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Page 1: Comment manager une entreprise créative ? L'exemple de Pixar

qu’est ce qu’une entreprise créative ?

Présentation du livre

“Creativity Inc.”d’Ed Catmull & Amy Wallace

rAndom housE

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Le concept d’entreprise créative évoque le cliché de lieux merveilleusement décorés, dans lesquels de purs génies livrés à eux-mêmes créeraient sans effort des produits innovants. Dans son livre Creativity Inc. Ed Catmull, le co-fondateur de Pixar, nous démontre qu’il n’en est rien. Le succès de Pixar est dû à des processus bien identifiés, portés par un management et une culture d’entreprise favorables à la créativité. Encensé par la presse business à sa sortie en 2014, cet ouvrage co-écrit avec Amy Wallace représente une exceptionnelle leçon de leadership et de management de l’innovation.

Nous vous proposons une synthèse de cet ouvrage en trois articles :

Partie 1. “L’innovation a besoin d’amis” présente les grands principes de la culture d’entreprise

Partie 2. “Manager l’innovation au quotidien” présente les principaux processus mis en place dans l’entreprise.

Partie 3. “Comment manager un culture créative dans votre entreprise” détaille les principes à mettre en œuvre dans votre entreprise.

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sorti en 1995, Toy story connaît un succès immédiat et révèle le studio au grand public. Pour son fondateur Ed Catmull, ce succès représente l’aboutissement d’un rêve de 20 ans : réaliser un long métrage entièrement par ordinateur. C’est aussi la fin de longues années de galères financières depuis la vente de Pixar par George Lucas à steve Jobs en 1986 (lire ici). Ces difficultés ont forgé chez l’Américain de solides convictions : l’innovation repose sur un processus fragile constamment menacé par les tendances “naturelles” de l’organisation ; une entreprise créative doit entretenir une culture forte de l’apprentissage et de la découverte soutenue par un leadership éclairé.

Partie 1 : L’innovation a besoin d’amis

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Avant d’être un bel enfant, le bébé est toujours “horrible”

La création d’un film passe par une longue période de recherches et de tâtonnements. Contrairement aux idées reçues, les maquettes intermédiaires ne sont pas des versions miniatures de ce que sera le film plus tard. Elles ressemblent au contraire à des “Ugly Babies” (d’horribles bébés). “Tous nos films sont nuls au départ” assène John Lasseter le complice de Catmull. Non seulement les dessins, l’animation, mais aussi le scenario, l’enchaînement des scènes, les personnages,…seront revus et corrigés de multiples fois pour atteindre le niveau d’exigence de l’entreprise. Ce cheminement est coûteux en temps et en moyens, mais il est indispensable pour garder ouvertes toutes les possibilités créatives.

Protéger l’innovation

En bon storyteller, l’auteur explique avec des images très simples les principes de son management.

L’originalité est fragileL’ennemi des bébés fragiles, c’est “la Bête” (The Beast). Selon Catmull, la Bête existe dans n’importe quelle entreprise dès qu’elle atteint une certaine taille. Elle encourage à ne pas se remettre en question, à privilégier l’efficacité et la cohérence. Elle veut forcer les équipes à se concentrer sur le respect de règles qu’elle a elle-même créée et non sur le résultat. “Souvent, les gens en charge de la Bête sont les plus organisés de l’entreprise, ceux qui font que les choses sont livrées à temps et dans le budget”. À mesure que l’entreprise croît, le risque est grand que ses employés ne travaillent plus pour leurs clients mais pour “nourrir la Bête”.

