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Acta Medica Scandinavica. Vol. CII, fasc. IV-V, 1939. Travail de l’H8pital d’k, Stockholm. (Mkdecin-chef le Prof. agr6gk G. Iiahlmeter.) Y a-t-il des formes de rhumatisme articulaire et piriarticulaire d’une nature riellement allergique? Par G. KAHLMETER. (Ce travail esl parvenu a la rCclaction le 18 Septembre 1939.) Dans la discussion particulieremcnt anim6e qui se poursuit depuis une dizaine d’annkes sur 1’6tiologie et la pathoghie, non seulcment du rhumatisme articulaire aigu (maladie rhurnatismale, maladie de Bouillaud), mais aussi de la polyarthrite chronique pro- gressive, iI a et6 accord6 une place prkponderante - a cGtC de la theorie de vl’infection focalea - a celle de d’allergie)). Cette theorie remonte a l’hypothilse emise des 1895 par Chovstek, que, dans les polyarthrites aigues et chroniqucs, 1’61Cment determinant rksidait moins dans des facteurs 6tiologiques spdciaux que dans une reaction spkcifique de I’organisme. En Allemagne, et en Russie, on a, au cours de ces dernikres annkes, fait valoir avec insistance, tant de la part des pathologistes de laboratoire que des cliniciens (Talalajeff, Klinge, Rossle et autres) que dans la pathogenie, tout au moins des polyarthrites aigues et subaigues rhumatismales, le point cardinal consistait dans un mode de reaction allergique dans le sens propre du mot. Par contre certains auteurs, non moins Cminents, tels que Aschoff et Graff, estiment qu’aucune preuve peremtoire n’a Cte produite de reaction allergique, au sens strict du terme. En France, la theorie du mode de reaction allergique au sens propre du mot, coinme le facteur essentiel dans la pathoghie des

Y a-t-il des formes de rhumatisme articulaire et périarticulaire d'une nature réellement allergique?

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Acta Medica Scandinavica. Vol. CII, fasc. IV-V, 1939.

Travail de l’H8pital d ’ k , Stockholm. (Mkdecin-chef le Prof. agr6gk G. Iiahlmeter.)

Y a-t-il des formes de rhumatisme articulaire et piriarticulaire d’une nature riellement allergique?

Par

G . KAHLMETER.

(Ce travail e s l parvenu a la rCclaction le 18 Septembre 1939.)

Dans la discussion particulieremcnt anim6e qui se poursuit depuis une dizaine d’annkes sur 1’6tiologie et la pathoghie, non seulcment du rhumatisme articulaire aigu (maladie rhurnatismale, maladie de Bouillaud), mais aussi de la polyarthrite chronique pro- gressive, iI a et6 accord6 une place prkponderante - a cGtC de la theorie de vl’infection focalea - a celle de d’allergie)). Cette theorie remonte a l’hypothilse emise des 1895 par Chovstek, que, dans les polyarthrites aigues et chroniqucs, 1’61Cment determinant rksidait moins dans des facteurs 6tiologiques spdciaux que dans une reaction spkcifique de I’organisme. En Allemagne, et en Russie, on a, au cours de ces dernikres annkes, fait valoir avec insistance, tant de la part des pathologistes de laboratoire que des cliniciens (Talalajeff, Klinge, Rossle e t autres) que dans la pathogenie, tout au moins des polyarthrites aigues et subaigues rhumatismales, le point cardinal consistait dans un mode de reaction allergique dans le sens propre du mot. Par contre certains auteurs, non moins Cminents, tels que Aschoff et Graff, estiment qu’aucune preuve peremtoire n’a Cte produite de reaction allergique, au sens strict du terme.

En France, la theorie du mode de reaction allergique au sens propre du mot, coinme le facteur essentiel dans la pathoghie des

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polyarthrites uordinairesu, ou habituelles: aigues, subaigues ou chroniques, n’a pas de nombreux defenseurs. Par contre la doctrine medicale franqaise a, depuis bien des annees, soutenu que -tout au moins a l’exception de la forme purement aigue de la ))maladie de Bouillaud)) - les facteurs constitutionnels, metaholiques et endocri- nes, en un mot, ce que l’on est convenu de designer sous le vocable de ))diath&eo ou de ))terrain)) (Duvernay), jouent un r61e infiniment plus important clans la pathogenie des affections >)rhumatismaless des articulations, et non moins, peut-Ctre, dans la determination de leurs diverse formes cliniques, que les infections - dont l’action de ))dCclenchements est certaine mais ne peut, autant qu’on en peut juger, 6tre attribuee a un virus specifique.

