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Vers un commerce vertueux et responsable, une illusion? Présenté par : ARRHIOUI Sara GRILLI Déborah QUERBEL Françiane M1 SETE 201 2010/2011

Vers un commerce vertueux et responsable, une illusion? · établirons les principes du commerce équitable et ... magasins sont un mélange de points de vente et lieux d'information

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Vers un commerce vertueux et

responsable, une illusion?

Présenté par :

ARRHIOUI Sara

GRILLI Déborah

QUERBEL Françiane

M1 SETE 201

2010/2011

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Introduction

" Les prix économiques appropriés devraient être fixés, non pas au seuil le plus bas, mais à un niveau

suffisant pour assurer aux producteurs une alimentation et des conditions de vie décentes… dans l’intérêt de

tous les producteurs, le prix des matières premières ne devraient pas être abaissé au-dessous de ce niveau et

les consommateurs sont en droit de l’exiger" John Maynard Keynes, 1946 (Keynes 1980)

Lors de la Conférence de Bretton Woods, en 1944, l’économiste John Maynard Keynes interpella les dirigeants

et demanda une réponse institutionnelle à la problématique des matières premières afin de parvenir au

partage équitable de la prospérité de ces dernières. Cependant, alors que la mondialisation transforme le

commerce international, le marché dépend toujours de l’exportation des matières premières. Et nombre de

matières premières proviennent de PMA (pays moins avancés) ou PED (pays en voies de développement).

Toutefois, le mythe d’une économie dans laquelle nul ne pourrait exercer une quelconque domination, a perdu

sa crédibilité. Et c’est dans cette optique que de nouveaux concepts tels que le commerce équitable ou le

commerce éthique apparaissent. Car "Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et

satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine."

(Déclaration universelle des droits de l'Homme, 1948). Sauf que 1,3 milliards de personnes vivent en-dessous du

seuil de pauvreté, et 20% d'individus les plus pauvres se partagent 1,1% du revenu mondial.

(Rapport Mondial sur le Développement Humain 1999, PNUD.

L’essor du commerce éthique et du commerce équitable ne dépend pas d'une simple démarche de morale ou

de générosité. Il résulte de la mise en œuvre de principes généraux de solidarité, de droits et d'obligations, de

reconnaissance des savoirs réciproques, de démocratie participative. Il reconsidère les modes de production,

de distribution et de consommation et requiert que pour être bien perçu par les consommateurs, il faille qu’un

certain nombre de conditions soient réunies.

Le commerce équitable est "un système d'échange visant à assurer des revenus décents aux paysans des pays

en développement (PED) par des relations de solidarité directe avec les consommateurs du Nord. Il consiste en

une action collective d'organisation de nouveaux chemins de production et de distribution pour le marché

international, basés sur des normes sociales, économiques et environnementales propres 1, ne nécessitant pas

l'intermédiaire des États et la modification des législations nationales". (Définition Wikipédia)

Alors que le commerce éthique pour sa part cherche à favoriser et à développer de bonnes conditions de

travail chez les producteurs. Le terme "éthique" renvoie à une certaine idée du "bien". Il tache d’apporter des

améliorations sociales et environnementales dans le commerce international existant (a contrario du

commerce équitable qui lui est un commerce parallèle), par le biais par exemple de codes de conduite au sein

des entreprises.

Dans ces conditions l’on pourrait se demander si l’hypothèse d’un commerce vertueux/responsable est une

illusion?

Afin de répondre à cette problématique, notre étude se scindera en trois parties. Dans un premier temps nous

établirons les principes du commerce équitable et analyserons l'éthique comme moteur préalable au

commerce équitable. Puis en second lieu nous exposerons les contradictions d’un commerce éthico-équitable ;

qui permettent aujourd’hui d’énoncer l’existence d’une réalité naïve dans le domaine des commerces dits

"alternatifs". Et pour terminer nous essayerons de définir les bases d’un commerce "responsable" par une

labellisation dite "utopique" afin d’y intégrer autant le commerce éthique qu’équitable.

3

Sommaire

Introduction………………………………………………………………………………………………………………………….2

I. L'éthique, un moteur préalable au commerce équitable …………………………………………..4

A. Du commerce d’hier au commerce "équitable" d’aujourd’hui …………………………………4

B. L’éthique comme garde-fous du commerce équitable : lois, codes et morale…………..6 II. Le commerce « éthico-équitable : une réalité naïve ………………………………………………….9

A. Des normes « équitables » au commerce qui diffèrent des normes éthiques…………….9 B. Le leurre « commerce équitable et juste » ………………………………………………………………11

III. Vers un commerce responsable : une labellisation utopique ………………………………….13

A. Un circuit de distribution organisé ………………………………………………………………13

B. Un circuit de distribution intégré dans le temps ………………………………………….14

C. Un circuit de distribution intégré dans l’espace …………………………………………..15

Conclusion………………………………………………………………..…………………………………………………………16

Bibliographie……………………………………………………………………………………………………………………….17

4

I. L'éthique, un moteur préalable au commerce équitable

A. Du commerce d’hier au commerce "équitable" d’aujourd’hui :

Le mot "consommer", de sa racine latine, consummare, signifie" faire le total, la somme de". Descendant du

mot consumer qui lui évoque : anéantir, détruire est remplacé au XVIème

siècle par consommer. Et selon

Charles Baudelaire, le "commerce est satanique, parce qu’il est une des formes de l’égoïsme, la plus basse,

et la plus vile" 1

Cependant le commerce est défini comme suit :

Activité consistant dans l'achat, la vente, l'échange de marchandises, de denrées, de valeurs, dans la vente

de services ; métier de celui qui achète des objets pour les revendre2

Le commerce est l'activité tournée autour de la circulation des marchandises, dont il est la plaque tournante.

