40
Un périple dans la transition: 5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

Vital Voices case studies - French

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Vital Voices case studies from the MENA policy advocates programs.

Citation preview

Un périple dans la transit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

Ce projet a été financé, en partie, par le Département d’État, Office des Affaires du Proche Orient, Bureau de l’Initiative

de Partenariat pour le Moyen Orient (MEPI), en vertu de l’accord de coopération numéro S-NEAPI-10-CA-297. Les

opinions, constatations, conclusions et recommandations exprimées dans ces documents sont ceux de leurs auteurs et

ne reflètent pas nécessairement celles du Département d’État. MEPI coopère avec des organisations de la société civile,

des chefs communautaires, des jeunes et des femmes activistes ainsi que des groupes du secteur privé pour mettre en

avant leurs efforts de réformes dans 18 pays et territoires. MEPI adopte une approche ascendante s’adressant à la base

populaire et répondant directement aux intérêts et aux besoins de la communauté locale. Dans la foulée du printemps

arabe, MEPI a sensiblement augmenté son soutien aux pays traversant des périodes de transitions démocratiques –

soutenant les élections libres et équitables, l’élargissement de la société civile et une plus grande marge de manœuvre

aux citoyens dans l’élaboration du système politique, économique et judiciaire.

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

1

Lettre du chef de la direction . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Le Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

L’Égypte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

La Jordanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Liban . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Oman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Contenu

2

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

Cher lecteur,C’est avec grand plaisir que je vous présente les études de cas des Défenseurs Politiques des Causes de la Femme de la région du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique (MONA) au nom du Partenariat Mondial de Vital Voices. Cette série d’études de cas montre l’impact qu’a le leadership des femmes sur les communautés durant cette période de transition sans précédent. Il ne fait pas de doute qu’un pays ne peut prospérer si la moitié de sa population ne participe pas à son développement et c’est dans cette optique que ces études mettent en exergue les contributions des femmes et leur engagement continu à façonner ensemble l’avenir de leurs pays.

Les cinq documents suivants présentent des campagnes de plaidoyer faisant partie du Programme des Défenseurs Politiques qui s’est étendu sur deux ans sous les auspices de l’Initiative de Partenariat pour le Moyen Orient (MEPI) du Département d’État américain. Ce programme a été lancé juste quelques jours après la chute du président Moubarak en Égypte, l’une des nombreuses étapes phares du printemps arabe, et s’est maintenu le long d’une des périodes de transition les plus importantes de la région avant de prendre fin en octobre 2012. Travailler avec les femmes leaders, et les hommes, de la région MONA durant cette période d’incertitude historique a permis à Vital Voices de cerner clairement les nuances du changement social, politique, et économique survenant dans la région ainsi que le rôle des femmes dans l’exploration de cette nouvelle configuration pour promouvoir des objectifs propres à leurs communautés.

Ces études de cas font part des meilleures pratiques et des leçons tirées des campagnes de plaidoyer. Nous espérons qu’elles serviront d’aperçu sur la contribution des femmes dans la région et qu’elles montreront l’importance du renforcement des capacités des femmes leaders. Grâce au soutien continu de Vital Voices, ces femmes, comme beaucoup d’autres à travers le monde, ont pu influencer leurs communautés, leurs pays et les nouvelles générations de femmes leaders.

Renforcer les capacités de leadership des femmes est une des valeurs fondamentales et stratégiques de Vital Voices. Ces cinq histoires sont la preuve qu’investir dans les femmes leaders qui œuvrent à améliorer leurs sociétés et notre monde ne peut que porter ses fruits.

Cordialement,

Alyse NelsonPresidente & CEO

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

3

Personne, ou presque, ne savait qu’en décembre 2010, la région allait entamer un des périples les plus marquants de l’histoire. A Vital Voices, les membres du groupe de la région MONA étaient tous cloués devant leurs ordinateurs, suivaient l’actualité, enquêtaient sur le terrain et essayaient de naviguer dans ce nouveau monde sachant que ces événements auront dès lors un effet considérable sur leurs activités.

Huit jours après la chute du président Moubarak en Égypte, le 20 février 2012, Vital Voices a convié 40 personnes de dix pays de la région à Aman en Jordanie pour lancer le projet. Ces participants ont été scrupuleusement choisis à travers un processus de candidature ouvert pour rassembler membres de la société civile, du monde de l’entreprise et des gouvernements et leur fournir une formation sur les compétences de plaidoyer, le leadership et les médias. Ils ont appris l’un de l’autre et établit des plans pour mettre en œuvre les projets de plaidoyer dans chacun de leurs pays selon les causes qu’ils jugeaient prioritaires pour les femmes de leurs communautés. Des groupes du Yémen ont largement été influencé par les témoignages de la délégation égyptienne et tous les participants ont solennellement pris connaissance de l’incapacité de la délégation bahreïnie à quitter son pays. L’incertitude régnait mais la perspective d’un nouvel avenir y était également.

Au cours des deux dernières années, Vital Voices a travaillé de prés avec chacune des délégations pour établir un plan stratégique et mettre en œuvre des campagnes de plaidoyer. Chaque groupe avait pris une question touchant les femmes de son pays pour cible, repérant une solution et déployant tous les efforts nécessaires pour faire de cette solution une réalité. Avec le soutien technique et financier de Vital Voices et de l’Initiative de Partenariat pour le Moyen Orient (MEPI), chaque pays s’est engagé sur la route du changement à l’intérieur de sa propre communauté. Ces études de cas relatent les histoires de chacun des groupes, mettant en exergue les implications politiques et sociales tout à fait particulières à la région MONA ainsi que les réalisations remarquables et les défis auxquels chacun des groupes avait fait face.

Il s’agissait bien des histoires de femmes et de leurs impacts potentiels.

Lorsque Vital Voices (Voix Vitales) a entamé le Programme des Défenseurs des Causes de la Femme pour la région du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique (MONA) à l’automne 2010, le programme qui a réunit sous sa houlette l’ensemble des projets des différents pays, la situation du monde était tout à fait différente de celle d’aujourd’hui. En août 2010, les gouvernements dans l’ensemble des pays de la région MONA étaient toujours en position de force. Le printemps arabe n’avait pas encore fait son apparition et le projet de plaidoyer qui fut alors lancé était formulé conformément aux circonstances de l’époque.

Présentat ion – “Un Périple dans la Transit ion”

4

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

A propos du Programme des Défenseurs Politiques des Causes de la Femme dans la Région MONA. Le Programme des Défenseurs Politiques des Causes de la Femme dans la région MONA rassemble des

responsables des deux secteurs public et privé ainsi que de la société civile pour lancer des campagnes dans le but d’améliorer la vie des femmes dans leurs pays d’origine.

Le programme a regroupé des groupes de la Tunisie, du Koweït, du Yemen, d’Oman, du Liban, de l’Égypte, du Maroc, de la Jordanie et des EAU leur assurant une formation en matière de plaidoyer, consolidation de l’équipe, réseaux sociaux et gestion du programme. Cette formation a permis aux groupes de développer des plans d’actions pour plaider en faveur des causes de la femme. Chaque campagne fut unique, chaque groupe a mis en place une campagne qui touchait à la politique et aux décisions procédurales et législatives de son pays en fonction des causes qu’il jugeait prioritaires pour sa communauté.

A la lumière de l’atmosphère de changement qui règne actuellement dans la région du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique, les campagnes se sont concentrées sur le rôle critique que pourraient jouer les femmes dans la création d’un nouvel avenir pour la région.

A propos du Partenariat Mondial de Vital VoicesLe Partenariat Mondial de Vital Voices est une Organisation Non Gouvernementale (ONG) internationale éminente dédiée à améliorer le statut politique, économique et social de la femme. Tout a commencé avec l’initiative réussie

du gouvernement américain intitulée “Vital Voices Democracy”, lancée en 1997 par la première dame de l’époque Hilary Clinton et l’ancienne Secrétaire d’État Madeleine Albright pour renforcer les capacités de la femme dans le cadre des objectifs de la politique étrangère américaine. En 2000, Vital Voices est devenue une organisation indépendante. Vital Voices repère, forme et promeut les capacités des femmes dirigeantes débutantes et entrepreneurs sociaux du monde entier, leur permettant de créer un nouveau monde pour nous tous. L’organisation est basée à Washington, D.C. et détient des locaux dans 15 pays différents. Notre personnel et groupe international de plus de 1,000 partenaires, experts et dirigeants bénévoles parmi eux des responsables des gouvernements, des entreprises et des ONG, ont formé et encadré plus de 100,000 femmes d’affaires de plus de 144 pays d’Asie, d’Afrique, d’Eurasie, d’Amérique latine, des Caraïbes et du Moyen Orient depuis 1997. Notre Réseau de Leadership Mondial est formé de 12,000 membres qui à leur tour influencent les femmes, les hommes et les enfants de leurs communautés.

Vital Voices a déjà travaillé dans la région MONA pour plus de onze ans et a mis en place de larges réseaux et partenariats avec des chefs d’entreprises locaux, des organisations de la société civile, des juges, des avocats, des institutions académiques et des dirigeants locaux. Vital Voices a œuvré à promouvoir les capacités, les connections et la crédibilité des femmes de la région en vue de renforcer la participation politique, le développement économique, les partenariats public-privé et l’entreprenariat.

Le Maroc

3000 Km

3000 Mi.Scale at the Equator.

6

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

Cette disposition fait souvent office dans les zones rurales et les régions pauvres pour pousser les jeunes filles à l’abandon scolaire et au mariage. Les juges conservateurs usent parfois d’une lecture conservatrice des textes religieux pour justifier le mariage des filles mineures. Selon le Ministère de la Justice, le nombre de mariages de mineurs a augmenté de 30,000 à 34,000 entre 2009 et 2011.3 Selon certains chercheurs ceci est particulièrement du au retour à la pensée conservatrice malgré les différentes percées en matière de réformes juridiques.4

A la lumière des effets dévastateurs du mariage des mineurs au Maroc, notamment la violence conjugale, le viol, le divorce et les suicides,5 le groupe marocain des Défenseurs Politiques a participé au premier atelier de travail de Vital Voices (Voix Vitales) à Amman en février 2011 plaidant en faveur de l’abolition du pouvoir discrétionnaire.6 L’objectif du groupe était de sensibiliser le public aux dangers

du mariage des enfants à travers une campagne médiatique et un lobbying auprès des décideurs pour abolir la discrétion judiciaire.