En ce qui touche les formes habituelles des affections articu- laires orhumatismales)), et notammen t les opolyarthrites rhumatis- males subaigues ou subchroniques)), ainsi que les ))polyarthrites clironiques progressives)), j e me rattache bien plus volontiers a la vieille conception fransaise, qui voit dans la )tdiathese, e t dans le oterrainv le facteur determinant et essentiel, non seulement de la pathogenie, mais aussi de la forme et de l’evolution cliniques de l’affection, tout en affirmant que ce mode de reaction de l’orga- nisme ne peut, ni ne doit &ire qualifie de weaction allergique)).

Toutcfois, ayant eu l’occasion, au cours de ces dernikres annees, dc voir un grand nombre de whumatisantso (plus de 1,000 par an), jc me suis t row6 en presence de certaine forme nosologique que je serai porte a qualifier de spurement allergiqueu. I1 s’agit en tout de 54 malades observes ces derniers 5 annees, dont 22 yo d’hommes et 78 yo de femmes. Les caracteres pathognomoniques du tableau clinique etaient les suivants: 1) apparition, a des intervalles variables, d’oedemes, localement assez fugaces, (mais entrainant par leur caractere migrateur et pour ainsi dire webondissanto une prolongation de la periode morbide totale), oedemes constitues le plussouvent par des epanchements tres nets e t parfois tres abondants, siegeant soit a l’intdrierrr des articulations et des gaines tendineuses, soit dans le tissu conjonctif pdri-articulaire, soit dans un tissu sous-cutane tres distant de la region peri-articulaire; 2) dans un grand nombre, e t peut-Ctre, dans la majorit6 des cas, soit en concomitance, soit en alternance avec les s y m p t h e s rhumatismaus, on a constate a une periode antbrieure de I’anamnhe, certains signes genkralement ranges sous la denomination d’allergiques, tels que l’urticaire,

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l’oedeme de Quinque, l’asthme, le coryza vaso-moteur, la migraine, l’epiphora, etc. 3) dans la plupart des cas, les oedemes, tant des gaines tendineuses que les oedemes intra-articulaires ou sous-cuta- nes affectent le type d’exsudations sereuses non inflammatoires, sans temperature ni rougeur inflammatoire de teguments; dans un certain nombre de cas, on constate cependant une hyperthermie generalement moderee et passagere, s’accompagnant de rougeur de la peau, d’aspect erysipdolde ou mCme erysipklateux; 4) dans Ies periodes de remission, les malades sont sans exception exempts de sympt6mes subjectifs ou objectifs et, en definitive, on ne constate chez aucun d’eux aucune lesion articulaire ou aucune contracture persistante, et encore moins aucune lesion arthritique progressive.

J e demande A clonner ici un bref apercu de quelques observa- tions typiques, recueillies, soit dans ma clientele privee, soit dans l’H6pital d ’ h o , dont je suis le mkdecin-chef, pour illustrer en quel- que sorte l’aspect clinique que prksente le tableau nosologique que j’appellerais whumatisme articulaire e t periarticulaire d’une nature reellement allergiqueo. Apres avoir rendu compte de la repartition, suivant 1’8ge e t le sexe, de mes observations, ainsi que des examens chimiques, physico-chimiques et morphologiques du sang auxquels j’ai procede dans la majorit6 des cas, sans oublier les )xuti-rkactions allergiqueso que j’ai pratiquees chez un certain nombre de mes malades, je vais chercher ici A discuter la formc de whumatismea qui, au triple point de vue de son etiologie, de sa pathogenie e t de sa place dans le cadre nosologique, me parait avec toutes raisons devoir &re qualifiee de ))arthrite e t pkriarthrite allergique au sens propre du mot.))

Voici d’abord quelques observations caractkristiques: Elles ne comprenncnt que quelques donnees positives interessant Ie thkme dont is est ici question.

Obs. 1. Femme, K . M., 46 ans. Anamnise: L e pPre est atteint d’asthme, et 2 fils ont de l’urticatre. Fievre

rhumatismale B 1’8ge de 28 ans. Pendant plusieurs anne‘es, la malade a souffert de me‘te‘orisme et de diarrhe’e, aoec, depuis 6 ans, des pousse‘es fre‘quen- tes mais trbs fugaces d’oedtme marque‘, u localisation intra- ou piriarticulaire, ou bien sie’geant dans les gaines lendineuses; ces poussties disparaissaient gene‘ralement a u bout de quelques jours et ne se inantfestaient lamuis chaque fois que dans une localisation un.ique. Jomais d’hyperthermie o u rours de ces poussies.

