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VERS UNE EUROPE 2.0 ? CITOYENNETÉ EUROPÉENNE, CAPITALES CULTURELLES ET NOUVEAUX MÉDIAS. ÉTUDE RÉALISÉE PAR LES ÉTUDIANTS DU MASTER 2 STRATÉGIE DU DÉVELOPPEMENT CULTUREL, PUBLICS DE LA CULTURE ET COMMUNICATION DE L’UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE. PROMOTION 2011 / 2012. SOUS LA DIRECTION DE M. DAMIEN MALINAS

Vers une Europe 2.0?

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Vers une Europe 2.0 ? Citoyenneté européenne, capitales culturelles et nouveaux médias.

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VERS UNE EUROPE 2.0 ?

CITOYENNETÉ EUROPÉENNE, CAPITALES CULTURELLES

ET NOUVEAUX MÉDIAS.

ÉTUDE RÉALISÉE PAR LES ÉTUDIANTS DU MASTER 2 STRATÉGIE

DU DÉVELOPPEMENT CULTUREL, PUBLICS DE LA CULTURE ET COMMUNICATION DE

L’UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE.

PROMOTION 2011 / 2012.

SOUS LA DIRECTION DE M. DAMIEN MALINAS

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REMERCIEMENTS

Les douze étudiants ayant réalisé cette étude remercient le Master 2 Publics de la

Culture et de la Communication sous la responsabilité pédagogique de Monsieur Damien

Malinas, et la responsabilité scientifique de Monsieur Emmanuel Ethis, Président de

l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, pour l’opportunité qui nous a été offerte de

travailler sur ce sujet en toute autonomie. En tant que citoyens européens (de fait1) faisant

partie de la jeune génération Y2 et futurs acteurs du monde culturel, nous nous sommes sentis

particulièrement investis dans ce projet comprenant l’étude ici-présente et le séminaire

l’accompagnant.3 Nous remercions également notre commanditaire, l’association Les

Rencontres, par la personne de Monsieur Roger Tropéano, que nous avons eu l’honneur de

recevoir à l’Université pour discuter ensemble des questions qui lui sont chères : la culture, la

citoyenneté européenne, et l’idéologie d’un continent au projet unique.

Nous remercions par ailleurs nos tuteurs pour ce projet, Mademoiselle Raluca Calin et

Monsieur Bessam Fallah, doctorants au laboratoire Culture et Communication de l’Université

d’Avignon et des Pays de Vaucluse. Leur soutien et leurs conseils judicieux nous ont guidés

tout au long de ce projet. Nous remercions enfin nos camarades du Master Publics de la

Culture et Communication n’ayant pas fait partie de ce groupe d’étude, mais nous ayant

soutenus par leur solidarité.

Marianne Alex, Coralie Pasero, Laurie Vêpres, Margaux Caugy, Juliette Denis-

Migault, Anaïs Devallan, Astrid Basco, Fanny Dulau, « Sophie » Chen Yi Chiao, Adrien

Cornelissen, Marlyse Mullenders et Elsa Acosta.

1 Voir notre analyse de la citoyenneté européenne de fait et du « sentiment d’appartenance » à celle-ci, p.60.

2 Voir la définition de « Génération Y » dans le glossaire p.97.

3 Les 24 et 25 janvier 2012 à l’Université d’Avignon, nous organisons le séminaire intitulé « Vers une Europe

2.0 ? » intégré au programme des Etats Généraux de l’Europe. Trois tables-rondes thématiques permettront de

débattre des questions soulevées dans cette étude. Le programme détaillé de ces deux journées est disponible en

ligne sur notre blog capitaleculture.blogspot.com

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RÉSUMÉ

Cette étude porte sur les notions de capitales culturelles et capital culturel au regard du

concept des Capitales Européennes de la Culture. En interrogeant ce que sont les Capitales

Européennes de la Culture, nous nous sommes penchés sur leur statut pour savoir si elles

correspondent à l’image de la culture européenne. Nous avons essayé de comprendre si elles

étaient un symbole de l’Europe ou bien un simple label et nous sommes demandés en quoi

elles pouvaient être une symbolisation de la culture européenne.

Pour ce faire nous sommes revenus sur l’histoire de l’Europe et avons tenté de définir

sa culture. Partant du postulat selon lequel l’Europe comprend une multiculturalité, notre

étude s’est centrée sur le cas de Marseille-Provence 2013. Nous avons cherché des éléments

du capital culturel marseillais permettant de répondre à ce constat et avons posé les limites et

les enjeux du cas de Marseille face au projet d’Union-Européenne et de sa relation aux pays

méditerranéens. En effet, la ville de Marseille est élue Capitale Européenne de la Culture et

cette élection semble repousser les schémas classiques des villes auparavant nommées à ce

titre.

Ces réflexions occupent la moitié de notre devoir mais il était légitime et important

pour nous d’aborder ces éléments constituants les thématiques les plus importantes voulues

par notre commanditaire Les Rencontres. C’est suite à ces premiers éléments de réponse nous

avons pu définir et marquer l’originalité de notre étude. En effet, tout l’enjeu de notre travail

s’est matérialisé à travers les notions de citoyenneté européenne et d’accès à la culture : qu’est

ce qui rend possible notre sentiment d’appartenance à un territoire ? La culture est-elle

centrale dans ce processus ? Les Capitales Européennes de la Culture facilitent-elles l’accès à

la citoyenneté ? Notre problématique ambitionne donc d’aller au cœur de ce qui constitue le

sentiment d’appartenance à une ville ou à une région en questionnant l’impact que peut avoir

la culture sur ce processus identitaire. La question de la citoyenneté européenne est, nous

semble t-il, tournée vers la jeunesse : elle interroge les façons dont les nouvelles générations

s’impliquent sur leur territoire. Nous voulions apporter un regard neuf sur la culture

européenne et sur la problématique de ses frontières. Aussi, la dernière partie de notre devoir

est centrée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication et

l’utilisation qu’en fait la génération des Digital Natives.

Nous avons mené une enquête auprès de jeunes marseillais, dont les résultats jalonnent

tout notre travail, pour illustrer ce qui constitue aujourd’hui la culture et les nouvelles façons

de s’approprier le territoire.

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SUMMARY

This study is about different notions : cultural heritage and capital of culture seen

through the example of European capitals of culture. Interrogating this last notion, we wanted

to know if this status corresponds to the european culture representation. We tried to

understand if those capitals of culture were a cultural symbol or just a label.

To execute our plan, we came back on Europe's History and we tried to define its

culture. With a postulate which considers that Europe is a multicultural territory, we focused

our reflexion on Marseille Provence 2013. We searched what were Marseille cultural's

elements which corresponded to this assessment and draw limits and stakes of Marseille as a

part of a European Union's project. We also wanted to work on the notion of Mediterranean.

In deed, Marseille's election as European Capital of Culture seems to be a change comparing

to previous elected cities.

The most part of our work concerns those reflexions, we consider that those important

notions are constitutional of the main themes addressed by our silent partner Les Rencontres.

Following this work, we were able to create an original work. In fact, our work stakes are

turning around european citizenship and access of culture:

-What build our sense of belonging to a particular territory?

-Is culture a main notion in this process?

-Do European Capital of Culture facilitate access to citizenship?

Our problem aims to reach the different elements constituting the sense of belonging

to a city or a region questioning cultural impact on construction of identity. European

citizenship issue appears to implicate youth : it interrogates the different ways used by youth

to implicate themselves on a territory. We want to bring a fresh look on European Culture and

its limits. Also, our work's last part concerns new technologies of information and

communication. We studied about the Digital Native generation and its habits.

We built an sociological investigation about Marseille's youth. Our study is punctuated by

results, in order to illustrate what Culture an sense of belonging are made of.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION………………………………………………………………………………. p.8

PARTIE 1 / L’Europe, une identité culturelle complexe dans un territoire

protéiforme………………………………………………………………………………p.14

I. Territoire européen et identité culturelle…………………………………………….p.15

1. Des frontières « naturelles » imprécises à l’Est……………………………………...... p.15

2. La construction culturelle européenne : une pluralité de nations dans un territoire

changeant……………………………………..................................................................... p.16

a) L’Antiquité. b) Le Moyen-âge. c) L’Époque moderne. d) L’Époque contemporaine : une

problématique orient/occident.

3. L’Europe, pour une « communauté de destin » …………………………………….... p.22

II. L’Europe, un projet de civilisation……………………………………...................... p.23

1. L’Empire Romain, naissance d’une ou de deux civilisations ?........................................ p.24

2. Histoire de la civilisation européenne : une » tentative » d’unification » ?...................... p.26

3. Richesses des civilisations : la remise en cause d’un modèle culturel fermé sur lui-

même………………………………………………………………………………………..p.28

4. La civilisation européenne ou la circulation des arts et des savoirs…………………….. p.30

PARTIE 2 / Les Capitales européennes de la culture : une symbolisation de

l’Europe culturelle……………………………………………………………………..p.32

I. L’idée d’une Europe culturelle……………………………………………………….. p. 32

1. Les Villes Européennes de la Culture………………………………………………….. p.35

2. Mise en comparaison des Capitales Européennes de la Culture avec les enjeux de l’Union

Européenne……………………………………………………………………………….... p.42

3. La question de l’élargissement………………………………………………………..... p. 43

II. Au-delà de la méditerranée: Marseille-Provence 2013, Capitale Européenne de la

Culture.………………………………………………………………………………….... p.46

1. Les projets de l’Association MP2013 répondant à la multiculturalité de l’espace

public…………………………………………………………………………………….. p. 47

2. Les CEC et la constitution d’une mémoire européenne………………………………... p. 52

PARTIE 3 / Le sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et la pratique

d’une citoyenneté européenne…………………………………………………….. p.56

I. Territoires et représentations………………………………………………………… p.56

1. Définition des termes. ………………………………………………………………… p.56

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a) Territoire : approches sociologique et géopolitique. b) Le territoire et le discours qui

l’accompagne. c) Territoire culturel.

2. Jeux d’échelles : Villes, régions, pays et Europe……………………………………….. p.60

a) Les unités territoriales. b) La Méditerranée : frontière ou lien ?

II. La citoyenneté européenne : objet en construction et en pratique………………… p.65

1. Citoyenneté et identité ………………………………………………………………. …p.65

a) S’unir contre la diversité ?

2. Le capital culturel comme élément de construction……………………………………...p.69

III. Le sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et les représentations de l’Europe à

l’échelle des populations jeunes (15/25 ans)……………………………………………p.71

1. Sentiment d’appartenance et construction de l’identité………………………………….p.72

2. Le sentiment d’appartenance à un territoire……………………………………………...p.74

a) Lieux de construction du sentiment d’appartenance. b) Quels dispositifs pour se sentir

appartenir à l’Europe ?

3. Les référents identitaires des jeunes……………………………………………………...p.78

a) La famille. b) La culture. c) Territoires numériques et nouveaux sentiments

d’appartenance.

PARTIE 4 / Jeunesse, nouveaux médias : nouvelles pratiques citoyennes et

culturelles en Europe………………………………………………………………….p.83

I. Génération Y, Digital Natives… : « Jeunesse cherche formule. »…………………….p.83

1. Tentative de définition d’une génération………………………………………………...p.83

2. Formules et avatars d’une jeunesse connectée…………………………………………...p.83

a) Expression. b) Communauté. c) Mobilité.

3. Etre ou ne pas être branché : la Génération Y, un concept élitiste ? Le sentiment

d’appartenance à une génération européenne………………………………………………p.91

II. Les nouveaux médias : espace citoyen de la jeune génération ? ……………………p.93

1. Médias traditionnels vs. médias générationnels ? ……………………………………….p.93

2. A la recherche du sens culturel : initiatives citoyennes et nouveaux médias…….............p.94

3. A la recherche du sens politique : contestations en réseaux au Printemps 2011………...p.96

III. Les Capitales Européennes de la Culture, espaces interactifs?..............................p.100

1. Partage d’expériences, participation et mémoire commune………………………........p.100

2. Navigations interactives, « en attendant Marseille-Provence 2013… »……………….p.103

CONCLUSION……………………………………………………………………………p.104

GLOSSAIRE……………………………………………………………………………...p.113

BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………..p.116

TABLE DES ANNEXES………………………...……………………………………….p.122

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Note préalable des auteurs :

Nous utilisons au cours de cette étude le sigle CEC, désignant les Capitales Européennes de

la Culture. C’est le sigle communément utilisé dans les rapports et travaux européens liés à

ce dispositif, en anglais ECC pour European Capital of Culture.

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INTRODUCTION

Ainsi que l’a voulu notre commanditaire Les Rencontres, lier les Capitales

Européennes de la Culture (CEC) à la notion de capital culturel nous a semblé pertinent

compte tenu de la proximité qui existe, a priori, entre culture et capital. Mais dans quel sens

entendre ces termes et quels rapports entretiennent-ils avec les Capitales Européennes de la

Culture ? Ces dernières sont nées d’une volonté politique: elles ont pour ambition d’intégrer

véritablement les nouveaux pays de l’Union Européenne et par la même d’affirmer la

cohésion culturelle de l’Europe. Les Capitales Européennes de la Culture (CEC) répondent au

projet d’unification politique du continent, suite aux ravages de la seconde guerre mondiale.

Mais à travers l’élection d’une ville comme Capitale Européenne de la Culture se dessine le

désir de valoriser localement le territoire. Or, ces villes choisies pour représenter l’Europe ne

présentent pas toujours une renommée culturelle reconnue comme telle.

Pourtant, étant élues elles suffisent à rendre compte de ce qu’est l’Europe. En effet, le

« plus vieux continent du monde » présente sur son territoire une pluralité de cultures. Née de

la Civilisation Romaine et de l’Empire Romain, qui comprenait alors l’Empire Romain

d’Orient et l’Empire Romain d’Occident, l’Europe porte les traces de cette diversité et

richesse culturelle. Si le capital culturel peut renvoyer à l’ensemble du passé historique et des

marques qu’il a laissées dans la ville, comme l’architecture et tout le patrimoine urbain et

touristique, il figure aussi l’ensemble des traits propres à une civilisation. Dans ce sens, le

capital culturel témoigne de l’héritage reçu des civilisations passées. Plus profondément ancré

dans nos mœurs, l’héritage commun renvoie à une parenté linguistique commune ainsi qu’aux

valeurs portées jusqu’à nous et qui sont lisibles, par exemple, à travers notre système politique

ou sociétal.

Une ville est choisie pour être Capitale Européenne de la Culture: à travers ses

manifestations culturelles elle est donc à la fois élevée à représenter la culture locale tout en

symbolisant l’Europe. Ainsi, outre les notions de territoire et de patrimoine, inévitablement

corollaire du capital culturel, il nous a paru cohérent d’y intégrer les notions d’héritage

commun et de civilisation afin de rendre compte du constat de la multiculturalité européenne.

Notre travail s’est donc attaché à articuler les différents sens dégagés du capital culturel pour

les mettre en relation aux Capitales Européennes de la Culture : peut-on donc parler de

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civilisation européenne et comment les CEC rendent-elles compte des différences entre les

pays européens ? Face à cette multiculturalité4, on peut se demander si elles se situent dans

un projet de multiculturalisme et de reconnaissance institutionnelle des diversités culturelles

européennes ou si leur ambition reste à un niveau local de développement économique et de

course à la labellisation ?

Les CEC, d’abord nommées Villes européennes de la Culture, sont nées en 1983, à

une période où affirmer la cohésion identitaire de l’Europe relevait d’une nécessité politique

et économique. Mais, s’il était important de montrer au reste du monde le visage unifié de

l’Europe, l’urgence était de véritablement recréer une citoyenneté européenne, balayant dans

les esprits les troubles du passé. En effet, il semblerait que les CEC incarnent aussi l’ambition

politique de citoyenneté européenne. Ces villes élues sont avant tout capitale européenne

avant que d’être capitale culturelle. Elles sont dès lors représentantes de la culture européenne

et ont pour ambition de faire participer les citoyens aux projets culturels défendus.

La double désignation des villes élues (une ville d’un pays nouvellement entré dans

l’UE et une ville d’un pays créateur) semble répondre au souci d’épanouissement de la

citoyenneté européenne. De fait, tous les européens sont citoyens de l’Europe. Dès lors,

comment les CEC rendent-elles possible le sentiment d’appartenance à l’Europe et

parviennent-elles à recréer cette ambition civique et politique basée sur le constat d’une

multiculturalité européenne, comprenant une mosaïque de cultures et de peuples aux langues

multiples ?

Nous avons donc clarifié ce que l’on entend par capital culturel, et avons pu dégager,

au regard de la multiculturalité européenne, une problématique intégrant le statut paradoxal

des CEC: représentantes politiques de l’Europe culturelle mais implantées à l’échelle locale.

Présenter une définition exhaustive de la culture, serait certes fort enrichissant

(culturellement) mais dans le cadre de notre propos nous préférons nous en tenir à la thèse

selon laquelle la culture comprend tous les codes, normes et traditions permettant à un groupe

de se sentir membre de celui-ci. Cette théorie paraît particulièrement adéquate à notre sujet

car elle permet de poser la question de l’existence ou non de la culture européenne.

4 Voir dans le glossaire la définition de multiculturalité et de multiculturalisme, p96-98.

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Si l’Europe est souvent mentionnée pour ses attraits touristiques, c’est que la culture

européenne est vieille et qu’elle agit souvent comme référence pour certains domaines

artistiques. On ne peut nier la fertilité artistique du continent et son influence dans d’autres

pays.

Mais les années quatre-vingt sont marquées par l’essor des nouvelles technologiques

de l’information et de la communication. Ce progrès technologique va permettre l’exportation

des biens culturels à travers le monde. Cette culture universelle, basée sur la technologie du

numérique offre une possibilité de partage et d’ouverture entre les peuples. C’est donc grâce à

cette culture devenue commune entre les populations munies d’électricité et d’ordinateur que

la culture du XXIème siècle se déploie. Dès lors, la culture de masse se diffuse et semble

mettre à mal celle spécifique aux continents5. En outre, nous prenons le parti de penser que les

nouvelles technologies de l’information et de la communication viennent brouiller les

définitions classiques de territoire et de sentiment d’appartenance à celui ci. En effet, l’arrivée

d’internet et des téléphones portables semblerait permettre plus de proximité entre les

citoyens et rendrait inéluctablement les distances plus petites entre ces derniers.

Les CEC étant nées à cette période de bouleversements technologiques, la question du

sentiment d’appartenance au territoire se pose d’autant plus qu’elle vient déplacer la notion

traditionnelle de culture entendue au sens de patrimoine. Se situant pleinement dans l’axe

défendu par l’Unesco de patrimoine immatériel, les technologies de l’information et de la

communication affirment une culture déterritorialisée.

Notre étude s’est centrée sur ces nouvelles formes de communication qui viennent

bouleverser la notion de culture comme étant propre à un groupe localisé et localisable et

avons pris le parti d’écouter le discours que la jeune génération porte sur l’Europe. Cette

dernière, que l’on tente de définir et de nommer : « Génération Y » ou « Digital Natives »,

correspond aux jeunes étant nés à l’heure d’internet.

La question des nouvelles technologies de l’information et de la communication nous

a semblé constituer un enjeu de taille à une époque où celles-ci sont des outils essentiels pour

la diffusion de l’information. Nous en avons l’exemple à travers l’actualité politique du

Printemps Arabe et le rôle notable qu’ont joué les réseaux sociaux. Nous avons donc pris le

5 Voir MARTEL, F., Mainstream, Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Flammarion, 2010

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parti de centrer notre étude sur le sentiment d’appartenance de la jeunesse à l’Europe. A

travers une enquête sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la

communication par les jeunes de quinze à vingt-cinq ans, nous avons mis en lien ces pratiques

au regard du sentiment d’appartenance au territoire et avons voulu révéler les rapports qui

existent entre la jeune génération habitant à Marseille et le fait que cette ville soit élue

Capitale Européenne de la Culture. En nous référant au discours de la jeunesse sur les

nouvelles technologies et à leur sentiment d’appartenance à la ville de Marseille, cette enquête

permet d’illustrer notre propos. Elle donne la parole à la jeunesse, thématique centrale de

notre étude.

En effet, cette enquête intitulée « Digital Natives et sentiment d’appartenance aux

territoires »6, tente de faire travailler les concepts énoncés avec la notion de Capitale

Européenne de la culture. Les Digital Natives sont les membres de la génération née alors que

les technologies numériques étaient développées et accessibles. La rencontre avec M.

Tropéano, notre commanditaire, a mis en lumière trois postulats qui ont été les vecteurs de

notre projet d’enquête :

La jeunesse est l’élément décisif de la volonté de créer des projets culturels européens

globaux.

Marseille Provence 2013 est un tournant dans l’histoire des Capitales Européenne de

la Culture, non seulement par la taille du projet mais aussi par son ancrage dans la

culture numérique. Cette culture est présente jusque dans la conception du projet, avec

la communication 360° par exemple.

La création d’un sentiment d’appartenance à l’Europe, voulue par les gouvernances

des Capitales Européennes de la Culture, est attisée chez les habitants par l’utilisation

d’éléments ancrés sur le territoire investi. Nous avons vu que les équipements et

organisations culturelles du territoire marseillais font partie intégrante du projet

Marseille Provence 2013.

Forte de ces trois éléments de questionnement, notre équipe a donc décidé de mener une

enquête auprès de la jeunesse marseillaise à travers cinq thèmes :

La provenance, couplée à l’encart sociologique.

6 Nous nous permettons de mettre « territoires » au pluriel car nous tenterons de travailler sur les

notions de territoire de proximité, la ville, de territoire national et de territoire Européen

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Les habitudes territoriales, afin de comprendre le rapport que l’interrogé entretien avec

sa ville de résidence, Marseille.

Le rapport à l’Europe, dans le but de faire un état des lieux de l’idée que les interrogés

se font du fait d’être Européen.

Les habitudes liées aux nouvelles technologies, pour faire comprendre en quoi ces

dernières influencent le rapport aux territoires.

Enfin, Marseille Provence 2013 qui n’est évoqué qu’en fin de questionnaire afin de ne

pas influencer les réponses précédentes.

L’objectif premier de notre enquête est donc de comprendre la relation entre les

Digital Natives et les différents territoires auxquels ils sont confrontés. Pour cela, notre étude

a voulu s’enrichir de plusieurs questions d’opinion afin de les coupler avec les réflexions et

recherches théoriques développées tout au long de ce mémoire. Les différents croisements de

résultats d’enquête permettent une analyse des indicateurs « directs » (sentiments ou opinion)

et des indicateurs « indirects », c’est-à-dire des indicateurs qui donneront des informations sur

l’interrogé par déduction7. L’enquête a cherché à convoquer le « sens vécu

8 » des pratiques

mais aussi des idéologies sur les thèmes proposés. En utilisant la méthode du questionnaire

sans modalité de réponses, nous voulons laisser les interrogés se définir eux-mêmes au sein de

leurs pratiques et opinions mais également laisser libre la définition de certains concepts.

Exemple: « Si vous deviez définir l’Europe en quelques mots ? » suivie de « Vous sentez vous

Européen ? »9.

C’est pourquoi la problématique que nous nous sommes posés, et qui constitue le fil

conducteur de notre projet de recherche est la suivante : quel sentiment d'appartenance

entretient la jeune génération européenne « interconnectée », avec les notions de territoire, de

citoyenneté et de culture européenne, et dans ce cadre, quel est le rôle des Capitales

Européennes de la Culture?

7 LAZERFELD, Paul, Le vocabulaire des sciences sociales, Paris, Mouton, 1965

8 DE SINGLY, François, L’enquête et ses méthodes : Le questionnaire, 2° édition refondue, Armand

Colin, 2005 9 Pour plus d’informations, voir Annexe p106

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L’année prochaine la ville de Marseille sera Capitale Européenne de la Culture. Nos

éléments de réflexions ont pu s’intégrer à ce cas concret d’une ville illustrant parfaitement nos

questionnements: Marseille, ville portuaire ouverte sur la méditerranée, berceau de la

civilisation européenne, pose la question des frontières de l’Europe et de la multiculturalité.

Elle est, de plus, la deuxième ville de France mais les marseillais semblent revendiquer une

culture à part entière. Grâce à notre enquête, nous avons ouvert le dialogue sur l’élection de

Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013 pour tenter de répondre à cette

problématique plus vaste qui traverse notre étude : en quoi les Capitales Européennes de la

Culture incarnent-elles un modèle de citoyenneté européenne ?

Dans une première partie, nous avons jugé intéressant de poser la question de

l’existence ou non d’une culture européenne témoignant de la multiculturalité de l’Europe et

avons tâché de poser les bases de ce que l’on pourrait appeler la civilisation européenne; ceci

afin de voir, dans un second temps, en quoi les Capitales Européennes de la Culture peuvent

symboliser cette utopie européenne. La question du sentiment d’appartenance au territoire se

posait donc de fait à travers une troisième partie, pour conclure sur une quatrième partie

dédiée à la relation des nouvelles générations à la culture numérique.

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PARTIE 1 / L’EUROPE, UNE IDENTITÉ CULTURELLE

COMPLEXE DANS UN TERRITOIRE PROTÉIFORME.

I. Territoire européen et identité culturelle.

L’Europe se définit de manière complexe; à l’image même de sa construction qui, tout

au long de l’histoire, a procédé par construction-déconstruction. En effet, ainsi qu’en

témoignent les guerres et les conflits entre les pays européens, l’Europe, bien que continent

autonome politiquement, ne correspond pas au modèle des Nations Unies qu’il renferme : en

raison de différents aspects liés à sa structure même, l’Europe apparait indéniablement comme

un ensemble complexe. D’une part, l’absence de frontières naturelles à l’est et d’autre part la

diversité culturelle des pays qu’il renferme contribuent à nous faire penser que l’Europe ne

peut être envisagée comme une réalité close, fermée, substantielle. C’est pourquoi, selon

Morin, « Réfléchir sur ce que représente l’Europe, c’est penser l’un dans le multiple, le

multiple dans l’un, mais également penser l’identité dans la non identité »10

. Réfléchir sur

l’Europe c’est donc mettre en cause la « règle de non contradiction », fondement de la logique

aristotélicienne (et de la logique occidentale) qui veut qu’une chose soit elle-même et non une

autre.

Réfléchir sur l’identité de la culture européenne dans le cadre des Capitales

Européennes de la Culture, c’est intégrer la diversité culturelle de chacun des pays en

revenant à un point de vue local, afin de penser ensuite la question de leur ensemble. Mais,

pour répondre à cette difficile question de l’identité européenne, il nous paraît nécessaire de

revenir sur l’histoire de ce continent. Cela nous permettra de voir en quoi on peut parler de

« multiculturalisme européen » et de comprendre le processus de construction de ce continent.

La question est donc de comprendre, dans cette partie, ce qui définit la culture

européenne en tant que telle, en cherchant dans son histoire des éléments uniques, propre au

« plus vieux continent du monde ». Nous orienterons notre démarche dans la lignée de celle

d’Edgar Morin qui affirme : « L’Europe se définit non par ses frontières, qui sont floues et

changeantes, mais par ce qui l’organise et produit son originalité »11

.

10

Edgar Morin, Penser l’Europe, Gallimard, 1987, 26 11

Ibid. p36

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L’Europe comme lieu est à distinguer de l’Europe comme contenu. L’Europe comme

lieu renvoie à l’espace géographique tandis que l’Europe comme contenu est « l’ensemble des

faits, historiquement repérables qui se sont produits à l’intérieur de ce lieu »12

. Ces

événements contribuent à ce que nous qualifions comme étant européens. C'est-à-dire que

l’adjectif européen désigne tous les événements qui se sont en Europe. On emploie cet adjectif

uniquement pour se référer au territoire européen. Ainsi: « l’Europe comme lieu précède

l’Europe comme contenu »13

. C’est pourquoi dans un premier temps nous allons revenir sur

les frontières de l’Europe puis retracer brièvement la construction de la culture européenne et

voir en quoi le multiculturalisme est inhérent à sa définition, pour enfin envisager un élément

invariant parmi cette diversité et émettre l’hypothèse d’une possibilité de « projet commun ».

1. Des frontières « naturelles » imprécises à l’Est.

En effet, si « Europe » désigne en premier lieu un continent, on s’attend à pouvoir le

délimiter grâce à des frontières solides, le distinguant des autres continents, pour le constituer

dans son originalité même. Or, du côté est, bien que les frontières soient naturelles, elles ne

présentent pas de modèle de rupture et de différenciation propre à une mer ou un océan.

Officiellement, la chaîne de montagne qu’on appelle Oural fait figure de frontières naturelles

légitimes et marque la différence entre les deux continents. Mais admettre que cette basse

chaine de montagne, non régulière, symbolise la démarcation entre les continents est contesté

du fait du climat et des peuples eux-mêmes qui ne diffèrent pas d’un côté ou de l’autre.

« Quant aux peuplements et aux occupations du sol, leur similitude est très grande sur les

deux versants »14

. Il semble que la limite de l’Oural a été fixée à la demande de Pierre Le

Grand pour occidentaliser la Russie. Une autre hypothèse soutient que ce même géographe,

Tatichtchev, aurait fixé l’Oural comme frontière afin de constituer l’Empire Russe en une

entité séparée, close sur elle-même, volontairement indépendante et autonome de ces voisins.

Dans tous les cas, la question de l’intégration ou non de la Russie dans le territoire

européen fait question. Sur le plan culturel, on ne peut nier les rapports étroits qu’échangèrent

la France et la Russie au XVIIIème siècle ainsi qu’au XXème siècle dans le domaine

12

: Rémi Brague, L’Europe, la voie romaine, Folio Essai 2005 p33 13

: Ibid. 14

Valeurs et cultures en Europe, Olivier Galland, Yannick Lemel. Ed.La découverte, Paris, 2007 p10

Page 17: Vers une Europe 2.0?

16 | P a g e

cinématographique par exemple. Mais avant de rentrer proprement dans le sujet du

multiculturalisme et de la multiculturalité européenne , il nous paraît important de revenir sur

quelques dates fondamentales dans la construction de l’Europe, afin de voir en quoi son

identité s’est constituée à travers un long passé culturel, religieux, différents dans ses peuples,

langues et habitus.

2. La construction culturelle européenne : une pluralité de nations dans un territoire

changeant.

Avant de commencer notre développement, revenons brièvement sur quelques dates

importantes dans la construction de l’Europe politique et économique15

:

En 395 après JC, l’Empire Romain est divisé, il comprend : l’Empire Romain d’Orient

et l’Empire romain d’Occident. Les frontières de ce territoire allaient du Maroc jusqu’à la

Mésopotamie, et de l’Angleterre jusqu’à l’Egypte. L’Etat romain diffusera sa culture, sa

langue et sa religion dans l’Empire, dont l’héritage culturel est issu de la civilisation grecque.

Au XVIème siècle, les guerres de religion frappent le Royaume de France. Ces guerres

opposent les catholiques et les protestants, en une série de huit conflits. En 1598, l’Edit de

Nantes affirme la fin de ces oppositions religieuses. Ainsi, vers 1830, la religion devient un

domaine géré librement par chaque Etat souverain. Différents traités de paix tenteront de

calmer les oppositions entre les pays européens. Par exemple le Traité de Versailles de 1919 :

traité de paix entre l’Allemagne et les Alliées, signé suite à la première guerre mondiale. La

volonté de créer de la solidarité entre les pays européens, s’élabore concrètement après la

première guerre mondiale. En 1919 est créée La Société Des Nations qui introduit le principe

de « sécurité collective ».

Dès 1929, le projet d’Union Européenne voit le jour. Aristide Briand prononce un

discours sur un projet d'union européenne à l'Assemblée générale de la Société des Nations.

Ainsi, en 1946 est créée l’Organisation des Nations Unies. Après la seconde guerre mondiale,

les Alliés décident de collaborer militairement entre eux. Le Traité de Bruxelles, datant du 17

mars 1948, d'assistance militaire mutuelle entre la Belgique, la France, le Luxembourg, les

Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord marque bien cette

volonté de réunir l’Europe, mais sans l’Allemagne.

15

Voir Annexe 2.

Page 18: Vers une Europe 2.0?

17 | P a g e

Cette même année est connue pour la création du Congrès de l’Europe à La Haye et de

la fondation d’un « mouvement européen » pour mettre en place une union européenne

économique, politique, culturelle et monétaire. En 1955 on adopte le drapeau européen avec

un nombre invariable de douze étoiles pour symboliser la solidarité, la perfection et la

plénitude. En 1957, la signature du Traité de Rome symbolise la création de l’Euratom et de

la CEE. Les années suivantes seront particulièrement marquées par l’élargissement de

l’Europe : en 1985 avec l’Espagne et le Portugal, en 1995 avec l’entrée de l’Autriche, de la

Suède et de la Finlande dans l’UE, en 2004 avec dix pays issus de l’ancien bloc soviétique et

en 2007 avec la Roumanie et la Bulgarie qui intègrent l’UE. Le Traité de Maastricht de 1993

définit l’Union Européenne et le projet d’une monnaie commune, l’Euro, qui entrera en

vigueur en 1999. Un projet de constitution européenne sera établi en 2004 mais rejeté par

referendum par la France et les Pays Bas. Cette même année l’Europe comprend désormais

vingt-sept membres.

Si l’on revient sur l’histoire culturelle de l’Europe, on constate aussi de nombreux

changements et bouleversements, mettant à mal la notion de « culture européenne » du fait du

constat d’un multiculturalisme européen :

a. L’Antiquité.

Durant l’Antiquité, l’Empire Romain s’est installé, à la suite de la civilisation grecque,

autour de la Méditerranée, et l’on n’hésite pas à qualifier les autres peuples de « barbares »,

pour marquer la suprématie de l’empereur. Les Celtes sont aussi très présents en Europe : des

Carpates jusqu’à l’Atlantique. Le cœur actuel de l’Europe n’était alors qu’une frontière entre

l’Empire et les Barbares indomptés. Du Vème au VIIIème siècle le territoire européen

comprend différents royaumes, constitués de populations latines, germaniques et asiatiques.

C’est à partir de ces peuplades, que va se stabiliser et se diversifier une mosaïque

d’innombrables ethnies, implantées dans une extraordinaire disparité de territoires. Ainsi, au

départ, l’Europe se constitue en « une bigarrure ethnique », que l’empire romain tâche de

dominer.

b. Le Moyen-âge.

Page 19: Vers une Europe 2.0?

18 | P a g e

L’identité de l’Europe au VIIème siècle semble se confondre avec le territoire du

christianisme. Toutefois, on peut remarquer que cette caractéristique religieuse de l’Europe

n’est pas, pour ainsi dire, venue de son essence : elle lui a été imposée. En effet,

l’implantation de l’Islam au sud de la Méditerranée, va isoler l’Europe et la refermer sur elle-

même. C’est pourquoi, selon Morin, c’est d’abord l’Islam qui va constituer l’Europe, en tant

que territoire non-islamique. « Mais le christianisme n’est ni originel ni propre à l’Europe.

C’est la conquête arabe qui, islamisant l’Orient et l’Afrique du Nord, va limiter, cloisonner,

enfermer pour des siècles le Christianisme en Europe. Aussi peut-on dire que dans un

premier temps l’Islam fait l’Europe en y enclosant la Chrétienté et que dans un second temps,

l’Europe se fait contre l’Islam, en le faisant refluer à Poitiers.»16

.

En 800, Charlemagne est désigné comme le « Chef vénérable de l’Europe ». Après sa

mort, le mot Europe disparait jusqu’au XIVème siècle. Dès le XIème siècle, l’Europe ne sera

plus envahie et pourra s’établir ainsi des échanges et du commerce entre les quatre points

cardinaux. Au XVème siècle, l’Europe est éclatée en différents « Etats nationaux » : il se crée

alors une Europe polycentrique où va régner la guerre de tous contre tous. Mais, selon Morin,

cette période marquera en profondeur l’originalité de l’Europe : ces guerres vont créer des

développements sociaux importants ainsi que de nombreux échanges entre les pays :

« Les déséquilibres, désordres et agitations qui secouent l’Europe Renaissante, loin de les

contrarier, suscitent au contraire les développements économiques, sociaux, politiques,

culturels qui vont faire l’originalité de l’Europe par rapport à tout autre contrée.»17

.

L’Europe se serait donc créé une identité complexe dès cette période de guerres et de

conflits. C’est donner beaucoup d’humanisme à la guerre et à la violence et accorder une

légitimité au conflit comme facteur de liens et d’identité des contraires. « Tout ce qui forme

l’Europe moderne la divise et tout ce qui la divise la forme. Elle naît, se développe et

s’affirme dans la guerre avec elle-même. Le chaos génésique est ininterrompu : c’est devenu

une anarchie euro-organisatrice permanente.»18

. C’est à cette époque que, selon Pierre

Charnu, la notion d’Europe va se répandre : « L’Europe, mot savant (…),va au XVIIe siècle,

faire d’Ouest en Est la conquête progressive de l’usage courant. »19

.

16

Edgar Morin, Penser l’Europe, Gallimard, 1987 p73 17

Ibid. p41 18

Ibid. p48 19

Pierre Charnu, La civilisation de l’Europe classique, 1966, Artaud.

Page 20: Vers une Europe 2.0?

19 | P a g e

c. L’Époque moderne.

Avec les temps modernes et la « désacralisation de la religion » (pour reprendre le

vocabulaire de Marcel Gauchet dans, « Le désenchantement du monde »20

) l’Europe n’est plus

ontologiquement solidaire du christianisme. De même que l’Amérique s’ouvre au

christianisme, l’Europe s’ouvre à la pensée laïque. C’est donc seulement l’Europe médiévale

qui peut être identifiée à la chrétienté. Selon Edgard Morin, l’Europe moderne émerge suite à

la création des premiers Etats et Nations.

d. L’Époque contemporaine : une problématique orient/occident.

A l’époque contemporaine, (XIXème siècle) le système européen change et l’on passe

du droit des gens aux droits des peuples, de la monarchie de droits divins à des démocraties et

des républiques. Après la seconde guerre mondiale, l’Europe comporte 31 Etats officiellement

indépendants sur plus de 140 dans le monde. Ces Etats-Nations (officiellement indépendants)

portent en eux des diversités géographiques, ethniques, économiques et sociales très grandes

(aucun de ces états nations ne correspond à une région naturelle, ou à une unité de peuplement

homogène).

Depuis la guerre froide, une nouvelle division sépare verticalement l’Europe,

désormais dominée par les deux hégémonies mondiales. Cependant chacune de celle-ci est à

sa façon européenne. L’impact de la Russie rend complexe la définition de l’Europe par

rapport aux notions d’Occident et d’Orient. Orient et Occident sont des notions très

complexes qui s’entre-chevauchent en chevauchant l’Europe. L’Europe, tout en demeurant

Europe, contient en elle la polarité orientale et la polarité occidentale et fait interférer est et

ouest. Par ailleurs on remarque, à l’époque contemporaine, que l’Europe a européanisé le

monde : l’art européen est reconnu partout dans le monde et constitue une sorte de modèle de

référence. Mais, au regard des immenses espaces culturels du monde américain ou asiatique,

l’Europe apparaît comme un univers de petits compartiments culturels locaux, régionaux et

nationaux.

Dans les années 1960-1980 une nouvelle conscience européenne va apparaître : le

chauvinisme et le nationalisme disparaissent lentement. Suite à la seconde guerre mondiale,

l’Europe s’installe dans de nouvelles conditions géostratégiques : les menaces ne sont plus

20

Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde, Gallimard, Paris, 1985.

Page 21: Vers une Europe 2.0?

20 | P a g e

intereuropéennes mais extra-européennes. Dans les années 1960-75, le processus de

décolonisation, « ne fait qu’opérer le repli des nations européennes sur leur continent »21

.

