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102 VII/ 21 juillet 2009 Les rues étaient désertes en ce petit matin à Dommartin-lès-Toul. Seul le chant des oiseaux venaient troubler le silence. Quelques ordures roulaient çà et là, poussées par le vent. Dans une petite chambre, de légers ronflements se faisaient entendre. Il était presque neuf heures. Les volets étaient restés ouvert toute la nuit et à présent, la pièce était inondée par les rayons du soleil. Nos deux héros dormaient paisiblement. Eveline, enlacée par Loïc avait le visage serein. Une couette sans housse était mise en boule dans un coin de la pièce. C’était Loïc qui, la veille, l’avait mise là, car e lle ten ait tr op chaud. Ils é taient ainsi recouverts par la housse seule. Neuve heures sonnèrent à la montre de Loïc. « Iiip … Iiip … Iiip … » Celui-ci entrouvrit les yeux et se redressa lentement, essayant d’extirper son bras gauche d’Eveline qui dormait dessus. Tout en massant son bras endolori, Loïc se retourna des deux côtés et se fit craquer le dos deux fois. A l’entente de ce bruit,

VII 21 Juillet 2009

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VII/ 21 juillet 2009

Les rues étaient désertes en ce petit matin à

Dommartin-lès-Toul. Seul le chant des oiseaux

venaient troubler le silence. Quelques ordures

roulaient çà et là, poussées par le vent. Dans une petite

chambre, de légers ronflements se faisaient entendre.Il était presque neuf heures. Les volets étaient restés

ouvert toute la nuit et à présent, la pièce était inondée

par les rayons du soleil. Nos deux héros dormaient

paisiblement. Eveline, enlacée par Loïc avait le visage

serein. Une couette sans housse était mise en boule

dans un coin de la pièce. C’était Loïc qui, la veille,

l’avait mise là, car elle tenait trop chaud. Ils étaientainsi recouverts par la housse seule.

Neuve heures sonnèrent à la montre de Loïc. « Iiip

… Iiip … Iiip … » Celui-ci entrouvrit les yeux et se

redressa lentement, essayant d’extirper son bras

gauche d’Eveline qui dormait dessus. Tout en massant

son bras endolori, Loïc se retourna des deux côtés et se

fit craquer le dos deux fois. A l’entente de ce bruit,

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Eveline ouvra ses yeux un moment, une grimace au

visage, puis les referma aussitôt en se retournant.

- Chérie ? dit Loïc. Chérie ? C’est l’heure …

Chérie émergea finalement et regarda son mariquelque peu endormie.

- Coucou, murmura-t-elle. On est quel jour dis-

moi ?

- Euh le 21 ! répondit-il.

- Joyeux anniversaire ! dit Eveline en posant sa

main sur l’épaule de Loïc.

-

Merci ma puce.Il approcha de sa femme et lui donna un baiser sur

le front.

- Allez ! continua-t-elle. Fais un vœu et souffle tes

bougies !

Loïc fit mine de réfléchir, puis souffla ses bougies

imaginaires.

- C’était quoi ton vœu ? demanda sa femme.

- Bah si je te le dis, ça va pas se réaliser !

- Ok ! Fais comme tu veux ! dit-elle en rigolant.

Puis, sur ces mots, elle se redressa et sortit du lit. La

pièce dans laquelle ils avaient passé la nuit était

rudement laide. Une chambre sans aucun papier peint

aux murs, pas de rideaux à la fenêtre, la peinture au

plafond craquelait et l’on risquait à tout moment de se

planter une écharde ou deux dans le pied avec leplancher. Mais la pièce n’était sûrement pas en

travaux, il restait quand même un lit double et une

commode. Cependant, il faisait assez frais

contrairement à la veille et c’était assez agréable.