C'est l'ensemble des transactions passées d'individus à individus, eux-mêmes représentant en nom propre ou

de firmes, par l'appréciation de leur valeur d'échange et la réalisation de celle-ci. Le commerce se définit

selon deux points de vue différents. On le définit selon le point de vue légal puisque c'est un acte public, et

selon le point de vue économique3

C’est donc le terme d’échange qui est important dans le concept, présent dans les deux définitions, il pose

les bases d’un commerce qui se veut aujourd’hui mondial. L’expansion du commerce international de

produits alimentaires et industriels date de plusieurs siècles, mais ses effets sociaux et environnementaux

restent mal connus par ceux et celles qui y participent comme producteurs ou comme consommateurs.

L'essor de ce dernier ces dernières décennies est une conséquence de la réduction générale des mesures

protectionnistes sur les échanges de marchandises, du développement de la région du sud-est asiatiques ou

encore de la démocratisation d’internet, etc. Au sein du domaine agricole ce commerce a permis aux

populations, principalement de l’hémisphère Nord, de consommer des produits qu’ils ne produisaient pas

sous leurs climats tempérés (café, cacao, bananes, mangues et autres fruits exotiques…). Une autre raison

possible à l’expansion du commerce international étant l’éventualité de produire meilleur marché dans les

pays où la main d’œuvre est beaucoup moins bien rémunérée. Initié en grande partie par rapport au

contexte colonial, le commerce mondial a connu une croissance lente jusqu’au années 1970, puis beaucoup

plus rapide, en raison des cycles de libéralisation dans le cadre du GATT puis de l’Organisation Mondiale du

Commerce (OMC).

Ayant pris acte des déséquilibres de ce commerce globalisé, le commerce équitable va donc offrir aux

producteurs et aux consommateurs, "un autre moyen, une autre manière" de faire du commerce afin de

remédier à la position de faiblesse en terme de pouvoir de négociation sur les marchés mondiaux, des

producteurs de matières premières.

Le commerce équitable va donc constituer un marché parallèle où les prix sont supérieurs aux cours du

marché afin d’offrir aux producteurs les plus pauvres des pays du Sud la possibilité de vendre leurs produits

à un prix dit équitable. Ce prix doit permettre aux producteurs, rassemblés en coopératives, de subvenir à

leurs besoins les plus élémentaires mais également de développer leurs activités, de financer la

construction d’infrastructures et de préserver l’environnement.

1 Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu journal intime (1887)

2 Définition Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/commerce

3 Cette définition Provient du dictionnaire de Dictionnaire comptable :

http://www.becompta.be/modules/dictionnaire/

5

Figure 1 Répartition des coûts: comparaison entre le commerce traditionnel et le système labellisé Max Havelaar

Les prémices du commerce équitable apparaissent vers le milieu du XX° siècle, d'abord aux Etats-Unis par le

biais du Comité Central Mennonite (CCM) qui vend des broderies venant de Porto Rico ou fabriqués par des

réfugiés Palestiniens ou encore des sculptures en bois Haïtiennes. Le CMM lance alors la première

organisation de commerce équitable connue aujourd'hui sous le nom de Ten Thousand Villages

C’est lors de la première Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement de 1964,

que les pays du Sud insistent sur la nécessité d'échanges plus justes et leur slogan sera, "Trade not aid"

"Du commerce, pas de l'assistance". Simultanément, un "Magasin du Monde" s'ouvre au Pays-Bas, Ces

magasins sont un mélange de points de vente et lieux d'information sur les conditions locales des

producteurs et sur les méfaits du commerce international. Le mouvement prend de l’ampleur alors en

Allemagne, GB, USA, et en Suisse.

Le commerce équitable, né à l'initiative d'organisations non gouvernementales en Angleterre et aux Pays

Bas a pour principe d'aider des coopératives d'artisans dans les pays du sud à se développer de manière

durable.

Au début ayant pour but la commercialisation de produits artisanaux des pays du tiers monde, le commerce

équitable fut un succès, mais le véritable démarrage du commerce équitable est arrivé avec le "café indio"

importé directement par une coopérative du Guatemala. Le commerce équitable peut être donc considéré

comme une façon de faire du commerce social pour aider au développement durable. La logique du profit à

tout prix est bannie. Ce concept étant un moyen d'équilibrer les échanges entre les pays du Nord et ceux du

Sud. Les producteurs retrouvent ainsi leur place sur le marché des échanges mondiaux.

Le commerce équitable peut être considéré comme inséparable d’une prise de conscience du

consommateur sur les coûts sociaux et environnementaux de production. L’achat équitable est avant tout

un acte citoyen. « Nombre de consommateurs des pays occidentaux sont conscients que la richesse

mondiale est distribuée de façon très inégale, et que les produits qui leur sont offerts sont beaucoup trop

bon marché pour donner aux producteurs des pays en développement la garantie d’une vie décente » (Max

6

Havelaar/Transfair). Éclairé sur les conditions de production et sur la façon dont sont rémunérés les

multiples acteurs de la filière, le citoyen, l’acheteur devient alors un consom’acteur.

Figure 2 Description conventionnelle de la filière du commerce équitable4

Le schéma ci-dessus diffère du commerce traditionnel car il démontre la relation directe entre les

groupements de producteurs du Sud et les importateurs et certificateurs du Nord sans la présence des

intermédiaires classique et prend en compte les consommateurs dans l’équation. "Car c’est sur son acte

d’achat et sa confiance en la réalité de la qualité immatérielle de l’équité du produit que repose tout le

réseau 4".

