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Page 1: Asthme allergique : place de la conseillère médicale en environnement

Table ronde

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Auteur correspondant. e- mail : giovannini- chami.l@pediatrie- chulenval- nice.fr

Asthme allergique

Le rôle délétère de l’exposition des patients présentant une rhinite et/ou un asthme aux allergènes et aux polluants a été précisé grâce à la mise au point de méthodes fiables de

mesures des allergènes et des polluants domestiques il y a une vingtaine d’année. Ainsi, l’efficacité des méthodes globales de prise en charge de l’environnement intérieur a été démontrée dans le cadre de la prévention tertiaire  [1]. Or, l’interrogatoire du malade par le médecin en consultation a une très mauvaise valeur prédictive concernant la charge allergénique du domicile. Il est donc rapidement apparu nécessaire de pouvoir confier la réalisation d’un véritable audit de qualité de l’environnement intérieur à des professionnels.

1. De nouveaux acteurs/actrices dans la prise en charge de l’asthme.Cette nouvelle activité professionnelle a été créée en 1991, à Stras-bourg, à l’instigation des Prs Frédéric De Blay et Gabrielle Pauli. Cent- vingt- deux conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI) ont été formés depuis 1991, initialement par le biais d’un DU (41 étu-diants formés), puis depuis 2004 d’un DIU (81 étudiants formés) et d’une licence professionnelle des métiers de la santé (2  étudiants formés). Cette profession, certes très féminine (102 femmes), ne l’est pas exclusivement avec 20 conseillers diplômés. Le pré- requis pour accéder à ces formations est un niveau bac +2 ou +3. Ces formations permettent d’acquérir la connaissance des pathologies médicales liées à l’environnement  ; des techniques du bâti, de la ventilation et des différents polluants  ; des différentes méthodes d’éviction de ces différents polluants. Ces professionnels peuvent exercer en libéral, mais la plupart sont employés dans des structures publiques (hôpitaux, ARS, mairies, ministère de l’écologie, mutuelles), privées (prestataires de service), ou encore associatives (associations de patients, réseaux d’éducation). Leur répartition à l’échelle du territoire est relativement disparate et superposable à celle de l’accès aux soins.De manière parallèle, des Conseillers Habitat- Santé ont été for-més depuis 2001 dans le cadre de la « Maison de l’Allergie et de

l’Environnement » à Marseille répondant à la double préoccupa-tion des risques respiratoires et non respiratoires liés à l’habitat.Le développement de ces professions a été inscrit dans le Plan National de Santé Environnement  1 et  2 et le Grenelle  1. Des structures similaires existent en Europe avec les « ambulances vertes » créées en Allemagne, Suisse et Suède.

2. Dans quelles indications leur intervention est- elle proposée ?2.1. Les recommandations dans l’asthmeLa plupart des recommandations des différentes sociétés savantes depuis les 10  dernières années abordent la place des CMEI dans la maîtrise globale de l’environnement. L’intervention des CMEI est envisagée comme «  mesure associée  » dans les recommandations de l’HAS concernant l’asthme de l’enfant de moins de 36 mois. Le Groupe de recherche sur les avancées en pneumopédiatrie (GRAPP) recommande l’intervention des CMEI dans l’asthme non contrôlé de l’enfant à partir de 4 ans. La Conférence d’experts SPLF  2007 «  Asthme et Allergies  » recommande de faire une éviction des allergènes responsables, la plus globale possible, chez l’enfant allergique asthmatique rapportant le rôle des CMEI dans la mise en œuvre de l’éviction des acariens. L’ANAES indique que les CMEI participent à l’éduca-tion thérapeutique du patient asthmatique adulte et adolescent.

2.2. Les recommandations dans la rhiniteLes recommandations d’Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma (ARIA) en 2010 concernant la prise en charge de l’environnement du patient allergique n’abordent pas directement la place des CMEI. Les auteurs ne recommandent pas les mesures visant à réduire la charge en acariens qu’elles soient isolées ou associées, en dehors de la recherche clinique.

2.3. En pratiqueEn cas de non contrôle de l’asthme d’un enfant allergique, la visite d’une CMEI doit être proposée, lorsqu’elle est possible, de

Asthme allergique : place de la conseillère médicale en environnementL. Giovannini- Chamia*, I. Montaudié- Dumasa, T. Bourriera, C. Debailb, R. Collompb, M. Berlioz- Baudoina, C. Piccini- Baillya, M. Albertinia

aService de médecine pédiatrique, Hôpitaux Pédiatriques de Nice CHU- Lenval, 57 avenue de la Californie, 06200 Nice, FrancebPôle de Pharmacie, L2SP, CHU de Nice, Nice, France