En partenariat avec plusieurs organisations telles le Centre Isis pour la Femme et le Développement, l’Union Nationale des Organisations Féminines, le Centre Nord Sud, les agences de presse, les entreprises privées et les militants travaillant au sein d’organismes gouvernementaux, le groupe a sollicité le gouvernement à prendre une décision de procédure dans le but de traduire et publier les documents de mariage dans toutes les langues nationales parlées (l’arabe marocain et berbère/ Amazigh) et à exiger des juges compétents l’examen des certificats de naissances des jeunes filles avant toute autorisation de mariage.

Au Maroc et suite à l’atelier de travail tenu en février, une réunion de groupe a rassemblé tous les membres de

Le MarocEn 2004, le gouvernement marocain a promulgué une Moudawana

historique (Code de la famille) à la demande de plusieurs organisations des droits de la femme, chercheurs, juristes et militants.1 La nouvelle Moudawana stipule que les deux conjoints disposent de droits et devoirs égaux au sein de la famille. Elle a permis aux femmes d’engager les formalités de divorce, a porté l’âge légal de mariage à 18 ans pour les deux sexes et a accordé à la femme plus de droits au niveau de la garde des enfants.2 Bien que les échos concernant les améliorations apportées à la Moudawana aient été très positifs au niveau mondial et dans la région du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique (MONA), les femmes et les filles souffrent toujours des lacunes qui existent dans le système juridique marocain. Parmi ces lacunes figure la dérogation à l’article 20 de la Moudawana permettant aux juges d’utiliser leur “pouvoir discrétionnaire” pour permettre aux mineurs de se marier.

1 “Le Maroc adopte une loi phare du code de la famille en faveur de l’égalité pour la femme”, Partenariat Éducatif des Femmes, 24 février 2004, http://www.learningpartnership.org/lib/morocco-adopts-landmark-family-law-supporting-women%E2%80%99s-equality

2 ”Le Code Marocain de la Famille (Moudawana), 5 février 2004: Traduction anglaise non officielle du texte arabe”, Global Rights, 2005 http://www.globalrights.org/site/DocServer/Moudawana-English_Translation.pdf?docID=3106

3 Hassan Shami, “Rapport sur la démocratisation du Maroc en 2011”, Dialogue Civilisé, 22 avril 2012 http://www.ahewar.org/debat/show.art.asp?aid=304483

4 Fatima Sadiqi, entrevue téléphonique réalisée par Christie Edwards, 25 août 20125 Moha Ennaji,” Combattre la violence à l’égard de la femme au Maroc: théories et pratiques”, in Femmes Marginalisées et

Insertion Sociale, ed. Fatima Sadiqi, (GTZ Maroc ET Fondation Ford 2010), 79 - 866 Le groupe a décidé de se concentrer sur les communautés berbères dans les zones rurales où les taux de mariages

précoces sont les plus élevés.

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

7

Casablanca, Rabat, Tétouan et Fès. Lors de la réunion, les membres ont dressé la liste des priorités à savoir collecter les informations, mener des recherches détaillées sur les principales parties prenantes, organiser des ateliers de travail et des conférences pour cibler les principales parties prenantes notamment les juges, les avocats, les familles et les associations des jeunes et lancer une campagne médiatique nationale pour informer le public de l’importance de cette question et de la nécessité du changement.

En octobre et novembre 2011, le groupe a collecté des informations sur les mariages forcés et précoces et a commencé à identifier et sensibiliser les familles ou les individus concernés. Le groupe a entrepris des activités dans les écoles rurales et les quartiers marginalisés y compris les zones rurales aux abords de Fès où le mariage précoce reste toujours une pratique courante. Au fil de ses recherches, le groupe a pris connaissance de la pression sociale que subissent les filles dans les milieux ruraux pour se marier au plus vite souffrant, au cas où elles demeurent célibataires, d’une marginalisation économique absolue. Le groupe a également conclu que le problème du mariage précoce n’est pas propre aux seules zones rurales mais qu’il sévissait également dans les milieux urbains.

Le groupe est également entré en contact avec les Ministères de l’Éducation, de la Santé, de la Justice ainsi que celui de la Famille et de la Solidarité tendant la main aux parlementaires et décideurs étant en faveur d’un changement du statu quo sur le mariage précoce. Très tôt, le groupe a constaté que la mobilisation des principales parties prenantes y compris les jeunes, les juges et les avocats allait constituer un défi majeur à relever surtout qu’à certaines occasions, les juges étaient contraints à obtenir la permission du Ministère de la Justice pour pouvoir participer à la campagne.

Le groupe a touché du doigt l’importance du contact personnel ainsi que l’utilité de la stratégie de proximité et des clubs et associations pour élargir le champ des contacts. Le groupe a visité les associations et clubs de juges et d’avocats et a repéré ses contacts dans les sphères de prise de décision. Les relations établies avec les avocats ont par la suite prouvé leur utilité au niveau de la campagne surtout que ces derniers ont défendu la cause, partagé des informations portant sur des affaires judiciaires de mariage précoce avec le groupe et prouvé à quel point il était difficile de convaincre les parents de ne pas forcer leurs filles à se marier avant l’âge.

Le groupe a œuvré à sensibiliser le grand public, surtout les filles et leurs familles,

Membres du groupe et experts locaux organisent un atelier de travail sur les dangers du mariage précoce.

8

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

quant au danger du mariage précoce et a publié quatre articles dans des journaux marocains à grand tirage évoquant les méfaits du mariage précoce et la nécessité de protéger les enfants contre tout ce qui pourrait les mener à ces circonstances dévastatrices. L’article intitulé “Dilemme autour du mariage précoce et tentatives de contourner la loi” étudie la question du mariage précoce d’un point de vue social, économique et culturel et propose des solutions concrètes afin de lutter contre la multiplication des mariages précoces au Maroc.7 Des articles et des discussions autour du mariage précoce ont également commencé à faire leur apparition sur les blogs, les journaux en ligne et les forums. Pour soutenir la campagne, le groupe a usé des réseaux sociaux pour toucher un plus grand public se concentrant particulièrement sur les jeunes.

Pendant l’hiver 2011 et le printemps 2012, le groupe a organisé une série de quatre séminaires au sein et autour de communautés où le mariage des enfants est pratique courante. Les séminaires ont ciblé un large éventail d’individus et d’organisations renfermant des jeunes, des intellectuels, des décideurs politiques, des organisations de défense de la femme notamment l’Union Nationale des Organisations Féminines, le Centre Isis et le Centre Nord Sud. Tous ont fourni des informations importantes concernant le danger que pose le mariage précoce sur les jeunes femmes, adaptant à chaque fois le message afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque communauté.

Le premier atelier de travail intitulé “Le code de la famille et le mariage des filles mineures” tenu le 24 décembre 2011 à Martil au Maroc s’est axé autour des critiques contre la Moudawana et a débouché sur un consensus autour des effets négatifs du mariage des mineures et sur une liste de recommandations concrètes que l’État, la société et les familles pourraient mettre en œuvre pour mieux protéger l’honneur et la dignité des filles.

Le groupe a tenu son deuxième atelier le 28 janvier 2012 à Fès au Maroc en partenariat avec le Centre Isis et le

Centre Nord Sud sous le thème “Mise en œuvre du code de la famille et mariage précoce”. Le groupe a exposé les méfaits du mariage précoce alors que des juristes et chercheurs islamiques ont discuté de l’objectif premier de la Moudawana et des raisons qui poussent certains à croire que l’Islam tolère le mariage précoce. Les participants à l’atelier ont également discuté des spécificités culturelles, des coutumes et traditions dans la région du Moyen Atlas ainsi que des contraintes financières qui poussent les familles à imposer un mariage précoce à leurs jeunes filles. Le groupe a de nouveau établi une liste de recommandations à présenter ultérieurement au Parlement.

Suite à ces deux ateliers, le groupe publia en janvier et février 2012 une série de rapports dans les médias se basant sur les conclusions de ses recherches et sur les recommandations des participants aux ateliers. Plusieurs interviews ont été accordées à Radio Fès en vue de discuter des conclusions des rapports et de promouvoir les activités de la campagne.

Le troisième atelier de travail a eu lieu le 7 avril 2012 au siège de l’association Amal à Midelt, petite localité aux abords de Fès, afin de discuter des conséquences du mariage des enfants dans les petites communautés. L’atelier, ciblant principalement les femmes et les ONG, s’est concentré sur la mise en œuvre de la Moudawana et le mariage des mineurs. Plus de 100 personnes y ont participé parmi elles des dirigeants d’ONG locales comme l’Association Midelt pour le Développement et l’Association Locale des Enseignants. Des journalistes de la presse locale ont assuré la couverture médiatique qui s’est répandue jusqu’aux sites web et blogs des associations.

Suite à cet atelier, la campagne a gagné en intensité à la lumière du suicide d’Amina Filali en mars 2012 qui a provoqué un tollé au sein de l’opinion public marocaine mettant en exergue la gravité du mariage des enfants et de la violence à l’encontre des femmes. Amina Filali, jeune fille de 16 ans, aurait été violée et le tribunal à décidé de rendre nulles les poursuites

7 Moha Ennaji, “ Dilemme autour du mariage précoce et tentatives de contourner la loi”, Hespress, 12 mars 2012, http://hespress.com/writers/49442.html

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

9

pénales à l’encontre du violeur s’il acceptait de l’épouser. Furieuse de cette décision et ne pouvant surmonter cette fatalité, Amina se donna la mort peu après son mariage.8 Plusieurs ONG féminines se sont investies dans la campagne pour réclamer l’abrogation de l’article 20 de la Moudawana permettant le mariage des enfants en vertu d’un décret juridique ainsi que l’article 475 du Code Pénal qui permet à la personne commettant un viol d’épouser sa victime en vue de rendre nulles les charges portées contre lui.9 Une commission parlementaire étudie le projet d’abrogation de ces deux articles et ceci depuis septembre 2012.

Le quatrième et dernier atelier a été tenu le 17 avril 2012 à Séfrou au Maroc. Cet atelier intitulé “Mise en œuvre du code de la famille et moyens de lutte contre le mariage des enfants” avait pour but de promouvoir l’engagement des ONG féminines. Plus de 40 représentants de diverses ONG y ont participé y compris des membres de l’Association de Séfrou pour les Femmes, l’Association Femmes et Développement, l’Association Culturelle “Tawada” et l’Association pour le Développement et l’Autonomisation des Femmes Addur. Des étudiants y ont également participé et pris part aux débats qui se sont axés autour de la violence au foyer, du viol, du mariage forcé, du divorce et du suicide comme étant les conséquences potentielles du mariage des enfants. Lors de l’atelier, le groupe s’est engagé à organiser une conférence internationale en mai 2012 autour des sujets ayant trait à la campagne des défenseurs politiques. Ils se sont également engagés à faire pression pour aboutir à la réforme de la Moudawana et du code pénal. Marqué par l’affaire Amina Filali, cet atelier a pu convaincre plusieurs participants de l’urgence et de la gravité du mariage des enfants et de la nécessité de contacter des membres du parlement en vue de réformer les lois pertinentes.