B. L’éthique comme garde-fous du commerce équitable : lois, codes et morale

Pour appréhender l’éthique, un rappel étymologique s’impose. Aristote a introduit le terme "êthike thêoria"

qui désigne cette portion de la Philosophie qui étudie la conduite de l’homme ainsi que les critères de base

d’évaluation des choix. Autrement dit, il s’agit donc de fournir des indications sur les critères et les valeurs

qui doivent être respectés dans l’action.

L'éthique économique et sociale, elle a pour objet les relations entre valeurs morales et l'organisation de la société. Selon Bartels

5, si on parle davantage de problèmes éthiques liés aux pratiques commerciales aujourd’hui

plus qu’hier, ceci n’est pas tant dû à l’accroissement des problèmes éthiques qu’à l’accroissement de la

sensibilité éthique.

Et la définition suivante6 : " une pratique commerciale est inacceptable lorsque la firme empêche

sciemment le consommateur ou l’acheteur de délibérer dans de bonnes conditions et d’apprécier les

conséquences de ses choix " pose les bases du problème "éthique". Car aujourd’hui, dans les supermarchés

et autres commerces destinés à la vente, les clients sont souvent dans l’incapacité de définir l’origine du

produit qu’ils souhaitent acquérir.

4 Économie solidaire et commerce équitable : Acteurs et actrices d'Europe et d'Amérique latine, Presses

universitaires de Louvain • Hors collection (Presses universitaires de Louvain) 5 Cité dans l’ouvrage de Richard Ladwein, Le Comportement du Consommateur et de l’Acheteur, Economica,

1999, p 16-20. 6 Richard Ladwein, Le Comportement du Consommateur et de l’Acheteur, Economica, 1999, p 16-20

7

Le commerce équitable devrait donc amorcer le début d’un commerce suivi, offrant une transparence entre

toutes les parties (producteurs, distributeurs, consommateurs…). Etant donné que ce type de commerce

intègre en théorie la notion d’éthique dans ses pratiques.

Car dans le commerce équitable, la législation (non officielle, car aucun accord internationale n’a été défini)

prévoit de respecter un certains nombres de normes qui permettent de le différencier du commerce

traditionnel.

Toutefois, même si le commerce équitable intègre un contexte économique mondial propice à l’émergence

de pratiques commerciales éthiques, l’absence de lois ou règles internationales est un vrai problème. Car

on peut à cet égard souligner un paradoxe ; ces nouvelles pratiques établissent de fait un nouveau marché,

celui des normes éthiques privées innombrables et de leur propre contrôle. Mais l’apparition de ces normes

éthiques privées répond à la double demande des consommateurs d’un côté (qui peuvent témoigner dans

leurs achats de la diversité de leurs engagements éthiques) et des entreprises de l’autre (qui peuvent

choisir les normes correspondant à la « philosophie » de leur organisation… ou à l’amélioration de leur

image auprès des consommateurs).

Il y a cependant quelques normes communes que tous essayent de respecter afin d’afficher le label

"commerce équitable" (FairTrade). En premier lieu, celles de la WFTO (World Fair Trade Organization).

La World Fair Trade Organization, étant l’organe de représentation globale de plus de 400 organisations.

Elle opère dans 73 pays sur les 5 régions: Afrique, Asie, Europe, Amérique latine et l'Amérique du Nord et

dans le Pacifique, avec les élus des conseils régionaux et mondiaux, pour créer l'accès au marché grâce à la

politique, le plaidoyer, les campagnes, la commercialisation et le suivi. Elle définit le commerce équitable en

10 normes que les organisations du commerce équitable doivent mettre en œuvre quotidiennement dans

leur travail et procède à un contrôle permanent pour s'assurer que ces normes sont respectées de tous.

Créer des Opportunités pour les Producteurs qui sont économiquement en situation de désavantage.

Promouvoir la Transparence et la Crédibilité.

Extension de Compétences.

Promouvoir le Commerce Equitable.

Assurer le Paiement d'un Prix Juste.

Favoriser l’égalité des Sexes.

Améliorer les Conditions de Travail.

Interdire le Travail des Enfants.

Respecter et protéger l'Environnement.

Améliorer et favoriser les Relations Commerciales.

Ces normes sont en grande partie un héritage des normes éthique SA 8000 et ISO 14001. Celles-ci sont des

normes sociales conçues sur le modèle des normes ISO de l’organisation internationale du travail (OIT) et de

la déclaration des droits de l’homme. Elles sont fondées sur un système de certification et d’accréditation.

Et reflètent souvent une image aux codes de bonne conduite appliqués selon des principes éthiques dans le

domaine de l’environnement (gestion des déchets, pollution…), ou encore sur les conditions de travail des

salariés, etc.

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Figure 3 Répartition des normes ISO 8000 (gauche) et ISO 14001 (droite) dans le monde

Ces pratiques offrant une labellisation relèvent souvent d’initiatives individuelles des entreprises, qui

définissent elles-mêmes le contenu de la garantie offerte au consommateur, par des chartes éthiques,

énonçant quelques principes d’action, ou des codes de conduite, plus détaillés, formalisant l’éthique de la

firme, et faisant l’objet d’audits internes ou externes. Ces documents encadrent généralement les relations

de l’entreprise avec l’ensemble des parties prenantes : salariés, sous-traitants, actionnaires, distributeurs,

producteurs…

Cependant on distingue également des pratiques collectives sous forme de codes volontaires, provenant de

fédérations patronales ou d’organismes rassemblant entreprises, ONG et parfois certains gouvernements,

désireux de soumettre un standard international au niveau d’un secteur (Forest Stewardship Council dans le

bois, Responsible Caredans la chimie, Fair Labor Association dans le textile-habillement) ou de l’ensemble

de l’économie (Council on Economic Priorities Accreditation Agency – CEPAA-d’origine américaine instituant

la norme sociale SA 8000 ;Ethical Trading Initiative d’origine britannique…).

