal~ne. L'hydrolyse, effectu6e dans une solution d' HC1 1N ~ 60 ~ pendant 12 ~. 15 minutes, est suivie d'une coloration des chromosomes au r6actif de Schiff. L'6talement des chromosomes est am61ior6 par l'addition d'une solution de pectinase ~ 5% avant l'6crasement des racines dans de l'acide ac6tique b. 45%.

Pour minimiser les variations intrapopulationnelles darLs l'~.tude de la variabilit6 enzymatique, trois 6mergences sont pr61ev6es dans les trois rhizomes de chaque population. Elles sont m61ang6es puis broy6es, ~ 4 ~ au polytron dans un tampon 0.125 M Tris-HC1 pH 6.8 contenant 2% de saccharose. Le tampon est utilis6 dans la proportion 3/1 (V/Poids). Du PVP (polyvinylpolypyrrrolidone) est ajout6 au broyat ~t raison de 50% du poids de mat6riel utilis6. Le surnageant contenant les prot6ines solubles est pr61ev6 apr6s centrifugation 12.000 g pendant 30 minutes b. 4 ~

La s6paration des isozymes est r6alisfe par 61ectrophor6se verticale sur gel de polyacrylamide (30:1.5) en utilisant un syst6me discontinu. Le gel de concentration ~. 5% d'acrylamide et 0.125 M Tris-HC1 pH 6.8 est le m6me pour tous les syst6mes enzymatiques 6tudi6s. La concentration en acrylamide du gel de s6paration "b. 0.375 M Tris-HC1 pH 8.8 est de 7.5% pour les amylases (E.C.3.2.1.1.) et les glutamate oxaloac6tate transaminases ou GOT (E.C.2.6.1.1.), et de 10% pour les malate d6shydrog6nases ou MDH (E.C.1.1.1.37.), les est6rases non sp6cifiques (E.C.3.1...), les phosphatases acides ou ACP (E.C.3.1.3.2.) et les superoxyde dismutases ou SOD (E.C.I.15.1.1.). Apr6s ~lectrophor6se les syst~mes enzymatiques sont rdv6lfs d'apr6s SOLTIS et al..(1983) et PASTEUR et al. (1987).

Pour chaque zymogramme r6v616, la pr6sence ou l'absence de chaque bande est notSe ! ou 0. Les donn6es ainsi obtenues pour toutes les populations et l'ensemble des systSmes cnzymatiques sont soumises aux analyses mu!tidimensionnelles.

Les donn6es biomdtriques sont trait6es par l'analyse en composantes principales (A.C.P.) c t l e s donndes enzymatiques par l'analyse factorielle des correspondances (A.F.C.) et la

Page 4: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

52 FOUA GEOBOTANICA El" PHYTOTAXONOMICA, 27, 1992

Tab. 3. Matrice des corr61ations entre les caract6res morphoiogiques

A B C D E F G

A 1.000 B 0.393 1.000 C ~ . ~ 0 l ~ 1.000 D 0.833 0.267 -0.093 1.000 E 0.781 0.329 -0.149 0.491 F 0.2116 0.155 0.026 0.186 G 0.037 0.103 .0.005 0.156

1.000 -0.183 -0.035

1.000 0.141 1.000

Tab. 4. Nombres chromosomiques des populations 6tudi6s

El Mesrane 2a=96 Boughzoul 2a=48 Ghrib 2n = 48 Re~hala 2n = 48 Cap Djinet 2n = 48 Rochefort 2n=48 Susciaio 2a=48 IIr 2a=48

classification ascendante hi6rarchique (C.A.H.). Pour cette derni~re nous avons calcul~ la distance du khi-deux et la minimisation du moment centre deux des classes comme crit6re d'agr6gation.

Les traitements informatiques ont 6t6 r6alis6s au C.I.C.B. (Centre interuniversitaire de calcul de Bretagne) en utilisant les programmes ANCOMP, A N C O R R et C A H T R A de la collection A.D.D.A.D. (association pour la diffusion et le d6veloppemem de l'analyse des donn6es).

RESULTATS ET DISCUSSIONS

VARIABILITE MORPHOLOGIQUE

La matrice des corr61ations 6tablie ~t partir des donn6es biom6triques (Tabl. 3) r6v~le que les descripteurs de la vigueur des pousses sont fortement li6s. Ainsi la hauteur (A), la distance entre le premier et le sixi6me noeud (D) et le hombre de noeuds du chaume (E) montrent des corr61ations 61ev6es. De m6me, mais fi un moindre degr6, la hauteur de la panicule (B) varie darts le m6me sens que la hauteur totale (A), la longueur du rachis (C) et le nombre de noeuds du chaume (E).