Une fois bien réveillés, nos deux amis se

préparèrent avec hâte afin de gagner le plus de temps

possible. Funky aussi était là. Assis devant la porte, il

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regardait ses maîtres s’afférer à leurs préparatifs. Il y

avait quelque chose de changé chez lui. Il était devenu

plus calme. Sûrement que toute cette marche lui avait

enfin vidé le trop plein d’énergie qu’il contenait depuistoutes ces années …

Eveline sortit de la pièce, tout de suite suivie du

chien, et se dirigea vers la cuisine. Ils logeaient en fait

dans un petit appartement, au premier étage d’un

immeuble. Celui-ci donnait la même impression que la

chambre : Vieux, mal entretenu, à l’abandon. Elle

fouilla un peu dans les placards et sortit de quoiprendre un bon petit déjeuner.

- Chéri ?! Tu viens ? T’as faim ? demanda-t-elle.

- Oui oui ! J’arrive ! répondit Loïc dans la pièce à

côté.

Il arriva quelques secondes plus tard avec la totalité

de leurs bagages dans les bras.

- Y a plus d’eau courante ! dit-il. En tout cas ici, les

douches c’est fini !

- Bah c’est pas grave, répondit sa femme. L’eau à

mon avis c’est pas la chose qui va nous manquer

le plus !

- Oui mais l’eau chaude si !

Eveline sourit, puis s’assit à table, tandis que Loïc

prépara le petit déjeuner de Funky. Tout un tas de

casseroles sales recouvrait l’établi. Eveline les balayadu revers de son bras et le tout tomba par terre dans un

énorme fracas, ce qui fit sursauter Loïc et Funky.

Eveline regarda un moment son mari, la tête rentrée

dans ses épaules comme pour éviter un coup.

- Désoler, dit-elle doucement.

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Loïc s’assit à son tour aux côtés de sa femme et,

tout en mangeant, demanda quelques renseignements

sur le programme de la journée.

- Eh ben c’est simple ! dit Eveline tout excitée. Ilne doit même pas nous rester une vingtaine de

kilomètres. On aura à traverser quelques villages,

et puis on devrait arriver dans les environs de

13h30, plus ou moins …

Loïc remarqua qu’elle prit un air d’étudiante en

donnant l’itinéraire à suivre. L’air des jeunes gens

insouciants et Loïc savait bien sûr à quel point safemme adorait planifier les différents itinéraires.

- Et puis, continua-t-elle, on aura de la musique

tout le long de la route !

Elle pointa alors du doigt le mini poste posé à terre

avec les autres bagages.

- Cool ! dit Loïc d’un ton enjoué. On va pas tarder

alors ?

- Non, bah on y va dès que t’es près !

- Je suis près depuis que je suis né ! dit-il en se

levant. Allez ! Funky ! c’est ok ?

Ils se répartirent la charge à emporter et Eveline fit

remarquer qu’il manquait le sac contenant les vivres.

Loïc répondit alors que ce dernier étant vide, ils

pouvaient s’en passer.

Sortis du bâtiment, ils reprirent leur marche. Une

couche de nuages gris avait recouvert le ciel. Eveline

pris un CD au hasard dans son sac.

- J’ai une compile si tu veux ! dit-elle.

- Oui ! Mets ce qui te fait plaisir !

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- Ok alors dessus il y a du  Muse avec Shrinking

Universe, Feeling Good  et   New Born … Mmm

aussi Debout Sur Le Zinc. Tout un CD tu verras.

Les morceaux qui passaient les uns après les autres

faisaient écho dans toute la ville. On ne percevait plus

le chant des oiseaux (peut-être avaient-ils cessé de

chanter). Quoi qu’il en soit, il n’y avait plus que cette

musique. Loïc aimait bien les trois morceaux de Muse.

Puis cela changea radicalement de style avec Comme

s’il en Pleuvait , Scylla et Te Promettre à La Lune de Debout Sur Le Zinc. De la chanson française mêlée à

du jazz manouche et à de la musique tsigane. Eveline

adorait ce style et elle dansait sur la route, tournoyant

comme une toupie.

9h55, tout se portait pour le mieux, tout le monde

marchait à bonne allure, la musique était bonne et

déversait ses sons mélodieux dans les rues, sur les

routes, partout où ils passaient. Mais … 9h57, ce fut le

drame. La musique coupa nette, la cadence ralentit sur

le coup, les piles du poste étaient mortes.