En définitive, les codes éthiques constituent souvent une vulgarisation des lois existantes. Cependant dans

le domaine du commerce équitable il faut dépasser le niveau purement juridique afin de découvrir, en

toute liberté de pensée et de recherche, les principes éthiques qui souhaitent être mis en place dans le

concept commerce équitable. Car aujourd’hui l’éthique pratique (commerce éthique) est encore sous

développé dans beaucoup de régions où le commerce équitable fait foi. C’est ce que nous verrons dans la

seconde partie du dossier. Puisque comme vu dans l’introduction, le commerce éthique et le commerce

équitable sont des notions sœurs, mais peu associées. Et pourtant, actuellement, le commerce éthique

correspond pour certains auteurs anglophones (par exemple, Blowfield et Jones, 1999 ; Browne et al, 2000)

à un concept plus large qui permet d'intégrer, outre le commerce équitable, d'autres consommations de

type éthique comme les produits de l'agriculture biologique, de l'agriculture raisonnée et les modes de

production plus respectueux de l'environnement ou des codes sociaux.

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II.Le commerce « éthico-équitable : une réalité naïve

A. Des normes « équitables » au commerce qui diffèrent des normes « éthiques »

La première chose qu’il convient de savoir, est que le commerce équitable peut être considéré comme du

commerce éthique ce qui n’est malheureusement pas le cas dans le sens contraire. Le commerce équitable se

doit en effet de respecter un certain nombre de règles supposées plus strictes que celles du commerce éthique.

Ce sont donc ces dernières, pouvant être similaires ou dissociées à chacun des deux types de commerce, qui font

leur spécificité et permettent, du moins théoriquement leur complémentarité.

Commerce éthique et commerce équitable : Quelles similarités ? Quelles différences ?

Commerce éthique et équitable sont souvent considérés comme synonymes, mais ce n’est pas tout à fait

exact. Pour commencer la notion de commerce équitable7 trouve ses origines dans les années 1950. Le

mécanisme équitable garantit au producteur un tarif de vente minimal, à un prix de vente plus élevé

accepté par le consommateur. Comme expliqué précédemment le commerce éthique est une idéologie

commerciale dont toute la chaîne de production est respectueuse dans son travail et ses méthodes de

production. En théorie, elle est respectueuse des employés et de l'environnement, tant socio-économique

que naturel. La notion est donc aussi applicable aux productions des pays industrialisés, où le commerce

devient responsable, lorsqu'il est fait par des artisans respectueux de leur environnement, et de la qualité

de leurs produits. Donc le commerce éthique à travers le respect de codes de conduite, et de nombreux

labels va garantir que les produits commercialisés aient bien été produits par des travailleurs, dont les

conditions de travail et de salaires ont respecté certains caractères éthiques, telles que les normes

fondamentales du travail. Enfin Le commerce éthique contrairement au commerce équitable, concerne

principalement des modes opératoires des entreprises présents dans le pays. Il vise à favoriser et à

développer de bonnes conditions de travail chez les producteurs.

7 Ou «fair trade » en anglais

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Quant au commerce équitable, forme plus récente et se proliférant parallèlement au commerce international

semble, dans un premier temps inclure ces mêmes normes, en y ajoutant d’autres d'une portée plus large. En

effet il concerne les rapports commerciaux Nord-Sud ou, plus généralement, s’applique à toute opération

commerciale renforçant la position économique des petits producteurs et propriétaires afin de leur assurer une

position stable dans l'économie mondiale. Le commerce équitable justifie son existence en citant l'article

23 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme : « Quiconque travaille a droit à une

rémunération équitable lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité

humaine. » Au delà de l'acte d'achat, le commerce équitable permet de sensibiliser les

consommateurs aux difficultés auxquelles sont confrontés les producteurs du sud. Aujourd’hui ce sont

les produits agricoles et alimentaires transformés qui représentent la grande majorité des ventes.

Une complémentarité possible ?

Plus généralement, le commerce équitable peut être considéré comme un commerce éthique, ou du moins en

faisant partie. De par leurs différences de normes et de dimensions, plus élargies du côté du commerce

équitable, les deux idéologies sont susceptibles de se compléter en vue du développement d’un type de

commerce nouveau, respectueux des dimensions économique, sociale, et environnementale. La collaboration

de ces derniers ne relève pas d'une simple démarche de générosité ou de morale. Il est l'expression de la mise

en œuvre de principes généraux de solidarité, de droits et d'obligations, de reconnaissance des savoirs

réciproques, de démocratie participative. Elle remet en cause les modes de production, de distribution et de

consommation traditionnels. De plus grâce à sa compatibilité avec le phénomène de développement durable,

de plus en plus encrée dans l’économie mondiale, lui permettrait d’être bien perçue par les consommateurs et

d’obtenir leur confiance. Néanmoins, pour atteindre ce stade, la complémentarité des deux types de

commerces suppose que chacun palie les faiblesses de l’autre. Or, io semble que ce ne soit pas le cas.

B. Le leurre « commerce équitable et juste » :

Les limites au concept de commerce équitable :

Bien que ses fondements tournent autour du respect du petit producteur en lui garantissant un salaire ou des

rentes convenables, il semble que le commerce équitable fait face à diverses critiques se nourrissant des

nombreuses « défaillances » que le commerce équitable semble aujourd’hui nous montrer. En effet nous

avons vu que d’un point de vue strictement théorique, le commerce équitable favorise le développement

économique et humain.