A la suite de la seconde guerre mondiale, l’Europe apparaît, non pas seulement selon

les américains mais pour les européens eux-mêmes, comme d’une grande variété: « L’Europe

apparaît désormais, non plus seulement aux yeux des américains, soviétiques ou chinois, mais

aux yeux des européens eux-mêmes, comme une mosaïque de micro-espaces culturels d’une

fabuleuse variété.»22

.

Avec la crise de l’industrie dans les années 70, l’Europe entre dans une grave crise

économique qui s’accompagne d’une crise démographique. Elle se retrouve à nouveau

fragilisée: fragilités culturelles, énergétiques, économique, démographique, morale, politique

et militaire.

Par conséquent, la culture européenne est singulière de par son héritage issu des

civilisations grecque et romaine mais surtout dans ses nombreux changements et

rebondissements tissés par son histoire qui semble la pousser toujours vers un nouvel horizon,

non pas fixe et certain mais lui-même constitué d’incertitudes .Sa richesse se manifeste aussi à

travers l’étendue des pratiques religieuses.

Si l’on s’attache à définir ce qui constitue l’identité de l’Europe, nous nous retrouvons

donc devant une mosaïque de cultures différentes. Les cultures européennes au sein d’une

culture occidentale est le constat que nous faisons. Nous nous situons ici dans le domaine

proprement culturel et, si nous avons retracé brièvement l’histoire de l’évolution de l’Europe

et de ses mentalités, c’est pour mieux la définir et la distinguer de la notion de civilisation. En

effet, nous venons de voir que l’Europe n’a cessé d’évoluer, de se modifier au rythme des

influences religieuses. A l’origine de l’Europe, il y avait des asiatiques et des celtes. Par la

suite, le territoire s’est morcelé en différentes provinces selon les axes diplomatiques et

politiques. L’Europe n’a cessé d’être ouverte sur le reste du monde tant et si bien que la

frontière entre Orient et Occident reste en suspend…

Pour analyser les capitales européennes de la culture, il apparaît donc nécessaire de

chercher ce qui est commun et unique dans cette mosaïque de culture. Qu’est ce qui nous

engage tous ensemble dans un projet commun ? Quel est le projet de l’Europe compte tenu de

21

: E. Morin, Penser l’Europe, Ed Gallimard, 1987 p 148 22

: Ibid., p148

Page 22: Vers une Europe 2.0?

21 | P a g e

sa multiplicité formelle ? Suite au constat de cette diversité de cultures en Europe, il

semblerait que son identité ne se réduise pas à cette multiplicité. Doit-on faire preuve de notre

échec à chercher un substrat invariant à l’identité européenne ? Les cultures n’englobant pas

le cœur même de ce qui définit l’Europe.

Ce tableau, issu de l’enquête que nous avons spécifiquement réalisée et analysée pour

cette étude, rend compte de la vision qu’ont les jeunes de l’Europe :

« Comment définiriez-vous l’Europe ? » / « Vous sentez vous européen ? »

Oui Non Total

Indifférent 7,1 7,1%

Une communauté 7,1 7,1%

Une zone égalitaire 3,6 3,6%

Une zone peu dynamique 3,6 7,1 10,7%

Zone de valeurs démocratiques 7,1 7,1%

Zone avantageuse pour ses

habitants

7,1

Zone de culture commune 7,1 7,1 14,3%

Une belle région du monde 3,6 3,6%

Pas définissable 3,6 3,6 7,1%

Une zone mal organisée 3,6 3,6%

Une zone multiculturelle 21,4 3,6% 25,0%

Une zone inégale 3,6 3,6%

Total 75,0% 25,0%% 100,0%

Tout au long de ce mémoire, nous nous permettrons d’illustrer nos recherches par des résultats

d’enquête analysés23

, tous les tris à plat correspondants aux questions énoncées en titre des tableaux croisés sont

23

Les résultats n’ont en aucun cas pour but d’infirmer ou de confirmer les réflexions théoriques mais de les

accompagner dans notre démarche de compréhension ainsi que dans la réflexion du lecteur. Ils ont une fonction

de modérateurs. Ces résultats sont le fruit d’un questionnaire passé après de 31 jeunes Marseillais. Le Carnet

d’Enquête, en annexe, explicite les choix sociologiques fait durant cette entreprise. Cependant, nous pouvons

dire maintenant que même si les tableaux croisés seront présentés en pourcentage, les résultats d’enquête ne

prétendent pas exprimer l’opinion générale des marseillais. Ils ne sont que l’expression de champs de réflexion

Page 23: Vers une Europe 2.0?

22 | P a g e

en Annexe 1. Ce premier croisement nous montre une étonnante égalité entre les pourcentages, signifiant que

toutes les raisons sont d’importance égale pour se sentir européen, chaque interrogé adapte ses raisons à sa

propre idéologie. L’Europe est donc un concept encore abstrait mais qui bénéficie d’une malléabilité identitaire

qui semble satisfaire les interrogés. La majorité des personnes ayant répondu Oui au fait de se sentir Européen

définissent cette zone internationale par la multiculturalité. La diversité est donc un des atouts de l’Europe selon

28,5% des interrogés se sentant Européen.

3. L’Europe, pour une « communauté de destin » ?

Aussi, comment peut-on élever une ville en Capitale européenne de la culture, sans

chercher un élément commun dans cette diversité ? Dès lors, pour trouver une réponse à ce

qui donne matière à ce « projet commun », concrétisé par les Capitales Européennes de la

culture, nous nous tournons à nouveau vers Edgard Morin qui jette un regard neuf et

bienveillant sur l’Europe en qualifiant sa conscience comme celle d’une « communauté de

destin »: « La nouvelle conscience européenne est celle d’une communauté de destin.»24

. Pour

ce philosophe, le destin commun signifie de ne pas mourir face aux dangers politiques,

culturels et intellectuels. Morin se réfère au théoricien Otto Bauer qui dans son livre, La

question des nationalités et la sociale démocratie soutient que c’est une communauté de

destin qui donne à une nation son identité, son unité, son vouloir vivre, en dépit de toutes les

diversités humaines et sociales qu’elle contient.

C’est à partir de cet ouvrage que Morin affirmera : « Notre communauté de destin

n’émerge nullement de notre passé qui le contredit. Elle émerge à peine de notre présent

parce que c’est notre futur qui nous l’impose. »25

. Ainsi, loin de vouloir chercher l’identité

européenne dans les tourbillons du passé, Morin propose de nous engager vers l’avenir en

affirmant à la fois à force du présent et la mobilisation qu’impose le destin.

Pour dépasser les divergences et les conflits internes à l’Europe et nous engager,

ensemble, dans un destin commun, il apparaît nécessaire de sentir ce qui fait le lien entre les

pays, ce qui assure leur union. A partir de cet ensemble de forces nous pouvons bien nous

tourner vers l’avenir. Or, la pluralité culturelle apparait comme une menace de division. Ainsi

des personnes interrogés qui délimite les représentations et perceptions invoquées par les questions et leur

thème. 24

: Ibid. p164 25

: Ibid. p168

Page 24: Vers une Europe 2.0?

23 | P a g e

que la notion de multiculturalisme laisse apparaître26

. Sur quels fondements sont assises les

cultures européennes ? Davantage que la culture, la civilisation semble puiser dans des racines

plus profondes la possibilité d’envisager l’avenir…

II. L’Europe, un projet de civilisation.

« Le but de toute civilisation est de faire de l’homme, bête de proie, un

animal dompté et civilisé. »27 .

En effet, après la chute de l’Empire Romain, les différents pays constitués sur le sol

européen ne sont plus des empires. La question est de comprendre si, derrière le

multiculturalisme inhérent à l’Europe, il y a un capital culturel commun aux différentes

cultures européennes. Existe-t-il un fondement culturel dépassant les clivages et permettant

véritablement de donner du sens aux Capitales Européennes de la Culture : quel capital

culturel est commun aux différents pays européens ? En prenant l’angle de la civilisation,

comme capital culturel historique et ethnologique, nous pouvons émettre l’hypothèse d’un

fondement permettant de lier les différentes cultures européennes.

Le tableau qui suit montre bien que l’Europe est avant conçue comme une zone

multiculturelle et difficilement définissable:

Comment définiriez-vous l’Europe ?

Effectifs Pourcentages

Non réponse 3 9,7%

Indifférent 2 6,5%

Communauté économique 2 6,5%

Zone égalitaire 1 3,2%

26

Voir glossaire p 96-98, définition de multiculturalisme et de multiculturalité 27

Nietzsche (1844-1900)

Page 25: Vers une Europe 2.0?

24 | P a g e

Zone peu dynamique 3 9,7%

Zone de valeurs démocratiques 2 6,5%

Zone avantageuse pour ses

habitants

2 6,5%

Zone de culture partagée 4 12,9%

Une belle région du monde 1 3,2%

Pas définissable 2 6,5%

Zone mal organisée 1 3,2%

Zone multiculturelle 7 22,6%

Zone Inégale 1 3,2%

Total 31 100%

Encodage : l’équipe de recherche a ici pris la liberté de « traduire » les réponses des interrogés. La

diversité des thèmes des réponses a été respectée, ce qui explique le nombre élevé de modalités.

Nous pouvons voir que des définitions comprenant des termes du champ lexical de la Culture,

« Zone de culture partagée » et « Zone multiculturelle », couvrent 35,5% des réponses. Nous pouvons donc

comprendre que ces interrogés, qu’ils considèrent la notion de culture au singulier ou au pluriel,

appréhendent l’Europe comme relevant d’une union qui n’est ni économique ni géographique.

1. L’Empire Romain, naissance d’une ou de deux civilisations ?

L’approche de l’historien Arnold Toynbee permet de lier culture et civilisation. Selon

lui, les civilisations se définiraient selon des critères culturels. Nous pouvons donc tenter, à

travers son approche, de voir si le fondement commun aux diverses cultures européennes

n’est pas la civilisation: « Les civilisations sont de très larges groupes sociaux, souvent plus

larges (et même beaucoup plus larges) que ne le sont les Etats, partageant des

caractéristiques culturelles communes, artistiques, religieuses, philosophiques,

linguistiques. »28

. Dans cette perspective nous envisageons donc le « capital culturel » comme

l’hypothèse d’une civilisation commune dont nous serions les héritiers. Toynbee rattache

donc les religions à une civilisation spécifique.

28

. A.Toynbee, L’Histoire : les grands mouvements de l’histoire à travers le temps, les civilisations, les

religions, Paris, Bordas. 1975 Encyclopédie Elzevir

Page 26: Vers une Europe 2.0?

25 | P a g e

Mais, dans le contexte de l’Europe, nous avons affaire à une pluralité de religions sur

le territoire, ce qui ne permet pas de la définir selon ce critère. Il admet pourtant un fondement

commun à l’ensemble des civilisations en insistant sur le fait qu’elles peuvent être :

indépendantes, affiliées à d’autres civilisations ou non affiliées à d’autres civilisations. Il parle

aussi de civilisations satellites et avortées. Selon Toynbee, la civilisation européenne

comprendrait la Chrétienté et la Chrétienté de l'Extrême-Occident.

Toutefois, la plupart des historiens « civilisationnistes » s’accordent en soutenant que

la civilisation occidentale est centrée sur l’Europe de l’Ouest. Mais la question de sa naissance

par rapport à la fin de l’Empire Romain fait débat… Ce qui est certain c’est que la civilisation

occidentale est issue de la civilisation gréco-romaine et de l’Empire Romain. Nous nous

devons toutefois de distinguer dans l’Empire Romain deux zones : l’une au sud de la mer

Méditerranée qui occupe tout le Proche-Orient, et la seconde qui se développera au Nord-

Ouest de l’Empire, allant de la Loire au bassin de l’Escaut et qui formera la civilisation

occidentale. Elle se développera par la suite vers le Rhin, l’Italie du Nord et l’Angleterre puis

vers les pays scandinaves et enfin vers le sud et l’Espagne.

Par conséquent, le début de la civilisation occidentale émerge bien de l’Empire

Romain basé autour de la méditerranée. La civilisation du Proche-Orient (appelée aussi

civilisation byzantine), d’abord présente au sud de la Méditerranée, présente, selon Ph. Bagby,

une grande continuité avec l’Empire Romain qui ne justifie pas qu’on la sépare de celui-ci:

« Une religion avec un dieu unique tout-puissant révélé par un prophète dans un livre sacré ;

des communautés religieuses endogames et séparées résidentiellement comme niveau de bas

de l’organisation sociale, politique et légale ; des chefs sacrés mais non déifiés dirigeant tant

l’Eglise que l’Etat ; des formes artistiques non ou semi-figuratives insistant sur l’immanence

du divin tant chez l’homme que dans la nature ; l’usage du dôme en architecture ; et même

ces traits mineurs comme le hammam ou les styles communs dans l’habillement ou la

préparation de la nourriture. ». Mais, selon Ollivier Galland et Yannick Lemel, il n’y a

aucun doute quant à aux différences caractéristiques du monde méditerranéen et de la

civilisation « occidentale ».29

.

29

: Bagby Ph, Culture as an History. Prolegomena to the comparative Study of Civilizations, Berkeley,

University of California Press

Page 27: Vers une Europe 2.0?

26 | P a g e

Ainsi, l’Europe telle que nous la connaissons aujourd’hui ne correspond pas

entièrement à la civilisation occidentale telle qu’elle s’est développée à partir de l’Empire

Romain puisque les Balkans, par exemple, revêtent aujourd’hui des caractéristiques propres à

la civilisation byzantine. Encore une fois le constat du pluriculturalisme vient faire obstacle à

la tentative de définir l’Europe… Mais la Civilisation Occidentale semble échapper à une

catégorisation selon la religion et le concept de culture s’élargit lui-même en accueillant

différentes religions. Selon Galland et Lemel, tous les civilisationnistes admettent qu’à

compter du 1er

millénaire après J.C jusqu’à aujourd’hui « une même communauté de

civilisation rassemble les habitants de l’Europe de l’Ouest dans une seule aire culturelle »30

.

Ils ajoutent que cette aire se distingue de la civilisation gréco-romaine dont elle est néanmoins

issue ainsi que de l’aire moyen-orientale. La civilisation occidentale qui comprend différentes

religions s’est développée de façon autonome, indépendamment de la civilisation romaine et

greco-romaine.

Mais en dépit des différences entre l’empire gréco-romain et l’aire occidentale, on peut

aussi admettre que cette dernière se situe dans une sorte de lignée naturelle, venant bafouer

l’évidence de caractéristiques mutuelles hétérogènes. « La continuité est souvent jugée si

importante et les racines gréco-romaines si fortes qu’il n’y aurait en fait qu’une seule et

même dynamique à l’œuvre depuis l’Empire romain et, donc, une seule et même

civilisation. »31

.

2. Histoire de la civilisation européenne : une » tentative » d’unification » ?

Dictionnaire du Littré : Civilisation : « Action de civiliser; état de ce qui est civilisé,

c'est-à-dire ensemble des opinions et des mœurs qui résulte de l'action réciproque des arts

industriels, de la religion, des beaux-arts et des sciences. ».

A partir de cette définition « officielle » on peut noter que pour qu’il y ait civilisation

il doit y avoir une histoire commune permettant de rapprocher les différents domaines des

sciences humaines en un même « ensemble » cohérent. Ainsi la culture grecque, par exemple,

a influencé la culture romaine dans l’antiquité et semble avoir jouée un rôle dans la

constitution des différentes cultures européennes. Les grecs sont en effet les fondateurs de la

30

: Valeurs et cultures en Europe, La découverte, p14 31

: Ibid. p15

Page 28: Vers une Europe 2.0?

27 | P a g e

philosophie et de la logique. En outre, l’art grec est aujourd’hui encore conçu comme un

modèle de l’art classique. L’art grec a influencé l’art romain puis celui de la renaissance.

Voilà ce qui peut constituer, par exemple, un aspect de la civilisation européenne.

Intégrer la civilisation byzantine à l’aire occidentale pose le problème de la linéarité

historique qui diverge et qui ne permet pas de rendre compte de l’unicité de la civilisation

occidentale. C’est pourquoi nous envisageons la civilisation gréco-romaine comme une des

sources de celle-ci.

Dès lors, en prenant le parti que la civilisation occidentale est né de l’Empire Romain

et présente depuis 2500 ans une unité et une linéarité, plusieurs conséquences apparaissent qui

nous permettent de mieux appréhender l’identité de l’Europe et l’enjeu des Capitales

Européennes de la Culture. Dans le livre: « L’Europe et ses nations »32

, K.Pomian insiste sur

les tentatives d’unification qu’a eue l’Histoire européenne, en dépit des vicissitudes

historiques et des changements de frontières. Ces « tentatives d’unification » témoignent de

la permanence de l’aire occidentale. Selon cet auteur, il y a eu trois périodes de tentatives

d’unification : la première correspond à l’unification de la chrétienté latine à partir du XIIe

siècle. Il y a « L’espace européen dans toute son extension est quadrillé par le réseau

diocésain aux mailles centrées autour des villes épiscopales avec leurs cathédrales, leurs

bibliothèques, leurs écoles et par le réseau paroissial, beaucoup plus dense, qui sert de

support à l’enseignement élémentaire, l’un et l’autre s’adaptant petit à petit à l’essor des

villes et aux migrations internes. »33

.

La seconde tentative d’unification correspond à une unité culturelle qui s’établit entre

les élites cultivées couvrant la période du XVII à XVIIIe siècle. Avec la naissance de

nouveaux « Espaces publics »34

(société de cours, salons, cafés) la noblesse côtoie la royauté

et permet une unification des arts. La troisième tentative serait en cours et correspondrait à la

tentative de l’Union Européenne: « cherchant à surmonter les oppositions entre Etats-nations

qui ensanglantèrent un siècle durant l’aire géographique européenne »35

.

32

K. Pomian, L’Europe et ses nations, Gallimard, Paris, 1990. 33

Ibid. 34

Cf, Habermas, L’espace public, Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société

bourgeoise. 35

O. Galland et Y. Lemel Valeurs et cultures en Europe, La découverte, p18.

Page 29: Vers une Europe 2.0?

28 | P a g e

Par conséquent, la civilisation européenne serait linéaire, continue, ainsi qu’en

témoignent ces « tentatives d’unification » qui ont parcouru les siècles. Un « héritage

commun » issu de la civilisation gréco-romaine constituerait l’identité culturelle européenne

par-delà les différences nationales. Ainsi, la civilisation européenne serait née dans la lignée

de l’empire romain. Nous nous situons donc dans une perspective ethno centrée où le point de

vue reste celui de l’évolution du territoire de l’Europe de l’Ouest.

3. Richesses des civilisations : la remise en cause d’un modèle culturel fermé sur lui-

même.

« La seule unité de notre civilisation, c’est l’interrogation. »36

.

A partir de ce constat d’une linéarité et d’une continuité entre la civilisation romaine et

la civilisation européenne, on peut se demander si cette dernière est véritablement spécifique à

notre culture. En effet, la civilisation européenne a-t-elle une culture si différente de celles des

autres civilisations ? La culture européenne est-elle spécifique en elle-même ?

Georges Dumézil, émet l’hypothèse, dans son grand ouvrage « Mythes et dieux des

Indo européens »37

, d’une correspondance systémique entre des faits historiques indiens,

iraniens et européens. En partant du postulat d’une parenté des langues indo-européennes, il

montre que des liens sociologiques et religieux lient ces différents peuples entre eux. « Cette

explication des concordances par une parenté génétique, ainsi précisée en explication par un

« héritage commun », se trouve, d’avance, permise même recommandée, par le fait que les

sociétés dont les civilisations seront comparées parlent des langues issues d’une même langue

mère, et que plusieurs de ces langues, notamment, ont en commun, riche et cohérent, un

vocabulaire religieux, politique, juridique, moral ; or, entre ces notions de « langue » et de

« civilisation », à ces époques anciennes plus que de nos jours, les rapports sont étroits. »38

.

Si une langue mère est commune aux différentes civilisations, y a-t-il autres

similitudes ? Dumézil émet donc l’hypothèse d’un « héritage commun » aux peuples Indiens,

Iraniens et Européens. En analysant les grands mythes de ces différentes civilisations, il

36

André Malraux (1901-1976) 37

DUMEZIL, G., Mythes et dieux des Indo-Européens, Flammarion, 1986. 38

Ibid. p553

Page 30: Vers une Europe 2.0?

29 | P a g e

constate une même structure qui se retrouve à un niveau symbolique, ou bien réellement dans

les sociétés. Selon Dumézil, une « idéologie tripartite » est au fondement des sociétés

indiennes, iraniennes et romaines. Ainsi, l’Orient et l’Occident se trouvent liés par delà leurs

différences religieuses et sociétales: il y a un fondement commun, une origine commune à ces

différents peuples ; et cela semble remettre quelque peu en question la notion fermée de

« civilisation européenne ». A travers la circulation des mythes, une richesse interculturelle

s’est développée qui ne se laisse pas facilement enfermée dans un territoire politique. Ainsi,

plutôt que de parler de civilisation européenne, Dumézil parlerait plus volontiers de

civilisation indo-européenne.

Pourtant, prenant parti du constat de Dumézil d’une parenté linguistique et d’un

héritage commun entre les civilisations, on ne peut qu’attester du fait que de tous les temps

les hommes ont voyagé et ont véhiculé des croyances, récits, histoires contribuant à diffuser et

à faire connaître une culture qui sera ensuite intégrée à la société. L’Europe s’affirme

toutefois comme un continent différent des autres dans lequel les arts et la philosophie ne sont

pas limités aux frontières nationales mais se sont diffusés dans une grande partie de ce

continent. Ainsi, si l’on veut maintenir l’existence de la civilisation européenne, on peut la

définir en quelques traits culturels fondamentaux.

En ce sens, la civilisation européenne n’aurait de sens qu’au regard des autres

civilisations qui se sont elles aussi développées. Rémi Brague soutient en effet que l’Europe

se définit par rapport aux autres civilisations mais qu’il est dangereux de faire un retour sur le

passé et la grandeur de notre civilisation en la considérant comme « notre » car cela nous

place dans une position d’amour propre et d’intolérance vis-à-vis de ce qui est étranger.39

En

effet, bien que l’on considère l’héritage grec et romain comme faisant parti de la civilisation

européenne, on les conçoit toujours comme étant « extérieurs » à notre propre culture tout en

voulant nous l’approprier. « Le renvoi à ce qu’une culture à de propre peut l’inviter à exclure

ce qui n’est pas elle comme « sale », étranger. » évoque le philosophe Rémi Brague. Il

propose d’intégrer l’Autre dans la notion propre de la culture européenne. Il soutient que cette

dernière ne peut être que fondamentalement étrangère et refuse l’idée que les européens aient

le sentiment d’avoir une culture commune. C’est pourquoi, s’appuyant sur une lettre du poète

39

Rémi Brague, Europe, la voie romaine Folio Essais 2005, Ed. Criterion

Page 31: Vers une Europe 2.0?

30 | P a g e

Hölderlin il affirme: « Ce n’est que par le détour de l’antérieur et de l’étranger que

l’Européen accède a ce qui lui est propre. »40

.

Selon Rémi Brague l’Europe a un rapport spécifique à la culture. Ce rapport serait une

conséquence de la « secondarité culturelle ». Pour l’européen, la culture est quelque chose

d’étranger. « Pour l’Europe, ce qui est source est extérieur. ». Ainsi, il soutien que la distance

qui nous sépare des anciens grecs n’est pas en principe moindre que celles qui les sépare des

autres cultures. Vouloir s’approprier cet héritage nous éloigne encore plus de celui-ci. Ainsi il

conclue « Etudier les classiques, n’est en rien s’occidentaliser. »41

.

4. La civilisation européenne ou la circulation des arts et des savoirs.

En outre, la notion de civilisation est apparue au XIXe siècle, période liée à la

notion de progrès. En effet, c’est aussi durant ce siècle que l’Europe colonise nombre de pays

et veut civiliser ce qu’elle entend comme « les peuples barbares ». Le mot civilisation,

naissant au XVIIIe siècle, pose bien la question de savoir en quoi ce siècle s’épanouit dans

une perspective véritablement nouvelle. La réponse est peut-être à chercher dans

l’épanouissement d’une philosophie accordant un culte à la raison et au savoir plus qu’à la

religion et à l’obscurantisme des superstitions.

En effet, la Philosophie des Lumières et la création de l’Encyclopédie de Diderot et

d’Alembert marquent bien la volonté de diffuser la connaissance. Son étendue à l’ensemble

des pays d’Europe de l’Ouest atteste de la circulation et des liens culturels en Europe. La

Renaissance va profondément marquer l’identité européenne et la définir davantage en tant

que telle. En effet, au XIVe siècle, le grand mouvement humaniste de la renaissance naquit en

Italie mais se répandit rapidement dans tout le territoire européen. Il se propagea au

XVe siècle dans la plus grande partie de l'Italie, en Espagne, dans certaines enclaves d'Europe

du Nord et d'Allemagne, sous la forme de ce que l'on appelle la première Renaissance

(Quattrocento), puis gagna l'ensemble de l'Europe au XVIe siècle (Cinquecento). Selon

l'historien anglais John Hale, ce fut à cette époque que le mot Europe entra dans le langage

courant et fut doté d'un cadre de référence solidement appuyé sur des cartes et d'un ensemble

40

Rémi Brague, Europe, la voie romaine, Folio Essais 2005, Ed. Criterion, p172-173 41

Ibid.

Page 32: Vers une Europe 2.0?

31 | P a g e

d'images affirmant son identité visuelle et culturelle42

. C’est aussi durant la renaissance que

l’imprimerie est inventée (vers 1450). Ce progrès dans la technique va bien sûr permettre une

énorme diffusion de savoir.

A travers le partage des connaissances et les influences artistiques entre les pays, les

européens ont été unis sous un même paradigme artistique et intellectuel. En outre, une des

caractéristiques de la renaissance fût l’intérêt porté vers les œuvres de l’antiquité. C’est donc

avec le même regard que les européens voyaient leur histoire commune.

Nous venons donc de voir que l’Europe comprend une multiculturalité forte, la

positionnant comme un continent original. En effet, cette diversité culturelle au sein même

d’un continent uni politiquement et économiquement pose le problème de la cohésion des

valeurs et du sentiment de citoyenneté européenne. Pour concevoir et engager tous les pays

européens dans un projet commun, la notion de « communauté de destin » s’impose

effectivement: elle repousse les troubles du passé politique et religieux et incite les européens

à se pencher sur la volonté d’un avenir à créer ensemble. En outre, la culture européenne, bien

que très ancienne, est ouverte sur l’Orient (la question des limites géographiques vers l’est est

sujette à polémique et ne s’impose pas comme évidente, voir ci-dessus).

Si on reconnaît aujourd’hui l’existence de la civilisation européenne, on ne peut nier

les relations qu’elle a entretenues avec la civilisation byzantine et indo-iranienne. Ainsi, il

apparaît que l’élection d’une ville comme Capitale Européenne de la Culture ne va pas de soi.

Comment rendre compte de la diversité de la culture européenne à l’échelle locale ? Qu’est ce

qui rend possible le symbole des capitales européennes de la culture comme vecteur de

citoyenneté européenne ? Nous traiterons dans la partie suivante la question des espaces

publics représentatifs de la multiculturalité européenne à travers l’étude des Capitales et

Villes Européennes de la Culture qui s’achèvera par une étude plus approfondie du cas de

Marseille-Provence 2013.

42

Wikipediahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Renaissance_(p%C3%A9riode_historique) (consulté le 02/12/11)

Page 33: Vers une Europe 2.0?

32 | P a g e

PARTIE 2 / Les Capitales européennes de la culture (CEC): une

symbolisation de l’Europe culturelle.

I. L’idée d’une Europe culturelle.

« Comment une communauté privée de sa dimension culturelle peut-elle s’en sortir ? […]

Notre rôle en tant que ministères de la culture est clair. Notre responsabilité

indispensable. La culture est l’âme de la société. Ainsi, notre plus grand devoir est

d’observer les fondations, la nature de cette communauté. Cela ne signifie pas que nous

devrions imposer notre idéaux. Au contraire, nous devons reconnaitre la diversité et les

différences existant parmi les peuples d’Europe. Le facteur déterminant de l’identité

européenne repose précisément sur le respect de cette diversité avec pour objectif de

permettre le dialogue entre ces cultures d’Europe. Notre voie doit être entendue, autant

que celle des technocrates. La culture, l’art et la créativité ne sont plus aussi importants

que la technologie, le commerce et l’économie.43

” .

Ces paroles prononcées par l’artiste et ministre de la culture grecque Melina Mercouri le

28 novembre 1983 ne fut pas sans répercussions au sein de la Communauté Européenne.

Alors qu’à l’époque, l’Europe était encore une communauté commerciale et industrielle, les

initiatives pour la culture européenne comme vecteur d’intégration et de cohésion entre les

nations apparaissent concrètement.

La question de l’Europe culturelle a cependant connu des débats avant les années

1980, bien que cela reste récent. La mise en place, laborieuse certes, d’une politique culturelle

européenne est le résultat d’une élaboration progressive datant de l’après guerre44

. Au

lendemain de la seconde guerre mondiale et dans le contexte de la construction de l’Europe, la

culture est mise en avant comme ayant des vertus unificatrices. Cette idée est associée au

43

DELBARGE Marc, « The European Capitals of Culture, their past, the future of Europe and the actual

European awareness policy. The cases of Salamanca and Bruges » dans COUDENYS Wim [dir.], Whose

culture(s)? Proceedings of the Second Annual Conference of the University Network of European Capitals of

Culture, Liverpool 16/17 October 2008 : traduit de la citation “How is it possible for a Community which is

deprived of its cultural dimension to grow? (…) It is time for our voice to be heard as loud as that of the

technocrats. Culture, art and creativity are no less important than technology, commerce and economy” p.10 44

BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert. L’Expérience

européenne, 50 ans de construction de l’Europe, 1957-2007, des historiens en dialogues, actes du colloque

international de Rome 2007, ed. Bruylant, Bruxelles, 2010.

Page 34: Vers une Europe 2.0?

33 | P a g e

« mouvement de promotion de l’idée européenne » dont le discours le plus significatif est

celui de Winston Churchill à l’Université de Zurich le 19 sept 1946 sur l’Europe: « C’est

l’origine de la plupart des cultures, des arts, de la philosophie et des sciences à la fois de

l’époque moderne et ancienne. Si les pays d’Europe étaient unifiés par leur héritage commun,

il n’y aurait aucune limite à leur Bonheur, la prospérité commune, et la gloire (…) Nous

devons recréer la famille européenne dans sa structure originelle.»45

.

Même s’il a fallu plusieurs décennies pour l’achèvement d’une véritable politique

culturelle en Europe, l’importance de la culture est présente dans les consciences d’après

guerre. La reconstruction européenne n’apparaît possible aux gouvernements d’après guerre

que grâce à l’unification des peuples en motivant leur sentiment d’appartenance à un même

territoire: « Ces questionnements ont également touché la culture dans la construction de

l’Europe. Si les citoyens européens ne se sentent pas concernés par cette dernière, ne serait-

ce pas parce que la machinerie de l’économie de marché et le discours de la bureaucratie lui

sont en partie étrangers ? Dans ces conditions, le retour à la culture n’est-il pas impératif ?

Ce souci d’une meilleure compréhension mutuelle par l’échange intellectuel est une

préoccupation de pus en plus explicite chez les responsables politiques et chez les acteurs.»46

Par ailleurs, le Traité de Bruxelles signé en mars 1948 par la France, le Royaume-Uni,

la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, est révélateur de cette volonté d’agir dans le

domaine de la culture au delà de ses clauses militaire et économique. Le Conseil de l’Europe

ensuite, créé le 5 mai 1949 consacre non pas sans difficulté l’élaboration d’une coopération

culturelle de nature intergouvernementale et dont la mission est d’unir l’Europe sur le plan

politique47

.

La culture devient un élément identitaire essentiel pour l’unification. Les années 1950

marquent l’apparition d’efforts considérables. L’idée de « l’unité dans la diversité et sa

45

Traduction de la retranscription du discours enregistré sur http://www.cvce.eu/viewer/-/content/5da812de-

3a20-4e2a-9cc1-7e0f90c8f97b/fr;jsessionid=E60A9D3CA7077A0E032A5F49EA8A8B6D : « It is the origin of

most of the culture, arts, philosophy, and science both of ancient and modern times. If Europe was once united in

the sharing of its common inheritance, there would be no limit to the happiness, to the common prosperity, and

the glory (…)We must recreate the European family, in original structure ”- consulté 20 décembre 2011 46

MARES Antoine, « L’Europe médiane dans le « sixième » élargissement de l’Union Européenne », dans

BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, op.cit. p.453 47

LEVY Marie-Françoise et SICARD Marie-Noëlle, « La culture dans l’espace public comme enjeu de la

construction de l’Europe : missions et expériences » dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI

Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, Op.cit., p.198

Page 35: Vers une Europe 2.0?

34 | P a g e

promotion »48

voit le jour et la valorisation du patrimoine prend de l’importance en tant

qu’outil promotionnel de l’histoire et des identités nationales. L’Eurovision, créée en 1954,

exprime également l’idée d’une Europe unifiée. Mais c’est véritablement lors du Sommet de

Copenhague en 1973 que la déclaration des 9 membres de la Communauté Economique

Européenne sur l’identité européenne est adoptée : « Cette variété de cultures dans le cadre

d’une même civilisation européenne, cet attachement à des valeurs et des principes communs,

ce rapprochement des conceptions de la vie, cette conscience de posséder en commun des

intérêts spécifiques et cette détermination de participer à la construction européenne donnent

à l’identité européenne son caractère et son dynamisme propre.»49

.

Il est possible de constater un changement dans la politique culturelle européenne dans

les années 1980, période de l’apparition de ce qui constitue l’objet de notre étude, les Villes

Européennes de la Culture qui seront plus tard appelées Capitales Européennes de la Culture.

En effet, l’évolution des technologies de communication et la mainmise des Etats-Unis sur les

industries culturelles déclenchent des inquiétudes et la nécessité de maintenir l’Europe sur la

scène culturelle internationale. En cela, la question de l’identité européenne apparait comme

centrale face à la mondialisation dans la mesure où il est nécessaire d’être unis pour s’affirmer

sur la scène internationale. En valorisant l’identité européenne, l’Union Européenne (UE) a

l’objectif à long terme de construire une citoyenneté européenne. Cette citoyenneté est un

enjeu de taille dans la mesure où la notion d’Union Européenne se construit avant tout par

l’adhésion des peuples à une idée de l’Europe.

Il apparaît donc nécessaire pour les eurocrates de renforcer le sentiment

d’appartenance des populations à l’Europe, au-delà de leur attache nationale, en faisant

prendre conscience que ce territoire rassemble et permet la cohésion des nations sans les

homogénéiser. Les Villes Européennes de la Culture constituent un exemple symbolique de

cette idée, et s’inscrivent dans un contexte où plus encore, « Le sentiment d’appartenance à

une aire commune de civilisation ne suffit plus. Il faut « organiser les cultures d’Europe »,

construire un espace de soutien mutuel, et si la culture est étroitement liée à l’économie, il

48

Ibid. p.199 49

Parlement européen, Bulletin 1973-1974, Numéros 46-73, pp. 8-9 cité dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE

Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert , Op.cit., p202

Page 36: Vers une Europe 2.0?

35 | P a g e

convient d’avoir un discours stratégique et « d’investir » dans la culture pour permettre à la

fois une meilleure conservation des patrimoines et le développement de la création.»50

.

1. Les Villes Européennes de la Culture.

La ville est un élément clé de compréhension de la civilisation de l’Europe moderne.

En effet, ainsi que le montre Göran Therborn dans « Les sociétés d’Europe du XXe au XXIe

siècle, La fin de la modernité européenne ? », les villes ont une importance notable dans la

conception de modernité et de la société civile « occidentale ». La ville en Europe est un

symbole de modernité, en ce sens qu’elle a exercé un rôle central dans la rupture de la

modernité européenne avec l’Ancien Régime. Pour exemple, dans l’imaginaire collectif, la

ville incarne le lieu de contestation contre les régimes absolutistes. Ainsi, Londres était une

ville contre le pouvoir absolutiste, La Révolution fut une victoire de Paris sur la Cour de

Versailles, les diverses révolutions européenne de 1930 et 1948, qui déstabilisèrent les

régimes de la Restauration, s’inscrivent dans nos mémoires comme des révolutions urbaines,

de même que la Commune de Paris et les révolutions ouvrières du XXe siècle à Pétrograd,

Helsinki, Munich et Budapest51

.

Ce n’est cependant qu’après la seconde guerre mondiale que l’Europe, comme aux

Etats-Unis, a fait de la ville un mode de vie prédominant. Ainsi, « la ville européenne est la

graine de la modernité occidentale »52

. Promouvoir chaque année une Ville Européenne de la

Culture marque en un sens la volonté de prôner un certain modèle européen, un modèle de

modernité symbolisé par la ville et la culture qu’elle possède.

L’initiative des Villes Européennes de la Culture vient ainsi que nous l’avons

précédemment exposé, d’une suggestion de la ministre de la Culture grecque de l’époque,

Mélina Mercouri. En effet, l’idée initiale est lancée à l’échelle inter-gouvernementale en 1985

par le Conseil des Ministre, et non pas par l’action communautaire de l’UE. L’objectif de ce

premier projet était de « rendre accessible au public européen certains aspects culturels de la

50

LEVY Marie-Françoise et SICARD Marie-Noëlle , « La culture dans l’espace public comme enjeu de la

construction de l’Europe : missions et expériences » dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI

Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert , Op.cit., P 204

51

THERBORN Göran, Les sociétés d’Europe du XXe au XXIe siècle, La fin de la modernité européenne ? , ed.

Armand Colin, France, 2009, 374 pages. p.182 52

Ibid. p.181

Page 37: Vers une Europe 2.0?

36 | P a g e

cité, de la région ou du pays en question (…) permettre de faire de la ville concernée le

théâtre d'un certain nombre de contributions culturelles de la part d'autres États

membres »53

. A l’origine, chaque année dans l’ordre alphabétique, un Etat-membre désigné

devait choisir une ville pour organiser l’événement. L’ordre alphabétique n’a pas été retenu,

mais une série de désignations furent faites, et le programme fut lancé en 1985 à Athènes,

première Ville Européenne de la Culture54

.

Entre 1985 et 2004, la désignation se fait par les autorités nationales de chaque Etat

membre réunis en conseil, entrainant forcément la nomination de villes stratégiques: des

capitales telles qu’Athènes, Dublin, Madrid, ou Paris, des centres culturels historiques tels que

Florence, des centres métropolitain comme Glasgow, Antwerp, etc. L’intérêt de valoriser un

pays par sa capitale apparaît essentiel si l’on observe le tableau ci-dessous. La capitale est en

effet le symbole du rayonnement culturel d’un pays.

Tableau 3

Quelle ville en Europe, visitée ou non, trouvez vous la plus attractive culturellement ?

Effectifs pourcentages

Non réponse 1 3,2%

Amsterdam 1 3,2%

Barcelone 6 19,3%

Belgrade 1 3,2%

Berlin 2 6,4%

Budapest 1 3,2%

Lille 1 3,2%

Londres 7 22,5%

Marseille 1 3,2%

Paris 6 19,3%

Prague 1 3,2%

Rome 3 9,6%

53

Commission Européenne, Résolution 85/C153/O2 sur http://ec.europa.eu/culture/our-programmes-and-

actions/doc437_en.htm - consulté le 26 décembre 2011 54

Voir Annexe 3 : Tableau des Villes/Capitales Européennes de la Culture.

Page 38: Vers une Europe 2.0?