Considérer le conflit comme une dynamique

L’ “Horrible Bébé” est en grand danger face à la Bête. “Notre travail est de protéger notre bébé d’un jugement trop hâtif. Notre travail est de protéger le nouveau (…). Le protéger des gens qui ne comprennent pas que pour atteindre l’excellence, il faut passer des phases de non-excellence”. Mais en bon chef d’entreprise, Catmull rappelle que la Bête est indispensable dans tout business : un film doit être livré dans un temps et un budget donnés. Le rôle du leader est de reconnaître qu’il existe

des “désirs opposés” dans une entreprise et trouver un équilibre entre ces désirs. Ce type de conflits est vu comme un signe de bonne santé de l’organisation : “nous avons besoin d’orages, c’est comme l’écologie, il ne peut y avoir de soleil tous les jours”. Mais il ne s’agit pas de laisser la Bête tuer le Bébé : “on attend pas d’un enfant qui apprend à faire du vélo qu’il fasse des prouesses dès ses premiers tours de roue. Au contraire, on l’encourage et on l’aide”.

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Une entreprise qui ne fait pas d’erreur est une entreprise qui n’innove pas assez

“Les erreurs sont inévitables lorsque l’on fait quelque chose de nouveau. Elles sont une manifestation de l’apprentissage et de l’exploration. sans elles, nous n’aurions aucune originalité”. Admettre qu’un bon film commence par de mauvaises maquettes suppose d’accepter de faire des erreurs, et d’accepter que les autres en fassent. mais l’erreur n’a pas de place dans l’entreprise traditionnelle : “nous sommes conduit par le désir de les éviter, ce qui nous conduit à la médiocrité et… à l’échec”.

Une entreprise créative a besoin d’un fort leadership

Comment manager une entreprise créative ? selon Catmull, le rôle du leader est avant tout de favoriser la liberté dans son entreprise. “devenez le gardien de cette liberté”. La richesse de Creativity Inc. est d’analyser clairement les conditions de réussite et de pérennité d’une entreprise confrontée à un impératif d’innovation :

Ne pas avoir peur de ses erreurs et de leurs conséquences

Si l’on admet que l’erreur fait partie intégrante d’un processus de création réussi, celle-ci devient une ressource. Il faut pour cela développer une culture d’entreprise qui non seulement tolère mais encourage les erreurs. Ceci suppose de l’humilité, de l’empathie et de la franchise. “En général personne n’aime les horribles bébés” : personne n’aime montrer des travaux inachevés, des recherches inabouties, des brouillons. Du point de vue de la hiérarchie, personne n’aime découvrir des erreurs. Apprendre au middle management à tolérer les erreurs de leurs équipes et ne pas se sentir menacé par les problèmes nécessite de créer une culture qui supprime cette peur.

La clé selon Ed Catmull c’est la franchise (candor) dans la communication : la capacité à donner un feedback constructif sur un projet sans craindre de dire des bêtises ni de subir des représailles quand ce sera son tour d’en faire les frais. La capacité aussi à recevoir ces avis et conseils, sans les prendre comme un jugement personnel ni une perte de temps. La franchise est la base de la plupart des process créatifs développés chez Pixar.

/ Savoir perdre le contrôle une fois le cadre fixé (délais, budget), le management doit laisser aux membres de l’équipe la plus grande autonomie pour atteindre le but défini et résoudre les problèmes.

/ Ne pas imposer de limites qui brident la créativité

la contrainte génère de la créativité, mais le contrôle la tue ; “chaque fois que vous imposez des limites, vous devez vous demander comment elles vont aider les gens à être capables d’y répondre de manière créative”

Faire confiance à celles et ceux qui font des erreurs pour en trouver les solutions

Il est une chose d’encourager le risque, une autre d’en assumer les conséquences : “demandez-vous ce qu’il se passe quand une erreur est découverte dans votre entreprise”. “Il y a deux parties dans une erreur : l’erreur elle-même, et la réaction à cette erreur. C’est cette seconde partie que vous contrôlez dans une entreprise (…) Faire confiance aux gens ne signifie pas qu’ils ne vont pas faire d’erreur. Ceci signifie que si ils en font, vous avez confiance dans leur capacité à les résoudre eux-mêmes”. Pour cela, il faut faire descendre la capacité à résoudre les problèmes au plus bas possible dans la hiérarchie. Prenant pour exemple le “toyotisme”, Catmull souhaite que chez Pixar chacun ait le pouvoir d’ “arrêter la chaîne” et de trouver les solutions. “Les bonnes idées peuvent venir de partout : tout le monde doit se sentir le pouvoir de parler de ses idées” est un des credos les plus forts de la culture d’entreprise de Pixar.

