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Candide VOLTAIRE Candide Édition avec dossier de Jean Goldzink n° 1290 / 2,80 I. P OURQUOI ÉTUDIER C ANDIDE AU LYCÉE ? UN TEXTE FONDATEUR blouissant d’esprit, étincelant de malice, jubilatoire dans la satire, et chef-d’œuvre de fantaisie et d’imagination : Candide fait depuis longtemps partie des œuvres du siècle des Lumières étudiées dans les classes de lycée, et à juste titre. Mais qui aurait imaginé – Voltaire en premier lieu – que, de toute l’œuvre du philosophe, ce conte resterait à la postérité comme son texte le plus lu chaque année par des milliers d’élèves ? Les lecteurs du XIX e siècle avaient une fré- quentation bien plus assidue des textes historiques et philo- sophiques, ainsi que du théâtre et de la poésie de Voltaire, souvent jugés classicisants et impraticables aujourd’hui. Can- dide est à présent devenu une porte d’entrée irremplaçable au siècle des Lumières et à l’œuvre de son plus éminent ironiste. Cela non sans douleur ? Jean Goldzink avoue, dans la belle présentation qu’il donne à cette œuvre, « l’embarras » qui saisit à la vue d’un tel engouement scolaire l’amoureux du texte : « Plutôt tenter de regarder le chef-d’œuvre comme on ferait d’un être longuement aimé, qu’on voudrait revoir comme au premier matin, bien que sachant impossible la chose » (p. 8). Et c’est pourtant exactement cela qu’il faut à Candide, et ce que propose le préfacier : une lecture qui rafraîchit et éclaire le texte, qui suggère pistes, qui offre documents et réflexions supplémentaires. On aime certes à lire dans Candide l’écho des combats de Voltaire. On y détecte une leçon de tolérance 3 É

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VOLTAIRECandideÉdition avec dossierde Jean Goldzink

n° 1290 / 2,80

I . POURQUOI ÉTUDIERCANDIDE AU LYCÉE ?

UN TEXTE FONDATEUR

blouissant d’esprit, étincelant de malice, jubilatoire dansla satire, et chef-d’œuvre de fantaisie et d’imagination :

Candide fait depuis longtemps partie des œuvres du siècledes Lumières étudiées dans les classes de lycée, et à justetitre. Mais qui aurait imaginé – Voltaire en premier lieu –que, de toute l’œuvre du philosophe, ce conte resterait à lapostérité comme son texte le plus lu chaque année par desmilliers d’élèves ? Les lecteurs du XIXe siècle avaient une fré-quentation bien plus assidue des textes historiques et philo-sophiques, ainsi que du théâtre et de la poésie de Voltaire,souvent jugés classicisants et impraticables aujourd’hui. Can-dide est à présent devenu une porte d’entrée irremplaçable ausiècle des Lumières et à l’œuvre de son plus éminent ironiste.

Cela non sans douleur ? Jean Goldzink avoue, dans la belleprésentation qu’il donne à cette œuvre, « l’embarras » qui saisità la vue d’un tel engouement scolaire l’amoureux du texte :« Plutôt tenter de regarder le chef-d’œuvre comme on feraitd’un être longuement aimé, qu’on voudrait revoir comme aupremier matin, bien que sachant impossible la chose » (p. 8).Et c’est pourtant exactement cela qu’il faut à Candide, et ceque propose le préfacier : une lecture qui rafraîchit et éclaire letexte, qui suggère pistes, qui offre documents et réflexionssupplémentaires. On aime certes à lire dans Candide l’écho descombats de Voltaire. On y détecte une leçon de tolérance

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contre les fanatismes, une leçon de paix contre la « boucheriehéroïque » (p. 43) des guerres, une leçon de justice et d’huma-nité contre toutes les inégalités, mais toutes ces leçons abou-tissent finalement en leçon de doute, de relativisme, et dedésillusion.

Allemagne, Hollande, Portugal, Espagne, Argentine, Para-guay, Pérou, Surinam, France, Angleterre, Italie, Turquie… Letrajet de Candide est un aller-retour entre Europe et NouveauMonde, une quête de sens qui, par le déplacement même qu’ellenécessite, trouve sa portée universelle. Parce que la chute origi-nelle de l’Éden du château de Thunder-ten-tronckh qui faitentrer Candide dans l’Histoire et la quête signifie l’impossibilitéde tout retour en arrière, la quête demeure vaine. Tout gain estaussitôt envolé, Cunégonde devient laide, les trésors rapportésd’Amérique sont volés ou perdus ; l’Eldorado lui-même n’appa-raît qu’au milieu du conte dans deux des plus longs chapitres(p. 85-94), point axial où bascule le sens, et où la quête gran-diose de l’utopie s’inverse en une philosophie pratique qui neprogresse plus que vers le retrait et l’humilité.

Ne reste que la satire, et la verve subversive qu’elle adoptechez Voltaire. Éveilleur de consciences, l’auteur en appelle àdes lecteurs critiques sachant goûter le plaisir de cette joyeusedestruction des systèmes suspects et des fanatismes religieux, àl’écoute de la dénonciation de ces aberrations politiques et dela misère humaine : Candide apparaît, plus que jamais, commeun texte d’une modernité criante et comme un texte de plaisir.