37 | P a g e

Total 31 100,0%

Nous pouvons voir en reportant la totalité des villes citées par les interrogés de l’échantillon que la plupart sont

des capitales. Paris et Barcelone sont cités six fois représentant 19,3% des réponses mais Londres reste la ville

avec l’image la plus attractive culturellement avec 22,5%.

A partir de 2005 un changement de sélection est mis en place: le pays présélectionné

est le seul responsable du choix de sa Capitale Européenne de la Culture (CEC). Désormais,

les villes ne sont plus en compétition à une échelle européenne. En 1999, le Parlement

européen et le Conseil de l’UE s’accordèrent sur le fait que les Villes Européennes de la

Culture devaient être sous le statut d’Action Communautaire. De nouveaux critères

d’évaluation soulignèrent notamment la dimension européenne comme élément primordial, en

accord avec les objectifs et actions fournies par l’article 151 du traité instituant l’Union

Européenne55

.

Ainsi, le Conseil désignerait officiellement la ville, qui aurait quatre ans de préparation

pour organiser « un programme d’événements culturels soulignant la culture et le patrimoine

propre à la ville ainsi que sa place dans l’héritage européen commun, et impliquant à

l’échelle européenne les acteurs concernés par les activités culturelles en question dans le but

d’établir une coopération »56

. Par ailleurs, avec l’entrée dans le XXIe siècle, deux villes

seraient élues par année, en réponse à l’arrivée de nouveaux Etats membres et la nécessité de

favoriser l’intégration en diminuant la concurrence entre les villes d’Europe de l’Ouest et les

villes émergentes à l’Est.

L’année 2000 fut la consécration de ce changement. En effet, neuf villes furent désignées, en

tant que geste symbolique pour le millénaire : trois au sud, Avignon, Bologne et Saint Jacques

de Compostelle, trois au nord, Bergen, Helsinki et Reykjavik, trois au centre, Bruxelles,

Prague et Cracovie. Certaines villes furent déçues car elles auraient souhaité une désignation

unique plutôt que partager la nomination. L’objectif était d’aider au développement de projets

communs entre les villes. Même si le nombre de villes désignées varia de une à deux par an à

55 http://ec.europa.eu/culture/key-documents/doc1841_fr.htm (consulté le 25/12/11) 56

PALMER Robert [dir.], Report on European Cities and Capitals of Culture, part one, ed. Parlmer/RAE

Associate, Bruxelles, août 2004, 193 pages. Traduction de la citation « organise a programme of cultural events

highlighting the city’s own culture and cultural heritage as well as its place in the common cultural heritage,

and involving people concerned with cultural activities from other European countries with a view to

establishing lasting cooperation” p. 42

Page 39: Vers une Europe 2.0?

38 | P a g e

partir de cette date, ce n’est véritablement qu’à partir de 2007 qu’officiellement la double

nomination fut mise en place, avec Luxembourg et Sibiu. Bien que les procédures officielles

de sélection des villes se réfèrent à la désignation de Villes Européennes de la Culture, après

2000 apparaît le titre de Capitales Européennes de la Cultures (CEC) que les villes

s’attribuèrent57

. Ainsi, cette appellation peut-être vue comme une stratégie de promotion de la

manifestation. Il apparaît en effet selon le tableau suivant que le nom de « capitale » apparaît

dans l’esprit des populations comme un label désignant la ville comme une puissance

économique, politique et culturelle.

Tableau 4

« Pour vous, quelle est la différence entre Ville et Capitale ? »

Effectifs Pourcentages

Non réponse 1 3,2%

Aucune différence 2 6,5%

Différence de statut économique 4 12,9%

Différence de statut touristique 2 6,5%

La taille 4 12,9%

La capitale est le centre des activités du

pays

9 29,0%

La capitale est la ville représentative du

pays

7 22,6%

Le nom 2 6,5%

Total 31 100%

Les définitions de « Capitale » en tant que « centre des activités du pays » (29,0%) et « ville représentative »

(22,6%) de son pays montre le caractère prédominant que concèdent les interrogés à cette appellation. Les deux

interrogés (6,5%) répondant simplement « le nom » laisse penser que la notion de Label « Capitale » peut avoir

été intégrée chez certaines personnes.

Comme que le mentionne Robert Palmer, dans le cadre des candidatures les différents

principaux secteurs développés sont le théâtre, les arts visuels, la musique, l’architecture, le

patrimoine et l’Histoire, ainsi que les arts de la rue. Les programmes ont été développés en

fonction des différentes approches de la « Culture », depuis sa définition comme art à sa

57

Ibid. p.44

Page 40: Vers une Europe 2.0?

39 | P a g e

définition la plus large, anthropologique. La majorité des villes a opté pour une définition

large de la culture et a essayé de trouver un équilibre entre formes artistiques traditionnelles

et culture populaire (nourriture, traditions, etc.). Par ailleurs, les villes s’attachent à

développer les talents d’artistes locaux par des commandes d’œuvres et appels d’offres

notamment58

. Ainsi, en privilégiant une culture au sens large, la labellisation permet une

grande visibilité du capital culturel local, constitutif d’une partie de la grande diversité du

capital européen.

Les CEC ont un double objectif. A une échelle locale tout d’abord, elles constituent un

enjeu principalement économique et territorial dans la mesure où le label est une opportunité

d’améliorer la ville grâce à la mise en place d’infrastructures et la création d’événements

culturels, et permet de renforcer l’attraction touristique. Pour les villes comme pour l’UE, la

culture est quelque chose qui doit être consommé. L’Europe est la première destination

touristique au monde, la compétition entre les villes européennes est rude, et les CEC espèrent

ainsi bénéficier de la notoriété du label. Par ailleurs ce dernier offre un potentiel à long-terme

pour le développement urbain. Ces atouts servent d’arguments pour convaincre les villes de

candidater : être CEC permet d’améliorer l’économie générale de la ville par la création

d’emplois, la visibilité et l’attractivité et permet l’augmentation des offres culturelles pour les

habitants locaux59

. Pour les villes nouvellement entrées dans l’Europe, le label constitue une

manière d’obtenir une reconnaissance européenne en tant que destination touristique.

En outre, et c’est là l’objectif qui intéresse notre étude, les CEC ont pour objectif la

mise en valeur de la dimension européenne. Tout d’abord, il est important d’évoquer l’enjeu

pour l’Europe de mobiliser les populations locales pour ces projets, car ils sont dans leur

concept des éléments de construction d’une citoyenneté européenne. En effet, en permettant le

partage d’un capital culturel qui se veut aussi européen, les CEC sont censées contribuer à

entretenir voir créer chez la population locale un sentiment d’appartenance à l’Europe. Or, si

l’on se réfère au tableau suivant, il semble difficile de déterminer si le sentiment

d’appartenance à l’Europe est une cause ou un effet de la mobilisation des populations.

58

PALMER Robert [dir.], op.cit., p.64 59

GOGGIN Sarah, The European Capitals of Culture, The politics of a becoming Europe, University of

California, Los Angeles, mai 2009, p. 128 - sur http://gradworks.umi.com/14/72/1472319.html

Page 41: Vers une Europe 2.0?

40 | P a g e

Il semblerait en effet que les populations attirées par le projet sont déjà investies à

l’échelle européenne, il est en revanche trop tôt pour pouvoir estimer si les populations qui

ont été mobilises avec succès ont pu par la suite voir grandir leur sentiment d’appartenance à

l’Europe. Cette réflexion rend le travail de mobilisation du reste de la population d’autant plus

nécessaire.

Tableau 5

Vous sentez vous concerné par le projet Marseille Provence 2013 ? /

Vous sentez vous européen ?

Non réponse Oui Non Total

Non réponse 3,2 3,2%

Ne connais pas 12,9 12,9%

Oui 32,3 16,1 48,4%

Non 25,8 9,7% 35,5%

Total 3,2% 71,0 25,8% 100,0%

Nous pouvons remarquer ici que le pourcentage le plus élévé (32,3%) représente les interrogés se sentant

européen et concerné par le projet. Nous ne pouvons déterminer ici si c’est la dimension européenne du projet

Marseille Provence 2013 qui attire les interrogés mais nous pouvons voir que la moitié de l’échantillon l’est

alors que le plan communicationnel du projet n’était pas lancé au moment de l’enquête.

Par ailleurs, les CEC symbolisent les enjeux européens en ce sens qu’elles mettent en

avant l’ « unité dans la diversité »60

. Ce slogan si l’on peut dire présente les enjeux les plus

importants de l’UE, son idéal de communauté et de coopération, les défis d’une diversité

grandissante avec l’élargissement et une intégration profonde nécessaire dans le futur61

. La

notion de « label » marque bien cette volonté. En effet, elle renvoie non seulement à un gage

de qualité mais également à la volonté de réunir des cultures diverses sous un même étendard

sans tentative d’homogénéisation. Il est possible cependant de s’interroger sur la possible

standardisation des candidatures, dans la mesure où les CEC relèvent aussi de stratégies

marketing.

60

Ibid. p.126 61

Ibid. p.126

Page 42: Vers une Europe 2.0?

41 | P a g e

Les villes désignées cherchent-elles à reprendre des éléments qui ont fonctionné dans

les CEC précédentes ? Cependant, même si les candidatures peuvent avoir tendance à vouloir

se calquer sur un modèle défini, les cultures sont assez différentes pour que les résultats en

soient tout aussi diversifiés. En effet, pour chaque CEC, l’intérêt est en partie de se mettre en

valeur en tant qu’espace européen. Cependant, comme la notion de « diversité » est

contradictoire et ambiguë, chaque ville présente à travers l’événement sa propre vision de la

diversité, entrainant par conséquent des objectifs et résultats différents. C’est notamment à

partir des années 1990 que les CEC changent de visage. En effet, avec Glasgow Ville

Européenne de la Culture 1990, ce label n’est plus uniquement le fait de la haute culture

européenne. Le terme de culture fut étendu aux villes plus industrielles et sans véritable

réputation culturelle. Ce renouvellement impliquait désormais des stratégies de

redéveloppement de la part de ces villes. Les Villes Européennes de la Culture n’étaient alors

plus uniquement une célébration de la Haute-Culture européenne mais également une manière

de revaloriser le territoire européen.

Ainsi, non seulement dans leur concept même, mais aussi dans leur évolution les CEC

consacrent la mise en valeur d’un capital culturel européen des plus diversifiés. Elles sont

l’illustration même de la diversité des cultures, des paysages et des populations, et cette mise

en valeur montre que l’Europe souhaite en faire sa force. Antwerp, Rotterdam, Lille, Ruhr,

Liverpool peuvent être citées comme exemples des villes industrielles dont le territoire a pu

être revalorisé grâce à la labellisation. Ainsi, des enjeux différents motivent les CEC. Si les

villes industrielles à faible capital culturel ont ainsi pour ambition de valoriser leur territoire et

de valoriser leur place en Europe, les pays récemment intégrés à l’Europe voient en cette

opportunité un moyen de faire leur entrée sur la scène européenne62

.

Toutes les villes ont pris en considération les enjeux européens du programme, mais

les approches en sont différentes. Tout dépend en effet de l’interprétation que les villes ont de

cet objectif et la priorité qu’elles lui accordent. Robert Palmer détaille les différentes

interprétations en listant les différentes actions menées par les CEC : présenter des

événements qui s’intéressent aux artistes européens, collaborations ou co-productions entre

différents pays européens, développer des thèmes européens notamment la question de la

multiculturalité et des migrations, identifier et célébrer les aspects de l’histoire présents dans

62

Ibid. p.134

Page 43: Vers une Europe 2.0?

42 | P a g e

la ville et qui sont en lien avec l’identité et l’héritage européens, partenariats entre différentes

villes. A l’échelle des villes, la dimension européenne ne constitue pas la plus grande des

priorités. La majorité y accorde une priorité jugée moyenne63

.

Quoi qu’il en soit, si la dimension européenne du programme reste plus ou moins bien

exploitée par les villes, nous pouvons relever que même de manière implicite les CEC

symbolisent les stratégies de l’UE actuelle.

2. Mise en comparaison des Capitales Européennes de la Culture avec les enjeux de

l’Union Européenne.

Il est possible en s’intéressant à l’historique des villes élues CEC de voir en quoi

celles-ci sont représentatives des enjeux de l’Union européenne et de manière plus large des

enjeux de l’Europe culturelle. En effet, si l’on observe les premières villes choisies, nous

pouvons constater qu’il s’agit de ville situées historiquement au centre de l’Europe : Athènes,

Florence, Amsterdam, Berlin, Paris. Ces villes, toutes capitales ou centres historiques et

culturels de renommée internationale mettent en valeur la haute culture européenne comme

réponse à la mondialisation. En effet, les CEC valorisent le capital culturel européen comme

un front commun qui s’affirme face à la culture de masse diffusée à travers le monde. Comme

nous l’avons vu précédemment, l’expérience européenne montre bien la prise de conscience

de l’UE de réorganiser les Cultures d’Europe pour la construction d’une espace de soutien

mutuel permettant la protection de l’Europe culturelle face aux effets de la mondialisation.

Par ailleurs, en constituant le noyau à l’initiative de la construction de l’UE, ces villes

peuvent être vues comme une véritable consécration de cette union. En effet, la première

manifestation de coopération européenne est la création de la Communauté Européenne du

Charbon et de l’Acier (CECA) le 18 avril 1951, fondée par six pays : la Belgique, la France,

le Luxembourg, l’Italie, le Pays-Bas, la RFA et la France. Cette première sélection de Villes

Européennes de la Culture symbolise l’axe politique traditionnel issu des alliances politiques

dont le centre regroupe l’Allemagne de l’Ouest et la France, alliance qui perdure depuis

l’après guerre et qui reste au cœur de la vision de l’identité européenne, une manière de

reconstruire l’Europe en réconciliant les pays qui s’étaient battus afin de consolider la paix et

d’éviter le recommencement d’une telle tragédie.

63

PALMER Robert [dir.], op.cit., p.85

Page 44: Vers une Europe 2.0?

43 | P a g e

Elles correspondent par ailleurs à la « mégalopole européenne », terme institué par

Roger Brunet dans « Les villes européennes » (1989) et qui correspond à l’axe principal de

l’Europe où se trouvent de fortes densités de population, de grandes villes et les plus fortes

productions et valeurs ajoutées64

. Ainsi, il est possible de voir ici une des limites des CEC

dans leur concept original, c'est-à-dire qu’il est difficile de mettre en lumière la diversité des

cultures et l’intégralité du capital culturel européen à travers la labellisation si elles ne sont

que le reflet de l’UE traditionnelle.

Il nous faut nuancer nos propos selon lesquels les CEC seraient révélatrices des enjeux

de l’UE. En effet, si l’on prend l’exemple d’Istanbul Capitale Européenne de la Culture 2010,

nous pouvons dire que cette ville a été choisie sans que la Turquie n’ait été acceptée dans

l’UE. Il s’agissait cependant de la dernière opportunité d’être désignée pour Istanbul, car

n’étant pas dans l’UE elle se trouvait dans une position compliquée; en effet, depuis 2011, les

villes appartenant à l’UE sont les seules éligibles65

. Par ailleurs, son élection ne lui a pas pour

autant valu son acceptation par la suite. Ce que nous pouvons dire cependant, c’est que

l’élection d’Istanbul comme CEC faisait partie des opportunités offertes au pays pour

valoriser sa culture et favoriser son entrée dans l’Union Européenne.

Cependant, les nombreuses critiques à l’égard d’Istanbul 2010 concernant notamment

le manque d’implication de l’Etat, les actions de stratégie marketing au détriment de la culture

locale, et les incompréhensions concernant la gestion du budget et de l’organisation ont sans

doute joué en défaveur de la Turquie. En outre, les questions de l’élargissement de l’Europe

ainsi que la candidature de nouvelles villes a permis de faire évoluer le label et de mettre un

place un renouvellement plus diversifié et dans une moindre mesure davantage représentatif

de l’Europe culturelle.

3. La question de l’élargissement.

Les villes sélectionnées se sont par la suite diversifiées et plus encore, les CEC des

années 2000 marquent la mise en place d’une double CEC chaque année. Cette nouvelle

procédure peut être mise en comparaison avec la vision binaire de l’Europe qui persiste. En

64

http://www.mgm.fr/ARECLUS/page_auteurs/Brunet14.html (consulté le 23/12/11) 65

http://bordeaux.eurosblog.eu/spip.php?article72 (consulté le 08/01/12)

Page 45: Vers une Europe 2.0?

44 | P a g e

effet, de 1947 à 1989, « la vision binaire de l’Europe s’est imposée d’autant plus facilement

qu’elle convenait aux grandes Puissances »66

. La division géopolitique de l’Europe, de même

que la bipolarité du label, apparaissent d’une part comme un héritage de l’après guerre et de la

Guerre Froide mais aussi de l’hégémonie de l’Europe de l’Ouest, démocratique et capitaliste,

qui a été renforcée par le processus d’unification européenne initié après la Seconde Guerre

mondiale face à l’Europe médiane67

.

L’Europe médiane, ou « Autre Europe »68

connait avant 1989 des transformations

socio-économiques de manière décalée par rapport à l’Europe Occidentale. En effet, elle

passe d’un monde presque entièrement agricole à la société urbaine et bourgeoise. Cette

région est par ailleurs marquée par une affirmation des identités nationale et des langues

vernaculaires, des cultures populaires et savantes. L’Europe médiane, déstabilisée par la crise

et le basculement de certains Etats sous des régimes autoritaires, est sortie affaiblie de la

Seconde Guerre Mondiale, et la plupart des peuples de la région se sont retrouvés annexés par

Staline en passant sous le régime Soviétique. La conférence de Yalta en février 1945 est un

moment décisif pour les relations entre les deux parties de l’Europe, car c’est à ce moment

que les alliés réunis se seraient partagés le reste de l’Europe médiane, laissant un sentiment

d’assujettissement et de méfiance à l’égard des puissances européennes, bien que sur le plan

intellectuel, l’Europe occidentale dominante reste une référence69

.

Ainsi, la réalité de l’« Europe bipolaire [s’est] profondément enracinée à la fois dans

la double hégémonie mondiale américano-soviétique et dans la conviction que cette situation

était durable voire pour certains idéologues, irréversible »70

.

La chute du mur de Berlin en 1989 et les pressions diverses ont poussé l’UE à

reconsidérer ce schéma et de penser le dilemme de l’« élargissement-approfondissement ». En

optant pour des entrées dans l’Union de manière différée, il a fallu 15 ans pour que 8 pays de

l’Europe médiane adhèrent à l’UE, avec des restrictions notamment sur la circulation des

personnes et de l’emploi. En 1990, Chypre et Malte posent leur candidature pour adhérer à la

66

MARÈS Antoine, « L’Europe médiane dans le « sixième » élargissement de l’Union Européenne » dans

BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, op.cit., p.445 67

GOGGIN Sarah, op.cit., p.170 68

MARÈS Antoine, « L’Europe médiane dans le « sixième » élargissement de l’Union Européenne » dans

BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, op.cit., p.440 69

Ibid. p.443-444 70

ibid. p.439

Page 46: Vers une Europe 2.0?

45 | P a g e

CEE, suivies de la Hongrie et la Pologne en 1994, la Roumanie, la Slovaquie, la Lituanie,

l’Estonie, la Lettonie et la Bulgarie en 1995, la République Tchèque et la Slovénie en 1996.

Ce n’est qu’en décembre 2002 cependant, à l’issue des négociations concernant les adhésions,

que la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque, la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, la

Slovénie, la Slovaquie, Chypre et Malte sont officiellement autorisées à adhérer à l’UE le 1er

mai 2004. La Roumanie et la Bulgarie devront attendre 200771

.

Ce contexte géopolitique présentant une Europe à deux vitesses apparaît dans la

labellisation à partir de 2007 avec Luxembourg et Sibiu72

. Les CEC s’inscrivent donc dans ces

enjeux et stratégies d’élargissement progressifs. Cependant, il nous semble nécessaire de

comprendre dans quelle mesure la double sélection apparait non seulement comme une

symbolisation mais aussi comme un des rouages du système de réintégration.

En effet, le programme offre l’opportunité pour les deux villes désignées de se

découvrir mutuellement car un des premiers principes de la double désignation est l’échange

et la coopération. Souvent le site internet des CEC est l’outil qui leur permet de consacrer une

page à l’autre ville désignée, de la présenter et d’argumenter sur les initiatives de travail

commun. Cette coopération peut se faire notamment par le biais de la circulation des biens

culturels et des artistes, par la circulation et l’échange du capital culturel que possèdent

chacune des villes. Mieux encore, certaines villes optent parfois pour la création de projets

partagés, afin d’augmenter leur visibilité sur le territoire. Cependant, il faut aussi s’interroger

sur les possibles effets négatifs de cette procédure qui illustre une Europe inégale73

.

Malgré la mise en place de l’élargissement, la division entre l’Est et l’Ouest persiste à

l’intérieur de l’Union. Durant 50 ans, les deux parties de l’Europe firent l’expérience de

trajectoires économique, politique et socio-culturelle très différentes, isolant les deux parties,

et créant cette dualité qui a par ailleurs détruit l’idée d’une homogénéité possible entre Est et

Ouest. En effet, en s’intéressant à l’élargissement, la puissance hégémonique européenne de

l’Ouest a lancé un processus de réintégration des pays d’Europe de l’Est et Centrale sans

s’interroger sur leurs différences avec l’Ouest, entrainant l’émergence d’une forme de

«westernization » volontaire74

.

71

Ibid. p. 450

72 Voir Annexe 3.

73 PALMER Robert, op. cit. p91

74 GOGGIN Sarah, p. 171

Page 47: Vers une Europe 2.0?

46 | P a g e

Dans le cadre des CEC, les villes ont souvent des objectifs, des cultures et des tailles

différents, rendant difficile le travail en commun. De plus, il est possible que la ville la plus

développée et la plus visible sur le territoire européen puisse se désintéresser de la politique

de coopération. Enfin, et cela semble être un des effets négatifs majeurs, la ville européenne

émergente ne risque t-elle pas de perdre en visibilité, en visiteurs et en sponsors en se

retrouvant dans l’ombre de la deuxième ville à l’ampleur et l’intégration plus développées ?

Face à ce constat, si les CEC symbolisent l’Europe culturelle il est nécessaire de s’interroger

sur la nature de celle-ci pour mieux en appréhender les limites.

II. Au-delà de la méditerranée: Marseille-Provence 2013, Capitale

Européenne de la Culture.

Marseille-Provence 2013 quant à elle pose de nouvelles questions, celles d’une Europe

qui s’étendrait au delà du territoire délimité par l’Union. Elle va, de par son programme et par

sa nature, matérialiser l’Europe culturelle diversifiée, ouverte à la circulation des populations

et des cultures. Marseille-Provence 2013 enfin met en avant l’idée d’un territoire européen en

constante mutation ainsi que nous l’avons vu dans la première partie.

Avant de montrer en quoi Marseille-Provence 2013 cristallise les enjeux actuels de

l’Europe nous pouvons tout d’abord nous interroger sur les raisons de sa candidature. Selon

Bernard Latarjet, il est apparu nécessaire pour la ville de Marseille75

de bénéficier d’un

tremplin pour son développement économique et social afin de rattraper son retard par rapport

aux autres métropoles76

. Ce retard avait interpellé les politiques face à la nécessité de lancer

des projets de rénovation urbaine et sociale face au taux de chômage et à la pauvreté. Le label

a permis à Marseille de bénéficier de dix chantiers d’établissements culturels euro-

méditerranéens dont on attend une transformation durable de la forme et de l’activité de la

métropole. De plus, en s’inscrivant dans une dimension européenne, la CEC soulève la

problématique du rapport entre l’Europe et la Méditerranée, aussi bien à l’échelle de l’UE que

des populations.

75

Voir Annexe 4 : analyse démographique de Marseille. 76

http://www.geographie.ens.fr/IMG/file/PCEU/seance3.pdf - consulté le 22 décembre 2011

Page 48: Vers une Europe 2.0?

47 | P a g e

En termes de culture, la ville de Marseille transforme la frontière européenne en porte

ouverte sur les pays situés de l’autre côté de la méditerranée. Elle marque une volonté de

renforcer le dialogue entre les deux zones. Ainsi que le dit Göran Therborn, « C’est une ironie

géographique que la frontière la plus claire et la plus importante de l’Europe aujourd’hui

soit la Méditerranée alors que cette mer rassemblait une civilisation commune autour

d’elle.»77

. En effet, jusqu’au XVIIe siècle la Méditerranée est au cœur d’un territoire puissant

et Rome était la puissance centrale de cette civilisation. Les invasions barbares ont ensuite

scindé la Méditerranée et favorisé l’apparition de 3 univers distincts : le monde grec groupé

autour de Byzance, l’Occident qui est devenu l’Europe, et la chaine de pays comprenant

l’Inde, la Perse, la Syrie, l’Egypte, l’Afrique du Nord, l’Espagne, la Sicile78

. La Méditerranée,

en étant le lieu de rencontres entre trois religions monothéistes, le judaïsme, Christianisme et

l’Islam s’est transformé en une frontière symbolisant la séparation entre les peuples, animés

par les antagonismes religieux. Encore aujourd’hui, des accords de paix se forment face à la

fragilité de l’entente entre ces pays aux politiques et aux cultures différentes.

Ainsi, dans l’objectif de nourrir les relations entre ces pays, le processus de Barcelone

a été lancé en novembre 1995 sous l’impulsion des ministres des affaires étrangères de quinze

Etats-Membres de l’UE et des quatorze pays méditerranéens de l’époque. Cette initiative

s’appuyant sur la Déclaration de Barcelone a permis d’établir un socle solide pour un

partenariat euro-méditerranéen dont l’élargissement ultérieur a permis la création de l’Union

pour la Méditerranée. Cette alliance est une initiative novatrice et repose sur des principes de

responsabilité commune, du dialogue et de la coopération79

.

L’objectif est de favoriser un espace de paix, de sécurité et de prospérité partagée dans

la région méditerranéenne, en écho à l’Histoire des échanges méditerranéens. Marseille-

Provence 2013 est une réponse à ce projet. La CEC s’inscrit dans le troisième volet du

processus de Barcelone qui s’attache au rapprochement entre les peuples grâce à un

partenariat social, culturel et humain. Le but est de permettre une compréhension mutuelle

entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles.

1. Les projets de l’Association MP2013 répondant à la multiculturalité de l’espace

public.

77

THERBORN Göran, op. cit., p. 44 78

BRAUDEL Fernand, Autour de la Méditerranée, ed. de Fallois, Paris, 1996, 535 pages 79

http://eeas.europa.eu/euromed/barcelona_fr.htm - consulté le 22 décembre 2011

Page 49: Vers une Europe 2.0?

48 | P a g e

La programmation de Marseille-Provence P2013 est révélatrice de cette volonté

d’échanges et de coopération. En effet, il est possible d’observer certains événements prévus

tels que le Festival International des Cinémas Arabes de Marseille (FICA) premièrement, et

le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) par ailleurs. Le

FICA aura pour objectif d’offrir une place en Europe à la cinématographie des pays allant du

Golfe persique à la partie occidentale de l’Afrique du Nord, et qui avait perdu ses promoteurs

depuis la disparition de la Biennale de l’Institut du Monde Arabe en 2008. L’objectif du

FICA est de devenir un lieu de l’histoire et de la création du cinéma euro-arabe et arabe et de

permettre leur développement grâce à la manifestation. Le MUCEM, en mettant en valeur

l’histoire et l’actualité des échanges entre les cultures euro-méditerranéennes, marque aussi

cette volonté de valoriser l’échange et l’ouverture interculturelle80

.

Les ateliers de l’EuroMéditerranée ont pour vocation de créer des espaces durables de

résidences d’artistes sur le territoire de Marseille-Provence 2013. Ils ont pour but d’engager

l’ensemble des acteurs de la société civile : entreprises, établissements publics et associations.

Parmi les nombreux projets, peu sont des créations liées à la culture populaire et en lien avec

le dialogue des cultures. Mais il y a tout de même un véritable souci d’intégrer les œuvres

dans la ville. Nous pouvons retenir particulièrement les artistes suivants :

La photographe Kathryn Cook et l’Association de la Jeunesse Arménienne de France,

qui propose une série de photographies. L’artiste se « concentre sur la mémoire et la

conscience collective dans les sociétés post-génocidaires, notamment en Turquie, au Moyen-

Orient »81

.

La photographe et vidéaste Zineb Sedira : son travail porte sur les questions de

mobilité et d’identité. Le territoire spatial entre l’Algérie et la France rencontre le carrefour de

la méditerranée, thème central de son œuvre. C’est pourquoi la vidéo sera tournée vers le port

de commerce. « L’artiste souhaite construire un projet sur l’histoire orale, la mémoire et la

transmission à travers la relation au port et au travail. Ce projet constituera une valorisation

et une mise en perspective du rôle clé du port de Marseille dans l’histoire des flux

commerciaux et migratoires. »82

.

Antoine d’Agata dont le projet Odyssée consiste à suivre des migrants tentant de venir

en Europe. Grâce à la vidéo et à la photo, il vit le quotidien de ces personnes. « Les lieux

80

http://www.mp2013.fr/ - consulté le 23 décembre 2011 81

http://www.mp2013.fr/ - consulté le 13 décembre 2011 82

http://www.mp2013.fr/ - consulté le 13 décembre 2011

Page 50: Vers une Europe 2.0?

49 | P a g e

photographiés seront anonymes, non définis, non identifiables géographiquement:

installations portuaires, aire d’autoroute, cales de bateau, routes, foyers, centres de

rétention, camions, etc… ». Deux expositions auront lieu à Marseille : au MUCEM et à

l’ABDP et une exposition à Kosice en Slovaquie.

Wael Shawky et le projet d’adaptation du livre d’Amin Maalouf, Les croisades vues

par les Arabes. Les établissements accueillants: École de céramique & entreprises de

santonniers du Pays d’Aubagne.

Marseille, de par son histoire et sa nature, se trouve face à la nécessité d’unir les

cultures qu’elle comporte. En effet, elle est une ville d’immigration de par son ouverture sur

la mer et les origines de sa population sont diversifiées. Unir les cultures permettrait ainsi une

meilleure acceptation des différences et donc une meilleure intégration des populations

numériquement minoritaires. Au cours du Moyen Age, l’Europe de l’Ouest est devenue une

région mono culturelle. Les juifs et les musulmans furent expulsés de la plupart des pays

notamment en conséquence aux guerres de religion et à l’objectif de l’Empire Chrétien

d’intégrer dans les esprits la devise « cujus regio ejus religio ».

Pourtant, si l’on s’intéresse à l’Europe dans son sens le plus large, l’Islam est

solidement implanté dans certaines régions d’Europe notamment en conséquence à la

domination ottomane dans les Balkans et mongole en Russie. Ainsi, un nombre important de

musulmans vit en Albanie, Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie, au Kosovo, en Macédoine, en

Russie et en Serbie. A l’échelle de l’Europe, le manque de main d’œuvre pour la

reconstruction après la Seconde Guerre mondiale a entrainé la nécessité de faire appel à une

main d’œuvre musulmane, d’origine Turque pour l’Allemagne et la Belgique, et d’origine

Maghrébine pour la France et les Pays-Bas. Par ailleurs, la France a été marquée par

l’immigration depuis le début du XXe siècle.

En effet, avant la Première Guerre mondiale, l’immigration coloniale toucha le pays en

1905-1906 et environ 70 000 nord-africains vivaient en France au milieu des années 1920.

Les algériens, les plus nombreux, étaient selon les chiffres officiels au nombre de 212 000 en

1954, à la veille de la Guerre d’Algérie83

. Dans ce contexte, Marseille a une place particulière.

En effet, de par son port qui ouvre la ville sur la méditerranée, elle est « la porte de l’Orient »

83

THERBORN Göran, op. cit., p50

Page 51: Vers une Europe 2.0?

50 | P a g e

et de l’Afrique »84

. Si la présence de l’Islam est un fait à Marseille depuis plusieurs siècles, il

n’en reste pas moins que le XXe siècle marque une période décisive. Les populations de

culture musulmane s’établissent en grand nombre à Marseille. En effet, c’est notamment

pendant la guerre de 14-18 que l’on peut relever les premières vagues de main d’œuvre, mais

surtout la mise en place de la liberté de circulation entre l’Algérie et la France ouvre la

possibilité d’entrée de travailleurs maghrébins dans le cadre de la reconstruction d’après-

guerre. Les années 1960-70 marquent aussi l’augmentation des populations immigrées

d’Afrique du Nord. L’accélération des taux de croissance a conduit à amplifier le recours aux

immigrés, et les maghrébins remplacent à Marseille les italiens et les espagnols dont

l’émigration s’est arrêtée85

. Ces mouvements de populations pour le travail se sont par la suite

transformés en migrations de peuplement, entrainant une nécessité d’intégration et de

cohésion entre des populations différentes.

Cela nous amène à nous interroger sur les questions actuelles concernant les enjeux

d’intégration car les populations vivant sur les territoires d’accueil tendent à se diviser par

nationalité d’origine, résultat d’une double réaction : celle de la population immigrée qui

souhaite conserver une attache à ses origines, et du pays d’accueil dont le contrôle politique

de ces populations reste une priorité86

. Cette division des populations entraine de nombreux

débats, notamment sur la question du multiculturalisme face au problème des cultures qui

s’efforcent de cohabiter plus qu’elles n’interagissent87

. A l’échelle des populations, bien

qu’elles ne soient pas à négliger les actions politiques et économiques ne peuvent constituer

les seuls vecteurs d’intégration.

La culture joue également un rôle de rassemblement des individus. En 2013, Marseille

aura une place particulière dans ce contexte et rassemble d’ores et déjà ces enjeux

d’intégration des populations par la culture grâce au projet CEC. A travers les « Actions de

participation citoyenne »88

par exemple, MP2013 a l’ambition de faire participer la

population de différentes manières. A travers les différentes manifestations proposées en

2013, les organisateurs prévoient la mise en place de grands rassemblements des individus par

le biais manifestations culturelles populaires (visites artistiques du territoire, parades, veillées

84

http://www.revues-plurielles.org/_uploads/pdf/47/248/12_13.pdf - consulté le 22 décembre 2011 85

http://www.ina.fr/fresques/reperes-mediterraneens/fiche-media/Repmed00020/la-communaute-musulmane-a-

marseille.html, consulté le 22 décembre 2011 86

THERBORN Göran, op. cit. p 51 87

Ibid. p. 257 88

http://www.mp2013.fr/au-programme/actions-participation-citoyenne/ - consulté le 26 décembre 2011

Page 52: Vers une Europe 2.0?

51 | P a g e

dansantes, lectures publiques, etc.). Des ateliers pour les enfants seront également mis en

place dans le cadre des grandes expositions prévues. Les « Actions de Participation

Citoyenne » et « Faits et gestes », qui a la forme d’un projet de photo incitant les visiteurs à

créer leurs photos, visent à ce que tout le monde participe. « Nous voulons proposer aux

habitants de notre territoire comme aux visiteurs d’être de véritables acteurs de la Capitale

Européenne de la Culture. Cette participation pourra concerner tous les publics et prendra

des formes diverses. »89

.

Par conséquent, les projets sont en lien avec le discours de Bernard Latarjet90

qui dès

le prologue du programme Marseille-Provence 2013 replace la ville de Marseille dans le

contexte global d’une ville au cœur de la méditerranée et revient sur cette dernière pour

défendre le dialogue des cultures: « Carrefour privilégié des peuples, des cultures, des

économies et des religions, la Méditerranée concentre tous les désordres de la planète. Elle

peut être aussi l’espace de leur apaisement et d’une invention exemplaire de nouvelles

solidarités. L’Europe est engagée dans ce défi. Non seulement par son histoire et sa

géographie, mais aussi parce que la présence sur son sol de communautés de plus en plus

nombreuses, originaires des suds et de l’Orient, l’attache plus fortement à ses voisins. »91

.

Marseille, lieu de multiculturalité, est détentrice d’un capital culturel diversifié. En

intégrant cette volonté de participation citoyenne à son programme de Capitale Européenne de

la Culture, elle affiche une volonté de mélanger les cultures, de permettre une interaction

entre des populations séparées, et de favoriser le dialogue non pas seulement entre les Etats

mais aussi et surtout à l’échelle locale. En intégrant les cultures du Maghreb au programme de

CEC, nous pouvons observer une volonté de faire de ce capital culturel une partie du capital

culturel européen, et de favoriser l’intégration de ces populations à l’Europe. Cet enjeu est

soulevé dans l’ouvrage collectif « L’Expérience européenne, 50 ans de construction de

l’Europe, 1957-2007, des historiens en dialogues »92

, montrant que l’européanisation doit

prendre en compte l’arrivée de immigrants qui se posent la question de la culture à laquelle se

raccrocher.

89

http://www.mp2013.fr/ - consulté le 13 décembre 90

Voir Annexe 5 : Présentation de Bernard Latarjet et analyse de son discours. 91

http://www.mp2013.fr/presentation-2/prologue/ - consulté le 07 janvier 2012 92

BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert. Op. cit.

Page 53: Vers une Europe 2.0?

52 | P a g e

En effet, l’intégration de ces populations s’effectue en rapport non pas à la culture

européenne traditionnelle mais à la culture nationale du pays d’accueil, qui est l’espace auquel

les immigrés se réfèrent. Ainsi, pour le non-européen en Europe, « la culture nationale de son

pays d’accueil n’est pas vraiment perçue comme un sous ensemble de la culture européenne,

c’est la culture européenne qui est plutôt vue comme une partie de sa nouvelle culture

nationale, la partie probablement la plus figée, la moins ouverte sur le monde.»93

.

2. Les CEC et la constitution d’une mémoire européenne.

La conservation d’un capital culturel commun à travers la mise en place d’une

mémoire et d’un patrimoine européen.

Ainsi que l’explique R. Franck, « La mémoire et la présence du passé ne peuvent pas ne pas

compter dans la fabrication d’un espace public européen. Un minimum de mémoire commune

est nécessaire.»94

. Dans le contexte historiquement conflictuel des nations, du concept récent

de l’UE et de l’entrée des nouveaux pays dans le cadre de l’élargissement, la création d’une

mémoire commune européenne est essentielle, mais c’est une tâche complexe. . Nous

pouvons voir à travers les résultats d’enquête présentés si dessous que la notion de mémoire

commune est un facteur de considération d’une culture européenne.

Tableau 6

Quelle est votre définition de la culture Européenne ?

Effectifs Pourcentages

Non réponse 19 61,3%

Pas définissable 2 6,5%

Une histoire commune 4 12,9%

Une culture de la démocratie 2 6,5%

Une zone forte de plusieurs cultures

nationales

4 6,5%

Des traits communs entre les européens 2 6,5%

Total 31 100%

93

FRANK Robert, « Espace de référence culturelle, mémorielle et symbolique, espace public et démocratie

européenne », dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert.

Op.cit., p. 215 94

Ibid. p. 216

Page 54: Vers une Europe 2.0?

53 | P a g e

Nous pouvons remarquer que les définitions sont moins nombreuses que celles données pour l’Europe. Ce

fait s’explique peut -être par le pourcentage élevé d’interrogés ayant répondu « Non » (51,6%)95

à la question

« considérez vous qu’il y ait une culture européenne ? ». Pourtant nous voyons que la réponse « une histoire

commune » a été citée plusieurs fois, ce qui laisse penser que la question de la mémoire commune entre

européen est capitale pour certains interrogés.

L’Europe a été marquée par les conflits nationaux et la difficulté de concevoir un futur

commun montre bien la difficulté de construire une mémoire européenne. La mémoire

tragique des guerres est omniprésente et renvoie à des espaces mémoriels nationaux. Or, il

faudrait « que les imaginaires apprennent à adopter un espace de référence européen, et pas

seulement national »96

. Le tableau ci dessous interroge les sentiments d’appartenance à la

France et à l’Europe.

