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Cet article traite des relations entre uncertain nombre de configurationscourantes de stratégie et de structure, etil tente d’en réaliser une synthèse. Aprèsavoir noté les lacunes de la documen-tation traditionnelle sur le sujet, nousproposons un traitement plus completdes liens qui existent entre la stratégie etla structure. Nous tentons ensuite dedémontrer l’utilité d’une approcheméthodologique qui préconise de déter-miner et de relier entre elles des confi-gurations courantes de stratégie et destructure plutôt que de jumeler unemultitude de variables appartenant à cesdeux champs respectifs. L’existence detelles configurations et leur capacitéprédictive sont démontrées. Dans undeuxième temps, nous dégageons, àpartir des écrits sur le sujet, certainesdimensions clés de la stratégie etdémontrons comment elles secombinent pour générer les confi-gurations stratégiques les plus courantes.Ces dernières sont finalement mises enrelation avec des modèles structurelstypes afin de mettre en évidence leurscomplémentarités de même que leursconflits potentiels. Soulignons dès ledépart que les configurations proposéesdans cet article, de même que leursrelations entre elles, le sont à titre illus-tratif et qu’elles ne représentent pas uninventaire final et exhaustif.

À cet égard, le titre de cet article estévocateur. Combien de fois n’avons-nouspas vu des auteurs de politique généraled’administration apparier les mots«stratégie» et «structure», tant dans desouvrages empiriques que théoriques?Alfred Chandler (1962), dans son étudeclassique sur le sujet, a montré commentles changements dans la stratégie,notamment la diversification du mar-keting des produits, provoquent desmodifications subséquentes dans lastructure, dans ce cas particulier, ladivisionnalisation. Un grand nombre dechercheurs ont par la suite entreprisleurs propres études empiriques con-firmant largement les conclusions deChandler. La thèse voulant que la

structure procède de la stratégie était sipopulaire qu’elle fut testée et confirméeen Grande-Bretagne (Channon, 1973),en France (Pooley-Dias, 1972) et enAllemagne (Thanheiser, 1972). Puis vintRichard Rumelt (1974) qui démontracomment la combinaison entre la stra-tégie et la structure influençait laperformance de la firme.

Ces études furent importantes, maiselles ne faisaient qu’effleurer la question.Elles réduisaient la stratégie à l’ampleurdu marché : marché unique ou marchédiversifié. La structure était largementenvisagée selon qu’elle était conçue endivisions ou en services, ou encore selonla nature des systèmes de contrôle qu’ellemettait en place. Il y a manifestementbeaucoup plus à dire sur les concepts destratégie et de structure.

Arrive Mintzberg (1973). Il identifie lemode planifié, le mode entrepreneurialet le mode adaptatif de formation de lastratégie qu’il relie aux contextes organi-sationnel et environnemental danslesquels ils se produisent. Là, toutefois,l’accent est mis sur la façon dont sontprises les décisions stratégiques, plutôtque sur le contenu des stratégies elles-mêmes. Encore une fois, la structure estdécrite en fonction de seulement deuxou trois dimensions simples comme sataille, son âge et la distribution dupouvoir qu’elle favorise.

Le travaux de Miles et Snow (1978)ainsi que ceux de Miller et Friesen (1977,1978) représentent des tentativesd’envisager davantage la stratégie et lastructure à partir d’un point de vuepluridimensionnel. Miles et Snow (1978)démontrent comment les entreprises,qu’ils qualifient de prospecteurs, de

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Article

PRIX SMS-WILEY

Configurations de stratégies et de structures :

un pas vers la synthèse*

Danny Miller 1

NOTE DE LA RÉDACTION : Cet articlede Danny Miller a mérité le prixBest Paper Prize 1995 pour lemeilleur article publié dans la pres-tigieuse revue américaine StrategicManagement Journal au cours dela décennie 1980. C’est la premièrefois qu’une telle distinction échoit àun Québécois et à un Canadien.Cet honneur a valu à son auteurd’avoir été choisi «personnalité dela semaine» par le quotidien mont-réalais La Presse du 5 novembre1995. Danny Miller a déjà publiéquelques articles dans Gestion,dont «Le paradoxe d’Icare» (numérospécial sur le leadership, vol. 16,no 3, sept. 1991, p. 33-41).