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Y A - T - I L D E S F O R M E S D E R I I U M A T I S M E ARTIC. E T P E R I A R T I C . ETC. 435 Obs. 2. Femme S. B., 48 ans. Anamnkse: Sujette, depuis sa jeunesse a la migraine et ti l’urticaire.

Pendant au moins 20 ans, ces poussees d’urticaire ont debute, dans la plupart des cas, avec une ICgere hyperthermie et, a p r b quelques jours d’installation de cet urticaire, il est apparu des Cpanchements le‘gers mais trks nets dans une articulation et parfois dans une gaine tendineuse, sans qu’on ait jamais note‘ plus d’une ou de deux localisations a u cours de chaque poussie. L’hyperthermie, l’u-ticaire et les e‘panchements articulaires disparaissairnt en rtgle a u bout de quelques jours.

Obs. 3. Homme, K . 0. E., 2 7 ans. Anamnkse: A eu pendant son enfance e t au moment de la puberte de frequentes poussees d’urticaire. Depuis un an, enflures de type oeddmateux, s’accompagnant de rougeur de la peau e t a localisation tres variable, souoent peri-articulaire dans diverses articulations, siegeant fre‘queniment dans les gaines tendineuses des longs tendons de l’avant- bras ou dans la gaine du tendon d’Achille, e t parfois dans les inser’ions tendineuses du trochanter ou de la pointe du talon. Ces enflures disparaissent au bout de quelques jours e t Ies ))periodes de ri.mission)) (au cours des- quelles le malade se trouve en parfaite sante) varient de quelques jours a tout au plus deux mois. Jamais de tenrpe‘rature. Constipation opinihtre. Me‘tdorisnze.

Obs. 4. Homme, J . A . H., 37 ans. Ananrndse: Depuis l’tige de 16 ans - c. b. d. depuis 21 ans, - oeddmes pe‘ri-articulaires npparaissant pe‘riodi- quenzent, de dure‘e et de localisation trts variables; depuis ces dernieres annkes, ces oedPmes sont plus frequents e t de plus longue duree (ils etaient de quelques jours dans sa jeunesse, e t persistent au cows de ces dernieres annkes pendant une a deux semaines). Au niveau de l’oedkme phi-articu- laire, la peau est generalement lkgbrement rouge e t chaude. La temperature est subfebrile pendant la rcriseb). Dans I’intervalle aucun symptbme patho- ogique. Constipation marquee.

Obs. 5. Femme .4. N . S., nCe en 1 8 9 7 , secre‘taire. Anamndse: Aucune affection allergique dans les antecedents hereditaires ou personnels de la malade. En Aaril 1 9 3 3 , oreillons, de forme assez grave, nkcessitant un repos au lit de 3 semaines par suite d’une orecidiveo, mais sans aucun signe ovarien de complications. L e Ier m a i 1933 - peu de temps apris la poussee d’oreillons - oedbme et sensibiliti dans la phalange d u nzddius gauche; I ’ o e d h e disparait a u bout d’un.e semaine et fit p k c e b un oedtnze de l’articula- iioii correspondante d u me‘dius droit.

Au cows des s ix mois qui suivirent, il se produisit u n oeddnie tantbt d’une articulation, ta.nt6t de l’autre, e n sorte que toutes les articulations des extremi- tCs furent successioenient prises (b l’exceptton de l’articulation de la hanche) ; toutefois, elles furent toujours prises isole‘ment et la durie de l’affection locale n’exce‘da jamais 3 a 7 jours. P a r contre, la plupart des articulations ont ete interessees plusieurs fois par le processus morhide. A aucun moment on n’a constate‘ d’hypertherniie.

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La malade a ett. soignee a 1'Iibpital d ' h o du 24 octobre jusqu'au G novembre 1933.

A cette e'poque on constate: 6tat general excellent. Apyrexze constante, e t valeurs normales de la re'action, de pre'cipitation. HBmaties 4 millions, hdmoglobine 80 yo. Leucocytes 5,000, dont 38 Yo de lymphocytes, 11 yo de mononucle'aires, mais pas d'e'osinophiles. Amygdales e t dentition nor- males. Cmur normal, au double point de vue clinique et electrocardiographi- que.

