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Vente en ligne et concurrence : la distribution sélective à l'épreuve

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Page 1: Vente en ligne et concurrence : la distribution sélective à l'épreuve

Vente en ligne et concurrence : la distribution sélective à l’épreuve de l’Internet

Réaction de la CCIP à l’avis de l’Autorité de la concurrence relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique Rapporteur Monsieur Michel CLAIR 29 novembre 2012

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Vente en ligne et concurrence : la distribution sélective à l’épreuve de l’Internet

Réaction de la CCIP à l’avis de l’Autorité de la concurrence relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique Rapport présenté par Monsieur Michel CLAIR au nom de la Commission du commerce et des échanges et adopté au Bureau du 29 novembre 2012 Avec la collaboration de Madame Céline DELACROIX, département de droit public et économique, à la Direction générale adjointe chargée des études, de la prospective et de l’innovation

Chambre de commerce et d'industrie de Paris 27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

http://www.etudes.ccip.fr

Registre de transparence N° 93699614732-82

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SOMMAIRE LES PRINCIPALES PROPOSITIONS 4 INTRODUCTION 6 PARTIE 1 7 L’ANALYSE DU FONCTIONNEMENT CONCURRENTIEL DU COMMERCE ELECTRONIQUE PAR L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE 7

I - COMPARAISON DES PRIX EN LIGNE ET HORS LIGNE 7 II - DES PRIX INFERIEURS EN LIGNE ENGENDRES PAR DES COUTS DE DISTRIBUTION PLUS FAIBLES 7 III - DES GAMMES DE PRODUITS PLUS ETENDUES EN LIGNE 7

PARTIE 2 9 LES OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU E-COMMERCE DANS LA DISTRIBUTION SELECTIVE 9

I - L’ACCES AU RESEAU DES PURE PLAYERS : QUELLE LUTTE CONTRE LE PARASITISME ? 9

1. La faculté de remettre en cause l’exigence de la détention d’un point de vente physique 9 1.1 Avis de l’Autorité 9 1.2 Observation de la CCIP 10

2. Les investissements des pure players susceptibles de profiter à l’ensemble du réseau de distribution sélective 11

2.1 Avis de l’Autorité 11 2.2 Observation de la CCIP 11

3. Les conditions d’agrément d’un distributeur sélectif pouvant entraver l’entrée ou le développement de la vente sur internet 12

3.1 Avis de l’Autorité 12 3.2 Observation de la CCIP 12

4. Le paiement d’une redevance par les pure players 13 4.1 Avis de l’Autorité 13 4.2 Observation de la CCIP 13

5. Les incidences du système de double prix 14 5.1 Avis de l’Autorité 14 5.2 Observation de la CCIP 14

II - LA RESTRICTION LIEE A L’INTERDICTION FAITE AUX DISTRIBUTEURS AGREES DE VENDRE DES PRODUITS CONTRACTUELS SUR INTERNET DANS LE CADRE DE LA DISTRIBUTION SELECTIVE 14

1. La préservation du rôle de garde-fous des règlements d’exemption et des lignes directrices 14

1.1 Avis de l’Autorité 14 1.2 Observation de la CCIP 15

2. L’introduction d’une plus grande souplesse dans la notion de justification objective 16 2.1 Avis de l’Autorité 16 2.2 Proposition de la CCIP 16

3. La différenciation des conditions tarifaires 16 3.1 Avis de l’Autorité 16 3.2 Observation de la CCIP 17

4. L’établissement par le fournisseur d’une proportion de ventes physiques 17 4.1 Avis de l’Autorité 17 4.2 Observation de la CCIP 17

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LES PRINCIPALES PROPOSITIONS

En 2011, le e-commerce a représenté 37,7 milliards d’euros, ce qui correspond à une croissance de plus de 88 % depuis 2008. S’il est acquis qu’il n’est plus possible de s’affranchir d’Internet en matière commerciale, l’intégration des modes de distribution en ligne dans les réseaux de distribution existants est devenue incontournable mais n’est pas sans susciter un certain nombre d’interrogations juridiques. C’est dans ce contexte que l’Autorité de la concurrence a rendu, le 18 septembre 2012, un avis sur le fonctionnement concurrentiel de la vente en ligne. Cette enquête sectorielle porte sur trois secteurs : les produits électrodomestiques, la parapharmacie et la parfumerie de luxe. Elle vise, d’une part, à évaluer l’intensité de la pression que le e-commerce exerce sur la distribution traditionnelle et, d’autre part, à identifier les obstacles au développement du commerce en ligne. Particulièrement attentive à ces problématiques, la Chambre de commerce et d’Industrie de Paris s’est penchée sur l’analyse de l’Autorité et souhaite faire part de ses observations et propositions dans la perspective d’une approche constructive et cohérente du développement des réseaux de distribution sélective. I/ L’accès au réseau des pure players

1) Sur la faculté de remettre en cause l’exigence de la détention d’un point de vente physique

