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[ 36 ] 37 Réunion Textes : Bernard Grollier Photos : Luc Perrot [ ] Voyage dans le ciel austral Le photographe Luc Perrot nous propose un superbe voyage dans le ciel austral, aux frontières de la science et de l’art. Ses objectifs perce les secrets de l’infini cosmos, tout en magnifiant les paysages montagneux de la Réunion : certaines de ses images ont déjà fait le tour du monde !

Voyage dans le ciel austral - Images et photos île de la ... · sable. le trait de luMière ondulé, à gauche de la route, provient de la laMpe frontale ... asseMblage de huit photos,

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Réunion Textes : Bernard Grollier • Photos : Luc Perrot[ ]

Voyage dans le ciel australLe photographe Luc Perrot nous propose un superbe voyage dans le ciel austral, aux frontières de la science et de l’art. Ses objectifs perce les secrets de l’infini cosmos, tout en magnifiant les paysages montagneux de la Réunion : certaines de ses images ont déjà fait le tour du monde !

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escales australes Réunion83]

Le photographe Luc Perrot, qui signe les images de ce reportage, s’est lancé dans l’« astrophotographie » il y a deux ans. « Le but de cette spécialité est de montrant la splendeur du ciel, en rendant visible un maximum d’objets célestes, tout en rapportant cela à un premier plan terrestre », explique cet amoureux de la nature réunionnaise, qui a ainsi élargi ses horizons. « C’est en découvrant l’œuvre du photographe américain Wally Pacholka, qui réalise ce type d’images dans les parcs nationaux américains, que j’ai eu envie d’aller dans cette voie ». Il faut dire que La Réunion se prête aussi bien que les grands espaces naturels américains à cet exercice. Sur les montagnes de l’île, l’altitude garantit souvent un air limpide et l’absence de toute pollution lumineuse. A plus de 2 000 mètres d’altitude, l’œil photographique braqué vers le cosmos a deux kilomètres en moins à traverser, alors que cette basse couche

concentre 80% des poussières et de l’humidité présentes dans l’atmosphère. Et les paysages volcaniques font des premiers plans terrestres exceptionnels, notamment quand le piton de la Fournaise entre en éruption !Les images de Luc Perrot ont été remarquées, ces derniers temps, par les amateurs du monde entier. Il y a un peu plus d’un an, la NASA avait élu une de ses images « photo astronomique du jour » : elle montrait justement un superbe ciel nocturne au-dessus du volcan en éruption (voir page 42). En mars 2011, c’est un de ses assemblages panoramiques à 360° (voir page 43)qui est désignée « photo de la semaine » sur le site Internet du magazine américain National Geographic. Le même titre lui fera l’honneur d’une deuxième publication numérique, plus récemment : celle d’une image étonnante prise dans la nuit du 23 au 24 décembre 2011 sur les hauteurs du Maïdo.

Elle montre la comète de Lovejoy et sa longue queue, semblant piquer droit sur Cilaos, entre le piton des Neiges et le Grand Bénare (voir page 40). Mais la notoriété de Luc Perrot a déjà franchi le cercle des astronomes, quelques mois plus tôt… bien malgré lui. « En juin 2011, raconte-t-il, j’ai été témoin, au Maïdo, d’un phénomène atmosphérique assez rare : la formation d’un spectre de Brocken. L’ombre de ma silhouette est projetée sur la couche de nuages au-dessus de Mafate, entourée d’un halo et surmontée d’un arc blanc. Cela donne une photo insolite, que j’envoie au site Earth Science Picture of the Day (EPOD), émanant de la NASA. Elle est publiée en juillet. Le mois suivant, un journaliste m’appelle, me demande des détails sur cette image, me pose des questions surprenantes sur mon rapport à la religion. Je ne comprends pas bien, lui explique à nouveau le principe du spectre de Brocken. Mais le 5 septembre, ma photo

est en couverture du tabloïd anglais Daily Mail, sous le titre « L’ombre de Jésus a été photographiée sur un nuage à l’île de la Réunion » ! Les explications scientifiques figurent dans l’article, mais elles sont reléguées au second plan ». Dans les jours et les semaines qui suivent, l’image, baptisée « Glory Day » (voir page 45), fait le tour du monde. L’information est amplifiée et déformée, le phénomène atmosphérique est élevé au rang d’apparition divine et Internet relaie un véritable délire : on en parle du Pérou à la Chine ! Rien d’étonnant, après tout, que ce buzz mystique mondial : le ciel a toujours été le royaume des dieux, monde mystérieux où les hommes cherchent du sens à leur vie. Les astronomes chinois avaient leurs astronomes attitrés, scrutant les cieux chaque nuit pour en interpréter les phénomènes. Les Gaulois, c’est bien connu, craignaient que le ciel leur tombe sur la tête.