Re'action intradermique de Mtantour ci la tuberculine, (tuberculine ))Ah)): avec 0.002 et 0.001 ne'gative, avec 0.1 papules de 20 x 20 mm. Cuti-re'action avec le ))Dich-tests non Ctendu: 10 x 10 mm au bout de 24 heures, aucune rkaction perceptible au bout de 48 heures. Le ))Schzck-test)) donne, aprks 24 heures, 25 x 25 mm e t la m i h e valeur apres 48 heures.

Pendant les 12 jours d'hospitalisation de la malade, on de note aucun symptBme articulaire; trois jours cependant apris son exeat, il se produit ~ sans tempe'rature et sans augmentation. des valeurs de la, rdaction de pre'cipi- tation - des exsudats t r i s nets dans deux articulations digitales. La malade est traitBe, pendant les 12 semairies suivantes, par des injections de 0.5 cm d'une solution de tuberculine extrkmenient faible, ))T - 13a, qui con- stitue une dose vraiment ))homeopathique)), e t que certains dermatologistes suedois utilisent dans le traitement de l'urticaire, de la rhinite vasomotrice, etc. Chose assez ktrange, il est a noter que, manifestement, la malade e'tait re'gulilrernent attcinte d'oedime de deux articulations digitales, deux jours aprks chaque injection, et que ces oedimes disparaissaient, non moins r e p - lidrement, les premikres sema,ines suivantes, aprks une dure'e qui e'tait d'abord de deuz jours, mais qui devenait chaque fois plus courte et n'atteignait vers la fin d u traitcment que quelques heures.

A partir du printemps 1934, la malade est restee exempte de tout symptbme morbide.

Obs. 6. Femme S . I . H . , ne'e en 1891). Anamnkse: Aucune hhredite ))allergique)). Abcks pharynge en 1920, et, peu aprks, anzylagdectomie, malgre laquelle il survient deux fois par an des infections pharyngees avec une tempe'rature atteignant 3 8 O , mais se terminant ge'nkralenzent a u bout de 48 heures e t n'occasionnant aucune interruption de travail. Depuis 1927, coryza. ci re'ctdives fvequentes, et sinusite du sinus maxil- laire gauche.

Depuis 1930, la malade se plaint de odouleurs articulaires)) au printemps et a I'automne, localis6es aux articulations interphalangiennes des doigts e t des ortiels, mais janiais simultandnient iL plus d'une ou de deux articulations; ces troubles sont tris passagers et disparaissent e n r6gle a u bout de quelques heures, et au plus au bout de quelques jours, pour reapparaitre, le jour sui- vant dans une autre articulation digitale. Dans certains cas, oedemes de toute la region mktacarpienne ou metatarsienne, ayant le caractkre d'oedimes sou-cutanes ressemblant u l'oedime de Quincke. L a malade n'accuse aucune concomitance avec ses infections pharynge'es a u printemps ou de l'automne e t les ,troubles articuluiresr.

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Soignee a l’H6pital d’Aso du 25/4 au l G / G 1938. Etat actuel: E t a t general non modifie. La reaction de precipitation

donne h 2’entree de la malade 3 3 mm par heure (il s’est trouve qu’elle avait des polypes dans le sinus maxillaire gauche avec sinusite; apres operation, les valeurs de la re‘action de pre‘cipitation redeviennent nornzales). Hematies 4.75 millions, hemoglobine 81 yo. Les leucocytes se maintiennent aux environs de 5,000, avec chiffres normaux de la numeration differentielle. Le ceur est normal, au point de vue clinique e t electrocardiographique. Teneur du sang en acide urique, 3.6 mg yo. Test cutane‘: 1) kpreuve intrader- mique a la tuberculine ) ) A h avec I l I O 0 0 0 0 de milligramme: apres un jour, papule de 8 x 8 mm, au bout de 2 jours, 15 x 1 8 mm, au bout de 3 jours, 17 x 17, decroissant ultkrieurement. 2) avec le test de Dick pur (intrader- mique): au bout d’un jour papule de 27 x 27 mm; au bout de 4 8 heures, 30 x 48 mm; au bout de 3 jours, 24 x 4 2 mm; au bout de 4 jours, 24 x 35 mm, p i s decroissance progressive. Avec le liquide Dick dtendu a 115 e t a 1/2 , resultat ne’gatif. Avec le test de Schick: etendu a 115 papule de 16 x 1 6 au bout de 3 jours, e t decroissance ulterieure; etendu a 1/2: au bout de 24 heures, papule de 16 x 25 mm, au bout de 4 8 heures, 15 x 18 mm; a u s i x i h e jour, elle etait encore de 16 x 2 4 mm.