- Préserver l’intérêt légitime des fabricants à protéger leur réseau des risques de parasitisme afin de

ne pas freiner ou détruire toute incitation à investir dans les points de vente physiques ;

- Opérer une distinction entre les réseaux dans lesquels la distribution appelle une démonstration des produits et ceux dans lesquels elle n’en requiert pas ;

2) Sur les conditions d’agrément d’un distributeur sélectif pouvant entraver l’entrée ou le

développement de la vente sur Internet

- Eviter d’appréhender la clause d’agrément tenant à la détention d’un ou plusieurs points de vente physique comme une restriction de concurrence à chaque fois que la mise en œuvre pratique de cette clause rendra plus difficile, voire impossible, l’entrée des pure players dans le réseau de distribution sélective.

3) Sur la pratique du double prix

- Ne pas limiter cette pratique à la seule possibilité pour le fabricant de compenser les frais

supérieurs générés par la vente en ligne mais l’accepter comme moyen d’éviter le parasitisme.

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II/ La restriction liée à l’interdiction faite aux distributeurs agréés de vendre des produits contractuels sur internet dans la distribution sélective

1) Sur les restrictions à l’entrée dans les réseaux de distribution sélective

- Préserver le rôle de garde-fou du règlement européen et de ses lignes directrices en autorisant les

fabricants à organiser librement leur réseau de distribution ; - Ne pas recourir à la facilité procédurale consistant à voir, systématiquement dans l’interdiction faite

aux distributeurs agrées de vendre sur Internet, une « restriction par objet » qui dispensent les autorités de concurrence d’apporter la preuve, au cas par cas, des effets anticoncurrentiels de la pratique ; une telle approche privant, dans les faits, les entreprises de toute possibilité d’obtenir une exemption individuelle ;

- Prévoir la possibilité pour les entreprises de présenter une plus grande variété de justifications objectives à l’interdiction de la commercialisation des produits contractuels sut Internet ;

2) Sur la différenciation des conditions tarifaires

- Accorder une place légitime aux différenciations tarifaires en tant que contrepartie d’un service

rendu par le distributeur, pratique qui correspond à un usage classique du commerce dès lors qu’elle est objectivement justifiée par une différence de services entre les deux canaux de distribution ;

3) Sur l’exigence d’une proportion de ventes physiques

- Autoriser le fournisseur à fixer une proportion de ventes devant être réalisées en magasin

traditionnel, afin de lutter contre les « magasins alibis ».

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INTRODUCTION

La croissance du e-commerce en France est désormais rapide et touche la plupart des secteurs de l’économie. En 2011, il a ainsi représenté 37,7 milliards d’euros, ce qui correspond à une augmentation de plus de 88 % depuis 20081. Dans un contexte général de consommation pourtant en recul, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) anticipe une hausse de 20 % à 45,2 milliards d'euros2 en 2012 susceptible d’atteindre 13 % en 20133. La progression constante de ce secteur montre à quel point l’économie numérique est venue bouleverser les règles de la distribution traditionnelle. De par son caractère transfrontière, le commerce en ligne favorise le développement d’un véritable marché unique et d’une possible harmonisation des prix. S’il est acquis qu’il n’est plus possible de s’affranchir d’Internet en matière commerciale, l’intégration des modes de distribution en ligne dans les réseaux de distribution existants est devenue incontournable. Elle doit, toutefois, se faire de manière cohérente dans l’intérêt commun des fabricants, des distributeurs et des consommateurs. En effet, l’ouverture de la distribution au commerce électronique est un moyen d’animer la concurrence par les prix et d’offrir à la clientèle des services différents, qu’ils soient complémentaires ou substituables aux services proposés par le commerce traditionnel. Si les économistes considèrent que l’Internet marchand est soumis aux mêmes règles que les marchés physiques, il n’en demeure pas moins que l’économie numérique suscite des interrogations spécifiques au regard du droit de la concurrence dont les solutions peuvent être bénéfiques au jeu du marché. Néanmoins, des dysfonctionnements perdurent. En France, pour résoudre les questions juridiques liées à sa spécificité, le Conseil de la concurrence, et à sa suite l’Autorité de la concurrence, a élaboré très tôt une jurisprudence avancée et a permis de faire évoluer les pratiques, tout particulièrement au sein des réseaux de distribution sélective4. Consciente de cette spécificité et du regard attentif qu’il convient de lui porter, l’Autorité de la concurrence a rendu, le 18 septembre 2012, un avis sur le fonctionnement concurrentiel de la vente en ligne5. Cette enquête sectorielle porte sur trois secteurs : les produits électrodomestiques, la parapharmacie et la parfumerie de luxe. Elle vise, d’une part, à évaluer l’intensité de la pression que le e-commerce exerce sur la distribution traditionnelle et, d’autre part, à identifier les obstacles pouvant s’y opposer. Particulièrement attentive à ces problématiques, la Chambre de commerce et d’Industrie de Paris s’est penchée sur cette analyse et souhaite faire part de ses observations et propositions dans la perspective d’une approche constructive et cohérente du développement des réseaux de distribution sélective.