ÉTUDIER CANDIDE EN CLASSE DE PREMIÈRE

Candide se situe à la croisée de plusieurs objets d’étude de laclasse de première. Il est exploitable dans le cadre de l’« Étuded’un mouvement culturel et littéraire du XVIIIe siècle », puis-qu’il permet d’aborder bon nombre de questions littéraires ouphilosophiques liées aux Lumières. La densité, en particulier,des chapitres du château, de l’Eldorado et du jardin permetd’envisager des questions philosophiques et culturelles extrê-mement variées. En outre, ce conte est adapté à l’objet d’étude« Convaincre, persuader, délibérer : formes et fonctions del’apologue », en ce qu’il permet de réfléchir aux différentesformes de l’argumentation, directe ou indirecte, ainsi qu’auxvisées de la satire. Il n’est pas tant de textes aussi inventifs etefficaces sur le plan du trait satirique, et dont l’écriture soitaussi accessible.

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I I . TABLEAU SYNOPT IQUE DE LA SÉQUENCE

I I I . DÉVELOPPEMENT DE LA SÉQUENCE

SÉANCE 1INTRODUCTION À CANDIDE

Objectif : Introduire à l’œuvre de façon dynamique, en susci-tant la curiosité des élèves par des remarques sur des élé-ments significatifs du paratexte.

• Travail préparatoire

Une fois que l’œuvre aura été lue et qu’un repérage trèsprécis aura été effectué épisode par épisode, les élèves pour-ront commenter et mettre en relation deux moments du texteillustrés par la couverture et la gravure reproduite p. 81.Quelle dimension de l’œuvre de Voltaire ces deux illustra-tions mettent-elles en évidence ?

Séance Support Objectifs Activités

Séance 1 Couverture, illus-trations, paratexte.

Introduction au texte, pré-sentation des probléma-tiques liées au genre.

Lecture d’image.Étude commentéedu paratexte.

Séance 2 Ensemble du conte,et plus particuliè-rement chapitres I,XVII-XVIII et XXX.

La structure et le disposi-tif argumentatif du contephilosophique.

Étude comparée.

Séance 3 Ensemble du conte,et plus particulière-ment chapitre III.

Formes et ciblesde la satire.

Parcours de lecture.

Séance 4 Chapitres VI et XIX. Formes et ciblesde la satire (suite).Les combats de Voltaire.

Parcours de lecture.

Séance 5 Chapitres XVII-XVIII.Comparaison avecLe Mondain.

L’écriture utopique et saparodie. Les valeurs desLumières.

Lecture cursive.

Séance 6 Chapitre XXX. L’épilogue de Candide. Lecture cursive.

Séance 7 Synthèse sur l’œuvre, ré-flexion finale sur ses ap-ports à la modernité litté-raire et philosophique.

Sujet d’invention.Commentaire littéraire.Dissertation.

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• Remarques sur les illustrations

L’illustration de couverture de l’édition GF fait référenceà l’épisode qui ouvre le conte philosophique : il s’agit dupassage où Candide est chassé du château de Thunder-ten-tronckh « à grands coups de pieds dans le derrière » (p. 40,117). Les élèves pourront s’interroger sur le sens de l’œuvremis en relief par l’éditeur : pourquoi le pied du baron est-ilaussi disproportionné ? Pourquoi Candide n’apparaît-il quecomme une petite silhouette ainsi renversée ? Peut-être est-cesur la portée ironique et satirique que l’illustration insiste,figurant, outre le baron et Candide, le coup de pied de Vol-taire et ses cibles – à moins qu’il ne s’agisse de l’ironie deVoltaire malmenant son lecteur ? Dans tous les cas, l’illustra-tion annonce une lecture polémique, prête à bousculer, à ren-verser les certitudes, voire à les déplacer : une silhouette denavire, en bas de l’image, ne rappelle-t-elle pas justement lathématique du voyage ? La lecture d’image se poursuivra surla question philosophique fondamentale de Candide : qu’in-carnent les fleurettes, les pommes, et les livres ? Pourquoil’éditeur a-t-il choisi une dominante rose pour la couverturede ce conte philosophique ? La thématique du « meilleur desmondes possibles » (p. 38, 52, 54, 138, etc.), formule quiapparaît de nombreuses fois dans le texte, pourra ainsi surgird’une activité d’introduction stimulante.

La gravure d’après Moreau le Jeune reproduite p. 81,particulièrement amusante, fait référence à l’un des épisodesles plus étonnants du conte : celui où Cacambo et Candide,avant d’arriver à l’Eldorado, aperçoivent deux singes pour-suivant deux femmes nues. Aussi inconvenant sur le plan dela morale qu’il est osé sur le plan de l’inversion des signes etdes valeurs, cet épisode apparaît comme emblématique. C’estl’audace philosophique et satirique de Voltaire qui est miseen évidence à travers l’illustration de cet épisode, qui n’estpas essentiel sur le plan de l’économie narrative mais qui pré-pare en revanche l’un des épisodes fondamentaux du conte :celui du pays d’Eldorado.