La malade est traitee par la rDetoxineo (soufre), serie complete de 10 injec- tions; exeat au bout de 7 semainessans aucunsymptbme subjectif ou objectif.

Obs. 7. Homme J . H . S . G., n i en 1 9 0 8 , olifteri). Anamnkse: un fils atteint d’asthme; aucun autre cas d’affection allergique dans la famille. Personnellement, le malade a eu quelques crises breves d’urticaire. .

Depuis I’automne 1937, pousse‘es d’soeddmes articulairesr (prksentant plus particulikrement le caractere d’oedbmes pe‘ri-articulaires), trds fugaces (chaque localisation ne durant guere que 2 4 heures, ou ail plus deux jours); ces localisations sont extr&mement variables (le plus souvent au niveau du poignet, du genou ou des articulations metacarpo-phalangiennes. Les iritervalles de re‘mission sont e‘galement trds irriguliers (ils varient d’un ou deux jours a plusieurs mois). Les oedemes apparaissent d’une faFon entie- rement wapricieuse)), sans aucune rbgle et. sans aucun ufacteur de de‘clenche- mento net. Lorsque l’oeddme disparait, il fait toujours place a un prurit assez pe‘nible de la peau a u niveuu des articulations momentane‘ment inte‘resse‘es, prurit gui dure envirota deux jours.

Le malade entre pour la premiere fois a 1’Hhpital d ’ h o du 8 au 20 aoiit 1938.

A son entre‘e: sujet vigoureux, ayant l’air parfactement s u m et u n tecnt trds frats, sans modification de l’etat gdndral. hpyrexie pendant toute son hospi- talisation. Les valeurs de la re‘action de pre‘cipitation sont normales (3 epreuves a une semaine d’intervalle). Numeration des hematies e t evaluation de I’hemoglobine normales. Leucocytes, 5,900, avec 2 Yo d’e‘osinophiles e t 41 yo de lymphocytes (lymphocytose relative). Teneur d u sang e n cho.uz, 9.3 milligrammes-%. Acide urique d u sang, 4 milligrammes-Yo. Cceur normal. Les amygdales sont grosses e t caverneuses. Amygdalectomie au cows du sejour hospitalier.

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Au debut de son hospitalisation, le malade est soumis a un traitement par des injections de Detoxine (soufre), (Chem. Fabrik Wiihlfing), pendant 8 semaines. I1 n’a plus dds lors de )>troubles articulairesr et reste exempt de tout symptdme articulaire pendant le mois qui suit. Vers le milieu du mois d’octobre 1938 ces symptBmes reapparaissent, de la nitme fa$on et sous le mbnie aspect yue pricidernmeiit.

L’etat a u moment de cette seconde hospitalisation est, d: tout prendre, identique iC celui d u mois d’aod prk tden t . Toujours afkbrile. Reaction de prkcipitation, 8 mm. Hkmaties, 5.2 millions, hkmoglobine 100 yo. Leucocytes, 5,000, toujours lynzphocytose relative ( 5 2 o h ) , mais cette fois avec seulement 1 O,,, d’eosinophiles.

Le malade rentre a 1’Hbpital d ’ h o du 10 au 25 janvier 1939.

L’electrocardiographie, pratiquPe a deux reprises, est normale. On pratique cette fois une Ppreuve intra-derniique u l a tuberculinp

(Mantoux), qui se traduit par une forte e t rapide reaction cutanke (pour l i l 0 0 milligramme de tuberculine ))Altr: papule de 10 x 10, dds le lour qui suit Z’epreuve, et pour l i l 000 de milligramme, papule de 10 x 10, egale- ment le jour suivant), ce qu’on ne saurait interpreter que conime une reac- tion allergique non-spicifique.