MouveMent apparent des

astres, au-dessus de la plaine des

sable. le trait de luMière ondulé,

à gauche de la route, provient de la laMpe frontale

d’un joggeur !

double page précédente :

la voie lactée au-dessus du piton

des neiges, la pleine lune éclaire

le paysage coMMe en plein jour.

conjonction astrale dans le ciel de saint-philippe.

∂ du centaure

ß du centaure

croix du sud

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escales australes Réunion83]

Mais qu’y cherchent aujourd’hui les astronomes amateurs, qui ne sont pas guidés par une quête aussi scientifique que leurs homologues professionnels ? D’abord une part de rêve, bien sûr. Les esprits mathématiques et cartésiens sont également bien représentés dans ce petit monde. Ne leur parlez pas d’« astrologie » : ils vous feront justement remarquer que le ciel a beaucoup évolué depuis l’invention du calendrier zodiacal. Dans sa course apparente à travers les constellations, le Soleil a pris un signe d’avance. Cette observation avérée suffit à leurs yeux à classer toute la production astrologique au rang d’élucubrations. L’observation du ciel fait également naître des interrogations philosophiques. Les formidables distances qui séparent les corps célestes posent la question des limites de l’univers. La naissance ou la mort d’une étoile pose celle du commencement du monde, et de la place de l’Homme au milieu de cette immensité.La Réunion compte son lot de passionnés de l’observation des corps célestes. L’île est un excellent poste d’observation du ciel austral, qui n’est pas le même que l’hémisphère nord, puisque la masse terrestre dissimule une partie plus ou moins importante de l’univers en fonction de l’endroit où l’on se trouve sur la planète. Sa position tropicale, à 21° de latitude sud, rend visible une grande partie du ciel. Elle abrite d’ailleurs, depuis 1991, un observatoire astronomique aux Makes, sur les hauteurs du sud de l’île. L’histoire a commencé à la fin des années 1980, quand l’European Southern Observatory, qui regroupe des astronomes européens spécialistes du ciel de l’hémisphère sud, recherche un lieu d’implantation pour son projet de Very Large Telescope, Un engin d’une puissance extraordinaire, fort couteux mais qui doit faire progresser à pas de géant la connaissance du ciel austral. Gérard Hesler a été à la fois témoin et acteur de cet épisode. « Avec quelques amis, nous avons créé 1’Association Réunionnaise pour l’Etude du Ciel Austral en 1986, à l’occasion du passage de la comète de Halley. Après avoir participé à plusieurs émissions de vulgarisation à la télévision réunionnaise, je reçois la visite d’un ingénieur du CNRS, qui me parle du projet VLT. La Réunion est pressentie pour l’abriter et notre petit groupe se voit confier une mission d’étude du site du Grand Bénare. Une aventure extraordinaire ! ». Le sommet, qui culmine à près de 3 000 mètres d’altitude, n’est pas facile d’accès. Pendant deux ans, les astronomes amateurs de l’ARECA partent à pied, du sommet du Maïdo, parfois lourdement chargés. Ils photographient le ciel, étudient les conditions météo. Le verdict, hélas, est défavorable. Le Grand Bénare rivalise avec les grands sites mondiaux d’observation, mais six mois dans l’année seulement. Le reste du temps, la densité de vapeur d’eau dans les différentes couches de l’atmosphère est trop élevée. Les montagnes du Chili lui sont finalement préférées pour installer le VLT.L’association n’en continue pas moins d’exister, parmi d’autres, à la Réunion. Elle répond à des demandes de l’Institut astrophysique de Paris, initie les scolaires, contribue à la correction des tables astronomiques. Au pied de son télescope, installé dans son jardin de Sainte-Marie, Gérard Hesler conserve un enthousiasme intact. « Le centre de la Voie lactée est au-dessus de nous, dit-il. Et c’est au centre que les objets célestes sont les plus nombreux ».

la voie lactée au-dessus du piton de la fournaise.

vénus brille au-dessus de la plaine des sables.

la coMète de lovejoy, photographiée du Maïdo dans la nuit du 23 au 24 déceMbre 2011.