/ Accepter le risque et les conséquences du risque

“faire confiance ne signifie pas que vous pensez que les gens ne feront pas d’erreur, cela signifie que vous pensez qu’ils sauront résoudre les problèmes générés par ces erreurs” ; le management chez Pixar pousse très loin la responsabilité individuelle et la capacité de chacun à “bloquer la chaîne” s’il détecte un problème

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/ Cultiver la franchise et la critique constructive

donner la possibilité à chaque employé de s’exprimer sur le travail des autres, et lui apprendre à accepter l’expression des autres, à partir du moment ou cette franchise s’accompagne d’une analyse profonde et détaillée

/ Montrer le chemin aux équipes le rôle du leader est de rappeler la culture d’entreprise en permanence, en intervenant régulièrement devant ses employés mais aussi par l’exemplarité dans son attitude et ses décisions

/ Faire attention à tout ce qui crée de la peur traquer en permanence les non-dits, les ressentiments, les “secrets cachés” en favorisant le dialogue sur le terrain avec chaque membre de l’équipe et en instituant des process obligatoires comme le “post-mortem” ou les “note days” (voir partie 2).

La lecture de ce livre m’a donné envie de voir ratatouille, que j’avais raté à l’époque de sa sortie. Le monologue final d’Anton Ego, le terrible critique gastronomique qui avait causé la chute du grand chef Auguste Gusteau, m’a particulièrement surpris. Tout le monde s’attend à ce qu’Ego descende la cuisine originale du petit rat surdoué et entraîne la fermeture du restaurant qui lui a fait confiance. La critique d’Ego est au contraire positive et profonde. Elle sonne comme une affirmation des principes mêmes défendus par Pixar. Ego : “il est pourtant des circonstances où le critique prend un vrai risque, c’est lorsqu’il découvre et défend l’innovation. Le monde est souvent malveillant à l’encontre des nouveaux talents et de la création. Le nouveau a besoin d’ami”.

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diriger 1200 salariés dont la majorité sont “créatifs” nécessite des processus formalisés pour faciliter échanges et capitalisation des savoirs. Le livre de Catmull et Wallace présente en détail les différentes démarches testées et mises en place chez Pixar.

Partie 2 : manager L’innovation aU qUotidien

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Chez Pixar, les courts métrages servent à la fois de R&D au niveau technique et de marche-pied en termes de management des compétences. Leur réalisation est souvent confiée à des novices qui n’ont jamais réalisé de long métrage. Ils apprennent à travailler avec une équipe plus resserrée et plus de polyvalence. Cette politique de courts métrages montre aux fans de Pixar la générosité de l’entreprise puisque les courts-métrages n’ont aucun but commercial (ils sont projetés en avant-première

Court métrage “For the Birds”

Les courts-métrages

John Lasseter le co-fondateur de Pixar est un fervent promoteur des research trips. Selon lui, nul besoin de multiplier les recherches filmographiques et académiques : il faut “sortir et chercher”. Pour Ratatouille, plusieurs membres de l’équipe ont passé 2 semaines en France à dîner dans des restaurants étoilés, visitant les cuisines et interviewant les chefs. Ils ont aussi passé du temps dans les égouts de Paris pour étudier leur configuration. Lors de la préparation de Nemo, ils avaient visité ceux de San Francisco pour s’assurer que “oui, un poisson qui s’échapperait de son bocal pourrait rejoindre la mer par les égouts”.