- Ah merde ! s’écria Eveline.

- Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? demanda Loïc

surprit.

- Je crois que c’est les piles … Va falloir en trouver

d’autres.Le couple ne paniqua pas un instant. Bientôt ils

allèrent passer par Villey-le-Sec. Ils trouveraient bien

ce qui leur fallait une fois sur place. Oui, mais

seulement Loïc commença à avoir mal aux pieds et

pour ne rien arranger, une fine pluie se mit à tomber.

Décidément, ce fut un dur retour à la réalité.

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Durant quelques temps, ils ne stoppèrent la marche.

Funky, derrière eux, les suivait d’un bon pas, allant

renifler, de temps en temps, à droite à gauche les bords

de route. Eveline et Loïc se tenaient la main.Aux alentours de dix heures et demie, ils arrivèrent

à Villey-le-Sec, leur première étape. Un petit village

comme il y en a tan dans le coin. Le ciel gris et la

pluie rendaient la visibilité difficile. Aussi, il n’y avait

bien sûr pas de courant électrique et donc aucune

lumière artificielle. Les volets et les grilles fermées

des différents magasins combinés à cette incessantepetite pluie fine et froide et au silence, rendait le décor

plus que sinistre. On pouvait distinguer très nettement

le bruit métallique de chaque goutte de pluie

rencontrant la taule des voitures.

- Bon ! bah on va tester le mégaphone ! lança Loïc

en portant le dit objet à sa bouche.

Celui-ci fonctionna parfaitement et le discours que

fit son porteur au travers du micro était digne des plus

grands films catastrophes. Il était question de

« Disparition de l’humanité », de « Vous n’êtes pas

seuls ! » et de « Sortez ! Nous sommes ici ! Dans votre

rue !! ».

Mais il n’y eut aucune réponse. Personne ne sortit et

nos deux amis se sentirent très seuls. La pluie martelait

le front de Loïc et d’Eveline. L’eau ruisselait sur leurs  joues. Un silence de mort s’installa … Encore … Au

loin un aboiement se fit entendre. Ce fut le seul signe

de vie à perte de vue. Finalement, et après que le

sentiment d’échec total se fut estompé, Loïc reprit ses

esprits et se dit qu’ils finiraient par trouver des gens.

Ici ou ailleurs, ils en trouveraient. Eveline récupéra le

mégaphone et le rangea dans son sac.

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- Il faut qu’on trouve où s’abriter, dit-elle. On est

trempé et ça commence vraiment à me courir !

- Je suis d’accord, j’aimerais bien m’asseoir un peu.

Tous deux guettèrent un endroit offrant un abri etLoïc pointa finalement son doigt vers un enseigne, de

l’autre côté de la rue.

- La pharmacie là-bas ! Elle n’est pas fermée !

Eveline jeta un coup d’œil et comme si tout avait été

synchronisé, tous deux se précipitèrent instantanément

vers le bâtiment, suivis de près par Funky.

L’intérieur était … obscur. Difficile de voir grand-chose sans trop de lumière. C’était une toute petite

pièce avec, à quelques mètres de l’entrée, un comptoir

et à l’arrière, une ouverture dans le mur qui donnait

probablement sur l’arrière-boutique. Il y avait cette

odeur caractéristique des pharmacies. L’odeur des

médicaments. Mais ici, elle se faisait plus forte, plus

présente. Loïc sortit du sac qu’il portait une lampe

torche. Une fois allumée, il était bien plus facile de s’y

repérer. De nombreuses boîtes étaient tombées des

étagères disposées derrière le comptoir. Signe que des

rats s’étaient certainement faufilés par là. De la

monnaie était encore répartie sur le comptoir et une

boîte de dolipranes était posée à côté. Eveline et Loïc

contemplèrent les environs puis déposèrent leurs

charges pour finalement se poser sur le sol.- Il faut qu’on trouve des piles pour le poste, dit

Loïc. C’est déjà pas facile de faire le voyage sous

la pluie alors au moins qu’on ait de la musique

pour passer le temps …

- Ouais, mais on ne sait même pas où chercher, dit

Eveline.