Tableau 7

« Vous sentez vous européen ? » / « Vous sentez vous français ? »

Non réponse Oui Non Total

Non réponse 3,2 3,2%

Oui 64,5 6,5 71,0%

Non 16,1 9,7 25,8%

Total 3,2% 80,6% 16,1%% 100,0%

Nous pouvons voir avec ce croisement que le sentiment d’être français (80,6%) est plus souvent exprimé que

celui d’être européen (71,0%). Pourtant 80,2 % des interrogés qui se sentent français se sentent aussi européen,

montrant que le sentiment d’appartenance au pays est souvent compatible avec le sentiment d’appartenance à

l’Europe. Nous pouvons préciser que dans les réponses positives à la question « Vous sentez vous européen ? »,

trois interrogés ont voulu préciser qu’ils se sentaient également « Marocaine », « Marseillais » et

« Méditerranéen ».

La culture peut être conçue en cela comme un espace de construction des imaginaires

collectifs. Les réflexions sur la conception d’une mémoire européenne sont apparues pour la

première fois en 1964 lorsque le Conseil de l’Europe tente d’instaurer le 5 mai la

95

Voir carnet d’enquête page 96

ibid. p.228

Page 55: Vers une Europe 2.0?

54 | P a g e

commémoration de la naissance du Conseil datant de 1949. Le 9 mai 1950 est par ailleurs

choisi par le conseil européen de Milan comme « Journée de l’Europe ». Cet événement

illustré par la figure au style naïf d’un enfant comme affiche officielle, a été l’objet de

critiques et les eurocrates se sont trouvés accusés de vouloir négliger la commémoration de

l’holocauste, voire de vouloir faire table rase du passé.

Ceci est révélateur de la difficulté pour l’Europe de trouver un compromis, c’est à dire

de penser le futur sans pour autant oublier le passé97

. Les CEC peuvent constituer un premier

pas vers l’élaboration d’une mémoire positive commune tournée vers le futur. En effet, dans

la manière dont elles symbolisent l’Europe culturelle, les CEC sont un moyen de constituer un

patrimoine collectif européen. Elles éclairent les valeurs du passé à travers le patrimoine et

l’histoire de chaque ville candidate, montrent la richesse du présent par la création artistique

et les chances du futur grâce notamment à l’espérance d’une attraction touristique durable98

.

Les CEC ont donc un rôle dynamique dans la prise de conscience culturelle européenne et

dans la formation d’une mémoire commune.

En parallèle, les CEC sont aussi perçues comme des objets de mémoire à part entière.

Durant la Rencontre d’Avignon en 2009 le conseiller à la culture du Maire d’Athènes Rodolfo

Maslias évoque la création d’un centre de documentation pour la sauvegarde du patrimoine

CEC, montrant bien que ce label est considéré comme un patrimoine culturel européen99

. Ce

projet illustre donc la volonté d’envisager une manière de sauvegarder les traces de ces

événements. Ce projet à l’initiative de la ville d’Athènes devait permettre après son ouverture

en 2010 l’accès à une base de données centralisant chaque ville élue et les recherches

scientifiques effectuées sur les capitales.

De manière plus concrète, cette initiative prévoyait également une exposition

itinérante débutant à Istanbul Capitale Européenne de la Culture 2010. Par ailleurs, un moyen

efficace de construire une mémoire commune en se tournant vers le futur est de solliciter les

générations futures, mobiliser la jeunesse européenne en renforçant leur sentiment

d’appartenance à l’Europe. Cette initiative a déjà commencé par le biais de programmes

d’échanges tels qu’Erasmus.

97

Ibid. p.221 98

DELBARGE Marc, « The European Capitals of Culture, their past, the future of Europe and the actual

European awareness policy. The cases of Salamanca and Bruges » dans COUDENYS Wim [dir.], Ibid. p.17 99

Retranscription de l’intervention de Rodolfo Maslias durant les Rencontres d’Avignon, 2009

Page 56: Vers une Europe 2.0?

55 | P a g e

Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que mettre en valeur la diversité des

cultures et la rendre visible aux yeux des européens par le biais de manifestations telles que

les Capitales Européennes de la Culture est une manière de faire prendre conscience que tous

appartiennent à un même territoire et qu’il est nécessaire de s’accepter dans sa différence.

Ainsi en est-il de l’idéal européen. Mais véritablement, il nous est apparu essentiel de nous

interroger sur la réalité de ce sentiment d’appartenance des européens, en nous concentrant

principalement sur la population qui constitue le futur de l’Europe, la jeunesse européenne.

Page 57: Vers une Europe 2.0?

56 | P a g e

PARTIE 3 / Le sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et la

pratique d’une citoyenneté européenne.

I. Territoires et représentations.

1. Définition des termes.

a. Territoire : approches sociologique et géopolitique.

Avant de nous intéresser au sentiment d’appartenance à un territoire, il convient

d’apporter un certain nombre de définitions et d’éclaircissements, au sujet des notions que

nous emploierons. Ces définitions devraient nous permettre de soulever plusieurs questions,

utiles pour mieux comprendre l’Europe, au regard toujours, de la jeunesse des « Digital

Natives »100

, que nous aborderons dans la partie suivante.

Définir la notion de « territoire » n’est pas chose aisée aujourd’hui, car une palette de

nuances l’accompagne et tend à rendre son utilisation ardue. Il convient donc de nous pencher

sur ses significations, afin de faire ressortir celle(s) qui servira(ont) au mieux nos propos. Le

dictionnaire Larousse définit le territoire comme « une portion identifiée et appropriée de la

surface de la Terre ». Deux termes essentiels ressortent de cette première explication :

« portion » et « identifiée »101

. Il s’agit de mettre en exergue un espace défini, dont la

structure dépend du point de vue qui est pris. L’approche sociologique de la notion nous

donne à voir le mot « territoire », comme un moyen de lier les hommes entre eux et donc de

les sociabiliser par le biais d’un espace spatial et identitaire.

Guy Di Méo, chercheur en sciences sociales et auteur de l’ouvrage « Les territoires du

quotidien », donne la définition suivante: « Le territoire est une appropriation à la fois

économique, idéologique et politique (sociale, donc) de l'espace par des groupes qui se

donnent une représentation particulière d'eux-mêmes, de leur histoire.» 102

Dès que nous

parlons de territoire, la question de l’identité entre en jeu et ce, quelle que soit l’approche

utilisée. Le territoire constitue alors la représentation spatiale qui symbolise cet ancrage

identitaire de la population. D’un point de vue géographique, il est délimité par des frontières

qui, à différentes échelles, marquent l’organisation géopolitique d’un groupe de personnes.

Celui-ci est régit par des rapports au pouvoir et des modes de vie qui lui sont propres. Les

100 Voir glossaire p.96-98

101 Dictionnaire Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/territoire/96698 102

DI MEO Guy, Les territoires du quotidien, l'Harmattan, 1997

Page 58: Vers une Europe 2.0?

57 | P a g e

idées rattachées à la notion de « territoire » sont nombreuses, et il est donc primordial de le

penser comme une construction mentale et abstraite de l’esprit. Il convient dans nos propos,

de le penser en tant qu’idée, et non pas en tant qu’objet concret.

Il est également important de nous pencher sur le territoire dans son approche

anthropologique. Celle-ci prend en compte les pratiques individuelles et collectives des

individus. Parler de territoire implique souvent que l’on étende nos propos à la notion de

territorialité. Par ce terme, on sous-entend les acteurs du territoire. Une part de dynamisme est

ajoutée à ce dernier concept: le territoire n’est ni passif, ni inerte. Il est habité par des acteurs,

ce qui renvoie à l’idée qu’y sont liées des pratiques. Celles-ci sont socialement définies par ce

que font les acteurs dans leur quotidien, c’est-à-dire au plus près de leurs gestes ordinaires. La

territorialité est associée à cette définition sociologique où l’on s’intéresse à la manière des

acteurs de ployer leur façon de vivre, de faire et de parler. Nous pouvons voir sur le tableau ci

dessous que le sentiment d’appartenance au territoire de Marseille peut être expliqué par ces

déterminants.

Tableau 8

« Qu’est ce qu’être marseillais signifie pour vous ? » 

Effectifs Pourcentages

Non réponse 5 16,1%

Etre né à Marseille 8 25,8%

Connaître la ville 1 3,2%

Participer aux activités liées au

territoire

2 6,5%

Connaître la vie maritime 1 3,2%

Avoir une mentalité spécifique 6 19,4%

Avoir un sentiment d’affection pour

Marseille

6 19,4%

Avoir l’accent 1 3,2%

Être méditerranéen 1 3,2%

Total 31 100,0%

Page 59: Vers une Europe 2.0?

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La majorité qui se dégage ici exprime le fait qu’être marseillais signifie être né dans la ville (25,8%). Nous

aurons plus de précisions sur cette notion en croisant cette question. On voit pourtant dès maintenant qu’une plus

grande majorité (38,8%) considère cette notion comme étant faite de facteurs abstraits : « Avoir une mentalité

spécifique » et « Avoir un sentiment d’affection pour Marseille ».

Comme nous l’avons vu, le territoire peut être assimilé au mot « espace ». Sur

un plan anthropologique, cela permet de mieux cerner le fait qu’il ne recouvre pas qu’une

seule réalité : il faut distinguer un espace géographique, d’un espace anthropologique. Le

terme de territoire « pratique » peut donc se rapporter à la notion d’espaces différents. La

notion d’espace pratique est rattachée à la façon d’agir, d’évoluer dans l’espace. Pour le

philosophe et anthropologue Michel De Certeau4, il convient par ailleurs de différencier

l’espace de la notion de lieu, qui implique à l’inverse, l’idée de stabilité. Le territoire met en

relation le mouvement, les pratiques et le récit. Ces trois dimensions connotent l’idée de

dimension symbolique de l’espace, et sont corollaires de l’idée que l’espace est un vécu, qui

s’inscrit dans des politiques, dans la culture, et dans un rapport de force.

Comme nous le verrons en étudiant l’appartenance aux territoires, l’espace est un endroit

où se pose la question de l’identité locale : il n’est pas naturel, et cela montre bien qu’il donne

lieu à de nombreuses représentations. Le local est un tout représentatif de toutes les formes de

territorialités qui existent chez les habitants.

b. Le territoire et le discours qui l’accompagne

Quel que soit le territoire étudié, il convient de différencier ce qu’il est véritablement, de

ce que l’on en dit. Comme nous l’avons vu, l’espace est une notion avant tout symbolique, qui

s’inscrit en fonction des représentations que l’on en a. Le discours s’appuie sur la

déconstruction spatiale du territoire, tel que les représentations le façonne. Nous allons étudier

comment se définissent ces différentes échelles territoriales, celles qui composent la France

notamment. Il est important avant cela, de voir en quoi le discours influe sur la perception que

l’on se fait du territoire. Pour Gyula Csurgai, auteur de « La nation et ses territoires en Europe

centrale: une approche géopolitique », « Le territoire entretient un rapport privilégié avec un

discours linguistique contenant les thèses principales fondant, sur la base de certaines

prémisses, les objectifs de la nation.» 5

L’auteur explique que les stratégies - qu’elles soient

4 DE CERTEAU Michel, L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard [1980], 1990

5 CSURGAI Gyiulia, La nation et ses territoires en Europe centrale : une approche géopolitique, Éditions

scientifiques européennes, 2005 (p.49)

Page 60: Vers une Europe 2.0?

59 | P a g e

géopolitiques, sociales, géographiques ou économiques - dépendent du discours mis en place

à l’échelle d’un territoire (la nation est l’exemple cité), celui-ci étant basé sur les objectifs liés,

entre autre, à ses données matérielles.

On fait sens et l’on imagine des décisions au sein d’un pays, à partir de significations du réel

que l’on assimile à celui-ci. Davantage que sur leurs données matérielles, les territoires se

fondent aussi sur leurs mythes. Le temps et l’espace influent sur le discours qui est apposé à

un territoire en particulier. Nous retiendrons ici, l’idée que le discours est à l’origine des

représentations symboliques, de l’identité d’un espace donné. Cela nous aide à mieux

comprendre les enjeux et discussions qui animent aujourd’hui l’Europe. Pour nous

accompagner dans cette réflexion, nous pouvons remarquer avec les résultats suivants qu’un

échantillon réduit peut amener une diversité de réponse étonnante sur les représentations des

praticités de l’Europe.

Tableau 9

« Quel avantage voyez vous à être européen ? »

Effectifs Pourcentages

Non réponse 5 16,1%

Aucun 3 9,7%

La libre circulation des personnes 11 35,5%

La zone commerciale 1 3,2%

La monnaie unique 2 6,5%

Les libertés individuelles 2 6,5%

Les aides financières 1 3 ,2%

La démocratie 2 6,5%

Le partage des cultures 2 6,5%

Le niveau de vie élevé 2 6,5%

Total 31 100,0%

Page 61: Vers une Europe 2.0?

60 | P a g e

La « libre circulation des personnes » est, selon notre échantillon, l’atout le plus avantageux de la

condition européenne (35,5%). Le reste de la population se partage entre des raisons économiques et des

raisons d’ordre culturel. Nous pouvons remarquer que l’interrogé ayant répondu « les aides financières »

peut peut-être confondre les avantages de la France avec ceux de l’Europe car il n’existe pas de programme

d’aides sociales individuelles financé par l’union Européenne.

c. Territoire culturel.

Les définitions du territoire que nous avons apportées sont jusque-là, orientées de sorte

que les enjeux économiques, géographiques et sociaux apparaissent clairement. Mais le

territoire se doit d’être relié plus directement à notre questionnement de départ. Il s’agit alors

de comprendre ce qu’est un territoire culturel et quels sont ses enjeux propres. Par définition,

celui-ci va de pair avec les autres approches que nous avons vu, car la culture tient une place

prépondérante dans le développement local. Elle est un moyen de maintenir le lien entre les

collectivités locales, comme le ciment qui lie les territoires entre eux, en en façonnent de

nouveaux, à différentes échelles.

Au sein d’un espace symbolique, la culture est à mettre en lien direct avec cette idée que

l’espace symbolique est facteur d’une identité commune. De fait, la culture peut être

considéré comme un élément né d’un espace géographique existant : elle est alors liée à

l’histoire d’une collectivité territoriale ou d’un pays, et a pour rôle de rassembler les habitants

d’un territoire, autour d’un nouvel aspect. Elle peut par ailleurs exister de façon plus

transversale, et se moquer des territoires géographiques. Il s’agit alors de relier les individus

autours de valeurs culturelles communes, et de mettre en exergue un nouveau territoire

symbolique. Les politiques culturelles ont pour objectif de renforcer et d’unifier les acteurs

culturels (les artistes, les élus…) au sein des territoires. Selon les pays, certains ne disposent

pas de budget d’intervention culturelle susceptible de leur permettre la mise en œuvre

d’actions culturelles vastes. Les collectivités en revanche, en ce qui concerne la France du

moins, assurent en partie le développement d’actions culturelles. Au niveau du territoire local,

il s’agit de comprendre la culture comme un moyen de renforcer l’identité des habitants, et de

mettre celle-ci en valeur à plus grande échelle.

2. Jeux d’échelles : Villes, régions, pays et Europe

Un territoire est donc un espace qui se pense de façon symbolique et en fonction de ce

que l’on va choisir d’observer. L’espace géographique se décline en unités qui s’emboîtent, et

Page 62: Vers une Europe 2.0?

61 | P a g e

qui sont imaginées par rapport à la concentration des activités humaines. Nous verrons dans

cette partie, quelles sont ces différentes unités territoriales, ce qu’elles signifient, et comment

elles sont amenées à se compléter.

a. Les unités territoriales

La ville est un espace urbain marqué par des modes d’occupation et d’appropriation

qui lui sont propres. Elle correspond à une configuration spatiale des identités locales, avec

des modes de fonctionnement tels que des rassemblements populaires, des concerts ou encore

des compétitions sportives. En sociologie, on s’intéressera à la ville comme espace où se

développent les rapports sociaux d’un groupe de personnes au niveau local. Ces rapports

s’articulent notamment autour des facteurs professionnel et résidentiel, et participent à la

production d’une identité locale. De fait, s’appuyer sur la population semble être l’indicateur

le plus pratique pour apposer une définition convenant à la notion que nous étudions. Un

nombre moyen et variable selon les pays, tend à définir le critère principal qui définit ce

qu’est une ville : en France, on parle de « ville » dès lorsqu’une agglomération dépasse les

2 000 habitants.

Au Danemark, il faut compter 250 habitants seulement pour qu’une ville soit

considérée comme telle. Pour s’appuyer sur ce critère, il convient donc de poser des limites

physiques au territoire. Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs au sein de l’espace public local, sont

des représentants des chambres de commerce et de l’industrie, des décideurs, des

entrepreneurs ou des membres d’associations citoyennes. Depuis la décentralisation, ceux qui

prennent la parole à l’échelle locale pour en construire une certaine représentation, sont de

plus en plus nombreux. Il existe un engouement certain pour le local, qui peut paraître

paradoxal, en vue de la mondialisation des marchés, des territoires, alors que l’ensemble des

frontières (financières, géographiques…) essaie de s’ouvrir.

Le dictionnaire Larousse définit la région comme un « territoire dont l’étendue

variable est déterminée soit par une unité administrative ou économique, soit par la

similitude du relief, du climat et de la végétation, soit par une communauté culturelle »6. La

région correspond donc à une zone géographique relativement étendue au sein d’un pays, qui

6 Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%A9gion/67635 (consulté le 12/12/11)

Page 63: Vers une Europe 2.0?

62 | P a g e

se caractérise par des spécificités particulières que l’on ne retrouvera pas dans la région

voisine. Les habitants des communes d’une région sont donc, non seulement liés par les

facteurs professionnel et résidentiel, mais aussi et surtout par le biais de ces caractéristiques

qui les définissent et qui marquent l’identité propre de leur zone de vie. Les spécificités

culturelles d’une région peuvent être : sa langue, les traditions liées à l’histoire du territoire,

les événements qui s’y développent ou encore les personnes qui la représentent et qui mettent

la région en valeur dans l’espace public.

Communes et régions se différencient en outre, par les intérêts, les enjeux et les

besoins administratifs qui sont les leurs. Chaque acteur territorial se caractérise, en effet, par

ses compétences et ses missions. Une ville par exemple, n’aura pas la même politique en

matière d’aménagement d’une structure, qu’un établissement qui est géré par le service public

(et donc par l’État). Les pays européens suivent tous une logique de décomposition de leur

territoire en territoires plus restreints et marqués par des caractéristiques qui leur sont propres,

tant au niveau géographique que social et économique. En Allemagne par exemple, le

territoire est découpé en « länders », c’est-à-dire en états fédérés, qui à l’image des cantons en

Suisse, ont un rôle et des pouvoirs plus étendus qu’en France. Ces pouvoirs sont liés à l’aide

sociale notamment. Chacun des länders allemands possède une constitution et un

gouvernement qui lui est propre: c’est le ministre-président qui se charge de le faire

fonctionner politiquement.

Les pays se définissent quant à eux, comme des territoires aux statuts et à la taille très

divers, qui fonctionnent comme des unités politiquement indépendantes. Ils ont notamment un

gouvernement propre, une administration, des lois particulières ainsi qu’une armée. Bien

qu’un pays corresponde à un espace géographique bien plus vaste que les régions et les

collectivités, il faut voir dans ces différentes échelles territoriales, des moyens de renforcer le

partage et la création de lien, et d’une identité commune. Une telle classification permet de

voir les différences qui sur un territoire, rassemblent et identifient des communautés. A petite

ou grande échelle, ces différences témoignent de la nécessité d’une dynamique commune pour

construire un sentiment d’appartenance à une même identité territoriale.

Dans ce jeu de construction territorial symbolique, l’Union Européenne tient une place

plus complexe et plus discutable encore. Il s’agit de rassembler les nations d’une zone

géographique très étendue, tout en s’efforçant d’amoindrir le principe de domination d’un

Page 64: Vers une Europe 2.0?

63 | P a g e

pays sur un autre. L’Union Européenne, qui compte aujourd’hui 27 états membres, est née en

février 1992, lors de la signature du Traité de Maastricht, qui pose les objectifs et le cadre

institutionnel de ce regroupement. Nous discuterons plus en détail la notion de citoyenneté

européenne, dans la partie suivante. Il convient pour le moment, de définir quels sont les

grands principes d’application liés à l’Union Européenne : il s’agit notamment de créer et de

maintenir une politique étrangère et une sécurité commune aux habitants des pays membres

ou de maintenir la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Christian Le Bart7,

s’intéresse à la question du territoire comme construction sociale. Directeur du laboratoire de

recherche du CRAP (Centre de Recherche sur les Administrations Publiques/Politiques), il a

contribué à montrer que le territoire n’est pas seulement l’histoire du sol puisqu’il n’est pas

indépendant de sa couverture vivante.

Christian Le Bart met l’accent sur le principe d’organisation du territoire et dit qu’il ne

faut pas le laisser aux géographes, mais aussi faire en sorte que les chercheurs en sciences

humaines et sociales se l’approprient. Pour lui, c’est la politique qui permet de fabriquer du

territoire. Nous ne sommes pas dans une réalité objective, mais dans une approche

anthropologique, une culture, des symboles que nous devons intégrer dans notre analyse.

C’est le principe de la sociologie constructiviste qui refuse de considérer les choses comme

« déjà là ». A partir de ce point de vue, il est important d’apposer à l’Europe, une approche

constructiviste. Il y a lien social et symbolisme autour de l’Union Européenne, parce qu’il

existe un discours au sein de la société : les traités qui l’ont construits, ont émergé à partir

d’une intelligence collective, née au sein des pays qui la compose. Il s’agit en fait de penser la

réalité comme une réalité inventée par des discours où l’ordre cognitif commun est mis en

œuvre. La réalité de l’objet n’existe pas en dehors de sa réalité cognitive.

Comme la première partie de ce mémoire le renseigne, et comme l’appuie notre

définition de la notion, le territoire est un processus mental, imaginaire, qui correspond à une

représentation commune, à une croyance et à des idéologies semblables. Le cas de l’Europe

est encore plus fort, car si chaque ville, chaque région et chaque pays possèdent leurs

caractéristiques, leur histoire et leurs valeurs propres, l’Union Européenne se propose de les

rassembler pour les mettre au service de la représentation d’une réalité commune. Celle-ci

s’affirme par le biais des discours qui sont produits à son service. Toutes les cultures forment

7 LE BART Christian, Les idéologies des politiques territoriales, PUR, 2006

Page 65: Vers une Europe 2.0?

64 | P a g e

ensemble, un capital culturel commun8. Cette mise en commun, que l’on peut appeler

« intercommunalité », peut s’avérer difficile, car les individus européens ne savent pas

toujours quel rôle ils tiennent dans ce fonctionnement vaste. C’est ce que l’on appelle une

fracture politique et mentale.

b. La Méditerranée : frontière ou lien ?

Comme nous l'avons vu dans les parties précédentes, la mer Méditerranée constitue

un territoire symbolique, vaste et insaisissable, d'une importance capitale. Ses contours ne

sont pas toujours bien définis, notamment parce qu’elle constitue un espace stratégique lié aux

guerres et au désir de paix. Le discours formulé à propos de la Méditerranée, est basé sur la

mémoire de plusieurs autres territoires. Plusieurs représentations, plusieurs points de vue la

font vivre et en font un enjeu tant culturel que géopolitique. Si la Méditerranée pose la

question de savoir si son rôle est de faire le lien entre plusieurs nations ou à l’inverse de les

séparer et de clairement être identifiable comme une frontière, il n’en reste pas moins qu’il

s’agit d’un lieu d’échanges intenses et de passages constants.

Au fond, la question n’est pas de savoir si elle permet des échanges positifs ou

négatifs. Elle est certes, un moyen de rapprocher les continents et les cultures, ainsi qu’un

espace de tension et d’identités différentes. Mais le fait est qu’il s’agit d’un espace qui tend à

favoriser les échanges humains et les interactions constantes. Ce sont justement ces

différences de culture et de modes de vie sur ses deux rives, qui font que la mer Méditerranée

est porteuse d’une dynamique nécessaire pour le maintien des relations entre ses civilisations

charnières. Il convient donc de voir cet espace comme un moyen, à la fois de marquer une

frontière entre des territoires différents, et comme un monde de passage.

Le tableau ci dessous nous montre que les interrogés n’ont pas cités les pays

méditerranéens en tant que pays qu’ils imagineraient dans l’-Union Européenne, nous

pouvons imaginer que la dynamique de la Méditerranée se différencie de la dynamique

Européenne dans les représentations de l’échantillon, qu’elle les satisfait.

Tableau 10

« Quel pays aimeriez-vous voir entrer dans l’Europe ? »

8 Voir glossaire p 96-98.

Page 66: Vers une Europe 2.0?

65 | P a g e

Effectifs Pourcentages

Non réponse 18 16,1%

Aucun 3 9,7%

Bosnie 1 3,2%

États-Unis 1 3,2%

Japon 1 3,2%

Luxembourg 1 3,2%

Maroc ou Algérie ou Tunisie 1 3 ,2%

Serbie 1 3,2%

Tous 1 3,2%

Turquie 3 9,7%

Total 31 100,0%

Encodage: La modalité «Aucun» (9,7%) précise lorsque l’interrogé semblait satisfait de la formation

européenne actuelle. Pourtant les non-réponses ne précisent pas si c’est également le cas ou si les interrogés ne

voulaient pas répondre à cette question.

Hormis la Turquie citée trois fois (9,7%), toutes les modalités correspondent à un interrogé. On constate une

large diversité des types et des positions géographiques de pays cités. On peut remarquer que malgré la forte

proportion maghrébine ou métissée de la population marseillaise, un seul interrogé aimerait voir entrer dans

l’Europe le Maroc, l’Algérie ou le Maroc. Nous tenons à précisé que l’interrogée ayant répondu « le Japon » a

été interrogée lors d’une manifestation de lycéens marseillais sur les arts du Manga.

II. La citoyenneté européenne : objet en construction et en pratique

1. Citoyenneté et identité.

Nous l’avons vu, chaque territoire imaginé est représentatif d’identités à la fois

culturelles, politiques, géographiques ou même économiques. Ce sont les ressemblances et le

passé commun qui rapprochent les individus dans une même vision globale, et qui

symbolisent l’espace en différentes unités. Celles-ci trouvent une place à travers leurs

particularités, souvent au cœur des pratiques des individus qui y vivent. Dans cet essaim de

modes de vies, de rassemblements significatifs et de différences plus ou moins marquées,

l’Union Européenne essaie de composer un nouvel espace, dans lequel une entente et une

alliance stratégique tendent à exister.

Page 67: Vers une Europe 2.0?

66 | P a g e

Cette alliance, à l’image des pays, essaie d’ajouter une nouvelle étiquette aux

individus qui en font partie. Si un marseillais se définit de prime abord, par la ville dans

laquelle il évolue, il est et se considère aussi comme un habitant des Bouches du Rhône,

de la région Provence Alpes Côte d’Azur et à plus large échelle, comme un habitant de

France. De fait, il est aussi européen, puisque comme le prévoit le traité de Maastricht,

« Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. »9 En

1997, le traité d’Amsterdam ajoute que la citoyenneté de l’Union Européenne ne remplace

pas la citoyenneté nationale (art.9). Il s’agit de mettre en exergue pour chaque ressortissant

membre d’un état de l’Union, son appartenance à un territoire symbolique plus grand.

Nous pouvons voir avec les résultats croisés du tableau 11 que les individus se définissent

par des idéologies et des visions de la réalité qui peuvent entrer en cohérence.

Tableau 11

« Quelle est votre définition de la culture européenne ? »/

« Que pensez vous de la réaction de l’Europe face à la crise Grecque ? »

Indifférent Plus de

soutient

nécessaire

Doit être

un garde

fou

Satisfait de

la réponse

européenne

Doit en

prendre de

l’expérience

Total

Pas définissable 9,1 9,1%

Une histoire

commune

9,1 9,1 18,2 36,4%

Une culture de

la démocratie

9,1 9,1 18,2%

Plusieurs

cultures

nationales

9,1 9,1 18,2%

Des traits

communs entre

les européens

18,2 18,2%

Total 18,2% 36,4% 9,1% 9,1% 27,3% 100,0%

Ce croisement est très intéressant car il montre deux corrélations importantes:

- La moitié des interrogés (50%) considérant que la culture de l’Europe est le fruit d’une histoire commune pense

que la crise grecque doit être un exemple, une expérience pour ne pas recommencer les mêmes erreurs. La notion

9 Traité de Maastricht : http://www.crdp-montpellier.fr/ressources/dda/europe/dda6lexique_maastricht.html

Page 68: Vers une Europe 2.0?

67 | P a g e

d’historicité des faits est donc ancrée dans leurs représentations

- La totalité des interrogés considérant que la culture européenne est le fruit des traits communs entre les pays

(100%) et les habitants de ce territoire sont choqués de voir qu’il n’y a pas plus d’entraide. Pour ces interrogés,

la solidarité doit découler des ressemblances qui nous unissent.

Pourtant, si être citoyen européen apparaît comme une vérité absolue dès lors que l’on

vit en France ou dans un autre pays de l’Union, cela signifie-t-il nécessairement qu’il y ait

« identité européenne » ? Reprenons l’exemple de l’habitant marseillais: s’il apparaît donc

clairement que celui-ci est citoyen européen de fait, la question est de savoir s’il se considère

européen, au même titre qu’il se sent marseillais. L’identité européenne sous-entend en effet

que les individus partagent un même système de valeurs et de pratiques. La complexité de la

notion d’identité culturelle, est à lier à celle de « citoyenneté ». Il convient d’apporter

quelques éclaircissements avant de nous diriger vers l’idée d’appartenance à l’Europe.

La citoyenneté européenne se veut être un moyen de favoriser l’identification de

groupes d’individus à l’UE. Elle est aussi un moyen de rapprocher et de façonner une identité

européenne. Cette dernière notion est donc un critère visant à parfaire le rôle et l’implication

des individus, dans le cadre du dessein de l’Union européenne. La citoyenneté européenne se

caractérise par un ensemble de droits et de devoirs communs aux habitants des pays de

l’Union Européenne, ainsi que par le sentiment d’appartenir à une communauté. Le premier

critère comprend des points comme la libre circulation des personnes et la liberté de choisir

son lieu de résidence et de travail. Une charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

est approuvée en 2000 lors du sommet européen de Nice, et confirme les droits de ses

citoyens.

Les droits communs les plus notables sont : le vote au suffrage universel pour les

représentants des pays au Parlement Européen, et le droit pour les ressortissants d’un état

membre de participer aux élections au niveau local. Ce dernier point est particulièrement

intéressant, car il sous-entend que l’Union Européenne se construit à partir de projets au

niveau local. L’intérêt est d’autant plus vif que ces droits accordés aux habitants des pays

membres, ont été décidés par le biais de traités constitutifs de ce que devait être l’Union

Européenne. Celle-ci a donc conscience de l’importance de se rapprocher de ses citoyens, en

leur donnant un rôle qui puisse leur permettre d’être davantage que des « citoyens de fait ».

Page 69: Vers une Europe 2.0?

68 | P a g e

Cette prise de conscience a pour origine le constat selon lequel le taux de participation

des citoyens aux élections du Parlement Européen était en constante baisse (de 63% en 1979 à

45,7% en 2004), malgré l’apparition de nouveaux pays membres. Cette prise de conscience

fait donc état du manque d’intérêt des citoyens pour l’Europe. Dans notre étude, il est

important de voir que ce manque d’intérêt est à lier à la notion d’identité. Il faut que les

citoyens européens comprennent qu’ils ont une identité européenne et que celle-ci se

manifeste par des droits et des devoirs, pour que l’Europe des 27 Etats membres puisse

s’ancrer dans les pratiques des individus. Cette idée fait le lien avec la notion de sentiment

d’appartenance.

a. S’unir contre la diversité ?

Impossible de ne pas voir dans le processus d’unification des pays européens, un pas

de géant en direction de la mondialisation. S’inscrit notamment dans ce cheminement, la

monnaie unique de l’Euro, qui permet de faciliter les échanges entre les pays, de stabiliser et

de surveiller les circuits financiers en Europe. La monnaie unique se veut être un moyen de

renforcer la coopération entre les pays de l’Union Européenne et de dynamiser ses échanges.

Se faisant, l’Union Européenne a été vivement accusée de nuire à l’identité propre de chaque

pays comme en témoigne l’article: « Monnaie unique n'égale pas pensée unique »10

de Riche

Pascal, paru dans la Tribune de Libération le 4 juillet 1996 (voir en Annexe). Son papier fait

état des menaces alors soulevées par divers acteurs, pour la diversité des nations, aussi bien

sur les plans économique, social, politique que culturel.

Ce qui est craint: l’effacement progressif de la diversité de chacun des pays de l’Union

Européenne au profit de projets communs (comme la monnaie unique) susceptibles de leur

enlever leur autonomie. Le principe de valeurs communes et de citoyenneté européenne est

remis en question par certains acteurs locaux, alors même que son objectif est de mener

chacun des habitants des pays membres à se sentir solidaire tout en protégeant sa « Culture »

propre.

S’interroger sur le rôle et les enjeux de la citoyenneté européenne, c’est aussi se poser

la question de savoir si celle-ci peut représenter une solution possible aux problèmes que

peuvent rencontrer les pays membres de l’Union Européenne. Il suffit de prendre l’exemple

10 Article de Libération du 4 juillet 1996 : http://www.liberation.fr/tribune/0101187191-monnaie-unique-n-

egale-pas-pensee-unique (consulté le 12/12/11)

Page 70: Vers une Europe 2.0?

69 | P a g e

de la crise grecque, pour apporter quelques éléments de réponse. Car en effet, on peut penser

que ce genre d’événement diminue la confiance que les citoyens ont dans les institutions

européennes. Il s’agit en effet de voir que la notion de solidarité est susceptible d’être remise

en question: les contribuables européens doivent-ils être solidaires sur le plan financier, aux

contribuables grecs ? Cette question est au cœur des débats politiques des pays membres de

l’Union Européenne, et notamment de la France et de l’Allemagne.

Au vu de l'actualité, où ces deux pays ont donné le ton, au sujet de la crise, remettant en

question l'aide à apporter à la Grèce. Les enjeux liés à la citoyenneté sont parfois mitigés,

mais il s’agit de mettre en avant, le fait qu’elle constitue une perspective de dynamisme pour

les Etats membres. Au-delà du souhait de rapprocher les nations et du risque, convenu par

certains, selon lequel l’Union Européenne peut également être facteur d’exclusion des

citoyens, il convient de voir celle-ci comme un élément de mutations.

2. Le capital culturel comme élément de construction

De nombreux projets sont mis en œuvres par les institutions européennes, pour

construire et développer l’Union Européenne et sa citoyenneté. Parmi eux, de nombreux

projets culturels ont vu le jour. Leur objectif est notamment de favoriser la coopération entre

la culture des différents Etats membres. La culture est le ciment, l’élément de cohésion des

nations. Son rôle est à la fois de mettre en valeur la culture commune de l’Europe à travers

notamment, l’héritage commun de ses pays. Il s’agit par ailleurs d’assurer le maintien de la

diversité européenne, afin de mettre en lumière la richesse de chacun des pays. Nous avons vu

le rôle et l'importance des CEC auparavant. Il s'agit donc de proposer d'autres exemples.

Le programme « Culture » s’applique à tous les domaines artistiques (sauf

l’audiovisuel), et s’inscrit comme nécessaire pour assurer la mobilité en Europe des artistes de

la culture ainsi que pour les œuvres d’art, pour favoriser le dialogue culturel sur un plan

transnational. Pour ce faire, le projet bénéficie d’un budget de 400 millions d’euros pour la

période 2007/2013. Il s’agit de soutenir des projets et des réseaux culturels européens. Le

programme « Média » a pour objectif le renforcement des activités dans le secteur de

l’audiovisuel, et la circulation transnationale des œuvres. Se faisant, le programme permet aux

nations de l’Union Européenne (et du reste du monde puisque les échanges liés à ce

programme se font aussi en dehors de l’Europe) d’assurer l’héritage audiovisuel et de

Page 71: Vers une Europe 2.0?

70 | P a g e

renforcer la diversité des cultures européennes. Le projet bénéficie de 756,2 millions d’Euros

pour 2007/2013, et se doit d’assurer le soutien lié au développement des œuvres.

Enfin, il existe un programme intitulé « L’Europe pour les citoyens ». Il est

particulièrement intéressant pour notre projet d’étude. Il s’agit de favoriser la participation et

l’intégration des citoyens européens dans l’Union Européenne, à travers des projets d’aide

civile, de préservation de la mémoire des pays européens et de prise de conscience des

ressemblances au sein de l’UE (à travers des jumelages de villes par exemple). Ce programme

détient un budget de 215 millions d’euros pour la période 2007/2013, et vient en aide aux

organismes de recherches, aux associations, aux établissements s’inscrivant dans une

politique de promotion de la citoyenneté européenne. La culture doit en effet, et comme le

démontre ces budgets conséquents apporter à ses actions en Europe, assurer la cohésion du

projet européen en contribuant à l’épanouissement des identités nationales.

Enfin, outre les projets mis en œuvre par les institutions européennes, il est important de voir

le capital culturel de chaque individu au sein de l’Europe, comme une composante essentiel

du capital social, et donc de la création identitaire. Pierre Bourdieu12

s’est intéressé à cette

notion : il s’agit de voir en chaque individu, un être construit à partir d’un ensemble de

valeurs issues de l’héritage matériel et immatériel de son environnement. Le capital culturel

correspond à : « l’habitus culturel » (les formes par lesquelles l’individu se sociabilise),

l’appropriation des biens culturels (ses objets culturels matériels comme les livres où les

tableaux), et la valeur qu’il a aux yeux des autres par le biais de titres de valeur.

Ce dernier point peut poser la question de savoir si le titre de « Capitale Européenne

de la Culture » participe à construire le capital culturel des habitants de la ville choisie. En

effet, en donnant un titre honorifique à une ville, ce sont également ses habitants qui sont

élevés. Le territoire sur lequel ils vivent prend une autre dimension à leurs yeux, et contribue

en ce sens à développer leur sentiment de citoyenneté. Le capital culturel est donc essentiel

dans la construction identitaire et donc citoyenne de l’individu.

Comme nous l’avons vu dans la première partie de ce mémoire, l’Europe est une idée

partie de traditions humaniste, qui se veut être un territoire de civilisation, où les droits de

12 BOURDIEU Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, 1979

Page 72: Vers une Europe 2.0?

71 | P a g e

l’homme prédominent grâce à une politique commune des états qui la composent. « Toute

culture est seconde ; elle hérite et c’est pour cela qu’elle peut innover et ne reste pas figée sur

une identité arrogante, fixe et établie (…) elle est immigrée à elle-même.»13.

Ces mots du philosophe Rémi Brague, issus de son ouvrage Europe, la voie romaine,

traduisent cette idée selon laquelle la culture peut exister à différentes échelle : nationale, mais

pas seulement. Une identité culturelle du citoyen européen est possible, puisque la culture est

également issue de ce dessein européen. L’identité implique selon Aude Jehan, « une stratégie

de légitimation ou de revendication »14

. Il s’agit alors pour l’individu social de l’Union

Européenne, d’utiliser sa citoyenneté comme une arme, un élément de ralliement dans des

négociations sociales.