Ce soucis du détail ne tient pas de la maniaquerie ou d’un goût pour l’évasion : “Ces voyages laissent les clichés au placard. Ils permettent de créer plutôt que de copier”. Ils peuvent aussi aider à démarrer un projet de film. Trois ans avant Monster University (Monstres et Cie), une douzaine de personnes est partie sur la Côte Est visiter le MIT, Harvard et Princeton. “Ce n’est pas pour s’amuser, mais pour alimenter le développement du film à ses débuts”. Elles ont visité les salles, les dortoirs, les cantines, prenant photos et notes, documentant jusqu’au moindre détail leurs découvertes. “Ce que nous cherchons c’est l’authenticité. Vous ne tomberez jamais sur de l’inattendu si vous restez collés dans vos habitudes”. “Quand les gens partent en voyage d’études,

Les voyages d’études (research trips)

ils en reviennent toujours changés”. Le sens du “vrai” a un impact sur le spectateur : “l’authenticité est ressentie par le spectateur, même s’il n’a jamais été dans un grand restaurant parisien. Ils sentent que c’est vrai (…) C’est un contrat avec eux : nous allons tout faire pour vous raconter quelque chose de vrai et d’impactant”.

des longs métrages). Elle démontre aussi au personnel de l’entreprise que les valeurs de créativité perdurent au-delà du business. Selon Catmull, ce sont, malgré leur coût (2 millions de $ environ), des “moyens pas chers de se planter” car ils peuvent mettre en évidence l’incompétence d’un nouveau réalisateur par exemple. “Il vaut mieux avoir une catastrophe ferroviaire avec un train miniature qu’avec un vrai train”.

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Le nom “braintrust” est sans doute tiré d’un groupe informel d’économistes et d’universitaires qui conseillait le Président Roosevelt pendant le New Deal. Pièce maîtresse de l’organisation de Pixar, ce petit groupe n’a pourtant aucune place dans l’organigramme de l’entreprise. Il réunit autour du réalisateur et du producteur des membres de la société qui sont chargés de visionner les maquettes et de donner leur feedback sur le projet de film qui lui est présenté. La réunion se déroule à peu près chaque mois. Ses participant(e)s ne sont pas choisi(e)s selon leur place dans l’organigramme : “choisissez des gens qui vous font penser plus intelligemment et qui trouvent beaucoup de solutions en peu de temps” nous conseille Catmull. Les membres du Braintrust remettent au réalisateur des “notes” très documentées concernant tous les éléments qui posent question.

Les braintrusts

Le Braintrust n’impose pas les solutions aux problèmes qu’il soulève : il revient au réalisateur de trouver des solutions et les soumettre lors de la réunion suivante. “Si Pixar était un hôpital et le film était un patient, le Brainstrust serait un groupe de médecins chargés de donner leur avis sur l’état du malade et le traitement prescrit; le réalisateur et le producteur sont des médecins aussi, et ils ont le dernier mot”.

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Réaliser un film prend plusieurs années et nécessite un fort engagement. Quand il est terminé, tout le monde est prêt à passer à un autre film. Mais chez Pixar, un film n’est pas terminé lorsqu’il sort dans les salles. Il manque un élément essentiel : l’analyse post mortem. “Les entreprises, comme les individus, ne deviennent pas exceptionnelles en croyant qu’elles sont exceptionnelles, mais en comprenant en quoi elles ne le sont pas”.

Faire une analyse a posteriori des forces et faiblesses d’un projet n’est pas naturel dans l’entreprise. Les problèmes soulevés sont souvent personnels, la critique est souvent mal vécue et beaucoup de gens résistent à l’auto-évaluation. Surtout en cas de succès, il est facile de se congratuler et de passer sur les difficultés rencontrées. Les participants sont incités à préparer le post mortem en écrivant “5 choses que vous referiez et 5 choses que vous ne referez pas”.