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- On peut se passer de piles neuves pour l’instant !

Il doit bien y avoir un truc genre une lampe torche

dans le coin !

Il se leva et passa derrière le comptoir, muni de salampe et laissant Eveline dans la pénombre.

- Tu sais, dit-elle, si la musique te manque tan, tu

n’as qu’à mettre les piles de ta lampe dans le

poste !

- Non, j’ai déjà essayé … C’est pas les mêmes.

Il chercha encore durant quelques minutes, puis il

dénicha une petite torche électrique sous le comptoir.- Hourra ! dit-il fier de sa trouvaille.

Il l’alluma et l’éteignit aussitôt afin de vérifier que

la batterie fonctionnait, puis tout en priant que ce soit

le bon format de piles, les inséra dans l’appareil. Le

capot refermé, le disque se mit à tourner dans le poste.

Loïc poussa un soupir de soulagement. Il venait de

retrouver sa « drogue » - Et ce n’est que peu dire que

le manque se faisait ressentir !

A présent l’écho de la musique couvrait celui de la

pluie. Ce furent les mêmes morceaux qu’auparavant

qui passèrent. Nos amis restèrent assis là, une bonne

vingtaine de minutes, à admirer la pluie à travers la

vitrine. Vers 10h55, plus ou moins, ils décidèrent enfin

qu’il était temps de repartir.

La prochaine étape se situait, selon Eveline, à sept

ou huit kilomètres. Une bonne heure et demie de

marche disait-elle … Il ne se passa rien de spécial

durant le voyage. De plus en plus, Loïc éprouvait une

vive douleur dans la cheville droite. Mais il se forçait

malgré tout, pressant le pas, ne voulant pas retarder

son arrivée. Aussi, il ressentait une énorme boule au

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ventre à l’idée de retourner chez ses parents, une sorte

d’angoisse – Quoi de plus compréhensible ? La route

longeait la Moselle et l’on pouvait remarquer, de

temps à autre, une voiture dans le fossé. Même souscette pluie, Loïc ne cherchait plus à trouver un

véhicule fonctionnel afin de raccourcir le voyage. Au

commencement, celui-ci ne cherchait que ça, mais

maintenant, lorsque le groupe croisait une voiture

susceptible de rouler, c’est tout juste s’ils la

remarquaient.

Eveline avait mis un morceau qui collaitparfaitement à l’ambiance du moment, avec la pluie et

le décor général. Paris, Texas de   Ry Cooder , puis

suivit du même titre, mais cette fois-ci reprit par Gotan

Project . Deux morceaux très doux.

Ils arrivèrent dans les temps (Comme d’habitude).

12h15, Maron. A présent Loïc, qui connaissait très

bien l’endroit, ne voulait même plus faire de pause.

- Allez ! dit-il. C’est juste à côté ! on y sera en une

demie heure même pas !

Mais Eveline l’assura qu’à leur rythme ils

mettraient au moins une heure. Et puis elle avait faim !

- Et j’aimerais bien me sécher un peu, ajouta-t-elle.

C’est vraiment un coup à avoir un rhume pour le

reste de la semaine. Allez viens ! On va s’abriterlà-bas, on mange un morceau et on repart dans

vingt minutes maximum ! Et puis comme ça tu en

profites pour faire un tour avec ton mégaphone !

Et, au final, Loïc céda. Lui et sa femme allèrent

s’abriter sous un abri-bus, le temps de se remplir

l’estomac avec quelques gâteaux qu’Eveline avait

gardé dans ses poches. Loïc prit le porte-voix et fit un

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tour dans les rues principales. Mais, malheureusement,

sans succès.

Eveline tint sa promesse et à 12h35 très précise ils

étaient repartis.

Les quelques kilomètres restant furent silencieux.