1 Ce chiffre porte tant sur les relations BtoB, BtoC que les relations CtoC. 2 Conférence de presse de Marc Lolivier délégué général de la Fevad, mai 2012. 3 Selon l’institut d’études économiques Xerfi, LSA, 17 mai 2012. 4 Festina-Bijourama, décision n°06-D-24 (Juillet 2006), Produits Hi-Fi haute gamme, décision n°06-D-28 (octobre 2006), Dermo-cosmétiques vendus en pharmacies, décision n°07-D-07 (Mars 2007), Pierre Fabre, décision n°08-D-25 (octobre 2008). On rappellera par ailleurs que la distribution sélective est soumise au Règlement communautaire n°330/2010 du 20 avril 2010 qui a remplacé le Règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999 ainsi qu’aux lignes directrices du 19 mai 2010 qui ont remplacé celles du 13 octobre 2000. 5 Avis n°12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.

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PARTIE 1 L’analyse du fonctionnement concurrentiel du commerce électronique par l’autorité de la concurrence

I - Comparaison des prix en ligne et hors ligne Au terme de son enquête, l’Autorité constate que les prix en ligne sont sensiblement inférieurs à ceux pratiqués en magasin, et ce, même en tenant compte des frais de livraison. Pour les produits électrodomestiques, les différences sont variables : elles sont de 10 % pour les produits bruns (télévisions, appareils photos numériques …) ; pour les produits blancs, les écarts vont de moins de 5 % pour les lave-linge et réfrigérateurs, à 10 % voire plus, pour les lave-vaisselles et fours à micro-ondes et pour les produits gris. S’il existe peu d’écarts sur les ordinateurs portables, les prix moyens des imprimantes s’avèrent avantageux par rapport à ceux pratiqués hors ligne avec plus de 10 % d’écart. S’agissant de la parapharmacie, les différences sont de l’ordre de 8 à 10 % en moyenne. Des sites agréés affichent en outre sur certains produits des prix parfois fortement décotés, de sorte que, pour un produit donné, celui le plus bas proposé en ligne est régulièrement jusqu’à 25 ou 35 % inférieur à la moyenne constatée dans le réseau physique. En revanche, concernant les parfums et produits cosmétiques de luxe, l’Autorité ne constate pas de différence notable.

II - Des prix inférieurs en ligne engendrés par des coûts de distribution plus faibles L’enquête relève que ces prix inférieurs s’expliquent par des coûts de distribution plus faibles pour les pure players. Ces derniers supportent en effet des frais de distribution globalement plus réduits que les brick&mortar, tout en dégageant des résultats nets plus faibles. L’enquête révèle ainsi que ces pure players assument en moyenne des charges (en personnel, marketing, frais techniques, immobilier, paiement, etc) moins élevées, de l’ordre de 15 à 20 % de leur chiffre d’affaires, tandis que pour les brick&mortar, ces charges représentent entre 25 à 30 % du chiffre d’affaires. Les pure players interrogés ont toutefois souligné que les sites marchands ne permettaient pas de dégager une rentabilité élevée, avec des résultats d’exploitation relativement faibles au regard de leur chiffre d’affaires et même des résultats négatifs pour certains d’entre eux.

III - Des gammes de produits plus étendues en ligne D’une manière générale, l’Autorité observe aussi que les gammes de produits proposées sont plus étendues en ligne, ce qui est principalement dû aux contraintes de surface d’exposition des points de vente physiques. Dans le secteur des produits électrodomestiques, plusieurs sites Internet hébergent des places de marché leur permettant d’accroître la largeur de leur offre, soit parce que de nouveaux produits sont proposés, soit parce qu’ils maintiennent une offre même lorsque le détenteur de la place de marché n’a plus de stock sur une référence donnée. Dans le secteur de la parapharmacie et de parfumerie, le constat est plus nuancé : un certain nombre de sites ont indiqué que les conditions de sélectivité des fabricants pour la distribution par Internet seraient parfois relativement contraignantes, si bien que les distributeurs agréés pour une marque donnée pour leur point de vente physique ne disposeraient pas de ce même agrément pour la vente en ligne du produit concerné.

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Pour conclure, l’Autorité souligne que les fabricants comme les distributeurs traditionnels doivent veiller à ce que leurs accords de commercialisation (différenciation des prix d’achat ou des conditions de livraison, distribution sélective etc.) ne conduisent pas à limiter le déploiement du commerce en ligne, en empêchant de façon injustifiée le déploiement des opérateurs pure players et la pression concurrentielle accrue qui l’accompagne.