Suite à ses recherches détaillées et à l’aune de l’engagement de la communauté manifesté durant les ateliers de travail, le groupe a cherché à influencer le Parlement

fraichement élu en se basant sur les principes énoncés dans la constitution marocaine de juillet 2011 y compris l’égalité entre les deux sexes, l’émancipation de la femme et la promotion de sa participation à tous les échelons de la vie politique. Le groupe a repéré les parlementaires et dirigeants politiques soutenant la campagne et leur a soumis des recommandations spécifiques exigeant l’amendement de la Moudawana et du Code Pénal ainsi que la révocation des articles 20 et 475. Un parlementaire fraichement élu a également accepté de soumettre les recommandations au Parlement.

Suite aux conférences locales, le groupe a élargi l’horizon de sa campagne en organisant un événement phare - une conférence internationale intitulée: “ Le mariage des mineurs du point de vue socioculturel et juridique”. Lors de cette conférence, des experts en matière d’éducation nationale, des avocats, des juges et des acteurs de la société civile se sont concertés sur 10 sujets parmi lesquels le mariage des mineurs, la violence à l’encontre des femmes et des filles, l’examen stratégique du droit de la famille, les barrières à la mise en œuvre du code de la famille, les causes et les conséquences du mariage des enfants, le rôle des juges et des avocats dans l’application de la loi, le rôle des médias et de l’éducation dans la sensibilisation de l’opinion publique ainsi que le rôle des femmes et des organisations des jeunes.

Plus de 400 personnes ont participé à cette conférence tenue les 5 et 6 mai 2012 au Palais des Congrès à Fès. Les représentants de six pays – Maroc, Niger, Kenya, Algérie, Tunisie et Mauritanie y ont participé. Plusieurs figures de proue dont le président de l’Union International des Avocats,10 ont également participé à la conférence. Un exposé, présenté par un médecin devenu parlementaire ultérieurement, sur les problèmes de santé accompagnant le mariage précoce a suscité plusieurs questions et un vif intérêt de la part de l’audience et des médias. La conférence a été largement médiatisée au

8 ”Le Maroc proteste après le suicide d’Amina Filali”, BBC News, 15 mars 2012, http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-17379721

9 Morocco, Code Pénal, Article 475, 1963, http://adala.justice.gov.ma/production/legislation/fr/penal/Code%20Penal.htm10 Premier marocain à devenir président de l’Union Internationale des Avocats

10

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

niveau local et international bénéficiant notamment de la couverture médiatique du Canal 2 de la télévision marocaine, de la chaine espagnole Sur ainsi que de la couverture de la radio et de la presse.

Un argument majeur a été soulevé lors de la conférence internationale affirmant que le mariage précoce est préjudiciable aux jeunes filles et que l’école leurs était la seule voie sure. Le groupe a constaté que plusieurs conservateurs, au contraire, pensent que le mariage précoce empêche les jeunes filles de sombrer dans la prostitution. A la fin de la campagne, le groupe a réussi à convaincre certains d’entres eux du fait que le mariage précoce n’était pas la meilleure option pour les jeunes filles et qu’une fille intelligente et éduquée se porterait mieux qu’une fille illettrée et ignorante mariée à un homme plus âgé.

Un des obstacles majeurs à la progression de la campagne était le manque de soutien des autorités locales. A titre d’exemple, lorsque le groupe voulait afficher des bannières à Fès pour promouvoir la campagne, les autorités locales ont refusé prétendant que les bannières n’étaient pas nécessaires. Lorsque le groupe leur a indiqué que la campagne était d’une utilité sociale et culturelle qui contribuait au développement durable de la ville, ils cédèrent et le groupe réussit à afficher quelques bannières dans les coins de la ville. Cette expérience a permis au groupe de mesurer l’importance du dialogue et de la communication persuasive dans la réalisation des objectifs.

Bien qu’il ait été difficile d’obtenir le soutien continu du gouvernement, le

groupe a usé de sa créativité pour faire parvenir sa voix. A titre d’exemple, le gouvernement a refusé de sponsoriser la campagne ou d’assurer la traduction simultanée lors de la conférence. Pour résoudre ce problème, le groupe a fait parvenir son message à travers les médias traditionnels et ses pages Facebook. Les recommandations et les rapports de la campagne ont été publiés dans les journaux nationaux et locaux ainsi que sur différents blogs et sites web.

A la fin de la campagne, le groupe a réussi à évoquer la question du mariage des enfants au niveau national grâce au soutien de juges et avocats de haut niveau. Le groupe a soumis ses recommandations au Ministère de la Justice et au Ministère de la Famille et de la Solidarité. Le Parlement a depuis débattu de la question du mariage des enfants à maintes reprises et une discussion est en cours concernant l’amendement de la loi et la protection des filles du mariage précoce.

Lors de sa dernière rencontre, le groupe a convenu qu’il était nécessaire de suivre de près les questions de plaidoyer pertinentes et les différentes activités vue que la donne politique change rapidement. Les organisations du Sud du Maroc ont contacté le groupe et ont exprimé leur intérêt à se joindre à la campagne surtout que le mariage précoce est une question tout aussi importante dans leur région. Le groupe sollicitera des fonds supplémentaires pour poursuivre son travail surtout que cette question est toujours d’actualité au Maroc et dans la région.

Leçons tirées:1) Utilisez des exemples et des cas concrets pour

insuffler plus de dynamisme à la campagne.

2) Appelez les dirigeants gouvernementaux de haut niveau à défendre cette campagne de plaidoyer.

L’Égypte

3000 Km

3000 Mi.Scale at the Equator.

12

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

Face à l’incertitude qui plane en Égypte, le groupe reconnait l’importance que revêt la liberté d’expression de la femme ainsi que sa participation au nouveau gouvernement. Le groupe a décidé de créer une plateforme sexospécifique à savoir un agenda féminin comportant les opinions des femmes égyptiennes de tout âge, région, religion et horizon. Le groupe proposera l’inclusion de cette plateforme dans la nouvelle constitution égyptienne, dans toutes les plateformes électorales et dans toutes les décisions politiques, sociales et économiques portant sur l’avenir de l’Égypte.

Dans les quelques mois qui ont suivi l’atelier de plaidoyer d’Amman, les femmes ont presque disparu de la scène publique en Égypte. Bien que ces femmes aient manifesté côte à côte avec les hommes à la place Tahrir, elles n’ont pas seulement été écartées du leadership post-révolution mais aussi des postes juridiques, académiques et ministériels. De surcroît, le gouvernement militaire a aboli le quota établit à l’ère Moubarak accordant aux femmes 64 sièges au Parlement.

En dépit de ces difficultés, le groupe a commencé à collecter les opinions des femmes égyptiennes à travers des groupes de réflexion et des sondages. Cependant, la phase recherche de la campagne a connu divers défis internes et externes. En effet,

au moment où le groupe a voulu entamer ses recherches, les organisations de la société civile égyptienne ont été accusées d’incitation aux troubles civiques pendant et après la révolution et ont été la cible d’une répression gouvernementale sans précédent.11 Après la chute du régime de Moubarak, des millions de dollars d’aide étrangère ont afflué vers le pays pour financer les efforts visant à promouvoir la démocratie. Plusieurs responsables de la société civile et des ONG, y compris ceux du groupe, ont affirmé que le gouvernement de transition, dirigé par le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA), les a accusés de recevoir des millions de dollars d’investisseurs étrangers dans le but de porter atteinte à la sécurité du pays. Le Conseil a affirmé qu’aucune ONG n’a tenu le gouvernement informé des fonds reçus de sources étrangères comme le stipule les lois égyptiennes12 surtout celles se rapportant à la loi adoptée en 2010 octroyant aux forces de sécurité le pouvoir d’approuver ou de refuser le financement international de ces organisations.13

Sur ce, la Ministre de la Coopération Internationale a lancé en juillet 2011 une enquête sur les fonds étrangers allouées aux ONG non enregistrées, considérant que ce genre de financement était “une ingérence dans les affaires internes égyptiennes”.14 Les banques égyptiennes devaient ainsi se conformer à l’ordre de tenir la Banque Centrale Égyptienne et le

L’ÉgypteLes défenseurs politiques arrivèrent directement de la place Tahrir à

l’atelier de plaidoyer de Vital Voices à Amman en Jordanie en février 2011, huit jours après la démission de Moubarak. A l’apogée de leur révolution, ces cinq femmes égyptiennes ont pu voir de leurs propres yeux l’effet du plaidoyer, poussant l’une d’elles à affirmer “Il est important de percevoir les droits de la femme comme étant des droits politiques mais l’on ne s’attend pas à ce que ce soit facile. La place Tahrir fut une utopie, une société ne peut changer en 15 minutes.”

11 Réseaux d’Informations régionaux intégrés (IRIN) “Les ONG Égyptiennes face à la dure réalité postrévolutionnaire, The Guardian, 27 Octobre 2011, http://www.guardian.co.uk/global-development/2011/oct/27/egypt-ngos-clampdown-military-rulers

12 Égypte, Loi sur les Sociétés et Organisations Non gouvernementales, Numéro 84,200213 IRIN “Les ONG Égyptiennes face à la dure réalité postrévolutionnaire”14 IRIN “Les ONG Égyptiennes face à la dure réalité postrévolutionnaire”

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

13

Ministère de la Solidarité Sociale informés de toute transaction effectuée entre ONG et société caritative.15

Bien que l’enregistrement de représentants de trois sociétés civiles au groupe de plaidoyer ait été effectué dans les normes, la pression exercée sur les ONG a largement perturbé les activités de la campagne. Les membres du groupe ont été priés par leurs organisations respectives de se retirer de la campagne ou d’agir à titre personnel. L’on a exigé du membre du groupe directement responsable de la gestion de la recherche de travailler à titre personnel mais elle a été incapable, en raison des élections égyptiennes à venir, de consacrer le temps nécessaire et les fonds requis pour poursuivre la recherche.

