Wittgenstein et le problème d'une philosophie de la science

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  • 8/7/2019 Wittgenstein et le problme d'une philosophie de la science

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    COLLOQUES INTERNATIONAUXDU

    CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTiFrQUE

    Sciences Humaines

    WITTGENSTEINET LE PROBLEME D'UNE PHILOSOPHIEDE LA SCIENCE

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    WITTGENSTEINET LE PROBLtME D'UNE PHILOSOPHU:

    DE LA SCIENCE

    - .vctes du Colloquc International sur ((WITfGENSTEIN ET LE PRO-BLt:ME D'USE PIfILOSOPHIE DE LA SCIENCE organise dans le cadredes Colloqucs Internationaux du Centre National de la RechercheScientifique, a Aix-cn-Provcnce, du 21 au 26 juillet 1969, par:,Ionsicur G. GRASGER, Professeur a la Faculte des Lettrcs d' Aix,et publies dans la Re tu e I n te rn a ti on a l, d e P l li lo s oph ie , 23 e annec, 1969,fasc. 2-3, n: 8889,

    US textes qu i s ui ve nt c on st it ue nt l es Actes d'un Colloque internationaldu Centre national de la Recherche scientifique (France), "rg(wislp ar Ie S im in aire d ' E pistlm olo .t:;e d e 1 0 Fa(lI/ti In L ett re s e t s cie nc es 1 ",-m oin es d 'A ix -e n- Pr ov en ce , d u 21 au 26 juiU" 1969 (I).

    E n e n p re na n! l 'i ni ti at iu e, on a JO ll ha it i c on tr ib ue a u d it 'e lo pp ,m rn t 'l uiJ'annona, e n F ra nc e, d es E tu de s w il lg tn ste ill ie nll eJ , e t d 'u ne a .o ;m iia tir tnc ri ti qu e d e I 'l tl n't ag e d u p lt il os op ht .

    Gilles Gaston GRt\:-':GER.

    PARTICIPANTS AU COLLOQ.UE

    Prof. G. GRANnEM

    Cornell University, Ithaca (tats Unis)Faculte des Lettres de Paris-SorbonneFaculte des Lettres de Rennes (France)Faculte de Philosophic et Leures. Uni-versite de Liege, 3 Place Cockerill. Li~(Belgique)Faculte des Lettres d'Aix en Provence(France)Universire d'Aarhm (Danernnrk)The Queen's College, Oxford(Grande Bretagne)

    Prof . M. BLACKProf. J. BOUVEREsSEProf. M. CLAVELINProf. Ph. DEVAUX (')rProf. J. HARTNM':KProf. B. F. MC:GUINE5S

    r ~ Cen tre National de la Recherche Scientlfique, Pam, 1970.(I) NolIS n:mcrcions Ie CNRS qui a bien vouJu permettre la puhlications de' co

    .Adtl SOU l f o rm e d'un numero de la RrI 'tU il l tmrrJl iot l ll l t tk PIJiIo,,,p/li,, ella direetien deeeue Revue, qui n oU l a propose eel arrangement.(2) Le Pror eaeu r Devaux , emp tchE, n'a pu particip er au CoUoque.

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    LlSTE DES PAR... .el "AI"TS At; COLLOQUE

    Pror. Mile C. blBERT ecole Normale Superieure deJeunes FilI( '5,ParisFaeulte des Lettres de Clennont-Ferrand(France)Universi te de C6rdoba (Argentine)Universite de Bonn (Allemagne FeMrale)College de France, Paris.5uomcn Akatemia, Helsinki (Finlande)

    PHILOSOPHY OF SCIENCEIN THE TRACTATUS

    Prof; J.-C. PARIENTEProf. A. R. RAOOIOPror. E. K. SPECHTPror. J. VUILLEMINPror. G. H. VON WRuarr by B. F. McGUINNESSSt (1 ltDim sdmt if iquu :

    ~II>H Fran~oise Rlca:UR et Elisabeth ScHWARTZ, assistantes-agrcgees;\ la Faculte des Lettres d'Aix en ProvenceM. Philippe N 'G uY EN V AN M IN H, Cotlaborateur technique C.N.R.S .Seminaire d'tpistem.ologie de la Faculte des Lettres d'Aix en Pro-vence

    The Tractatus was clearly much influenced by writings on thephilosophy of science, notably by those of Hertz. Indeed \,"itt,gl"l1-stein is said to have thought that Herg) name ought to have beenadded to those of Frege and Russell as one of the begcttcrs ' ofthe book. To be sure, such anecdotes do not prove wry much :he also spoke of Paul Ernst , a figure now lit tle known outside Gr-rman-speaking lands, as a name that ought tu hay!' been mentioned.And there are other influences of great importancc-e-Schopcnhaucr,for example - if not quite so many as the more imaginarivr- expo-nents of Q.uellenforschung have been able to discover :

    Hie tiber est in quo quaerit sua dogmata quisque,Inveni t et pari ter dogmata quisque sua.But to return to Hertz: many excellent discussions - 1 will

    signalize only that of Mr. J. P. Griffin - have brought out just;-what Wittgenstein got from him. Hertz thought that (lUI' mindswere capable of making pictures or representations of rcnlity andin such a way that the possible variations or alterations of theelements in the representation faithfully mirrored all the differentpossibilties for the physical system in question. \\'ing(,llStt'in~ generalized this and took it not merely for an account Clf how

    , natural science was possible for us but for something much more"general, an account of how thought and language wen- possible.This was one respect in which the human race could not err:we can indeed say false things, but they are at any rate false. ',\'(.can often not be sure that they are true: we can always he surethat they are either true or false. This insight - the' n'allzatiClnthat there was a framework within which the world was contained,the knowledge of which framework was logic, that logic, in this

    St(1ltDi,e-intl:rpr~tt :M. Jacques PLAMANDON, Departement de Philosophic, Faculte desArts, Universi te de Sherbrooke, Quebec

    to Communicat ions sont ici impr imees dans leur texte original, all e-

    mand, anglais ou fran~ais. Elles sont suivies d'un compte-rendu resumede Ja d iscussion, en fran~ai s, bien que les langues de t rava il du Col loquealent ete I'angla is et le rran~a is.

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    jli E. K. SPECHT

    M. BLAr.K:En effet, tout eeci est li~1une id~e primitive de I'cspace. .Nnus ne pouvons mcme pas imagin~r une vie sans ees n~ccssltk.

    M. Rou\ItU~F.:Que devient la pr~ntation axiomat ique tel le qu 'on la t rouve chez Hilbert.

    Drs deux axiomcsx = = x

    BERGSON ET WITfGENSTEINpar J.-C. PARIENTE

    ..I x = y - (P(x) - P(y.on deduit 1 3 sym~trie et la transitivit~ de l'identit~. Quel rapport exactv : l. t. il ent re les convent ions primitivcs et let convent ions d~riv~?. C'est-a-dire quel est le statut des r~gles d'inf~rence. quelle est la naturedu passage des "conventions originaires" aux "conventions d~riv~es" ?M. BL\CK:La logique pure et simple,M. SPECHT:D'aeeord.J 'a imerai5 maintcnant poser une quest ion 1 Monsieur Black, concernantles standards. Nous sommcs d'accord, I 'a p r io r i est standard. Mais comment

    ch.'\nger une experience en standard ?M. BI.\I,;K:II v :Ien elfet des cas explicites, mais le probleme resout les autres cas.(,'cst.A.dire 1 ( " 5 cas synth~tiques. Le seul fait qu'on les maintienne absolument

    n 'est pas suffi5ant. Par exemple , certaines proposit ions empiriques serontmaintenues plus longtemps que d'aut res qui sont a pr io r i: on abandonncraplutet telle propriete de l'espace (comme le recouvrement d'un triangle;stl('clepar lui meme) que la proposition "je suis vivant",

    1

    r-I

    Un philosophe n'est pas irrationaliste par cela scul qu'il reconnaltqu'une partie de la r~alit~ echappe aux prises de l'cntendcrncntet qu'il existe de I'inconnaissable; Descartes ou Kant ont rnemepu se donner pour tache de definir les limites de la raison sanscesser d'etre et de passer pour des rationalistes. Dans I'E ss ai s urles do nnles im mldiales de la co nsc ienc e (1889), Bergson concluait arineffabilit~ de la duree et de lout ce qui releve d'elle, en particulicrI'individualit~ et la liberte ; it n'aurait peut-etre pas pour autant~t~ consid~r~ comme un penseur romantique et quasi-mystiquesi, d'une part, on nc tenait pas les theses de PEssai pour une simplepr~figuration de celles de I' lJolu tion "Iatr ice (1907) et des Deuxs ou rc es d e l a m or al e e t d e l a r el ig io n (1932), et si, d'autre part et surtout,on evitait de couper les conclusions de leurs premisses et de ncretenir du premier bergsonisme qu'une image singuliercment muti-Me, Le s conclusions de I'Essai ne sont pas, en effet, posecs arbi-trairement; elles ne resultent pas d'une intuition incontrolablc,mais ellcs se fondent sur une analyse cohercnte des conditions de'possibilit~ d'un discours signifiant : si Bergson affirme I'ineffahilitede la duree et des r~alitb qui lui sont lices, c'est parce qu'il decoulcde cette analyse qu'aucun discours ne peut a la fois les prendrepour objet et presenter un sens. On s'efforcera ici de reconstitucrcette analyse et d'cn ~clairer la logique en la confrontant aveccelle du Tractatus j mais on ne menera pas cette confrontation sansespercr qu'clle contribue en retour a meUre en evidence Ics lignesde force et l'originalite du Tra&tatus.Telles qu'elles viennent dttre rappelees, les conclusions de I'Essaiposent une question delicate. Consid~rons seulernent Ie cas de la

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    38 j -c, I'ARIENTE nERCSON ET WITTCENSTEIN 39liberte : Bergson ne cherche ni a la definir ni a en demontrer lar~a1itc!. II ~tablit au contraire qu'on ne peut pas la definir et qu'ondoit se bomer 3 la constater (I) ; elle ne fait probleme que lorsqu'onessaie de((rendre l 'idee de liberte dans une langue O U elle est evidem-ment intraduisible (p, 166): c'est en ce sens que la liberte estineffable. Mais il est constant que la liberte n'est pas simplementineffable, et qu'elle est objet de discours en ceci au moins que Bergsondit qu'elle est ineffable. Ne dolt-on pas se demander si pour ~trepleinement d'accord avec lui-mente, Bergson n'aurait pas dOobserverun silence total sur la Iibertc!? et l'existence du troisieme chapitrede I'E ssa i : (( De l'organisation des e!tats de conscience. La liberte,ne met-elle pas aussi gravement en danger les th~es memes quiy sont dc!fendues que Ie font les affirmations du T,aclatus sur lelangage pour la theorie de la proposition comme image? Commentpeut-on donc valablement dire de la liberte ou, en g~nc!ral, d'unobjet A qu'il est ineffable, c'cst 13un des problemes les plus difficilesque pose I'Essai.On accordera en effet que l'ineffabilite n'est pas une propriete

    qu'on puisse ajoutcr sans precaution aux autres propric!t~ qu'ona d~ja attribuces 3 A, comme la rondeur ou la petitesse. Un c!noncc!comme ((A est rond, petit et ineffable cst un non-sees parce queI'attribution des deux premieres propri~t~ presuppose cela memequ'exclut I'attribution de la troisieme : qu'on peut dire quelquechose de A. Un tel non-seas ne se confond pas avec la contradictionqu'il y aurait 3 affirmer que A est rond, petit et grand (ou carre) :dans ce cas, les proprietes attribuees a A seraient sur Ie meme planmais incompatibles entre eUes. Entre ineffable et cc petit it y aune diffe!rence de plan qui vient de ce que le predicat de petitesseest accorde ou non a A en vertu d'une comparaison entre A etd'autres objets du monde, tandis que le predicat d'ineffabilitel'est ou non en vertu d'une comparaison entre A et les ressourcesdescriptivcs ou expressives du langage dont on dispose pour parler,ou cssayer de parler de lui. La preuve la plus nette de eeue diffc!rencede plan, c'cst que (c petit exclut seulement cc grand mais n'interditni cc rond nicc carre ,alon que ineffable interdit c!galement chacun

    de ces quatre autres termes. En bref, sur le plan linguistique,A est petit presente la memc forme que ((A est ineffable ; mais,sur le plan logique, on constate que ccs deux e!n(lnc~s n'obeisscntpas aux memes conditions:1) parce que, si le premier est constructible dans un langage