La projection des caract6res et des individus dans le syst6me d'axes 1-2 de I'A.C.P. (Fig. 1) permet d'isoler les populations selon un gradient climatique et 6cologique. Les populations provenant d'un climat aride ou semi-aride, ou se d~veloppant dans des milieux sal6s

Page 5: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

DJEBROU~: VARIABILITY IN PHRAGMITE$ AUSTRALI$ 53

r ~

�9 O O

IL ' ~ ~ ~, ~, , ~ ,

t~

Z ~ m I z

Z

X / O u ~

w

t~ t~

0 I /

o a O t~

z- z O 0

o~ ~ c 2 0q

O 0

L~

?,

" L,. 7.

i

0 t 4 J

Fig l. Analyse en composanles princlpales. Projection des earael~res e! des individus repr6sentanl les populations

sur le plan d6fini Far les axes I e~ 2. Poar les abbr,'clarions voir Tab. '~ el Tab. 2.

Page 6: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

54 FOLIA GEOBOTANICA ET PHYrOTAXONOMiCA, 27, 1992

[ S1 [ RAS[ S S.OmD.

i..l i m

,,m

III I I I I i

i m

N

m i i i I

i i i i i i i i

i !

s~llY t r&,P~ G.O.T.

I I I I I I I I iil iii

II IIII I I IIII IIII IN I

A.C.P. M,DIHI

m ,ii Immm i III i mm

ii iii mm Immi iNto IIm mm mml

ni mm ,-,- iim mm mm m

N Im mmm mm I mmm I

Fig. 2. Zymogrammes des six syst6mes enz3,Taatiqucs 6tudids sur huit populations.

Page 7: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

D J E B R O U N I : VARIABILITY I N PHRAGMrl"ES AUSTRAL, IS 55

Axe 2

/ _

, \ . SUSC , ," I SSE .;

f I L G R ~ k

R E G H t

H D U G I

Axe 1 i

I

i

i

I

i

I

i

i

i

i

I

i

I

/

M E S R I /

I

Fig. 3. Analyse factorielle des corrcspondances. Projection des populations en fonction des donn6s enzymatiques sur le syst~me d'axes (1-2).

(Laghouat, Mesrane et Boughzoul) sont projet6es dans la partie positive de I'axe 1; elles s'opposent ~. celles de Ghrib et de Soummam qui sont rEcolt6s dans un climat sub-humide. Les autres populations occupent une position interm6diaire dans le diagramme 1-2 de I'A.C.P., cette position se retrouve aussi sur les plans g6ographique, climatique et 6cologique.

Ces r6sultats sont en accord avec ceux d6jb. obtenus par VAN DER TOORN (1971), HRADECKA (1973a, b) et KSENOFONTOVA (1988) qui ont montr6 que les caract~res de vigueur sont li6s aux conditions climatiques et trophiques. Par ailleurs, les caract6res v6g6tatifs, ceux des inflorescences et des 6pillets pr6sentent de fortes variations d 'une population ~ une autre et d 'une annde sur l'autre pour une m@me population. Ceci sugg~re une forte variabilit6 ph6notypique de l 'ensemble des caract~res morphologiques. Cependant, les 6tudes men6es r6v~lent une diff6renciation des populations sur le plan morphologique; HASt.~'d (1973) a montr6 que ces caract~res varient peu apr~s transplantation ou apr6s culture ~ partir de graines, ce qui leur conf6re une base g6n6tique.

Page 8: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

56 FOLIA GEOBOTANICA E'I" PHYTOTAXONOMICA, 27, 1992

VARIABILITE CARYOLOGIQUE

Sur les huit populations 6tudi6es, sept sont t6traplo'ides, avec 2n=48 et une seule est octoploide, avec 2n = 96 (Tabl. 4). La forme octoplo'fde est originaire de Mesrane, situ6e dans les hautes plaines steppiques en AIg6rie. Les populations t6traploi'des se d6veloppent dans des zones g6ographiques et des conditions environnementales extr6mement variables, da lac sam de Boughzoul et du barrage de Ghrib en Alg6rie aux marais d'eau douce de Rochefort et de Suscinio en France.

II apparalt que 2n =48 est le nombre chromosomique le plus courant darts les populations ~tudi~es et qu'il n'y aurait aucune relation entre les conditions 6cologiques, la distribution g6ographique et le degr6 de ploidie.

Ces r6sultats confirment ceux d6j/t obtenus par REEZE (1957) et par GORENFLOT et al. (1972, 1974) pour des populations de France et du reste de rEurope.