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PARTIE 2 Les obstacles au développement du e-commerce dans la distribution sélective L’Autorité de la concurrence identifie, pour l’essentiel, deux restrictions : la première est relative à l’accès au marché des pure players ; la seconde consiste à interdire aux distributeurs agréés de vendre des produits contractuels sur Internet dans le cadre de la distribution sélective. Ainsi, sa réflexion est essentiellement tournée vers les effets potentiellement anticoncurrentiels de la distribution sélective. Pour elle, il faut donc permettre un plus grand accès des pure players aux réseaux de distribution, et donc au marché, et libérer les distributeurs agrées de toute restriction à la vente sur internet. Plus généralement, elle constate que le renforcement de la présence des pure players est un facteur d’animation de la concurrence et offre la possibilité d’obtenir une baisse des prix au profit des consommateurs. S’il est difficile de ne pas partager cet objectif, il convient toutefois de s’interroger sur les risques d’une profonde déstabilisation des réseaux de distribution et, notamment, de ceux reposant sur la distribution sélective, que pourrait engendrer l’arrivée massive de pure players dans la commercialisation de produits de haute technologie ou de luxe.

I - L’accès au réseau des pure players : quelle lutte contre le parasitisme ?

1. La faculté de remettre en cause l’exigence de la détention d’un point de vente physique

1.1 Avis de l’Autorité Sensible au risque de parasitisme qu’implique l’entrée dans un réseau de distribution sélective d’un pure player, par hypothèse non soumis aux mêmes contraintes qu’un distributeur agréé commercialisant des produits contractuels dans des points de vente physiques, les autorités de concurrence ont consenti à admettre que le fournisseur puisse conditionner l’entrée de pure player dans le réseau à la détention préalable d’un ou plusieurs points de vente physique. Dans le présent avis, l’Autorité pose des limites à la mise en œuvre de cette condition d’agrément. D’emblée, elle identifie des situations dans lesquelles des fabricants recourent à la distribution sélective sans conditionner l’accès au réseau à la détention de point de vente physique. Elle relève ainsi que parmi les fournisseurs de produits cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique, l’un d’entre eux ne soumet pas la délivrance de son agrément Internet à la condition de détention d’un point de vente physique, ce qui est également le cas pour une partie des fabricants de produits électrodomestiques qui se réservent le droit d’agréer des pure players notamment pour ceux ne nécessitant pas de démonstration en magasin6.

6 Points 287 et 288 de l’Avis.

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A l’instar de toute restriction verticale, la conformité aux règles de la condition de détention ou d’exploitation d’un point de vente physique, et plus particulièrement, l’exemption par catégorie de telles clauses d’agrément, n’est pas acquise. Il en va de même de l’exemption individuelle de telles clauses. Cette dernière pourrait être remise en cause si la condition d’agrément entraîne des effets préjudiciables sensibles sur la concurrence et si elle n’est pas nécessaire au regard des caractéristiques du produit en cause7. 1.2 Observation de la CCIP La place des pure players est une question centrale dans la mesure où leur entrée dans les réseaux de distribution sélective emporte un risque de parasitisme. Les entreprises qui distribuent des produits et services exclusivement sur Internet sont susceptibles de profiter, sans en supporter les coûts, des services rendus par les distributeurs agréés commercialisant les produits dans des points de vente physiques. En d’autres termes, le client intéressé par un bien se rend en magasin pour le manipuler et bénéficier des conseils prodigués par un personnel qualifié avant de l’acheter à un prix moins élevé en ligne. De cette façon, le pure player fera l’économie des coûts structurels liés aux frais administratifs d’entrée sur le marché, aux frais de fonctionnement, ou encore, aux coûts de formation du personnel … On peut donc craindre que ce phénomène de parasitisme entraîne une profonde déstabilisation au sein des réseaux et freine, voire annihile, toute incitation à investir dans les points de vente physiques. C’est la raison pour laquelle la CCIP estime que les fabricants ont un intérêt légitime à protéger leur réseau de ce risque. Au cours de l’enquête, certains d’entre eux ont d’ailleurs déclaré que l’admission des pure players aurait pour effet de compromettre le modèle économique du secteur compte tenu des investissements réalisés par les membres du réseau sur leur point de vente physique8. Malgré ce risque, la lecture de l’avis laisse entendre que l’Autorité de la concurrence souhaite attribuer une place plus grande aux pure players en accordant une attention toute particulière aux restrictions découlant de l’obligation de détention d’un point de vente physique. Elle considère la clause d’agrément tenant à la détention d’un ou plusieurs points de vente physique comme une restriction de concurrence à chaque fois que la mise en œuvre pratique de cette clause rendra plus difficile, voire impossible, l’entrée des pure players dans le réseau de distribution sélective. Sont ici visés :

- les secteurs dans lesquels l’ouverture d’un magasin est soumise à autorisation administrative ;

- les secteurs dans lesquels il existe une rareté du foncier commercial ; - les secteurs dans lesquels on constate une saturation des zones de chalandise ; - le risque d’effets cumulatifs lorsque la plupart des réseaux présents conditionne l’agrément

à la détention d’un point de vente ou lorsque cette condition s’ajoute à l’exigence, pour le distributeur candidat, d’être déjà agréé par plusieurs autres marques concurrentes.9