• L’étude de la page de titre

Le paratexte de Candide est riche de sens et cependantparadoxal : il permet de poser les grands axes de réflexion sur leconte philosophique. La page de titre (p. 35) est accompagnée

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de notes de Jean Goldzink qui donnent les premiers élémentsd’interprétation du texte. On sera plus particulièrementattentif aux aspects suivants, que la présentation et le dossierpermettent de mieux comprendre :

– Le double titre : Candide, ou l’Optimisme. Voltaire indiquela double nature du genre que Candide inaugure : le « contephilosophique », dont les visées sont à la fois légères, diver-tissantes et sérieuses, appelant à la réflexion. Le Dossierretrace l’arrière-plan philosophique du terme « optimisme »(p. 153 sq.).

– Le recours à la fiction auctoriale. Voltaire se cache icisous les traits d’un auteur allemand, au nom pourtant bien bri-tannique, un certain « Docteur Ralph » (cf. note 2, p. 35). Lafausse attribution est une façon d’éviter les censures et lespolémiques d’un texte dont le genre est, de plus, perçucomme mineur, et peu digne du philosophe.

SÉANCE 2LA STRUCTURE DU CONTE PHILOSOPHIQUE

Objectif : La structure du conte philosophique, entre narra-tion et argumentation. Les modèles du récit picaresque, del’utopie et du conte. Le travail de cette séance se fonderasur un parcours de lecture comparatif des trois principauxmoments du conte.

• Travail préparatoire

En se reportant à l’itinéraire de Candide (voir carte donnéedans le Dossier, p. 168-169), les élèves feront apparaître unélément de structure fondamental : aller et retour de l’Europeau Nouveau Monde, avant et après l’Eldorado, soit parcoursvers l’utopie, puis désenchantement provoqué par le néces-saire retour au réel. On rappellera, en retraçant cet itinéraire, lesprincipaux épisodes du conte. La structure du conte est étroite-ment liée aux déplacements de Candide, dont l’apprentissagese fait au gré des thèses qu’il rencontre dans chacun desendroits visités. Chaque épisode répond ainsi à des questions

→ Ensemble du conte, et plus particulièrement chapitre I(p. 37-40), chapitres XVII-XVIII (p. 85-94) et chapitre XXX

(p. 136-140).

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incontournables : formes de gouvernement, religions, tolé-rance, mœurs sociales, etc. La consultation de la suite apo-cryphe de Candide (1760) donnée dans le Dossier (p. 180-187)permettra de montrer aux élèves que, quoique dépourvu de laverve voltairienne, le pastiche est fidèle et obéit à des règlesde construction précises.

• Structure du conte philosophique

Le travail sur la structure permet de mettre en lumièrequelques traits marquants de l’écriture du conte philosophique.

– L’absence de structure narrative profonde, sur lemodèle du récit picaresque. Certes, les voyages de Candidesont déterminés par le souhait de retrouver Cunégonde et parla quête d’un « autre univers » où « tout est bien » (p. 63),mais la plus grande part en est laissée au hasard. On pourras’attacher à montrer le fonctionnement épisodique du conte,en mettant en évidence l’autonomie de plusieurs passages oude récits enchâssés (cf. « Histoire de la vieille », p. 64 sq.).La structure de l’apologue dans le conte philosophique estavant tout déterminée par une logique démonstrative, et nonspécifiquement narrative. Les élèves se reporteront à l’adap-tation théâtrale de Candide par Serge Ganzl (Dossier, p. 189-196), dans laquelle on voit que les scènes s’enchaînent sur lemode de l’ellipse, ce que le conte prépare de toute évidence.

– L’inversion de la structure traditionnelle du conte. Lechâteau n’est pas le lieu auquel aboutit le héros au terme d’unparcours de quête ou d’initiation, c’est au contraire celui de lasituation initiale, lieu de l’illusion philosophique et des pré-jugés, et la cible de la satire. À l’inverse, la situation finale duconte, après de nombreuses péripéties, montre un Candideplus sage ayant adopté une morale pratique et humble (voirSéance 6).

– Trois lieux importants constituent les jalons d’unedémonstration qui fait courir Candide de l’Europe au NouveauMonde avant de revenir : le château de Thunder-ten-tronckh,au début du conte, l’Eldorado, et le jardin de la « Conclu-sion ». Le conte s’articule ainsi entre trois définitions dubonheur.

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• Les trois moments de la démonstration voltairienne :le château, l’Eldorado, le jardin

Quelle conception du bonheur est donnée à lire danschacun des chapitres suivants : I, XVII-XVIII, et XXX ? Le tra-vail préparatoire demandé à la classe permettra de mettre enregard les trois passages autour desquels s’articule le conte, etd’y observer des similitudes d’écriture, qui pourront êtrereprésentées sous forme de tableau.

À chaque fois il est question en effet de la définition :– d’un état social , caractérisé par un ordre de valeurs : hiérar-chie rigide, monarchie éclairée, triomphe modeste de l’éga-lité ;– d’un état des connaissances : fallacieuses (la fameuse« métaphysico-théologo-cosmolonigologie » de Pangloss,p. 38) ou réelles, sciences ou superstitions, approuvées par lepouvoir, ou au contraire punies ;– d’une morale et de sa pratique : de l’éthique nobiliaire duchâteau à l’épicurisme courageux du jardin, en passant parl’hédonisme de l’Eldorado.On montrera que ces chapitres fonctionnent comme colonne

vertébrale de l’argumentation dans le conte. La structure deCandide est donc un élément majeur du projet des Lumièrescomme du dispositif argumentatif. Elle mène, par une suc-cession d’épisodes organisés autour de celui de l’Eldorado,de l’illusion à la vérité, des faux-semblants du discours phi-losophique à une philosophie pratique et épicurienne caracté-risée par son humilité et son accessibilité.