Esraa Abdel Fattah Rashid, membre du groupe, a reçu le prix Glamour “Femme de l’Année”16 à New York en Novembre 2011 encourageant la Fondation Jenzabar à allouer une somme supplémentaire de 25,000 dollars pour soutenir la campagne en Égypte. Ceci a motivé le groupe et les organisations à travailler main dans la main malgré les enjeux politiques externes, les

enquêtes et les poursuites auxquels les ONG égyptiennes font toujours face. Le groupe s’est rapidement mobilisé pour trouver un nouveau chercheur, qui début 2012 a commencé à sillonner l’Égypte formant des groupes de réflexion et récoltant les opinions des femmes sur les questions sociales et politiques surtout en terme de droits et du rôle des femmes dans la constitution.

1,000 femmes de 21 à 58 ans ont été interviewées sur une période de quatre mois. Elles ont été interrogées autour de trois axes: 1) Le rôle des femmes dans la gestion publique et politique, 2) Les aspects économiques, sociaux et familiaux et 3) Autres droits de la femme. Après la conclusion des travaux des groupes de réflexion, le groupe a commencé à compiler les réponses, analyser les résultats et dresser une liste des revendications les plus pressantes citées par les femmes interrogées.

Durant cette période, les deux

chambres du Parlement Égyptien ont approuvé la formation d’une Commission Constitutionnelle chargée de formuler la constitution. La Commission se

15 Carmel Delshad, “Indésirables: Les ONG après la révolution égyptienne”, World Policy Institute, 1 novembre 2011, http://www.worldpolicy.org/blog/2011/11/01/unwanted-ngos-post-revolution-egypt

16 Sarah Robbins, “Esraa Abdel Fattah, la fille Facebook qui a changé le monde” Glamour, 31 Octobre 2011, http://www.glamour.com/inspired/women-of-the-year/2011/esraa-abdel-fattah

Le groupe des Défenseurs Politiques égyptien a été le seul groupe à compter autant d’homme que de femmes. Le groupe a constaté qu’un des succès majeurs de la campagne a été de sensibiliser les hommes sur cette question.

Votre Voix pour l’Égypte

14

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

composait à égalité de parlementaires et de représentants de la société civile. Cette décision a été âprement débattue en Égypte et beaucoup l’ont jugé inconstitutionnelle parce qu’elle violait l’article 60 de la déclaration constitutionnelle qui stipule que toute personne travaillant sur la nouvelle constitution doit être élue par le parlement sans pour autant en faire partie.17 Cette décision portait également atteinte au principe de l’égalité entre les citoyens vu que les femmes n’étaient pas équitablement représentées dans la Commission. Sachant que la représentation féminine était à un très bas niveau dans les deux chambres du Parlement, l’exigence d’inclure des membres du parlement n’a pas réussi à garantir la juste représentation des femmes dans la Commission. A la lumière de cette exclusion, beaucoup ont décidé de boycotter les décisions de la Commission Constitutionnelle parmi eux les libéraux, les coptes, et plusieurs groupes sociaux.

En dépit de toute cette incertitude, le groupe a continué à former des groupes de réflexion dans l’ensemble du pays et a compilé les meilleurs résultats dans une plateforme sexospécifique. Son objectif principal était de présenter les conclusions de ses recherches à la Commission Constitutionnelle. Les deux organisations menant la campagne ont tenu plusieurs réunions pour étudier l’utilité d’une éventuelle coopération avec la Commission avant de décider de se joindre au boycott et de trouver d’autres voies de recours pour exposer les demandes et sensibiliser le public.

Pour mieux médiatiser la plateforme sexospécifique, le groupe a décidé d’organiser un événement pour le lancement de la campagne le 30 mai 2012 ciblant principalement les jeunes sachant qu’ils sont les plus à même d’influencer la Commission Constitutionnelle. Le groupe a invité une chanteuse folklorique historique très intéressée par les causes de la femme ayant déjà entamé une tournée dans l’ensemble du pays à la recherche d’anciennes chansons folkloriques sur la femme pour les ajouter à son répertoire.

Le groupe a invité l’ONG et centre de développement ACT et l’initiative civique “Écrivons notre Constitution” lancée par des jeunes indépendants à présenter leurs études et leurs expériences en matière de réformes constitutionnelles devant un public enthousiaste venu en grand nombre. La campagne des défenseurs politiques connue actuellement sous le nom “Votre Voix pour l’Égypte” a également fait part de ses recherches.

A la mi-juin, la Cour Suprême Constitutionnelle a dissout la première Commission Constitutionnelle et a considéré tous ses travaux nuls et non convenus.18 Une nouvelle Commission Constitutionnelle a été formée fin juin. Une fois les noms des membres de la Commission dévoilés, le groupe a contacté les membres avec qui il avait déjà coopéré et a soumis la plateforme des demandes à d’autres membres. Le groupe a tenu une réunion avec l’un des membres de la Commission, le coordinateur du mouvement du 6 avril et membre de la sous-commission chargé des propositions et a rencontré l’un des membres des Frères Musulmans et du parti de la Liberté et de la Justice, qui a invité le groupe à présenter la plateforme sexospécifique devant la Commission en plénière le 17 juillet 2012.

Vu que les organisations de la société civile ne peuvent solliciter la soumission de leurs propositions à la Commission Constitutionnelle mais doivent être conviées à le faire, le groupe des défenseurs politiques a considéré cette invitation comme une vraie aubaine. Une des membres du groupe a présenté la liste des 14 revendications et a demandé à la Commission de commenter les présentations. Elle a également proposé que les présentations soient groupées par thème, ce qui a été bien accueilli par la Commission. Dans ces 14 revendications le groupe exigeait que la Constitution stipule l’égalité entre les sexes, le droit de la femme à occuper tous les postes y compris les postes gouvernementaux, le droit des filles et des femmes dans les zones rurales aux

17 Déclaration Constitutionnelle 2011 de la République Arabe d’Égypte, Portail du Gouvernement Égyptien, 2011 http://www.egypt.gov.eg/arabic/laws/constitution/default.aspx

18 David Kirkpatrick, “ Coup dur à la transition: la Cour dissout le Parlement Égyptien” The New York Times, 14 juin 2012 http://www.nytimes.com/2012/06/15/world/middleeast/new-political-showdown-in-egypt-as-court-invalidates-parliament.html?pagewanted=all&_moc.semityn.www

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

15

soins de santé, un quota féminin de 40% au Parlement et Conseil d’État et qu’elle criminalise les actes de violence contre la femme et en condamne les responsables, permette l’accès équitable aux opportunités, protège la femme du licenciement en raison de la maternité ou du mariage, accorde à la femme le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants, assure aux hommes et aux femmes la liberté de choisir leur moyen de transport et leur lieu de résidence, consacre un budget pour soutenir les femmes, mette en vigueur l’article 11 de la Constitution de 1971, mette en œuvre tous les articles de la Convention sur l’Élimination de toutes Formes de Discrimination à l’égard de la Femme (CEDAW), exige que les noms des femmes soient soulignés sur les listes électorales pour garantir leurs places dans les conseils locaux et oblige chaque parti à inclure un certain pourcentage de femmes dans sa liste.

Parallèlement à ses efforts de lobbying et à ses présentations devant la Commission Constitutionnelle, le groupe

a lancé une campagne médiatique. Un communiqué a été distribué aux agences de presse et cinq articles ont été publiés dans les jours qui ont suivi les audiences devant la Commission. Le groupe espère qu’une nouvelle vague de couverture médiatique accompagnera cette nouvelle phase de campagne. Une page Facebook a également été créée pour permettre aux visiteurs de télécharger les documents de la campagne et les utiliser à des fins de lobbying. Le groupe a commencé à partir de septembre 2012 à développer une page web spécialement dédiée à la campagne.

Le groupe a préparé un communiqué décrivant la plateforme sexospécifique et l’a distribué aux autres ONG à vocation similaire. Le groupe a collecté jusqu’à présent les signatures de huit ONG approuvant la plateforme et a commencé à travailler avec le Centre Égyptien des Droits de la Femme sur un projet ayant trait aux droits constitutionnels des femmes. Le Centre a récemment mené une étude constitutionnelle comparatiste sur le

Les Femmes égyptiennes remplissent un questionnaire décrivant leurs besoins les plus pressants.

16

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

statut des femmes et a invité le groupe à présenter ses conclusions en vue d’exposer ensemble les résultats d’une étude menée sur le terrain englobant l’ensemble des femmes égyptiennes.

En vue de maintenir l’élan de la campagne, le groupe a décidé de recourir à la publicité télévisée qui passerait à l’antenne le long d’une semaine. Il a tenu dans ce cadre plusieurs réunions avec une chaine télévisée très populaire (OTV) et

espère pouvoir diffuser la publicité lors de la publication du projet de la constitution, de la plateforme sexospécifique et des commentaires sur la constitution afin que le public soit en mesure d’évaluer les actions et les positions de la Commission nationale en ce qui concerne les droits de la femme. Une fois la publicité diffusée, le groupe mettra la vidéo sur Youtube et sur d’autres plateformes en ligne afin d’assurer la continuité du Lobbying.

Leçons tirées: Soyez flexible! Lorsque les circonstances empêchent la campagne de se dérouler comme prévu, essayez d’autres voies, connections et stratégies pour garantir son efficacité.

3000 Km

3000 Mi.Scale at the Equator.

La Jordanie

18

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

L’article 72 stipule “l’employeur embauchant au moins vingt femmes doit mettre en place un endroit approprié pour les enfants de ses employées âgés de moins de 4 ans sous la supervision d’une nourrice qualifiée à condition que leur nombre soit de dix au minimum.”19 Cependant, plusieurs compagnies et organisations font fi de cette loi ce qui empêche la femme active de concilier travail et domicile surtout qu’en Jordanie les femmes sont principalement celles qui prennent des congés non payés ou des vacances pour s’occuper de leurs enfants à la maison.

En établissant l’image de marque

de la campagne, le groupe cherchait un nom significatif qui serait reconnu dans l’ensemble du pays et a décidé d’opter pour SADAQA, “amitié” en arabe. Ce label ainsi que le slogan “Vers un milieu de travail plus convivial pour les femmes” permettait au groupe d’élargir l’horizon de la campagne et de plaider pour des questions connexes à l’avenir. En partenariat avec le Centre Al Hayat pour le Développement de la Société Civile, la campagne avait pour but de plaider pour le respect de l’article 72 du Code du travail.

