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Mercedes Olivera et Ximena Bedregal: un dialogue de féministes mexicaines àpropos de la lutte zapatiste Author(s): Jules-France Falquet Source: Nouvelles Questions Féministes, Vol. 18, No. 2, VIOLENCES CONTRE LES FEMMES: DES RÉPONSES FÉMINISTES (1997 MAI), pp. 59-62 Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40619666 . Accessed: 14/06/2014 02:19 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelles Questions Féministes. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.77.34 on Sat, 14 Jun 2014 02:19:57 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

VIOLENCES CONTRE LES FEMMES: DES RÉPONSES FÉMINISTES || Mercedes Olivera et Ximena Bedregal: un dialogue de féministes mexicaines à propos de la lutte zapatiste

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Mercedes Olivera et Ximena Bedregal: un dialogue de féministes mexicaines àpropos de la luttezapatisteAuthor(s): Jules-France FalquetSource: Nouvelles Questions Féministes, Vol. 18, No. 2, VIOLENCES CONTRE LES FEMMES: DESRÉPONSES FÉMINISTES (1997 MAI), pp. 59-62Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions AntipodesStable URL: http://www.jstor.org/stable/40619666 .

Accessed: 14/06/2014 02:19

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Jules-France Falquet

Mercedes Oliv era etXimena Bedregal: un dialogue de féministes

mexicaines apropos de la lutte zapatiste Nous présentons ici deux textes qui se répondent: deux regards de

féministes mexicaines sur le soulèvement zapatiste et ce qu'on peut en attendre en tant que femmes et féministes. Deux avis assez différents et qui ont de quoi nous faire réfléchir.

Les réflexions que proposent ces deux textes ramènent à des

questions anciennes mais fondamentales. Quelle est la place des femmes et des féministes dans les luttes, les "projets révolutionnaires" et les projets qui impliquent l'usage de la violence, définis par les organisations mixtes

"classiques"? Faut-il s'y engager, les appuyer, les ignorer ou les combattre - s'ils retardent notre propre lutte et notre propre libération? Le féminisme est-il un projet si radicalement différent et si profond que nous perdons notre

temps dans les luttes définies par d'autres? Questions auxquelles, individuellement et collectivement, pratiquement et théoriquement, nous sommes confrontées si nous luttons pour un changement radical.

Pour les féministes mexicaines, depuis le Io janvier 1994, la

question se pose directement. Mercedes Olivera met l'accent sur les transfor- mations que les Indiennes ont vécu grâce au zapatisme. Π est certain que parmi les troupes zapatistes, il y a un tiers de femmes - Indiennes. Il y a

plus de femmes encore parmi les "bases d'appui" sympathisantes. Guiomar Rovira, une journaliste catalane, a retranscrit leur parole dans un livre-témoi- gnage1. Π est évident que leur vie a beaucoup changé. Dans les communautés indiennes traditionnelles, les femmes n'ont pas le droit à la parole, ni en famille, ni dans les assemblées communautaires. Du côté zapatiste, c'est une indienne, une ancienne servante en ville devenue la commandante Ana

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Maria, qui a dirigé la prise de San Cristobal de Las Casas, par laquelle les

zapatistes ont révélé leur existence. Un des premiers textes zapatistes connus est une Loi révolutionnaire des femmes, élaborée par les Indiennes elles- mêmes et qui déclare en substance: nous ne voulons plus être mariées de force. Nous ne voulons plus être battues. Nous voulons décider du nombre d'enfants que nous aurons. Nous voulons aller à l'école, nous voulons qu'on nous respecte, nous voulons pouvoir participer partout, à tous les niveaux2. Plus récemment, pour rompre l'encerclement militaire et porter leur parole, c'est une femme que les zapatistes ont envoyée à Mexico, en octobre 1996. La commandante Tzotzil Ramona, qui avait participé au premier dialogue avec le gouvernement, en février 1994, est un symbole de la place des femmes dans la lutte. Pour Mercedes Olivera, l'hésitation n'est pas de mise: les femmes ont gagné une place dans cette lutte et les féministes auraient tort de mésestimer les potentialités du zapatisme.

De fait, la question de rejoindre ou non le zapatisme, se pose: les

zapatistes ont clairement invité la "société civile" à se joindre, de toutes les manières qu'elle pouvait imaginer, à la lutte pour la démocratie, la justice et la liberté. Les zapatistes sont une armée qui aspire à ne plus être une armée, qui propose de "commander en obéissant" et dont le but de la lutte n'est pas la prise du pouvoir. Les zapatistes ont dit que le zapatisme n'existait pas, que c'était un pont qu'on pouvait emprunter pour se retrouver. Pas d'idéologie arrêtée: juste un monde où tous les mondes aient leur place... Vœu pieu que la réalité dément immanquablement quand on vit entouré-e-s de soldats et de

camps militaires, cemé-e-s par la répression et absorbé-e-s par des logiques militaires? Ou exemple, espoir que nous montrent les Indien-ne-s zapatistes - qui comptent aussi sur d'autres, sur nous, pour pouvoir tenir leurs

promesses?