Or, il semble que dans la pratique, le commerce équitable peut au contraire s’avérer nocif pour les pays du Sud et provoquer des effets pervers. Désormais , l’on se pose les questions suivantes :

- Le commerce ne cesse t-il pas d'être équitable à partir du moment où des contrôles (droits de douane...) sont mis en place ?

- Ces barrières ont toujours pour effet une augmentation des prix de vente et/ou une baisse des prix achats aux producteurs… ?

- Ce type de commerce, est il réellement libre ?

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Les critiques qui lui sont aujourd’hui adressées sont les suivantes:

Limites du commerce équitable Dimensions menacées: Economique, politique, sociale, ou environnementale

Un commerce pas si équitable en pratique :

Bien que ses arguments tournent autour du respect du travailleur en garantissant des salaires convenables, les petits producteurs peinent à récupérer une part décente de la valeur ajoutée de leurs produits. Les secteurs de la transformation accaparent une grande partie des bénéfices. En ce qui concerne la production française, le commerce équitable contribuerait à réduire la part de l'agriculture vivrière au profit des cultures d'exportation.

Manque de diversité des produits et des pays exportateurs :

Il y a un fort manque de diversité dans les produits du commerce équitable : difficulté d'intégrer la sphère industrielle, ou les biens de haute ou de moyenne technologie. En effet, 60 % des produits sont alimentaires, et le reste concerne l'artisanat et le vestimentaire, et plus récemment la décoration. Limité a certaines matières premières à faible valeur ajoutée, des produits de base, et semble cantonner la production de certains pays sur certains produits spécifiques. De plus, il ne concerne pas tous les pays du monde, les échanges nord/nord ainsi que sud/sud ont été mis à l’écart.

Un prix de vente trop élevé :

Le prix est un obstacle au développement du commerce équitable, en effet l’augmentation du prix se lève à un minimum de 10% plus cher que la moyenne. Même si la population se dit "prête à consommer équitable pour un prix plus élevé, il y a une contradiction entre les études et la réalité : le prix reste le premier critère d'achat

Une concurrence grandissante :

les cas où l’offre est surabondante, le commerce équitable est victime de son succès : il procure un tel mieux-être économique à ses bénéficiaires qu’il crée ou intensifie des processus concurrentiels entre les organisations paysannes. À l’inverse, lorsque la demande se fait pressante et l’offre encore relativement rare, la certification des organisations de producteurs se réalise dans l’urgence, ce qui, à terme, engendre des tensions sur le terrain, les uns s’estimant plus « méritants » que les autres pour obtenir la certification.

Appauvrissement de la biodiversité :

Le commerce équitable souffre également d’un manque de réflexion sur le transport des marchandises. Tout se passe comme si le commerce équitable était « équitable » au niveau de la production, éventuellement de la transformation, et pour la sphère de la spécialisation, au niveau de la distribution, soit, en fin de compte, sur une partie des filières. Aujourd’hui, la plupart des produits issus du commerce équitable international circulent par bateau, les plus fragiles étant transportés par avion. Tandis que les transporteurs naviguent souvent sous pavillon de complaisance, ce qui pose des questions sociales et éthiques certaines, les coûts écologiques engendrés par

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l’utilisation de l’avion ne sont pas négligeables. Les acteurs défendent le maintien de leur activité internationale en arguant de l’impossibilité, à l’heure actuelle, de faire appel à d’autres moyens de locomotion. Ces derniers entraîneraient des coûts économiques ou des délais de livraison prohibitifs. Pour eux, la priorité se situe au niveau des besoins économiques et sociaux des producteurs du Sud.

Le travail des enfants

Dans certains cas (voir partie suivantes.)le travail des enfants peut être toléré (alors que ceci est contraire à leur charte) lorsqu'ils sont les seuls moyens de revenus de leurs parents.

Des caractères « éthiques », insuffisants face aux défaillances du commerce équitable :

Même le but final louable qui est dans notre cas, celui de l’équité entre le nord et le sud, ne doit pas faire

perdre de vue que tout n’est pas permis et qu’entant que partie prenante dans l’économie mondiale nous

avons des devoirs envers les producteurs et les consommateurs. Les acteurs du commerce équitable doivent

constamment réfléchir à leurs actes en se demandant si les moyens utilisés pour parvenir à leurs fins sont

fondamentalement éthiques. Afin de mettre en évidence les faiblesses éthiques dont souffre aujourd’hui le

commerce équitable, il faut confronter la définition des deux types de commerce.

Penser que les acteurs du commerce équitable seraient les défenseurs d’une éthique professionnelle serait

naïf. En effet, la réalité est toute autre.

La principale difficulté vient de la diversité de ses acteurs et de leur refus du dialogue. En effet, ils ne

parviennent pas à se mettre d’accord sur le fond en adhérant à un seul et unique cahier des charges du

commerce équitable. Certains sont pour une norme moins exigeante et donc moins chère alors que d’autres

privilégient des critères plus exigeants.

C’est notamment ce qui empêche les organismes concernés de mettre au point un label officiel, accepté par

tous les acteurs et par les institutions. Label qui est indispensable pour offrir une réelle visibilité et une

transparence aux consommateurs et par conséquent, une réelle crédibilité pour le commerce équitable.

Aujourd’hui, deux principaux labels non officiels coexistent : « Max Havelaar » et « Bio équitable ».

Or le label Max Havelaar tend à perdre de sa notoriété publique en devenant une marque. Si FLO8 soutient les

associations Max Havelaar, il n’empêche que les critères qu’elle utilise pour attribuer ses labels n’ont pas été

soumis à un tiers, les pouvoirs publics dans la plupart des cas. Quant à « Bio Equitable » délivré par l’organisme

certificateur ECOCERT, le cahier des charges diffère mais reste toujours non officiel.