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escales australes Réunion83]

asseMblage de huit photos, prises au MêMe endroit et au MêMe MoMent. l’une Montre le sol, une autre le ciel, les six autres coMposent un panoraMa à 360°. la photo du sol a été placée au centre, celle du ciel à l’extérieur. MêMe principe, avec le ciel placé au centre et le sol à l’extérieur.

Lune

vénus

mercure

jupitermars

Le ciel austral est resté méconnu pendant très longtemps, les civilisations humaines s’étant surtout développé dans l’hémisphère nord. Ce sont les premiers marins partant à l’assaut des mers du Sud qui ont baptisé les corps célestes qu’ils ne voyaient pas, de leurs ports d’attache. Les matelots ont laissé leurs marques au hasard des constellations : les Voiles, la Carène, la Poupe, la Baleine, le Grand Nuage de

Magellan… Autant d’évocations maritimes qui tranchent avec les appellations du ciel de l’hémisphère nord, empli d’étoiles au nom arabe ou de constellations rappelant la mythologie grecque : Persée, Andromède, Pégase, la Méduse…Mais pas de « Jésus », à ce jour. Les internautes qui fréquentent le site de l’Earth Picture Of the Day ont en revanche élu « Glory Day » la fameuse image de Luc Perrot, photo scientifique de l’année, en janvier dernier.

la voie lactée au-dessus de l’éruption d’octobre 2010, au piton de la fournaise. au-desus, la constellation d’orion. a droite, le petit et le grand nuage de Magellan.

vue du col des bœufs : jupiter brille dans le ciel de salazie. les luMières qui éclairent la couche nuageuse, par dessous, sont celles des villages.

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LES IMAGES DE LUC PERROTLe travail photographique de Luc Perrot est à découvrir sur son site Internet, www.lucperrot.fr

L’auteur annonce également la sortie prochaine d’un beau livre, « La Réunion éternelle », combinant photos de jour et images de ciel nocturne, commentée par des haïkus signés Marie-Josée Barre.

PHOTOGRAPHIER LE CIEL AUSTRALL’avènement du numérique a fait franchir un pas considérable à la photo astronomique. Les appareils actuels permettent de voir des corps célestes que les plus puissants télescopes d’il y a trente ans peinaient à détecter !

De nos jours, même sans lunette, il est possible d’obtenir de très belles images du ciel, à conditions de respecter quelques règles de base. D’abord, choisir un lieu de prise de vue peu touché par la pollution lumineuse des villes et une météo favorable pour éviter d’attendre trop longtemps que les nuages veuillent bien passer. Attention à la Lune : pleine, elle vole la vedette aux autres astres.

A moins que ce ne soit elle que vous souhaitez photographier, il vaut mieux choisir la période de la nouvelle Lune, au ciel généralement dégagé.

Les conseils de Luc Perrot : « Un trépied est indispensable, et une télécommande souhaitable pour éviter le moindre « bougé ». Pour la focale, un 28 mm ou un fish-eye est recommandé, sauf si l’on veut photographier la Lune ou une autre planète en gros plan. Quand au choix de la sensibilité, il dépend de la qualité de l’appareil. Il n’est pas obligatoire d’être un grand spécialiste pour faire des photos astronomiques, mais un minimum de connaissances est toujours utile, notamment pour comprendre le déplacement des astres dans le ciel ».

Il existe des cartes du ciel de la Réunion, qui permettent aux débutants de prendre leurs repères. Très utile : le logiciel gratuit Stellarium, téléchargeable sur Internet, donne un état précis du ciel, en fonction de la date et de l’endroit où l’on se trouve.