Les Post-mortems

Ed Catmull énumère les 5 raisons pour lui de réaliser un post mortem :

/ Comprendre pourquoi certaines choses ont été faites en les objectivant

/ Consolider ce qui a été appris avant de l’oublier, et analyser “à froid” ce qui n’était pas possible de mettre sur la table “à chaud”

/ Apprendre à celles/ceux qui n’étaient pas là pour qu’ils bénéficient des enseignements des précédentes expériences

/ Ne pas laisser le ressentiment se développer quand des malentendus sont apparus, le ressentiment peut durer des années s’il n’est pas traité

/ Utiliser le planning pour forcer à la réflexion “le simple fait de planifier un Post Mortem, un Dailies ou un Brainstrust génère 90% de la valeur de ceux-ci, car ils forcent les équipes à l’auto-évaluation et à la réflexion profonde dès la préparation; les réunions ne servent alors qu’à partager ces éléments

/ Pay it forward dans le post mortem on pose des questions pour le prochain projet, des questions dont on a pas forcément la bonne réponse immédiatement, mais qui seront posées dès le début des prochains projets et trouveront peut-être une réponse.

Les Dailies rassemblent le réalisateur avec son équipe d’animateurs. Comme leur nom l’indique, il s’agit de réunions quotidiennes d’une heure environ, situées en tout début de journée, dont le but est de “régler les problèmes ensemble”. La petite équipe travaillant sur le film en visionne les dernières maquettes produites. Le réalisateur qui anime la réunion demande à chacun de s’exprimer, de poser des questions et formuler des remarques. Les suggestions sont soumises aux participants en live, grâce à des outils de dessin développés spécialement en interne. L’ensemble des “notes” est ensuite formalisé et transmis à tous. Les Braintrusts et les Dailies sont les déclinaisons opérationnelles des principes de management de

Les dailies

l’entreprise (voir partie 1) : les participants ont appris à laisser leur ego à la porte pour montrer un travail inachevé, et à critiquer de manière constructive le travail des autres. “Ces réunions démontrent le besoin d’empathie, de clarté, de générosité et de capacité d’écoute d’une entreprise créative (…) Quand l’embarras s’en va, les gens deviennent créatifs (…) Il faut reconnaître que la créativité individuelle est magnifiée par les gens autour de soi”.

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Les notes days : fermer l’entreprise un jour pour permettre à tous de trouver les solutions

Lors d’un séminaire extérieur, les dirigeants de Pixar constatent que les meilleures idées apparaissent lorsque les salariés bénéficient d’un temps suffisant et d’une animation efficace. Ils décident alors de dédier un jour complet à la résolution d’un problème de taille pour l’entreprise. Exemple : “comment produire moins cher sans baisser la qualité (je suis sûr que vous vous posez aussi ce genre de questions dans votre entreprise) ? ” Avant cette journée, une démarche participative en ligne est lancée, permettant de recueillir 4000 emails et de définir 106 sujets de travail. Le Notes Day voit se dérouler 171 réunions dans 66 salles, managées par une

centaine de facilitateurs, impliquant la presque totalité des 1200 salariés de Pixar. Les facilitateurs font tous partie de l’entreprise : aucun consultant extérieur n’est mobilisé. Le but est clair et précis dès le départ (ex. : réduire la production d’un film à 18 500 jours/homme). Il est porté par la direction au plus haut niveau, mais l’ensemble des sujets pour y parvenir sont choisis et débattus par les salariés eux-mêmes. La synthèse, la communication et la conduite du changement ensuite sont également managées en interne, toujours sans consultant extérieur.

Ces 6 process ont été élaborés et validés durant les 20 années qui séparent la sortie de Toy Story de celle de Vice Versa. Entre temps, Pixar a changé définitivement la manière de faire des animations et amassé les succès au box office. Le studio a par la suite fusionné avec Disney Animation, Ed Catmull et John Lasseter prenant la tête des deux entités. Dans ces entreprises, les deux fondateurs ont su construire et diffuser une culture de l’innovation à la fois puissante et pérenne, faite de rigueur, d’écoute et de participation. Ed Catmull en a tiré une série de “pensées pour un management créatif” qu’il a rassemblées à la fin de son ouvrage.

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Partie 3 : Comment déveLoPPer Une CULtUre Créative dans votre

entrePrise ?