* La version originale de cet article est parue dansStrategic Management Journal, vol. 7, no 3, p. 233-249, mai-juin 1986, sous le titre «Configurations of Strategy andStructure: Towards a Synthesis». Traduit et reproduit parGestion avec l’aimable autorisation de Strategic Manage-ment Journal et de John Wiley & Sons Ltd. Cet article a ététraduit par Jacqueline Cardinal, trad. a., et revu (princi-palement pour les termes techniques) par Yvon Dufour,professeur de stratégie d’entreprise à l’École des HautesÉtudes Commerciales de Montréal.

défensifs, de réactifs ou d’analysteschoisissent des stratégies spécifiquespour s’adapter à leur environnement.Ces auteurs indiquent ensuite commentce phénomène peut influencer la techno-logie et la structure de l’organisation.Bien que les catégories de Miles et Snow(1978) soient fondées sur un cadrethéorique posé a priori, qu’ils ont par lasuite validé de façon empirique, les typesou «archétypes» de Miller et Friesen(1977, 1978) sont dérivés d’une taxi-nomie empirique des organisations. Euxaussi examinent des stratégies d’adapta-tion courantes ainsi que leurs corré-lations structurelles et contextuelles.Dans l’approche de Miller et Friesen(1978), l’attention est encore une foisportée sur le processus de l’élaborationde la stratégie plutôt que sur soncontenu réel; ce qui est moins vrai dansl’étude de Miles et Snow (1978) quitraite effectivement du contenu de lastratégie, mais s’attache davantage àl’innovation et à l’ampleur d’une gammede produits. On n’y donne toutefois quepeu de détails sur le marketing, la pro-duction, la recherche-développement,l’intégration verticale et les stratégies degestion d’actifs.

Au cours des dernières années, ledomaine de la stratégie d’entreprise et dela politique générale d’administration aconnu d’importantes percées. Le travailconceptuel de Porter (1980) et les étudesempiriques des données du PIMS2 deHambrick et al. (1983, 1983a) sontparmi les plus intéressants. Ces auteursont élaboré des typologies conceptuelleset des taxinomies empiriques extrê-mement éclairantes sur la stratégie, seconcentrant sur des variables qui ontretenu l’attention d’économistes indus-triels – des variables dont on a démontréà plusieurs reprises qu’elles pouvaientinfluer sur la performance, c’est-à-direcelles qui peuvent facilement être àportée d’action des gestionnaires.Notons entre autres la différenciation(innovation, publicité, qualité des pro-duits); le leadership de coûts (capacité deproduction, coûts directs); la focalisation(ampleur de la gamme de produits,hétérogénéité de la clientèle); et l’utilisa-tion parcimonieuse des actifs (ratios desactifs immobilisés sur les revenus).Certaines forces du marché sont égale-ment considérées (rang dans les parts demarché, barrières à l’entrée, dépendancevis-à-vis des fournisseurs et des clients),comme le sont les indicateurs de perfor-mance (taux de rendement du capital

investi, variabilité des résultats, crois-sance des parts de marché). L’impor-tance de certaines de ces variables a déjàété soulignée par Hofer et Schendel(1978) de même que par Henderson(1979).