SADAQA a entamé une phase de

recherche qualitative pour évaluer le niveau de sensibilisation des femmes actives vis-à-vis de l’article 72 et des défis entravant le respect de la loi. Deux groupes de réflexion se sont réunis entre juin et juillet 2011

avec 15 employées environ participant à chacune des sessions. Le premier groupe s’est concentré sur les mères qui travaillent dans un espace assurant une garderie tandis que le second s’est penché sur les mères travaillant dans des espaces ne disposant pas de garderie. Pour recruter des participants, le groupe a contacté les départements des Ressources Humaines les appelant à designer des employées parmi leurs personnels pour participer aux groupes de réflexion et à lui permettre d’accéder à leurs réseaux de contacts. L’objectif des deux groupes de réflexion était de déterminer les avantages et les inconvénients des garderies sur les lieux de travail ainsi que leurs effets potentiels sur la productivité, les choix de carrière et la promotion professionnelle. Il est à noter que la plupart des mères actives n’étaient pas au courant de l’existence de l’article 72 du Code du Travail.

La recherche du groupe a conclu que le respect de l’article 72 était avantageux pour les mères actives comme pour les employeurs puisqu’il permettrait la réduction des pressions sociales et psychologiques que ressent la mère lorsqu’elle confie ses enfants à des parents. Le respect de la loi permet également à la femme d’augmenter son revenu puisqu’elle ne sera plus obligée de prendre des congés non payés ou des vacances pour s’occuper de ses enfants à la maison. Dans le même temps, les garderies sur les lieux de travail permettent aux femmes d’économiser dans

La JordanieLe groupe des défenseurs de la Jordanie a passé plusieurs semaines à

Amman avant la tenue de l’atelier de plaidoyer de Vital Voices en Février 2011 pour discuter des idées potentielles de campagne. Au départ, le groupe était l’un des plus grands comptant sept membres et par conséquent plusieurs idées et opinions étaient à l’étude. Vu que les mères qui travaillent, majoritaires dans le groupe, avaient une histoire personnelle à transmettre à travers la campagne, elles ont décidé de plaider pour la mise en œuvre de l’article 72 du Code du Travail jordanien dans les grandes entreprises et organisations en Jordanie.

19 Jordanie, Code du Travail, Article 72, http://www.mol.gov.jo/Portals/1/labor%20law%20english.pdf

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

19

les frais de transport et de passer moins de temps en dehors du bureau et sur les routes. Pour l’employeur, cela signifie conserver des employés de qualité, augmenter la productivité, diminuer l’absentéisme et la rotation et augmenter au long terme les épargnes de l’organisation.

Le groupe a constaté que de grandes entreprises comme Orange Telecom, Aramex et la Caisse de Sécurité Sociale ne disposaient pas de garderies bien qu’elles comptent parmi ses employées un grand nombre de femmes. Le groupe a effectué une série d’interviews avec les décideurs de ces entreprises et bien d’autres pour mieux comprendre les différents points de vue concernant les garderies sur les lieux de travail. A travers ces interviews, le groupe a relevé quelques obstacles empêchant l’établissement des garderies y compris: la peur de la responsabilité, l’obligation d’assurer aux enfants un environnement sain ainsi que d’autres entraves financières et administratives auxquelles font face les entreprises. Ces défis ainsi que les directives strictes imposées par le Ministère du Développement Social régissant la mise en place de garderies en Jordanie poussent souvent les entreprises à ne pas respecter la loi.

La conclusion la plus importante tirée par le groupe portait sur le conflit entre le Ministère du Travail, responsable de l’application de la loi, et le Ministère du Développement Social, responsable de l’octroi des licences de garderie et l’établissement des directives de mise en

place. Sachant que la loi exige d’assurer “ un endroit convenable” et non pas une “garderie”, il est difficile aux entreprises de comprendre ce qu’est exactement entendu par “un endroit convenable” surtout à la lumière des directives strictes imposée par le Ministère du Développement Social en matière d’établissement d’une garderie en Jordanie.

A la lumière de ces conclusions, le groupe jordanien a estimé qu’il serait bon dans le cadre de la stratégie de campagne de faire pression sur le gouvernement, notamment le Ministère du Travail, et les entreprises privées surtout celles ne respectant pas l’article 72 et de collaborer avec les médias pour sensibiliser et faire pression sur les décideurs. Pour plus d’efficacité, le groupe a opté pour une approche se basant sur le dialogue public-privé, s’assurant que les principaux participants du secteur privé, du gouvernement et de la société civile étaient pleinement engagés dans la campagne. Femmes actives, chefs d’entreprises, Ministère du Développement Social, décideurs, ministres, secrétaires généraux, responsables des ressources humaines et dirigeants des entreprises étaient tous ciblés par cette campagne. Les ONG locales et internationales à vocation similaire, y compris la Commission Nationale Jordanienne pour la Femme, Save the Children et le Conseil National des Affaires Familiales (CNAF) ont été sollicitées à former une coalition et à assurer un potentiel soutien financier. Le groupe a tenté d’inculquer une perspective

SADAQA: Pour un environnement de travail favorable aux femmes.

20

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

fondée sur les droits des employées pour que cette question soit perçue comme étant un droit et non un avantage facultatif octroyé par l’employeur. Au cours de l’été 2011, le groupe jordanien a lancé une page Facebook20 et a commencé à coopérer avec les médias locaux: télévision, presse et radio en vue de discuter de la campane SADAQA.

Le groupe a de prime abord contacté la “Division du Travail des Femmes” du Ministère du Travail pour lui présenter la campagne et discuter des modalités d’activation de l’article 72. Les responsables du Ministère ont été intéressés par la campagne et très réceptifs aux idées du groupe. Le groupe a constaté que le Ministère du Travail, l’entité responsable de l’application des lois, hésite à le faire de peur que cela ne mine les opportunités de travail des femmes et par crainte que les employeurs n’arrêtent de recruter les femmes mariées ou enceintes ou de recruter des femmes en général. Le défi à relever était de trouver moyen de renforcer les capacités du Ministère à faire prévaloir la loi tout en s’assurant que le respect de celle-ci ne se solde pas par une réaction violente contre les femmes et par la restriction de leurs opportunités d’emploi.

Le Ministère du Travail a invité le groupe à participer au Projet National

des Garderies d’Enfants dirigé par un comité de représentants du CNAF, du Ministère du Travail, du Ministère du Développement Social, de la Commission Nationale Jordanienne pour la Femme, de la Caisse de la Sécurité Sociale, de “Save the Children” et de SADAQA. Le Projet a pour but de mettre en place des garderies à prix abordables et de qualité dans des zones stratégique de la Jordanie pour alléger le fardeau qui pèse sur les femmes actives. Le coût du projet s’élève à cinq millions de Dinars Jordaniens assurés par des donations. L’Agence Allemande de Développement GIZ offre son soutien au Projet dans le but de créer un plan stratégique exhaustif permettant de bien fixer les objectifs. Cependant, le but du Projet National des Garderies d’Enfants n’est pas d’activer la mise en œuvre de l’article 72 du Code du Travail. SADAQA joue un rôle essentiel au sein du comité à travers le lobbying, les efforts de plaidoyer et le recours aux médias pour galvaniser l’attention sur cette question.

Le groupe a par la suite visité la garderie de ZAIN Telecom, une des rares entreprises du secteur privé à disposer d’une garderie. Il s’agit d’un environnement sûr, sain et stimulateur pour les enfants où médecin et infirmières sont toujours présents et où une formation continue est

20 “Initiative SADAQA: Vers un milieu de travail plus convivial pour les femmes” Facebook, dernière consultation en date du 18 septembre 2012 https://www.facebook.com/sadaqajo.

Le groupe et le Secrétaire General du Ministre du Travail organisent une marche de sensibilisation dans les rues d’Amman.

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

21

En février 2012, le groupe a été conviée à nommer une représentante officielle d’une ONG à participer à la 51ème session de la Convention sur l’Élimination de toutes Formes de Discrimination à l’égard de la Femme (CEDAW) aux Nations-Unies à Genève. Elle a rédigé et soumis, en coopération avec d’autres déléguées, le deuxième rapport alternatif de la Jordanie au comité de la CEDAW. Le rapport a mis l’accent sur la question des garderies en Jordanie et la participation économique des femmes.21 Lors des réunions et des présentations devant le comité de la CEDAW ainsi que les réunions informelles, elle saisit l’opportunité pour évoquer la campagne SADAQA et les efforts déployés par le groupe pour activer la mise en œuvre de l’article 72 en Jordanie. Le comité de la CEDAW a par conséquent demandé au gouvernement jordanien des clarifications quant à la mise en œuvre de cet article dans sa liste de question sans pour autant recevoir des réponses de la part de la délégation gouvernementale.22

dispensée au personnel et éducatrices. Répondant à des normes exceptionnelles, cette garderie constitue un modèle qui pourrait être reproduit dans d’autres sociétés pour aider les mères actives à concilier travail et famille et à acquérir des postes de leadership. La garderie de ZAIN est dirigée par l’une des meilleures éducatrices de la Jordanie qui a fait partie intégrante de la campagne SADAQA et a voulu porter l’exemple de son entreprise à l’opinion public pour encourager d’autres à mettre en œuvre l’article 72.

Le groupe a rencontré les pères, les mères, les éducatrices et le personnel de la garderie pour repérer les bienfaits qu’a la garderie sur l’entreprise et les employées. Les réactions de ces derniers étaient tout à fait conformes aux résultats de la recherche du groupe de réflexion. Le groupe a effectué des interviews et des reportages qui serviront d’outils de plaidoyer et de sensibilisation durant la campagne. Pendant ce temps, le groupe a maintenu ses contacts avec les entreprises déjà contactées dans le cadre des groupes de réflexion. Plusieurs entreprises telles la Banque Arabe, la Banque Jordanienne de Développement et l’École Internationale d’Amman ont exprimé tout leur intérêt à mettre en place des garderies sur leurs sites respectifs et ceci à la lumière de la campagne SADAQA et des efforts de plaidoyer déployés par leur employées.

Grâce au plaidoyer réussi de la campagne SADAQA auprès du Ministère du Travail, ce dernier a décidé de coopérer sur plusieurs activités donnant à cette question une dimension nationale. La première activité fut l’atelier de sensibilisation qui s’est principalement adressé aux femmes actives, aux décideurs, aux employeurs, aux responsables des RH des grandes entreprises et aux médias, en vue d’assurer la sensibilisation, faire la lumière sur les activités de SADAQA et mobiliser les femmes et les décideurs à plaider pour activer l’article 72.

L’atelier a rassemblé quelques 30 personnes le 12 avril 2012 au Ministère du Travail sous le patronage du Secrétaire Général du Ministère. L’atelier s’est concentré sur l’article 72 d’un point de vue juridique et a évoqué les difficultés accompagnant sa mise en œuvre. Les participants ont discuté de l’importance et des bienfaits de l’activation de la loi et des moyens permettant aux femmes de plaider pour aboutir à ces changements au sein de leurs entreprises.