D'apr~s RAtCLr et al. (1972) et STOL~ et al. (1974) le nombre chromosomique de base chez le P. australis est x= 12. Des analyses comparatives de caryotypes et de m6ioses polliniques ont montr6 que 2n=8x=96 est probablement un autoaUooctoplo'fde, alors que l'origine des t6traplo'fdes, 2n=4x=48, est incertaine; ils pourraient r6sulter d'une allot6traplo'fdie.

Par ailleurs, LENOIR et al. (1975) ~tudiant les m~ioses chez les t~traplo~'des et les octoplo'fdes concluent que x=6 serait le nombre chromosomique de base, avec une polyploTdisation d~j:~ ancienne suivie d'une diplo'idisation pouss~e; le mode de polyploidisation restant h 61ucider.

POLYMORPHISME ENZYMATIQUE

La g6n~tique formelle du P. australis n'est pas encore connue, aussi le nombre de locus codant pour chaque syst~me enzymatique ne peut Etre affirm6. Cependant, les zymogrammes obtenus pour les six syst~mes enzymatiques analys~,s pr~sentent une forte variabilit~ entre les huit populations 6tudi6es (Fig. 2).

Les est~rases montrent dix bandes dont aucune n'est commune/l toutes les populations. Ces bandes se r6partissent en deux groupes distincts qui peuvent ~tre assimiMs h deux locus, le locus rapide est.-1 et le locus lent est.-2. Les populations de Rochefort et de Suscinio sont les seules h pr6senter les m~mes profils alors que celles de Mesrane, Boughzoul et Ghrib ont chacune un 61ectromorphe qui les diff6rencie des sept autres populations.

Sur les sept bandes des amylases, une seule est commune/t toutes les populations; elle correspond ~t l'61ectromorphe le plus lent du locus amyl.-1. Le locus amyl.-2 pr6sente une bande qui n'est absente que darts la population de Rochefort et une autre dans la population d'Isser.

Les phosphatases acides (ACP) pr6sentent huit bandes dont deux sont communes h toutes les populations. Les 6chantillons de Boughzoul, Isser et Suscinio ont des profils identiques pour cette enzyme.

Les superoxyde dismutases (SOD) montrent un grand hombre de bandes qui pourraient correspondre :~ trois locus, SOD.-1 avec trois bandes, SOD.-2 avec deux bandes et SOD.-3 avec trois bandes. Sur les huit ~lectromorphes, cinq sont communs ~t toutes les populations.

Les glutamate oxaloac&ate transaminases (GOT) rdv~lent deux groupes de bandes /l mobilit6 ~lectrophorEtique diff~rente. Le locus rapide GOT.-1 a deux 61ectromorphes et le locus lent GOT.-2 en pr~sente quatre. Seules deux bandes sont communes ~t toutes les populations.

Page 9: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

DJEBROUNI" VARIABILrI'Y IN PHRAGMITES A USTRAI..IS 57

1

GHRI

REGH

SUSC

ROCH +

ILGR

MESR

ISSE

BOUG

0.8 0.6 0.4 0.2 0 i I I I I i I I I i

t

Fig. 4. Classification ascendante hi6rarchique des populations/t partir des donn6es enzymatiques.

Les malate deshydrog6nases pr6sentent cinq bandes. Les 6chantillons de Boughzoul, Isser, Ghrib et Rochefort ont les m6mes profils pour cette enzyme.

La projection des populations en fonction des variables (6lectromorphes) sur le plan d6fini par les axes 1 et 2 de rA.F.C. (Fig. 3) permet de r6partir les populations en deux ensembles. Les populations originaires d'un habitat dulqaquicole (Rochefort, Suscinio, Ghrib et Reghaia) s'opposent ~ celles r6colt6es dans un milieu saumfitre (Isser, Boughzoul, lle-Grande) ou aride (Mesrane).

La C.A.H. des populations (Fig. 4) confirme ces r6sultats et les precise. Ainsi, pour le mSme habitat d'eau douce les populations d'Alg6rie (Reghaia, Ghrib) s'isolent nettement des populations de France (Suscinio, Rochefort).

CONCLUSIONS

Les populations de P. australis 6tudi6es montrent une grande variabilit6 interpopulationnelle, ce qui permet de les distinguer les unes des autres notamment sur les plans morphologiques et enzymatiques. Cette forte variabilit6 ph6notypique est due ~t un grand pouvoir d'accommodation aux milieux les plus varies.

La variabilit6 des caract6res morphologiques dans chaque population reviendrait principalement ~ la plasticit6 ph6uotypique des individus. En effet, la nature clonale du P.australis implique que le nombre de pousses par population ne refl6te pas le nombre effectif d'individus, chaque population serait domin6e par peu de g6notypes.