• Repères pour l’étude du chapitre initial

Puisque les chapitres de l’Eldorado et de la conclusionseront abordés plus loin, on peut travailler en guise d’ouver-ture sur le chapitre I : « Comment Candide fut élevé dans unbeau château, et comment il fut chassé d’icelui » (p. 37 sq.).

– L’écriture du conte. On s’intéressera plus particulière-ment aux éléments traditionnels du conte : contexte aristocra-tique, thèmes de la félicité originelle, du péché qui entraînel’exclusion et la quête qui s’ensuit, expressions stéréotypées(« Il y avait », « icelui »), expressions mélioratives ou super-latives (« le plus grand », p. 39). On attirera l’attention desélèves sur le fait que ce premier chapitre est également uneparodie du début de la Genèse.

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– La parodie et la satire de l’aristocratie , dont les valeurssont jugées illusoires. Voir la galerie stéréotypée de person-nages ; le jeu de décalage sur les référents et les mots qui serventà les désigner semble évident (« palefreniers », « piqueurs »,« vicaire », « grand aumônier » p. 38). L’esprit satirique se mani-feste aussi dans l’invention des noms : « Thunder-ten-tronckh ».L’ironie de Voltaire porte en outre bien souvent sur les nombres,des « soixante-douze quartiers » requis pour marier Cunégondeaux « trois cent cinquante livres » de la baronne, qui lui valent« une très grande considération » (p. 37-38).

SÉANCE 3FORMES ET CIBLES DE LA SATIRE

Objectif : Il est nécessaire que des élèves de première puis-sent, dans la perspective de l’épreuve orale, disposer desolides outils d’analyse de la satire. Quoiqu’elle fasseconverger des effets, la satire voltairienne met en œuvredes cibles, des types de discours et des outils différents,dont l’étude et la variété constituent un enjeu en soi, et quece parcours de lecture est chargé d’explorer.

• Travail préparatoire

Le Dossier (« De Dieu, du mal et du bien », p. 143 sq.)donne un aperçu de la philosophie leibnizienne contrelaquelle Voltaire tourne ses pointes satiriques, ainsi que de lalecture faite par Voltaire de cette philosophie. Les extraits desEssais de théodicée de Leibniz (p. 144-151), du Poème sur ledésastre de Lisbonne de Voltaire, ainsi que de la Corres-pondance littéraire de Grimm et Diderot (p. 151-153) per-mettent d’introduire aux débats de l’époque. Ce travail préa-lable intéresse de près l’analyse de la satire voltairiennepuisque celle-ci dessine en creux et en négatif, épisode aprèsépisode, la philosophie qu’elle se charge de remettre encause.

→ Ensemble du conte, et plus particulièrement chapitre III,de « Rien n’était si beau » à « pour lui apprendre à vivre »(p. 43-44).

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• Repères pour l’étude du chapitre III

On étudiera notamment dans ce début de chapitre leregistre héroï-comique qui résulte du contraste entre la réa-lité atroce de la guerre et les caractéristiques du registreépique parodié.

– L’expression du registre épique n’est ici que parodiquepuisqu’elle va de pair avec les marques de l’ironie la plus fla-grante. Les élèves pourront ainsi relever pluriels, nombres eténumérations épiques, travailler sur les rythmes et les ana-phores, ou encore envisager ce qui, dans la description ducombat, permet de le lire comme un spectacle accompli pourle plaisir des monarques. (Étudier en particulier les effets desymétrie d’un camp à l’autre, premier indice que cette épopéen’est en fait qu’une boucherie inutile.)

– Le travail de l’ironie : Voltaire réserve à nombre de sesphrases des effets de chute qui en inversent le sens épique. Ildétourne également à plusieurs reprises des termes philoso-phiques (« raison suffisante », p. 43), façon pour lui d’identi-fier la cible de la satire : derrière la description de la guerre,c’est la philosophie optimiste qui est visée. On relèvera le tra-vail sur l’oxymore (« cette boucherie héroïque »), la litote,l’euphémisme, l’hyperbole et l’antiphrase, et sur les modali-sations : cf. l’évaluation des pertes qui, volontairement impré-cise, en souligne l’horreur, tout en créant un climat d’incerti-tude propre au discours ironique.

Au terme de l’étude de ce passage fameux, les élèves rédi-geront une fiche consacrée à la satire et à ses procédés, quisera complétée dans les séances suivantes.

• Étude du discours de Pangloss

Pour avoir un aperçu de la diversité des procédés satiriquesutilisés par Voltaire, l’étude d’un passage où le discours duleibnizien par excellence qu’est Pangloss n’est cité que pourêtre raillé pourra être conduite. C’est par le discours du per-sonnage que la satire fonctionne en se tournant contre lui ; ceprocédé se distingue, par son efficacité, de l’ironie narrato-riale.