    L, Ie second releve d'un nivcau metalinguistique par rapport a L;2) parce que, si lc second enonce est vrai, it interdit que soit

    forme! en L un enonce quelconque portant sur A.11est donc impossible d'affirmer I 'ineffabilite de A en considerant

    tour 3 tour chacune des proprietes que le langage L permct delui accorder jusqu'a ce qu'on decouvre l'ineffabilite parmi alles,Dans ces conditions, comment peut-on former I'!nonce!((A cst in-effable ? il n'existe, semble-t-it, qu'un moyen d'y parvcnir : etablir,en considerant seulernent la Iacon dont A nous cst donne, qu'il nepeut faire I'objet d'un enonce signifiant en L. II est clair que lese!nonc~ concernant les conditions dans lesquelles A nous est donnene doivent pas ~tre formulables dans le langage L: sans quoi,on se heurterait a nouveau aux difficultcs signalees dans Ie paragra-phe precedent quand on affirmcrait l'ineffabilite de A en L. SiI'on considere ce point commc accorde, le processus conduisanta I'c!nonc~ A est ineffable pourrait se decomposer de la rnanieresuivante:I) on etablit les conditions dans lesquelles A est donne;2) on etablit qu'elles sont incompatibles avec les conditions dans

    lesquellcs les c!nonc~ de L ont un sens ;3) on conelut que A est ineffable en L.II semble que ce soit un processus de ce genre qui est a l'ceuvredans I'aphorisme (I ) 4.1212 du T ra cta tu s : ( (Ce qui peul ctrc montre!

    tie p eu t p as etre dit ; Wittgenstein affirme que la forme logique dela proposition ne pcut pas etre dite parce qu'elle se donne parmonstration et qu'il y a incompatibilite entre la monstration etI'enonciation. On voudrait etablir que Bergson suit dans I ' I : . ' " s s a iune demarche tout a fait proche de celie de Wittgenstein.

    (11 cr . wai, 53- ~., Paris, 1946, p. 165: .. Toule d~finition de I.Iibert~ donnerara ison au de lenn inisme l) e t p. 166 : La l iberl~ e ll done un fa it , e t, pa rmi le s f ai ll queI'on eOllllalc. i1 n'cn est pu de plw clair,. (2) Now Iuivonl Id une luggestion Icrminologiquc de Mr. G. Cranger: c r. Will,,,.-linn, Paris, 1969, p. 22.

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    40 J . -C. PARIEllrrt:II

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    C'est sur Ie plan du concept, er non de l'enonce, que se situe laproblematique de I' Essai, La question de savoir si un ~nonc~ estsignifiant s 'idcntif ie a celie de savoir si une relat ion peut etre ~tablieentre Ie sujct et Ie predicat de cet ~nonc~. Pour resoudre ce pro-bleme a son niveau le plus general, il faut definir les conditionsde I'application des concepts aux objets; cette tache accomplie,on possedera un critere permettant de determiner si Ie conceptP est applicable it I'objet S: si oui, l'~nonct ou le nom de S figurecomme sujet et P comme predicat aura un sens ; si non, ce memet!nonc~ sera un non-seas. 1 1 n'est donc pas surprenant qu'on trouvedans I'Essai les elements principaux d'une doctrine, d'aiJIeurs tra-dit ionnelle, du concept.Sur ce point, le seule originalite de Bergson reside dans la forme

    p ole miq ue e t critique qu'il donne a l a p re s en t a ti o n de ce s e l emen t s,Quand il reproche au concept d'etre ( ban al, brutal, d'ecraserla sensation a laquelle i l est applique, it ne fait que reconnaftrel 'existence de l 'extension des concepts; si ces reproches sont m~rit~,c'cst en effet parce que les concepts se diflerenclcnt des termessinguliers en ce qu'ils valent pour une classe d'objets, et non pourun objet unique: des lors, ils n'ont pas pour Ionction de represcnterun objet dans les moindres nuances de sa singularite, Mais onne voit pas de quelle utilite serait un ~I~ment de representationiterable a tous les membrcs d'une classc si, en passant d'un mcmbrea l 'autre, cet ~I~ment semodifiai t ; nous ne nous servons des conceptsque parce que nous sommes assures de leur invariance: c'est ellequi s 'exprime dans leur comprehension, c 'est-a-dire dans la presenced'un nombrc Mfini de traits pertinents propres a chaque conceptet Ie differenciant des autres, Bergson fait allusion a cette secondecaracteristique des concepts quand il parle de leur stabi1it~, deleur Iixite, et, plus particuliercmcnt, quand il insiste sur la netteteavec laquelle lcs concepts se distinguent les uns des autrcs. Carc'est la un des points sur Iesquels Bergson revient le plus frc!quem-ment: la pensee conceptuelle est li~e a la possibilitc! de distinctionstranchees ; et, si nous ne pouvons recourir a elle dans l'apprehensiondes donnees irnmcdiates de la conscience, c'est que ces donnees sepr~sentent a nous scIon des modalites qui n'excluent pas la distinction,puisqu'elles possedent un certain type de multiplicitc!, mais quiexclucnt Its distinctions nettes,

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    .-----~------ ~---------RF.RGSON F.T WilTCENSTEIS 41

    Sur la nature du concept, la doctrine de l' Essai ne rnanifestedonc point d'originalite, Le bcrgsonismc proprcmcnt dit common-ce avec la reponse qu'il donne a la question de I'application desconcepts: qucls sont les caractercs que la r~alitt doit presenterpour que nous puissions l'exprimcr a l'aide de concepts? car l'Essaise propose d'ctublir que toute rcalitc! qui sc laisse cxprimcr parconcepts cst de nature spariale. Commcnt se prescntc alors laspatial ite ?Pour bien comprendre I'analyse qu'cn donne Bergson, il sembleutile de partir de la distinction qu'il introduit entre I'tspnet ctI'/undue. L'etendue, c'cst le milieu dans lcqucl se dcplace l'anirnalqui parcourt plusicurs kilometres pour regagner sa demeure ic'cstegalement Ie milieu dans lcqucl nous distinguons spontanementnotre droite de notre gauche, alors meme que nous echouons ales definir abstraitemcnt. L'etenduc n'est done pas lic!ea l'homrne,mais clle releve du vivant en gc!neral. Sans ctrc ahsolument htte-rogene, comme le sera la durec, cllc cnvcloppc des differencesqualitat ivcs dont la perception consti tue 1(:fond de notre experiencedu monde (Essai, p. 71-72). Le lien qu'clle cntrctient ainsi avecla quali te distingue rigourcuscmcnt l 'e tenduc de l 'cspacc, car l 'cspacea pour traits esscnticls d'etre un milieu homogenc et indc!fini.

    II n'y a guere d'autre definition possible de I'cspaee: c'est cequi nous permet de distinguer l'unc de "autre plusieurs sensationsidcntiques et simultanees (op. cit, P: 70. il). Meme si I'on n'estpas sur de comprendre c1airement a quellc experience Bergsonfait ici allusion, Ie sens de son propos est assez net: les sensationssont identiques afin de nc point se distinguer les unes des autrespar des differences de qualite, elles sont simultanees afin que soitecartee la possibilite de les distingucr dans Ie temps isi, dans cesconditions, nous reussissons quand m e m , . : . Ies distinguer, ce nepeut ctre qu'en les situant chacune en un point defini de l'cspace.Et deux points de l'espacc, non de l'etcndue, n'ayant pas d'nutre

    relation que d'etre differcnts I 'un de I 'autrc tout en ~tant simultuncs,placer les objets dans l'espace revicnt a instaurer entre eux un rapportd'exteriorlte reciproque en quoi consistc la difference a l'etat purou, plus cxaetement peut-etre, dans sa forme vide. Si clle est videde contenu, la differenciation qui sc realise dans l'espace offre enrevanche l'avantage de se laisser pousser aussi loin qu'on Ie desire:~tant indtfiniment divisible, l'espace permet en effet de resscrrertoujours davantage les mailles du filet dans lequel nous captons

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    Irs objets, de constituer des syst~mes de rc!fc!rence aussi fins qu'onle souhaite.Arr~tons-nous main tenant a I'homogc!nc!itc!.En tant qu'homogene,

    l'espace n'admet pas les diffc!renccs qualitatives, Mais l'homogc!nc!itc!est egalement responsable d'une autre propriete de l'espace, sonunicite (o/,. eit., p, 73). L'importance de cette propriete pour laquestion qui nous occupe apparaftra mieux plus loin; disons simple-ment ici que c'est elle qui permet a Bergson d'ecrire sans ml taplroreque le temps de la physique est un espace (3). C'est qu'il ne sauraity avoir plusieurs milieux homogenes et diffc!rents les uns des autres :pour diffe!rer, ils devraient se distinguer par quelque qualite, et,s'i1s presentaient des qualites, ils cesseraient d'etre homogene s ,L'homogc!n6te! dans I'Essai, c'est plus que I'uniformite dans laqualite, c'est l'absence de toute qualite (p. 73), car au fond, pourBergson, la qualite est incompatible avec l'uniformite, Quand onpercoit la vigueur, on dirait volontiers la brutalite, avec laquelleBergson usc de cette opposition entre qualitatif et spatial, on estsurpris que sa pensee ait pu passer pour indc!cise ou floue.Quoi qu'il en soit, it resulte de cette analyse que l'espace est lemilieu dans lequel, et dans lequel seul, des invariants peuvent se

    repcter. Dans la duree, en tant qu'elle est distinguc!e du temps dela science, on nc peut escompter la repetition en deux instantsdiffc!rents d'un c!1c!mentidentique a lui-meme, car, en meme tempsqu'i l passe du premier au second instant, 1'c!Ie!ment considc!rc! setransforme. La duree est un milieu dans lequel la differenciationse cumule sans cesse avec elle-meme, de sorte que les categoriesdu meme, de I'idcntique, de la repetition n'y peuvent aucunementavoir cours. Par son indiffc!rence fonciere a la qualite, l'espace estau contraire propice a I'identitc! et II la rc!pc!tition.On comprend alors sans peine la complicitc! et comme la conna-turalite du conceptuel et du spatial. Si le concept est un invariant

    iterable, il ne peut s'appliquer correctement que III O U il rencontredes rc!alit~ capablcs de rester identiques a elles-memes tout en serc!pe!tant; et, si de telles rc!alit~ n'appartiennent qu'a l'espace,Ie langage ordinaire ne pcut par consequent exprimer que les objetsdonnes dans l'espace, ( II y a une correlation intime entre la

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    (3) L'apaee anpJoyi 1 eet UI8F at pftciKment ee qu'on appelle Ie tanps bomo-gtnc.. (ofl . tir., p. 90).