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4. Quels intérêts pour le patient et pour le prescripteur et la société ?La validation clinique de la prise en charge globale de l’environ-nement intérieur a été montrée dans quelques études. L’utilité des CMEI a été montrée en  2003 dans une étude prospective multicentrique incluant 378  patients  [2]. Le suivi des conseils d’éviction et la réduction de l’exposition allergénique aux aca-riens étaient supérieurs dans le groupe médecin + conseiller que dans celui des médecins seuls. L’estimation de la mise en œuvre effective des conseils des CMEI a été évaluée à 6 mois par notre équipe avec une diminution significative de l’exposition aux acariens, moisissures, polluants chimiques, mais une absence de modification des habitudes de consommation de tabac et de la présence d’animaux (données non publiées).En  2004 sont publiés les résultats d’une étude concernant 937  enfants asthmatiques sévères âgés de  5 à 11  ans issus de 7  grandes villes des États- Unis  [1]. Cette prise en charge globale a pu amener, la première année de prise en charge, à la réduction de 19 % des symptômes chroniques d’asthme, de 13 % des consultations en urgence et de 20 % de l’absentéisme scolaire. Le «  Seattle- King county healthy homes project  » a montré, dans un groupe de 274 enfants asthmatiques issus de milieux modestes, qu’un programme environnemental complet permettait de décroître le nombre de passages aux urgences et le nombre de jours avec limitations des activités comparé à un programme simplifié. Ces 2 derniers programmes ont, de plus, montré un bon rapport coût- efficacité conduisant l’EPA (Environment Protection Agency) et le CDC (Center of Disease control and prevention) à recommander le développement des CMEI aux Etats- Unis.

5. ConclusionCe nouveau métier permet une prise en charge globale validée de l’environnement intérieur des malades asthmatiques. Leur développement à l’échelle nationale semble nécessaire et serait renforcé par une évaluation transversale de leur efficacité sur le contrôle de l’asthme, leur impact économique et de l’observance des conseils. En parallèle la notion de conseil en environnement extérieur pourrait être amenée à se développer, notamment du fait du développement d’indicateurs de pollution et de charge pollinique atmosphérique (ambroisie, cyprès).

Références[1] Morgan WJ, Crain EF, Gruchalla RS, et al. Results of a home- based

environmental intervention among urban children with asthma. N Engl J Med 2004;351:1068-80.

[2] de Blay F, Fourgaut G, Hedelin G, et al. Medical Indoor Environment Counselor (MIEC) : role in compliance with advice on mite allergen avoidance and on mite allergen exposure. Allergy 2003;58:27-33.

Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprès de l’auteur.

manière à obtenir le contrôle de cet asthme. Chez le nourrisson, l’asthme étant principalement déclenché ou aggravé par les infections virales, la place de la CMEI reste à déterminer. Dans la rhino- conjonctivite allergique non contrôlée la place de la CMEI probablement intéressante reste à confirmer par des études cliniques.

3. Déroulement de la visite des CMEI : une prise en charge globale de l’environnement

Les CMEI interviennent sur prescription médicale au domicile des patients. Cette visite est gratuite lorsque la CMEI dépend d’une structure publique et peut être payante lorsque cette activité s’exerce en libéral avec une participation de certaines mutuelles.La visite débute par un questionnaire détaillé permettant de pré-ciser l’environnement global du patient. Vient ensuite la visite pièce par pièce du domicile, sans oublier les annexes (garage, cave). Lors de cette visite sont systématiquement recherchés, et le cas échéant mesurés ou analysés, les polluants biologiques (phanères d’animaux, acariens, blattes, moisissures), les polluants chimiques (composés organiques volatiles (COV), formaldéhyde) et les polluants physiques (taux hygrométrie, température intérieure). Certains polluants se mesurent au domicile par des tests semi- quantitatifs comme l’Acarex- test® pour les allergènes d’acariens. Pour les autres polluants, notamment chimiques, des techniques plus complexes et plus coûteuses sont parfois à mettre en œuvre en lien avec des laboratoires spécialisés. En fonction des données du questionnaire et des résultats de la visite, des mesures d’éviction personnalisées sont proposées et expliquées à la famille. Les conseils peuvent nécessiter des chan-gements d’habitudes de vie (entretien des locaux, du linge de lit, aération du domicile, tabagisme), la réalisation de travaux (VMC, réparation de fuites d’eau, suppression d’un revêtement de sol inadapté) et l’acquisition de matériel adapté (housses anti- acariens, sommier à latte). Les CMEI peuvent aussi aider dans une démarche de contrôle de la qualité sanitaire d’un logement soit pour alerter les services compétents lors de la déclaration du caractère insalubre d’un logement, soit pour obtenir des aides à la rénovation.Un compte- rendu est systématiquement envoyé au médecin prescripteur et au patient résumant les mesures et observations faites au domicile ainsi que les conseils d’éviction proposés à la famille.


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