Eveline n’eut plus d’idée quant à quoi mettre comme

fond sonore et Loïc n’avait plus du tout la tête à ça. Il

était obnubilé par l’idée d’avancer, de retourner au

plus vite chez ses parents, de voir enfin s’ils étaient

partis. Sous la pluie et les nuages gris, il y avait Loïcet, dans sa tête, il n’y avait plus que Loïc … Et la

route. Eveline suivait avec peine le rythme effréné de

son mari. Funky, qui n’avait rien demandé à personne

– Pauvre chien, tirait la langue.

Puis, 13h15, Neuves-Maisons. Enfin ! Après ce

périple de plus d’une semaine, Loïc se mit à courir sur

les quelques centaines de mètres qui restaient. Il fut,

après des jours de marche, instantanément fixé. Arrivé

devant la maison, devant la grille donnant sur la rue,

avant même d’essayer d’entrer, il vit, il comprit que

ses parents ne feraient pas parti de ce nouveau monde.

Voyez-vous, les volets – Tous les volets, étaient

baissés. Il essaya d’ouvrir la petite porte en ferraille …

Elle était close. Il enjamba alors le grillage et s’avança

près de la porte d’entrée. Fit de même avec celle-ci,mais elle était, elle aussi, implacablement close.

Fermée à double tour.

Bizarrement, Loïc ne réalisa pas tout de suite ce que

cela signifiait vraiment. Ce ne fut pas le choc pour lui.

Lui qui croyait désespérément que ses parents seraient

encore en ce monde. Il se dirigea doucement vers l’un

des pots de fleurs pendus aux fenêtres et y dénicha une

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petite clef. Eveline resta à distance, pensant qu’il valait

mieux que son mari reste un peu seul.

Ce dernier entra dans la demeure grâce à la clef,

suivi de son chien et de sa femme.

Il y avait ici presque le noir complet, la seule

lumière étant celle qui pénétrait par la porte ouverte.

Loïc eu machinalement le réflexe d’appuyer sur

l’interrupteur, mais il n’y avait bien sûr pas de courant.

- Euh … Tu peux m’aider à ouvrir les volets ?

demanda-t-il le regard perdu dans le vide.- Bien sûr, bien sûr …

Lorsque tous les volets du rez-de-chaussée furent

ouverts, tous les deux retournèrent dans l’entrée. La

porte donnait en réalité sur la cuisine. Une pièce aux

murs jaunes et sales. De l’autre côté de la pièce, à

droite, un petit couloir donnait sur trois ou quatre

marches qui descendaient vers le sous-sol. Aussi, dans

le mur de gauche de ce dit couloir, se trouvait une

porte donnant sur un escalier montant jusqu’à l’étage

de la chambre et des toilettes. A droite de la cuisine,

restait une ouverture menant au salon.

- Ça va aller ? demanda Eveline pleine de

compassion.

- Oui … Je crois que oui …

Loïc alla dans le salon et s’affala sur le canapé,contemplant la télévision éteinte. Funky vint, sa queue

virevoltant et se hissa à son tour sur le sofa.

- Toi ça va ? demanda Loïc à son chien. Toi tu t’en

fous ! T’as pas de tracas rien !

L’animal le regardait avec le sourire habituel des

chiens qui tirent la langue. Eveline s’assit auprès de

son mari et l’enlaça, essayant de le réconforter du

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mieux qu’elle put. Ils restèrent là pendant quelques

temps, tous silencieux, tous le regard dans le vide, tous

avec un certain sentiment de vide.

Loïc se détacha un instant de ses pensées et jeta uncoup d’œil à sa montre. 13h45 … Il réfléchit une

poignée de secondes à ce qu’ils feraient le reste de la

 journée, puis se leva tout en soupirant.

- Bon … Allez il faut s’organiser … A mon avis on

va peut-être rester ici dans cette maison quelques

 jours non ?

-

Sûrement, acquiesça Eveline.- Donc on va faire un peu de ménage. Je vais

éponger le sol de la cuisine. Il y a une flaque

d’eau toute crade, ça vient à coup sûr du

congélateur.