Dans cette partie, nous avons vu que si la citoyenneté européenne s’acquière de fait et

est donc quelque chose d’inné, elle ne signifie pas pour autant que les individus se sentent

citoyens. Il existe en effet, une nuance certaine entre les notions de citoyenneté et d’identité

(acquise), qu’il incombe à l’Union Européenne d’atténuer par le biais d’actions destinées

rassurer les nations sur l’importance de leurs particularités propres. La culture participe à cette

création de lien et permet de maintenir ces diversités si chères aux nations.

Le problème qu’ont les citoyens des pays de l’Union Européenne, est lié à cette

difficulté de se détacher de leur sentiment d’appartenance local, puis national. Il ne s’agit

pourtant pas de supprimer cette identité propre à son pays, mais de voir s’ajouter celle liée à

un territoire plus grand, marqué par des volontés d’échanges divers. Nous verrons dans la

partie suivante, ce que sous-tend ce sentiment d’appartenance qui apparaît de façon

transversale dans l’ensemble de nos propos.

III. Le « sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et les représentations

de l’Europe à l’échelle des populations jeunes (15/25 ans)

13 BRAGUE Rémi, Europe, la voie romaine, Edition Critérion, 1992.

14 JEHAN AUDE, La culture au sein de l'Union Européenne: objet politique non identifié, Institut Européen de

l'université de Genève .

Page 73: Vers une Europe 2.0?

72 | P a g e

Se sentir signifier dans l’action sociale est essentiel. Chaque individu construit du sens

autour de ses interactions, et se construit lui-même par rapport à celles-ci. Il convient avant

d’entrer dans les enjeux du sentiment d’appartenance, de définir la pensée constructiviste15

.

Elle permet de poser un cadre clair et explicatif, quant à la construction identitaire de

l’individu. Les théories du constructivisme partent du postulat que les connaissances ne

passent pas d’un individu à un autre dans un simple système de « copié-collé », mais qu’elles

permettent à celui-ci de construire sa propre réalité. L’individu s’imprègne de ce qui l’entoure

pour se construire16

.

Chaque individu s’inscrit dans une multitude de groupes d’appartenance, qui comme

nous le verrons, font de lui quelqu’un d’unique. Penser l’Europe au regard du sentiment

d’appartenance est primordial, car l’Union Européenne s’inscrit à la fois comme la

reconstruction d’un territoire, mais aussi et surtout, comme une idée symbolique17

. Elle est

représentée, à l’image des pays qui la composent, par un drapeau. Créé en 1955, celui-ci a

réussi à s’imposer dans l’espace public. Les raisons pourtant, témoignent d’un besoin des

individus d’accoler le symbole de leur identité nationale, en juxtaposant l’emblème européen

au drapeau de leur pays. Cette nécessité de montrer que l’on appartient à une nation, alors

même que l’on est européen, atteste de l’acceptation des habitants des pays membres, à porter

une double identité (parfois triple, si le drapeau de la région est lui aussi représenté). Le

concept de labellisation apparaît comme un moyen d’arriver à un compromis, dans la question

du sentiment d’appartenance à l’Europe.

1. Sentiment d’appartenance et construction de l’identité

Nous l’avons vu lorsque nous avons abordé la question de la citoyenneté, que l’Union

Européenne cherche à favoriser l’identification des individus habitant dans les pays membres

; cela notamment en insistant sur le besoin de chacun d’appartenir à une communauté. C’est

la dimension sociale de l’individu, qui cherche à s’inscrire dans un groupe qu’il reconnaît

comme étant le sien. Les groupes d’appartenance sont extrêmement différents et dépendent

notamment de l’histoire et de la culture propres à chaque individu. En général, le sentiment

15 Voir glossaire p.96-98.

16 BLUMER Herbert, Symbolic interactionism : perspective and method, University of California Press 1986.

Dans son ouvrage, le sociologue aborde la question de l’interactionnisme symbolique, et dit que l'individu agit

en fonction des significations qu'il construit.

17 Bossuat (G.), Bussière (E.). L’Expérience européenne, 50 ans de construction de l’Europe, 1957-2007, des

historiens en dialogues, actes du colloque international de Rome 2007, ed. Bruylant, Bruxelles, 2010. p.222

Page 74: Vers une Europe 2.0?

73 | P a g e

d’appartenance est composé de plusieurs variables que peuvent être : la catégorie sociale, la

religion, le sexe, la profession ou encore l’intérêt culturel pour un domaine en particulier.

L’identité au territoire est fondamentale et ne peut pas être complètement absente. En

effet, la relation qui lie le citoyen et la ville dans laquelle il vit, est marquée par un certain

affect, qui traduit en émotion ce qu’est le sentiment d’appartenance. Il en va de même pour sa

région et son pays. Daniel Calin, auteur du texte « Construction identitaire et sentiment

d’appartenance »18

, pointe du doigt le fait que l’ancrage d’un individu à un certain sentiment

d’appartenance est cultivé « bien avant cette entrée officielle dans la vie sociale adulte». Se

sentir appartenir à un groupe est un processus né de l’éducation, mais aussi de l’inscription de

l’individu social dans des traditions familiales ancrées dans un territoire. Cette analyse est

importante pour notre travail, car elle peut constituer l’une des raisons pour lesquelles se

sentir appartenir à l’Europe n’est pas une tâche aisée.

L’Union Européenne est une idée relativement récente dont l’espace, les objectifs et les

défis sont en constante mutation. Comment se sentir appartenir à un groupe dès lors que le

territoire apparaît comme nouveau et sujet à des transformations régulières ? On peut aussi

penser que l’absence d’une constitution pour l’Europe contribue aussi à cette difficulté que les

individus ont, à développer un sentiment européen. Le projet de loi de 2005, qui avait donné

lieu à un référendum quant à savoir si un tel projet pouvait être accepté ou refusé, n’a pas

trouvé de suite depuis les résultats négatifs. Le sentiment d’appartenance à un même

ensemble européen est long à apparaître. Certains réfractaire à cette constitution ont dénoncés

les dangers qu’elle pourrait engendrer pour les services publics et les différentes formes

nationales de manière plus générale. En d’autres termes, la peur de voir l’Europe surplomber

les nations et mettre en péril la vie publique de chacun d’entre eux, apparaît comme une

barrière au sentiment d’appartenance.

Pour les jeunes, qui correspondent au public que nous souhaitons étudier (les 15/25

ans), la question apparaît clairement. En 2005, lors du scrutin, les plus jeunes avaient autour

de 9 ans et les plus âgés, environ 19 ans. Comment voir en l’Europe un projet d’avenir

certain, et se sentir appartenir à cette construction géopolitique et culturelle, alors même que

les jeunes, (que nous appelons aussi la « Génération Y19

», approfondie dans la partie

18 CALIN Daniel, Construction identitaire et sentiment d’appartenance, 1998

19 Voir glossaire p 96-98.

Page 75: Vers une Europe 2.0?

74 | P a g e

suivante) ont vu l’Union Européenne échouer dans son désir de rassembler ses citoyens autour

d’une même constitution ? L’indécision et la crainte sont les sentiments qui ont dominé lors

du référendum de 2005, entraînant probablement les jeunes à ne pas voir l’Union Européenne

comme un moyen de rassembler les citoyens, alors même que ces derniers sont nés et ont

toujours connu l'Europe. Comme l’expliquent Guillaume Klossa et Jean-François Jamet, dans

l’ouvrage « Europe, la dernière chance »20

, les Eurobaromètres tendent à montrer que les

citoyens sont généralement présents lorsqu’ils veulent être défendus et entendus (en temps de

crise notamment), mais cela ne les amène pas nécessairement à aller voter. Il en faut plus pour

faire en sorte que les citoyens européens s’impliquent, et cela peut passer par un

accompagnement pédagogique au niveau des institutions européennes.

2. Le sentiment d’appartenance à un territoire

a. Lieux de construction du sentiment d’appartenance

Le sentiment d’appartenance se définit également par le fait de se sentir accepté et

intégré au sein de son entourage. Appliqué à un territoire, nous pouvons voir que l’histoire de

l’Union Européenne dans de nombreux cas, remet en question l’idée de compréhension et de

soutien à ses citoyens. Reprenons l’exemple de la crise économique en Grèce : jusqu’où

l’Europe peut-elle se permettre d’aider l’un de ses maillons ? Le fait qu’il y ait des limites à

l’aide qu’elle puisse apporter dans l’un des pays membre pose-t-il un problème dans la

pérennité du sentiment d’appartenance chez les citoyens grecs ? Si la question se pose, c’est

que l’aide apportée par les pays de l’Europe (des prêts d’argent) peut apparaître comme

risquée pour leur propre économie. On parle de dilemme, car si le dessein de l’Union

Européenne est de rassembler ses citoyens, la question est de savoir si cela doit se faire au

péril du bien être de chacune des nations. Malgré ce problème, le sentiment d’appartenance à

un territoire n’est que l’un des nombreux référents identitaires.

En soi, il est constitué d’une large palette de points de vue et d’échelles, comme nous

l’avons vu dans la première sous partie. Chaque citoyen, avant d’être européen, est rattaché

par le biais de son histoire et de l’affect qui y est lié, à un ensemble de lieux : il peut se définir

par le lieu où il est né, celui duquel sa famille est originaire, mais aussi par ceux dans lesquels

il a vécu, et ceux qu’il a été amené à fréquenter. Ces lieux peuvent aussi correspondre à des

20 KLOSSA Guillaume et JAMET Jean-François, Europe, la dernière chance, Armand Colin, 2011 p.16

Page 76: Vers une Europe 2.0?

75 | P a g e

lieux incorporels dans le sens où ils peuvent correspondre à des endroits où l’individu peut

s’être projeté par la pensée, ou des lieux où il souhaiterait aller. Nous retrouvons toutes ces

options dans le tableau suivant.

Tableau 12

« Depuis combien d’années vivez vous à Marseille ? » /

« Où imaginez vous passer vous vieux jours ? »

Moins

d’un an

Un à

quatre

ans

Cinq à

neuf

ans

Dix à

quatorze

ans

Quinze

à dix-

neuf

ans

Vingt à

vingt-

quatre

ans

Depuis

toujours

Total

Dans la région

natale

3,7 3,7 3,7 25,9 37,0%

Dans la région

habitée

3,7 3,7%

Ailleurs en

France

14,8 3,7 18,5%

En Europe 7,4 7,4%

Hors Europe 7,4 7,4 3,7 3,7 11,1 33,3%

Total 14,8% 33,3% 3,7% 3,7% 3,7% 40,7% 100,0%

Représentatif de l’attachement au territoire, ce croisement (ici avec les non réponses exclues) montre deux faits

intéressants :

-La majorité qui se dégage concerne les natifs de Marseille (« depuis toujours ») qui s’imagine vieillir dans

leur ville natale. Plus de la moitié de ces natifs (63, 6%) souhaite finir sa vie dans la seconde ville de France. Ce

chiffre montre un véritable sentiment d’appartenance au territoire Marseillais.

-On peut également voir que le second pourcentage visible (14,8%) concerne les résidents de Marseille qui ne

sont sur le territoire que depuis moins de cinq ans et qui précisent qu’ils ne voudront surtout pas vieillir à

Marseille « ailleurs en France ». Les premières années dans la ville de Marseille, selon notre échantillon, ne

propose pas un « coup de foudre » sur la ville.

On peut donc voir qu’en corrélation avec la définition que notre échantillon à le plus proposé concernant le fait

d’être « Marseillais », les natifs conservent un sentiment profondément positif contrairement aux nouveaux

arrivants.

(Nous avons tenté de croiser les données des années passées à Marseille avec la vision qu’ont les habitants du

Tourisme. Ce croisement ne donne pas de données représentatives exploitables, ce qui peut être également

compris comme le fait que le tourisme n’est pas en cause dans la non volonté de rester à Marseille.)

Page 77: Vers une Europe 2.0?

76 | P a g e

Chaque individu se construit par rapport à un ensemble de lieux qui lui sont propres.

Un peu comme un puzzle où chaque ville serait représentée par une pièce: il n’en existerait

pas alors de totalement identiques. L’Union Européenne, parce qu’elle favorise les échanges

(culturels, humains, économiques…) participe à l’abolition des frontières géographiques dans

l’imaginaire des individus. En ce sens, elle favorise l’idée qu’un individu Espagnol peut se

sentir européen au même titre qu’un individu Finlandais. L’espace est reconfiguré et des

individus appartenant à différents nations peuvent se sentir appartenir au même groupe. La

construction de l’Europe participe à la mondialisation, et contribue donc à affirmer la possible

existence de groupes d’appartenance internationaux. France Guérin-Pace, chargée de

recherche à l’institut d’Etude démographiques (INED) parle d’une « multi-appartenance »21

à

laquelle l’individu donne sens pour aborder cette idée que la construction identitaire de

l’individu peut se faire par le biais de plusieurs territoires.

b. Quels dispositifs pour se sentir appartenir à l’Europe ?

Se sentir appartenir à l’Europe n’est pas une tâche aisée. C’est pour cela que l’Union

Européenne prévoit des politiques publiques, notamment pour la jeunesse. Ces politiques ont

pour objectif de voir les jeunes générations se construire autour d’une vision communautaire

de l’Europe et participer à la vie démocratique de celle-ci. C’est justement pour favoriser cette

ouverture dans le processus de construction identitaire, que sont développés les programmes

d’étude à l’étranger. Le programme Erasmus se veut être un moyen de parvenir à la création

d’un espace européen dans le domaine de l’enseignement supérieur.

Favoriser la mobilité étudiante en Europe permet non seulement aux jeunes de s’ouvrir

à des cultures différentes au sein même de l’Europe à laquelle ils appartiennent, mais aussi de

rendre égales, les compétences des jeunes diplômés à leur sortie de l’Université. En effet, la

mobilité européenne constitue un moyen pour les jeunes de se construire un réseau, au-delà du

territoire où ils vivent. En France, toutes les universités participent à ce programme. Etudier

les enjeux liés à ces programmes d’étude nous permet de nous intéresser à son actualité22

: en

novembre 2011, le programme a été revu par la commission européenne en charge de

l’éducation et de la culture.

21 GUERIN-PACE France, En quête d'appartenance : l'enquête histoire de vie sur la construction des identités,

les éditions de l'INED, 2009.

22 Commission européenne : http://ec.europa.eu/education/erasmus-for-all/index_fr.htm (consulté le 10/12/11)

Page 78: Vers une Europe 2.0?

77 | P a g e

Tableau 13 « Avez vous participé au programme Erasmus ? »/

« Quelle est votre activité ? »

Non

réponse

Collégien Lycéen Étudiant Employé Profession

libérale

Total

Non réponse 3,2 3,2%

Ne connais

pas

6,5 3,2 9,7%

Oui 3,2 6,5 9,7%

Non 3,2 22,6 38,7 12,9 77,4%

Total 9,7% 3,2% 22,6% 41,9% 16,1% 6,5% 100,0%

Nous pouvons remarquer que le programme Erasmus jouit d’une notoriété certaine dans tous les

secteurs d’activités (77,4%). La totalité des interrogés exerçant une profession libérale à effectuer un séjour

Erasmus lors de ses études.

Le budget a été augmenté, passant à 19 milliards d’euros pour la période 2014-2020.

Ainsi, les sept programmes de mobilités sont réunis dans un programme unique intitulé

« Erasmus pour tous ». L’intérêt de cette actualité pour notre mémoire, repose dans cette

volonté universitaire d’investir dans l’éducation à l’échelle de l’Europe, et ainsi de réduire les

frontières pour favoriser le sentiment d’appartenance des jeunes, à l’Union Européenne. Il

s'agit par ailleurs de remarquer que si les budgets sont augmentés alors même que l'Europe est

en pleine crise financière: s'agit-il de voir Erasmus comme un moyen d'atténuer cette crise ?

Cette volonté est renforcée par chacun des pays membres, qui encouragent financièrement

cette entreprise. Le fait de voir sa nation participer et défendre un projet à l’échelle

européenne participe au renforcement du sentiment d’appartenance à l’Europe. Outre

l’importance du territoire, c’est l’éducation qui apparaît comme un moyen de construire

l’individu au sein d’un groupe.

De façon plus générale, les politiques de l’Europe concernant la jeunesse, s’orientent vers

la nécessité de voyager23

. Erasmus n’est pas l’unique mise en pratique de cette volonté des

institutions européennes. Citons notamment, dans le cadre du programme « Jeunesse en

action », dont le but est avant tout pédagogique:

23 JEHAN Aude, La culture au sein de l'Union Européenne: objet politique non identifié, Institut Européen de

l'université de Genève.

Page 79: Vers une Europe 2.0?

78 | P a g e

- Le « Service volontaire européen »: il s’agit de permettre aux jeunes de s’impliquer

dans des activités de volontariat en Europe. Trois objectifs sont liés à cette initiative :

développer la solidarité, faire la promotion d’une citoyenneté active, et favoriser la

compréhension mutuelle.

- La « Jeunesse pour l’Europe »: il s’agit ici d’augmenter le nombre d’échanges entre

les jeunes, pour leur permettre de voyager en Europe, tout en développant leur

sentiment d’appartenance à celle-ci. Les projets sont avant tout menés dans le but de

sensibiliser aux activités culturelles des différents pays, et de favoriser la pratique de

la langue.

- Le projet « Jeunesse dans le monde »: il permet aux jeunes de s’engager et de s’ouvrir

quant aux différentes cultures du monde. Les projets soutenus sont en rapport avec la

jeunesse et sont avant tout menés dans les pays du Tiers-monde.

3. Les référents identitaires des jeunes

Les citoyens (et en particulier les jeunes, comme nous le verrons) sont en effet amenés

à se construire par le biais de nombreux autres points d’ancrage que celui du territoire. En

effet, les individus peuvent se définir par leur appartenance à une multitude de caractéristiques

identitaires. Si le territoire géographique apparaît comme l’un des points que l’on a le plus

tendance à observer, la famille, le milieu professionnel ou encore les passions restent autant

d’autres référents identitaires forts. Le sentiment que l’on appartient plus à un groupe lié à un

domaine en particulier, peut évoluer et changer au cours de sa vie. Le sentiment

d’appartenance n’est pas figé. Au contraire, il est amené à évoluer et à s’accroître en fonction

des expériences de vie. Le sens que l’on donne aux différentes caractéristiques en fait un

élément de construction plus ou moins fort.

a. La famille

Chaque individu est nourri par ses expériences personnelles au sein desquelles la famille

tient une place prépondérante. Pour Salvador Minuchin24

, thérapeute spécialisé dans la

famille, celle-ci constitue la « matrice de l’identité individuelle, qui favorise le développement

24 MINUCHIN Salvador, Familles en thérapie, Haward University, 1974.

Page 80: Vers une Europe 2.0?

79 | P a g e

d’un sentiment d’appartenance ». Il explique que l’identité de l’individu est influencée par le

fait qu’il appartient à une famille spécifique. Au sein d’une famille de personnes qui voyagent

beaucoup à travers le monde par exemple, le point d’ancrage ne sera plus le territoire, mais la

famille qui l’accompagne. Celle-ci constitue un repère fiable et stable autour duquel il est

facile de se construire et de se représenter soi-même.

Car en effet, le sentiment d’appartenance est ce qui permet à l’individu de se retrouver et

de se définir. Il le fait en fonction de points de repère qu’il juge comme bons pour lui. La

culture, la politique ou même le territoire, font échos par rapport à la famille, dans le sens où

bien souvent, l’individu se créé une identité culturelle et politique par rapport à

l’enseignement qu’il reçoit de sa famille, par son héritage. Le tableau suivant montre que la

famille est également un facteur fortement déterminant des habitudes de mobilité, et donc de

l’identité territoriale.

Tableau 14

« Combien de fois par an sortez vous de la région PACA ? » /

« Pour quelle raison principale ? »

Non Une fois

par an

Plusieurs

fois par an

Une fois

par mois

Plusieurs

fois par

mois

Total

Visite aux

parents ou à la

famille

5,6 11,1 11,1 5,6 33,3%

Visite à des

amis

5,6 16,7 22,2%

Activités

culturelles

5,6 5,6 5,6 16,7%

Tourisme 11,1 11 ,1 22,2%

Professionnel 5,6 5,6%

Total 5,6% 38,9% 44,4% 5,6% 5,6% 100,0%

Nous pouvons voir avec ce croisement que les personnes qui sortent de la région entre une et plusieurs

fois par an le font, à pourcentage égal, pour des raisons familiales (22,2%) et pour des activités

touristiques (22,2%). Le potentiel attractif du tourisme en France pousse donc à une certaine mobilité.

Page 81: Vers une Europe 2.0?

80 | P a g e

-Pourtant, nous pouvons également remarquer que le motif le plus fort de sortie de la région plusieurs

fois par an est celui des visites amicales (16,7%). La forte mobilité des jeunes en France (études,

premier emploi…) explique peut-être ce phénomène.

-Les interrogés qui disent ne jamais sortir de la région le font exclusivement pour des raisons familiales.

Nous rappelons que c’est cette dernière raison qui pousse principalement à une mobilité hors PACA,

quelle que soit sa fréquence (33,3%).

b. La culture

Il s’agit de l’un des référents identitaires les plus forts s’il en est. La culture apparaît en

effet comme l’un des moteurs essentiel des interactions de l’individu au sein des groupes dont

il fait partie. L’expérience culturelle contribue à la socialisation des citoyens, car ces derniers

ont le souhait de construire du lien social « à partir de » ce à quoi ils portent de l’intérêt. En

effet, les groupes d’appartenance vivent parce qu’il existe au départ, un intérêt ou une idée

commune pour rassembler ses membres. Ce domaine de prédilection n’a pas le même impact

sur tous. De fait, lorsque plusieurs personnes apprécient un même sujet d’intérêt, on peut dire

qu’ils font partis d’une communauté autour de celui-ci. Contrairement au sentiment

d’appartenance à un territoire, où les individus se construisent souvent « de fait » parce qu’ils

y vivent, la culture permet de s’identifier à un groupe social, par l’aisance.

En effet, il n’existe pas une culture unique, ni un seul objet culturel, mais une

multitude presque infinie de rapports. Aimer l’art pictural par exemple, permet (comme toutes

les autres formes de culture), l’expression de soi et l’ouverture aux autres. Souvent les

individus ont des pratiques culturelles liées aux territoires dans lesquels ils évoluent.

Cependant, la culture s’importe et s’exporte si bien, que l’expérience culturelle peut amener

un individu à se sentir plus proche d’un territoire différent du sien. Par exemple: aimer le

cinéma américain de manière très générale, peut conduire un individu à se sentir davantage

appartenir au territoire américain. La culture est un facteur déterminent dans la construction

de soi. Le sentiment d’appartenance peut donc provenir d’un capital culturel hérité de son

territoire, mais pas seulement.

c. Territoires numériques et nouveaux sentiments d’appartenance.

Page 82: Vers une Europe 2.0?

81 | P a g e

Le théoricien Etienne Wenger25

, dans son ouvrage « La théorie des communautés de

pratique, apprentissage, sens et identité », parle de « communauté de pratique », pour aborder

le fait que des individus se réunissent autour d’un même sujet d’intérêt, dans le but d’agir

ensemble. Ces groupes qui se construisent sur un intérêt culturel commun, impliquent que les

individus, quel que soit leur situation géographique, puissent communiquer pour partager des

idées, échanger et se construire. Sur la toile, les communautés pratiques ou simplement

d’intérêt, sont composées de mosaïques de groupes, où les individus ont des valeurs et des

langues différentes. Internet permet à des communautés d’exister, sans que ses individus

n’aient à dépendre d’un même lieu géographique. On dit alors qu’ils sont liés au sein d’un

environnement ou d’un lieu numérique. Les seuls éléments communs à toute communauté,

sont le sujet qui les unit, et leur désir d’appartenance à un groupe où ils peuvent s’impliquer

plus ou moins activement.

La jeunesse européenne actuelle, comme nous le verrons dans la partie suivante, a

développé son sentiment d’appartenance à des territoires numériques. Être née avec internet,

lui permet de se construire et d’interagir avec des individus qui sont semblables à elle, mais

qui parfois, vivent à des milliers de kilomètres. Les frontières géographiques semblent

disparaître, et permettre à l’individu de se sentir appartenir à des groupes sociaux

internationaux. Si pour le partage des cultures et l’ouverture au monde, cela semble être une

bonne chose, qu’en est-il pour cette volonté de l’Europe, de développer une citoyenneté

européenne active, et liée au territoire ? Pour les institutions économiques de l’Union

Européenne, le numérique peut engendrer de nouvelles sources de revenus dans des secteurs

très variés: le commerce en Europe peut être facilités par l’abolition des barrières territoriales.

Quant au sentiment d’appartenance à l’Europe, il appartient aux politiques

européennes, de l’éveiller par le biais du numérique. Internet permet de voir clairement les

interactions des individus, et peut être une possibilité de terrain, pour susciter l’envie des

jeunes, de s’impliquer dans leur citoyenneté. Citons notamment l’Estonie, récemment entrée

dans l’UE, et surnommée l’e-stonie par son très fort rapport au numérique. Car comme nous

l’avons vu, le numérique permet aux individus de s’ouvrir facilement aux cultures du monde,

et par conséquent, de confronter leur capital culturel à celui d’individus différents. Il s’agit

donc de dynamiser ses liens sociaux et de s’inscrire dans des réseaux plus larges, à l’échelle

25 WENGER, Etienne, La théorie des communautés de pratique, apprentissage, sens et identité. Les Presses de

l’Université Laval, 2005.

Page 83: Vers une Europe 2.0?

82 | P a g e

européenne par exemple, et non plus locale uniquement. Les institutions européennes peuvent

assurer une meilleure visibilité des droits et devoirs des citoyens européens, et permettre une

participation plus active, car plus facile et immédiate. Internet permet aux citoyens de

s’exprimer, et d’exalter le sentiment d’appartenance à l’Europe, car les pratiques collectives

au sein des pays membres sont facilitées, comme nous le verrons dans la dernière partie.

Cela étant, s'il est vrai qu'internet a révolutionné le rapport des citoyens au territoire,

une autre remarque mérite d'être soulevée. L'essor de ces innovations techniques est avant tout

dû à des entreprises de secteurs innovants tels que Microsoft (1975), Apple (1976) ou encore

Google (1998). Ces jeunes sociétés que décrit l'ouvrage « L'Europe, la dernière chance »26

,

ont non seulement bénéficié d'environnements favorables sur le territoire américain (la Silicon

Valley par exemple), mais ont aussi et surtout permis aux États Unis de se placer comme un

pays de compétition au niveau mondial, ainsi que comme un pays d'innovation. Retrouver cet

esprit de modernité technologique et de compétition permettrait probablement au vieux

continent de paraître comme un territoire performant ; une nécessité, d'abord pour les citoyens

qui l'habitent.

En conclusion de cette partie, il est important de rappeler que bien plus qu'un territoire

géographique, l'Europe est avant tout un territoire symbolique, qui se construit à travers le

sens que lui donnent ses citoyens. L'Europe se dessine constamment, notamment par le biais

de la culture, et depuis une vingtaine d'année, par le biais du numérique. Certains enjeux,

quelles que soient les évolutions, demeurent: la quête d'appartenance et la construction de

l'identité de chaque individu, au sein des pays membres de l'Union Européenne. C'est donc un

travail d'éducation qui doit être constamment fait auprès des citoyens : un travail qui vise à

aiguiser les consciences quant à l'importance de l'implication de chacun, et l'importance de

l'Europe comme continent uni dans la diversité.

26 KLOSSA Guillaume et JAMET Jean-François, Europe, la dernière chance, Armand Colin, 2011 p.16

Page 84: Vers une Europe 2.0?

83 | P a g e

PARTIE 4 / Jeunesse, nouveaux médias : nouvelles pratiques

citoyennes et culturelles en Europe.

« L’avenir, pour le jeune Européen moyen, doit être à la fois une

promesse d’épreuves et d’aventures. (…) Ces jeunes, aussi inquiets pour leur

avenir que déterminés à ne pas laisser l’Histoire se répéter, veulent construire

une Europe différente. Leurs liens de solidarité se tissent au fil du web, cette

agora mondiale reliant WikiLeaks à Porto Alegre et à tous les autres projets

pour transformer notre planète. Comme j’aimerais avoir ton âge et m’engager

sur ce chemin avec toi pour partager cette aventure de refonte du continent.

(…) Les Européens ne seront plus des explorateurs, ils ne s’aventureront plus

sur des mers inconnues pour voler les trésors d’autres peuples ni

n’escaladeront les plus hautes montagnes pour y planter leur drapeau, pas

plus qu’ils ne regarderont vers l’Orient ou l’Occident pour savoir quoi faire

et quoi penser sur la scène internationale. Ils seront capables de puiser dans

l’esprit multiculturel d’un continent revigoré pour trouver de nouvelles

solutions économiques, sociales et politiques. Telle est l’Europe dont je rêve

pour toi et dans laquelle je veux vivre. »103

I. Génération Y, Digital Natives… : « Jeunesse cherche formule. »

1. Tentative de définition d’une génération.

Au cours des dix dernières années, sous le coup du passage à un nouveau millénaire et

de l’usage généralisé d’Internet, s’est développée en Europe l’intuition d’une jeune génération

à identifier. Les formules pour la décrire se sont multipliées, au gré des événements, et

notamment depuis la crise économique de 2007, marqueur d’une jeunesse qui la traverse au

quotidien. Peut-on tenter de définir une génération, ici la jeune génération européenne, sans la

caricaturer ? Qu’a-t-elle de commun et de spécifique par rapport aux autres

générations contemporaines? Sans entrer dans une analyse mondiale, il s’agit pour nous

d’identifier les caractéristiques de cette jeunesse telle qu’elle est identifiée, à partir de

différentes formules. A noter que ces formulations ne sont pas toutes spécifiquement

européennes, notamment la notion de « Digital Natives » énoncée par l’américain Mark

Prensky.

103

Lettre de l’économiste italienne Loretta Napoleonni à son fils de 18 ans. Née en 1955, elle est spécialiste du

blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Source :

http://www.courrierinternational.com/article/2010/12/22/une-renaissance-multiculturelle [article consulté le

21/12/11]

Page 85: Vers une Europe 2.0?

84 | P a g e

Il s’agit avant tout de s’interroger sur la notion de génération et sur la façon de saisir,

identifier, définir la jeunesse actuelle. La sociologie de la jeunesse, en ce sens, s’interroge :

« Est-il légitime de penser la jeunesse comme une catégorie sociologique, c'est-à-dire comme

un groupe social doté, à côté d’autres déterminations, d’une certaine unité de représentations

et d’attitudes tenant à l’âge ?»104

. A partir du 20ème

siècle, la jeunesse est pensée comme un

processus de maturation et de socialisation, menant à l’âge adulte. Intensité et crise en sont les

ressorts. Les normes concernant l’âge sont des constructions sociales qui permettent

d’identifier des rôles, de plus en plus déterminés par l’éducation, désignant par exemple le

jeune à être lycéen puis étudiant.

La notion de génération est d’autant plus complexe que ses limites temporelles et ses

caractéristiques sont souvent floues. Karl Mannheim, dans « Le problème des générations »

(1964) identifie pour celles-ci une durée moyenne de 15 à 30 ans. D’après la définition qu’en

donne Mannheim, « L’ensemble générationnel est un être-ensemble d’individus, que quelque

chose relie entre eux ; mais ce lien ne produit aucun groupe concret. Pourtant l’ensemble

générationnel est un phénomène social dont la spécificité doit être décrite et comprise. »105

.

Du point de vue historique, le terme de cohorte est souvent employé à la place de

génération, et désigne « un ensemble d’individus qui ont vécu un événement semblable durant

la même période de temps »106

. Ils appartiennent donc à la même classe, ce qui constitue à

priori une génération pour les historiens. Mais pour se réaliser, une génération doit par ailleurs

se baser sur « le partage d’une destinée commune et la participation aux mouvements sociaux

et intellectuels qui forment et transforment une situation historique »107

. Les membres d’une

génération s’identifieraient alors sur des caractéristiques propres, une contemporanéité,

formant un sens collectif et une mémoire commune. Cette notion de « mémoire commune » a

par différents aspects été évoquée dans nos précédentes réflexions, en lien avec le capital

culturel commun de l’Europe et notamment les Capitales Européennes de la Culture. Si les

membres d’une même génération se forgent sur une contemporanéité commune, alors l’usage

généralisé d’Internet semble être le symbole, l’événement fondateur de la jeune génération

actuelle.

104

GALLAND, Olivier. Sociologie de la jeunesse. Paris : Armand Colin, 1963, 2011 pour la 5ème

édition, p.53. 105

MANNHEIM, Karl. Le problème des générations. Allemagne : 1964. 106

Ibid, p.56 107

GALLAND, Olivier. Op.cit. p.106.

Page 86: Vers une Europe 2.0?

85 | P a g e

Par ailleurs, ne perdons pas de vue que le concept de génération selon l’âge est

controversé, et que le principe fondamental d’évolution des systèmes culturels et sociétaux

domine sur la stigmatisation par générations. Comme le relève Bernard Roudet, « Les

attitudes des jeunes constituent un miroir grossissant des positions de la société tout entière :

les jeunes sont un baromètre sensible de l’état de l’opinion et de la société. Leurs valeurs et

leurs comportements reflètent plus largement les évolutions sociales en cours. Dès lors, le

regard porté sur les jeunes peut nous aider à atteindre la singularité de notre monde

contemporain.»108

. Les concepts de générations témoignent ainsi des phénomènes traversant

nos sociétés, ils permettent de les identifier, toutefois d’autres caractéristiques essentielles

sont à prendre en compte pour caractériser les individus: la situation sociale, la culture, la

personnalité, la provenance géographique… Par ailleurs, si le renouvellement des générations

est « l’occasion » d’étudier les phénomènes sociaux, il n’en est pas la cause, et « Le

renouvellement des générations favorise l’adaptation plus ou moins rapide de la société vers

un changement dont les causes sont multiples.»109

.

Après avoir au préalable esquissé un portrait de cette jeune génération européenne

selon différentes acceptions, il sera nécessaire de revenir à ce qui nous occupe plus

spécifiquement, la pratique possible d’une citoyenneté spécifiquement européenne. Ce qui

nous intéresse est de discerner une situation générationnelle d’une conscience

générationnelle ; de la même façon que l’on peut distinguer une situation de citoyen européen

d’une conscience et mise en pratique de citoyenneté européenne, et la situation d’un individu

sur le territoire européen du sentiment d’appartenance à celui-ci.

2. Formules et avatars d’une jeunesse connectée.

Intéressons-nous maintenant aux formules utilisées pour décrire cette jeune génération.

Dans un premier temps, le terme de Génération Y semble dominer les publications

scientifiques et journalistiques des cinq dernières années, dessinant un concept générationnel

global. La formule est lancée par le « Magazine Advertising Age » en 1993, et a été

notamment liée en France au développement du management intergénérationnel par l’analyse

108

Bernard ROUDET, “ Les Sociétés européennes au miroir des jeunes”, in. Les jeunes européens et leurs

valeurs. La Découverte, 2005. p.16 109

Ibid.

Page 87: Vers une Europe 2.0?

86 | P a g e

comportementale des jeunes générations110

. La Génération Y, qui englobe les personnes nées

entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, succède à la Génération X, celle

des baby-boomers. « Parfois surnommée la génération WHY (jeu de mot sur la phonétique

anglaise du Y) »111

, en français la Génération Pourquoi112

: ils ont entre 18 et 30 ans, et sont

caractérisés par leur recherche de sens, et leur inscription active au cœur du phénomène

internet. Il s’agira dans un deuxième temps que nous rentrions plus en détail dans les avatars

et les « mots-clés » d’une telle génération.

Si nous nous intéressons uniquement à l’Europe, cette génération prend différents

noms spécifiques, et différentes nuances selon les pays. En témoigne l’ouvrage de l’espagnole

Lucia Martin « Génération perdue ? Fausses idées sur les jeunes publié » peu avant le

mouvement des Indignés en Espagne. « C’est la génération du qui vivra verra, de la

débrouille (…) Ils sont incrédules, réactifs et solidaires, ce qui n’est jamais mentionné.»113

.

Autre exemple significatif, le collectif « Génération 700 » en Grèce, représentant les 56% de

grecs de moins de 30 ans vivant avec 700 euros par mois. Le terme Génération précaire,

fortement politisé, est par ailleurs souvent utilisé en France et dans d’autres pays européens

depuis environ 5 ans, et se cristallise dans les mouvements des Indignés en 2011. Autre

formule déjà évoquée dans nos développements précédents, mais éminemment présente : la

notion de Génération Erasmus. Cette formule marque l’une des spécificités majeures d’une

jeunesse supposément mobile, non seulement connectée virtuellement, mais culturellement et

géographiquement114

.

Dans une vision plus mondiale, et parce que certaines formules ont gagné les discours

européens, il faut noter le concept significatif de Digital natives, formule énoncée par l’auteur

américain Mark Prensky en 2001. Cette génération est décrite comme un ensemble

d’individus ayant intégré l’usage des nouvelles technologies dès leur enfance, et se centre sur

cette caractéristique. A cet effet, sont intégrés dans cette cohorte les 12-25 ans. Les Digital

110

Julien Pouget est l’une des références sur ce point, voir le blog http://lagenerationy.com (consulté le 03/01/12) 111

DAGNAUD, Monique. Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion. Presses

de Sciences Po, Paris, 2011, p.7 112

Voir l’émission revue de presse « Génération Pourquoi » du 15 nov. 2011 par Bruno Duvic sur France Inter.

http://www.franceinter.fr/emission-revue-de-presse-generation-pourquoi (consulté le 03/01/12) 113

Citée dans l’article « Génération perdue : je suis précaire parce que c’est mon destin » par Cristina Cartes, sur

cafébabel.com, 28/07/11 http://www.cafebabel.fr/article/38288/generation-perdue-precaire-destin.html [consulté

le 20/12/11] 114

Nous renvoyons ici à notre analyse du phénomène Erasmus vis-à-vis du sentiment d’appartenance aux

territoires, dans la partie 3 de cette étude.

Page 88: Vers une Europe 2.0?

87 | P a g e

Natives ont une appréhension et une adaptation quasi-intuitive aux nouvelles technologies,

reposant sur des gestes devenus réflexes : envoyer un e-mail, appeler depuis un téléphone

portable voire un Smartphone, utiliser un appareil photo numérique, faire ses achats en

ligne… « Il apparait clairement qu’une conséquence de cet environnement ubiquitaire et du

nombre croissant d’interactions qu’ont les étudiants avec celui-ci, font que leurs modes de

pensée et d’information diffèrent fondamentalement de leurs prédécesseurs.»115

. Pourtant,

nous pouvons remarquer avec le Tableau 16 que peu des interrogés sont proches de la notion

de Digital Native, qui les caractérisent aux yeux des autres générations.

Tableau 16 « Savez vous ce qu’est un Digital Native ? »

Effectifs Pourcentages

Non réponse 1 3,2%

C’est la génération Web 1 3,2%

Ce sont les jeunes qui vivent

avec les nouvelles technologies

1 3,2%

Ce sont les personnes nées avec

les technologies numériques

1 3,2%

C’est la génération numérique 1 3,2%

J’en fais partie, c’est la

génération Internet

1 3,2%

Ne sait pas 23 74,1%

Nés pendant les nouvelles

technologies

1 3,2%

Quelqu’un qui est dans la

culture numérique

1 3,2%

Total 31 100%

74,1% des interrogés, qui font tous partie de la génération Digital Native, ne connaissent pas cette

notion. Les huit définitions données sont similaires, nous avons voulu conserver les termes précis. Nous pouvons

remarquer qu’un seul d’entre eux (3,2%) se définit comme partie intégrante de ce phénomène sociologique.