– La nature des théories panglossiennes. Étude des jeuxde construction verbale : le philosophe de Thunder-ten-tronckhenseigne la « métaphysico-théologo-cosmolonigologie ». Onnotera en outre les parodies des généalogies et énumérations

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bibliques (p. 139), et le travail sur la citation. Pangloss ne faitque citer : son savoir vain et emprunté apparaît de façoncriante comme un contenu vide de sens face à l’expériencegagnée par Candide.

– La parodie de l’argumentation. La démonstration dePangloss, parodique, conduit à détruire la philosophie qu’ilincarne. Sa parole, marquée par l’accumulation, se révèle n’êtreque vide, ou n’être qu’une fausse démonstration : répétitions dumot « prouver », p. 37, 38, 50 ; logique bancale des démons-trations (« le chocolat et la cochenille », p. 47-48) et trivialitédes exemples convoqués (les lunettes, les chausses, le porc,p. 38-39).

– La dévalorisation des discours par l’expérience. Lediscours théorique et creux de Pangloss devient odieux ou seridiculise lui-même lorsqu’il est confronté à l’expérience :l’exemple abat la thèse, procédé de satire qui structure lesépisodes du récit. L’exemple d’application des leçons de « phy-sique expérimentale » (p. 39) à la femme de chambre de labaronne suffit pour ridiculiser la « raison suffisante » de Pan-gloss, de même que le tremblement de terre de Lisbonne, laguerre, l’esclavage de Surinam interdisent de croire en l’opti-misme.

• Éléments de conclusion

La satire voltairienne fait feu de tout bois. La séance aurapermis un travail détaillé et illustré d’exemples sur les prin-cipaux procédés satiriques mis au service de l’ironie, quiconvergent pour leur majorité vers une dénonciation del’optimisme leibnizien, discrédité au terme du conte. MaisCandide n’est-il pour autant qu’un texte « pour rire » ? N’ya-t-il pas, dans la succession des horreurs traversées par Can-dide, quelque chose de plus urgent que la réfutation d’unethéorie philosophique ? Le regard d’un Voltaire compatissantn’apparaît-il jamais ? Un extrait de l’Histoire des voyages deScarmentado de Voltaire (Dossier, p. 178-180), premièreébauche du récit de l’autodafé, permettra d’interroger le tra-vail de la satire par opposition au texte de fiction. On pourra,en guise de conclusion et de transition pour la séance qui suit,faire s’interroger les élèves sur l’ambiguïté de la satire :comment la peinture de l’horreur s’accommode-t-elle du trai-tement satirique, c’est-à-dire du rire ?

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SÉANCE 4LES COMBATS DE VOLTAIRE DANS CANDIDE

Objectif : Compléter l’étude de la satire, tout en mettant enévidence d’autres dénonciations opérées par Voltaire,parmi lesquelles la barbarie de l’esclavage et l’intolérancereligieuse. La légèreté satirique des passages étudiés précé-demment laisse ici place à un regard plus grave, voirepathétique dans l’épisode du nègre de Surinam.

• Travail préparatoire

Bon nombre de références historiques et contextuelles sontnécessaires pour prendre la pleine mesure de l’écriture de cesdeux chapitres. Quoique conte philosophique, Candide est untexte nourri des chroniques et des savoirs de l’époque. Onpourra donc demander aux élèves des recherches contex-tuelles, sur l’Inquisition (voir l’illustration page suivante), letremblement de terre de Lisbonne, et les échos que celui-ci apu avoir au XVIIIe siècle (voir Dossier, p. 148-153). Des pré-cisions sur la traite et l’esclavage au XVIIIe siècle, sur le com-merce triangulaire, ainsi que sur le Code noir pourront aiderà la compréhension du texte et de ses enjeux.

• Étude de l’épisode de l’autodafé

– La satire de l’intolérance et de la superstition reli-gieuse. Le chapitre est bref, et obéit à une construction richede sens. Ses articulations permettent de dégager son intentionsatirique : après la description minutieuse de l’autodafé,l’inutilité de celui-ci apparaît de façon saillante, avec la men-tion suivante : « le même jour la terre trembla avec un fracasépouvantable » (p. 54).

– La description des supplices. On relèvera tous les élé-ments qui s’accordent à faire de ces supplices et châtimentsune vision spectaculaire (rituel, costumes et musique) : lescommentaires d’appréciation esthétique de la part du

→ Chapitre VI (p. 53-54) et chapitre XIX, de « En approchantde la ville » à « en pleurant il entra dans Surinam »(p. 94-95).

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Diverses manières dont le Saint-Office fait poser la questionGravure de Bernard Picart (1722)

Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs

Créée par la papauté pour lutter contre l’hérésie, l’Inquisition, organismejudiciaire ecclésiastique, fut active à partir du XIIIe siècle dans l’Europechrétienne et dans les colonies espagnoles. Les inquisiteurs, lorsqu’ilsarrivaient dans un foyer d’hérésie ou de sorcellerie, laissaient un tempsde grâce durant lequel ceux qui abjuraient spontanément étaientréconciliés moyennant une pénitence légère. Puis l’enquête commençait,sur dénonciations. La mise à la question fut autorisée par Innocent IV en1252. Cette gravure de 1722 donne à voir les différents supplices que lesinquisiteurs utilisaient pour obtenir des aveux : le feu, l’eau, et surtout lapoulie (garrucha) : l’accusé, attaché à une corde, était soulevé du sol,puis brutalement relâché. Les sentences étaient proclamées lors d’unsermon général, ou « acte de foi » (l’auto-da-fe espagnol), les peinesallant du port de signes infamants à la prison, en passant par la flagella-tion ou encore la confiscation des biens. Ceux qui refusaient d’abjurerétaient condamnés au bûcher.