Cet atelier a largement contribué à déclencher des discussions sincères et franches entre le Ministère du Développement Social et le Ministère du Travail convaincant les deux entités de la nécessité d’élaborer des directives mieux adaptées au secteur des entreprises pour harmoniser lois et directives d’octroi

21 Rana Husseini, “Les militantes accusent le gouvernement de négliger leur cause”, The Jordan Times, 11 juin 2012, http://www.civilsociety-jo.net/en/index.php/newsblog/36-headlines/1058-women-activists-accuse-govt-of-neglecting-their-cause-; Jordanian CEDAW Coalition, “Jordan Shadow NGO Report,” CEDAW Committee, 2012, http://www2.ohchr.org/english/bodies/cedaw/docs/ngos/JordanianCoalitionforthesession.pdf

22 Randa Naffa, Entrevue téléphonique réalisée par Christie Edwards, 25 aout 2012.

22

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

des licences. Suite à l’atelier, les deux Ministères ont formé un nouveau comité invitant des représentants du Ministère de la Santé, du Centre National des Droits de l’Homme et du CNAF à travailler main dans la main pour mettre en place des directives et des définitions cohérentes. L’atelier, largement couvert par les médias traditionnels et sociaux, fut également une occasion pour mettre en exergue la campagne SADAQA.

La deuxième activité phare, la marche de sensibilisation parfaitement réussie, a été organisée conjointement avec le Ministère du Travail. Le 19 mai 2012, 300 personnes environ ont participé à cette marche qui s’est étendue le long de Jabal Weibdeh, l’un des plus anciens et plus beaux quartiers d’Amman, regroupant familles, femmes actives, enfants et jeunes venus de toutes les provinces avoisinantes telles Irbid, Maan, Tafileh, et Madaba. Des ONG de premier plan notamment la Commission Nationale Jordanienne pour la Femme, l’Organisation Arabe des Droits de l’Homme et l’Organisation Internationale du Travail y ont pris part. L’Initiative Jeunesse Al Hayat a préparé des banderoles, des affiches et des ballons portant des slogans sur l’article 72. Une cérémonie a été organisée à la fin de la marche avec au programme un groupe musical, une pièce de théâtre montrant l’impact de l’article 72 et une chanson rap

soulignant l’importance du travail de la femme pour la famille et la société.

Au moment où la plupart des jordaniens étaient habitués aux manifestations dans les rues contre le gouvernement lors du printemps arabe, la marche de sensibilisation a été marquée par la participation, pour la première fois, d’une entité gouvernementale à un rassemblement populaire pour soutenir une cause –une cause touchant les femmes plus particulièrement. La participation et le soutien du Secrétaire Général du Ministère du Travail a poussé les médias à répondre présents avant et durant la marche. La couverture médiatique a été assurée par la chaine de télévision nationale,23 la chaine Ro’ya, la chaine de télévision sur le web Aramram, les radios Albalad et Farah el Nas ainsi que la presse écrite locale.24 Le groupe a lancé l’événement à travers les réseaux sociaux (pages Facebook25 et Twitter26), a publié en coopération avec le Ministère du Travail une brochure et a envoyé des invitations officielles aux organisations et entreprises. Le Ministère du Travail a était tellement ravi du succès qu’a connu la marche qu’il a organisé une deuxième une semaine plus tard autour des lois sur le travail des enfants.

L’impact positif de la campagne s’est tout de suite fait ressentir après la marche. Les employées du secteur bancaire ont

23 “Couverture de la télévision jordanienne de la marche de sensibilisation organisée par SADAQA- 18.5.12” vidéoclip, Youtube, dernière consultation en date du 18 septembre 2012, http://www.youtube.com/watch?v=DMrHqtnWBh0&feature=plcp

24 “La télévision jordanienne reçoit des membres de la campagne SADAQA” vidéoclip, Youtube, dernière consultation en date du 18 septembre 2012, http://www.youtube.com/watch?v=Kybe6qByWO4, “Campagne SADAQA: vers un milieu de travail plus convivial pour les femmes” Syndicat Général des Banques, Employés d’assurance et d’audit en Jordanie, 15 mai 2012, ,http://gtubia.org.jo/home/Detailed/202, “Marche en faveur des mères actives revendiquant des garderies pour leurs enfants sur le lieu de travail conformément à la loi”, JordanZad, 19 mai 2012 http://jordanzad.com/index.php?page=article&id=82858

25 Initiative SADAQA, Facebook, dernière consultation en date du 27 septembre 2012, https://www.facebook.com/sadaqajo

26 @sadaqajo, Twitter, dernière consultation en date du 27 septembre 2012, https://twitter.com/sadaqajo

Une des principales causes du succès de la campagne SADAQA fut le soutien et la participation des hommes à la campagne. Les pères déposant leurs enfants à la garderie de ZAIN ont affirmé que la garderie contribuait pleinement à assurer un milieu de travail convenable. Les employés de la gente masculine du Ministère du Travail étaient extrêmement favorables à la mise en œuvre de l’article 72 et aux efforts déployés par la campagne en ce sens. Nombreux sont ceux qui ont participé à la marche de sensibilisation pour afficher leur soutien à leurs épouses, mères et sœurs y compris le Secrétaire Général du Ministère du Travail qui a apporté tout son soutien à la campagne et a participé à la marche avec sa femme et ses enfants!

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

23

en effet commencé à déployer des efforts de plaidoyer interne pour promouvoir la mise en œuvre de l’article 72 et ont sollicité l’aide de la campagne SADAQA pour faire parvenir leurs revendications aux entités concernées. La Fondation Internationale pour la Jeunesse s’est entretenue avec le groupe et le Ministère du Travail pour discuter d’une possible coopération au niveau de l’activation de la loi.

Le groupe a couronné ses activités par une cérémonie de clôture tenue le 30 mai 2012 à laquelle ont participé plus de 60 représentants d’organisations locales et internationales parmi lesquelles l’Initiative de Partenariat pour le Moyen Orient (MEPI) ainsi que des représentants des entreprises privées, des militants locaux, des représentants de la Caisse de la Sécurité Sociale, de l’Organisation de la Femme Arabe et de l’Association des Femmes d’Affaires et Femmes Professionnelles d’Amman. Lors de la cérémonie tenue sous le patronage du Secrétaire General du Ministère du Travail, un court-métrage27

a été diffusé résumant les activités de la campagne SADAQA et soulignant l’importance de l’activation de l’article 72.

Suite à la campagne, la Banque Arabe a entamé les préparatifs juridiques nécessaires à la mise en place d’une garderie dédiée aux employés. Les employées de la gente féminine de la Banque Jordanienne de l’Investissement et des écoles internationales ont commencé à plaider pour la mise en place de garderies au sein de leurs propres entreprises et sont en passe de soumettre des recommandations à ce sujet.

Enfin, les membres du groupe ont enregistré SADAQA comme étant une organisation à but non lucratif pour poursuivre le travail déjà entamé lors de la campagne surtout après l’arrêt du financement de Vital Voices et de MEPI. Au moment où SADAQA entame une nouvelle phase de campagne, le Ministère du Travail a proposé de collaborer avec le groupe dans le cadre des activités de campagne à venir s’agissant par exemple de la promotion de l’égalité de rémunération entre les deux sexes et la mise en place de salles d’allaitement. De plus, Ro’ya, une chaine de télévision indépendante, a proposé de produire des émissions traitant les différentes questions de plaidoyer et la campagne SADAQA.

Leçons tirées: Profitez du soutien et de la participation des hommes à la campagne pour les emmenez à adhérer à certaines causes féminines!

27 “Campagne SADAQA: Pour marquer une année de réalisations” Vidéoclip, Youtube, dernière consultation en date du 18 septembre 2012, http://www.youtube.com/watch?v=qAgdiZldLBg&feature=youtu.be

3000 Km

3000 Mi.Scale at the Equator.

Liban

26

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

Cependant, peu après le lancement des recherches de campagne, le gouvernement Libanais a amendé la loi fiscale mettant un terme à toute discrimination à l’encontre des femmes. Le groupe a donc décidé de repenser sa stratégie pour mener une campagne efficace.

Le groupe a tenu plusieurs réunions avec des responsables gouvernementaux, des ONG, des avocats et des militants pour établir des liens avec les différentes parties prenantes et savoir plus sur les lois concernant les droits de la femme au Liban. Afin d’identifier les autres lois nécessitant une action de plaidoyer, le groupe a discuté avec des juges et des responsables gouvernementaux éminents parmi lesquels l’ancien directeur général de l’Administration de la Sécurité Sociale qui était l’instigateur de la rédaction de la plupart des lois sur la sécurité sociale.

Après avoir reçu des informations contradictoires des responsables gouvernementaux concernant la présence de lois discriminatoires à l’encontre des femmes dans le système juridique libanais, le groupe s’est réuni avec le Rassemblement Démocratique des Femmes Libanaises, une ONG de premier plan qui a publié il y a quelques années un rapport sur la discrimination entre les sexes dans la loi libanaise. Bien que l’organisation ait changé son centre d’intérêt ces dernières années, ses représentants ont

confirmé que la discrimination entre les sexes faisait toujours rage au Liban et ont proposé au groupe de rencontrer un avocat qui occupe le poste de directeur de la Commission Nationale de la Femmes Libanaise (CNFL).

La CNFL a été formée par le gouvernement Libanais en tant qu’entité officielle chargée de veiller sur l’application des résolutions adoptées lors de la Conférence de Pékin en 1995. La commission dirigée par la première dame et un conseil d’administration regroupant des personnalités politiques et sociales éminentes, est le mécanisme national officiel chargé d’assurer la promotion des femmes et l’égalité entre les sexes au Liban, travaillant surtout sur les questions touchant les femmes sur le marché du travail.

Fort de cette percée, le groupe des défenseurs a organisé une rencontre avec la CNFL et un collègue du Collectif pour la recherche et la formation sur l’action pour le développement (CDTR-A) en septembre 2011. Lors de cette rencontre, la CNFL a affirmé qu’elle avait mené une campagne intitulée “Wein Baadna” (Le chemin reste long) où elle a repéré, reformulé et soumis des propositions d’amendement à 15 lois discriminatoires (bien que deux d’entres elles ont été promulguées en été 2011) dans le domaine de la fiscalité, du travail, de la sécurité sociale et de l’héritage. Bien que la CNFL ait réalisé un grand progrès au

LibanBien avant l’atelier de plaidoyer organisé par Vital Voices à Amman,

le groupe des défenseurs libanais étudiait plusieurs projets de campagne portant sur des questions affectant la population féminine libanaise. En collaboration avec son partenaire local, l’ONG La Ligue Libanaise pour les Femmes d’Affaires (LLWB), les participants ont décidé, en raison de la composition confessionnelle et politique du groupe comme celle du pays, de concentrer leurs efforts pour plaider en faveur d’amendements à une loi de la sécurité sociale et à une loi fiscale renfermant des dispositions discriminatoires à l’encontre des femmes.