115

PRENSKY, Mark. « Digital Natives, Digital Immigrants », in. On the Horizon. USA: NCB University Press,

2001. traduit de l’américain : « It is now clear that as a result of this ubiquitous environment and the sheer

volume of their interaction with it, today’s students think and process information fundamentally differently

from their predecessors.”

Page 89: Vers une Europe 2.0?

88 | P a g e

Les nords-américains ont également développé la notion de Generation We ou The

Millenials, notamment l’auteur Eric Greenberg, qui a publié une étude-manifeste

s’interrogeant en toute modestie sur « la façon dont la jeunesse du millénaire s’empare de

l’Amérique et est en train de changer notre monde pour toujours »116

. La génération

d’individus nés jusqu’en 2000 est ici prise en compte, ce qui englobe les 12-35 ans.

Avant de poursuivre notre portrait de cette Génération Y, formule globale que nous

retiendrons, et de ses enjeux, un projet artistique significatif mérite d’être évoqué. Il s’agit du

projet photographique transfrontalier de l’artiste franco-allemand Paul Hossfeld intitulé

« WARRIORS – Generation – Europe (2013-2017) ». Son intention est la suivante : « Entre

2013 et 2017, 400 portraits de guerriers – « plutôt militant que militaire » - vont se promener

sur du mobilier urbain à travers les métropoles européennes.» 117

. Il s’agit de faire le portrait

de ces jeunes européens ordinaires en conquérants, jonglant avec les incertitudes, mais

adoptant une attitude ancrée dans le sol, positiviste. Il est important de noter à ce propos que

l’appréhension du climat européen ambiant, sur fond de crise et de recherche de sens, diffère

sensiblement selon les pays. La sociologue française Camille Peugny souligne ces disparités

et similitudes118

.

Les technologies du numérique, dont les applications centrales sont liées au Net, aux

médias et aux réseaux sociaux en découlant, sont l’un des phénomènes sociétaux majeurs de

la fin du XXème siècle et du nouveau millénaire. Le constat n’est pas nouveau, mais ce qui

nous intéresse est d’identifier maintenant les caractéristiques de cette jeune génération

européenne qu’on dit «interconnectée ». On retiendra trois mots-clés, analysés plus

116

Eric H. GREENBERG, Géneration We, 2009. http://www.gen-we.com/. Traduit de l’américain: “How

Millennial Youth are taking over America and changing our world forever” (consulté le 03/01/12) 117

http://www.cafebabel.fr/article/39098/eurogeneration-les-warriors-conquete-des-villes.html (consulté le

03/01/12) 118

« Il existe évidemment des différences entre les pays et il est utile de revenir ici sur le cas des pays scandinaves souvent

cités en exemple. Certes, les jeunesses de ces pays se distinguent par un optimisme plus prononcé. Plus qu’ailleurs, les jeunes

envisagent l’avenir avec optimisme et ont le sentiment que la société leur fait une place et leur permet de s’exprimer.

Toutefois, les jeunes Suédois sur le marché du travail, connaissent des taux de chômage comparables à ceux observés en

France (…) Le troisième constat concerne les jeunesses de pays du Sud, ici l’Espagne et le Portugal. Confrontées à des taux

de chômage et d’emplois temporaires très élevés, leurs attitudes quant à l’avenir peuvent apparaître contradictoires : ils se

montrent parmi les plus optimistes en Europe lorsqu’on les interroge de manière très générale sur leur vision de l’avenir.

Quatrième constat, qui concerne l’Allemagne. Bien que relativement préservés du risque du chômage (10 % en 2009), les

jeunes Allemands, certes employés à plus de 57 % dans des emplois temporaires, se montrent particulièrement inquiets quant

à l’avenir et, en tout cas, beaucoup plus que le reste des Allemands. Cinquième constat, enfin, pour les jeunes Français.

Fortement touchés par le chômage et les emplois précaires, ils se montrent particulièrement insatisfaits de leur situation et

inquiets quant à l’avenir, comme leurs voisins allemands »

Page 90: Vers une Europe 2.0?

89 | P a g e

particulièrement par le prisme des technologies du numérique : Expression / Communauté /

Mobilité. Ces mots clés se retrouvent dans les résultats d’enquête quant aux champs de

pratique cités par les interrogés.

Tableau 17 « Quelle est votre principale utilisation du net ? » / « Combien de pays d’Europe avez vous visités ? »

0/1 2/3 4/5 6 et

plus

Total

Informations 6,7 3,3 10,0%

Réseaux

sociaux/

communication

3,3 6,7 6,7 6,7 23,3%

Téléchargements 10,0 10,0%

Recherches 3,3 3,3 3,3 10,0%

Connaissance du

monde

6,7 6,7%

Professionnel 6,7 6,7 3,3 16,7%

Achats 3,3 3,3 6,7%

Utilisations très

variées

10,0 6,7 16,7%

Total 20,0% 50,0% 20,0% 10,0% 100,0%

Nous pouvons remarquer ici que la mobilité au sein de l’Europe et l’Utilisation du Net sont des

pratiques communes à notre échantillon. La moitié (50,0% ) à visité 2 ou 3 pays européens et 30% en

ont visité quatre ou plus. On voit par contre que ces informations ne sont pas des vecteurs de

différenciation concernant les utilisations du Web. Elles restent variées et sans corrélation avec la

mobilité. Nous pouvons pourtant voir que les interrogés ayant visité 6 pays ou plus ont des utilisations

d’ordre communicationnel ou professionnel (10,0% ).

a. Expression.

Ces nouveaux outils – Web, objets technologiques nomades, réseaux sociaux et

nouveaux médias – ont vu apparaitre une jeunesse dont la soif d’expression s’est matérialisée

et démultipliée dans les espaces de blogs, de forums, et plus récemment via les réseaux

sociaux. Gilles Achache le souligne: « De la même façon que l’outil prolonge la main et le

corps pour en augmenter la puissance et l’habileté, les médias, depuis l’écriture jusqu’à

internet, ne sont qu’un prolongement de la parole. Ils sont l’expression moderne de cette

Page 91: Vers une Europe 2.0?

90 | P a g e

fonction si spécifiquement humaine qui est notre capacité à donner ou à trouver du sens à

toute chose.»119

.

Il en résulte un flux permanent d’images et d’interactions, qui trouve son apogée dans

les plateformes d’expression franchissant la barrière des langues et présentes de façon quasi-

homogène en Europe, comme Facebook ou Twitter. Il s’agit de faire émerger l’humeur d’une

génération, participer à une sociabilité commune, avec ses règles et ses communautés

d’appartenance (les « groupes » facebook, par exemple.). Les réseaux sociaux actuels

s’inscrivent dans une nouvelle génération du Web, nommée Web 2.0, qui condense les

principes de simplicité d’utilisation et d’interactivité. Enfin, cet espace de parole oscillant

entre public et privé permet en partie la construction identitaire des jeunes générations à

travers le partage d’opinions, l’accès aux ressources et informations européennes les plus

diverses.

b. Communauté

Les NTIC donnent lieu à de nouvelles pratiques de collectivité et de sociabilité, entre

virtuel et réel. L’aspect collaboratif du web 2.0, dont la plateforme de vidéo en ligne YouTube

ou le magazine européen participatif cafébabel.com sont des exemples significatifs: « Dans

les versions les plus optimistes, on assisterait à l’émergence d’une nouvelle culture

participative, basée sur les interactions libres entre usagers générateurs de contenus sur le

réseau internet, et à l’effacement du rôle central occupé jusqu’à présent par les industries de

la culture et de la communication.»120

. Se dessine un espace idéologique de partage de

connaissances et d’expériences, où chacun fait partie d’un tout. Cependant, il semble que la

relation voire la tension entre individu et collectif empiète sur la possible construction d’une

expression citoyenne : l’expression individualiste ou la perte de pouvoir critique derrière le

collectif peuvent apparaitre problématiques face à une certaine idéologie du Web collaboratif.

Enfin, du virtuel au réel, on peut noter le développement de rassemblements éclairs

(flashmobs, actions éphémères…), qu’ils soient artistiques ou contestataires, qui ont puisé à

cette nouvelle source mondiale via des réseaux comme Facebook, Twitter, Youtube…

c. Mobilité

119

ACHACHE Gilles, Le Complexe d’Arlequin : éloge de notre inconstance. Paris, Grasset, 2010. p.74 120

BOUQUILLION, Ph. Le Web collaboratif. Mutations des industries de la culture et de la communication.

Presses universitaires de Grenoble, 2010.

Page 92: Vers une Europe 2.0?

91 | P a g e

Au-delà du phénomène Erasmus, que nous avons déjà évoqué, et des divers

programmes institutionnels pour la jeunesse (Service Volontaire Européen, actions

communautaires…) la mobilité de la Génération Y se cristallise dans le paradigme du low-

cost. Les compagnies aériennes à bas coup Ryanair ou EasyJet, respectivement irlandaise et

britannique, se sont imposées pour les jeunes générations comme un mode de transport

économique et novateur, avec des réservations en un clic sur Internet et des billets

éléctroniques. Il n’a jamais été aussi simple de voyager dans l’espace Shenghen, découvrir

une métropole pour un weekend ou s’installer pour un semestre ou pour un emploi à l’autre

bout de l’Europe, sans perdre la connexion, aux proches et à Internet.

L’instantanéité et l’accélération des comportements touristiques et culturels, des

échanges, se sont nourris des nouvelles technologies. L’aspect prédominant est l’ubiquité

impulsée par celles-ci: le Net et les nouveaux médias ont permis la communication vidéo à

distance via Skype, la traduction quasi-instantanée des langues européennes, l’échange de

produits culturels via les plateformes de téléchargement, etc.

3. Etre ou ne pas être branché : la Génération Y, un concept élitiste ?

Le sentiment d’appartenance à une génération européenne.

Jacques Delors: « Il existe un sentiment d’appartenance à l’Europe, mais seulement

pour les diplômés.» 121

.

Selon l’acception sociologique, le sentiment d’appartenance122

à une génération et la

conscience d’être impliqué dans un mouvement générationnel constituent en partie les

membres d’une génération. Dans la même logique, un phénomène social peut être identifié

comme propre à une génération donnée, sans que tous les membres présumés (ici, les jeunes

européens) ne s’y reconnaissent. Il y’a alors un décalage entre ce qui est identifié et le

sentiment d’appartenir à une génération. Un jeune actif européen de 20 ans ne se sentira pas

forcément appartenir à la Génération Erasmus si lui-même voyage peu et n’a pas expérimenté

ce programme d’études à l’étranger. A ce propos, il faut nuancer le phénomène Erasmus,

puisque seulement 1% des jeunes européens en auront bénéficié en 2007. Par ailleurs, la

121

http://www.cafebabel.fr/article/39478/jacques-delors-massif-pour-la-jeunesse-europeenne.html (consulté le

20/12/11) 122

Voir l’analyse que nous faisons de cette notion centrale à notre étude, dans la partie 3 de ce mémoire, p.

Page 93: Vers une Europe 2.0?

92 | P a g e

Génération Y telle qu’elle est analysée englobe le plus souvent les « étudiants » ou « jeunes

actifs », dans les termes employés pour décrire ses membres.

Or, le taux de chômage conséquent dans de nombreux pays européens, et les disparités

d’accès aux études ne permettent pas de conclure à une « génération étudiante » effective.

D’après un sondage IFOP 2010, 62% des 18-24 ans déclarent être membres de 4 réseaux

sociaux ou plus, 77% pour Facebook, ce chiffre atteint 85% pour les étudiants. Il semblerait

que la Génération Y dresse le portrait faussé d’une génération dont les étudiants, de par une

sociabilité intense et une utilisation créative et très diversifiée des réseaux sociaux (en

témoigne l’explosion des formations liées aux NTIC) seraient les principaux membres

pouvant s’y reconnaitre.

De plus, si la réalisation d’un membre supposé d’une génération passe par le fait de

mettre en pratique le comportement et les normes décrites par celle-ci, on comprendra

aisément le risque de « lissage » des comportements. Si l’utilisation massive des NTIC est la

norme affirmée123

, il existe bel et bien encore en Europe certaines fractures numériques,

qu’elles soient par exemple géographiques, idéologiques ou économiques. Les personnes

marginalisées, à faibles revenus, sans emploi ou sans formation sont les plus touchées. Entre

un jeune pays comme l’Estonie (surnommé e-stonie pour son application exceptionnelle des

nouvelles technologies au cœur de la citoyenneté) et des pays plus fragilisés économiquement,

des fossés se dessinent. Selon une étude Eurostat 2008 sur l’usage des NTIC, la proportion

d’internautes réguliers atteint 75 à 85% en Suède, aux Pays-Bas ou en Islande, mais sont 28%

en Bulgarie et en Grèce, 35% en Italie et en Roumanie124

.

Du côté institutionnel, plusieurs initiatives pour réduire cette fracture numérique sont à

noter. Le volet « Société de l’information » de la Commission européenne a mis en place un

programme d’e-inclusion : promotion de l’accès de tous à une connexion internet pour un prix

abordable, homogénéisation du haut-débit et des espaces publics wifi, développement des

services publics en ligne, campagnes de formation à travers l’Europe. Il s’agit d’accroitre

l’accessibilité aux NTIC et notamment l’insertion numérique des citoyens marginalisés et des

minorités migrantes. Pour conclure ces réflexions, « ce n’est le plus souvent qu’une minorité,

qui à l’occasion d’un événement dont elle fait un symbole, s’autoproclame porte-parole d’une

123

66 % des Européens âgés de moins de 24 ans utilisent l'internet tous les jours, selon le rapport de la

Commission européenne sur la compétitivité numérique publié en août 2009. (consulté le 03/01/12) 124

Etude Europa pour l’évaluation du programme i2010, (consulté le 03/01/12)

http://ec.europa.eu/information_society/eeurope/i2010/docs/annual_report/2008/i2010_mid-term_review_fr.pdf

Page 94: Vers une Europe 2.0?

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génération dont la masse n’a pas participé activement au mouvement initial »125

. Ainsi faut-il

nuancer une appréhension souvent trop catégorique et caricaturale de la jeunesse actuelle.

II. Les nouveaux médias : espace citoyen de la jeune génération ?

1. Médias traditionnels vs. Médias générationnels ?

Il s’agit maintenant d’appréhender de façon plus précise les enjeux que dessinent ces

nouveaux médias dont on entend allègrement parler. Si les médias traditionnels (radio,

télévision, presse) restent en réinvention constante, c’est qu’ils ont en grande partie profité de

l’impulsion des médias innovants liés aux NTIC (internet, réseaux sociaux). En effet, les

contenus des journaux traditionnels en ligne se sont développés, le streaming vidéo et le

podcast radio ont permis une diffusion diversifiée 24h/24. Les médias traditionnels, jouant un

rôle majeur dans la construction des opinions, ont peiné à intégrer une dimension européenne,

malgré tout relative. La création d’Arte, chaine de télévision culturelle franco-allemande, ou

d’Euronews, chaine d’information européenne diffusée en 11 langues, sont des initiatives

rares.

On peut également noter l’absence en France de magazine européen à part entière,

bien que Courrier International, pour n’en citer qu’un, dresse une revue de presse

continentale spécifique. Par ailleurs, au cœur des médias généralistes d’information ou de

divertissement, les sujets européens n’occupent que très peu du temps de diffusion. En 2011,

ces thèmes ont cependant été remis sur le devant de la scène grâce à l’émulation contestataire

et le sujet du triple AAA des agences de notation économique.

La véritable innovation concerne les nouveaux médias du Web 2.0, publiés en ligne,

interactifs et participatifs la plupart du temps, c'est-à-dire où le contenu ne provient plus d’une

seule et même source mais potentiellement de chaque citoyen-internaute. Cette ouverture aux

citoyens a fait l’objet de nombreux débats, notamment sur le bien-fondé informationnel de ces

outils. Des médias d’information citoyens comme MédiaPart ou AgoraVox sont des cas

d’école de cette régénération médiatique au cours des années 2000. Un zoom mérite d’être fait

sur cafébabel.com, le premier magazine européen en 6 langues, média en ligne qui se définit

comme générationnel, créé en 2001 par des étudiants de Sciences-Po Strasbourg. A la fois

producteur de contenu éditorial et plateforme de blogs, cafébabel.com se veut un espace

125

GALLAND, Olivier. Sociologie de la jeunesse. Paris : Armand Colin, 2011 pour le 5ème

édition, p.106.

Page 95: Vers une Europe 2.0?

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d’expression « de la société civile et de l’eurogénération, la première génération

d’Européens mobiles et connectés à Internet ; cafebabel.com innove dans le domaine du

journalisme participatif, en offrant à tous la possibilité de s’exprimer dans sa langue

maternelle »126

. L’objectif principal est de faire émerger une opinion publique sur l’Europe,

sans ambition autre que d’informer et échanger autour de sujets de société mineurs ou

majeurs, de l’Eurovision au mouvement des Indignés.

Ecrits par de jeunes citoyens directement concernés, ces sujets peignent avec réalisme,

humour et originalité le quotidien de cette Génération Y que l’on s’efforce de saisir. Du

virtuel au réel, cafébabel.com organise dans 31 villes européennes où se tiennent des

correspondants des débats, rencontres, reportages et actions. Ce véritable réseau à la fois local

et global est unique en son genre, et trop méconnu du grand public, bien qu’il ait reçu

plusieurs prix européens récompensant son initiative.

Nous pouvons remarquer ci dessous que la diffusion et la réception d’informations

concernant les pays étrangers fait partie des habitudes numériques des jeunes interrogés.

Tableau 18

« Consultez-vous les actualités internationales avec Internet ? »/ Vous sentez vous européen ? »

Non

réponse

Oui Non Total

Non réponse 3,2 3,2 6 ,5%

Oui 38,7 19,4 58,1%

Non 32,3 3,2 35,5%

Total 3,2% 71,0% 25,8% 100,0%

Nous voyons ici que le pourcentage le plus élevé (38,7%) concerne la partie de l’échantillon qui

répond aux deux questions par la positive. Pour aller dans le même sens, un seul interrogé (3,2%) ne

consulte pas les actualités et ne se sent pas européen. On peur donc comprendre que non seulement les

deux notions ont une résonance chez nos interrogés, mais aussi que le sentiment d’appartenance peut se

concrétiser à travers une pratique numérique.

2. A la recherche du sens culturel : initiatives citoyennes et nouveaux médias.

Vis-à-vis de la notion d’échange multiculturel au sein des réseaux sociaux types

Facebook ou Twitter, il s’agit de relativiser une approche trop positiviste, car le contenu tient

126

http://www.cafebabel.fr/about/cafebabel/ (consulté le 03/01/12)

Page 96: Vers une Europe 2.0?

95 | P a g e

souvent de la conversation anecdotique. Souvent, on échange sur les réseaux sociaux avec nos

connaissances, ce que souligne Monique Dagnaud : « inutile d’idéaliser la fonction de mixage

du réseau : on s’ouvre certes à d’autres, mais on a toutes les chances de naviguer dans le

même univers socioculturel »127

. Il apparait donc une certaine limite aux échanges

multiculturels chers à l’idéologie européenne, via les réseaux sociaux. Cependant, du point de

vue des projets culturels questionnant la citoyenneté européenne et liés aux NTIC, il nous

parait intéressant d’évoquer la présence d’initiatives citoyennes plutôt qu’institutionnelles,

volet déjà évoqué dans la partie 2 de cette étude.

A cette image, le festival TransEuropa est emblématique. Créé et mené par un

ensemble de jeunes citoyens, militants, acteurs culturels et créateurs issus de 12 pays

européens participant au projet : c’est le réseau Alternatives Européennes , « une organisation

de la société civile, dont le but est d’explorer le potentiel de la culture et de la politique

transnationale. Nous sommes convaincus que répondre aujourd’hui aux défis de participation

démocratique, d’égalité sociale et d’innovation culturelle ne peut être réalisé qu’au delà de

l’Etat nation »128

. TransEuropa est le premier Festival transnational de culture, arts et

politiques, il s’est déroulé simultanément dans 12 villes du 6 au 15 mai 2011 à Paris, Berlin,

Londres, Bologne, Cluj-Napoca, Amsterdam, Bratislava, Cardiff, Edimbourg, Lublin, Prague

et Sofia.

Véritable événement collectif à la fois culturel et politique, TransEuropa a abordé à

travers manifestations artistiques et débats citoyens 4 sujets d’actualité : les droits des

migrants, l'intégration des Roms, la liberté de la presse et une économie plus juste dans

l'après-crise. Par exemple, en ce qui concerne la programmation à Paris, ont été organisés un

voyage en BD à travers le développement durable en Europe, un débat sur l’Europe face aux

mouvements démocratiques, une rencontre avec une compagnie de théâtre alternatif polonaise

traitant de l’art de la résistance, etc. Cette initiative met à l’honneur la transparence de

l’information, la solidarité européenne, et l’échange interculturel nourri par la plateforme

multilingue en ligne euroalter.com. La forme spectaculaire de l’événement n’empêche pas un

fort contenu citoyen, pour créer un espace commun de débat et célébrer une conscience

européenne nécessaire, selon les jeunes organisateurs. Alternatives Européennes bénéficie du

127

DAGNAUD, Monique. Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion. Presses

de Sciences Po, Paris, 2011. 128

http://www.euroalter.com/FR/a-propos/ (consulté le 03/01/12)

Page 97: Vers une Europe 2.0?

96 | P a g e

programme institutionnel Europe for Citizens, et le réseau s’étend peu à peu puisque le

festival TransEuropa 2012 s’installera dans deux pays supplémentaires.

On peut évoquer également le réseau européen « Culture Action Europe » regroupant

plus de 80 000 acteurs culturels. Cette association défend le rôle de la culture dans le projet

européen, en relayant les propositions de ses membres aux instances européennes. C’est une

plateforme d’idées, où articles, débats et actualités culturelles et citoyennes se côtoient, selon

une logique participative. Le cheval de bataille du collectif depuis 1992 est la mise en place

de nouvelles coopérations, de projets transfrontaliers permettant les échanges interculturels.

Comme en témoigne le Centre chypriote des instituts internationaux du théâtre, membre

depuis 2009 : « Le principal avantage à être membre de Culture Action Europe est l'accès :

accès à l'information, à de nouveaux contacts, à des mises à jour régulières, à des experts

avisés.»129

.

2. A la recherche du sens politique : contestations en réseaux au Printemps 2011.

Pour analyser la possibilité d’un sens politique investi par la jeune génération dans les

nouveaux médias, il s’agit d’identifier d’abord les valeurs du Net. Premièrement, la liberté

d’expression est de mise à travers les réseaux sociaux, comme nous l’avons évoqué

auparavant. La Génération Y a acquit certaines valeurs du Net, notamment celle de l’accès à

l’information et à la production de contenu de façon gratuite, ce qui est désormais ancré dans

ses pratiques. La réactivité de l’outil et des réseaux, leur instantanéité participe aussi à sa prise

en main par les citoyens, en vue d’actions protestataires ou collectives possibles. De façon

plus profonde, le Net aurait a priori conservé l’esprit subversif de ses origines.

Une promesse de démocratie possible par l’avènement du Net est toujours restée dans

l’ombre de son évolution : « Internet, parmi beaucoup d’autres choses, redonne à la société

des individus en conversation un poids, une capacité d’action, d’auto-organisation, de

résistance et de critique qui avait été étouffée par la domination complice des médias

professionnels et des professionnels de la politique. »130

. Il faut noter également que

l’humoristique et le spectaculaire prédominent dans les formes de contestation. La satyre, le

129

http://www.cultureactioneurope.org/lang-fr/network/why-join (consulté le 03/01/12)

130

CARDON, Dominique, « Pourquoi l’internet n’a-t-il pas changé la politique ? », 19 aout 2011,

http://internetactu.blog.lemonde.fr/2011/08/19/dominique-cardon-pourquoi-linternet-na-t-il-pas-change-la-

politique/ (consulté le 03/01/12)

Page 98: Vers une Europe 2.0?

97 | P a g e

fun, la mise en scène, le happening, voire la culture « lol » du Net analysée par Monique

Dagnaud, se mêlent aux revendications politiques, sociales, citoyennes, et les exaltent. Il faut

nuancer en évoquant la part minime d’utilisation d’internet comme « outil » politique, cela

restant marginal que les jeunes générations l’utilisent comme système de mobilisation.

Néanmoins, le sens du politique, ou du moins de la contestation par la jeunesse

mondiale, semble s’être historiquement cristallisé dans l’année 2011 : « 2011, Année

révoltée ! » titrait Courrier International dans un numéro spécial paru le 15 septembre dernier.

Le magazine mettait en lumière le fil rouge de ces mouvements: le soulèvement des classes

moyennes, et l’utilisation des réseaux sociaux. Mais pouvait-il en être autrement à notre

époque ? Le mouvement des Indignés est emblématique d’un tel phénomène. Véritable élan

collectif d’une génération en prise avec la précarité, les Indignados de la Puerta del Sol à

Madrid, à partir du 15 mai 2011, ont recréé une communauté organisée idéale, un microcosme

citoyen où la démocratie participative était érigée comme principe : « De partis ou de

groupuscules, de sélection de leader, de médiations, de slogans, de projets politiques, ou de

propositions concrètes: aucune de ces « vieilleries » ne pointe à l’horizon. Les indignés

revendiquent, au contraire, le droit de permettre la participation des citoyens à la politique

par des canaux directs.»131

.

Les réseaux sociaux ont été les premiers canaux directs décisifs, avec la diffusion

massive auprès des étudiants et des communautés juvéniles, l’écriture d’un manifeste,

l’organisation de manifestations dont le lieu et l’heure du rendez-vous étaient diffusées en

ligne, le relai des informations aux médias, etc. Les réseaux Facebook et Twitter ont impulsé

les premiers rassemblements, ils n’ont cessé de nourrir le mouvement et de le diffuser en

Europe (Portugal, Grèce, Italie, France, Allemagne, Angleterre, etc.) et dans le Monde (Etats-

Unis sous le mouvement Occupy, Israël). Occuper collectivement, durablement et

pacifiquement l’espace public sur des lieux emblématiques, se rendre visible et audible, voilà

ce qui a permis également aux Indignés d’attirer les médias sur leur cas de la fin du Printemps

2011 jusqu’à l’automne.

131

DAGNAUD, Monique, « Qui sont les Indignés de la Puerta del Sol ? » paru sur telos.com, plateforme de

débats en ligne. http://www.telos-eu.com/fr/article/les-indignes-de-la-puerta-del-sol-qui-sont-ils (consulté le

22/12/11)

Page 99: Vers une Europe 2.0?

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Aujourd’hui, le mouvement reste vivace, et la version anglophone (Occupy) prépare

la création d’une plateforme sociale indépendante des grands réseaux sociaux américains

(Twitter, Facebook). Les « activistes » d’Occupy, comme ils se dénomment, sont préoccupés

par la surveillance des réseaux par la police: « Voilà pourquoi «Global Square», le réseau

social en cours de création pour les mouvements «Occupy» doit voir le jour, estime Ed

Knutson. Le principal défi sera de s’assurer que tous les membres sont dignes de confiance,

explique-t-il à Wired. Rejoindre la plate-forme se fera alors uniquement sur invitation.»132

.

Notons également que les révolutions arabes du Printemps 2011 ont aussi été nourries

par les échanges sur réseaux sociaux. Ce qui nous intéresse ici, au-delà des similitudes avec

les Indignés quant à la propagation du mouvement de révolte, est le lien communicationnel

qui s’est créé entre la jeunesse des Pays arabes et celle d’Europe via les réseaux sociaux. Sans

doute les événements du Printemps 2011 n’ont-ils fait que révéler un phénomène existant,

toujours est-il que la diffusion des revendications a été relayée en Europe et que les activistes

du Net ont joué un rôle important. Les technophiles européens ont réagit instantanément suite

au blocage du Net par l’Etat égyptien, du 28 janvier au 2 février 2011. Nous citerons deux

exemples significatifs. Christopher Kullenberg, jeune cybermilitant suédois membre du réseau

Télécomix a permis de rester en contact avec une cinquantaine de jeunes égyptiens durant

cette période133

.

De plus, le rôle Google a été important suite au blocage du net par les autorités : un

service mis en place par le moteur de recherche américain a alors permis de twitter à partir de

messages vocaux laissés par les égyptiens via leurs téléphones portables, et aussitôt retransmis

sur le réseau. « L’occultation numérique des événements n’est alors plus possible;

l’arrestation de Wael Ghonim, le responsable marketing de Google au Proche-Orient (qui

sera porté en triomphe sur la place Tarhir après sa libération), se révèle vite totalement

132

« Les militants du mouvement Occupy auront bientôt leur propre réseau social », (consulté le 03/01/12)

http://www.20minutes.fr/web/twitter/849767-militants-mouvements-occupy-bientot-propre-reseau-social 133

« Les membres de Telecomix ont alors eu l’idée de récupérer de vieux stocks de modems datant de l’époque

où les cybercommunications passaient par les lignes fixes et ont même obtenu l’aide d’un fournisseur d’accès

français, qui a ressorti ses modems oubliés et mis des connexions gratuitement à leur disposition. Une fois le

matériel acheminé sur place, ils ont faxé les numéros de téléphone et les instructions donnant la marche à suivre

pour se connecter. Une cinquantaine d’Egyptiens, tout au plus, ont ainsi pu se raccorder à Internet au moment où

le réseau était officiellement suspendu. Ce qui est peu, sur une population de 80 millions. Mais suffisant pour

faire sortir les informations des militants du pays lorsque les forces de sécurité de Moubarak ont donné l’assaut

sur la place Tahrir, quelques jours plus tard. »

Page 100: Vers une Europe 2.0?

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inadaptée à la situation.»134

. Autre exemple, le cas d’une jeune hackeuse française de 17 ans

prénommée Louise, interviewée anonymement par un magazine féminin, elle confie être en

contact avec de jeunes opposants syriens: « Je les conseille pour qu’ils puissent envoyer des

mails sans qu’ils soient lus par le régime. (…) On a également hacké un site syrien : les

internautes qui s’y connectaient étaient redirigés vers une page expliquant comment échapper

à la censure.»135

. Elle affirme vouloir avant tout lutter pour la circulation des informations et

la liberté d’expression.

Enfin, il ne faut pas oublier que les médias traditionnels ont joué un rôle de relai

important également dans ces révoltes, notamment la télévision indépendante « Al Jazeera » à

diffusion internationale en langue arabe et anglaise: 40 millions de téléspectateurs la regardent

chaque jour136

. Nous avons vu que l’essor du Net permet une nouvelle donne

communicationnelle pour la jeunesse actuelle, autant sur le plan participatif que contestataire.

« La nouvelle génération attend beaucoup des interactions entre le Net et la vie réelle pour

faire évoluer les choses, non sur un plan strictement politique partisan, auquel elle ne croit

guère, mais sur un plan social et culturel.»137

. L’interactivité gagne de plus en plus de terrain

dans nos comportements, et nous pouvons conclure ces réflexions en affirmant que si les

espaces de pratiques citoyennes et culturelles sont de plus en plus impulsées par les réseaux

virtuels, la « vie réelle » reste l’espace d’action majeur d’une génération ancrée dans son

époque. Les résultats du tableau 19 montrent que la connaissance d’un projet territorial peut

être corrélé avec l’utilisation du net mais aussi avec sa forme (massive ou non).

Tableau 19

« Vous sentez vous concernés par le projet Marseille Provence 2013 ? »/

« Combien d’appareils avec accès à internet possédez vous ? »

Non réponse 1 2 3 Total

Non réponse 3,2 3,2%

Ne connais pas 12,9 12,9%

134

BENILDE, Marie. « La révolution arabe, fille de l’internet ? », 15/02/12, article publié sur le blog du Monde

Diplomatique. http://blog.mondediplo.net/2011-02-15-La-revolution-arabe-fille-de-l-Internet (consulté le

02/01/12) 135

Magazine Glamour, n°95 Février 2012, p.41 136

DAGNAUD, Monique. Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion. Presses

de Sciences Po, Paris, 2011. p.102 137

Ibid. p.94

Page 101: Vers une Europe 2.0?

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Oui 22,6 16,1 9,7 48,4%

Non 22,6 9,7 3,2 35,5%

Total 3,2% 45,2% 38,7% 12,9% 100,0%

Nous savons ici que lorsque les interrogés répondent « un appareil » il s’agit d’un

ordinateur fixe ou portable, que lorsqu’ils répondent « deux », s’ajoute un téléphone. Enfin, les

interrogés qui répondent 3 se partagent entre la tablette et la télévision en plus. Nous pouvons

remarquer ici une parfaite égalité entre les interrogés qui ne se sentant pas concernés par Marseille

Provence 2013 et ceux qui ne le sont pas, quand ils n’ont qu’un appareil (22,6%) . Alors que dès que

nombre d’appareils augmente, les interrogés se sentent majoritairement concernés. Ajoutons ici que

lors de la passation, le plan de communication de Marseille Provence 2013 vers le public n’était pas

lancé. Ce qui n’empêchait pas le projet d’avoir des relais d’informations via internet.

III. Les Capitales Européennes de la Culture, espaces interactifs?

1. Partage d’expériences, participation et mémoire commune.

Nous avons déjà évoqué la présence du réseau des universités des Capitales

européennes de la Culture (Uneecc), créé par 15 universités européennes en 2006 pour

impulser une dynamique pédagogique, culturelle et citoyenne autour des CEC. Il s’agit pour

les étudiants de l’Europe entière d’échanger autour des enjeux du programme, partager les

expériences menées, en ligne et au cours de workshops comme celui de Pecs en 2009. « Les

étudiants venus d’anciennes, d’actuelles ou de futures Capitales Européennes de la Culture

(…) ont présenté leurs universités et associations respectives, évoquant notamment les temps

forts de l’année durant laquelle leur ville fut ou sera Capitale Européenne de la Culture.»138

.

Intéressons-nous maintenant aux liens qu’entretiennent les CEC avec les nouveaux

médias interactifs et la jeune génération. Il semble de prime abord que la réalisation de ces

projets menés par les villes s’organise sur le terrain du « réel » et plus minoritairement en

ligne. Cependant, voici l’une des recommandations faites par Liverpool 2008 aux candidats

au label: « Veillez à mettre en place très tôt un système de communication interactif en

libre accès avec un appel à manifestation d’idées sur un site internet. Servez-vous de ce

système pour entretenir le débat tout au long du processus et pour construire et élargir le

138

http://www.dailyspotlight.net/post/2009/07/08/First-UNEEC-student-workshop-Pecs-Hungary-2009 (consulté

le 03/01/12)

Page 102: Vers une Europe 2.0?

101 | P a g e

réseau des artistes, intellectuels, organisateurs, producteurs, institutions culturelles et

associations locales qui se mettent en relation.»139 .

Intéressons-nous à plusieurs CEC ayant adopté une stratégie numérique, que ce soit de

façon globale dès la candidature, ou à travers des projets spécifiques. Tallin, capitale

estonienne ayant porté le titre en 2011, a par exemple mené un projet en ligne avec un site

dédié nommé « e-stories ». Il s’agissait d’un concours européen de nouvelles sur le thème

« Stories of the Seashore », soit « Histoires du rivage », l’identité culturelle liée au monde

maritime étant l’un des piliers du projet de Tallin 2011. Les citoyens européens pouvaient

écrire en 6 langues et participer ainsi « au plus grand événement de storytelling de [l’histoire

de Tallin] »140

. On voit bien ici la volonté de mettre en scène l’identité culturelle locale à

travers un projet européen, à produire une mémoire artistique spécifique sur la capitale, liée à

une année de labellisation exceptionnelle.

Turku, ville finlandaise en titre la même année, a développé un projet nommé « City

Remembered », dont le principe était de récolter les souvenirs qu’ont les citoyens de leur

ville, à travers des ateliers et une plateforme multimédia en ligne. En ce qui concerne Maribor

2012, qui représente la Slovénie, on remarque une implication spéciale envers les nouveaux

médias. Sur le site maribor2012.info/en, une section entière nommée « LifeTouch » est

consacrée à une plateforme de blogs, d’articles sur les nouvelles technologies et leurs enjeux

culturels dans nos sociétés. La rubrique « Mapping out Maribor » invite les internautes à

réfléchir aux impacts attendus de Maribor 2012, à travers des textes, des vidéos, et toute autre

proposition multimédia.

Il y’aurait bien entendu d’autres initiatives portées par les CEC depuis 2007 et liées

aux NTIC à évoquer. Néanmoins, ces initiatives restent souvent des cas isolés au cœur des

projets globaux des CEC. Cependant, en parcourant les programmes des prochaines villes

labellisées, nous nous sommes arrêtés sur le cas à part de Mons 2015. La première chose qui

a attiré notre attention est le fait que Mons 2013 aie adopté comme trame thématique « Mons,

where technology meets culture »141

en référence à son surnom de Digital Innovation Valley.

139

In. « Guide à l’intention des villes candidates au titre de Capitale européenne de la Culture. », téléchargeable

sur http://ec.europa.eu/culture/pdf/doc633_fr.pdf (consulté le 03/01/12) 140

Traduit de l’anglais:“in the largest storytelling event of its history”. Source: http://tallinn.e-stories.org/

(consulté le 03/01/12) 141

En français : « Mons, quand la technologie rencontre la culture. »

Page 103: Vers une Europe 2.0?

102 | P a g e

Mais au-delà du secteur économique lié aux nouvelles technologies, le projet le plus

significatif est la section nommée « Avoir 20 ans en 2015 », qui se définit comme un

« véritable projet éducatif et associatif à long terme consistant en une vaste opération de

sensibilisation d'une classe d'âge à la notion de capitale européenne de la culture»142

. Ce

projet prend un sens emblématique vis-à-vis de nos réflexions sur cette génération connectée

qu’on appelle Génération Y143

. Une plateforme d’e-teaching culturel est mise en place dans

les lycées, pour faire des jeunes générations des ambassadeurs actifs auprès de leurs familles

du programme culturel Mons 2015. Ce programme est rythmé par une dizaine de projets

ludiques et interactifs, pour permettre aux jeunes de mettre en pratique l’utilisation créative

des nouveaux médias: une web TV, la réalisation d’un jeu-parcours visuel sur le centre

historique de Mons, ou encore la possibilité d’être reporters web pendant l’année 2015.

Autant de façons de s’approprier le projet de Capitale Européenne de la Culture pour une

jeune génération souvent non-impliquée par les programmes.

Il faut noter cependant que la dimension européenne et de coopération multiculturelle

est peu présente, et laisse place plutôt à l’expression de soi, les techniques de créativité et

l’exaltation de la culture locale. Si l’on s’en tient à nos réflexions sur l’appropriation d’une

culture locale et d’un territoire propre, il apparait ici que l’initiative de Mons tend à privilégier

cette modalité plutôt que le sentiment d’appartenance à une culture et à un territoire

européens. Par ailleurs, la dimension citoyenne n’est pas réellement invoquée dans les

programmes.

Nous pouvons, pour un dernier exemple, nous tourner alors vers San Sebastian 2016,

qui a choisi comme slogan « vagues d’énergie citoyenne, cultures pour le vivre-ensemble »144

.