La complexit6 des zymogrammes obtenus sugg6re que le P. australis est une esp6ce hautement h6t6rozygote. L'isolement g6ographique et 6cologique des populations se traduit par une s61ection des g6notypes les mieux adapt6s aux conditions environnementales locales.

La diversit6 g6n6tique du P. australis est accentu6e par la possibilit6 de reproduction sexu6e malgr6 une importante 16talit6 du pollen due ~t une forte proportion de m6ioses irr6guli6res et ~ des ph6nom6nes d'autoincompatibilit6 (GusTA~'SON et SIMAK 1963, CURRAr~ 1969, LENOIR et al. 1975).

Page 10: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

58 FOLIA GEOBOTANICA ET PHYTOTAXONOMICA, 27, 1992

Ainsi, la forte variabilit6 sur les plans morphologique et caryologique est confirm6e par une importante diversit6 g6n6tique permettant au P. australis de s'adapter aux variations spatiales et temporelles de renvironnement.

R~UM~

Oaze populations de Phrag,nites australis (CAr.) TRIN. ex STEUD. provenant de zones g6ographiques, de climats et de conditions 6cologiques diff6rentes sont analys6es sur les plans morphologique, caryologique et enzymatiques.

Les deux aiveaux de ploidie d6termin~s, 2n=48 et 2n=96, ne soar pas en relation directe avec I'habitat. Les descripteurs de la vigueur des ponsses sont corr616s positivement et seraient li6s aux conditions

trophiques. L'analyse en composantes priadpales effectu6e ~ partir des donn6s biom6triques isole les populations selon un gradient 6cologique et dimatique.

Les zymogrammes obtenus pour six syst6mes enzymatiques r~v61ent une grande variabilit6 interpopulationnelle. Leur 6tude par ranalyse lactorielle des correspondances et par la classification ascendante hi6rarchique montre une diff6renciation 6colngique et g6ographique des populations. Ces r6sultats sugg6rent que la grande adaptabilit6 du P. austra//s est due ~ une forte h6t6rozygotie et/! une importante diversit6 g6n6tique.

SUMMARY

Eleven populations of Phragmites australis (CAv.) TP~N. ex STEUD. originating from different geographic areas, climatic and ecological conditions were studied through morphological, caryolngical and enzymatic approaches.

The two ploidy levels found, 2a =48 and 2n=96, were not directly related to the habitat. Characters describing She vigour of the shoots were highly correlated; they seems to be controlled by trophic

conditions. Principal conponent analysis done with biometric data s~paxatc populations along ecological and climatic

gradient. Banding pattern of the zymograms obtained from the six enzymatic systems revealed a high intcrpopulation variability. Their analysis using factorial correspondences analysis and hierarchical ascendent classification showcd ecological and geographic differentiation of the populations. These results suggest that the considerable adaptability ofP. communis is due to a high hetecozygosity and an important genetic diversity.

LITERATURE CITED

ATER M. (1985): La variation pollinique du Phragmites australis (CAV.) TRIN. ex STEt,'D. - Bull. Soc. Bot. Ft., 21: 111-117.

BA~tlL'~LAN N. et R. GORENFLOT (1983): Apports des prot6ings foliah'es solab[~ dans i'interprr du complete polyplo/de du Phragmites australis (CAr.) TPOX. ex STEUD. - Rev. G6n. Bot., 90: 177-184.

CLAYTON W.D. (1967): Studies in the Gramineae: XIV - Kew. Bull., 21: 111-117. CLAYTON W.D. (1968): The correct name of the common reed. - Ta.lon, 17: 168-169. CURRAN P.L. (1969): Fertility ofPhragraites commuais TgIN. - Irish Naturalist's J., 16: 242. DYKYJOVA D. et PAZOURKOVA Z. (1979): A diploid form of Phra~nites communis, as a possible result of

cytogenetical response to ecological stress. - Folia Geobot. Phytotax., 14: 113-120. GORENTLOT R. (1976): Le complexe polyplo~de du Phragmites australis (CAr.) TRIN. ex STEUD. ( = P. communis

TRIS.). - Bull. Soc. Bot. Fr., 123: 261-271. GORENFLOT R., CARTIER D. et LENOIR A. (1974): La polyplo'ldie du P. australis (CAV.) TRIN. ex STEUD. darts le

bassin m6diterranr In: "La flore du bassin m6diterran6en. Essai de syst6matique synth6tique" (colloque du

Page 11: Variabilité morphologique, caryologique et enzymatique chez quelques populations dePhragmites australis (Cav.)Trin. exSteud