Obs. 8. Pen~iiie T . B. H . B., n i e en 1896 . AnarnnPse: -4ucune h6redite de bacillose ou de maladies allergiques. Depuis 1 8 3 3 (a l’ige de 37 atis), oedime ptrrodique (sans rougeur des teguments), pe‘ri- ou intrnarticulaire dans les articulations du pied, du genou et, au cours des dernieres annkes, egalement du poignet droit, avec localisatiori gene‘ralement l imitte a u n article pour chaque poussee et disparaissant spontane‘r,ient nu bout de deux jours. Depuis 1930, la malade a souffert de rca/arrhe intestinah avec alternances de diarrhee e t de constipation.

Soignee a 1’HBpital d ’ h o du X i 9 au 22/11 1938. Etat actuel: Bon etat general. ilfeb,.de pendant toute la dure‘e de

hospitalisation. Reaction de prkcipitation: valeurs legerement superieures a la normale (variant entre 19 a son entree et 13 a sa sortie). HCniaties env. 4 millions; hemoglobine, 8 0 A 85 yo. Leucocytes variant entre 6,200 a I’entree et 4,400 a la sortie. Numeration differentielle: lymphocytosp rela- tive (41 Yo), 1 yo d’eosinophiles; par ailleurs, chiffres normaus. Le cmur est normal au double point de vue clinique e t electro-cardiographique. La radiographie des articulations des pieds et des poignets, ainsi que celle des poumons et du mediastin indique des conditions normales.

Cuti-re‘action intradermique avec la rtuherculine Alt,: Avec 1 il00000 nig: au bout de 24 heures, papule de 14 x 14 mm au bout de deux jours de 11 x 11 mm, ultkrieurement de decroissance; avec 1/1000000 nig; au bout de 2 4 heures, papule de 12 x 12, et de 8 x 8 rnm au bout de deux jours, dimensions qui se maintiennent apres 6 jours.

Au cours de l’hospitalisation de la malade, on ne nota aucun autre nsigne articulairer objectif qu’un leger epanchement dans les articulations du pied, surtout, marque pendant les premiers jours. 10 injections de DCtoxine. La malade sort entiGrement exetnpte de s y m p t h e s .

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Y -4-T-IL U E S FORXIES D E R H U M A T I S H E A R T I C . E T P E R I 4 R T I C . E T C . 439

J’ai reuni dans le tableau 1 ci-dessous tout mon materiel clini- q u c ~ (54 cas, dont 12 homnies e t 42 fcmmes), reparti en groupes d’sge. I,e tableau 2 indique l’existence dans ce materiel de quelques Ptals morbides gkneralement qualifiks ))d’allergiquesu.

Tableau 1.

<;roupes 1 i 1 i 1 1 1 - de 20 ails 21-30 31-40.41-50 51-60 + cle 60 ails Total tl’dge

Hoinmes . . . . 0 2 4 4 2 0 12

Fcmmes . . . . 7 10 18 5 1 1 42

. - _ ~ _ . ._ ~ _ ~ - _ ~

-- El1 tout . . . . I 7 1 12 I 22 1 9 1 3 1 1 I 54 ,

E n cc qui concerne l’anamni.se, il y a lieu clr signalcr que 6 des -54 malades avaient anterieurement etC attcints dc fievre rhuma- tismalc, m a i s duns ailrun ens, les sympt6mes dc arhumatisme aller- gique)) n’ktaient apparus immediatement 011 peu de temps apres I’attaque aigug de vhlaladie de Bouillaud)); dans la majorit6 des cas ils lui etaient postbrieurs de plusieurs annkes. I1 cst a noter que, sur les 54 malades, 10 ont spontanement dPclarC que, presque rlgu- liCrement, ils i taient atteints de nause‘es les jours qui prlce‘daient l’up- parii ion des ))oedi.mes allergiques)), quelques uns avaient en outre de la cliarrhke. Dans 3 cas, les malades avaicnt un ulcere de l’estomac manifeste. Signalons egalement que dans 6 cas (dont la plupart appartenait a u groupe dc malades qui accusaient aussi des nausites avant ol’attaque allergiqueo), les malades eprouvaient rkgulierement avant le debut cles sattaqueso une sensution marque‘e de lassitude, acomme s’ils Ptaient empoisonneso. Enfin, 2 d’entre eux ittaient atteints de psoriasis. 29 - Acla rned. scandinau. Vo l . C I I .