En somme, la fracture entre acteur existe belle et bien. Par le passé, l’Afnor (Association française de

normalisation) avait été mandatée pour mettre au point une norme du commerce équitable acceptée par tous.

Seconde déficience, le manque de transparence des acteurs du commerce équitable. En effet, il peut prendre

plusieurs formes. Premièrement, un produit labellisé commerce équitable n’est jamais composé intégralement

d’ingrédients équitables. Concrètement, pour afficher le label « Bio Equitable » sur les produits, il suffit que

seuls 25% des composants (contre 50% pour Max Havelaar) soient issus du commerce équitable, ce que le

consommateur ignore bien souvent. Même si nous reconnaissons évidemment que l’objectif du 100%

équitable est irréalisable, il semble que les proportions actuelles sont peu exigeantes et que le consommateur

qui débourse plus d’argent pour une marchandise équitable peut se sentir lésé.

8 Fairtrade Labelling Organisation

13

De plus, une enquête réalisée en 2006 par l’association « Que choisir » a montré la mauvaise volonté de

certains acteurs sur la composition de leurs produits, certains le refusant.

Enfin, il semble, malheureusement que le label commerce équitable permette à certaines entreprises dont

l’éthique professionnelle est plus que douteuse de redorer leur blason à moindre frais. Dans l’esprit de certains

consommateurs, ces partenariats desservent la bonne réputation du commerce équitable accusé de « vendre

son âme au diable », tout en donnant l’occasion à des multinationales de s’intégrer à l’effet de mode qu’est

devenu le commerce équitable. C’est le cas par exemple de géant de la restauration rapide, « MacDonald’s »

ou Starbucks, qui sont des sociétés par ailleurs connues pour leur conditions sociales déplorables qu’elles

imposent à leurs salariés. Suite à cela le label commerce équitable ne peut que perdre de sa crédibilité.

La dimension semble mal intégré au commerce, parfois pas dutout respectée. Il est aujourd’hui question de la

meilleure combinaison possible des deux types de commerce pour atteindre Le Commerce International,

Equitable et Durable.

III. Une labellisation utopique vers un commerce responsable

Cette partie correspondrait à la mise en place d’un commerce « responsable » dans la mesure où il respecterait

l’ensemble des défis « durables » des échanges commerciaux entre le Nord et le Sud. Bien que les critères que

cette nouvelle labellisation impose soient strictes, ils ne peuvent être trop exigeants, car ils seraient sûrement

trop difficiles à exécuter. Ce commerce dit responsable s’appuie sur les limites contraignantes du commerce

équitable.

Ainsi, en plus de l’absolue nécessité et de l’urgence qu’il y a de prendre en compte l’éthique, comme cela a été

vu précédemment, un véritable commerce responsable serait à l’image d’un circuit de distribution organisé (A),

intégré dans le temps (B) et aussi dans l’espace (C).

A. Un circuit de distribution organisé

Actuellement, le commerce équitable souffre du manque de transparence et de fiabilité de son

organisation. En effet, le cheminement entre le producteur et le consommateur n’est pas aussi clair qu’il y

parait. Ce flou ne permet pas de placer les deux principaux protagonistes comme les véritables acteurs sur la

scène du commerce équitable. Ils sont relayés un à un rôle mineur, de « suiveurs » puisque se sont les

intermédiaires qui détiennent les véritables clés du pouvoir. Il est nécessaire alors d’éviter les intermédiaires

inutiles et aussi toute spéculation qui ont un impact sur le marché des biens émanant du commerce équitable

et donc sur les prix. Plus il y a d’intermédiaires, et plus le risque existe que le prix ne soit pas « juste » dans le

sens où il s’éloigne de la réalité, puisque chaque intermédiaire profite de l’opportunité qui s’offre à lui de tirer

un bénéfice.

A un commerce « non équitable » flouté par un effet prix, s’ajoute le flou amené par les différents labels. Des

études montrent chez les consommateurs une confusion des labels. En citer quelques uns permet d’ailleurs de

se rendre compte de la réalité de la situation : Max Hevelaar, Artisans du monde, Alter Eco Commerce

équitable… Cette confusion des labels peut aussi être rapprochée au phénomène marketing et à l’effet mode

qu’il procure. Au-delà de la mode, l’information concernant les produits issus du commerce équitable n’est pas

toujours claire, ni vérifiable. Ce manque de viabilité de l’offre est un moteur de « cour circuit » dans le système

et est donc révélateur d’un commerce relativement mal organisé et pas aussi transparent qu’il devrait l’être.

A ce constat dérangeant, une réponse simple apparait. C’est celle d’imposer un commerce plus direct.

En effet, plus le producteur et le consommateur seront « proches » et plus il serait aisé pour eux de jouer le jeu

de la transparence, surtout qu’il y aura alors moins de pertes d’information, du fait de la diminution des

intermédiaires.

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De plus, sans rendre le schéma totalement hermétique, la multiplication des labels et le manque de

communication claire sur ces derniers est aussi un frein à la bonne marche du commerce équitable. Les labels

de commerce équitable se sont certainement multipliés ces dernières années, mais cette évolution s’est

construite en parallèle avec celle des produits humanitaire et caritatif, et aussi les produits issus des

associations humanitaires ou religieuses. C’est pourquoi pour obtenir un commerce responsable, qui s’inscrit

dans une démarche plus complète que le simple commerce équitable, il est nécessaire de s’affranchir de cette

confusion qui pèse principalement sur le consommateur, mais qui doit aussi exister dans l’esprit du producteur.