    RERGSONET WITrGENSTEIN 43facultc! de concevoir un milieu homogene, tel que l'cspace, et eellede penser par idees gc!nc!ralcs (op. eit.; p. 122-123). Quoique diverspassages de I' Essai trahissent une certaine inquietude, Bergson nes'y demande jamais franchement comment cette theorie du langageest compatible avec la redaction d'un livre ot'! il pretend bien tenirun discours signifiant sur des r~alitc!s non-spatiales. Mais I 'intcntionde I'ensemble apparalt clairement: il s'agit d'etablir que nous nepouvons former dans le langage quotidien d'tnoncc!s signifiants quesi nous parlous des objets materiels, donnes dans .l'espace. C'estIII le seul cas O U nos enonces scient assures d'avoir un sens, parceque c'est le seul cas O U soient identiques les conditions de possibi)it~de l'expression et celles de l'exprime, La proposition douee desens possede selon Ie TrQdt lWs Ia m~me forme logique que le faitdont elle est I'image : la these bergsonienne se rapproche singul iere-ment de celle de Wittgenstcin, s 'i l est vrai que Ics c!1c!mentscommunsau conceptuel et au spatial resident dans la relation positive qu'i1sentretiennent l'un et l'autre avec les categories de I'identite et dela rc!pc!tition. Mais Wittgcnstein se montre plus exigeant que Berg-son: la presence du sens ne depend pas selon lui d'une simpleaffinitc! d'ensemble entre les mots et les choses, affinnc!e une foispour toutes et en gc!nc!ral; elle requiert (cf. Tractalus, 4.04) quesoit vc!rific!epour c l u J q u e proposition l'identlte de sa forme logiqueavec celle du fait correspondant, alors que Bergson dc!finil unecondition tr~ large, valable pour tout concept et pour toute chosedonnee dans l'espace. 11 n'en reste pas moins que tous les deuxplacent la signifiance dans une communaute de forme logiqueentre l 'expression et I 'exprime.Dans ees conditions, on ne dendra pas pour une rencontrefortuite le fait que Bergson soit lui aussi amene IIemployer le termed 'image (Es st li , p. 135) pour caracteriser la representation adequatedu reel ; on verra plutet dans cette coincidence terminologiqueIe r!sultal et l 'indice de la convergence que nous essayons de dc!crire.L'usage que fait Bergson de la notion d'image se comprendra mieuxsi I'on suit le reseau dont elle forme l'un des noeuds. Lorsque serealise l'identite de forme entre expression et exprime, Bergsonqualifie l'expression d'immc!diate. ccImmediat n'cst pas dans I'Essaisynonyme de accessible des la premiere inspection ou de cc super-ficiel. L'immc!diatetc! n'est pas une qualite des choses, mais dela fa~on dont nous les apprehendons ; et notre apprc!hension enest, comme le veut I'c!tymologie, immediate, lorsqu'ellc se rblisc

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    j-c, PARIENTF.

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    conformement a la nature de la chose apprehendee, c'est-a-direlorsqu'elJe se realise en un milieu identique au milieu dans lequella chose existe et qu'elle ne fait done pas appel a un milieu de re-presentat ion qui serait difTc!rentdu milieu d'existence. C'est pour-quoi est dite imm~diate I'apprthension de la duree sous formequalitative (op. dt., p. 95) ; mais est tgalement dit immediat ledenombrcment d'objelS materiels, puisque, pour lcs compter, itsuffit de les situer dans l'espace auquel ils appartiennent dc!ja parnature (ibid., p. 65). Au contrairc, une representation qui nes'obtient qu'en deployant ou en projetant I'objet considere dans unmilieu different de son milieu d'existencc propre est une rcprescnta-tion symbotique: nous ne pouvons pas nombrer les faits de con-science sans les c!taler dans l'espace. Une representation symboliqueest done le contraire d'une representation immediate ; elle n'estpas adequate au represente et, pour revenir au terme rneme deBergson, elle n'en est pas une image. L'exemple qui illustre cetteopposition entre symbole et image ne laisse aucun doute sur laportee que Bergson lui reconnaft. Un trait reliant deux pointscst une image de Ia marc he d'une armee entre deux villes : la simul-t ;\nt it~ des deux points figure convenablement celle des deux vil lcs,et le trait peut etre aussi sinueux que l'est eventuellement le trajetsuivi par I'armee, En revanche, le meme trait trace entre lcs deuxmemes points nepeut ctre qu'un symbole de l'activite d'une consciencequi delibere : d'une part, en effet, pour arreter le trait, it faut sedonner son terme aussi bien que son origine, et pour se donner leterme, il faut considerer la decision comme prise, alors qu'on pre-tendait figurer le mouvement meme de la deliberation ; d'autrepart, le rnoi qui delibere se transforme sans cesse, et rien dans leschema ne correspond a cette alteration continue (it faudrait,par exemple, que notre trait change sans cesse de couleur), dememe, du reste, que rien n'y correspond a la constante cumulationde son experience avec elle-meme (it faudrait peut-etre un traitqui aille en s'c!paississant toujours). En projetant sur l'espace cequi releve de Ja duree, nous d~figurons au lieu de figurer: riend'c!tonnant des Jors si les enonces dans lesquels nous commentonsun tel schema n'aboutissent qu'a des non - s e n s , Bergson ne definitdone pas expressement la proposition signifiante comme une imagedu fait; mais it se eonforme a une inspiration bien proche de cellede Wittgenstein puisqu'il reconnalt que la proposition signifianteest dans son ordre ce que I'image est dans le sien, une representation

    dont les conditions de possihili tc sont identiques a cclles de I'ohietrcprcscnre, et puisque, a ce titre, il les oppose toutes les deux ausymbolc,Pris cn cctte acccption, Ie syrnbolisme dans I'Essai se trouve du

    cott de ce que Ie Tractatus appclle non-sens, Sans doute, \ \, il t~f~n-stein distinguc-t-il plusieurs cspeces de non-seas, et le non-sons despropositions portant sur des proprietes ou relations internes (4.122)n'est-il pas de meme nature que celui des propositions concernantles valeurs (GAl). Mais dans I'un ct l'autre cas, it y a non-sonsparcc que nous avons preteudu depcindre quelque chose qui n'estpas de I'ordre des faits. Parallelcment, lcs non-sons que dcnoncI'Essai ont pour origine commune la volonte d'appliquer a des faitsqui rclevcnt de la duree des concepts qui relevent de I'espacc. Leclivage n'est pas lc meme chez les deux philosophes : it passe pourBergson entre l'espace ella duree, et pour Wittgenstein entre cea quoi convient ct ce a quoi ne convient pas la catcgorie du fait,Mais, ccuc difference admisc, l'argumentation suit les memes liguesde force.Tout le troisiemc chapitrc de I'Essai est consacrc it I'analvsc desnon-sons que I'on proferc ineluctablemcnt chaque fois qu'on cssaie

    de definir la liberte, Bergson n 'utilise pas le terme rneme de non-scns ; il parte de question vide de sens ou de mots qui perdcnt toute cspece de signification. Mais i test notable que, a un momentou it un autre, it utilise ces formulcs a propos de chacune des troisdefinitions de la liberte qu'il critique successivement. Veut-ondtfinir l'actc librc comme celui qui aurait pu ne pas etre accompli?je repondrais que la question cst vide de sens (Elsai, p. 135).Si 1'0n se tourne d'un autre cott!, c'est done une question videde sens que cclle-ci : I'acte pouvait-il ou ne pouvait-il pas etreprevu, etant donne l'cnscmblc eomplct de ses antecedents? (p. 142).L'acte libre serait-il alors cclui qui n'cst pas necessairement determinepar sa cause? mais I'idce meme de determination necessaire perdici toute cspece de signification (p. 179). Ainsi I'Isa; se termine-t-it par I'elucidatlon de quelques c!chantillons d'une utilisationpathologique du langage. Bergson ne se contente pas, comme leWittgetlstcin du Traaatus, de poser les bornes au dela desquellesregne Ie uou-scns ; it ptnclre dans son domaine, el met en evidencele mecanisme qui est responsable, dans chacun des trois cas discut~s,de la production du non-seas.A titre d 'exemplc, nous lc suivrons ici dans l 'exarnen de la premiere

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    ------- ..__ .._-".._ _ ._----------------_.46 j-c, rARIENTF. BERGSON F.l WllTGENSTF.llI. 47

    -d~finition de la liberte, dont nous avons de!ja evoque Ie principe( o p. e it ., p. 131-137). Pourquoi est-ce un non-sons de considererl'acte lihre comme cclui qui a donne! lieu a hesitation, a choixentre les deux termes d'une alternative et qui aurait pu ne pasetre accompli? Parce que cette d~finition repose sur une figurationsymbolique au cours de laquelle on projette Ia duree sur I'espace :on se represente Ie moi arrivant au point 0 et trouvant devant luideux directions OX et OY ~galement ouvertes entre lesquellesM il doit choisir. Mais c'est pre!cise!ment la que se

    trouve l'iIIusion: pour Ie moi concret et vivant,au moment ot'! i1 traversait l'instant de sa dureefigure! par Ie point 0, les points X et Y n'avaientpas d'cxistence reelle, puisque l'instant 0 estanterieur a l'instant ot'! Ie moi accomplit I'acte

    X Y choisi ; a fortiori, n'etaient-ils pas nettement s~par~comme deux points d'une carte. En representant les instants pardes points, nons traitons comme simultanes des moments de l'expe-rience qui dans la realite etaient successifs, et nous annulons l 'essen-tiel, la maturation continue au cours de laquelle Ie moi a crU ladirection qu'it a en fin de compte prise: ainsi nalt le non-sens,Sur la base qu'i t fournit , les ~noncb pathologiqucs vont proliferer.

    On ne pourra eviter la contradiction que pour tomber dans latautologie. Contradiction: car si I'on presse la representationspatiale qu'on vient de donner, on ne peut aboutir qu'au determi-nisme (p, 134). Supposons en effet que le moi ait finalement optepour X: si I'on veut obtenir un schema fidele a l 'cnsemhle desdonnees, iI faut donc placer en 0 non une subjectivite indifferente,mais une subjcctivite incHnant d~ja vers X. D~ lors, merne si l'onadmet que la voie OY lui reste ouverte, illui est en realite impossiblede la prendre: Ia representation spatiale de la liberte se transforme,sitOt qu'el le s'aff ine, en representat ion deterministe. Pour eehappera la contradiction, it faudra retorquer que, avant que Ie moi sesoit engage dans la direction OX, il n'y avait pas de direction OX,que, par suite, il serait errone de placer en 0 I'origine d'un vecteuroriente vers X. Mais c'est dire simplement que, avant d'ctre accom-pli, l'acte ne l'dtait pas (p. 137) et s'en tenir a cette tautologie.Comment s'etonner que d'un non-sene ne puissc decouler aucune!nonc~ correct ?On voit ic i la rigueur avec laquelle Bergson applique les r~ultats

    de son analyse, et comment it uti lise la these de I 'unicit~ de I 'espace.