- Ouais … Je vais aérer et passer un coup de

chiffon par-ci par là.

- Ok ! Cool … Alors au travail, termina Loïc.

Celui-ci sortit plusieurs serpillières, chiffons et

balais d’un placard et s’attaqua à la cuisine. Eveline

mit de la musique, du Ben Harper avec Oppression et

tout le disque qui suivait, puis elle se mit à son tour au

travail. Loïc sortit aussi plusieurs bougies ainsi que

des lampes fonctionnant sur piles. Il anticipa ainsi le

manque de lumière tout à fait naturel qui surviendrait

le soir.Il était très tard à présent et tout le monde avait

l’estomac dans les talons. Il n’y avait plus de sac de

vivre … Dans le réfrigérateur hors d’usage, tout était

gâté. D’ailleurs l’odeur qui s’en dégageait était fort

désagréable et Loïc prit la décision de sortir l’engin

dehors, dans la rue. Finalement, Eveline dénicha

quelques boîtes de conserves dans le sous-sol.

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- Bon … euh on peut manger ça, dit-elle en posant

ses trouvailles sur la table de la cuisine.

Heureusement que tes parents avaient une

gazinière. On aurait pu manger ça froid !Loïc acquiesça avec un sourire, puis se mit aux

fourneaux. Au menu cassoulet !

15h00. Tous étaient désormais repus. Les nuages

s’étaient un peu dissipés et le soleil brillait au travers

de quelques éclaircis. Dans la rue trempée, les oiseaux

chantaient. Loïc, Eveline et Funky étaient tous les troisaffalés dans le canapé, dans le salon – L’heure en

quelque sorte de la digestion.

- Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? demanda

Loïc. Je veux dire, on va s’ennuyer ferme

maintenant qu’on est tranquille !

- Bah ! C’est quand même toi qui disais qu’on allait

se mettre à la recherche d’autres gens ?! On a tout

ce qu’il faut pour ça en plus !

- Ouais … c’est vrai …

Loïc se souvint de l’enfant retrouvé dans les

décombres de l’avion. Il se souvint à quel point cette

trouvaille, au-delà de la tristesse qu’elle avait procuré,

leur avait donné de l’espoir. Il n’aimait pas l’idée

qu’était de rester au même endroit sans rien faire. Et à

présent qu’il n’y avait plus un chat, plus de télévisionni même de radio, cette idée devint tout de suite réelle.

- Bon ! dit-il. Je vais prendre la voiture de mon père

et trouver un moyen de faire le plein, sans le

courant je ne sais pas si ça va être possible … Et

puis j’irai faire un tour dans les environs avec le

mégaphone ! Tu veux venir ?

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- Non sans façon. Je vais un peu me reposer. C’est

qu’il devient lourd le petit là !

Elle passa sa main autour de son ventre.

- Ok ! Pas de problème ! dit Loïc.Eveline alla sur le canapé se coucher et essaya de

dormir un peu. Loïc quant à lui, passa par le sous-sol

et sortit dans l’arrière-cour. Là se trouvait la belle

 BMW de son père, bleue marine, presque noire. Toute

mouillée. Bien sûr, il avait pris les clefs dans la cuisine

et n’eut cette fois-ci pas la peine de fracasser la vitre

pour entrer. Lorsqu’il mit le contact, se mit à jouer The Black Messiah (Part Two) de George Duke. L’un des

morceaux préférés de Loïc.

La jauge d’essence était pleine. Nul besoin donc

d’aller faire le plein et Loïc en fut soulagé. Notre héros

fit marche arrière dans l’allée qui menait à la rue et

partit vers le centre de Neuves-Maisons, le mégaphone

en main.

Le moteur ronronnait. Loïc redécouvrit le bruit

d’une voiture. Un bruit qui, à vrai dire, commençait

fortement à lui manquer. Il fit le tour des rues

principales, de Chaligny à Messein, puis de Pont-

Saint-Vincent à Chavigny. Mais, malheureusement,

toujours aucune réponse. A l’horloge de la voiture,

affichait 15h56. Déçu, il décida de rentrer. Cependant,

sur le chemin, il remarqua l’ Intermarché situé non loinde chez eux … Et bifurqua vers ce dernier.