Ainsi, un commerce responsable est un commerce qui respecte tout d’abord une organisation claire et

transparente, dans laquelle aucun agent ne cherche à tromper son intermédiaire par une information faussée.

Pour qualifier ce type de commerce, certains parlent d’un commerce « utopique » ramenant rapidement à la

réalité de la situation, d’autres préfèrent utiliser le terme « démocratique » laissant comprendre que le

commerce responsable s’applique à tous de la manière la plus juste et pour lequel tous ont le droit de

s’exprimer et où prédomine l’idée de « 1 personne = 1 voix ». Ainsi structurés correctement, les échanges

commerciaux doivent s’intégrer de manière spatio-temporelle.

B. Un circuit de distribution intégré dans le temps

En plus d’être correctement structuré, la labellisation du commerce responsable imposerait que ces échanges

commerciaux s’inscrivent dans le temps, c’est-à-dire qu’ils soient conçus, élaborés de manière à perdurer. Ici,

c’est donc clairement une vision sur le long terme, structurelle, qui est privilégiée et non celle du long terme,

conjoncturelle.

En intégrant des échanges commerciaux internationaux de manière durable, cela aurait tout d’abord comme

objectif de minimiser le risque. Cette prévention, précaution serait établie dans le but de ne pas continuer à

faire perdurer les inégalités entre le Nord et le Sud ou en tout cas de les diminuer le plus possible. Cette idée

émane du reproche fait au commerce équitable qui opérant depuis 30 ans, ne semble pas suivre un

développement tracé, ni une politique planifiée. Il faut un développement d’un commerce responsable qui

serait ainsi soutenable.

Dans la même veine, cette durabilité des échanges est envisageable seulement en adoptant une politique

durable aboutie pour laquelle les échanges sont diversifiés. En imposant cette mesure, le commerce

responsable prendrait réellement en compte les besoins et donc les attentes des pays du Sud qui sont le plus

souvent sollicités pour les mêmes produits, issus la plupart du temps du marchés des matières premières. Le

café et le cacao sont d’ailleurs les exemples les plus souvent cités. Bien que cela n’apparaissent pas, à première

vue, comme quelque chose de néfaste, ce cloisonnement de la production n’est pas favorable aux pays du Sud

qui sont contraints d’adopter un comportement de dépendance vis-à-vis des pays du Nord qui leur est peu

profitable. Les études économiques montrent ainsi que les pays pauvres sont plus « réceptifs » aux chocs et

qu’ils ont plus de mal à s’en remettre. On parle ainsi d’une faible résilience, c’est-à-dire d’une faible capacité à

absorber les chocs. Les pays exportateurs de matières premières et de production peu diversifiée ont un terrain

favorable à la vulnérabilité économique, ils sont donc plus sensibles aux chocs, autant économiques

qu’agricoles.

De même, on observe une baisse des prix sur les marchés concernés, ce qui est manifestement défavorable aux

pays du Sud, c’est-à-dire aux pays producteurs. C’est l’indice de Grilli et Yang qui permet d’affirmer ce constat.

Les termes des échanges des matières premières, les biens les plus exportés par les pays du Sud, ont une

tendance à la décroissance. Dans ce contexte, le commerce équitable n’a pas jusqu’à maintenant réussi à

répondre à la problématique de la pauvreté des pays du Sud. C’est pourquoi la labellisation proposée devrait

être à même de pouvoir tirer les pays du Sud de la trappe à pauvreté dans laquelle ils s’enveniment, ou du

moins les aider à s’en sortir.

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Pour mettre en place une labellisation d’un véritable commerce responsable, une étape essentielle consiste à

imposer une politique durable, soutenable et donc aboutie, qui permette aux échanges de s’installer dans le

temps et de prendre en compte ce paramètre temporel aussi important. Dans le cadre d’un commerce

responsable il est important d’avoir une vision sur le long terme et non sur le court terme, car cette myopie du

futur empêche de faire des prévisions en prenant en compte toutes les variables. Dans le même esprit, une

autre étape essentielle pour établir une labellisation consiste à intégrer les espaces géographiques dans leurs

ensembles.

C. Un circuit de distribution intégré dans l’espace

Intégrer le commerce équitable dans l’espace consisterait à promouvoir des échanges internationaux

respectueux de l’environnement et aussi qui ne laisserait pas sur le bord de la route certaines régions.

Une réflexion sur les taxes et les droits de douane est nécessaire dans un premier temps. Comment affirmer

que des échanges sont « équitables » alors qu’ils sont soumis à des taxes douanières, qui représentent tout

sauf le libre échange ? Les biens produits pour le commerce équitable sont actuellement soumis au tarif

douanier mondial et commun pour tous. C’est un système certes logique, mais qui est peu favorable aux pays

du Sud dont les biens sont plus chers pour les pays du Nord et donc plus difficiles à écouler, et aussi pour les

importations nécessaires aux pays du Sud. Dans ces conditions, un commerce responsable serait encouragé par

un cadre commercial plus avantageux dans lequel les droits de douane et autres taxes commerciales seraient

aménagés de manière à ne pas gêner l’exportation des produits issus du nouveau commerce responsable, et

ainsi en faciliter « l’écoulement » dans les pays du Nord avec un prix juste, et non biaisé par les taxes.

De même, le commerce responsable soulève le problème de transports qui est aujourd’hui la véritable « bête

noire » du commerce équitable. En effet, bien que le commerce équitable ait pour principal objectif de

s’assurer de la pérennité de l’environnement, ce dernier semble mettre côté, ou en tout cas ne pas vraiment

considérer dans son ensemble, la pollution liée aux transports. Pour répondre à cette difficulté, la réponse que

pourrait apporter le commerce responsable serait de relocaliser le commerce équitable. Il faut entendre par

relocaliser le fait de faire appel aux producteurs locaux pour diminuer les transports, et ainsi optimiser la

gestion des transports, et aussi du territoire.