DJEBROUNI: VARIABILITY IN PltR/IGMH'ES AUSTRALIS 59

CNRS N ~ 235): 165-173. GORENFL~r R., HUBAC J.M., et JAY M. (1984): Le complexc polyplo'ide du Phmgmites australis (CAv.) TRIN. ex

STEUD. duos la r~gion m&tit~rran~,cnne. - Webbia, 38: 715-721. GORENFLOT R., HUBAC J.M., JAY M. et LALANDE P. (1982): Geographic distribution, polyploidy and patterns of

flavonoids in Phra~nited austmlis (CAv.) TRIN. ex STEUD. - Proceedings of NATO Advanced Study Institute. Ser. G. (Ecological Sciences), I.. 474-478.

GORENFLOT R., RAICU P., CARTIER D., CIOBA.~.' I., STOIAN V. et STAICU S. (1972): I.,C complexe polyploide du P/tragm~es cormnunia TRIN. - C.R. Acad. Sci., Paris, 274: 1501-1504.

GORI~'FLOT R. et SANEI-CHARIAT PANAHI M.(LO79): Lc complcxc polyplo'idc du Phragmites australia (CAr.) TRIN. ex STEUD. (= P.commuaia TRIN.) en Iran. - Rev. Cyt. BioL V~g~t., 72 67-81.

GUSTAPSSON A. et SIMAK M. (1963): X-Ray photography and seed sterility in Phragraite$ r TRIN. - Hereditas, 49:. 442-450.

HASI.AM S.M. (1972): Biological flora of the British isles. Phragmites communis TRIN. - J. Ecol., 60:. 585-610. HASLAM S.M. (1973): Some aspects of the life history and autoecology ofPhragraites communis TRIN. A review. -

Pol. Arch. Hydrobiol., 20: 79-100. HRADECKA D. (1973a): Common reed (Phragmites comrnunia TRIN.) in south Bohemia, south Moravia and south

Slovakia. Morphology of the inflorescences and flower wraps. - In: "Ecosystem study on Wetland Biome in Czechoslovakia. Czechosl. IBP/PT-PP Report No. 3, Tfebofl: 47-53.

HRADECKA D. (1973b): Morphological characteristics of two types of common reed (Phmgmites commums TRIN.) from the Opatovick~ fishpond. - In: "Ecosystem study on Wetland Biome in Czechoslovakia". Czec..hosl. IBP/PT-PP Report No.3, Tfebott: 55-58.

KSENOFOI~q'OVA T. (1988): Morphology, production and mineral contents in Phragmites australis in different waterbodies of the Estonian SSR. - Folia Geobot. Phyt0tax., 23: 17-44.

LENOIR A., STOIAN V., CARTIER D., GORENFLOT R. et RAICU P. (1975): Polyplo'idie et m~ioses polliniques du Phmgmites australia (CAV.) Tm,~. ex STEUD. - C. R. Acad. Sci. Paris, 280: 621-624.

PASTEUR N., PASTEUR G., BONHOMME F., CATALAN J. et BRITYON-DAVIDIAN G.J. (1987): Manuel technique de g~ndtique par ~lectrophor&se des prot~ines. - Lavoisier Te.ch. & Doe., Paris, 217 pp.

PAZOURKOVA 7-, (1973): Caryology of some forms of Phragmites communia TRIN. - In: "Ecosystem study on Wetland Biome iu Czechoslovakia". - Czechosl. IBP/PT-PP Report No. 3, Ti~ebo/i: 59-62.

RAICU P., STAICU S., STOIAN V. et ROMAN T. (1972): The Phragmite% communia TRIN. chromosome complement in the Danube delta. - Hydrobiologia, 39: 83-89.

REEZE G. (1957): Uber die Polyploidiespektren in der nordsaharischen Wtisteupflanzeu. - Flora 144: 598-634. SOLTIS D.E., HAUFLER C.H., DARROW D.C. et GASTONY G.J. (1983): Starch gel electrophoresis of ferns: a

compilation of grinding buffers, gel and electrode buffers, and staining schedules. - Am. Fern J., 73: 9-27. STOIAN V., LENOIR A., RAICU P. et GORENFLOT R. (1974): La mr et la taiUe polllnique.s d'individos

octoploMes du Phragmites australia (CAV.) TRIN. ex STEUD. - C. R. Acad. Sci., Paris. 278: 457-459. VAN DER TOOP~N J. (1971): Investigations on the ecological differentiation ofPhragmites communis TRIN. in the

Netherlands.- Hydrobiologia, 12: 97-106.

Re~u 21 Ao~t 1989, acceptd 4 Juin 1990