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En ce qui touche les resultats des examens chimiques, physico- chimiques et morphologiques du sang qui ont Cte pratiques, ils tie sont malheureusement tres significatifs, quelques-uns seulement de ces malades - et plus particulierement ceux qui ant Cte soignes dam mon service - ayant ete l’objet d’examens complets a cet egard. I1 y toutefois intCr&t a noter que dans uucun des cus examines 012 n’a consfatt d’andmie, ce qui, ainsi que je l’ai indique, est une rkgle quasi-absolue, t an t dans la fievre rhumatismale que dans les polyarthrites chroniques progressives, c. B . d. dans les formes d’affec- tions vrhumatismales)) oh unr infection peut &re, sous une forme ou sous une autre, presumCe de jouer un r61e etiologique ou ride dkclenchement)). J’cn dirai autant de la reaction de precipitation (S. R.) dont les valeurs ont, dans mes cas ))allergiques)) personnels, ete entierement normales dans tous les cas examines, ou ant accuse une elevation moderee e t trbs pnssagere pendant les jours ))d’eclosionu des oedemes dlergiques)).

I1 est egalement interesant de noter que, duns la presque totalit4 des cas oh il a C t C procede a numeration differentielle des leucocytes, on a constafd m e lymphocytose relative (cf. les obs. 5, 7 et 8), gknerale- ment tres caractkrisee, mais sans augmentation des eosinopliiles. Le nombre total des leucocytes s’est montrt, dans t o m les cas examines, duns les limites normales.

Dans les cas oh l’on a recherche l’acide urique du sung, les valeurs constatees ont toujours Ctt! a la vlimite superieureo des valeurs normales, sant gtre incontestablement pathologiques (dans la plupart des cas, de 3 a 4 mg yo). Le teneur du sang en chaux a donne, dans les cas oil cet examen a ete pratique, des valeurs nor- males.

En ce qui concerne enfin la cuti-rdaction, qui a ete faite dans quelques cas, soit par injections intra-dermiques de tkuherculine Alt)), soit avec la solution de Dick et de Schick, nous avons constate une hypersensibilitk manifeste. I1 est particulierement a noter (cf. obs. 5-8) que cette Cpreuve a la tuberculine a donne des reactions cutanees positives plus rupides que dans les cas de tuberculose (au bout de 24 heures), e t que l’on a, en outre, obtenu des reactions positives avec des solutions ertrimement diluees de tuberculine, de 1/100000 de mg et m&me de l/lOOOOOO de mg (v. obs. 8). Et cela dans des cas oh ni l’anamnese ni l’examen clinique ne permettaient de supposer de processus tuberculeus d’aucune sorte.

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Y 4 - T - I L D E S FOR’JIES D E R H U M A T I S M E .4RTIC. E T PERI.4RTIC. ETC. 441

Pour essayer de resumer les caracteres distinctifs de ces cas, clue j’ai voulu qualifier de ))rhumatisme de nature reellement aller- giquew, je les grouperais volontiers sous les points ci-apres:

1) Au point de vue clinique, ils sont surtout caracterisb par des oedemes trcs ofugaceso, apparaissant a intervalles variables soit dans les articulations, soit dans les tissus peri-articulaires, soit clans les gaines tendineuses, oedemes rappelant de trbs prks par leurs aspect exterieur e t par leurs autres cararteres l’oedeme de Quincke, et coexistants dans l ien cles cas avec ce dernier syndrome, avec localisation sous-cutanee aux extrkmites, mais aussi a la face. Dans la plupart cles cas, ces oedemes ne presentent qu’une ou deux localisations simultanees, mais leur si?ge change d’une faqon parti- culierement capricieuse, soit au cours d’attaqucs nouvelles, soit au cows d’une seule e t mbme attaque (rebondissants).

2) Dans le materiel clinique de l’auteur, qui comprend 34 cas, la majorit6 des malades sont des femmes (42 cas, soit 78 yo), e t non moins cle 22 cas sur 54 appartiennent au groupe d’ige 31-40 ans; 30 d’entre eux ont moins de 50 ans (v. tabl. 1). I1 n’y a pas lieu de noter m e frkquence plus grande des cas u u z environs de la minopause.

3) Dans une proportion remarquable des cas, les malades ont clans leurs anamnestiques, soit ahterieurement au nrhuniatisme allergiquen, soit simultankment, pr6sentC d’autres syndromes, gknk- ralement considerits comme ))allergiques)), tels qu’urticaire (dans non moins de 35 yo de mes malades personnels), oedkme de Quincke (11 yo), asthme (13 %) et migraine (plus de 9 yo). Ces affections aller- giques se retrouvent parfois chez d’autres membre de la famille, e t p. ex. l’asthme chez le pcre du malade ainsi que l’urticaire chez les deux fils d’un autre malade. Dans environ le % des cas, on note Cgalement des troubles des organes tle la digestion, et notamment des nauskes, parfois de la diarrhee les jours qui precedent d’attaquea d’oedeme. Chez 3 malades il existait un ulcere de l’estomac.