Loïc ne put garer la voiture sur le parking du

supermarché. De Grosses barrières en acier en

bloquaient l’entrée. Après s’être donc contorsionné

pour passer, il se dirigea vers les portes du

supermarché. Il prit en passant un cadi et cela lui fit

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une drôle de sensation de ressortir la monnaie qui

traînait depuis tout ce temps au fond de sa poche. Loïc

savait ce qui l’attendait. De gros grillages en ferraille.

Mais il avait maintenant prit le coup de main et avaittout prévu. Une grosse pince Monseigneur dans une

main et une torche électrique dans l’autre, il partit à

l’assaut de cette piètre défense … Enfin piètre … Cela

s’avéra quand même plus difficile que ce qu’il avait

pensé. Mais au bout de quelques minutes

d’acharnement, il eut raison de cette protection.

Ruisselant de sueur, il enfonça le cadi dans l’a baievitrée et entra enfin à l’intérieur.

Torche au poing, il s’aventura dans le grand hall,

passa les caisses et se perdit dans les rayons. Plus il

avançait vers le fond du supermarché, moins il y avait

de lumière. Il ne savait pas trop quoi prendre et la

pénombre n’était pas là pour l’aider. « Bon ! pensa-t-

il. Allez … Juste de quoi bien manger, peu importe ce

que c’est … » Tombant par hasard sur le rayon des

bouteilles d’eau, Loïc se dit qu’il ferait bien de prendre

des réserves et prit de quoi remplir le fond du cadi.

Dans le rayon des boîtes, notre ami put enfin se faire

plaisir. Puis pourquoi ne pas faire un détour par le

rayon des vins ? Et les gâteaux et autres sucreries ?

Quelques temps à vagabonder dans la grande surface

lui suffirent pour remplir le cadi à ras bord.Au bout d’un moment, une odeur discrète se fit

sentir. Discrète, mais persistante et surtout mauvaise.

Celle-ci s’accentua et alla même jusqu’à provoquer

des haut-le-cœur à Loïc. Pas de quoi s’étonner, ce

dernier déboula, au fond du supermarché, sur le coin

boucherie et poissonnerie. Quelle odeur affreuse que

celle de la viande en décomposition …

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Au finale, Loïc sortit de l’ Intermarché avec ce qu’il

était venu chercher … Un cadi complet de nourriture

et d’autres choses qu’il n’aurait pas même songé à

acheter il y a deux semaines. Il chargea la voiture deses courses et s’en alla retourner auprès de sa femme.

Loïc ne prit même pas la peine de rentrer la voiture

dans l’allée, ni même de la garer sur le trottoir. Il serra

le frein à main et coupa le moteur tout simplement au

beau milieu de la rue. En entrant, Eveline lui bondit

dessus.- Loïc ! s’exclama-t-elle. Il faut faire quelque

chose !!

- Quoi ? Quoi ?! paniqua-t-il.

- Je suis allé … faire la … enfin tu sais … La

grosse commission … Et … Bah y a plus de

pression. La chasse d’eau ne marche plus !

- Ah ! Tu m’as fait peur ! dit Loïc soulagé.

- Mais c’est grave ! ça … ça pue, chuchota Eveline.

Et les toilettes sont justes à côté de la chambre …

- Bah ! T’inquiète … Je ferai ce qu’il faut. En tout

cas on saura. Pour faire tout ça, bah on évitera les

toilettes. Et quitte à faire ça dehors, autant le faire

dans le jardin du voisin !

- Je suis d’accord, dit Eveline. Et va falloir trouver

une solution aussi pour la vaisselle.Son mari la rassura quant à cette préoccupation. Il

venait tout juste de passer par l’ Intermarché et en avait

profité pour faire le plein d’eau.