    Cette th~se affirme I'identit~ de l'espace logique, celui dans lequelles concepts se distingucnt les uns des autres, avec l'espace deschoses, dans lequel se rangent lcs objets materiels de notre experience,D'ou il r~ulte que ce qui ne se trouve pas dans l'espace des chosesn'admet non plus aucune relation avec l'espace logique, et ne seprete donc pas a la conceptualisation. C'cst pourquoi sera non-senstout ~nonc~ portant sur une rc!aHtc!que sa nature interdit d' ima-ginere ; or, l'imagination qui est a l'oeuvre sous le langage etantde nature spatiale, ce qui releve de la duree refuse d'etre imagine!et ne peut donner lieu qU'a des non-sens si I'on entreprend d'enparler. SitOt qu'on a reconnu que quelque chose appartient aI'ordre de la duree, il faut renoncer a I'exprimer conceptuellementet en avouer l'ineffabilite : telle est la reponse bergsonienne a laquestion de savoir comment on peut dire d 'un objet qu'it est ineffable.Nous ne nous demanderons pas ici quel est alors le statut du

    langage dans lequel Bergson parle de la liberte, Mcme si I'onremarque que ce qu'il dit est tr~s frc!quemment negatif, il reste dansI'Essai quelques pages qui visent a decrire positivement l'acte libre,le moi profond ou la duree et qui soulevent, on I'a d~ja dit, nnequestion diffici le . Nous nous bornerons, pour poursuivre Ie paralleleavec Wittgenstein, a signaler que Bergson a e!galement note!I'existenced'enonces vides de sens bien diff~rcnts des non-sens crit iques dansI'Essai, Mais ee n'est plus dans I' Essai, c 'est dans fA pensle eI lemOUlIan t (1934) que cette categorie d'enonces est examinee parBergson. II y enseigne (po 49) qu'un concept se videra de toutesignification d~s qu'on l'appliquera a la totalite des chosese : nousne pouvons former une proposition comme ( tout est mecanismeou t out est velonte qu'a condition de prendre le predicat en uneacception si large que son sens en soit completement exte!nu~.Bien que Bergson emploie dans les deux cas I'expression ( videde sens ou des expressions parentes, it est ~vident que le Co'U desenonees relatifs a la liberte est bien diff~rent de celui des c!noncaqui pretendent a la validite universelle : les premiers n'ont jamaisde sens, on a vu pourquoi; les seconds representent, si I'on peutdire, une varic!tc! d~gc!ne!rc!e,car leur predicat a en lui-me me unsens bien dc!terminc! qu'il ne perd que parce qu'on croit pouvoirI'appliquer d'un seul coup a la totalite du reel, De tels c!nonc~correspondent a ceux que le Traclatus appelle lui aussi " ides desens ( si nn /o s) ; car ils partagent avec la tautologie ou la contradic-tion wittgensteiniennes la propri~t~ de ne rien dire sur le reel, de

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    48 J .c. rARIENTf

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    n'apporter sur lui aucune information. . eertes, . ~es e!noncc!snejouent pas dans le bergsonisme une foncuon aUSSIimportante quedans le Tractatus O U la theorie de la logique est l i c ! e ? t. l'analyse deces propositions-limites que constituent les tautologies et les c~ntra-dictions' la tautologie, en part iculier, indique, comme le signale6.124,q~clque chose au sujet du monde en dc!terminant la .Slructur~de l'espace logique. Mais it est notable que Bergson ~lt C!t~I~Iaus.siamcne a definir un usage limite du langage, un seuil de Slgnl-fiance que les tnoncc!sdoivent avoir franchi pour etre capables devehiculer une information.En prenant un peu de recul, on constate done la presence dansl'eeuvre de Bergson comme dans celle de Wittg~nste~~ du ~emedispositiflogique. Ce que nous entendons par dlSpoSIUf!ogt.que",c'est cette tripartition des c!noncc!sen non-sons, enonces sl.gnlfiantset enonces vides de scns, Sa presence chez les deux philosophesest d'autant plus remarquable qu'il n'y a pas lieu ~e parler ~'in-lluence rcciproque. Le Tmetatus date de 1921 et n a c!tc!publie ? t.Londres qu'en 1922; Bergson avait a cette c!poqu~prcsqu~ achev.~sa carriere philosophique. Mais il reste que Wlttgenstetn avaitune certaine connaissancc de l'oeuvre dc Bergson. Dans un recententretien, Mr. G. H. von Wright a bien voulu nous confier queWittgenstcin lui avait un jour parle dc Ber~n c : omme ~'un((mauvais architecte en philosophic" ( a h a d ph ll os o phu :a l a rc /u te ") .II serait certes passionnant de savoir cn ~uoi consis~t aux yeuxde Wittgenstein l'architecture du bcrgsontsme. Mais, quelle quesoh l'acccption dans laquclle it employait ce mot, la forme memede son propos (t) suggere que Wittgenstein acceptait certains aspectsdu bergsonisme. Ces aspects c!taient peut-etre bi~n diffc!rents.deceux que nous avons pris ici pour base de comparaison ; du mOIN,le mot de Witlgenstein atlesle-t-i1 que la comparaison n'est pasdenuee de sens. C'est pourquoi nous la poursuivrons en cssayant depreeiser, pour conclure, les lignes scion Icsquelles se sc!parent 1esdeux pensees que nous avons jusqu'ici rapprochc!es.

    I I I

    (4) Nou..remadons Ie proCcsscurvon Wright de now avolr autoris~ l en falre ~Illt.

    Nous avons c!t~surpris de rcncontrer un merne dispositif chezdes philosophes que bien des chosesscparcnt ; iJ est, a certains c.

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    52 j-c, !'ARIENTt: nF.Rc.sos t:T WITTC.ES~TEtN 53abruptement d'introduire en elle la moindre nuance, la moindrevariation. A soi pareil, tel est pour Bergson comme pour Mal-larme I'espace.Le statut de la spatialite dans le Tractatus ( 1 ) cst bien differeu; :d'abord parce que Wittgenstein ne considerc pas la spatialitc commeune dimension privilegiee des objets, cnsuite parco qu'il introduitdes distinctions Ii O U Bergson visait a unifier. Dans le Tractatus,la spatialite est souvent mise sur Ie meme plan que la tcmporalite(par excmple , en 6.3611) iellc est me rn c p ar fo i s a ss o ci ce a la coulcur,ou plutot a la possession d'une couleur, comme forme de I'objet,en Ull aphorisme (2.0251) ou Wittgcnstein recuse la differencedassiquc des qualites premieres cl des qualites secondcs, La spatialiten'apparalt donc pour I'objet que commc une forme panni d'autrcs,J 'objet considere pouvant obtenir de plusicurs mauieres dillerentcsson occurrence dans tel ou tel etat de choses. Mcme en ce quiconcerne le s objets materiels, il n'y a pas lieu scion Wittgcnstcind'attribuer i la spatialite Ie privilege qui lui conlerait I' Essai.D'autre part, le Tractatus admet unc conception pluralistc de

    la spatialite. Mcme au niveau de l'espace geomdtrique, il ne serepresente pas l 'espace comme detenant des proprictes determineesune Iois pour toutes. On se rappelle que Bergson voyait dans leparadoxe des objets symetriques un argument en faveur de la dis-tinction de I'espace et de l'etendue : diflerenciees par la perception,bien que I'entendement ne puisse les discerner, la droite ella gauchesont des qualites qui, comme telles, ne relevcnt pas de I'espacehomogene, On comparera avec ce passage de I'Essai l'aphorisme6.36111 ou Wittgenstein traite lui aussi du paradoxe kanticn, maispour souligner qu'il disparail quand on se donne un espace a quatredimensions. Ai ns i le meme philosopheme est-il employe par l'unpour appuyer sa these de I'unicite de l'espacc, et par l'autrc pourrclativiser et plural iser la notion d'cspace.Mais la difference peut-etre la plus importante entre lcs deux

    philosophes reside dans leur analyse de l'espace logique. On avu que, pour Bergson, ce qui en tenait lieu possedait les memesproprictes que I'espace O U sont les choses. Pour '" ittgellstein aucontraire, l'espace logique ne se confond aucuncment avec ce

    dernicr : Ie premier definit un systemc cit: rcpcragc valable puur toutmonde possible, Ie second cst li~ au monde reel ; chaque point < I t tpremier est occupe par un fait, chaquc point du second par unechose (8). C'est cc qui cxpliquc que Ie clivage fondarnental dupoint de vue de la signification ne soit pas Ie mcmc dans I.'s deuxsystemcs, Pour Bergson, iI passe entre cc qui est dans l'espace deschoses et, par suite, aussi dans l'espacc logiquc, ct cc qui n\'11 rvlevepas. Pour Wittgenslcin, il passe entre cc qui est et ce qui n'estpas un fait. Solon I'Essai, les concepts sont unis entre cux par lamernc relation que les choses rnatericllcs entrcticnnent entre clh-s,Scion Ie Tractntus, pour qu'une proposition ait un sens, il faut qll"'IIrpart age avec Ie fait dont elle est I'image une meme forme logiqu,mais non neccssaircmcnt une forme spntialc (2.182).A cet egard, une breve comparaison des deux analvsi-s de la

    causalite peut etre aussi eclairante que celie qu'on a esquisscc plushaut a propos des objets symetriques, Car Bergson et Wittgrnstrinsont d'accord pour affirmer que lc principc de causalitc n'oflre pasde caracterc neccssairc (voir Essai, pp. 156 sqq.; Tractatus, 5.13.~ -5.1361). Mais, scion Bergson, fidelc au clivage entre spatial ctnon-spatial, on croira a sa nccessite si I'on supprime l'action de ladurec en projetant les phenomenes dans l'espace, Selon Wittgen-stein, cctte croyance est superstition parce que la nccessite nc pcutctre que Iogique : le Traaatus se place toujours au point de vue despropositions et de leurs relations dans l'espace logique.On voit done comment ccue difference des deux conceptions de

    la spatialite commande toutes les differences que nous avons relc-vees entre I'Essai et le Tractatus. Ce dont on peut parler ( i t . I'aidedu langage ordinaire), dit le premier, est ce qui est dans l'cspacc ;Ie second replique : ce dont on peut parler, c'est le fait, et Ie faitse situe dans l'cspacc logique, non dans l'cspace des choses, Surcc point, Bergson et Wittgenstein sont bien eloignes l'un de "autre.Mais l'cspace logique, n'cst-cc pas encore un cspacc ? et, pt)lIrqu'on puisse employer I'expression merne d'c(espace logiquc, nefaut-il pas que ce qu'elle designc ait des caractercs communs awe)'espace des choscs, du monde et de la perception? On rcpondraqu'il nc s'ag-it que d'une metaphore ; mais alors pourquoi (tiltmetaphore P Qu'est-ce que Ie spatial? et qu'est-ce qui fait du

    (7) Sur ee point, voir G. Granger, u fIrObU",. til rtspau t.gitpJI tlJ2ruk Trdcl"tlU IIWiltlllUttill, dlUlJ L'Azt " III 1dnIa, 1968, DO 3. (8) cr. Stcnius, Willgtrutr in's rrGltd'lU, 2 . !d ., Londre s, 1964, p. 42-43.

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    54 .I.c. rARIF.NTF.spatial Ie prototype du dicihle? C'cst parcc qu'ils r~pondenl diff~-rcrnmcnt a ces question que PEssai et lc Tractatus divergent; maisc'est parce qu'ils nous intcrdisent de les oublicr qu'i1s sont desclassiqucs.

    Clermont-Ferrand.

    DISCUSSIONPrCiident : J. Vuillemin

    -M. V\JILLEMIN:Mon role de Pr6ident me donne Ie privil~e d'euvrir le d~bat par trois

    remarques :1) Sur la question des cnoncb vides de sens, on peut noter un e analogie

    avec 1" theorie des concepts formels de CARNAP.2) Sur la quest ion des espaces logique et geometrique il faut, par ail leurs,

    noter que BERGSONles confond alors que WITI'GENSTEINles oppose.En fait, d 'une part, n o u s avons deux formes d'intuitionisme tres difT~rentes.D'autres part, i ly a aussi des differences qui concernent Ie role de la science,dans ees deux doctrines. Nous le voyons dans 1 0 1 querelle qui a oppose BERO-SONer EINSTEIN.BEROSONvoulait, lui, reconstituer une meta physique par I'intuition.WnTGENSTEIN,pour sa part, fonde sa mystique sur la science.3) Pour terminer, j'ajoute simplement que chacune accorde un r61e tout

    difTerent l I'ineffable.Sur ce point RUSSELLa t r e s bien expose dans son Int roduct ion au Tradatusle point de vue de WITrGENSTEINCf. Traetalus, XX.En fait, son attitude envers l 'ineffable se developpe l partir de la theorieconcernant la logique pure.Chez BEROSONe'est different puisque I'ineffable n'est pas lie au problemede la mise en fonne.En r~ume, il est juste de dire qu'il n'y a pas une theorie de I'intuitionchez WrrroEN~nIN.M. PARIENTE:Peut-etrc est-ce une obsession mais je crois toujours que ces di fferencessont toutes liees 1la spatia lite. En effet, Ie divage passant chez Bergsonentre l'espace et la duree, l'inefTable se voit assigner un domaine positif,eelui des choses qui relevent de la duree, Chez Wittgenstein au contraire,aucun fait n'est ineffable.

    r,,

    -

    rM. VON WRIGHT:J'aimerais poser deux questions:IA p,mrib, eoncerne Bergson. Si j'ai bien compris ee que M. Pariente

    a dit, je crois qu'il a voulu mettre en avant I'idt~e que la spatialilc est unecondition nrct'ssairc de I" r(oJ>t\labilil~. Nc serait-rc pall 10111 aussi vrai dela tcmporalite ?Void ma raison. Ne pourrait-on pas elahlil entre I'ctendllc de l'espaceun rapport analogue It cclui que Ilergson etabli t entre la durcc et Ir tl 'mps?Ceci s 'appliqucrait aussi aux theories des concepts et des propositions.Par cxcmplc, nous POUII ions avnir des concepts qui sc rapportcraient Adespoints de I'cspace 01 1 :\ des points

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    "0 J.'''. 1"'KII:.i' I I'.