7 Point 334 de l’Avis. 8 Point 284 de l’Avis. 9 Cf Avis 10-A-20, § 337 à 340.

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Ainsi, l’Autorité semble trouver une justification à sa politique favorable aux pure players dans les pratiques d’un certain nombre de réseaux qui ont une attitude ouverte à l’égard de ces opérateurs en ne soumettant pas leur agrément à la détention d’un ou plusieurs points de vente physique, donnant par conséquent accès à leur réseau sans restrictions. De ce constat, les entreprises craignent que l’Autorité tende à considérer la distribution sélective comme un « tout sans nuance ». La CCIP tient à pondérer cette vision. Selon les professionnels, le fait que certains réseaux de distribution autorisent l’accès, sans conditions, aux pure players, ne signifie pas pour autant que les autres ne sont pas légitimes à soumettre l’accès à la condition de détention d’un ou plusieurs points de vente physique. La CCIP invite ainsi l’Autorité à faire une distinction entre les réseaux dans lesquels la distribution appelle une démonstration de produits et ceux dans lesquels le produit commercialisé ne requiert pas une telle démonstration. On rappellera, à cet égard, que le Conseil de la concurrence a lui-même admis dans sa décision d’engagements concernant le matériel Hi-Fi Home cinéma de haute qualité, que l’acquisition en ligne d’un tel matériel nécessitait que le client présente une attestation préalable en vertu de laquelle il s’était préalablement rendu dans un magasin physique afin de bénéficier des conseils de professionnels du magasin concerné et avait pu tester l’installation10. La lecture de l’avis suscite l’inquiétude de la CCIP dans la mesure où il envisage, par différents biais, un plus grand accès des pure players aux réseaux de distribution sélective sans condition de détention d’un point de vente physique alors que les professionnels avaient pu considérer jusqu’à présent cette condition d’agrément comme le principal rempart contre le parasitisme.

2. Les investissements des pure players susceptibles de profiter à l’ensemble du réseau de distribution sélective

2.1 Avis de l’Autorité Sur la base du baromètre FEVAD- Médiamétrie/Net Ratings sur les comportements d’achats des internautes, publié en mai 2010, l’Autorité note que 53 % des internautes ont préparé leur achat sur Internet avant d’acheter en magasin. De ce constat, elle déduit que, plutôt que de de parasiter les réseaux, les pure players sont susceptibles de réaliser des investissements pouvant profiter à l’ensemble du réseau de distribution sélective11. 2.2 Observation de la CCIP Selon l’Autorité, les pure players inciteraient à l’achat dans les points de vente physiques. Par un renversement surprenant, elle semble accréditer l’idée que les clients obtiennent les conseils dont ils ont besoin auprès des pure players pour aller ensuite acheter les produits dans les points de ventes physiques. Ici encore, cette analyse mérite d’être nuancée. Il ne s’agit en aucun cas de contester le fait qu’un nombre important d’internautes préparent leurs achats sur Internet avant d’acquérir en magasin. Mais la CCIP estime qu’il est délicat d’en déduire de manière absolue, comme semble le suggérer 10 Décision 06-D-28 du 5 octobre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution sélective des matériels Hi-fi et Home cinéma. 11 Point 344 de l’Avis.

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l’Autorité, que ces internautes préparent leurs achats en visitant les sites des pure players. D’une manière générale, la plupart prennent leur décision d’achat après avoir visité les sites « institutionnels » des fabricants, voire ceux des grands distributeurs du type Fnac, Darty, Sephora, qui ne sont pas des pure players.

3. Les conditions d’agrément d’un distributeur sélectif pouvant entraver l’entrée ou le développement de la vente sur internet