Cette intégration géographique consisterait aussi à gommer les inégalités qui perdurent au sein des pays du

Sud. En effet, la constatation faite aujourd’hui est qu’il existe toujours des « ilots de privilégiés » et donc

symétriquement, des régions du Sud restant à la marge. C’est-à-dire que jusqu’à présent le commerce

équitable n’a pas réussi à intégrer l’ensemble des régions dans la boucle. Des partenariats entre producteurs et

acheteurs entretiennent des relations commerciales préférentielles. Cette situation peut être doublement

néfaste, puisqu’elle favorise les inégalités au sein même de la catégorie des pays du Sud, et en même temps,

elle ne permet pas aux régions favorisées de s’intégrer dans le circuit « normal » du commerce international. Il

ne faut pas y voir là un reproche mais juste une observation que le commerce responsable labellisé pourrait

dépasser, ou tout du moins estomper. Le commerce responsable, en intégrant dans un premier temps

l’ensemble des régions des pays du Sud dans un marché commun Sud/Sud, favoriserait un commerce intra-Sud

et donc permettrait à l’ensemble des pays du Sud d’être intégrés à un système commercial viable.

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Conclusion

En défendant l’idée que la pauvreté des pays du Sud ne s’explique pas seulement par un retard de

développement, mais aussi du système des modalités commerciales désavantageuses fixées par les pays du

Nord, le commerce équitable se présente comme un « partenariat commercial qui vise un développement

durable pour les producteurs exclus ou désavantagés, cherchant à réaliser cela en proposant de meilleures

conditions commerciales aux producteurs, en éduquant les consommateurs pour provoquer une prise de

conscience et en menant des campagnes ».

Le respect de l’éthique apparait alors comme un critère nécessaire à la bonne mise en place du commerce

équitable. En effet, ce concept qui se rapprocherait de la morale, mais qui en reste bien éloigné, est une

variable non négligeable qui permet de rendre autant profitables aux pays pauvres, qu’aux pays riches, les

échanges commerciaux. L’éthique impose un comportement visant ainsi à favoriser et à développer les bonnes

conditions de travail du côté des producteurs, ce qui favoriserait manifestement un cercle vertueux.

Pourtant, dans la réalité, tout n’est pas aussi parfait. En effet, penser que les acteurs du commerce équitables

sont également des porte parole de l’éthique serait une erreur. Nous avons vu que progressivement, les labels

du commerce équitable se multiplient et avec eux le risque de perte de crédibilité face aux consommateurs et

aux producteurs concernés par ce phénomène.

Ainsi pour l’instant le commerce équitable génère un développement partiel mais pas complet, pour lequel

l’intégration à l’économie internationale n’est pas entière, où certains pays sont enfermés dans des trappes à

pauvreté, et d’autres sont accusés de pratiquer un néocolonialisme.

L’état des lieux de la place de l’éthique étant dressé, il est opportun d’étudier la possible mise en œuvre d’un

commerce plus abouti, appelé « commerce responsable » qui intégrerait véritablement l’ensemble des enjeux

actuels regroupés dans les trois sphères du développement durable. Néanmoins, il reste important de

souligner que cette nouvelle labellisation s’inscrit certainement dans un cadre utopique puisqu’elle aboutirait à

une démocratie mondiale.

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Bibliographie :

Sites:

- http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/vernag/eh/f/cause/lectures/Kureemun.htm#_Toc79936235

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Commerce_%C3%A9quitable

- http://www.lepost.fr/article/2009/02/06/1414928_limites-au-commerce-equitable-l-utopie-est-elle-

remise-en-question.html

- http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-5142.html

- http://fr.ekopedia.org/Commerce_%C3%A9quitable

- http://www.lequitable.fr/ethique.html

- http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/3962/1/commerce%20%C3%A9quitable.pdf: PADD II - Le

commerce équitable face aux nouveaux défis commerciaux : évolution des dynamiques

d’acteurs – S.Charlier, I.Haynes, A.Bach, A.Mayet, I.Yepez, M.Mormont

- http://www.artisansdumonde.org/commerce-equitable/reglementation-commerce-equitable.html

- http://fairtrade.socioeco.org/documents/49pdf_propfr.pdf - http://www.actualitesolidarite.com/achat/rubriques/com.htm

http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/vernag/eh/f/cause/lectures/Kureemun.htm#_ftn8 (Essai Présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention du MBA en gestion Internationale)

- http://www.monde-diplomatique.fr/2007/09/JACQUIAU/15101

Livres (Google Livres) :

- L'éthique ou le profit, Michel Dion, édition Fides

- Economie solidaire et commerce équitable : Acteurs et actrices d'Europe et d'Amérique latine,

Presses universitaires de Louvain , Hors collection (Presses universitaires de Louvain)

- Economie sociale au Nord et au Sud de J. Defourny, P. Develtere et B. Fonteneau (Broché - 2000)

- Le nouveau consommateur : dimensions éthiques et enjeux planétaires, Questions contemporaines

Ezzedine Mestiri, edition L’Harmattan

- De Nadia KUREEMUN,“LE COMMERCE ÉQUITABLE: UN NOUVEAU MODE DE DÉVELOPPEMENT POUR LES

PAYS DU SUD? », Essai Présenté À la Faculté des études supérieures De l’Université Laval Pour l’obtention

Du MBA en Gestion Internationale

- - Cours de Vincent GERONIMI : « économie et politique de développement », UVSQ.