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    -M. BoU\'ERESSE:Alors comment donner un sens au mot "configuration" dans des expressionscomme: "Ia proposit ion clementai re est une configuration de noms". "Lefait clcmentaire est une configuration d'objets", II semble bien y avoirIAun clcment spatial irrcductible.

    M. BUel(:Non, A mon avis "configuration" ne suggere rien qui soi t spatia l. PensonsAla musique par exemple : "Configurat ion" a plu tot Ie sens de "concatena-tion" .Ains!}a proposition "the cat is on the mat". C'est un fait sur Ie papier.

    Rien n indique pourtant que c'cst une proposition. I I faut pour cela Ie saisircornme un tout,

    L 'H ERITA GE FREG EEN D U TRACTATUSpar CL. IMBERT

    , . .

    Frege a donne trois interpretations de son ideographic (I). DansIe Tractatus, \\'ittgenstcin donne une analyse souvcnt divergcntcd'un appareil symbolique analogue it cc1ui de Frege, In langue 10 -gique n'etant pas remise en cause dans ses traits csscnticls maissoumise it plusieurs simplifications.II cst curicux de constatcr qu'unc langue, crl~r(' de routes ri(-cr~.

    "it pI! dcmcurer opaque a scs auteurs et il rn'a parn intrn'!\s;lIItd'examincr Ie deplacemcnt de l'aualysc quand on progressc deFrege it Wiltgenstein, peripetie au cours de laquellc cette langued'abord miroir de l'arithrndtiquc ct des constructions de In pensccpure fut en fin presentee commc un miroir du rnondc et l'uniqucinstrument de l 'activite philosophique, si I 'on en croit la proposition4.1 12 :

    La philosophie est I 'analyse logique des pensees, ))Je me propose d'examincr :I} Le contcnu de ces ideographics succcssives.afin de discerner

    la tradition cxacte qui va de Frege 11 \\'ittgcnstcin. J'cntcnds pal 'Ii aussi bien l'enscmble des symbolcs et reglcs que Ics arguments.d'intcntion scmantiquc, qui furcnt donnes en justification par lesdeux philosophes.2) Je m'cnfforcerai ensuitc de caracteriscr les .!~~tsauxqucls ccs

    ideographies devaient satisfaire, Elles sont responsables des parcntesct des differences lout autant que In technique logique elle-rnerne.

    (I) Dans la .ui tc nous appclon .\ ideograph ic la cc. languc par ronnulc:s de la r .l i.onpurc de Frcgc er, plus gc!nc!ralcment, lOUIerilure symbolique d'une lanf(UI '1"J:i 'lUlmen. b ien fai te , Lc terme Brgriffuchrifl dbigne l 'epuseule que Frrgr. pub lia en 1879.

    . . _ _ . . - - - ~ . - - - - < _ . _ - _ . - . , . . ~ . - - . . - - - - _ . .- - - . .

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    60 (;I.. 1;\1811(1 1.'"f.1(11 A(;t . 1(.1.:\ IJI "11(.\( ;1 AII :0- " 613) Enfin je voudrais soumettre quelques conclusions sugg~r~( 's par

    ce parallelc et susceptiblcs de nourrir le debat qui nous a ~t~ propose :\\ 'i ttgenstein et le probleme d'une philosophic de la science '.

    jo nc l; on d t v lr itl (2) et de v al eu r t it " Ir it ! qui sont, semble-t-i l, indis-pensablcs a la conception d'un calcul autonome des propositions -bien qu'elles n'y suffiscnt pas commc on lc verra plus loin,Brcf Frcgc avait cree en 1879 une ","sue capable de dcpeindre

    des contenus ration nels, ct afin qu'aucun raisonncmcnt nc soit dissi-mule cornme il arrive dans les ellipses dc la langue naturelh-, ilimposa quelques tournures pri\' il~gi~es et explicites, celles-la ml~nll'!Iqu'induiscnt les axiomes et la regie de detachcmcnt. Mais l'enver-gure de cette langue - je veux dire 1 ( ' ou les domaines scicntifiquesou elle trouve son emploi - les caracteristiqucs intrinsequrs descontenus qu'cllc peut vehiculcr, tout cela echappa aux rares lcctcursde la Btgriffsrchrifl et, partiellement, a Frcge lui-memo. Preuve enest Ie choix meme du nom, Ecriture des concepts e que Fregcregrctta plus tard (correspondance avec Jourdain), car cette langueexprimc bien autre chose que des concepts, a savoir des objets ctdes constructions qui different profondcmcnt des concepts au scnsclassiquc.Lorsque Frege dut se dcfcndre (l) - centre Schroder en parti-

    culler - d'avoir redecouvert a grand rcnforts d'obscurites ce queI'on savait faire depuis Boole, il fit argument du double aspect desa langue; a In fois caracteristique - au sens de Leibniz - ctcalcul, ((calculus ratiocinator, sans que l'on sache ce en quoi c'cstune caracteristique et ce en quoi c'est un calcul. Ainsi Frege s'appuied'une part sur l'autorite de Leibniz, d'autre part sur la r~condit~de sa langue - aucune autre langue symbolique n'ayant su d~finirla suite. - Mais it n'avance aucune raison semandque, rien quijustific lechoix des signes primitifs ni l 'e trange disposition tabulaire.Une deuxieme version de l'ideographie se dcssine dans les Fontlt-

    m en ts ti t I ' nrilhmlliqut (1883/4), cllc est achevee dans les annees 90.Frcge public alors et presque simultanement les articles Sms ettl bl ol al io n, F on eti on t l c on ce pt et le premier tome des L ois F on da -mentales dont les 52 premiers paragraphcs constituent ce que j'ap-pcllcrai la deuxieme ideographic. Les principaux caractercs mesemhlent etre les suivants :- Frege donne une analyse de la quantification qui rnanifeste

    un g~nie cxtremcmcnt modcrne,

    -

    On a pu dire que la Begriffsschrifl, le brcf opuscule dc 1879,creait en quelques pages le calcul des propositions sous sa formeaxiomatique - calcul dont on peut sans doute trouvcr aillcursquelques anticipations malhabiles - mais surtout inventait e x n i hi lola theorie de la quantification. II est certain que, des 1879, ladistinction entre variable Iibre et variable lice, la regie de genera-lisation et les axiomes specifiques du caleul des predicats sont corrcc-tcmcnt ~nonc~s. II n'empeche que, jusqu'au terrne de sa vic, Frcgen 'a cesse d'analyser la puissance de ce langagc et de "trifler sonaloi, Les trois versions de l'ideographie sont le fruit d'une rtftcxionpoursuivie quarante ans durant .La premiere se lit dans la Btgriffsscllrifl meme, au 61 de l'expose

    du symbolisme. Le propos de Frege, apparent dans Ie sous-titrede l 'ouvrage, !tai tde construire une langue qui exprimat par formulesles contenus de la pensce pure. Scion Frege, iI faut entendre parIIIaussi bien le contenu d'une proposition - par. exemple une !qua-tion arithmetique - que le lien deductif entre les propositions.En revanche on negligera tout ce qui n'appartient pas a la preuvedes propositions, par exemple la modalite et la dramaturgic stylis-t iquc, La premiere section donne les symboles et regles, la dcuxierneles axiomes et quelques propositions logiques qu'on en peut deduire,la troisierne applique l'ideographie - le terme est de Frege -II la defini t ion de Ia suite (Rtihen in t in e r Fo lg t) . On verra plusloin ce qu'il faut entendre par application, Frege ne s'en etantjamais explique, Ce premier resultat est donne de manierc abrupte,sans que rien ne permette de Ie prevoir, Bien plus Frege s'etaitcontcnte, dans la premiere section, d'utiliscr le precede de laquantification pour traduirc le quaternc aristotelicien des pro-positions g~n!rales. On ne pouvait soupconner qu'on sortirait sihardiment des limites de la syllogistique. La definition de la serieapparalt comme un exploit unique dont Frege ne semble pas avoiranalyse I e mecanisme en sa generalitd,Quant a la logique des propositions, elle n'est pas etudiec pour

    elle-meme, mais noyte dans une theorle de la deduction dont cllcest I'instrument. Frege ignore alors les notions essenticlles de (2) Le s termesIn,,,,i,,,, de rlrill et ",,/,", ,J, mill app;"ail~nt dans 10 articl" F",.,tin".1 ' ' ' '' ( ( / '' (IR91) et S rn J e t d/""'lIlio" (1892) .(3) Voir U,6tr d,, , Zwk d6 Btgriffsschrift (1882).r!

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    66 CL. IMBERT 1:lItRITACE FRF.Cf.t::'" m- .. TRACTATI'~ n 67

    -desobjets. Encore unc fois,malgr~ lc tcrme de fonction de v~rit~)),Frcge n'en a pas vu hi sp~cificit~. On lc concluerait egalcmcnt;\ lire lc tableau dell fonctions primitives donne au 39 des LoisFondnmtnlnlts.L'iMographie de Frcge s'cst r~v~Mectre dircctcmcnt inspirec dela methode algebrique ct rcpr~cnte tous Ics c!l~mcntsqui la carac-ierisent, l'equation, I'application et il faudrait ajoutcr 1 0 1 quoticnta-tion par une relation d'~quivalence qui intcrvient dans la definitiondu nomhre cardinal. Toutes ces optrations s'ecrivent dans ladimension laterale de la page. Frege y a joint une theorie de ladeduction contenuc dans les axiomes ct les reglcs de l'idcographieafin que soit recouvert le champ du raisonncmcnt algcbrique. Dela Irs traits particulicrs mais aussi lcsinsuffisanccsde son ideographie.Sa principale vertu cst d'avoir f,?~d~lecalcul 4~ p~c!dica~ sl!rune semantique absolument g~n~rale,celie des graphes de fonctiens,

    ( C'est Il l.I'~bauche de I 'espace des choses- ou de son dual, l'espace.:des ttats de choses. Lorsque Frege cherche a iIlustrer les fonctions. de differents niveaux que distingue sa syntaxe, it cite un graphe- cartesien ou une integrate dc!finic. Chaque proposition de I'ideo-,graphie exprimant un contenu de la pensee pure enonce une pro-position de la theorie des fonctions. . .Sa principale insuffisancc est cellc du calcu~ des proposlt~~ns.:Ics operations alg~briques auxquelle~ sont sou~Jllseslcs prop~slttonsne sont pas distinguees des operations definies sur Ics objets et,inversement lcs fonctions definies sur les objets au sens usucl Iesont aussisur lcs valcurs de v~ritc!. II y avait I l l . un principc d'in-coherence ct nous pensons avoir montre, dans un autre travail,que I'inconsistance du systeme frc!gc!enrepose, partiellement aumoins, sur cette confusion.

    des faits - et donna enfin au calcul des functions de \'tlritc.t unfondemcnt parfaitement clair . Mais aussi Ie rapport entre les deuxespaces, tel que I'impose la these de l'atomisme logique - quetoute proposition est unc fonction de verite des propositions " 1 " -mentaircs, ampute largcmcnt lalogiquc frcgeennc et amputc d'nutunrIe champ de la pcnsee pure.Nous laisscrons de cote la troisiemc interpretation de l'ideogrnphie.EUe est incomplete, la redaction de la quatriemc Rtdzmh, I O . t : ; -que ayant trait a la quantification ayant etc interrompuc par lamort de Frege. De plus Cl'S Recherches sont vraisemblablemcnt,ct pour les trois demieres surement, posterieurcs a la lecture queFrege fi t du Tractatus. 11faudrait alors retourner notre question.et examiner l' influcnce de \\' it tgenstcin sur Frege sans ctre assure'que la question soit bien determlnec, Je remarqucrai seulcmcntque Frege ornet desormais de dire que le vrai est valeur de "criteet denotation d'une proposition. On pourrait pcnscr, mais c'cstIll.une pure hypothese, que Frege s'approchait d'une scmnntiqucsaine du calcul des propositions, tout comme lcs difficultes vaincuesdans la definition du nornbre cardinal l'avaient conduit a III1Csemantique ensernbliste des contenus propositionnels,

    -

    - (7) Voi r C . CRANO~R,fA /WIIIJlbM u r t l p a u Iogiqw datU It Trdd41vs U WillgttUt,ill,d:SN L"" dI 14 1 C i n t t ' , 1968, 3.