Donnez une bonne idée à une équipe médiocre, et elle la gâchera. Donnez une idée médiocre à une excellente équipe, elle règlera le problème et fera émerger quelque chose de meilleur. Si vous avez la bonne équipe, il y a de grandes chances qu’elle ait les bonnes idées.

Quand vous recrutez, donnez plus de poids au potentiel des candidats qu’à leurs aptitudes actuelles. Ce qu’ils seront capables de faire demain est bien plus important que ce qu’ils peuvent faire aujourd’hui.

Essayez toujours de recruter des individus plus intelligents que vous. Prenez le risque du “meilleur”, même si cela représente une menace potentielle pour vous.

S’il y a dans votre organisation des personnes qui ne se sentent pas libres de suggérer des idées, vous êtes perdants. Ne sous-estimez pas les idées qui proviennent de sources inattendues. L’inspiration peut, et doit, venir de partout.

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Être ouvert aux idées des autres ne suffit pas. Développer le pouvoir collectif de réflexion (collective brainpower) des personnes avec qui vous travaillez est un processus actif et permanent. En tant que manager, vous devez faire émerger les idées de vos équipes et les pousser constamment à contribuer.

Il y a beaucoup de bonnes raisons qui expliquent que les personnes ne fassent pas preuve de franchise les uns avec les autres dans un environnement de travail. Votre travail est de chercher ces raisons et de les prendre en charge.

Si une personne n’est pas d’accord avec vous, il y a forcément une raison. Votre premier travail est de comprendre le raisonnement derrière ses conclusions.

Plus loin, s’il existe une peur dans une organisation, il y a sans doute une raison – votre job est a) d’en trouver la cause b) de la comprendre c) de tenter de l’extraire.

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Cette troisième partie est la traduction intégrale des “pensées pour manager une culture créative” que l’auteur nous délivre à la fin de son ouvrage. Ces “pensées” condensent les enseignements de vingt ans de succès et échecs du studio qui a révolutionné l’animation. Leur force est pour beaucoup dans la critique élogieuse du magazine Forbes qui parla d’ “un des meilleurs livres sur le leadership créatif”.

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Rien n’est plus efficace pour empêcher tout point de vue alternatif que d’être convaincu que vous avez raison

En règle générale, les gens hésitent à dire des choses qui peuvent “secouer le bateau”. Les réunions de Braintrust, Dailies, Postmortems et Notes Day sont autant d’effort pour renforcer l’idée que chacun est autorisé à s’exprimer. Toutes ces techniques sont des mécanismes d’auto-évaluation qui cherchent à découvrir ce qui se passe réellement.

S’il y a plus de vérité dans ce qui se dit dans le couloir que dans la salle de réunion, vous avez un problème.

Beaucoup de managers ressentent comme un manque de respect le fait de ne pas être prévenus de problèmes avant les autres ou de les découvrir lors d’une réunion. Aidez-les à dépasser ce sentiment.

Tenter de minimiser les problèmes dans la communication de l’entreprise donne l’impression que vous mentez, que vous êtes ignorants ou indifférents à ces problèmes. Partager les problèmes est un acte d’inclusion qui fait sentir aux employés qu’ils sont investis dans une entreprise.

Les premières conclusions que l’on tire de nos succès et échecs sont fausses. Mesurer le résultat sans évaluer le process est trompeur.

Ne tombez pas dans l’illusion qu’en cherchant à éviter les erreurs, vous n’aurez aucune erreur à réparer. La vérité est que le coût pour éviter les erreurs est souvent beaucoup plus important que le coût nécessaire pour les réparer.

Le changement et l’incertitude font partie de la vie. Votre travail n’est pas de leur résister mais de construire votre capacité de rebondir lorsque des faits inattendus se déroulent. Si vous n’essayez pas tout le temps de découvrir ce qui n’est pas visible et de comprendre la nature de cet invisible, vous êtes mal préparés à diriger votre entreprise.

De même, ce n’est pas le job du manager d’éviter les risques. C’est le job du manager de créer un environnement de confiance pour prendre des risques.

