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VERS UNE MISE EN ŒUVRE (PARTIELLE) DE LA PROCEDURE PAR VOIE ELECTRONIQUE

1.- Le 31 décembre 2012, le législateur a adopté deux lois, publiées au Moniteur belge du même jour1, fixant l’entrée en vigueur, au 1er janvier 20132, de certaines dispositions des lois du 10 juillet 2006 relative à la procédure par voie électronique et du 5 août 2006 modifiant certaines dispositions du Code judiciaire en vue de la procédure par voie électronique3. Ces deux lois modifient une série de dispositions de notre Code judiciaire. Malheureusement, cette entrée en vigueur était censée aller de pair avec l’introduction des moyens techniques permettant aux cours et tribunaux de mettre en oeuvre la procédure électronique. En l’absence d’effectivité de celle-ci, certaines des dispositions nouvelles suscitent de nombreuses interrogations chez les praticiens. Dans les lignes qui suivent, nous allons nous employer à commenter brièvement ces modifications.

La requête conjointe 2.- L’article 706 du Code judiciaire a été intégralement refondu. Exit le procès-verbal de comparution volontaire qui laisse sa place à la requête conjointe. Dans un souci de se conformer aux exigences de la procédure électronique4, la formalité de la comparution a été rendue facultative. Ainsi, la requête conjointe, mode introductif d’instance { part entière, doit, { peine de nullité, être datée et signée par les parties5. Elle est déposée au greffe ou adressée par recommandé. Ce dépôt ou cet envoi vaut signification. En principe, aucune audience d’introduction n’est prévue6 à moins que les parties ne le demandent ou que le juge l’estime nécessaire. Si tel est le cas, une audience est fixée dans les 15 jours du dépôt de la requête.

1 Loi du 31 décembre 2012 portant des dispositions diverses, spécialement en matière de justice, M.B., 31 décembre 2012, p. 88936 et loi du 31 décembre 2012 portant des dispositions diverses en matière de justice, M.B., 31 décembre 2012, p. 88941. 2 Cette entrée en vigueur, initialement programmée pour le 1er janvier 2009 (article 39 de la loi du 10 juillet 2006 et article 16 de la loi du 5 août 2006), avait déjà été postposée à deux reprises par les lois des 24 juillet 2008 (article 141) et 29 décembre 2012 (article 4). 3 Pour un commentaire de ces lois, nous renvoyons le lecteur aux actes du Colloque du 8 février 2007 relatif à la procédure électronique (Phenix – Les tribunaux à l’ère électronique, Bruylant, 2007) et { l’article de Dominique Mougenot paru au Journal des tribunaux (D. MOUGENOT, “La procédure par voie électronique – Les modifiicationsde la procédure civile (Lois des 10 juillet et 5 août 2006)”, J.T., 2007, pp. 161-169). 4 Exposé des motifs, doc. Parl., n° 51 1701/001, pp. 44-46. 5 Le texte légal ne prévoit donc pas expressément, { l’instar de ce qui existe pour la requête contradictoire { l’article 1034 ter du Code judiciaire, que l’avocat puisse signer cette requête { la place de son client. On peut toutefois considérer que, tout comme pour le procès-verbal de comparution volontaire pour lequel il était unanimement admis qu’un avocat puisse le signer alors que l’ancien texte de l’article 706 prévoyait également que la déclaration était signée par les parties, un avocat puisse valablement signer une requête conjointe au nom de la partie dont il est le mandataire. A supposer même que la nullité de la requête conjointe signée par un avocat soit soulevée par une partie ou par le juge, l’on pourrait envisager d’avoir recours à l’article 863 nouveau du Code judiciaire afin de régulariser la procédure (infra, n°14). . 6 Les parties veilleront, dans la requête conjointe, à indiquer leur souhait quant à la mise en état de l’affaire, { la fixation d’une date de plaidoiries (débats succintcs) ou au renvoi au rôle.

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Mise au rôle

3.- Les mots « ou d’une copie conforme certifiée par l’huissier » ont été insérés dans l’article 718 du Code judiciaire afin de permettre la mise au rôle de manière électronique d’une citation qui aurait été signifiée de manière traditionnelle7. La mise au rôle peut donc désormais s’effectuer sur présentation de l’original, d’une copie certifiée conforme par l’huissier ou, le cas échéant, de la copie signifiée de l’exploit de citation.