    Les critiques de Wittgenstein concernent l'ideographie des LoisFondnmentnies. De la aussi viennent les emprunts. II semble merneque lescritiques naissent d'une application systematique desempruntset dans une certaine mesure opposent Frege a Frege lui-meme,L'un des progres les plus rernarquables de la deuxieme idc!ographiefrc!g~ennefut de distinguer entre deux categories de variables,entre lesvariables ~ignc!es a un doniaine rnais dont les valeurs nesont pas stipulees et les variables qui ont pour role de rendre sen-sible une forme logique en maintenant ouvert Ie lieu ou tel typede variable appartenant a la premiere categoric (argument, prc!di-cat, relation, lettre de proposition) peut etre inscrit. Ces variablessyntaxiques pcrmettant de presenter une.forme logique sans recourirni lune description metallnguistique - qui peut intervenir a titrede commentaire, et ni Frege ni Wittgenstein ne s'en privent - niau procede! du paradigme qui rnontre une forme dans le moderriatt!riel du discours. II va de soi que de' telles variables ne sontjamais argument et it devrait aUerde soi qu'ellcs ne peuvent jarnaisfigurer que dans des expressions oil lout ~Icment est syntaxique.Toute forme logique doit s'exprimer ainsi, qu'il s'agisse des elc!rnents

    -. . .

    II reste a rnontrer comment Wittgenstein, poursuivant les re-cherches semantiques de Frege en vint a distinguer deux espaceslogiques (1) - ou 5il'on veut deux algebres, cellesdeschoses et celle

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    fi R CL, IM".:KT L'HtRITACF. .'RECtEN DU a TRACTATeS" 69

    - -,

    qui la constituent ou de la forme totalc. Et la forme gencralcde la proposition est donnec par Wittgenstcin dans une Iormulesyntaxiquc (R ) indiquant les operations applicables aux propositionsel~melltaires. La logique est syntaxe et it n'y a done pus de son-stantes logiques. Pourquoi done I'ideographic fr~g~cnne en com-I portc-t-cllc ? Toutcs les critiques de Wittgenstcin maisscnt decettc question.Ellcs visent les constantes du calcul des propositions ct par voiede consequence les axiomes et regles de deduction qui regisscntleur emploi, ellesvisent aussi IC_5constantcs du calcul des pr~dic~ts :la relation d'egalite et les constantes formelles tcIles que le slgned'extcnsion de concept et de nombre cardinal. Dans chaque casWittgenstcin stigmatise un d~faut d'analyse. Je tcnterai d'e~~mincrquclqucs-unes des critiques touchant au calcul des propositions.La proposition 3.143 du Tractatus remarque qu'on a m~~onnula nature du signe proposit ionnel, it savoir qu'il est un fait; on. a manque! de voir que la proposition est articulee et c'est pour-quoi Frcge a pu appc1er la proposition ~n n~m co~pose!. Lamernc critique revient en 5.02: Frege, dit Wltlgenstem, a con-fondu I'argument d'une fonction de vc!ritt et l'affixe d'un nom.L'articulation dont il s'agit n'est tvidemment ni la premiere nila scconde articulation des linguistes. Celle-ci sont rcspcctees parl'ecriturc ordinairc et disparaissent dans I'c!criture symboliquc. IIs'agit de I'articulation d'une proposition en ses propositions, ~M-mcntaircs, celle que cache la structure apparente des propo.sllions...parlecs mais que I'analyse - au sens russellien - met en evidenceet que lc signe propositionnel doit presenter au regard. La com-paraison que Wittgenstcin propose en ~-141 entre I'~.rticulationpropositionnellc ct celle d'un theme musical confirme I m~erpr~ta-lion s'i l en est besoin : il s 'agit de cette art iculation esthetique desthemes sensible dans Ie phrasl melodique. D'ou il suit quc Ie signepropositionnel, s'il est adequat, doit etre un schema d'articulation.Mais la langue naturelle est fallacieuse ear elle dissimule cettearticulation essentielle dans Ie rapport de completude qui soude autout les parties d'une phrase. Illusion a laquelle Frege a succombe,analysant la fonction de viritt eomme la partie insaturee d'unnom. Si done Frege a introduit des constantcs logiques c 'est en

    vertu d'un dtfinition trop etroite, malgre sa g~n~ralit~de la fonctionet c'cst pour n'avoir pas p~nttr~ le sens de la composition proposi-tionnelle. Quand celle-ci est analysee correctement elle est repre-sentable par un tableau de semantique dont la proposition 4-442donne un exemple. Toute eette critique cst reprise en 5-42 oilFrege et Russell sont accuses conjointement de n'avoir pas comprisle sens des connccteurs, raison pour laquelle i ls furcnt contraintsde les definir les uns par les autres.La critique me semblejuste, mais elle est d'autant plus troublanteque la Begrifftschrift avait ebauche une definition du signe d'im-plication materielle par l'examen des cas de v~ritt de la propositioncomplexe que ce foneteur cimente, Wittgensteinl e constate dansla proposition 4.432 que je traduis l ibrement: La proposition est I'expression de ses conditions de v~rit~".(Frege a eu raison de s'en servir pour expliquer les signes de sonideographie. Mais c'est l 'explication du concept de v~rjt~ qui estfausse chez Frege. Si Ie vrai s et Ie faux" ~taient veritablcmcntdes objets et arguments dans ......p etc. alors lc sens de -p ne seraitnuUement dtfini si l 'on s'en tenait it la maniere dont Frege le d~fi-'t)"n1 ...

    r-Vargument me semble ~tre que le signe propositionnel donnela formule d'une probabilite tandis que chez Frege le signe denc!gation est un operateur aveugle qui nous envoie du vrai au fauxou du faux au vrai s~s que ......p vehicule dans sa seule presentationune quelconque information. A l' inverse, la probabil ite d'un ~tatde choses est une information. A cette critique est lite celle de lavacuite du signe dejugement qui ne saurait appartenir a Ia Iogiquecar une proposit ion ne peut pas dire d'elle meme qu'el le est vraie,Entendons : ou bien elle est tautoIogique eton le floil dans le tableausemantique qui I'analyse ou bien elle n'est pas tautologique etelle n'est pas non plus une proposition de la logique.Pourquoi donc Frege s'est-il arrl: tt en chemin et contente d'un

    c a l c u l des proposit ions? On resoudra Ia difficultc! en rappelantquelle conception it s'est fait du calcul logique et d'autre part cequ'il a demande a J'ideographie. Pour Wittgenstein le calcul logi-que n'est soumis qu'aux r~gles des signes, et it cst developpableau regard. C'cst un calcul dont on peut construire l'abaque sousreserve qu'on dispose d'un tableau infini. Pour Frege Ie calcul( II . Vuir Tradldw IDgito-pitilollJpMnu, proposition 4.442.

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    70- .: est une ~nomie de pensee, ce en quoi'!'il est leibnizien, c'est laI.caractc!risation aveugle des cheminements canoniques de la penseeet it n'en faut pas reveiller le sens; le vrai et le faux sont des..pointsd'arret du calcul, et comme un bilan des calculs qui p~~c~dent.D'ou it suit qu'une proposition n'est jamais soumise l une analyseide vc!ritc!mais recoit sa vc!rit~comme un index de par sa placedans la preuve. Et le signe vertical de jugement temoigne deI'insertion d'une proposition vraie dans la chaine verticale despropositions qui precedent, Wittgenstein a raison de dire. que lesens de ce signe s'btanouit dans un syst~me purement logique -car la preuve de la proposit ion est dans son tableau vc!ri tc!- maisce signe garde son sens dans ce que Frege appelle l'applicationde l'ideographie, c'est-a-dire Its preuves sous hypoth~ses. Or telest bien son intc!ret principal, et jamais dementi par Frege. Uneproposition est analytique dit Frege - donc produit de la penseepure, donc logique - si cUe depend des seuleslois logiques et desdefinitions. Or quand on introduit une dc!finitiontelle que celledu nombre ou de la suite on introduit avec lui comme hypo-tMses tout ee qui preside l sa construction, c 'est-a-dlre, si nousne noussommes pas trompee, toute I'alg~brc des applications.L'ensemble des crit iques de Wittgenstein centre l' inutil ite duca1culaxiomatique, des eonstantes logiques, des signcs de jugement(pour employer les termes du Tmaauu (Prop. 6.123) porte quand

    . it s'agit des preuves de proposit ions logiques mais non contre lespreuves logiques des propositions. Cette distinction recouvre exacte-ment celle des preuves logiques pures et des preuvcs sous hypo-theses dont Frcge ne pouvait pas se priver, et dont aucun mathe-maticien ne se privera non plus. 11 semble donc que l'impuretc!de la logique frc!gc!enne,la presence de constantes, d'axiomes, der~gles de deduction, le fait que Frcge tout en ayant invente lasyntaxe n'ait pas voulu que celle-ci absorbe la logique tienne lson intention premiere : representee la pensc!epure - e'est l direcelle de I'arithmc!ticien, ni plus ni moins.L'idc!ographie a voulu saisir la mathematique dans I 'c!pure deses raisonnements, la dc!duction par modus ponens et la rc!solutionensembliste des equations, Aussi ne repugne-t-elle pas l admettredans son vocabulaire les signes sans doute mc!talinguistiques deI'c!galitc!,de I'extension de concept et du nombre cardinal.Si I 'on demande quelles ressources ees deux conceptions de laJogique pourraient offrir l une philosophic de la science on tiendra