Pour Ximena Bedregal, qui travaille au CICAM, les choses ne sont pas si simples. Le CICAM a surtout publié les deux premiers livres d'informations et de réflexions parus au Mexique sur l'insurrection zapatiste vue du côté des femmes, dont sont issus les deux textes qui suivent1. Ximena est aussi une des inspiratrices des Complices, un groupe informel qui réunit une tendance féministe "radicale" de plusieurs pays du continent latino- américain, tendance réapparue avec force lors de la récente Vllème rencontre

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féministe continentale2. Ximena rappelle que le projet zapatiste est une lutte année, ce qui implique une logique militaire et une hiérarchie parfois autori- taire. En face, le gouvernement expérimente ses techniques chaque fois plus sophistiquées de "guerre de basse intensité": répression sélective, peur géné- ralisée, dissolution des liens sociaux - que les femmes ont traditionnelle- ment à charge d'entretenir. Les guerres exacerbent toutes sortes de violences, dont nous sommes presque toujours les premières à pâtir. Quant aux bénéfices... Ximena Bedregal pose les questions suivantes: que penser de

projets installés dans la logique politique la plus traditionnelle, pour qui un autre moyen de continuer la politique est la guerre? Que pensons-nous de

l'idéologie que ces projets mettent en place? Sont-ils capables et surtout désireux de transformer les rapports sociaux de sexe? Et si ces rapports sociaux de sexes ne sont pas transformés, qu'est-ce qui aura changé?

Les zapatistes n'ont jamais dit qu'elles/ils étaient féministes. Pourtant, les zapatistes invitent les femmes et même les féministes - et même les lesbiennes - à définir ensemble un projet pour en finir avec la

longue nuit du néolibéralisme. Lors de la "Première rencontre intercontinen- tale pour l'humanité et contre le néolibéralisme", à l'initiative des zapatistes, fin juillet 1996, des féministes de plusieurs pays d'Europe soulignaient que la

proposition zapatiste rejoint certaines des nôtres:

"Le zapatisme a touché notre cœur parce qu'il coïncide avec certaines des propositions que le féminisme fait depuis plus de vingt ans:

- Une nouvelle éthique du pouvoir, qui ne soit pas patriarcal c'est-à-dire vertical, dominateur et excluant, mais horizontal et depuis le bas. Un pouvoir décentralisé, comme une responsabilité envers les autres - ce que le zapatisme appelle "commander en obéissant". Un pouvoir que, de toute les manières, il faut sans cesse questionner.

- La validité permanente des utopies, de propositions ouvertes, diverses, inachevées, sans avant-garde ni hégémonie: un monde où tous les rêves aient leur place, et pas seulement la politique traditionnelle.

- La force de la parole et de la non-violence, d'apprendre à écouter les voix des plus petit-e-s, du quotidien, de la poésie et de l'humour: une autre logique et d'autres valeurs que ceux du pouvoir traditionnel.

- Une autre manière de nous organiser. Des petits groupes autonomes et des réseaux de lutte sur la base d'intérêts communs, sans hiérarchie ni

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centralisme mais avec une vision d'ensemble, mondiale et même intergalactique."

La lutte zapatiste rejoint-elle les nôtres sur tout le reste? En

analysant le projet zapatiste, Mercedes Olivera et Ximena Bedregal nous invitent à réfléchir ici et maintenant: sur le projet de société qu'invente le

féminisme, les alliances qu'il peut faire et ses stratégies concrètes, η ne s'agit pas seulement d'une réalité lointaine, mexicaine, mais bien de nos vies. Le

système est chaque fois plus global: que lui opposerons-nous?

NOTES

1. Guiomar Rovira, Mujeres de maiz, La voz des las indígenas de Chiapas y la rebelión zapatista, Virus Editorial Barcelona, avril 1996, 348 p.

2. Nous avons publié cette première loi révolutionnaire des femmes zapatistes dans notre précédent numéro (NQF n° 17), ainsi que la nouvelle proposition d'élargissement de cette loi, faite par les femmes et non encore adoptée.

3. Rosa Rojas (compilation et édition), Chiapas : y las mujeres, que?, tome I, Colección Del dicho al hecho, México, décembre 1994, 226 p. et Rosa Rojas (compilation et édition), Chiapas : y las mujeres, que?, tome II, Colección Del dicho al hecho, México, décembre 1995. 287 p.

4. En novembre 1996, au Chili, se tenait la Vu Rencontre féministe latino- américaine et des Caraïbes, qui réunissait environ un millier de femmes. Ces rencontres, commencées en 1981 à Bogotá, se tiennent tous les deux ou trois ans. Elles ont une importance considérable pour le mouvement féministe de la région.

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