3.1 Avis de l’Autorité Comme il a été observé précédemment, l’Autorité recense les secteurs dans lesquels les conditions d’agrément tenant à l’exploitation d’un point de vente physique sont susceptibles d’entraver l’entrée ou le développement de pure players. Tout d’abord, elle énonce une série de situations : les réglementations spécifiques, la rareté du foncier commercial, les contraintes logistiques propres, la saturation des zones de chalandise, qui sont susceptibles de rendre cette condition d’agrément restrictives de concurrence en ce qu’elles peuvent rendre l’ouverture, la détention ou l’exploitation d’un point de vente physique particulièrement longue ou incertaine12. Ensuite, elle relève que les conditions d’agrément exigeant la présence de marques concurrentes à celles du fabricant sur le site Internet, ont pour effet d’aligner les conditions de sélectivité des opérateurs d’un même secteur vers les plus strictes. Selon elle, la multiplication de telles conditions peut provoquer un effet cumulatif même lorsque ces dernières ne sont présentes que dans quelques contrats de distribution de fabricants d’un secteur d’activité donné13. 3.2 Observation de la CCIP L’analyse de ces deux points renforce l’inquiétude des professionnels quant à la politique que souhaite appliquer l’Autorité vis-à-vis des pure players dans la distribution sélective. Pour cette dernière, le principal obstacle à leur entrée dans ces réseaux réside dans la condition, pourtant admise par les lignes directrices de la Commission européenne, de la détention d’un ou de plusieurs points de vente physiques. S’il est indispensable de trouver un juste équilibre entre la distribution en dur et la distribution en ligne, la CCIP observe que l’énumération faite par l’Autorité revient, en pratique, à englober un nombre considérable de situations de distribution sélective, ce qui pourrait avoir pour effet de réduire sensiblement la liberté accordée aux têtes de réseau de conditionner ainsi l’accès aux pure players. Une telle approche pourrait, d’une part rendre purement formelle la liberté reconnue par les lignes directrices aux têtes de réseau d’exiger, comme condition d’agrément des pure players, la détention d’un ou plusieurs points de vente physiques et d’autre part, ouvrir la voie au parasitisme au sein des réseaux. En effet, si l’Autorité était amenée à appliquer au contentieux ou plus probablement dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure d’engagements, cette approche favorable à l’entrée des pure players dans les réseaux au motif qu’ils sont facteurs d’animation de la concurrence, ces derniers 12 Point 337 de l’Avis. 13 Point 340 de l’Avis.

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pourraient alors commercialiser en ligne des produits contractuels sans supporter les coûts de transaction auxquels sont soumis le reste des distributeurs de ces réseaux, pratiquer alors en toute liberté des prix bas et, en fin de compte, capter tout ou partie de leur clientèle.

4. Le paiement d’une redevance par les pure players 4.1 Avis de l’Autorité L’avis reprend la définition du parasitisme qui avait été dégagée par le Conseil de concurrence dans sa décision n°06-D-24 comme « le fait pour une entreprise de tirer bénéfice des actions ou des efforts engagés par une autre, sans en partager les coûts. Le consommateur peut notamment se rendre dans les points de vente physiques où le produit est mis en valeur, peut être testé et peut faire l’objet de démonstration ou de conseils. Ces services à la clientèle sont le fruit d’investissements du point de vente ou du réseau. Le consommateur peut ensuite être tenté, une fois son choix arrêté, d’aller sur Internet où il est susceptible d’acquérir le produit à un prix plus attractif puisque le vendeur sur Internet n’a pas à supporter les investissements des points de vente physiques. Si elle est favorable, dans un sens, au consommateur dès lors qu’elle facilite la concurrence par les prix, la vente sur Internet peut donc aussi être source de distorsions de concurrence entre vendeurs et, en étant susceptible d’entraîner indirectement la disparition ou la raréfaction de certains services, induire des effets moins positifs pour le consommateur »14. 4.2 Observation de la CCIP Consciente du risque de parasitisme que pourrait générer une plus grande souplesse à l’égard des pure players, l’Autorité envisage, au point 346 de son avis, la possibilité d’autoriser le fabricant à leur imposer le paiement d’une redevance fixe et proportionnée en lieu et place de la condition tenant à celle de la détention d’un point de vente physique, afin de soutenir les efforts de vente hors ligne des distributeurs brick&mortar, et ce, tel qu’envisagé par le § 52 d) des lignes directrices de la Commission. La CCIP s’interroge sur l’opportunité d’une telle approche. En envisageant le paiement d’une redevance, les autorités de concurrence reconnaissent la nécessité de compenser les effets du parasitisme et admettent alors ses effets néfastes. Aussi, la compensation financière du parasitisme appelle deux observations. En premier lieu, il convient de se demander dans quelle mesure une redevance est de nature à contrebalancer tous les effets du parasitisme : en effet, les entreprises craignent que l’accès au réseau d’un pure player sans obligation pour celui-ci de détenir un point de vente physique entraîne, en raison de la structure et des coûts propres aux pure players, une captation substantielle de la clientèle du réseau, qui ne pourra jamais être réellement compensée. En second lieu, dans une économie de marché il est inhabituel de rémunérer son concurrent pour lui permettre de vous concurrencer.

14 Point 342 de l’Avis.

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5. Les incidences du système de double prix

5.1 Avis de l’Autorité Il rappelle que les lignes directrices indiquent que la mise en place d’un « système de double prix » peut être justifiée lorsque « les ventes à réaliser en ligne entraînent pour [le fabricant] des coûts sensiblement plus importants que les autres formes de vente. Par exemple lorsque les ventes hors ligne incluent une installation à domicile par le distributeur, contrairement aux ventes en ligne, ces dernières peuvent occasionner davantage de plaintes et de demandes d'intervention en garantie des clients auprès du fabricant »15. 5.2 Observation de la CCIP Ici encore, les professionnels regrettent que la pratique du double prix ne soit pas envisagée comme une possibilité de limiter le parasitisme mais seulement pour pallier la situation dans laquelle le fabricant supporte des coûts supérieurs en cas de vente en ligne. Pour les autorités de concurrence, la pratique de prix différents suppose que la vente aux pure players génère des frais supérieurs pour le fournisseur. A défaut, tout prix dual serait considéré comme une restriction caractérisée, ce qui les dispensera d’avoir à démontrer les effets anticoncurrentiels de la pratique.