    -I-

    L'HtRnAGE "'REGtEN DU IITItACTATUS n 71qu'elles contiennent l'une et I'autre un type d'analyse a laquclleon pourrait soumettre le tcxte d'une science.Le Traaatus a donne! tous les jalons d'une reduction analytiquemente ~ son terme. Elle s'appliquerait l un langage O U I'on pour-rait stipuler des propositions c!1e!mentaircset qui serait limite! aupremier ordre. Sa logique serait syntaxe pure, elle ne laisseraitaucunii-ope inanalyse, penerreralt de ses rayons les sous boisaxio-matiqucs et n'admettrait d'autres constructions que Its operationsbooleiennes et les definitions inductives.Cette g~nc!ralisation de "analyse russellienne porte en elle-memeses limites, Les unes, enoncees par Wittgenstein sont resumees dansla these de I'atomisme logique. Les autres, connues plus tard, ontpris la I9rme des t_!lc!oremesde limitation. Depuis Ie Tractatus lechamp de I'analyse effective a fait peau de chagrin. Aucune languenaturelle, aucune langue scientifique d'usage ne respecte la cleturedu premier ordre a "exception peut-etre de la theorie des fonctionsrecursives, mais alors on se donne les nombres. Celte connaissancenegative est precieuse en elle-meme et c'est merveil le qu'on y soitparvenu, mais on peut penser que les conclusions maintenant bienconnues sont d~finitives et ee chapitre c1os.De l'autre c6t~, la logique frc!gc!enneassocie theses logiques etregles de syntaxe, elle codifie des precedes qui ne relevent pas dela depiction - par exemple la quotientation d'un ensemble parune relation. Mais au prix de ces impuretes elle traduit en clairles segments c!1c!mentaircsde la pensee pure qui sont comme geMsou naturalises dans la caracteristique et font tableau pour unephilosophie de la science qui vouchait les y chercher.Or celle-ei semble menacee de devoir choisir entre deux presup-poses philosophiques qui ne semblent ni l 'un ni l'autre entieremcntadequate. Ou bien sur Ia lecon kantienne les actes de la raisonpure sont tenus pour des manifestations de la subjectivite transcen-dantale et, en consequence d'un raisonnement analogue l celuiqui va de la fumc!eau feu, la philosophie de la science risque des'c!puiser en une psychologic de la raison. Ou bien Ies actes intcl-lectuels sont decrits metaphoriquement comme les actes de l'ouvrier,c'est a dire comme une praxis. Or dans le cas de l'algebre, si lametaphore devait etre entendue l la lettre elle se ruinerait d'ellememe, Que serait une praxis dont le materiau cst tout objet? Etcomment expliquer I'insolence royale du mathc!maticien eu c!gardaI 'histoireou lla consommation qui sera faite de son produit? En un

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    7 6 CL. INBERT

    -M. CLAVELIN :Peut-on admettre, 1 vetre avis, une unil~ des critiques de Wittgenstein

    ;\ Frege?Et si oui ne pourrait-on pas dire que ees critiques d~rivenl toutes d'unpoint de vue unique, qui n test pas "am~l iorat ion de la science logique, maisle desir d'ut il iscr la logique: en somme ces crit iques ne viseraient-elles pasd'abord 1\ canrerer une valeur absolue A eeue doctrine logique dont Wiltgen-ste in a besoin pour mener A bien son entreprise philosophique?

    WITIGENSTEIN ET LA METALANGUE

    par GILLES GRANGERWI. IM1lEIlT :Us crit iques ponctueUes ont eertes une unit~ en eeei, que. pour Wil tgen-stein, il est intenable que la logique soit 1la fois syntaxe et science ayantun eontenu. Wittgenstein demande qu 'on pousse I 'analyse jusqu 'au bout .Quant ;\ la Btgriffssehrifl, Wittgenstein ne s'est pas intbesR comme I'adit M. mack ;\ la technique logique: il I 'a util~ comme moyen d'analyse

    au scns russellien du terme.~I M. CLAVELIN et Mile IMBERT:eoneluent 1 leur accord sur Ja question souJ~.

    Le probleme de la metalangue sera consid~r~ ici surtout en vuede comprendre, plutet que de critiquer, la position de Wittgcnslcin,tant ~ l'~poquc du Tracl4tus que posterieurement, Touchant cettewolution. l'hypothese que nous pensons avoir l'oecasion de confir-mer est qu'il faut envisager la philosophie de Wittgenstein commeun tout, dont les problemes initialement presentes par Ie Tractatuscontinuent de jouer un rale essentiel dans les Recherches. Mais ilssont alors replaces dans une autre perspective, qui en modifiequelquefois profondement la forme et I'incidence. Nous nous con-formons, du reste, en ceei, l I'indication du philosophe lui-meme,recueillie dans un texte connu du B lu e B oo k: Ev er y n ew p ro 61 em whi cha ri se s m ay p u t ill q ues tio n tlu p os itio n w hic h o ur p rtu io us p ar tia l r esu ltsare 1 0 occupy in th e f in al p ic lu re. O lle th en sp ea ks o f h av in g to r ein terp retth es p rt uio us r es ult s ; ( Jl ld w e s ho ul d s (J Y: t lu y M fl e t o b e p la ce d in difftren.ts ur roun .d ings ,) ( BI . B ., p. 44 ) (I).A la question: un usage metalinguistique du langage est-itpossible? la repense du philosophe est toujoun, apparemment,demeuree n~gative; mais la position meme du probleme, plusimportante ici sans doute que la reponse, s'est lransrorm~e assearadicalement du Tractatus aux Rechnelus (I).

    -, . .,I

    -

    .-

    (I) Abrmadona d~aia uti1is&s: B.C.M. (Bmw_,m Q6 t r t& GrvMI4",. InMGtMu.ll) ; Bl. B. (Blut BoN) ; N. B. (NoIt6oolr); Pit. B. (P~ ~) ;Pia. U. (P lailosof ll t isWUII~) .(2) Nous rat ta chuons awe I lHIrntI lLI lAiI4~iFI lea testes pott~ricun 1 1929, qui,

    1 beaucoup d 'qanb , rcpri senten t di ff' bentJ 4!tat J de la pcnpcctive nouvelle. AUSIibien ne , '_pt . l l pu iel d'examiner une Ivolu'ioll, mais de compare r dewe lys t~mCl depens ie

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    82 G. GRANGER WITrGENSTEIN El' LA MtI'ALASGUt: 83II semble bien que ce qui est nomm~ lIaleur par Wittgcnstcin cotncidejustement avec la notion de se ns d u m on de. Or, donner un sens aune proposition portant sur le tout du monde, ce serait representercc dernier dans un syst~me de r~fc!rence qu'il ne remplirait pas 1lui seul , De merne que la tautologie est vide de sens parce qu'ellemontre formellement l'ensemble des possibles, de meme une proposi-tion de valeur,~thique ou esth~tique,parce qu'elle semble decrire lerapport de la totalitc! du monde au vouloir d'un sujet qui n'en estque la limite formelle, est un non - s e n s , Car la violation des r~glesde la signification est ici plus radicale : la tautologie conservait lesconditions formelles du sens, en neutralisant seulement le contenu ;elle indiquait encore valablement le systhne des opmtions demon-stratives applicables 1des proposit ions pourvues de sens. La propo-sition de valeur n'indlque rien ; car it n'y a pas de sysame des trans-formations globales qu'un ego feralt subir au monde, syst~me quijouerait, comme cadre de rc!fc!rence de faits pratiques , un r61esymetrique 1celui que joue l'espace logique pour les tautologies.Les enonees de valeur ne renvoient done ni 1un contenu, ni a uneforme assignable. lis marquent seulement, par leur inanite, lalimite de l'experience exprimable, et si le monde d'un hommeheureux difTere dans sa totalite de celui d'un homme malheureux,cette difference est au-dell du langage. Mais eel au-dela ne peutmeme pas manifester sa forme dans un s imu lt ltTe de langage, commey parvient le transcendantal logique au moyen de la tautologieet de l'~uation.En fin de compte, la th~e sur la metalangue nous conduit, dans

    le rrtlltatus, l distinguer trois usages diversement incorrects dulangage.I) Un usage proprement mllalinguistique, qui consiste l vouloir

    designer des formes et des operations, l tenter de decrire en sommeee qui, du dangage, est indescriptible. La plus grande partie duTraeltzlus lui-meme consiste en un tel discours.2) Un usage qu'on pourrait dire eis-linguisligue (I), et qui est

    l'c!noncc! des tautologies. Tout Ie calcul logique tel que l'etendWittgenstein serait de eeue nature. Les ~nonc~ y sont vides de

    sens, mais pris comme figuration de schemes, its aident cependantl mie~x voir ce qui se montre dans les ~noncts corrects representantdes faits.3) Un usage trans-linguistique enfin, qui pretend formuler des

    jugements de valeur, mais dont les c!nonc~ sont rejetc!s commepurs non-seas.Mllalangue et d esc rip tio n d es (Je ux d e L an go ge dans la phi lo soph ie des RechercMS')

    Dans les Reclurclru philosophiqutS, les problemes du Traelatus sontrepris selon une prespcctive nouvelle, qui se caracterise, en ce quico.nceme la m~lalangu~, par ~ne modi~cation de I'id~e du langagelui-e-meme, Wlttgenstem considere mamtenant comme iIIusoire larecherche de la forme gc!n~rale de la proposit ion s car celle-ein'est determinee que dans tel syt~me de regles, e e s ' syst~mes der~~les n'~tant pas reductibles, d'ailleurs, a des contraintes combina-toires 'porta~t su.r les signes, mais consistant aussi en schemes decond.ulte qUI r~~1SSentdes formes de vie, C cs differentes formesde Vie ne sauraient etre ramenees au commun dc!nnminateur d'une":,emble .de ?,aits, gtneraux; elles ont seulement un air de fa-mille qUI fatt qu elles sont toutes des jeux de langage) (Pit. U.6. 5 et 135, par ex.). 11r

    (6) Puilque eel pcudo-proposltiona ront voir lei condidoDi CI Irimi qui IO nl #fI~f41du lanpBe luimtme et Ie rendenl poaible.

    (7) Miu Arucombe rapperte del jugementl I l!vtres de Wittgen.te in lui.n,eme lur l.Tt~I. n n 'en const itu~ pas moim Ie premier t#molpagc d 'un dMloppement e l d'uner ivislon de . . pel 'lpeet ive du Trill""'.

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    8 6 G. GRANGER WITTGENS1'EIN r.1 L\ )ltTALASGl:E 87frappe lmmediatement dans l'usage d'un mot, est le mode d'appli-cation de cclui-ci !la const ruc tion de I I I pr oposi ti on ) , (Ph. U. 664,p. J68). C'est en sommc ce qui faisait l'objet du Trtzt lt ltw. Lagrammaire profonde, qui occupe au contraire l'auteur des Rechtrch~J,concerne I'usage des mots r~int

    c'est cet emploi des reglee qu'elle vise. On ne decrit du reste, aproprement parler, un jeu de langage, .qu'a quelqu:un qui .soitd~ja capable de le pratiquer. Faute de qUOI,on ne sauralt Ie decrire :on l'enscigne (Zet tel 432, p, 76). Mais Wittgenstein n'a pasabandonne la these fondamentalc de l'i1l~gitimit~ d'une metalangues tr i cl l s ensu , puisqu'il t!crit encore dans les Fiches: W ie tin W ortf Jt1 sta ndm w ird , d llS s ag en d ie W o rll a lle in n ic h t , ( Z et te l 144, p. 26).Neanmoins, la langue naturelle, Ja Jangue de tous Jes jours peutet doit nous permettre de conduire cette description des jeux delangage aussi Join qu'elle peut l'etre : quand je parle du langage(mots, propositions, etc.) it faut que j'emploie I~ langue d~ tousles jOUI'S.(Ph. U. I. 120, p. 48). Et la philosophic, comme jeu delangage eonsistant a parler ainsi du langage, n'exige pas une ccphi-losophic du second degre, puisque c'est le merne langage nature]qui decrira I'usage du mot philosophie, tout comme l'ortho-graphe traite du mot orthographe lui-mente. (Ph. U. I. 121,p. 49). .De ceue reinterpretation de la th~e sur la metalangue, il estnaturel que decoule un nouveau d~veloppement de la these duTraaatus sur les mathematlques, Celles-ci sont apparemment aconsiderer comme jeu de langage particulier, dont le caracterespecifique est que tous ses c!nonc~, ou equations, ccsont des reglesde syntaxe . (P h. B . 121). Une telle formule rend assurement lemente son que celles du Trtzt lt ltw. Toute la diff~rence est en ceei,que de teIs t!non~, bien que ne renvoyant a rien hors d'eux-memes,sont maintenant reconnus comme lc!gitimes au sein d'un jeu deJangage : ils ont droit d~ormais au titre de ccpropositions grammati-cales(B. G. M. II. 26, p. 77). Diffc!rence qui n'est nullement depure forme, car la proposition math~ati~ue a ~tenant u~esorte de contenu, que l'interleeuteur de Waasmann, 51 Ion en crortles notes de ce dernier, paralt bien avoir caracttrist comme ccintuitiondes symboles (W iU gm ste in u nd d er W ie ne r K re is, Anhang A, p, 219).C'est ce que confirme un texte des Philosophische Bemerkungen (XIII.151, p, 176), ou il est dit que les c(problbnes difficiles en mathema-

    tiques sont ceux pour la solution desquels nous n'avons encore aucunsystcme 'ail. Le mathematicien qui cherche possede alors en quelquesorte un systbne de symboles mentaux de representation danssa t~te ) ', ct il s'efforce de les mettre sur le papier. Le travail mathe-matique consiste donc a transformer l'intuition symbolique enr~gles explicltes d'un jeu de langage,Ainsi la mathernatique ne peut-clle se dlcrire: die se jail. (Ph. B.