Le dossier de la procédure

4.- L’article 721 nouveau du Code judiciaire énonce, de manière non exhaustive, le contenu du dossier de la procédure. Les modifications apportées à cet article trouvent leur justification dans la procédure électronique. 5.- Toutefois, une difficulté pratique a immédiatement été soulevée par de nombreux magistrats et greffiers. Alors que l’article 721, 7°, du Code judiciaire, tel qu’en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012, indiquait que le dossier de la procédure devait contenir une copie certifiée conforme par le greffier des décisions rendues en la cause, le nouveau texte de l’article 721, 7°, du Code judiciaire dispose que ce dossier contient les décisions rendues en la cause. La lecture de cette disposition semble indiquer que le dossier de la procédure devrait contenir l’original des jugements et arrêts. Or, si l’on conçoit facilement la chose dans l’hypothèse d’un dossier de la procédure électronique, il existe d’énormes difficultés pratiques et légales { mettre cette disposition en œuvre tant que les dossiers existeront toujours en format « papier ». En effet, l’article 168, alinéa 3, 3°, du Code judiciaire impose au greffier de garder les minutes, les registres et tous les actes afférents à la juridiction près laquelle il est établi et d’en délivrer des expéditions, extraits ou copies. 6.- Interpellée par le Premier Président de la Cour de cassation, la Ministre de la Justice a confirmé que l’original des jugements et arrêts devait être conservé par les juridictions8. Dans l’attente de l’informatisation de la justice, pour satisfaire { l’article 721, 7°, le dossier de procédure devra donc contenir une copie, certifiée conforme par le greffier, de la décision rendue en la cause.

Le dossier de pièces des parties

7.- L’article 737 du Code judiciaire a également été adapté aux contingences de la procédure électronique puisque les pièces ne doivent désormais plus être « enliassées ». En outre, cet article prévoit désormais expressément que les parties doivent joindre un inventaire à leur dossier de pièces lorsqu’elles procèdent au dépôt de celui-ci au greffe9.

7 Exposé des motifs, doc. Parl., n° 51 1701/001, p. 47. 8 Dans son courrier, la Ministre de la justice a également justifié sa position en indiquant qu’afin d’assurer la publicité des décisions judiciaires imposée par l’article 757 du Code judiciaire, il convient que chaque juridiction reste dépositaire de ses décisions. Cet argument semble toutefois peu convaincant étant donné qu’aucun origninal n’est exigé pour assurer cette publicité. Une copie peut donc suffire. 9 Si le dossier de pièces des parties ne fait pas partie du dossier de la procédure, l’article 721, 9°, du Code judiciare prévoit par contre que l’inventaire des parties en fait partie.

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8.- La modification apportée à l’article 739 du Code judiciaire vise également uniquement { s’adapter aux exigences de la procédure électronique. Cet article dispose désormais que « sauf si les pièces ont été communiquées par voie électroniques, les parties les restitueront au plus tard dans le délai qui leur est imparti pour conclure ». Il est en effet impossible de devoir restituer un dossier de pièces qui aurait été communiqué par voie électronique.

Communication des conclusions et accusé de réception

9.- Le nouvel article 742 du Code judiciaire prévoit l’obligation, lors du dépôt10 des conclusions au greffe, de déposer un inventaire des pièces communiquées11. Cette disposition impose également au greffe de fournir un accusé de réception – et non plus un récépissé sur demande – du dépôt des conclusions et de l’inventaire12. Cette nouvelle obligation semble avoir suscité quelques inquiétudes dans les différentes juridictions du royaume quant au surplus de travail auquel devraient faire face les greffes déjà surchargés. La loi ne prévoit toutefois pas la forme que doit revêtir l’accusé de réception en sorte que, comme c’est déj{ le cas actuellement, le greffe pourra encore demander aux avocats de se munir d’une copie libre de la première page de leurs conclusions sur laquelle le greffier pourra apposer son cachet lors du dépôt. L’accusé de réception doit en effet se limiter à constater le dépôt des pièces au greffe sans aucune vérification de leur teneur13. 10.- En ce qui concerne le dépôt par voie électronique, celui-ci ne peut avoir lieu que par introduction de l’acte dans le système Phenix14, système qui sera automatiquement horodaté par l’ordinateur et qui accusera automatiquement réception { l’expéditeur. Dès lors que ce système n’est pas encore entré en vigueur, il n’est pas possible, en l’état actuel des choses, de procéder aux dépôts des conclusions par voie électronique.

10 La rédaction nouvelle de l’article 742 du Code judiciaire pourrait laisser penser que l’envoi de conclusions par voie postale serait désormais proscrit. Cette interprétation nous paraît inoccrecte : le dépôt au greffe peut avoir lieu de manière directe par la partie ou son conseil mais aussi par le biais d’un envoi postal. L’article 4 de la loi du 5 août 2006, malheureusement non encore en vigueur, a d’ailleurs introduit un article 32bis dans le Code judiciaire énonçant expressément que “tout dépôt ou communication peut avoir lieu valablement par pli simple ou, dans les cas prévus par la loi, par pli recommandé”. Bien qu’elle ne soit pas encore entrée en vigueur, cette disposition qui confirme les règles actuellement en vigueur doit servir de base { l’interprétation du nouvel article 742 du Code judiciaire. 11 Cette obligation était auparavant inscrite { l’article 743 du Code judiciaire. En application de l’ article 721, 9° du Code judiciaire, cet inventaire sera versé au dossier de la procédure. 12 Il s’agit donc désormais d’une obligation et non plus d’une simple faculté telle que prévue précédemment. 13 A ce sujet, nous rejoignons le Premier Président de la Cour de cassation qui écrivait en ce sens à Madame la Ministre de la Justice le 17 janvier dernier. Dans un courrier du 5 février 2013, celle-ci a d’ailleurs confirmé cette interprétation. 14 Voyez l’article 4 de la loi du 5 août 2006: la messagerie électronique « classique » n’est pas autorisée pour de tels dépôts.