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narrateur visent à produire un effet de distanciation, aux anti-podes des conventions du conte.

– Le passage est essentiellement fondé sur une ironie mor-dante qu’il faudra analyser avec précision, notamment dansses figures de style récurrentes : litotes et antiphrases sontlégion et servent à décrire, sous des dehors riants, une réalitéterrifiante. La parataxe voltairienne (« Candide, épouvanté,interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant ») est le traitmajeur de cette ironie : supprimant tout lien logique entre lesdifférents termes de la phrase, elle contribue à dénoncerl’absurdité du châtiment religieux : « prêché, fessé, absous etbéni » (p. 54).

• Un épisode pathétique : le nègre de Surinam

Les travaux réalisés jusqu’à présent pourraient faire croireque Candide n’utilise, pour dénoncer les horreurs traverséespar les héros, que la satire et l’ironie. Il n’en est rien. Onpourra ainsi montrer dans le chapitre XIX comment ladénonciation des barbaries du système esclavagiste échoue àprendre les couleurs habituelles du rire voltairien. Candide, àcette occasion, ne manque pas – chose rare dans le texte – deformuler explicitement la thèse anti-leibnizienne : « c’en estfait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme » (p. 95).

– Le recours au dialogue. Le changement de registre peuts’expliquer par la forme du texte. Il s’agit avant tout d’un dia-logue entre des personnages que l’expérience de l’horreurscandalise. Ce n’est pas un narrateur satiriste qui s’indigne del’esclavage, ni un Pangloss qui pose des questions au nègrede Surinam : par le biais de Candide, le narrateur semble sesituer, dans ce dialogue avec l’esclave mutilé – témoin sobredes atrocités de l’esclavage –, sur un plan de compassion sin-cère que d’autres passages du texte ne rendent pas sensible dela même façon. Les élèves compareront cet épisode avec lesautres passages où la mutilation est évoquée (cf. par exemplel’histoire de la vieille ayant perdu une fesse, p. 70).

– Le caractère pathétique de la scène est perceptibledans la description de l’esclave et de son « état horrible »(p. 94) – l’esclave est triplement diminué : couché, à demi nu,et mutilé. Il apparaît ensuite dans son discours. L’esclaveparle en effet en tant que témoin d’une situation généralemonstrueuse où les bourreaux n’apparaissent presque pas(utilisation des pronoms « nous », « on », p. 30), hormis

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M. Vanderdendur, évoqué en des termes sobres. Les anaphoresénumérant les punitions infligées contribuent au caractèrepathétique de la scène. Le récit de l’enfance et de l’histoire del’esclave, vendu par ses parents, l’humanise considérablement.

– La réécriture du Code noir. Voltaire ne reprend de ceCode que quelques éléments, pour le faire paraître dans toutesa barbarie et son absurdité (voir p. 95, notes 1 et 2).

– Le regard de Voltaire. On pourra enfin s’intéresser auxtraces d’ironie qui subsistent malgré tout dans le discours del’esclave. Même s’il interroge une victime pour dénoncer sesbourreaux, Voltaire se coule dans cette parole testimonialepour laisser entendre l’ironie qui lui est propre. En témoi-gnent les expressions suivantes : « les fétiches », « je ne suispas généalogiste », « fortune » (p. 95).

SÉANCE 5L’UTOPIE

Objectif : Ce chapitre est un passage incontournable dansl’étude de l’œuvre. Sa place centrale en fait le lieu d’unenjeu tout particulier. On y analysera notamment l’écriturede l’utopie, et l’enjeu de cette arrivée à l’Eldorado – « meil-leur des mondes possibles » où « tout est au mieux » – surle plan des valeurs et de la leçon philosophique proposéepar Voltaire.

• Travaux préparatoires

Outre une lecture attentive du texte, on pourra demanderaux élèves de faire une recherche sur le mythe de l’Eldorado.« Le pays doré », pays mythique décrit par les premiersconquistadores – Francisco de Orellana notamment –, étaitsupposé renfermer les trésors inestimables d’une civilisationagricole prospère. Le voyage de La Condamine en Amazonie,en 1744, contribua à remettre en cause l’existence de ce pays,qui est donc déjà mythique à l’époque où Voltaire écrit Can-dide. On se reportera au Dossier, qui propose un développe-ment sur l’utopie du XVIe au XVIIIe siècle, à partir de défini-tions et d’extraits de textes (p. 158-167).

→ Chapitre XVII-XVIII (p. 85-93) ; Le Mondain, de Voltaire.

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• Avant l’Eldorado : les signes annonciateurs

Il est nécessaire d’analyser, avant le chapitre de l’Eldoradoproprement dit, les éléments qui préparent la découverte de cemonde utopique. On relèvera tout d’abord les signes de l’arri-vée dans un monde aux valeurs inversées : Cacambo devientle guide de Candide (p. 75), et l’épisode des femmes et deleurs amants singes incarne ce renversement des valeurs etdes mœurs (p. 80-82). L’épisode paraguayen qui précèdecelui de l’Eldorado, enfin, annonce celui-ci : l’Europe consi-dérait en effet l’organisation des missions jésuites avec beau-coup de curiosité et d’intérêt, du fait de l’originalité et dessuccès de son système social fondé sur une morale chré-tienne, comme le montre la réponse de Cacambo (p. 75).