Il s’agit de participer à un projet civique européen plutôt que local, citoyen plutôt que

142

http://www.mons2015.eu/fr/avoir-20-ans-en-2015/ (consulté le 20/12/11) 143

En témoigne notamment le projet MédiaDJ porté par Mons 2015 au cœur du programme « Avoir 20 ans en

2015 » : « Des hommes tirent profit des réseaux et médias sociaux pour mettre en œuvre des projets citoyens. On

l’a vu, le printemps arabe a été l’occasion pour des populations entières de prendre conscience de leur force, de

s’organiser, de « changer la société » au sens le plus littéral du terme. C’est la génération des 15-25 ans, dite

« génération Y », qui est au cœur de cette révolution. C’est pourquoi il est absolument nécessaire pour ces

jeunes de prendre la bonne mesure du changement, de trouver leurs repères afin d’y prendre une place. Quel

est l’impact de ces changements sur notre société ? Comment utiliser ces nouvelles ressources à des fins

critiques et créatives ? Comment mobiliser son entourage à l’aide des nouvelles technologies, des réseaux

sociaux ? Pendant quelques mois, les équipes du projet Media DJ aideront les jeunes de 20 ans en 2015 à

répondre à ces questions à travers des ateliers, des rencontres, des concours, des shows technologiques… »

http://www.mons2015.eu/fr/avoir-20-ans-en-2015/projets/

144 Traduit de l’espagnol : « Olas de energía ciudadana, cultura para la convivencia. »

Page 104: Vers une Europe 2.0?

103 | P a g e

marketing, afin de construire et exalter les valeurs démocratiques: « ce que nous partageons

(territoire, politiques, monnaie) ne fera pas partie de notre identité tant que ce ne sera pas

une façon de comprendre notre dimension citoyenne. Voilà ce qu’est la Culture »145

. Un

renouveau dans l’énergie publique et une vision collective qu’on rapprochera sans mal du

mouvement des Indignés, même si le projet espagnol pour la Capitale européenne de la

Culture a commencé à s’écrire avant le Printemps 2011.

Du côté de la mise en pratique de ce leitmotiv, il est trop tôt pour savoir quelles

propositions fera San Sébastian 2016, mais il apparait en filigrane dans le dossier de

candidature le développement de plateformes de débats collaboratifs pour tous les publics: « Il

est important d’impulser l’idée de laboratoires citoyens comme plateformes qui facilitent

l’innovation sociale. Ces laboratoires seraient, et ils le sont déjà dans de nombreux cas, de

petits espaces répartis sur le territoire ; des centres hyperlocaux dans le sens où ils

permettent le travail à petite échelle, mais en lien avec des réseaux globaux grâce aux

nouvelles technologies.»146

. Nous retiendrons de ces différentes immersions dans les projets

numériques de plusieurs CEC, passées ou à venir, une disparité sensible quant à leur

intégration des nouveaux médias et leurs objectifs culturels en lien avec ceux-ci.

2. Navigations interactives, « en attendant Marseille-Provence 2013… »

Explorons à présent comment l’équipe porteuse du projet Marseille-Provence 2013

(MP2013) organise sa stratégie numérique, et quelle place prennent en parallèle des espaces

de parole citoyens en ligne autour du projet. En premier lieu, la stratégie numérique menée

par MP2013 par le biais notamment de Roch Giraud, responsable Internet et nouvelles

technologies, est définie en ces termes: « Les services et technologies numériques sont au

cœur du projet Marseille-Provence 2013 : sa préparation, son rayonnement auprès de tous

145

Traduit de l’espagnol : « Lo que compartimos (territorio, políticas, moneda…) no formara parte de nuestra

identidad hasta que no sea una mañera de entender nuestra dimensión ciudadana. Eso es la cultura. » 146

Traduit de l’espagnol : « Es importante impulsar la idea de laboratorios ciudadanos como plataformas que

faciliten la innovación social. Estos laboratorios serian, y ya los son en muchos casos, pequeños espacios

distribuidos por el territorio ; centros hiperlocales en el sentido de permitir el trabajo a pequeña escala pero

dentro de redes globales gracias a la tecnología digital. » Toutes ces citations sont issues du programme de

candidature de San Sébastian 2016, qu’il est possible de lire en ligne sur le site dédié à la Capitale :

http://www.sansebastian2016.eu/web/guest/proyecto-cultural/proyecto-final [Consulté le 02/01/12]

Page 105: Vers une Europe 2.0?

104 | P a g e

les publics, l’accueil des visiteurs, mais également les créations artistiques et innovations

sociales qui seront proposées pendant l’année capitale.»147

.

Cette stratégie s’inscrit dans le projet global de Cadre Numérique Territorial Commun

(CNTC) que l’association MP2013 a créé en 2010 avec ses partenaires publics. Ce

programme d’aménagement numérique des territoires élargit une démarche commune incluant

notamment le tourisme, la culture, ou encore les transports. Il s’agit de mettre en application

les principes de l’Open Data: la libération des données numériques publiques visant à créer

des supports novateurs (sites web, applications mobiles). Concrètement, il s’agit des données

telles que les informations cartographiques, météorologiques, statistiques, environnementales,

touristiques, scientifiques, ou culturelles permettant de créer des modules de géo-localisation

par exemple.

Mais quand nous parlons de données culturelles, de quelles données s’agit-il ? : « Ce

sont des données détenues par des institutions culturelles comme les archives, les

bibliothèques ou les musées. Elles forment un ensemble très divers, qui comprend des bases

de données, des images numérisées, des textes numérisés, des contenus audiovisuels, des

métadonnées associées à des œuvres patrimoniales, des statistiques de fréquentation de lieux

culturels, ou encore données de programmation d’un cinéma ou d’une manifestation

culturelle.»148

. Invité à un débat intitulé « Open Data, l’exception culturelle ? » à la Gaité

Lyrique, Roch Giraud affirme « qu’il faut démontrer qu'aujourd'hui une stratégie numérique

ne se déploie pas uniquement dans l'espace virtuel de l'internet, mais produit des services

inscrits dans la réalité du quotidien »149

.

Ce projet s’inscrit pleinement dans une économie de la connaissance et de

l’innovation, et il est intéressant de noter qu’Orange est depuis peu partenaire de MP2013.

D’après le communiqué de presse du groupe publié le 27 septembre 2011, « L’opérateur

fournira notamment, l’application officielle exclusive de Marseille-Provence 2013, en y

intégrant en temps réel, de l’information, de la réalité augmentée, de la géolocalisation et des

147

http://www.mp2013.fr/espace-pro/notre-strategie-numerique/ [Consulté le 02/01/12] Voir Annexe 6 : schéma

rendant compte de la stratégie numérique de MP2013, élaboré par Roch Giraud. 148

http://www.atelier-francais.org/article/open-data-lexception-culturelle [Consulté le 02/01/12] 149

Ibid.

Page 106: Vers une Europe 2.0?

105 | P a g e

fonctions interactives.»150

. Il faut préciser que l’Open Data est fortement soutenu par la

Commission Européenne à la stratégie numérique menée par Neelie Kros, à travers un

programme simplement intitulé « Data is the new gold » faisant partie de l’Agenda

Numérique pour l’Europe.151

L’un des objectifs affirmés par Marseille Provence 2013 est « d’impliquer les

citoyen(ne)s du territoire Marseille-Provence 2013, à travers une approche participative et

par un accès favorisé aux événements. »152

A l’état actuel des choses, et avant que le

préprogramme prévu pour le 20 janvier 2012 ne paraisse, Marseille-Provence 2013 semble

tournée vers une stratégie numérique économique engageant de façon isolée la proximité avec

les citoyens. Si les Ateliers de Participation citoyenne que nous avons évoqués en première

partie de cette étude153

sont indéniablement investis au cœur de la ville, ils utilisent rarement

l’espace de participation incontournable et de débat citoyen que peuvent être les nouveaux

médias.

Néanmoins, nous avons repéré un projet intéressant vis-à-vis de ce qui nous occupe :

les « Histoires vraies de Méditerranée ». Il s’agit d’un projet littéraire itinérant à travers la

Méditerranée, à la fois sur le terrain et en virtuel. En effet, le jeune écrivain François Beaune

qui mène ce projet a débuté en décembre 2011 un tour des différents ports méditerranéens

pour recueillir les « histoires vraies » racontées ou écrites par les citoyens. Ce voyage de 12

mois, 1 mois dans chaque port, a débuté à Barcelone, se poursuivra à Tanger, Alger, Tunis,

Benghazi, Alexandrie, Haïfa / Ramallah, Beyrouth, Lattaquié, Izmir, Athènes, Palerme, et

aboutira à Marseille pour un festival littéraire dans le cadre de MP2013. En parallèle à ce

trajet, le site mp2013.fr/histoiresvraies a vu le jour : « la réussite de la collecte passe par son

ouverture au plus grand nombre. Un site Internet multilingue, sorte de bibliothèque

numérique partagée, sera mis en place pour recueillir et rendre visibles les histoires de

chacun dès décembre 2011. »154

150

Communiqué de presse http://www.orange.com/fr_FR/presse/communiques/att00020869/print.jsp [Consulté

le 02/01/12] 151

Voir Glossaire p.96-98. 152

http://www.mp2013.fr/presentation-2/les-fondamentaux-du-projet/ [Consulté le 02/01/12]

154

Fiche descriptive du projet accessible sur http://www.mp2013.fr/histoiresvraies/files/2011/12/CPHdV-fr.pdf

[consulté le 02/01/12]

Page 107: Vers une Europe 2.0?

106 | P a g e

Les participants peuvent s’exprimer par écrit, vidéo, sons… et dans toutes les langues

utilisées autour de la Méditerranée. François Beaune tiendra quant à lui un journal de bord

pour partager ses rencontres et les histoires collectées. Mais qu’est-ce qu’une histoire vraie ?

« Une histoire vraie (…) donne à entendre un épisode que la personne considère digne

d'intérêt pour les autres, important à l’échelle de son existence. Bref, c’est une histoire qui

vaut la peine d'être partagée avec ses contemporains. (…) L’ambition du projet est aussi de

mettre à disposition du public des 13 pays une matière vivante dont chacun pourra s’emparer

dès lors qu’elle aura été déposée sur le site. Dans une période de profonds bouleversements,

ces histoires vraies dessineront le portrait insolite et populaire de celles et ceux qui forment

la Méditerranée d’aujourd’hui. »155 Hormis le festival littéraire organisé à Marseille en 2013

pour rendre compte de ce projet, le site web initial sera enrichi, éditorialisé, créant un web-

documentaire unique.

En marge du programme officiel de MP2013, il existe par ailleurs des espaces

publics citoyens qui ont profité de cette occasion pour créer actions et discours autour de la

Capitale européenne de la Culture, que ce soit de façon alternative ou en lien avec le projet.

Une rencontre a notamment eu lieu entre MP2013 et le ZINC (Espace Culture Multimédia),

qui relève à la fois du réseau des Espaces Régionaux Internet Citoyen, et des Espaces Ouverts

d’Education Permanente. Créé au début des années 2000, le ZINC se situe à la Friche la Belle

de Mai à Marseille. Le lieu joue à la fois le rôle de producteur des arts numériques et

d’éducateur aux nouvelles technologies par le biais d’ateliers, de débats et de soutien aux

projets amateurs et professionnels. Le ZINC a établit de nombreux partenariats avec des lieux

culturels et universités des Pays méditerranéens.

La rencontre entre MP2013 et le Zinc avait pour objectif « de comprendre la vision de

MP2013, et de porter à connaissance les projets qui sont conduits sur les territoires qui

croisent les TIC, la création culturelle et la citoyenneté. »156

S’en sont dégagés des objectifs

communs, comme l’utilisation des outils du web 2.0 pour faire connaitre leurs actions

communes, ou encore l’idée de mettre en ligne une « cartographie sensible des

productions ».157

Le ZINC a notamment mené un projet intitulé « Moi et ma ville : recueil

155

Ibid. 156

Cf. le compte-rendu de cette rencontre, disponible sur le lien suivant : http://emergences-

numeriques.regionpaca.fr/fileadmin/Vie_du_reseau/ateliers_thematiques/creation_culturelle_et_artistique/prepar

er_ensemble_mp2013/compte_rendu_mp2013.pdf (consulté le 02/01/12) 157

Ibid.

Page 108: Vers une Europe 2.0?

107 | P a g e

sonore de la mémoire des habitants » destiné aux jeunes, par le biais d’un audiomaton. Reste à

savoir quelle implication active sera accordée au ZINC et aux structures associatives

similaires dans le programme de MP2013, qu’à cette heure nous ne connaissons que par ses

« grands projets ».

A la lumière de ces réflexions sur les nouveaux médias et leur usage à visée culturelle,

citoyenne, politique, ou événementielle, en partie par une génération qu’on décrit comme

interconnectée, il nous semble important de relativiser l’importance de telles pratiques aux

côtés de pratiques sociales et culturelles préexistantes : se rassembler pour manifester dans les

rues de sa ville, ou passer un week-end dans une ville européenne et découvrir les expositions,

les lieux emblématiques où la jeunesse se retrouve.

Page 109: Vers une Europe 2.0?

108 | P a g e

CONCLUSION

A l’issue de cette étude, il apparait que la notion de civilisation incarne dans une visée

plus large l’Europe telle qu’elle est constamment pensée et construite, guidée par un idéal

culturel. Il existerait bel et bien un héritage culturel, linguistique, historique commun au

niveau des valeurs humanistes et tout à la fois une diversité de pratiques culturelles (langues,

traditions, mouvements artistiques…). Les Capitales européennes de la Culture se donnent

pour mission de symboliser cette Europe multiculturelle, et l’on dénote une volonté dans les

discours d’incarner ce socle commun tout en exaltant la diversité. Nous avons vu également

que l’on peut déterminer un socle commun spécifique, mis en pratique jour après jour, sur le

terrain contemporain des Technologies de l’Information et de la Communication : malgré les

disparités d’accès au numérique, voici un langage vraisemblablement partagé par la jeune

génération qui s’avance.

Cette étude se doit, pour appuyer ces propos et inscrire ses questionnements dans

l’actualité la plus représentative, d’évoquer un état des lieux des financements de la Culture

en Europe, en lien avec l’agitation politique et économique qui traverse actuellement

l’Europe. Sans que cela soit imputable à la seule situation économique, on observe que

l’implication et le soutien envers la Culture varie sensiblement pour chacun des pays

européens. Un très récent article du Monde intitulé « L’Europe de la Culture au rabot de la

rigueur »158

compare les différents budgets culturels européens pour 2012 : « Au final, les

Etats qui affichent des budgets stables ou légèrement en hausse envers et contre tous les

signaux financiers, sont minoritaires : signalons entre autre la Suède, l’Allemagne et la

France.»159

. Sur le baromètre économique de la Culture, nous notons un refroidissement net

de l’assiette allouée pour 2012 en Grèce (-22%), en Italie (-16,70%). Des coupes tièdes mais

notables concernent par ailleurs les Pays-Bas (-7%), l’Espagne (-7,1%) et le Royaume-Uni (-

7,4%). On peut souligner aussi à l’Est l’augmentation d’un phénomène de contrôle des arts et

du cinéma en particulier, notamment en Hongrie.160

Mais au-delà de la fragilité économique rythmant la situation actuelle de l’Europe, ce

que nous avons cherché à analyser et à relever dans ce mémoire est l’inconstance identitaire

158

FABRE, Clarisse. « L’Europe de la culture au rabot de la rigueur », Le Monde, 29/12/11. 159

Ibid. 160

Ibid.

Page 110: Vers une Europe 2.0?

109 | P a g e

qui traverse le continent, et le rôle primordial donné à la Culture pour répondre à cette

recherche identitaire. Si les bases du projet européen sont bel et bien posées depuis plusieurs

décennies, celle qui vient de s’écouler à particulièrement ébranlée les convictions. Mais réunir

les citoyens européens sous l’égide de la Culture et de ses valeurs rassembleuses semble être

toujours le projet majeur en cours, après les exigences primordiales du Marché Commun

européen.

Opérons un virage à 180°, pour nous tourner l’espace d’un instant vers l’extérieur, au-

delà de la seule Europe. Les Capitales européennes de la culture incarnent aux yeux du

Monde une certaine coopération et la communication d’une culture européenne, telle qu’elle

est prônée par les discours d’intention des organisateurs. Par ailleurs, aujourd’hui encore,

l’Europe reste dans l’imaginaire des citoyens du monde entier une mosaïque culturelle des

plus vivantes, aux attraits incontournables : faire son « voyage en Europe », pour les jeunes

australiens, coréens, canadiens, argentins… reste une expérience culturelle majeure. Nous

évoquons cela car au cours de nos questionnements, nous avons peu sondé ce qui fait la

particularité de l’Europe vue par les observateurs étrangers. Cette indication confirmerait

notre propos, qui est de rendre compte de la persistance du « modèle » idéologique et culturel

européen dans les esprits contemporains.

Les frontières culturelles se meuvent, se condensent sous le paradigme du numérique,

et l’on voit par exemple Courrier International relayer un récent article grec intitulé: « En

direct d’Athènes, nouvelle capitale du Monde »161

. C’est l’instantané d’une époque, la

sensation éphémère que tous les regards se tournent invariablement vers une seule et même

situation emblématique, pour tenter de la saisir avant qu’elle nous échappe. Car bien entendu,

Athènes n’est pas plus aujourd’hui qu’hier la capitale du monde, ni de l’Europe. Elle se

contente simplement de cristalliser les enjeux actuels d’une situation de crise européenne,

telle que nous avons tenté de la décrire : une fragilité économico-politique, la révolte d’une

jeunesse hyperconnectée aux désillusions grandissantes (la génération 700 euros), la

recherche d’un sens culturel et de valeurs humanistes pour reconstruire une société plus

équilibrée, au sein de l’Europe dont la Grèce ne souhaite pas se défaire.

Il nous apparait alors que dans cette volonté de repenser l’Europe de façon collective,

se joue, pour les individus qui se sentent y appartenir et s’y reconnaissent, la pratique de leur

161

http://www.courrierinternational.com/article/2011/11/07/en-direct-d-athenes-nouvelle-capitale-du-monde

[consulté le 06/01/12]

Page 111: Vers une Europe 2.0?

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citoyenneté européenne. Cette situation est fragile car le sentiment d’appartenance à l’Europe

est tout sauf évident, comme nous l’avons évoqué longuement. Cependant, si l’Europe est née

d’une idéologie et cherche aujourd’hui de nouvelles façons d’impulser un souffle commun,

elle nous semble s’incarner dans le principe de multiculturalité, de fait. Pour la Génération Y,

cette multiculturalité est mise en pratique, expérimentée in-vivo à travers le programme

Erasmus, que nous avons évoqué dans cette étude. C’est l’un des projets européens les plus

significatifs sur notre analyse du sentiment d’appartenance à l’Europe observable en pratique.

Si l’on tente désormais de répondre à notre problématique, qui était de savoir quel

sentiment d'appartenance entretient la jeune génération européenne des Digital natives, avec

les notions de territoire, de citoyenneté et de culture européenne, et dans ce cadre, quel est le

rôle des Capitales Européennes de la Culture, nous pouvons esquisser quelques éléments de

réponse.

Nous nous sommes approchés des Capitales Européennes de la Culture comme d’un

objet permettant d’analyser la mise en pratique du discours culturel de l’Europe, en tant

qu’institution. Les discours et les intentions nous sont apparus révélateurs d’un projet

spécifique, et l’état des lieux de ces prises de position nous permet de mettre à jour et cerner

ce projet. Ce qui nous a intéressés est ce que véhicule cet effort pour les jeunes générations

que nous avons interrogées dans le cadre de notre enquête à Marseille. Les résultats de nos

différentes questions sur le projet culturel de l’Europe font émerger, comme nous l’avons vu,

un décalage significatif entre les intentions européennes et leur réception ou leur

appropriation par la population.

C’est ce qui fait sens ici, dans notre étude du sentiment d’appartenance à l’Europe.

Mais en approchant le dispositif de Capitale européenne de la culture, la notion de territoire

s’est imposée comme un élément-clé de la réflexion croisant participation citoyenne aux

projets culturels de l’Europe et sentiment d’appartenance au continent. Le sentiment

d’appartenance à l’Europe ou l’absence de ce sentiment semble lié à l’appropriation (ou non)

de ses projets culturels, l’implication (ou non) des populations dans des projets véritablement

citoyens et non seulement institutionnels. A ce stade, notre analyse des technologies du

numérique et de leur mobilisation, laisse apparaitre un constat mitigé quant à ces initiatives.

Page 112: Vers une Europe 2.0?

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L’approche des technologies du numérique a été nécessairement à prendre en compte,

du fait de notre analyse, dans cette étude, de la génération des Digital natives. Nous nous

sommes aperçus que les technologies du numérique n’étaient pas systématiquement

mobilisées par les projets européens, notamment les réseaux culturels et les programmes des

Capitales européennes de la culture. Lorsque c’était le cas, l’utilisation de celles-ci ne

semblait pas avoir pour objectif premier d’impulser un sentiment d’appartenance à l’Europe

de façon directe. Cependant, indirectement, certains médias comme cafébabel.com, ou

certains projets menés dans le cadre des Capitales européennes de la Culture accordent aux

technologies du numérique une intention de véritable outil citoyen. Outil d’expression, de

participation directe, et de constitution par ces deux modalités d’un espace partagé voué à

construire une « mémoire commune » à son échelle.

En observant l’usage de ces outils par les jeunes générations, on peut distinguer un

usage réel d’une participation citoyenne aux sujets de société les concernant. Ces initiatives

sont souvent citoyennes et non institutionnelles. A travers ces usages des technologies du

numérique, la notion de territoire symbolique se mêle à celle de territoire physique, créant une

nouvelle modalité à analyser, celle du cyberespace. Notre réflexion sur ce sujet s’est

constamment frottée à notre propre implication, de fait, dans cette génération des digital

natives. Mais si cette étude relève d’une approche inévitablement endotique, il nous a semblé

important de laisser la place à l’enquête que nous avons menée à Marseille. Pour éclairer

notre propos, il était essentiel d’interroger ceux de digital natives qui ne se positionnaient pas

instantanément comme faisant partie de cette génération, la plupart ne connaissant d’ailleurs

pas ce terme.

A l’issue de cette recherche, si la citoyenneté européenne nous apparait comme un

élément en construction permanente, il semblerait que les actions culturelles telles qu’elles

sont pensées aujourd’hui, (via la coopération interculturelle ou les médias numériques) soient

l’une des clés mobilisées pour embrayer une dynamique de participation citoyenne. Les

Capitales européennes de la Culture en sont certainement l’un des emblèmes les plus

significatifs, porté par les instances européennes et les villes. Mais elles ne suffisent pas en

elles-mêmes, à impulser des pratiques citoyennes autour de la culture européenne. Une

véritable participation ne semble possible qu’au travers d’initiatives menées sur le terrain,

portées par des acteurs locaux, on l’on s’est attachés à observer comment ces initiatives

pouvaient prendre appui sur les outils numériques, pour impliquer les Digital natives.

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GLOSSAIRE

Ce glossaire regroupe les notions que nous avons utilisées au cours de la rédaction de

ce mémoire, et que nous avons jugées utile de définir. Ces termes ont parfois de multiples

significations, ou relèvent de champs de recherche spécifiques qu’il s’agit pour nous de

préciser.

Activiste : On parle d’activiste pour désigner un individu qui cherche à se montrer efficace.

Sur le web, il s’agit plus particulièrement de l’internaute qui utilise les outils numériques de

façon à agir pour une cause qui lui tient à cœur.

Capital culturel : Est défini ainsi, l’ensemble des ressources culturelles que possède un

individu. Cet ensemble comprend non seulement une culture matérielle, mais aussi et surtout

immatérielle : les traditions, l’oral… Le capital culturel s’inscrit dans le temps.

Culture : La pluralité de définitions et d’enjeux qui existent autour de la notion de culture, la

rendent difficile à comprendre. Est désigné ainsi de façon générale, ce qui est commun à une

communauté d’individus, et qui permet à celle-ci d’être unie et de se reconnaitre.

Démocratie participative : Il s’agit d’utiliser des dispositifs permettant aux citoyens de

s’impliquer davantage dans la vie démocratique de leur société : cela leur permet entre autre

de se sentir plus responsables et d’être plus actif lorsqu’une décision doit être prise On donne

voix aux citoyens plus directement.

Digital Native : L’expression a été inventée au début des années 2000 par Marc Prensky,

pour désigner la génération des jeunes qui ont grandi avec l’informatique et Internet. On

utilise ce terme, en particulier lorsqu’il s’agit d’individus dont le mode de vie est animé par le

Web 2.0.

Fracture numérique : Ce terme est employé pour désigner l’inégal accès aux TIC (les

différentes technologies comme les ordinateurs, les téléphones portables…) dans les sociétés.

Il s’agit de faire ressortir une différence qui est parfois source de division au sein de

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communautés, ou entre différentes communautés comme les pays : les pays d’Europe et les

pays d’Afrique du sud par exemple, n’ont pas du tout le même accès.

Génération : Il s’agit d’un terme qui désigne à la fois une succession d’individus (comme la

génération du « baby-boom », mais aussi une succession d’objets ou de groupes d’objet (la

génération des Smartphones par exemple). Cette succession est à mettre en relation avec la

notion de temps. Elle témoigne d’évolutions et de changements.

Génération Y : Il s’agit d’une expression désignant les personnes nées entre 1978 et 1994,

qui ont grandi avec un certain nombre d’évolutions caractéristiques du nouveau millénaire,

telles que : le numérique, le SIDA ou encore le réchauffement de la planète. Nous l’utilisons

aussi pour définir plus largement, la nouvelle jeunesse européenne.

Label : On parle de Label pour désigner une marque se caractérise par des signes qui lui sont

propres : un nom ou un logo par exemple. Le label permet à un produit de trouver une identité

qui soit reconnaissable, et qui le représente. L’Europe par exemple, est notamment symboliser

par son drapeau.

Multiculturalisme : Principalement utilisée dans les recherches scientifiques liées aux

sciences humaines et sociales, cette notion est rattachée à de nombreuses acceptations. Il

s’agit entre autres dans ce mémoire, de l’idée qu’un territoire symbolique (UE, pays…) est

reconnu comme un espace où coexiste une multitude de cultures. On parle donc de diversité

culturelle comme richesse d’un territoire que la société essaie de préserver. Le

multiculturalisme s'articule avec le principe de l'égalité de droits des individus

Multiculturalité : La multiculturalité désigne plus largement, le simple fait qu’il existe, au

sein de groupes communautaires (territoires…) des différences entre les individus, liées à leur

culture et leurs pratiques (religieuses…). La multiculturalité désigne un fait culturel

observable (des différences) et le multiculturalisme s’intéresse aux lois et à la gestion mise en

place pour les faire perdurer.

Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) : Ce terme

désigne les problématiques liées aux techniques (en particulier numériques, web…) qui

permettent la transmission d’informations. On parle de « nouvelles » technologies pour

Page 116: Vers une Europe 2.0?

115 | P a g e

désigner le processus qui consiste aujourd’hui pour les institutions, à intégrer celles-ci dans

leurs politiques.

Open Data : Il s’agit de données ouvertes et libres de droits, pouvant être utilisées par tout le

monde. Le but est donc de rendre accessible des informations à l’ensemble des internautes.

Union Européenne : Il s’agit d’un regroupement communautaire d’Etats Européens qui met

en place des actions communes, en matière de politique et d’économie notamment. L’Union

Européenne compte 27 pays membres.

Web 2.0 : Cette notion désigne l’évolution qu’a connue Internet depuis sa création : cette

évolution se traduit par la multiplicité des supports (smartphones, tablettes, ordinateurs…) et

la facilité qu’elle suscite auprès des internautes, pour interagir et partager. On parlera d’une

dynamique nouvelle favorisée par de nouvelles technologies et des individus connectés.

Page 117: Vers une Europe 2.0?

116 | P a g e

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Page 123: Vers une Europe 2.0?

122 | P a g e

TABLE DES ANNEXES

Annexe 1 : Carnet d’enquête…………………………………………………………………p.123

Annexe 2 : Principales dates historiques de la construction de l’Europe………………p.158

Annexe 3 : Tableau des Capitales Européennes de la Culture de 1985 à 2020…… …p.161

Annexe 4 : Brève analyse démographique et territoriale de Marseille……………….…p.164

Annexe 5 : Présentation de Bernard Latarget et discours à propos de Marseille……...p.165

Annexe 6 : Schéma de stratégie numérique de Marseille-Provence 2013…………….p.167

Page 124: Vers une Europe 2.0?

123 | P a g e

Annexe 1 : Carnet d’enquête.

« Digital Natives et sentiments d’appartenance aux territoires »

Comment le rapport à la ville influence-t-il la perception qu’ont les Digital Natives des

initiatives culturelles européennes ?

I. Présentation

Cette enquête, intitulée « Digital Natives et sentiment d’appartenance aux

territoires »162

, tente de faire travailler les concepts énoncés avec la notion de Capitale

Européenne de la culture. Les Digital Natives sont les membres de la génération née alors que

les technologies numériques étaient développées et accessibles.

La rencontre avec M. Tropéano, notre commanditaire, a mis en lumière trois postulats

qui ont été les vecteurs de notre projet d’enquête :

La jeunesse est l’élément décisif de la volonté de créer des projets culturels européens

globaux.

Marseille Provence 2013 est un tournant dans l’histoire des Capitales Européenne de

la Culture, non seulement par la taille du projet mais aussi par son ancrage dans la

culture numérique. Cette culture est présente jusque dans la conception du projet, avec

la communication 360° par exemple.

La création d’un sentiment d’appartenance à l’Europe, voulue par les gouvernances

des Capitales Européennes de la Culture, est attisée chez les habitants par l’utilisation

d’éléments ancrés sur le territoire investi. Nous avons vu que les équipements et

organisations culturelles du territoire marseillais font partie intégrante du projet

Marseille Provence 2013.

Forte de ces trois éléments de questionnement, notre équipe a donc décidé de mener

une enquête auprès de la jeunesse marseillaise à travers cinq thèmes :

La provenance, couplée à l’encart sociologique.

162

Nous nous permettons de mettre Territoires au pluriel car nous tenterons de travailler sur les notions

de territoire de proximité, la ville, de territoire national et de territoire Européen

Page 125: Vers une Europe 2.0?

124 | P a g e

Les habitudes territoriales, afin de comprendre le rapport que l’interrogé entretien avec

sa ville de résidence, Marseille.

Le rapport à l’Europe, dans le but de faire un état des lieux de l’idée que les interrogés

se font du fait d’être Européen.

Les habitudes liées aux nouvelles technologies, pour faire comprendre en quoi ces

dernières influencent le rapport aux territoires.

Enfin, Marseille Provence 2013 qui n’est évoqué qu’en fin de questionnaire afin de ne

pas influencer les réponses précédentes.

L’objectif premier de notre enquête est donc de comprendre la relation entre les

Digital Natives et les différents territoires auxquels ils sont confrontés. Pour cela, notre étude

a voulu s’enrichir de plusieurs questions d’opinion afin de les coupler avec les réflexions et

recherches théoriques développées tout au long de ce mémoire. Les différents croisements de

résultats d’enquête permettent une analyse des indicateurs « directs » (sentiments ou opinion)

et des indicateurs « indirects », c’est-à-dire des indicateurs qui donneront des informations sur

l’interrogé par déduction163

.

II. Méthodologie

L’enquête a cherché à convoquer le « sens vécu164

» des pratiques mais aussi des

idéologies sur les thèmes proposé. En utilisant la méthode du questionnaire sans modalité de

réponses, nous voulons laisser les interrogés se définir eux-mêmes au sein de leurs pratiques

et opinions mais également laisser libre la définition de certains concepts.

Exemple: « Si vous deviez définir l’Europe en quelques mots ? » suivie de « Vous sentez vous

Européen ? ».

L’enquête est ici Qualitative : elle ne prétend en rien offrir une vision globale de la

réception des notions étudiées par la jeunesse marseillaise. L’objectif est de montrer des

relations entre les pratiques territoriales, la relation vécue avec la notion d’Europe et

l’utilisation des technologies numériques. François de Singly défini quatre transformations du

163

LAZERFELD, Paul, Le vocabulaire des sciences sociales, Paris, Mouton, 1965 164

DE SINGLY, François, L’enquête et ses méthodes : Le questionnaire, 2° édition refondue, Armand

Colin, 2005

Page 126: Vers une Europe 2.0?

125 | P a g e

réel pour atteindre l’objet de l’enquête, c’est-à-dire pour transformer un questionnement

d’ordre réel en quantité de données analysables sociologiquement :

-La délimitation des termes de la question de recherche par leur définition ou la construction

de l’objet. C’est-à-dire la distance entre l’objet réel et l’objet construit par le sociologue avec

un haut degrés d’explication.

-La sélection des éléments jugés pertinents par rapport à la question. La différence entre

entretien semi dirigé (sens subjectif) et questionnaire (sens objectif) est que la sélection est

faite respectivement par l’interrogé ou le chercheur. Les hypothèses se créent par logique de

transfert, par détournement d’une problématique ou de l’étude d’un objet comparable.

-Le tri par codage et recodage de l’information

-La lecture d’une partie seulement des données, l’enquête fonctionnant comme un jeu de

construction

Population

La population visée par l’enquête doit avoir ente 30 et 12 ans pour correspondre à la

définition des Digital Natives. Nous avons dû réduire cette tranche d’âge en allant uniquement

jusqu’à 14 ans, afin de pouvoir interroger des adolescents ayant accès aux technologies

numériques de façon plus personnelle. L’équipe désirait également que les interrogés aient

des compétences encyclopédiques permettant une réflexion sur l’Europe. Ce sujet est abordé

au collège à partir de la Sixième. En sachant que les adolescents de 14 ans sont en majorité en

Quatrième, l’équipe prend le parti de penser que ces deux permettent de constituer un bagage

et une réflexion. L’échantillon utilisé est donc aléatoire: c’est-à-dire un « tirage au sort » dans

une population de référence.

Dates de naissance des interrogés :

1981 1 interrogé 1987 3 interrogés 1993 1 interrogé

1982 1 interrogé 1988 4 interrogés 1994 2 interrogés

1983 Pas d’interrogés 1989 4 interrogés 1995 5 interrogés

1984 2 interrogés 1990 Pas d’interrogés 1996 Pas d’interrogés

1985 Pas d’interrogés 1991 1 interrogé 1997 2 interrogés

1986 3 interrogés 1992 2 interrogés TOTAL 31 interrogés

Page 127: Vers une Europe 2.0?

126 | P a g e

Tableau Modalisa

Sexe des interrogés

`

Sans taux de non réponse

Nous arrivons à une proportion équitable

d’homme et de femmes sans prendre en

compte le taux de non-réponse. Les

questionnaires ayant été passés sous forme

de discussion, le taux de non-réponse est donc dû aux aléas du travail d’enquêteur.

Page 128: Vers une Europe 2.0?

127 | P a g e

Croisement sexe / âge

Terrain

Le terrain étudié est la cité de Marseille, et ses habitants. Ce territoire n’est pas le seul

concerné par le projet Marseille Provence 2013 (Arles, Aix…), L’équipe de recherche a

cependant fait le choix de se concentrer sur la deuxième ville de France pour pouvoir

interroger des habitants d’une grande ville sur la notion de capitale. La différence de taille

entre Paris et les autres villes et villages concernés par Marseille Provence 2013 aurait fait

pencher le questionnement vers cet unique facteur de différenciation. L’échantillon tente de

répondre à une certaine hétérogénéité des quartiers de provenance des interrogés. On passant

les questionnaires dans des lieux fréquentés tels que l’Université, la Gare Saint Charles ou le

cours Jullien.

Échantillon classé par arrondissement de résidence165

:

Les non-réponses représentent trois

interrogés vivant tous en banlieue de

Marseille, à Rognac.

Nous pouvons remarquer que les deux

derniers

Arrondissements de Marseille, qui

correspondent au huitième et dernier secteur

de la ville « Les Quartiers Nord », ne sont

pas représentés. Les quartiers les plus

concernés par les transformations

territoriales (construction d’équipements

culturels, réhabilitation) sont les suivants :

Le vieux port, La Joliette, Le Pharos. Nous

165

cf Annexe 1

Page 129: Vers une Europe 2.0?

128 | P a g e

pouvons remarquer que deux majorités se dessinent, le premier arrondissement et le dixième.

Le premier s’explique logiquement par le fait qu’une partie de la passation ait été effectuée

dans le Quartier Saint Charles.

Passation

La passation a été effectuée le 3 Décembre 2011 entre 12h et 16h pour la majorité des

questionnaires (25). Pourtant, cette enquête a voulu intégrer un des objets de recherche : les

nouvelles technologies. Pour ce faire, Skype, logiciel de communication via web Cam, a été

utilisé pour la passation de six questionnaires. Les interrogés vivent à Marseille et se

trouvaient sur leur lieu de résidence au moment de l’échange. Les cinq enquêteurs chargés des

deux formes de passation ont suivi les mêmes règles :

Présenter la recherche comme une enquête universitaire, ayant pour but de fournir des

données sociologiques qui ne seront en aucun cas utilisées à des fins commerciales.

Assurer l’anonymat de l’interrogé.

Ne pas évoquer la notion de Digital Native avant la question la concernant.

Ne pas évoquer le projet Marseille Provence 2013 avant la cinquième partie du

questionnaire afin de ne pas influencer les réponses.

Recueillir les réponses des interrogés de façon orale et ne pas lui faire lire les

questions ou remplir lui-même le questionnaire.

Exprimer à l’interrogé que la recherche demande des réponses rapides et instinctives

afin de se rapprocher le plus possible de l’opinion sincère, sans réflexion préalable.

Cette méthode laisse espérer frôler les sentiments des jeunes habitants de Marseille

pour mieux comprendre une notion aussi abstraite que le sentiment d’appartenance.

Constitution du Questionnaire

Le questionnaire ici présenté est celui utilisé pendant la passation. Nous le

reprenons afin d’expliciter certaines questions et de mettre en lumière les indicateurs de

recherche. La cohérence de ce questionnaire ne peut-être complète sans la compréhension de

l’importance des croisements. JP Michelet, avec le chercheur Raymond Boudon, détermine

l’indice énumératif166

: plusieurs indicateurs travaillent entre eux, le chercheur ne doit pas

traiter chaque question comme étant une variable indépendante.

166

Le vocabulaire des Sciences sociales, Paris, Mouton, 1965

Page 130: Vers une Europe 2.0?

129 | P a g e

Questionnaire

"Jeunesse et sentiment d'appartenance aux territoires"

Nous sommes étudiants en Master Stratégie de Développement culturel à l'Université

d'Avignon et des Pays de Vaucluse. Nous menons une enquête sur Marseille et ses habitants

dans le cadre d'une étude sur les jeunes marseillais et leur attachement aux différents

territoires que sont La ville, la région, le pays ainsi que l'Europe. Merci de répondre à nos

questions de la manière la plus instinctive et franche ! Vos réponses resteront évidement

anonymes.

Provenance (encart sociologique)

Sexe:

Quelle est votre année de naissance ?

Dans quel quartier de Marseille habitez vous ?

Depuis combien de temps habitez vous à Marseille ?

Où avez-vous grandi ?

Rq : Les deux derniers indicateurs présentés (la mobilité et le passé géographique),

une fois utilisés dans un tableau croisé, permettront d’analyser le rapport au territoire de

façon plus subtile que la simple considération du lieu de résidence. En interrogeant l’origine

et la mobilité, le but n’est pas d’enfermer les gens dans un groupe initial mais de prendre en

compte la dimension dans leur histoire. Le passé familial a une importance explicitée par des

travaux comme ceux de Laurent Mucchielli sur les meurtriers167

.

Quelle est votre activité ?

Où vous voyez vous passer votre vieillesse ?

Rq : Selon François de Singly168

, les questions de cette première partie veulent construire une

identité sociale à l’interrogé pour établir un « rapport de causalité entre pratique étudiée et milieu social ».

l’auteur ajoute que le social comprend aussi les représentations, le discours, ce qui explicite notre

démarche dans les questions de définition des notions.

167

Les caractéristiques démographiques et sociales des meurtriers et leurs victimes. Population, vol 59, n°2,

2004 168

DE SINGLY, François, L’enquête et ses méthodes : Le questionnaire, 2° édition refondue, Armand

Colin, 2005

Page 131: Vers une Europe 2.0?