L’ARECAL’Association Réunionnaise pour l’Etude du Ciel Austral est avant tout un groupe d’amis partageant la même passion. Présidée par Thierry Payet, elle est le relais de divers organismes scientifiques en même temps qu’elle œuvre à la promotion de l’astronomie auprès du grand public : conférences, nuits d’observation, animations pour les scolaires, travaux pratiques pour les étudiants de l’Université…

ARECA : 4, impasse des Tourterelles, domaine de La Mare, Duparc, 97438 Sainte-Marie. Tél. 0262 53 74 12 ou 06 92 87 00 77. Site Internet : www.astrorun.com

L’OBSERVATOIRE ASTRONOMIQUE DES MAKESCréé en 1991 sur les hauteurs des Makes (commune de Saint-Louis), l’Observatoire astronomique de la Réunion accueille des astronomes avertis en même temps qu’il propose diverses activités au grand public : visites quotidiennes des installations, soirées d’observation… Son site Internet met également en ligne des éphémérides mensuels, pour savoir tout ce qui se passe dans le ciel austral.

Observatoire astronomique des Makes : 18, rue Georges-Bizet, Les Makes, 97421 La Rivière. Tél. 0262 37 86 83. Courriel : [email protected] www.ilereunion.com/observatoire-makes/

CIEL AUSTRAL [ ]Guide pratique

RéUNIONComment s’y rendre ?

Tarif Paris - La Réunion à partir de 833 euros ttc aller/retour basse saison*

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Air Austral relie 18 villes de France Métropolitaine et l’océan Indien, à l’île de La Réunion : Saint-Denis au Nord, et Saint-Pierre au Sud.

under saint paul’s coconut palMs:

shade concerned by the earth on the Moon,

in the center of the Milky Way.

la faMeuse iMage « glory day » : spectre luMineux au Maïdo.

MouveMent apparent de la lune, photographiée toutes les 5 Minutes.

A voyage through the southern skyPhotographer Luc Perrot, who took the pictures for this story, started out in “astrophotography” some two years ago.He explains: “The aim of this speciality is to reveal the magnificence of the sky by showing a maximum number of celestial bodies on a terrestrial foreground. When I discovered the work of the American photographer Wally Pacholka who shot this type of pictures in the American National Parks, I knew this was the direction I wanted to take.” It must be said that Reunion, where Luc Perrot lives, is ideally suited to this type of photography as is the wide open American outdoors. The high altitude mountains of the island often guarantee limpid air with no interference of lights. The volcanic scenery makes excellent terrestrial foregrounds, especially when Piton de la Fournaise erupts! At the end of the eighties the European Southern Territories, an association of European astronomers specialising in the southern hemisphere sky, nearly decided on Reunion as the site to install the Very Large Telescope, an optical instrument of extraordinary strength. The Grand Benard, one of the island’s summits reaching 3 000 meters of altitude was originally chosen. After long investigations however the mountains of Chile were preferred for setting up the VLT.Reunion does however remain an excellent observation post for the Southern sky that is quite different from the Northern one as the earth mass hides a more or less large portion of the Universe depending on one’s position on the planet. Its tropical location at 21º South allows for clear visibility of a large number of celestial bodies. Since 1991 an observatory is located at the Makes on the heights in the South of the island. As human civilisations

primarily developed in the Northern hemisphere, the Southern sky remained largely unknown. The first seamen to conquer the oceans in the South named the celestial bodies that could not be seen at their home ports. The sailors left their mark on the constellations in an haphazard fashion: The Sails, the Hull, the Stern, the Whale, the Great Cloud of Magellan, So many marine terms that contrast greatly with the stars’ Arabic names in the Northern hemisphere and constellations out of Greek mythology: Perseus, Andromeda, Pegasus and Medusa.The sky has always been the realm of the gods, a mysterious world where men look for meaning to their lives. The Chinese had their designated astronomers, gazing at the sky every night in an attempt to interpret its phenomena. It is well known also that the Gauls were afraid the sky would fall on their heads.But what are the amateur astronomers looking for since they are not driven by the same scientific quest as their professional counterparts? Partially a dream of course, although mathematical and Cartesians minds are also well represented in this small community. Never speak to them about “astrology” as they will correctly point out that the sky has changed quite a bit since the invention of the Zodiacal calendar. In its visible course through the constellations the Sun has moved up one sign. This observation is sufficient to qualify all astrological theory as wild imaginings. The study of the sky also engenders several philosophical queries. The huge distances between the celestial bodies puts the focus on the impossible limits of the Universe. The birth or death of a star begs the question of the beginning of the world and the role of Man in the midst of this immensity.