• Caractéristiques de l’Eldorado voltairien

– L’Eldorado est donné à voir par l’emploi de termesdénotant la richesse et l’abondance, d’accumulations, defigures de style (anaphores). Ce chapitre propose ainsi lemodèle d’un royaume idéal, rempli de plaisirs pour les sens etl’esprit, qui sait se souvenir des précédents du genre, commeLa Cité du Soleil de Tommaso Campanella et L’Utopie deThomas More, dont des extraits sont proposés en fin devolume (Dossier, p. 158-167).

– L’écriture de l’utopie passe par un retournement desvaleurs et des coutumes (l’extraordinaire devient l’ordi-naire), censé prouver au lecteur que les siennes ne sont querelatives et provisoires. Indirectement, ce sont les référentsréels de l’utopie qui se voient dégradés.

– Une parodie de l’écriture traditionnelle de l’utopie.Le jeu de questions et de réponses qui structure traditionnel-lement l’utopie (voir le dialogue entre l’Hospitalier et leGénois dans La Cité du Soleil, p. 166 sq.) laisse ici la place àune mise en évidence de la superficialité du regard de Can-dide : en témoigne le long déroulement des réceptions donnéespar le roi, loin des préoccupations philosophiques. La tendanceà l’exagération se manifeste à travers l’emploi d’hyperboles etles redondances ; l’idéal, ainsi poussé à l’extrême, en devientimpraticable : l’Eldorado n’est qu’une utopie abstraite, unepure fiction, destinée, elle aussi, à faire sourire. Les indicesd’ironie, le pastiche du style du roman précieux et la descrip-tion du roi le montrent.

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– Cependant, l’Eldorado n’est pas exempt d’une leçonphilosophique : il incarne, au beau milieu de Candide, uncertain nombre d’idéaux des Lumières. Déjà l’humanisteMore avait fait usage de l’utopie pour parler des formes degouvernement, de religion, ou encore du système péniten-tiaire (Dossier, p. 159 sq.). L’Eldorado est ici un pays sanschâtiments ni crimes, où le pouvoir est tolérant et nonrépressif, incarné par un monarque proche de ses sujets etlibéral (« l’usage […] est d’embrasser le roi », p. 91). Il s’agiten outre d’une société préoccupée de science, d’une civilisa-tion urbaine heureuse et hédoniste, où esthétique et urba-nisme, synonymes de progrès pour Voltaire, s’allient.

• Lecture complémentaire : Le Mondain

On comparera ce chapitre avec le poème Le Mondain, deVoltaire (1736). Deux conceptions du bonheur au XVIIIe siècles’opposent dans ces deux œuvres, qui se distinguent aussi surle plan de la rhétorique de l’argumentation (d’un côté, l’apo-logue, de l’autre, le poème argumentatif). Le chapitre del’Eldorado montre l’évolution de Voltaire depuis la guerrede Sept Ans et le tremblement de terre de Lisbonne. S’il pou-vait affirmer, dans Le Mondain, « le paradis est où je suis »,désormais l’idéal philosophique ne peut guère plus se trou-ver que dans le chapitre utopique d’un conte. Le mal réap-paraît d’ailleurs bien vite dans le texte, avec l’épisode dunègre de Surinam, tandis que les moutons sont un à un per-dus, symbole de l’impossibilité de rapporter les valeurs uto-piques dans le réel.

SÉANCE 6LA LEÇON FINALE DE CANDIDE

Objectif : L’évolution des personnages du conte. La confron-tation ultime de trois philosophies, aboutissant à la formu-lation de la philosophie du jardin.

→ Chapitre XXX (p. 136-140).

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• Travail préparatoire

On demandera aux élèves de montrer que le dernier cha-pitre de Candide a à la fois une valeur démonstrative et unevaleur narrative. Ils compléteront cette lecture par celle de« La parabole du jardin » (Dossier, p. 170 sq.). L’accent seramis sur les idées ainsi que sur les dispositifs argumentatifs etles rhétoriques mis en place : le derviche, le vieil homme etPangloss utilisent en effet des procédés discursifs très diffé-rents.

• La confrontation de trois philosophies

Avant que le livre se referme, trois philosophies incarnéespar des personnages et leur modèle de vie font une dernièreapparition.

– La parabole du derviche. L’épisode du derviche permetde montrer l’évolution des personnages : les questions dePangloss et de Candide suggèrent d’une part l’impossibilitéde progression du pseudo-sage enfermé dans une rhétoriqueampoulée et creuse (le derviche le fait « taire », p. 138),d’autre part la sagesse nouvelle de Candide, fruit de sonexpérience, qui le pousse à poser, enfin, la question du malde façon juste 1. Le derviche ne donne qu’une parabole laco-nique (« Quand Sa Hautesse… »), qui fait appel à une méta-physique proprement épicurienne : les dieux ne se soucientaucunement des hommes.