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Signature des conclusions

11.- L’article 743 du Code judiciaire a également subi quelques modifications. D’une part, il énonce les mentions que doivent contenir les conclusions, d’autre part il précise que les conclusions doivent être signées par les parties ou leur conseil15. Néanmoins, outre le fait qu’aucune nullité ne soit prévue en cas d’absence de signature, l’article 863 nouveau permettra également de régulariser cette omission éventuelle (infra, n°14).

Disparition de la feuille d’audience 12.- L’article 783 du Code judiciaire entend supprimer la distinction actuelle entre la feuille d’audience16 et le procès-verbal d’audience17. La procédure électronique a en effet pour conséquence que les textes des jugements ne peuvent plus être portés à la feuille d’audience puisque ces textes sont simplement enregistrés en tant qu’originaux dans le dossier de procédure électronique. Dès lors, la fonction qui était attribuée à cette feuille d’audience est reprise par le procès-verbal d’audience, notamment la force probante authentique qui revêtait cette feuille d’audience. Néanmoins, une difficulté pratique a à nouveau été soulevée par plusieurs magistrats et greffiers. En effet l’article 784 du Code judiciaire impose que les feuilles d’audience soient répertoriées et, par année, reliées sous forme de registre. Il est prévu que cette disposition soit abrogée18. Toutefois, l’entrée en vigueur de la disposition prévoyant l’abrogation de l’article 784 du Code judiciaire a été postposée au 1er janvier 2015. La Ministre de la justice a reconnu qu’il y avait l{ une incohérence qu’il y avait manifestement lieu de corriger et que, dans l’intervalle, les greffiers devront continuer à appliquer les règles et usages en vigueur avant la loi du 31 décembre 2012. 13.- Les articles 24 et 25 de la loi 10 juillet 2006 relative à la procédure par voie électronique toilettent par ailleurs diverses dispositions du Code judiciaire suite à la disparition de la feuille d’audience.

15 Cette précision a le mérite de clarifier les choses puisque précédemment, aucune disposition du Code judiciaire n’imposait la signature des conclusions ({ ce sujet voy. D. MOUGENOT, La procédure par voie électronique – Les modifiicationsde la procédure civile (Lois des 10 juillet et 5 août 2006)”, J.T., 2007, p. 168; J.F. HENROTTE, D. FESLER, “Phenix: du mythe { la pratique. Questions sur la procédure électronique”, in Phenix et la procédure électronique, C.U.P., vol. 85, Larcier, 2006, p. 235). 16 La feuille d’audience est le document qui contient la relation authentique de tous les actes de procédure accomplis au cours de l’audience (D. MOUGENOT, « Le Code judiciaire { l’épreuve du cyberespace », in Phenix – Les tribunaux à l’ère électronique, Bruylant, 2007, p. 98). 17 Le procès-verbal d’audience est une pièce qui se rapporte exclusivement { une cause et qui doit être classée dans le dossier de la procédure. Il n’a d’autre but que de fournir des renseignements sur le déroulement des débats et de relater, au fur et à mesure, les divers stades de la procédure relatifs à la cause (D. MOUGENOT, « Le Code judiciaire { l’épreuve du cyberespace », in Phenix – Les tribunaux à l’ère électronique, Bruylant, 2007, p. 98). 18 Article 27 de la loi du 10 juillet 2006.

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Validation des actes non signés

14.- L’article 863 a été rétabli dans le Code judiciaire19 et dispose que « dans tous les cas où la signature est nécessaire pour qu’un acte de procédure soit valable, l’absence de signature peut être régularisée à l’audience ou dans un délai fixé par le juge ». Il s’agit de régulariser les actes non signés ou non signés en original. Cette forme spécifique de régularisation s’applique aussi bien aux actes sur support papier que sur support électronique. Cette modification est heureuse puisque la Cour de cassation considère qu’il n’y a pas lieu de tenir compte d’un acte de procédure non signé car la signature constitue un élément essentiel20. Bénédicte Biemar Assistante à l’ULg Avocat au barreau de Liège

19 Cette disposition avait été abrogée par la loi du 3 août 1992. 20 Cette jurisprudence était toutefois difficilement conciliable avec notre Code judiciaire puisque l’adage « pas de nullité sans texte » trouvait { s’appliquer. Le débat est clos puisque la régularisation est désormais autorisée. A ce propos voy. D. MOUGENOT, « Le Code judiciaire { l’épreuve du cyberespace », in Phenix – Les tribunaux à l’ère électronique, Bruylant, 2007, p. 101.