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

27

niveau juridique, le groupe des défenseurs (formé d’hommes d’affaires de premier plan) n’avait jamais pris connaissance de ces lois ou campagne en faveur des changements proposés. La CNFL a affirmé qu’elle n’avait ni le temps ni la capacité de faire du lobbying pour aboutir aux amendements juridiques. Par conséquent, la CNFL a demandé au groupe de l’aider à plaider pour l’adoption des 13 projets de loi auprès des membres du parlement et des directeurs des agences gouvernementales compétentes. La Commission a également sollicité l’aide du groupe pour sensibiliser le grand public et gagner le soutien de la communauté des ONG.

Le groupe a tenu plusieurs réunions avec la CNFL pour avoir une idée claire des 13 projets de loi, du travail effectué par le passé et de la situation juridique et politique actuelle comme pour créer un plan d’action pour 2011 et 2012 et discuter des modalités éventuelles de contribution. En février 2012, le groupe et la LLWB ont signé un mémorandum d’entente avec la CNFL et ont entamé la mise en œuvre d’un plan d’action à trois volets: 1) mener une campagne de sensibilisation en ligne, 2) mener une campagne de lobbying et 3) gagner le soutien de la société civile. Le partenariat entre le groupe des défenseurs

et la CNFL a donné au travail de celle-ci une bouffée d’oxygène pour pouvoir lancer la campagne de sensibilisation ouvrant la voie à toutes les parties voulant s’associer à ce travail de groupe.

Les priorités du groupe étaient de choisir au plus vite un avocat et lui assurer une formation par la CNFL en matière de lobbying pour qu’il puisse durant la campagne mener les efforts de lobbying ayant trait aux 13 lois en question.28 Après avoir interviewé trois avocats, le groupe a porté son choix sur une femme qui avait auparavant travaillé avec la CNFL et avait déjà une expérience dans le domaine parlementaire. La CNFL lui a prodigué les conseils nécessaires pour qu’elle puisse faire pression sur les parlementaires compétents, les responsables gouvernementaux, les ministères et les dirigeants des principaux partis qui seront aptes à changer la donne.

Le groupe a également élaboré une stratégie médiatique en ligne pour sensibiliser la population aux efforts de lobbying. Les éléments de la stratégie comptaient une page de sensibilisation incluse dans le site web de la LLWB en anglais et en arabe,29 une campagne sur les réseaux sociaux30 et une campagne de marketing électronique. La page web incorporée dans le site de la LLWB comprend une introduction sur la campagne de sensibilisation, des détails sur le programme de la CNFL, des explications sur l’état actuel des lois et les réformes souhaitées ainsi que les logos des principales parties prenantes. Le groupe a parallèlement établit des contacts avec des chaines de télévision, radios et magazines espérant que les prochaines phases de la campagne soient couvertes par les médias traditionnels.

En mars, le groupe a rencontré plusieurs ONG telles AMIDEAST, Endeavour, Femmes et Technologies et le Rassemblement Démocratique des Femmes Libanaises qui ont apporté leur

28 La liste exhaustive des lois discriminatoires faisant l’objet d’un lobbying de la part du groupe des défenseurs libanais peut être consultée sur: http://publisherslounge.com/llwb/advocacy.php.

29 La Ligue Libanaise pour les Femmes d’Affaires, dernière consultation en date du 27 septembre 2012, http://www.llwb.org/30 “Campagne des défenseurs politiques libanais” Facebook, dernière consultation en date du 18 septembre 2012

https://www.facebook.com/AdvocacyLebanon

Wein Baadna: Le chemin reste long

28

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

soutien à la campagne en transmettant les informations à leurs membres et supporters et en exerçant de la pression sur les parlementaires. Le groupe s’est réuni avec “Bank of Beirut” en mai et juin dans le but d’instituer un partenariat et lever des fonds supplémentaires pour la campagne. Le groupe a également sollicité un rendez-vous avec la première dame pour obtenir son soutien à la campagne.

Durant le printemps 2012, l’escalade du conflit civil en Syrie a masqué tous les efforts déployés par le groupe. Des confrontations sanglantes entre Sunnites et Alawites ont gagné du terrain à Tripoli à partir de février 2012.31 Les mois de juillet et août ont été marqués par une série d’enlèvements prenant pour cible les sunnites au Liban en représailles aux enlèvements des chiites en Syrie ce qui a exacerbé les tensions confessionnelles au Liban.32 A partir d’août 2012, plus de 35,000 réfugiés syriens ont fui au Liban où ils ont reçu la protection et l’aide du gouvernement Libanais, de l’ONU et des ONG.33 Au Liban, où certains politiciens considèrent que les besoins basiques comme l’électricité et la sécurité devraient prendre le dessus, ils ont hésité à investir du temps à étudier les lois discriminatoires en matière du genre durant cette période de crise.

A Beyrouth, la proximité des confrontations, l’afflux des réfugiés et les coupures d’électricité et d’internet ont attisé le sentiment de précarité et d’insécurité. Les libanais ont observé de très près le développement de la situation politique et ses répercussions sur la stabilité du pays. Pendant ce temps, le groupe restait déterminer à poursuivre la campagne tant que les commissions parlementaires compétentes maintenaient leurs réunions.

Malgré ces difficultés et l’environnement politique instable qui prévaut dans le

pays, le groupe a su maintenir le soutien du public à la campagne. Contrairement à la coutume libanaise qui veut que la plupart des pages Facebook dédiées aux causes n’attirent pas plus d’une centaine d’internautes des mois durant, le groupe des défenseurs politiques a réussi à faire de sa page Facebook une réussite attirant quelques 3,000 personnes en six semaines environ.34 Le groupe a continué son activité au sein de la société civile espérant être secondé dans ses efforts et sceller des partenariats avec 35 autres ONG d’ici fin 2012 ce qui lui permettrait de parvenir à plus de 6,000 individus sur le marché du travail. Les mises à jour de la campagne sont envoyées par courriel dans le but de créer un réseau de soutien qui s’étend sur l’ensemble du pays.

En mai, la CNFL est entrée en contact avec le groupe pour travailler sur une autre loi concernant les femmes et la nationalité. Selon la loi en vigueur, une mère libanaise ne peut transmettre la nationalité à ses enfants si le père est de nationalité étrangère. Cette loi ayant des implications sociales et politiques affectant la répartition confessionnelle de la population, la CNFL a commencé à faire pression sur les parties politiques compétentes et à discuter des réformes qui pourraient été apportées à cette loi.35

Dans le même temps, le groupe compte poursuivre sa campagne à l’avenir proche surtout que le financement initial a contribué à jeter des bases solides. La campagne en ligne a été un vrai succès prenant de l’ampleur en l’espace de quelques semaines. L’avocate a entamé la campagne de lobbying et coopère avec la CNFL pour savoir plus sur les 13 lois à amender, dont deux sont au stade final. Elle a commencé à identifier les obstacles majeurs à la promulgation de chacune des lois et à repérer les individus s’opposant à l’amendement des lois ainsi que les

31 “Affrontement meurtriers dans la ville libanaise de Tripoli sur fond de crise syrienne”, BBC News, 21 août 2012, http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-19329633

32 Damien Cave, “Au Liban, les Sunnites menacent les Shiites suite à la multiplication des enlèvements en Syrie” The New York Times, 16 août 2012, http://www.nytimes.com/2012/08/17/world/middleeast/Syria.html

33 “Mise à jour interinstitutionnelle”, Haut Commissariat des Nations Unis pour les Refugiés” 27 juillet- 3 août 2012, http://www.unhcr.org/501f7a2b9.html

34 “Campagne des Défenseurs Politiques au Liban”, Facebook35 Les opposants à la loi considèrent qu’elle menacerait l’équilibre religieux du pays, ce qui affectera le processus électoral.

Plusieurs libanais refusent d’accorder la nationalité libanaise aux palestiniens.

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

29

arguments qui circulent dans les coulisses en faveur de la promulgation des lois. Au bout du compte, 10 ONG ont accepté de soutenir la campagne et de tenir leurs membres informés des différentes lois. Le groupe compte contacter d’autres organisations pour les inviter à se rallier à la coalition dans le but de créer un réseau de soutien à la campagne.

Le groupe sollicitera un financement supplémentaire des bailleurs de fonds du secteur privé pour poursuivre les activités de la campagne et élargir son

champ d’action dans le but d’y introduire les questions en relation avec le travail des femmes et le renforcement de leurs capacités économiques. Lors du programme des défenseurs politiques, les membres du groupe libanais ont eu la chance de rencontrer leurs homologues jordaniens qui ont fait part de leurs expériences en matière de mise en place de garderies sur les lieux de travail. Le groupe libanais a considéré la possibilité d’en faire un projet de campagne arguant du succès du model jordanien.

Leçons tirées: Créez un large éventail de soutien à travers les contacts avec les ONG, les parties prenantes du secteur privé et une large vague de sensibilisation à travers les médias traditionnels et les réseaux sociaux.

3000 Km

3000 Mi.Scale at the Equator.

Oman

32

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

Les membres du groupe ont fait connaissance avant l’atelier. Vu que la plupart d’entres elles travaillaient dans le secteur bancaire omanais, elles ont décidé de monter un projet avec leurs employeurs afin de promouvoir les postes de leadership des femmes. Leur projet consistait à former et aider les femmes à gravir les échelons au sein de la banque et à décrocher des postes de management. Le groupe a indiqué que la majorité des femmes étaient recrutées pour des postes de débutantes à la banque faisant face également à d’autres entraves à la promotion comme le manque de formation, le peu de confiance en soi, en comparaison avec les hommes, pour faire la promotion de leurs talents et le refus des supérieurs de considérer les femmes comme candidats potentiels.

De retour à Oman, le groupe, y compris les membres qui n’ont pas pu participer à l’atelier, a présenté une pétition à la banque détaillant le projet et les ressources requises et demandant la permission de travailler à partir de leurs bureaux pour promouvoir la capacité des femmes à accéder à des postes de management. Après avoir soumis la pétition, le groupe attendit patiemment des semaines durant pour ce qu’il croyait être une réponse positive. Mais le refus du projet fut verbal, catégorique et sans explications.