L’échec n’est pas un mal nécessaire. En réalité ça n’est pas un mal du tout. C’est la conséquence inévitable lorsque l’on fait quelque chose de nouveau.

La confiance ne signifie pas que vous faites confiance à quelqu’un pour qu’il ne se trompe jamais – cela signifie que vous lui faites confiance même s’il se trompe.

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Les gens qui ont la responsabilité de mettre un plan en œuvre doivent avoir le pouvoir de prendre des décisions si les choses tournent mal, avant même d’en recevoir l’autorisation. Trouver les problèmes et leurs solutions est le job de chacun. Chacun doit avoir la possibilité de stopper la ligne de production.

Le désir de chacun d’éviter les problèmes est un but trompeur – cela nous conduit à évaluer les gens d’après les erreurs qu’ils font plutôt que d’après leur capacité à régler des problèmes.

Prenez garde à ne pas créer trop de règles. Les règles peuvent simplifier la vie des managers, mais elles peuvent être humiliantes pour les 95% de ceux qui se comportent correctement. Ne créez pas de règles qui ne concernent que les 5 pourcents des employés – traitez les abus individuellement. Cela vous donnera plus de travail mais c’est plus sain au final pour l’organisation.

Imposer des limites peut encourager une réponse créative. Un excellent travail peut émerger de circonstances inconfortables et en apparence intenables.

N’attendez pas que les choses soient parfaites avant de les partager avec les autres. Montrez tôt et montrez souvent (ce que vous faites). Le résultat final sera joli, pas les étapes intermédiaires. Et c’est ainsi que cela doit être.

La structure de communication au sein d’une entreprise ne doit pas suivre sa structure d’organisation. Tout le monde doit être capable de parler à tout le monde.

Se retrouver face à des problèmes exceptionnellement difficiles peut nous forcer à penser différemment.

Une organisation, comme un tout, est plus conservatrice et résistante au changement que les individus qui la composent. Ne pensez pas qu’un accord général va conduire au changement – cela demande une énergie substantielle de faire évoluer un groupe, même lorsque tout le monde est d’accord.

Les organisations les plus saines sont celles qui sont constituées de départements dont les agendas sont différents mais dont les objectifs sont interdépendants. Si un agenda gagne, nous perdons tous.

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Notre travail en tant que managers dans des environnements créatifs est de protéger les nouvelles idées de ceux qui ne comprendraient pas que pour permettre de faire émerger l’excellence, il doit y avoir des phases de “non-excellence”. Protégez le futur, pas le passé.

Les nouvelles crises ne sont pas toujours dégradantes – elles testent et démontrent les valeurs de l’entreprise. Le process de régler les problèmes rassemble souvent les gens et permet garder la culture dans le présent.

Ed Catmull est conscient des limites de l’exercice consistant à aligner des concepts aussi profonds que magistraux : “quand vous distillez des idées complexes dans des slogans de T-shirt, vous donnez l’illusion de leur compréhension (…) vous obtenez quelque chose qui est facile à dire mais déconnecté de nos comportements”. Il nous invite ainsi à considérer chacune des phrases ci-dessus comme un point de départ pour une recherche plus poussée, et non comme une conclusion. À vous de jouer !

VISUELS : Partie 1 : Pixar (Ratatouille, Nemo).

Partie 2 : Pixar (Lifted,Cars (2005) et sculpture “Luxo JR” au siège de Pixar en Californie).Partie 3 : Wired, Pixar (Monster University, For the Birds).

Les autres visuels sont des créations originales de 15marches réalisées par PollenStudio (utilisation du visuel Luxo JR par Pixar).

Excellence, qualité et réussite devraient être des mots acquis, attribués par d’autres à nous, par proclamés par nous aux autres

Ne faites pas de la stabilité un but. L’équilibre est plus important que la stabilité.

Ne confondez pas le processus avec le but. S’atteler à avoir des processus meilleurs, plus simples et plus efficaces est quelque chose sur lequel nous devons travailler continuellement, mais ce n’est pas un but. Faire d’excellents produits est un but.

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