130 | P a g e

Habitudes territoriales

Quelles sont les deux dernières visites que vous avez effectuées dans la région ?

Sortez-vous souvent de la région ?

Pour quelle raison principalement ?

Rq : Ces trois questions ont pour but de créer des indicateurs permettant d’analyser

les habitudes culturelles par rapport aux territoires. La dernière question permet de mesurer

la place du culturel dans les déplacements selon les réponses données.

Participez vous à des activités connotées territorialement? (dites "typiques" comme de

la danse provençale, du foot sous les couleurs de Marseille, de la pétanque?)

Rq : Notre équipe a éprouvé la nécessité d’expliciter quelle information nous voulions

atteindre, les termes « activités connotées territorialement » ou « typique » n’étant pas assez

clairs, et réducteur pour le second, utilisés sans exemple.

Que pensez vous de la vie touristique de Marseille ?

Rq : Jeannine Richard-Zappella169

pointe le fait qu’introduire une question par

« Pensez-vous-Trouvez-vous/Estimez vous- Diriez vous » change la perception qu’a

l’interrogé. Les mots introductifs doivent être réfléchis.

Qu’est ce qu’être Marseillais signifie pour vous ?

Vous sentez vous Marseillais ?

Rq : Ces questions permettent à l’interrogé de définir une notion d’appartenance et

ensuite de se positionner en tant qu’être social par rapport à cette notion. Laisser le

champ libre à toutes les réponses possibles permet à l’analyse de créer des modalités

uniquement à l’encodage du questionnaire et atteindre une précision réduisant au

possible la distance entre l’objet sociologique et le réel.

169

Sociolinguistique, Paris, Minuit, 1976

Page 132: Vers une Europe 2.0?

131 | P a g e

L'Europe et vous :

Avez-vous visité d'autres pays d'Europe? Lesquels? Quelles villes principales avez-

vous visité ?

Rq : Cette question permettra d’offrir deux indicateurs : un quantitatif (le nombre de

pays visité) qu’il sera possible de rapprocher de la vision de l’Europe, et un qualitatif (les

villes) qui pourra être croisé avec la question « Quelle ville d'Europe (visitée ou non) trouvez

vous la plus attractive culturellement? » dans la dernière partie.

Si vous deviez définir l'Europe en quelques mots ?

Vous sentez vous Français ?

Vous sentez vous Européen ?

Rq : Nous pouvons faire ici la même remarque que pour les questions concernant la

définition de la notion de Marseillais dans la partie précédente.

Quels avantages voyez vous à être citoyen Européen ?

Pensez vous qu'il existe une culture Européenne? Comment la définiriez-vous ?

Quels pays aimeriez-vous voir entrer dans l'Europe ?

Que pensez vous de la crise de la Grèce par rapport à l'Europe ?

Rq : Ces quatre questions permettront d’offrir une vision de la relation de

l’échantillon avec des notions développées dans le mémoire : la citoyenneté

européenne, que nous avons défini comme étant de fait, l’existence d’une culture

européenne et enfin les relations entre les autres pays européens. Les réponses étant

toujours libres, nous pourrons obtenir des réponses pouvant aider la réflexion sur ces

notions abstraites et sujettes à polémique.

Avez-vous déjà participé au programme Erasmus ? (marquez s’ils ne connaissent pas)

Rq : Cette question permet de mesurer la popularité d’une initiative appliquée à tous

les pays d’Europe.

Page 133: Vers une Europe 2.0?

132 | P a g e

Nouvelles technologies

Possédez vous un ou plusieurs appareils qui vous permettent d'aller sur le Net ? Lesquels ?

Quelles sont vos utilisations principats du net ?

Utilisez vous les réseaux sociaux ? A quelle fréquence ?

Suivez vous l'actualité mondiale grâce à Internet ?

Rq : Ces questions vont permettre de dresser un portrait sociologique des

interrogés à travers le prisme des pratiques numériques. La dernière question citée

permet de donner un point de réflexion aux théories exprimant le fait que la facilité

d’accès à une multitude d’informations mondiales éloigne l’individu des

préoccupations territoriales de proximité.

Savez-vous ce qu'est un « digital native » ? Pouvez-vous l'expliquer en quelques mots ?

Marseille Capitale Européenne de la Culture

Quelle est pour vous la différence entre ville et capitale ?

Que pensez vous lorsque vous entendez « Capitale Européenne de la Culture » ?

Quelle ville d'Europe (visitée ou non) trouvez vous la plus attractive culturellement ?

Que pensez vous du projet Marseille Provence 2013 ?

Pouvez-vous citer une activité du projet MP 2013 ?

Vous sentez vous concernés par le projet ?

Encodage :

Notre équipe a pris la décision de procéder à la passation de ce questionnaire de façon

à avoir les opinions premières et instinctives des interrogés. Le questionnaire est donc

principalement composé de questions ouvertes. Certaines questions concernant les opinions

ou les pratiques des interrogées sont des questions fermées afin de produire des données

strictes. La généralisation étant un des pièges fondamentaux du travail d’enquête, cette étude

tentera de l’éviter en accompagnant les données obtenues par des questions fermées par des

données encodées.

Page 134: Vers une Europe 2.0?

133 | P a g e

Ex : « Vous sentez vous marseillais ? » avec les modalités de réponse OUI ou NON pourra

être croisé avec les réponses en texte libre de la question « Qu’est ce qu’être marseillais

signifie pour vous ? ».

La méthode appliquée pour encoder les réponses recueillies est la suivante : tous les

questionnaires ont été lus afin de dresser une liste des réponses de chaque question ouverte.

Ces réponses, si leur nombre était trop grand, ont ensuite été rassemblées en groupe

significatif afin de pouvoir analyser les données en découlant. Le logiciel MODALISA a

enfin été utilisé afin de produire des résultats. Cette méthode tente de respecter les différentes

réponses des interrogés mais également de les transformer en données exploitables, dans des

tableaux de tri croisés par exemple. Les questions qui offraient des réponses en nombre plus

réduit ont parfois été reformulées afin de correspondre aux termes de notre recherche dans sa

globalité. Ce parti prit permet de rapprocher des données recueillies sur le territoire

Marseillais et les recherches documentaires et scientifiques qui ont été faites par notre équipe.

Les tris à plat suivant ont tous été réalisés grâce au logiciel MODALISA. Les premiers

concernant le sexe, l’âge et l’arrondissement de résidence ont été présentés précédemment

dans ce carnet d’enquête, ils seront cependant utilisés dans les tris croisés. Nous nous

permettrons certaines remarques à la suite des tableaux afin d’expliciter certains choix faits

lors de l’encodage ou de préciser des réponses.

Résultats d’enquête en tri à plat

Depuis combien de temps habitez vous à Marseille ?

De 5 à 10 de 11 à 15 de 16 à 20 de 21 à 25

Page 135: Vers une Europe 2.0?

134 | P a g e

Nous pouvons voir que deux majorité se dégage, les interrogés vivant à Marseille

depuis moins de cinq ans, et les interrogés natif de la ville. Nous pouvons imaginer que selon

l’âge des interrogés la mobilité est due aux études ou au milieu professionnel.

Où avez-vous grandi ?

Encodage : les tranches par années sont utilisées si l'interrogé n'a pas toujours vécu à

Marseille. À titre d’exemple, si une jeune femme de 16 ans à toujours habité à Marseille, sa

réponse sera enregistrée dans 'depuis toujours' et non dans 'de quinze à vingt ans'. Ces

données permettent d'introduire plus de subtilité dans l'analyse des données se rapportant au

territoire et au sentiment d'appartenance.

Voici les provenances étrangères citées par les interrogés : Bosnie, Maroc, Brésil et Guyane

française. Nous pouvons remarquer qu’aucunes de ces provenances ne sont européennes.

Nous pouvons également voir que la proportion aillant grandi dans le sud de la France

(province de Marseille et autres localités dans la région PACA), c’est-à-dire 36,3% est

inférieure à celle ayant grandi dans le Nord.

Quelle est votre activité ?

Page 136: Vers une Europe 2.0?

135 | P a g e

Encodage : Les non-réponses correspondent aux interrogés en recherche d’emploi.

Où vous voyez vous passer votre vieillesse ?

Encodage : Les réponses des interrogés ont été retravaillées afin de devenir des

données exploitables. Le but est de croiser ces informations avec celles qui sont données sur

le lieu d’enfance et sur le temps vécut à Marseille afin de voir se dessiner une proportion de

personnes très fortement attachée au territoire de Marseille. La modalité « ailleurs en

France » est souvent représentative d’une réponse type « pas à Marseille » (4/5 interrogés)

Voici quelques exemples de lieux donnés par les interrogés concernant les deux dernières

modalités : « Campagne en Europe », « Dans une grande ville européenne », « Japon »,

« Hawaï » et «Un monastère tibétain ».

Habitudes territoriales

Quelles sont les deux dernières visites que vous avez effectuées dans la région ?

Encodage : Les interrogés pouvaient citer deux réponses. Le logiciel ne tenait pas

compte de la seconde réponse lorsqu’il s’agissait de la même modalité. Par exemple, les

interrogés qui avaient cité Aix-en-Provence et Arles n’étaient enregistrés qu’une seule fois

sous la modalité « ville touristique »

Page 137: Vers une Europe 2.0?

136 | P a g e

Ces données permettent d’éclairer les attraits culturels et patrimoniaux de l’échantillon. On

pourra alors mettre en relations ces attraits avec l’intérêt pour Marseille Provence 2013. Voici

quelques équipements culturels et patrimoniaux Marseillais cités : Le Musée Nautique, Le

Musée d'Histoire de Marseille, L’abbaye Saint Victor, Le Squat pont à bascule, Le Marché de

Noël, Les Jardins Longchamp, Le Docks des Suds.

Sortez-vous souvent de la région ?

Nous pouvons remarquer que la majorité des interrogés répondent un « non » catégorique.

Nous pouvons penser que les revenus réduits de la génération interrogée explique ce

phénomène. Nous pouvons témoigner de plusieurs réflexions exprimant le manque de moyens

pour voyager. Ce n’est donc pas représentatif de l’attachement au territoire.

Pour quelle raison principalement (sortez vous de la région) ?

Encodage : Les non-réponses correspondent ici à 91,3 % aux personnes ayant

répondu « Non » à la question précédente

Nous voyons sur ce tri à plat que les sorties de la région PACA à but culturelles sont aussi

représentées que les sorties pour visiter des amis

.

Page 138: Vers une Europe 2.0?

137 | P a g e

Participez vous à des activités connotées territorialement ? ( dites "typiques" comme de la

danse provençale, du foot sous les couleurs de Marseille, de la pétanque ?)

Encodage : les non-réponses correspondent aux interrogés ayant répondu « Non » et aux

non-réponses de la question précédente.

Que pensez vous de la vie touristique de Marseille ?

Encodage : Les modalités ont été créées afin créer des classes analysables. Nous avons

donc effectué une « traduction » des réponses des interrogés. Les interrogés pouvaient donner

deux réponses.

Page 139: Vers une Europe 2.0?

138 | P a g e

Nous pouvons voir que les adjectifs positifs (« actif », « satisfaisant » et « festif’ )

représentent 34,4% des réponses face aux adjectifs négatifs (« dérangeant », « mal organisé »,

« inexistant ») qui, eux, représentent 43,8% . Nous pouvons préciser que la modalité « mal

organisé » couvre, par exemple, les commentaires « mal réparti selon les quartiers » et

« mauvais accueil des touristes ». La modalité « Dérangeant » était également explicitée par

« trop de touristes ».

Qu’est ce qu’être marseillais signifie pour vous?

La majorité qui se dégage ici exprime le fait qu’être marseillais signifie être né dans la ville.

Nous aurons plus de précisions sur cette notion en croisant cette question avec la question

suivante et la question concernant le lieu d’enfance.

Vous sentez vous marseillais ?

Une majorité des interrogés se disent ou se pensent appartenir à leur territoire de

résidence. L’autodéfinition offerte par cette simple question donne un aperçu d’un

déterminant identitaire fort. Cependant, il ne décrit pas que 58,1% des habitants se sentent

foncièrement appartenir à ce territoire mais que 58,1% de l’échantillon pensent pouvoir se

définir comme marseillais.

L’Europe et Vous

Page 140: Vers une Europe 2.0?

139 | P a g e

Quels pays d’Europe avez-vous visités ?

Voici les pays d’Europe cité, on peut remarquer que les interrogés citent l’Angleterre et la

Turquie, montrant ainsi que les frontières de l’Europe ne sont pas ancrées dans les esprits

comme les limites de l’Union Européenne. Les interrogés pouvaient donner jusqu’à quatre

réponses.

Nombre de pays d’Europe visités.

Encodage : cette question à été ajoutée afin de ne pas restreindre le nombre de visites

à quatre comme la question précédente. Nous nous apercevons du bien fondé de cette

question avec 12,8% des interrogés ont visité plus de quatre pays Européens.

Page 141: Vers une Europe 2.0?

140 | P a g e

Si vous deviez définir l'Europe en quelques mots ?

Encodage : L’équipe de recherche a ici pris la liberté d’une nouvelle fois « traduire »

les réponses des interrogés. La diversité des thèmes des réponses a été respectée, ce qui

explique le nombre élevé de modalités.

Nous pouvons voir que des définitions comprenant des termes du champ lexical de la

Culture, « Zone de culture partagée » et « Zone multiculturelle », couvrent 25,5% des

réponses.

Vous sentez vous français ?

Trois interrogés un sentiment comparable à celui de se sentir français : « marocaine »,

« méditerranéen », « marseillais ».

Vous sentez vous européen ?

Page 142: Vers une Europe 2.0?

141 | P a g e

Nous pouvons voir que dans les deux cas, une large majorité se dégage pour répondre par la

positive.

Quel avantage voyez vous à être citoyen européen ?

La « libre circulation des personnes » est, selon notre échantillon, l’atout le plus avantageux

de la condition européenne.

Pensez vous qu'il existe une culture européenne ?

Comment la définiriez-vous?

Page 143: Vers une Europe 2.0?

142 | P a g e

Nous pouvons remarquer que les définitions sont moins nombreuses que celles

données pour l’Europe. Ce fait s’explique peut -être par le pourcentage élevé d’interrogés

ayant répondu « Non » à la question précédente.

Quels pays aimeriez-vous voir entrer dans l'Europe ?

Encodage : La modalité « Aucun » précise lorsque l’interrogé semblait satisfait de la

formation européenne actuelle. Pourtant les non-réponses ne précisent pas si c’est également

le cas ou si les interrogés ne voulaient pas répondre à cette question.

Hormis la Turquie citée trois fois, toutes les modalités correspondent à un interrogé. On

constate une large diversité des types et des positions géographiques de pays cités.

Que pensez vous de la crise de la Grèce par rapport à l'Europe ?

Page 144: Vers une Europe 2.0?

143 | P a g e

Encodage : La modalité « prendre de l’expérience » exprime le fait que le cas de la

Grèce doit être analysé pour éviter une autre crise de cette ampleur dans un autre pays

d’Europe. La réflexion de certains interrogés laissait apercevoir une certaine inquiétude

concernant l’avenir économique de la France.

Notre étude a tenté ici de rattacher les questionnements empiriques travaillés à un fait

d’actualité non-culturel afin de faire définir un des rôles de l’Europe à travers un fait politique

exemplaire. Nous pouvons comprendre que plus d’un quart des interrogés (« non-réponse» et

« indifférent ») ne se sent pas concerné par cet élément actuel.

Avez-vous déjà participé au programme Erasmus?

Le programme Erasmus jouit, selon cette enquête d’une grande notoriété.

Nouvelles technologies

Possédez vous un ou plusieurs appareils qui vous permettent d'aller sur le Net ?

Page 145: Vers une Europe 2.0?

144 | P a g e

Lesquels ?

Encodage : Les interrogés pouvaient citer tous les appareils qu’ils possèdent.

A quelle fréquence utilisez vous les réseaux sociaux ?

En cohérence avec l’utilisation type des réseaux sociaux, la majorité des interrogés se

connecte « plusieurs fois par jour ».

Quelles sont vos utilisations principats du net ?

Page 146: Vers une Europe 2.0?

145 | P a g e

Malgré le fait que l’attachement aux réseaux sociaux est été évoqué à la question

précédente, la principale utilisation du net citée est « Réseaux sociaux/ communication ».

Suivez vous l'actualité mondiale grâce à Internet ?

En voyant que la question précédente nous a offert en seconde modalité représentée

« connaissance du monde », nous pouvons comprendre que le Net ouvre une porte exploitée.

Savez-vous ce qu'est « un digital native » ?

Page 147: Vers une Europe 2.0?

146 | P a g e

74,1% des interrogés, qui font partie de la génération Digital Native, ne connaissent

pas cette notion. Les huit définitions données sont similaires, nous avons voulu conserver les

termes précis. Nous pouvons remarquer qu’un seul d’entre eux se définit comme partie

intégrante de ce phénomène sociologique.

Marseille Capitale Européenne de la Culture

Quelle est pour vous la différence entre ville et capitale ?

Les définitions de « capitale » en tant que « centre des activités du pays » et « ville

représentative » de son pays montre le caractère prédominant que concède les interrogés à

cette appellation. Les deux interrogés répondant simplement « le nom » laisse penser que la

notion de Label peut avoir été intégrée chez certaines personnes.

Que pensez vous lorsque vous entendez « Capitale Européenne de la Culture » ?

Page 148: Vers une Europe 2.0?

147 | P a g e

38,6% des interrogés citent Marseille alors que le plan de communication de Marseille

Provence 2013 ne commence qu’à partir de Janvier 2012. Nous avons ici respecté les termes

des réponses.

Quelle ville d'Europe (visitée ou non) trouvez vous la plus attractive culturellement ?

Nous pouvons voir ici que Londres et Barcelone sont les premières villes citées. La

proximité géographique, et donc l’accès facilité, peut être un facteur exploitable s’il se

confirme lors du croisement avec les pays visités.

Page 149: Vers une Europe 2.0?

148 | P a g e

Que pensez vous du projet Marseille Provence 2013 ?

Nous remarquons ici que, toujours avant la mise en place de la communication de

Marseille Provence 2013 (fait relevé par trois interrogés), plus d’un tiers des réponses

exprime une satisfaction globale face à l’idée construite individuellement du projet.

Pouvez-vous citer une activité du projet MP 2013 ?

Plus de la moitié de l’effectif sont couvert par les non-réponses. Même si le projet

Marseille Provence 2013 est connu de notre échantillon, les détails de ses futures activités et

les travaux préalables sont peu remarqués. Nous pouvons voir que des amalgames sont faits

entre les projets Euromed et les équipements soutenus par Marseille Provence 2013, par

exemple « La réhabilitation du vieux port ».

Page 150: Vers une Europe 2.0?

149 | P a g e

Vous sentez vous concernés par le projet?

Les effectifs sont presque égaux entre les réponses positives et les réponses négatives.

Nous pouvons témoigner du fait que trois précisions nous ont été faites par trois interrogés se

sentant concernés : « oui, en tant qu'européen », « oui, c’est pari pour l'avenir », et « oui, en

tant que marseillais ».

Tableaux croisés (en pourcentage)

Quartier de résidence / Intérêt (Margaux)

Même si les chiffre de ce croisement n’offre pas une analyse significative, nous pouvons tout

de même remarquer que :

-Le 2eme arrondissement, qui contient le quartier de la Joliette, un des quartier les plus

transformé par les projets suivis par Marseille, offre le même taux d’intérêt et de désintérêt.

Page 151: Vers une Europe 2.0?

150 | P a g e

On peut donc penser que les transformations n’implique pas forcement les habitants dans le

projet.

-Pourtant les 4eme, 5eme, 6eme, 7eme et 10ieme eux aussi touchés par des transformations

déjà visibles, n’offrent pas de réponse négative.

-Enfin, ce sont uniquement dans les secteurs de Marseille (8eme arrondissements et suivants)

les plus excentrés que la population en connaît pas forcément le projet.

Années passées à Marseille/ lieu imaginé pour la vieillesse

Représentatif de l’attachement au territoire, ce croisement (ici avec les non réponses exclues)

montre deux faits intéressants :

-La majorité qui se dégage concerne les natifs de Marseille (« depuis toujours ») qui

s’imagine vieillir dans leur ville natale. Plus de la moitié de ces natifs (63, 6%) souhaite finir

sa vie dans la seconde ville de France. Ce chiffre montre un véritable sentiment

d’appartenance au territoire Marseillais.

-On peut également voir que le second pourcentage visible (14,8%) concerne les résidents de

Marseille qui ne sont sur le territoire que depuis moins de cinq ans et qui précise qu’ils ne

voudront surtout pas vieillir à Marseille « ailleurs en France ». Les premières années dans la

ville de Marseille, selon notre échantillon, ne propose pas un « coup de foudre » sur la ville.

On peut donc voir qu’en corrélation avec la définition que notre échantillon a le plus proposé

concernant le fait d’être « Marseillais », les natifs conservent un sentiment profondément

positif contrairement aux nouveaux arrivants.

(Nous avons tenté de croiser les données des années passées à Marseille avec la vision qu’ont

les habitants du Tourisme. Ce croisement ne donne pas de données exploitables, ce qui peut

être également compris comme le fait que le tourisme n’est pas en cause dans la non volonté

de rester à Marseille.)

Page 152: Vers une Europe 2.0?

151 | P a g e

Nombre de sortie de la région PACA / Raisons de sortie dans la région

Nous pouvons voir avec ce croisement que les personnes qui sortent de la région entre une et

plusieurs fois par an le font, à pourcentage égal, pour des raisons familiales (22 ,2%) et pour

des activités touristiques (22,2%). Le potentiel attractif du tourisme en France pousse donc à

une certaine mobilité.

-Pourtant, nous pouvons également remarquer que le motif le plus fort de sortie de la région

plusieurs fois par an est celui des visites amicales. La forte mobilité des jeunes en France

(études, premier emploi…) explique peut-être ce phénomène.

-Les interrogés qui disent ne jamais sortir de la région le font exclusivement pour des raisons

familiales. Nous rappelons que c’est cette dernière raison qui pousse principalement à une

mobilité hors PACA, quelque soit sa fréquence.

Sorties PACA / Années passées à Marseille

En croisant ces deux indicateurs, nous pouvons voir que 55,5% des personnes ayant toujours

habité à Marseille répondent ne jamais sortir de la région. Les pourcentages sont égaux pour

les nouveaux arrivants entre une mobilité nulle et des sorties plusieurs fois par an. Cette

dernière donnée, liée au tableau précédent montre que c’est l’intérêt familial qui pousse

encore à cette égalité.

Page 153: Vers une Europe 2.0?

152 | P a g e

Pratique d’activités typiques / Années passées à Marseille

Ce tableau montre que la non pratique d’activités dites typiques prime toujours, quelque soit

le temps passé sur le territoire Marseillais, que se soit pour les Natifs et les nouveaux

arrivants. Il est donc notable que l’ouverture et même la demande d’autres activités que celles

connotées territorialement sont exploitables par les commanditaires d’événements ou

manifestations culturelles et sportives.

Signification de marseillais/ Se sentir marseillais

Il est intéressant de se pencher ici sur les raisons qu’ont les interrogés de ne pas se sentir

marseillais. Le fait qu’ils ne soient pas nés ici couvre 37,5% des personnes déclarant ne pas se

sentir appartenir à cette communauté géographique. Ce chiffre relève d’une logique que nous

avons déjà soulignée dans les croisements précédents. Mais nous pouvons comprendre ici que

la géographie n’est pas le seul facteur car le même pourcentage de personne ayant répondu

non au fait de se sentir Marseillais le fond en définissant cette notion par l’affectif. Ces

interrogés définissent l’appartenance comme découlant d’un sentiment d’affection, qu’ils

n’ont pas à l’égard de Marseille.

Se sentir Européen / Définition de l’Europe (Coralie)

Page 154: Vers une Europe 2.0?

153 | P a g e

Ce croisement nous montre une étonnante égalité entre les pourcentage, signifiant que toutes

les raisons sont d’importance égale pour se sentir européen, chaque interrogé adapte ses

raisons à sa propre idéologie. L’Europe est donc un concept encore abstrait mais bénéficie

d’une malléabilité identitaire qui semble satisfaire les interrogés. La majorité des personnes

ayant répondu Oui au fait de se sentir Européen définissent cette zone internationale par la

multiculturalité. La diversité est donc un des atouts de l’Europe selon 28,5% des interrogés se

sentant Européen.

Définition de la Culture Européenne et avis sur la crise Grecque

Ce croisement est très intéressant car il montre deux corrélations importantes :

-La moitié des interrogés considérant que la culture de l’Europe est le fruit d’une histoire

commune pense que la crise grecque doit être un exemple, une expérience pour ne pas

recommencer les mêmes erreurs. La notion d’historicité des faits est donc ancrée dans leurs

représentations

-De même, la moitié des interrogés considérant que la culture européenne est le fruit des traits

communs entre les pays et les habitants de ce territoire sont choqués de voir qu’il n’y a pas

plus d’entraide. Pour ces interrogés, la solidarité doit découler des ressemblances qui nous

unissent.

Sous-annexe 1 : Arrondissements et Quartiers de Marseille170

170

http://fr.wikipedia.org/wiki/Arrondissements_de_Marseille

Page 155: Vers une Europe 2.0?

154 | P a g e

Code

Postal Arrondissement Secteur

Population

(1/1/2007) Quartiers

13001 1er arrondissement

1er secteur

40 919

Belsunce

Le Chapitre

Noailles

Opéra

Saint-Charles

Thiers

13007 7e arrondissement 35 981

2. Bompard

3. Endoume

4. Les Iles

5. Le Pharo

6. Le Roucas Blanc

7. Saint-Lambert

8. Saint-Victor

13002 2e arrondissement

2e secteur

25 779

A. Arenc

B. Les Grands Carmes

C. Hôtel de Ville

D. La Joliette

13003 3e arrondissement 45 414

4. Belle de Mai

5. Saint-Lazare

6. Saint-Mauront

7. La Villette

13004 4e arrondissement

3e secteur

47 193

c. La Blancarde

d. Les Chartreux

e. Chutes-Lavie

f. Cinq Avenues

13005 5e arrondissement 44 583

3. Baille

4. Le Camas

5. La Conception

6. Saint-Pierre

13006 6e arrondissement 4e secteur 43 360

1. Castellane

2. Lodi

3. Notre Dame du Mont

Page 156: Vers une Europe 2.0?

155 | P a g e

4. Palais de Justice

5. Préfecture

6. Vauban

13008 8e arrondissement 78 837

d. Bonneveine

e. Les Goudes

f. Montredon

g. Perier

h. La Plage

i. La Pointe Rouge, Le

Rouet

j. Sainte-Anne

k. Saint-Giniez

l. Vieille Chapelle

13009 9e arrondissement

5e secteur

76 868

- Les Baumettes

- Le Cabot, Carpiagne

- Mazargues

- La Panouse

- Le Redon

- Sainte-Marguerite

- Sormiou

- Vaufrèges

13010 10e arrondissement 51 299

La Capelette

Menpenti

Pont-de-Vivaux

Saint-Loup

Saint-Tronc

La Timone

13011 11e arrondissement 6e secteur 56 792

Les Accates

La Barasse

Les Camoins

Éoures

La Millière

La Pomme

Saint-Marcel

Page 157: Vers une Europe 2.0?

156 | P a g e

Saint-Menet

La Treille

La Valbarelle

La Valentine

13012 12e arrondissement 58 734

Les Caillols

La Fourragère

Montolivet

Saint-Barnabé

Saint-Jean du Désert

Saint-Julien

Les Trois-Lucs

13013 13e arrondissement

7e secteur

89 316

Château Gombert

La Croix-Rouge

Malpassé

Les Médecins

Les Mourets

Les Olives

Palama

La Rose

Saint-Jérôme

Saint-Just

Saint-Mitre

Frais Vallon

13014 14e arrondissement 61 920

Les Arnavaux

Bon Secours

Le Canet

Le Merlan

Saint-Barthélemy

Sainte-Marthe

Saint-Joseph

13015 15e arrondissement 8e secteur 77 770

Les Aygalades

Les Borels

La Cabucelle

La Calade

Page 159: Vers une Europe 2.0?

158 | P a g e

Annexe 2 : Principales dates historiques de la construction de l’Europe.

En 395, l’Empire romain d’Orient et l’Empire d’Occident sont séparés.

En 1054 le schisme entre l’orthodoxie et le catholicisme qui provoque une cassure religieuse

est/ouest qui gagne toute l’Europe. L’empire de Byzance convertit les russes, les serbes et les

bulgares tandis que Rome convertit les polonais, les bohémiens et les hongrois.

Au XIème siècle la cassure entre la papauté et l’empire va provoquer la disjonction entre le

pouvoir spirituel et temporel.

Au XIVème siècle, la division entre Orient et Occident oppose l’ouest maritime et l’est

continental où la civilisation slavo-byzantine va subir l’invasion mongole.

1648 : Paix de Westphalie : création de la Suisse, indépendance des Pays-Bas

Vers 1800 : le terme d’européanisme désigne ce qui est proprement européen

9 juin 1815. Le comte de Saint-Simon publie De la réorganisation de la société européenne

dans lequel il propose une réconciliation entre la France et l'Angleterre, afin de constituer une

Europe stable et puissante économiquement grâce au libre-échange, et que l'Europe soit dotée

d'une « Chambre des députés du Parlement européen.

1815 : le 16 octobre, Napoléon Ier

est exilé par le gouvernement britannique sur l'île de Sainte-

Hélène. Il y recommanda la création d'un État fédéral européen : « Je voulais dompter

l'Europe par la violence. Aujourd'hui, il me faut la convaincre par les idées »171

Vers 1830 : le verbe européanisé marque la conscience d’apporter au monde la civilisation la

meilleure. Le traité érige l’état nation souverain comme socle du droit international. Le traité

reconnaît les trois confessions : catholique, luthérienne et calviniste dans le Saint-Empire. La

religion devient un domaine géré librement par chaque Etat souverain

Traité de Versailles de 1919 : Traité de paix entre l’Allemagne et les Alliées, signé à la suite

de la première guerre mondiale

1919 : création de la Société Des Nations. Il introduit le principe de « sécurité collective »

1929 : Aristide Briand prononce un discours sur un projet d'union européenne à l'Assemblée

générale de la Société des Nations.

171 Patrick Eveno et Pierre Servent (dir.), L'Europe de Yalta à Maastricht - 1945-1993 (1993), p. 9-11.

Page 160: Vers une Europe 2.0?

159 | P a g e

1946 : Organisation des Nations Unies

1947 : Proposition de la création des États-Unis d'Europe par Winston Churchill lors d'un

discours à l’Université de Zurich.

17 mars 1948 : signature du Traité de Bruxelles d'assistance militaire mutuelle entre la

Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et

d'Irlande du Nord.

1948 : Congrès de l’Europe a La Haye et fondation d’un « mouvement européen » pour

mettre en place une union européenne économique, politique, culturelle et monétaire.

16 avril 1948 : création de l’Organisation Européenne de Coopération Economique qui

permet de renforcer les relations économiques entre ses membres et de répartir équitablement

l’argent issu du Plan Marshall.

1949 : Conseil de l’Europe

9 mai 1950 : Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères présente une déclaration,

considérée comme l’acte de naissance de l’Union européenne

1951 : Communauté européenne charbon-acier (CECA)

1952 : Traité d’une communauté européenne de la défense

1954 : Rejet par la France de l’armée européenne (Communauté européenne de défense)

1955 : Adoption du drapeau européen. Nombre invariable de 12 étoiles pour symboliser la

solidarité, la perfection et la plénitude.

1957 : signature du Traité de Rome : création de l’Euratom et de la CEE

1972 : élargissement de la CEE

1979 : premières élections de Parlement Européen

12 juin 1985 : l’Europe à 12 avec l’Espagne et le Portugal

1985 : Accords de Schengen

1989 : chute du mur de Berlin, réunification de l’Europe

1993 : Traité de Maastricht et création de l’Union Européenne

1995 : L’Europe à 15 avec l’entrée de l’Autriche, de la Suède et de la Finlande dans l’UE

1999 : L’Euro entre en vigueur

1999 : Traité d’Amsterdam (renforcement du pouvoir du Parlement)

2003 : Le Traité de Nice entre en vigueur

1er

mai 2004 : Elargissement de 10 nouveaux pays dans l’UE

29 mai 2004 : La constitution européenne est établie

Page 161: Vers une Europe 2.0?

160 | P a g e

2005 : Rejet par referendum de la Constitution européenne par la France puis par les Pays-Bas

2007 : La Roumanie et la Bulgarie intègrent l’UE. L’Union Européenne comprend désormais

27 pays membres.

Décembre 2007 : Traité de Lisbonne

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161 | P a g e

Annexe 3 : Tableau des Capitales Européennes de la Culture de 1985 à 2020

Année Ville Pays

1985 Athènes Grèce 1986 Florence Italie 1987 Amsterdam Pays-Bas 1988 Berlin Ouest Allemagne 1989 Paris France 1990 Glasgow Grande-Bretagne 1991 Dublin Irlande 1992 Madrid Espagne

1993 Antwerp Belgique 1994 Lisbonne Portugal 1995 Luxembourg Luxembourg 1996 Copenhague Danemark 1997 Thessalonique Grèce 1998 Stockholm Suède 1999 Weimar Allemagne 2000 Avignon

Bergen Bologne Bruxelles Helsinki Cracovie Prague Reykjavik Saint Jacques de Compostelle

France Norvège Italie Belgique Finlande Pologne République Tchèque Islande Espagne

2001 Porto Rotterdam

Portugal Pays-Bas

2002 Salamanca Bruges

Espagne Belgique

2003 Graz Autriche 2004 Lille

Gênes France Italie

2005 Cork Irlande 2006 Patras Grèce 2007 Luxembourg

Sibiu Luxembourg Roumanie

2008 Liverpool Stavanger

Grande-Bretagne Norvège

2009 Linz Vilnius

Autriche Lithuanie

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Année Ville Pays 2010 Essen (Ruhr)

Pécs Istanbul

Allemagne Hongrie Turquie

2011 Turku Tallinn

Finlande Estonie

2012 Guimaraes Maribor

Portugal Slovénie

2013 Marseille Kosice

France Slovaquie

2014 Umea Riga

Suède Lettonie

2015 Mons Pilsen

Belgique République Tchèque

2016 Espagne Pologne

2017 Danemark Chypre

2018 Pays-Bas Malte

2019 Italie Bulgarie

2020 Roumanie Serbie

Les Capitales Européennes de la Culture depuis 2007 - informations venant du site http://www.mp2013.fr/presentation-

2/histoire-des-capitales-europeennes-de-la-culture/

Années Villes d’Europe de l’Ouest Villes nouvellement entrées

dans l’Europe

2007

Luxembourg (Grande

Région)

Sibiu (Roumanie)

2008 Liverpool (Royaume-Uni) Stavanger (Norvège)

2009 Linz (Autriche) Vilnius (Lituanie)

2010 Essen (Allemagne) Pécs (Hongrie) et Istanbul

(Turquie)

2011 Turku (Finlande) Tallinn (Estonie)

2012 Portugal (Guimaraes) Slovénie (Maribor)

2013 France (Marseille) Slovaquie (Kosice)

Page 164: Vers une Europe 2.0?

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2014 Suède (Umea) Lettonie (Riga)

2015 Belgique (Mons) République tchèque (Plzen)

2016 Espagne (San Sebastian) Pologne (Wrocław)

2017 Danemark Chypre

2018 Pays-Bas

Malte

2019 Italie Bulgarie

2020 Roumanie Serbie

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Annexe 4

Brève analyse démographique et territoriale de Marseille

La ville s’étend sur un large territoire de plus de 240 km², elle est la cinquième

commune de France métropolitaine. En 2008 sa population était de 851 420 habitants d’après

le recensement de l’Insee. Depuis 2000, Marseille est à la tête de la communauté urbaine

Marseille Provence Métropole qui regroupe 1 039 739 habitants172

. Son aire urbaine, qui est

centrée sur les communes de Marseille et Aix-en-Provence, comprenait 1 715 096 habitants

en 2008173

, ce qui constitue la troisième aire urbaine de France, Marseille compte de

nombreux maghrébins ou personnes française d'origine maghrébine (85 000 Algériens, 55 000

Tunisiens, 45 000 Marocains) On trouve aussi 70 000 Comoriens, ce qui fait de Marseille la

deuxième ville comorienne du monde, 90 000 juifs.

172 INSEE Résultats du recensement de la population de 2008 - Marseille Provence Métropole [archive] 173Recensement INSEE 2008 Aire urbaine de Marseille [archive]

Page 166: Vers une Europe 2.0?

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Annexe 5

Bernard Latarjet

Après une formation d’ingénieur du génie rural des eaux et des forêts, Bernard Latarjet

s’oriente vers la direction d’institutions culturelles. Il est le conseiller de Jack Lang au

ministère de la Culture et de la Communication, de 1991 à 1992, puis conseiller technique sur

les affaires culturelles de l’Elysée de 1992 à 1995. Il est ensuite président du par cet de la

grande halle de la Villette, de 1996 à 2006. C’est à cette date que Jean-Claude Gaudin fait

appel à lui pour piloter le projet de candidature de Marseille-Provence 2013. Le projet aboutit,

mais en 2011, Bernard Latarjet se détache de son poste de directeur général. Il continue

néanmoins à accompagner le projet.

Le discours de Monsieur Latarjet: Marseille, une ville emblématique pour le dialogue

des cultures

Dans le prologue au programme de Marseille Provence 2013, Bernard Latarjet replace

la ville de Marseille dans le contexte global d’une ville au cœur de la méditerranée et revient

sur cette dernière pour défendre le dialogue des cultures: « Carrefour privilégié des peuples,

des cultures, des économies et des religions, la Méditerranée concentre tous les désordres de

la planète. Elle peut être aussi l’espace de leur apaisement et d’une invention exemplaire de

nouvelles solidarités. L’Europe est engagée dans ce défi. Non seulement par son histoire et sa

géographie, mais aussi parce que la présence sur son sol de communautés de plus en plus

nombreuses, originaires des suds et de l’Orient, l’attache plus fortement à ses voisins.». Il

affirme, en outre, la volonté de construire une citoyenneté euro-méditerranéenne: « aucun co-

développement ni aucune coopération politique véritables et durables ne seront possibles

sans la construction d’une citoyenneté euroméditerranéenne fondée sur un socle de valeurs

partagées. Il faut, pour cela, nourrir un mouvement d’échange et d’appropriation de nos

sources culturelles communes: sources gréco-latines de la culture arabe, sources arabes de la

culture européenne.». Par conséquent, les projets de Marseille Provence 2013 ont la volonté

de participer à la création d’une citoyenneté européenne et méditerranéenne. Dans le discours

de Monsieur Latarjet, on lit clairement le souci de faire coexister les cultures dans un espace

de solidarité. Il réaffirme l’origine de la civilisation européenne, attachée au sol

méditerranéen, et défend l’interculturalité de cette région. Dans le cadre des projets concrets

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développés par l’association Marseille Provence 2013 on peut donc s’attendre à retrouver

cette même richesse interculturelle. A cet égard, la ville de Marseille possède tous les atouts

pour combler cette envie de (re)faire dialoguer les cultures. Marseille, ville portuaire

cosmopolite, ouverte sur la mer méditerranée semble la ville propice pour incarner les propos

de Monsieur Latarjet.

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Annexe 6

Schéma rendant compte de la stratégie numérique de Marseille-Provence 2013 (source :

http://www.mp2013.fr/espace-pro/cadre-numerique-territorial-commun/ )

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