Ayant déployé des efforts colossaux pour réaliser leur projet et déçues du

refus qu’elles avaient encaissées, plusieurs participantes ont décidé d’abandonner le travail de plaidoyer en se retirant tout simplement du programme. Au bout de quelques mois, une seule personne était toujours intéressée par la poursuite du projet. Elle s’est engagée avec le personnel de Vital Voices à mettre en place un programme d’activités potentielles sans pouvoir pour autant réaliser aucun projet. En vue d’aider le groupe local à faire face aux défis, le personnel de Vital Voices a décidé de se rendre sur place pour mieux comprendre les circonstances dans lesquelles se trouvait le groupe.

Vital Voices a rencontré une figure de proue Omanaise, qui se présentait également aux élections de Majlis al-Shura (Conseil d’État) en automne 2011. Cette personne était très enthousiaste et a évoqué de grandes possibilités de coopération avec les responsables gouvernementaux et la mise sur pied du premier groupe de réflexion du pays, Tawasul. Travaillant de près avec le personnel de Vital Voices, elle a aidé à élaborer un nouveau projet, et dans l’espace de quelques heures, un plan préliminaire fut établit.

Le nouveau projet se concentrera sur une coopération avec les responsables gouvernementaux dans le but d’assurer une formation au personnel gouvernemental leur permettant d’être perceptible

OmanLa phase initiale de recrutement des participants fut particulièrement

difficile à Oman avec seulement quelques postulantes lors du processus d’enregistrement. Ainsi fin 2010, Vital Voices a lancé un processus de recrute-ment plus pratique et active tendant la main aux organisations locales, aux entreprises et aux contacts des contacts en vue de repérer des femmes dis-posées et aptes à participer à l’atelier de formation en 2011. Un mois après ce processus de sensibilisation élargi, Vital Voices a sélectionné cinq femmes toutes disposées à prendre part au premier atelier de plaidoyer en Jordanie. Cependant, les annulations de dernière minute ont fait que trois d’entres elles seulement se rendent en Jordanie.

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en Afrique du Nord

33

à la problématique du genre lors de l’élaboration des lois. Avec un projet en main et de nouveaux partenaires potentiels, le personnel de Vital Voices a enchainé les réunions avec les membres de la société civile pour passer au crible la nouvelle proposition de projet et rassembler tous les points de vue possibles sur les défis auxquels font face les organisations locales.

Dans la majorité des pays de la région MONA, les ONG vivent toujours leur période d’adolescence alors que dans le Golf et à Oman en particulier, elles ne font que naitre. Pour comprendre l’inactivité et la difficulté de travailler dans le pays, beaucoup de réunions et séance de débriefing ont été nécessaires en vue de défaire les nœuds que les partenaires potentiels et les participants pouvaient présenter. Plusieurs raisons ont été relevées entre autres la croyance ancrée dans la population qu’il n’existe pas au départ des questions exigeant un plaidoyer et ceci, sur fond de popularité dont jouit le gouvernement.

De retour d’Oman, le personnel de Vital Voices a pris les devants de la scène et a continué à tendre la main aux partenaires potentiels pour poursuivre le projet établi à Muscat. Cependant, peu après le retour aux États-Unis, le groupe à Oman est devenu de moins en moins réceptif. Vital Voices a recruté un conseiller pour travailler sur le terrain. Ce dernier a maintenu la politique de la main tendue vis-à-vis du groupe mais en vain. Il a été clair au bout de quelques semaines que le projet planifié rapidement et avec optimisme était voué à l’échec. Pour aller de l’avant et explorer de nouvelles options pour le projet, Vital Voices a pris l’initiative de chercher de nouveaux partenaires tout en maintenant son engagement et ses consultations auprès d’entités locales tout au long du processus.

Vu les fonds, le temps et les efforts considérables déjà investis, Vital Voices en collaboration avec MEPI a pris la décision de poursuivre les efforts visant à mettre en place un projet à Oman. Cependant, plus le temps passait, plus les obstacles se multipliaient. Des informations ont

émergées concernant une nouvelle procédure qui exige des ONG locales, désirant recevoir un financement étranger, d’obtenir la permission du Ministère des Affaires Étrangères et du Ministère des Affaires Sociales. Selon des sources locales, ces permissions sont difficiles à obtenir et très rarement octroyées.

Malgré toutes ces difficultés, Vital Voices et le conseiller sont partis de l’avant, essayant de trouver un moyen pour faire participer le groupe aux efforts de plaidoyer. Plusieurs participants étaient intéressés à œuvrer pour l’autonomisation économique des femmes. Le conseiller a ainsi commencé à explorer les propositions de projets allant dans ce sens. Lors de la deuxième visite de Vital Voices en octobre 2011, plusieurs participants ainsi que le conseiller ont évoqué la possibilité d’établir un forum en ligne permettant aux femmes de vendre leurs produits. Ce forum servira également de plateforme pour partager les expériences quotidiennes et promouvoir les capacités économiques de la femme. Le groupe a poursuivi ses efforts, avec l’aide du conseiller, pour mettre en place un marché électronique dédié à l’artisanat féminin mais le projet n’a fait que s’éloigner encore plus des activités de plaidoyer.

Essayant de redonner vie au projet de plaidoyer, Vital Voices, en coopération avec le conseiller, a contacté un think tank (laboratoire d’idées) local pour sponsoriser conjointement un événement qui fera office d’un forum de discussion ouverte sur les questions auxquelles fait face la population ou sponsoriser une session de formation basique en matière de plaidoyer. Le think tank s’est accordé plusieurs semaines de réflexion et a fini par rejeter l’opportunité bloquant à nouveau le projet.

Plusieurs autres projets ont été proposé et le projet du marché électronique continuait sa progression bien que sporadiquement. Les participants ont commencé à se lasser et le surplace régna. Vital Voices essaya en coopération avec le conseiller d’aider le groupe en postulant pour une donation locale MEPI tentant également de recueillir le soutien de MEPI – Muscat afin d’établir un budget

34

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

préliminaire et une proposition de projet. Cependant, le groupe s’est abstenu de présenter la proposition et ce, malgré tout le soutien qu’elle avait recueillie.

Compte tenu des différents obstacles au plaidoyer et de l’hésitation de plusieurs membres de la société civile à réaliser le projet, Vital Voices n’a pas pu mettre en place un projet de plaidoyer

à Oman. Les fonds déjà dédiés à Oman ont été redistribués sur d’autres pays de la région dans le cadre du Programme des Défenseurs Politiques. Vital Voices continue à aider le groupe en vue d’établir un marché électronique pour les produits féminins et continuera à apporter son soutien aux femmes de la société civile omanaise.

Leçons tirées: Il est important de bien connaitre l’environnement local et être prêt à changer de stratégie en cas de problèmes ou d’obstacles. La flexibilité est essentielle même si le succès ne se profile pas à l’horizon. L’étape d’apprentissage est une bonne préparation à la mise en place d’un nouveau projet dans un nouvel environnement.

Remerciements

36

Un périple dans la t ransit ion:

5 histoires de femmes – créatrices de changement au Moyen Orient et en

Afrique du Nord

De plus, les organisations et individus suivants ont contribué aux initiatives des groupes de Défenseurs Politiques dans toute la région MONA. Si certains individus et organisations ont été désignés en leurs noms c’est que l’événement ou l’activité auxquels ils ont participé est très connu ou facilement accessible. Nous les remercions pour avoir largement contribué au succès de ce programme.

Maroc:Association pour le Développement et la Promotion de la Femme, Association Amal, Association des Femmes et du Développement, Centre Isis pour les Femmes et le Développement, Association Midelt pour le Développement, Union National des Organisations Féminines, Association Séfrou pour les Femmes, Centre Nord – Sud, Association Culturelle Tawada, Association Locale des Enseignants, Palais des Congrès de Fès, Canal 2 de la télévision nationale marocaine, La chaine espagnole Sur, Ministère Marocain de la Famille et de la Solidarité et Ministère de la Justice.

Égypte:Centre du développement “ACT”, Commission Constitutionnelle égyptienne, Centre Égyptien pour les Droits de la Femme, Parti de la Liberté et de la Justice, Fondation Jenzabar, Écrivons notre Constitution et télévision OTV.

Jordanie:Centre Al Hayat pour le Développement de la Société Civile, la Banque Arabe, l’Organisation Arabe des Droits de l’Homme, la télévision en ligne Aramram, Femmes d’Affaires et Professionnelles – Aman, Comité de la CEDAW lors de la 51ème session aux Nations Unies à Genève, Organisation Internationale du Travail, École Internationale d’Aman, Fondation Internationale des Jeunes, Banque de l’Investissement Jordanienne, Commission Nationale Jordanienne pour les Femmes, Ministère du Travail, Conseil National des Affaires de la Famille, Projet des Garderies Nationales, Radio Albalad, Radio Farah el Nas, Télévision Ro’ya, Save the Children, Caisse de la Sécurité Sociale, Organisation de la Femme Arabe, Fondation Internationale des Jeunes, ZAIN Telecom.

Liban:AMIDEAST, Bank of Bierut, Collectif pour la Recherche et la Formation sur l’Action pour le Développement – Action, Endeavour, la première dame Wafaa Suleiman, Ligue Libanaise des Femmes d’Affaires, Rassemblement Démocratique des Femmes Libanaises, Commission Nationale de la Femme Libanaise, Caisse de la Sécurité Sociale, Femmes et Technologies.

Oman:Tawasul

Comme pour tout projet à long terme, l’on se doit de remercier un grand nombre de personnes pour leurs services:

Nombreux sont ceux qui ont donné de leurs temps, énergie, expertise et passion tout au long de ce programme, ne serait- ce que les responsables des campagnes de plaidoyer dans chaque pays. Ces femmes et hommes ambitieux ont largement influencé leurs communautés et travaillent toujours d’arrache-pied pour réaliser leurs objectifs. Cependant, dans un climat politique toujours instable, Vital Voices a fait le choix de ne pas les nommer. Cela ne diminue en rien l’ampleur de leur contribution mais bien au contraire la rend de plus en plus importante. Le personnel et les partenaires de Vital Voices leur sont et leur resteront toujours très reconnaissants.

Nous tenons également à remercier tous les membres du personnel de Vital Voices qui ont rendu l’organisation de ce programme et de ces études de cas possible. Nos remerciements vont également à MEPI pour son soutien continu.

To learn more about Vital Voices and the women we work with in the Middle East and

North Africa, visit www.vitalvoices.org or contact:

[email protected] (email)

202.861.2625 (main)

202.296.4142 (fax)