– La maxime du vieillard. Le vieillard complète la visiondu derviche en donnant l’exemple pratique d’une philosophieépicurienne. Le fait qu’il a vécu des horreurs semblables àcelles qu’a vécues Candide le situe sur un même plan d’expé-rience que lui, et donne du crédit à la solution qu’il propose.Bon, calme, simple, le vieillard illustre par ses actes laconception qu’il se fait de l’existence. Une maxime constituele cœur de son enseignement. On notera l’accumulation deprésents de vérité générale qui fonctionnent comme autant deprescriptions morales (« Le travail éloigne de nous », p. 139).Son exemple est l’occasion de la description d’un Eldoradominiature, plus concret, comme le montrent les « fruits du

1. On pourra mettre en parallèle ce passage avec l’Histoire de Jenni,dont un extrait est présenté dans le Dossier (p. 153 sq.) : Birton et Freindse posent la question du mal, sur laquelle portent tous les entretiens entrePangloss et Candide.

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jardin », les « deux filles » et les « barbes parfumées » quirappellent tous les plaisirs du pays d’Eldorado (p. 139).

– La rhétorique creuse de Pangloss. Le personnageemblématique de la philosophie de Leibniz, Pangloss, nietoute valeur à l’expérience et reproduit à la fin du texte sen-siblement le même discours qu’au début. Voltaire se plaît iciencore à le tourner en ridicule. L’intervention de Pangloss estremarquable par ses références pêle-mêle et non maîtrisées(car mal traduites) de la Bible : cf. jeu sur les nombres,zeugme ironique (« par Aod » et « par les cheveux », p. 139),mélange de liens de causalité et de liens chronologiques, etc.

• L’évolution des personnages

C’est un Candide plus sage qui apparaît à la fin du conte.Désormais, il coupe la parole à Pangloss (cf. le « Je sais » deCandide contre le « Vous savez » du philosophe, p. 140) : lesavoir tiré de l’expérience s’oppose au savoir préconçu etfaux. La certitude du savoir expérimental est mise en avantpar les répétitions « Il faut » à deux reprises (p. 140). Candidea accédé à la réflexion, les modalisations de son discours lemontrent (« ce bon vieillard me paraît », p. 140). Pangloss, acontrario, a perdu toute crédibilité. La fin du conte est doncmarquée par une inversion des rôles : Candide est devenuphilosophe, laconique comme le derviche ; il n’est plus séduitcomme avant par les grands discours (« entendre le plusgrand philosophe […] de toute la terre », p. 39). Pangloss,lui, n’a pas changé. Écouté au château, il ne peut être quediscrédité dans le jardin, lieu des réalités et non des faux-semblants.

• L’épilogue apologue

L’épilogue donne à lire, dans un court récit final, unemorale à l’œuvre. Il est remarquable par la désillusion qu’ilcherche à produire, assumant des valeurs simples, humbles,et concrètes. Si le merveilleux caractérisait la situation ini-tiale au château, c’est à des valeurs réalistes – celle dutravail notamment – qu’aboutit la quête de savoir dans lejardin de Constantinople. Pas de bonheur utopique, pas deprincesse à la fin de ce conte-ci : Cunégonde est devenuelaide et les héros n’accèdent qu’à une vie de travail, assumantcette sagesse épicurienne. La philosophie du jardin tient en

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une formule, prononcée par Martin le premier (« Il fautcultiver notre jardin », p. 140), qui exprime l’aspiration à lapaix tranquille et à la sagesse plus qu’au bonheur. L’actionremplace les discours dans un refus des raisonnements inu-tiles.

• Lectures complémentaires

Le Dossier permettra de clore la séquence en montrant queCandide a fait l’objet de nombreuses réécritures, suites, imi-tations ou pastiches, preuve de son universalité. On liranotamment la suite apocryphe de 1760, qui prend l’épiloguecomme point de départ (« On se lasse de tout dans la vie […]et Candide […] s’ennuya bientôt de cultiver son jardin »,p. 181), et l’extrait de Candido ou Un rêve fait en Sicile, deLeonardo Sciascia (p. 187 sq.), qui permettra de préparer lesujet d’invention de la séance suivante. On pourra enfin pro-poser aux élèves la lecture d’un extrait du Nouveau Candidede Dominique Jamet (Flammarion, 1994).

SÉANCE 7ÉVALUATION

• Sujet d’invention

Un Candide, contemporain de notre XXIe siècle, vientd’arriver sur les lieux d’une terrible catastrophe (crash aérien,accident industriel, raz-de-marée, famine, inondation, etc.).Vous rédigerez le récit de son passage sur les lieux dudésastre en dénonçant les causes de cette catastrophe aumoyen des procédés de l’ironie et de la satire.

• Commentaire composé

Chapitre XIV, de « Tu as donc été déjà dans le Paraguay ?dit Candide » à la fin (p. 75-77).

• Dissertation

Vous commenterez cette phrase de Jean Starobinski,extraite de son ouvrage Le Remède dans le mal (Paris, Galli-mard, 1989, p. 144) : « Candide n’est pas, même de loin, unereprésentation du monde. […] Les éléments de “réalité” qu’il

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contient sont portés à une dimension caricaturale excluanttoute commune mesure. »

IV . ORIENTAT IONS B IBL IOGRAPHIQUES

Voir la Bibliographie p. 206 sq.

Étienne LETERRIER

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