    159, p. 188). Elle est la transcription actuelle d'un jeu de langageportant, en finde compte, sur Ie Jangage lui-meme ; une propositionmathematique non seulement montre, mais encore explicite unedemonstration. II n'est done pas possible d'cnvisager une metama-thematique, dans la mesure ou la mathematique est sa propre me-talangue: tout doit etre du meme type. (Ph. B. I. 153, p. 180),c'est a dire dans ce cas precis que langue objet et metalangue nefont qu'un. De IIcette thesc dc!concertante des Remar'luts sur Iej on Jemm l d es m a th lm a ti qu es , que la mathematique n'a pas besoinde fondement. (B. G. M. V. 13, p. 171). Cette boutade significqu'etant grammaire de part en part, et par consequent, en ce sens,normatiues, les mathematiques n'ont besoin que d'c!c1aircisscmcntsconcernant la coherence et les limitcs de leur jeu, Mais de memequ'une philosophie de la philosophic serait pour Wittgenstein unereduplication inutile, 'de meme une mathematique des matht!ma-tiques est pour lui une notion vaine, celles-ci lui paraissant etre,comme a Napoleon la strategie, un art simple et tout d'execution.Ainsi Ie probleme de la metalangue nous est-il apparu comme

    present aux deux moments de la philosophie de Wittgenstcin. IItrouve dans le Tractatus une solution dogmatique, en accord avecle dessein du philosophe, qui est alOI'Sde rendrc manifeste une formelogique universelle organisant tout discours objectif; 11s 'agit bienace niveau malgre les observations sur l 'ordre des langues naturclles,de separer le dur du mou. Et c'cst seulement dans les RtchtrchtsphUosophiques ou dans les tcxtes qui les preparent que Wittgensteins 'en tiendra vraiment l son programme des NOllbooks: fairc "voirles duretes du mou". La these sur la m~talangue prend ici un sensplus souple, qui autorise un discours philosophique legitime. Etsi Wittgenstein se refuse alOI'S!admettre une metamathemarique,c'est qu'il croit pouvoir considerer les mathematiques comme unesorte de metalangue, qui se justifierait elle-meme par son proprcjeu,

    Aix-en-Provence.

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    8 8 G. CRANGI-:R R 9

    DISCUSSIONPresident t G. VON WRIGHT

    non-sene. Mais on peut neanmoins voir que Wittgen~tt'in lui laisse aussila fonetion positive d'exhibcr certains traits de la forme logique. II fautdist inguer deux questions :- Un rnetalangage syntaxique est -il possible?- Un metalangage semandque est-il possible?Dans le second on ne pourrai t t raiter les symboles comme symbolcs inertes ,Ces problemes logiques fl propos du Tractatus proviennent de la manierede comprendre le showing - la tautologie n'appartient pas au langage,

    dit M. Granger - elle montre, elle ne r u t pas.On pourrai t aussi dire que la monstration (showing) fai t par tie du langage.IIy a interconnexion entre montrer et dire. Mais Ie montrer n'a riend'intuitif - la confusion d'un langage peut etre levee par une techniquepart icul ie re qui en manifeste la struc ture logique.De plus, on peut distinguer deux usages du langage :- usage de base (assertions)- usage permettant de montrer les connexions - le langage est uneac tiv ite . Les crit iques de Wittgenstein cont re le metalangage viennent dece qu'il n'a pas SlI distinguer, le fait de justifier et le fait d'exprimer, Si

    I'on comprend qu'it a it n ie la possibil itd de justi fier rat ionne llement le me-talangage, pourquoi aurai t- il nie l 'aspect d 'express ion metalinguist ique quifonctionne de fait (au sens d 'un metalangage semantique s inon syntaxique) ?M. GRANGER:Je n'ai certes pas voulu dire que les tautologies doivent etre rejet= dulangage - mais qu'elles sont des formes limitees de propositions - depures monstrations qui n 'cxpriment r ien.M. Black insiste sur deux dimensions du langage - Wittgenstein en

    effet dist ingue deux aspects dans la comprehens ion : un aspect de type scman-tique [representativite) et un aspect qui est cclui de I'interconnexion desymbolcs.Mais ces deux aspec ts se montreat.Et il y a sais ie de I 'enchainement syntaxique comme de la denotat ion s e -

    mantique.Nous pouvons faire la dis tinction pour comprendre e n q ue t s m. s un usagemetalinguist ique est possible, lequel est admis en un sens au niveau du Tree-Iotw.

    M. VON WRIOHT:M. Granger, avec raison, a su montrer que le m~me probleme a toujounprCoccupC Wiugenstein, du Tradatw aux InI~t;gatilms, et Pexemple de la m~.ta langue iIlustre cela admirablement : l 'a tt itude crit ique l l'~ard de la possr-

    bit itc de 1a mcta langue est l a mane , mais I'a rgumentat ion difl ere ". Toutse passe comme si I'idee centrale ctait la suivante. Comment est-il pos-sible pour le langage de signifier? (idee d'Intentionalite) et Ie coe~r del'argument dans les demiers textes peut se comprendre dans eeue opuque :qu'est-ce que construire un metalangage? .Est-ce prendre UDepartie du langage et montrer comment le marupulerscion des r~gles: l a metalangue donne alors ces regles. Mais I'il lusion con-siste ! croire que tous deux soient des langages. Car faire un metalanguesuppose que I 'on ait un langage, et tout ce qui est important pbilosopbique-ment au sujet du Jangage a g1issCdu Jangage au mctaIangage.M. RAGolo:I) 11 faut je croi s montrer la rela tion c troi te cxistant ent re I'absence d'uncalcul des p redicat s dans le Tractatus et le fai t que les tautologies y jouent

    le role de metalangage,Concretement on peut voir comment cette relation est simple pour unelogique des cnoncCs, O ll I'on peut toujours completer la construction des6lonces par cell e des tab les de verite correspondantes (ccrit es au revers dela page). Mats Ie ca lcul des pridicat s pose des problemes d ilfe rent s, commece lui de la comple tude ; les processus recursi fs sont l i~ 1 une construc tionqui ne s'aeheve pas ; dans le langage de Wit tgenstein, l a page sera it infinie.D'oll la liaison entre les deux theses qui permet de dire que si I'on reste !I 'inter ieur d 'un Iangage f init is te , la pos it ion de Wittgenstein est acceptable,tandis que dans le cas de not ions infinit iste s e ll e ne I'est pas.2) Dans la logique des sequences de Gentzen, la f leche est un signe mc"aJin-gui st ique , e t, de plus, les hypotheses (dans la logique di te naturell e) sont

    li ees ! l 'a rgumcnt par supposition qu i implique un dcrouleme~t tem~relcontraire ! I 'idee de Wittgenstein selon laquelle un cnonce montre unmedlate-ment sa structure.M. GRANOER:Wittgenstein ne saurait s 'opposer !eel! pour autant qu'il s'agit de pro-cessus, car Ia s imple inspection suppose une combinatoire latente.

    M. BUCK:La possibiJitc de Ia mctalangue, c'est la possibilitc d'cxprimer 1 ( ' 8 lois de

    Ia syntaxe logique.La philosophie a une fonction negative dans le Traclotw: denoncer le

    M. SPECln':Le cas des cnonces grammaticaux suppose que I'on puisse corriger Ie

    sens d 'un mot.Or, la plupart des enonc~ mathematiques son t grammaticaux. donc for-muMs dans un mctalangage.M. GRANGER:L'ambiguite vient du fait que I'cxprcssionde laregIe grammaticale s 'eErectuedans le langage obj et, pa rce que eelui-ci est un fai t (du monde) et aussi parce

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    9 2 fo I . CLAVEUNL ' le n tu r e conup tue ll e l og i que et l a c la r if ica ti o n d ts p ropo si ti o ns

    1. Philosopher, au sens d'elucider, c 'cst en premier l ieu clarif ierles propositions (4.112). Or, on ne trahira pas le Traaatus, si I 'ondit qu'il s'agit I~ de faire voir, et d'abord a u n iv ta u le p lu s g lnlra l,cc qui fonde ~ la fois leur sens et leur capacite figurative (Bildhaftig-ktit,4.013). Un passage un peu nc!gligc!- de 3.31 a 3.318 - permetd'etablir sans equivoque a quel point I'analyse est d'entree guideeet inspiree par l 'ecri ture conceptuelle logique.Designons en effet par expression (Ausdruek) chaque partie

    d'une proposition determinant son sens (3.31), c!tant entendu quela proposition elle-meme est une expression, soit simple soit com-plexe. Comme it est aussit6t manifeste qu'une expression quelconquepeut appartcnir ~ diffc!rentr.spropositions, on affirmera lc!gitimementde chaque expression qu'elle caracterise une , forme en mane tempsqu'un contenu (3.31) ; presupposant ainsi Ies formes de toutes lespropositions dans lesquelles elle peut intervenir (3.311), ~e. ex-pression se dcHinira finalement comme Ia marque caracteristiquecommune d'une classe de propositions (ibid.). Une illustrationtr~s simple, aussi proche que possible d'une proposition c!1c!mentaire,sera l'enonce Pierre est plus grand que Paula ; ( c est plus grandque ... rcpresente de toute evidence 1'expressioO consti tutive decette proposition, c'est-a-dire 1'c!lc!ment determinant de son sens,signe d'une forme en meme temps que d'un contenu, marquecaracteristique commune d'une c1asse de propositions.Considerons plus attentivement cet exemple. On accordera sans

    difficulte que I'expression .. . est plus grand que ... est pr~cl1tc!.epar la forme gc!nc!rale des propositions qu'elle caracterise , sonx est plus grand que }, dans laquelle d'ailleurs elle est une con-stante (3.312). Mais la forme x est plus grand que j est elle-memeune variable: on peut done dire, sans commettre d'erreur, que I'~x-pression est presentee par une variable dont les valeurs sont pr~clse!-ment les propositions qui contiennent I'expression (3.312). Unetellc variable, que Wittgenstein denomme variable pr~p~sition-nelle, n'est en fait rien d'autre que la fonction propositionnellede Russell. D'o~ ce premier r~ultat, qu'unc proposition du genre Pierre est plus grand que Paul apparalt d'abord comme unedes valeurs que peut prendre la variable propositionnelle

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    94 M. CLAVEUN ELUCIDATIUS rHlLOSOPlflQt;f. 95qu'une condition s'lmpose imperativement : que le langage, atravers lequel s'expriment nos propositions, soit vraiment accordea la logique de notre pensee. Or, sur ce point capital, la positionde Wittgenstein ne laisse pas d'etre a la fois claire et difficile. D'uncatc! it est certain que Ie langage n'est pas c!tranger a la logique;repr6cnter dans le langage quelque chose d'etranger ala logique,lit-on en 3.0321 , on ne Ie saurait pas plus que representer en g~omc!-trie par ses eoordonnees une figure contredisant aux lois de l'es-pace ou qu'indiquer lea coordonnc!es d'un point qui n'existe pas, ),et en 5.5563 Wittgenstein n'hesite pas a ecrire que toutes les pro-positions de no