1) Dans les cas oh il a 6tC possible de pratiquer un examen coniplet du sang, on ne trouve ni anemie, ni augmentation des vale- urs de la rkaction de precipitation (sauf parfois une augmentation momentanee pendant la periode aigud des ))oedemes allergiques))), ni augmentation clu nombre total des leucocytes, mais, dans plusieurs cas, une lympliocyfose relative manifeste. Dans les cas qui ont 6te soumis a la cuti-rkaction, Cpreuve intradermique A la tuhercu-

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line, epreuve de Dick et de Schick, on constate une hypersensibilitt? assez nette. Ni l’anamnkse, ni le tableau clinique, ni les recherches de laboratoire ne permettent de ranger l’affection sous la denomi- nation de ))Maladie de Bouillauds ou de polyarthritc chronique progressive.

L’auteur conclut donc que l’affection qu’il vient de decrire peut, avec quelque raison Btre denommke whumatisme de nature reelle- ment allergiqueo.

Resurnk.

Dans la discussion scientifique particulierement animCe qui 5e

poursuit depuis une dizaine d’annees sur l’etiologie e t la pathoghie, non seulenient du rhumatisme articulaire aigu (maladie rhuma- tismale), mais aussi de la polyarthrite chronique progressive, il a PtP accord@ une place prkponderante la sthCorie de l’allergie}). Des cliniciens et des pathologistes eminents, plus particulierement en Russie e t en Allemagne, ont fait valoir que dans la pathoghie des polyarthrites aigues, subaigues et chroniques rhumatismales le point cardinal consistait dans une mode de reaction allergique clans le sens propre du mot. En France, cette theorie n’a guere d’adhkrents, par contre la doctrine medical francaise a, depuis bien des annkes, soutenu que les facteurs constitutionnels - le Hdiathese)), le >)ter- rain)) - jouent un rble infinimerit plus important que les infections (dont l’action de ))dbclenchement)) est certaine, mais dont le virus n’a rien de specifique) pour la forme et l’evolution cliniques des polyarthrites rhumatismales - tout e n af f irmant que ce mode de riaction de l’organisme ne peut, ni ne doit (tre qual i f i i de wiact ion allergique)).

Toutefois, l’auteur a eu I’occasion, au cours de ees dernibres ann6es de se trouver en presence de certaine forme nosologique d’arthrite qu’il serait porte a qualifier de spurement allergiquen. les caractPres distinctifs de ces ca, l’auteur les grouperais volontiers sous les points ci-apres:

1. Au point de vue clinique ils sont surtout caracterises par des oedkmes tres dugaceso, apparaissant a intervalles variables, soit dans les articulations, soit dans les tissus pkriarticulaires, soit dans les gaines tendineuses, rappelant de tres prPs l’oedeme de Quincke et coesistants dans bien des cas avec ce dcrnier syndrome. Lc

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Y A-T-IL DES FORYES D E R H U M A T I S h l E ARTIC. ET PERIARTIC ETC. 443

siige de l’oedtme change d’une facon particulikrement capricieuse aussi au cours d’une meme attaque.

2. Le matkriel de l’auteur comprend 54 cas, dont 42 (78 yo) fenimes. La plupart (22 cas) apartiennent au groupe d’ige 31-40 am, et 50 cas sur 54 ont moins de 50 ans.

3. Dans une proportion remarquable des cas, les malades ont dans leur anamnestiques, soit antirieurement au orhumatisme allergi- clue)), soit simultanement, presente d’autre syndromes allergiques tels qu’urticaire (dans 35 yo), oedeme de Quincke (11 yo), asthme (13 yo), et migraine (9.5 yo). Ces affections allergiques se retrouvent parfois chez d’autres membres de la famille.

4. Les examens chimiques, physico-chimiques et morphologi- ques du sang ainsi que l’epreuve intradermique a la tuberculine e t les cuti-rkactions de Dick e t de Schick, n’interdites pas de donner, avec quelque raison, l’affection que l’auteur vient de decrire, le nom erhumatisme de nature rkellemcnt allergiqueo.