Plus tard, Loïc fit ce qu’il fallait – Je vous passe les

détails. Pour ce qui était de l’eau courante, cela allait

en fin de compte devenir un sérieux problème. Bien

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sûr les réserves d’eau situées dans les nombreux

magasins aux alentours leur assuraient un long

moment de répit, mais elles ne seraient en aucunes

façons éternelles.Le soleil sombra doucement et le ciel devint rouge.

Eveline appréciait énormément ces petits moments de

tranquillité. Cette dernière piqua quelques bûches de

bois dans la réserve d’une des maisons avoisinantes et

décida de faire un feu dans le petit potager de la

maison. Vers dix-neuve heures au soir, Loïc profita

des braises du feu pour faire chauffer une boîte de chilicon carne. De plus, il trouva dans le congélateur hors

d’usage, une barquette de merguez conditionnées sous

vide. Ayant l’air d’être encore mangeables, il voulut

les faire au grill. Notre couple, autour du barbecue, prit

alors conscience que cela pourrait bien être leur

dernier repas constitué de viande « fraiche », si l’on

peut dire.

Ils mangèrent donc dehors, profitant du beau temps

et des derniers rayons du soleil, le poste d’Eveline

  jouant sans cesse ses morceaux de musique, Funky

chassant les papillons de nuit et divers autres insectes.

- Tu sais, dit Loïc, on va aller en ville demain.

- Oui …

- Pour chercher des gens et tout ça … Le truc c’estque c’est quand même grand Nancy. Ça va pas

nous prendre qu’une journée de faire toute la ville

et les communes qui l’entourent.

- Oui, je sais, et alors ? demanda Eveline.

- Ben, continua-t-il, faudrait pas faire ça n’importe

comment. J’ai trouvé une carte de la ville, là

regarde.

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Loïc sortit de sa poche un vieux morceau de papier

tout écorné et mal replié.

- On voit la gare dans le centre et le chemin de fer

qui sépare la ville en deux parties Est et Ouest.Eveline acquiesça, attentive à l’exposé de son mari.

- Donc voilà ce que je propose. Demain on ne s’en

tient qu’à la partie Ouest. Donc notre côté. On ne

traverse pas le chemin de fer, on essaie de passer

dans le maximum de rues, puis aller vers

Heillecourt, Houdemont, Vandœuvre, Laxou,

Maxeville. Pourquoi ne pas aller même jusqueChampigneulles ?

- Oui oui, dit Eveline, les yeux rivés sur la carte.

- Et puis le jour suivant on fait tout le reste …

- Mais ensuite ? On fait quoi si on ne trouve

personne ?

- Bah je n’y ai pas vraiment encore réfléchi. Mais

  j’aurais opté pour migrer vers une autre grande

ville, du genre Metz ou, si tu préfères le sud, on

pourrait déjà aller vers Dijon.

- Ouais … ça me paraît pas mal. Et puis comme ça,

ça nous fera voir du paysage …

Fier de son « plan », Loïc se détendit un peu. Il

comprenait maintenant ce que pouvait ressentir

Eveline en regardant une carte. C’était tellement bon

de prévoir son itinéraire, de ne pas être prit de court etavancer à l’aveuglette. Il se sentait libre … Levant les

yeux vers le ciel, il contempla les premières étoiles

apparaître tout en écoutant All Cried Out de Fink . Une

musique très douce, très zen.

Plus tard fut le moment pour tout le monde d’aller

se coucher. Tous montèrent à l’étage et se laissèrent

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tomber dans le lit. Loïc sortit son journal et commença

l’écriture d’une nouvelle journée. Il rédigea quelques

pages, bien plus inspiré que les jours précédents. Mais

il y avait des termes comme « Triste », « Solitude »,« Personne » ou bien « Désespoir ».

Eveline, quant à elle, ne sut trop quoi écrire. Elle

griffonna ce qu’ils avaient prévus pour le lendemain et

les prochains jours et referma le livre. Loïc fit

extinction des feux et voilà qu’une nouvelle journée

s’acheva.

- Encore joyeux anniversaire, murmura Eveline.