II - La restriction liée à l’interdiction faite aux distributeurs agréés de vendre des produits contractuels sur internet dans le cadre de la distribution sélective

1. La préservation du rôle de garde-fous des règlements d’exemption et des lignes directrices

1.1 Avis de l’Autorité L’Autorité de la concurrence réaffirme son attachement à la possibilité pour tout distributeur agréé de pouvoir, s’il le souhaite, revendre les produits sur Internet. En l’état actuel du droit, dès lors que le fournisseur intègre le distributeur dans son réseau, il ne peut pas lui interdire de recourir à internet pour distribuer ses produits, que ce soit de manière expresse ou indirecte. C’est ainsi que la Commission européenne considère dans ses lignes directrices que « l’utilisation par un distributeur d’un site Internet pour vendre des produits est considérée comme une forme de vente passive, car c’est un moyen raisonnable de permettre aux consommateurs d’atteindre le distributeur »16. En d’autres termes, lorsqu’un client visite le site internet d’un distributeur et prend contact avec ce dernier pour décider d’une livraison, il s’agit d’une vente passive.

Les nouvelles lignes directrices de la Commission européenne adoptées en 2010 admettent que le fabricant puisse imposer aux distributeurs le respect de certaines normes de qualité et de promotion des produits sur leurs sites internet, comme il le ferait pour les magasins et points de 15 Point 259 de l’Avis. 16 Point 52 ancien point 51.

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vente physiques. Elles précisent également que le fabricant peut décider de ne vendre ses produits qu’à des distributeurs qui disposent d’un point de vente physique, afin que les consommateurs puissent se rendre sur place pour tester les produits.

Dans plusieurs décisions, l’Autorité de la concurrence a suivi la position de la Commission européenne et considéré que l’interdiction faite par le fabricant à ses distributeurs agréés, de vendre ses produits sur Internet, est contraire au droit de la concurrence, et plus précisément aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce17.

Dans un arrêt récent du 13 octobre 2011, relatif à l’affaire Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, la Cour de justice de l’Union européenne confirme l’interdiction des clauses d’interdiction absolue par les fournisseurs de vente de leurs produits sur internet par leurs distributeurs agréés18. 1.2 Observation de la CCIP Si là encore l’objectif poursuivi peut, de prime abord, être louable, les entreprises estiment qu’il a pour effet de priver le fournisseur - la tête de réseau - de la prérogative essentielle de pouvoir organiser la distribution en son sein comme il le souhaite. S’il est naturel que les autorités de concurrence soient particulièrement attentives face à une interdiction systématique et absolue de revente des produits contractuels sur Internet, les moyens employés par ces dernières semblent disproportionnés et manquer de souplesse. Elles ne laissent aucune possibilité aux entreprises pour valider leur réseau dès lors qu’elles considèrent que l’interdiction de la revente sur Internet est une restriction par objet empêchant l’exemption par catégorie de l’accord. Cette approche renvoie à une très hypothétique possibilité pour les entreprises d’obtenir une exemption individuelle sur la base de l’article 101, §3, TFUE, qui, en pratique, s’avère quasiment impossible à obtenir. En outre, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence n’offre aucune chance pour les professionnels de présenter des justifications objectives à cette interdiction. Pourtant, il existe de nombreux cas dans lesquels il paraît légitime que la tête de réseau impose un contact physique entre le produit et le consommateur, par exemple pour les produits de haute technicité tels que la Hifi ou encore les Home cinéma de très haute gamme comme cela a été évoqué précédemment. Pour ces raisons, les entreprises contestent le recours systématique par les autorités de concurrence à la facilité procédurale consistant à voir dans l’interdiction faite aux distributeurs agrées de commercialiser les produits contractuels sur Internet, une restriction caractérisée ou plutôt une restriction par objet dispensant ces autorités d’apporter la preuve, au cas par cas, des effets anticoncurrentiels de la pratique. Cette approche conduit, concrètement, à la condamnation systématique de celle-ci et à l’absence de l’exemption. La CCIP plaide pour la préservation du rôle de garde-fous des règlements d’exemption. Ainsi, les autorités de concurrence doivent procéder à une analyse générale du contexte dans lequel s’inscrit

17 Décision n°8-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques. 18 CJUE, 13 oct. 2011, n° C-439/09, Pierre Fabre Dermo-Cosmétiques SAS c/Président de l’Autorité de la concurrence.

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la restriction avant même de procéder à une analyse approfondie19. Elle estime aussi que les lignes directrices ont une vocation bien définie qui consiste à recenser les solutions couramment dégagées par les autorités de concurrence après en avoir approfondi les incidences juridiques. Ainsi, seules les pratiques systématiquement qualifiées d’entraves manifestes à la concurrence devraient figurer dans les lignes directrices au titre des restrictions caractérisées20.

2. L’introduction d’une plus grande souplesse dans la notion de justification objective 2.1 Avis de l’Autorité L’Autorité rappelle que l’interdiction de recourir à internet demeure possible si elle est objectivement justifiée. C’est ainsi que le point 60 des lignes directrices précise que des « restrictions caractérisées peuvent, dans des cas exceptionnels, être objectivement nécessaires à l’existence d’un accord. Pour l’heure, de telles justifications sont au nombre de quatre et concernent :

- des raisons de sécurité ou de santé publique ; - la création d’une nouvelle marque ou d’un nouveau marché nécessitant des

investissements importants ; - le cas de test d’un nouveau produit ou de son introduction échelonnée sur un territoire

limité ou à une clientèle limitée ; - le double prix consistant à pratiquer un prix plus élevé pour les produits destinés à être

vendus par internet dans l’hypothèse où cela entrainerait des couts sensiblement plus importants que les autres formes de vente.

2.2 Proposition de la CCIP La CCIP demande le renforcement de la notion de justification objective. Compte tenu de la jurisprudence des autorités de concurrence qui laisse, à ce jour trop peu de marge de manœuvre aux entreprises, celles-ci attendent une plus grande souplesse de leur part quant à la prise en compte des justifications objectives au regard des interdictions de la vente par Internet.

3. La différenciation des conditions tarifaires 3.1 Avis de l’Autorité Selon l’Autorité, les tarifs pratiqués par les fabricants présentent des différences notables selon qu’ils concernent les pure players ou qu’ils sont proposés aux distributeurs traditionnels. Les différences de traitement observées sont liées aux remises et réductions accordées dans le cadre des conditions générales de vente catégorielles, rémunération pour services commerciaux, et au pouvoir de négociation de certains grands distributeurs pouvant obtenir des conditions plus avantageuses. 19 En ce sens, Catherine Prieto, « Restriction de concurrence et interdiction de vendre sur internet : Pierre Fabre ou les opportunités manquées, Revue des contrats, 01 janvier 2012 n°1, p. 111. 20 En ce sens, Juliette Vanard, « Les acteurs de la distribution en ligne, Distribution et internet, bilan et perspectives, revue Concurrences n°4-2010.

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L’Autorité attire toutefois l’attention des entreprises sur le fait que de telles pratiques pourraient avoir un caractère discriminatoire si les réductions de prix ou conditions de livraisons accordées à certains distributeurs résultaient d’un abus de position dominante ou d’ententes anticoncurrentielles. 3.2 Observation de la CCIP La CCIP estime qu’il est indispensable d’autoriser les différenciations tarifaires. Le point 52 des lignes directrices sur les restrictions verticales perçoit comme une restriction caractérisée le fait de « convenir que le distributeur paie un prix plus élevé pour des produits destinés à être revendus par Internet que pour des produits destinés à être revendus autrement »21. Une telle vision est trop rigide et pénalise les magasins en dur. En effet, les services rendus par les points de vente physiques et les magasins en ligne ne sont pas de même nature et peuvent justifier l’octroi de remises spécifiques au titre de la valorisation des produits dans les linéaires, des conseils prodigués en magasin, de la disponibilité immédiate des produits pour les consommateurs… La CCIP observe que cette différenciation n’est pas une discrimination pouvant être qualifiée de restriction caractérisée mais plutôt la rétribution d’un service rendu par le distributeur. En outre, elle correspond aux pratiques classiques résultant de la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs « dès lors qu’elle est objectivement justifiée par une différence de services rendus par les deux canaux de distribution »22.

4. L’établissement par le fournisseur d’une proportion de ventes physiques 4.1 Avis de l’Autorité Les lignes directrices interdisent au fournisseur la possibilité d’imposer à son ou ses distributeurs une proportion de ventes physiques. 4.2 Observation de la CCIP La CCIP estime que la simple condition tenant à la réalisation d’un chiffre d’affaires minimal par magasin physique n’est pas suffisante pour empêcher un pure player de parasiter le réseau. Cette condition n’évite pas le risque de « magasin alibi ». Il demeure loisible au pure player de casser les prix en ligne dans la mesure où, comme cela a déjà été largement souligné, il ne supporte pas les mêmes charges que les distributeurs classiques, les coûts de distribution sur internet étant souvent beaucoup plus faibles. Aussi, il est indispensable d’admettre que le fournisseur puisse en outre fixer une proportion de ventes devant être réalisées dans les magasins physiques. Cette obligation, considérée comme une restriction caractérisée par les autorités de concurrence, doit au contraire relever du libre choix de la politique commerciale de la tête de réseau.

21 Lignes directrices sur les restrictions verticales 2010C/130/01 du 19 mai 2010. 22 En ce sens, Joseph Vogel, « Le régime juridique des restrictions à la distribution par internet », Revue concurrences, n°1-2001.

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