On remarque toutefois une impor-tante lacune dans les écrits actuels : leriche contenu des stratégies n’a jamaisété relié à la structure de l’entreprise.C’est peut-être, par exemple, que lesstratégies de différenciation par l’inno-vation seraient difficiles à mettre enoeuvre dans une structure bureaucra-tique ou de type mécanique (Burns etStalker, 1961). Il apparaît en effetincongru que les structures bureau-cratiques puissent permettre l’émergenced’une différenciation par l’innovation.D’ailleurs, les organisations qui ontadopté une stratégie de leadership decoûts comptent sur une productionextrêmement efficace, à faibles coûts,pour réduire leurs prix. Elles peuventalors avoir besoin de structures bureau-cratiques, ou «mécaniques», qui privi-légient les contrôles sophistiqués descoûts, les marches à suivre standard etrépétitives, les systèmes d’informationsur les coûts, etc. Les structures orga-niques peuvent être trop flexibles etincapables de bien servir une stratégie deleadership de coûts. Ces considérationsméritent un plus ample examen puisquela combinaison entre la stratégie et lastructure peut influencer de façon vitalela performance des organisations.

Le propos de cet article veut qu’ilexiste des liens entre la stratégie et lastructure : à partir d’une stratégiedonnée, il n’y a qu’un nombre restreintde structures adaptées et vice versa.Évidemment, le thème n’est pas nou-veau, mais il semble opportun d’endévelopper certains aspects. De façonspécifique, il serait utile de relier lesconceptions relativement sophistiquéesde récents théoriciens de la stratégie– particulièrement celles de Porter

(1980), Hambrick (1983a, b) et Miles etSnow (1978) – à celles d’importantsthéoriciens de la structure – notammentLawrence et Lorsch (1967), Burns etStalker (1961), Woodward (1965),Thompson (1967), Galbraith (1973) etMintzberg (1979). La pensée directricequi inspire cette intégration est que tousces auteurs, dont les ouvrages ont été sibien reçus, ont mis le doigt sur dessegments extrêmement importants de laréalité organisationnelle. De plus, laplupart ont tenté de le faire en fonctionde types idéaux ou courants, c’est-à-direqu’ils ont isolé des configurations d’élé-ments que l’on rencontre régulièrementdans nos organisations modernes. Ceséléments semblent former des gestaltstelles que chaque composante ne peutêtre comprise qu’en relation avec lesautres éléments qui composent la confi-guration. Or, c’est précisément parce quenous imaginons de telles configurationsque nous avons la possibilité d’agencernotre monde organisationnel d’unefaçon à la fois riche et globale.

Deux approches pour étudier les organisations

Afin d’illustrer ce dernier point, ilconvient de simplifier les choses encomparant deux façons de relier la stra-tégie et la structure. La première serait deprendre un ou deux éléments de straté-gie à la fois (par exemple l’innovation, lenombre de vendeurs par rapport aunombre d’employés ou la qualité relativedes produits) et de les relier un à un àcertaines caractéristiques structurelles(centralisation du pouvoir de décision,différenciation organisationnelle, etc.).Un des problèmes de cette approche estqu’elle nous forcerait à formuler unemultitude d’hypothèses associant deuxou plusieurs éléments. Ces hypothèsespourraient se révéler innombrables etpeut-être difficilement justifiables con-ceptuellement. N’importe quel thèmeémergent pourrait alors être perdu dansle brouillard d’une telle spéculation tousazimuts. Une autre faiblesse encore plusgrave de cette approche est que la réaliténe peut être réduite à des relationslinéaires à deux, voire même à multiplesvariables, car les relations statistiques etréelles entre variables sont largementfonction du contexte dans lequel elles seproduisent. Par exemple, il peut y avoirune corrélation positive entre la centra-lisation du pouvoir et l’innovation

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L’AUTEUR

Danny Miller estchercheur titulaire àl’École des HautesÉtudes Commercialesde Montréal.

organisationnelle dans les petites orga-nisations menant des tâches simples etrépétitives, alors que cette même relationpourrait être négative dans les firmesorganiques de haute technologie, où lesexperts affectés aux opérations doiventavoir la capacité d’innover (Miller,1983). Les relations ne peuvent donc pasêtre isolées de leur contexte. Alors,l’approche «une variable à la fois» pourrelier la stratégie et la structure apparaîtnon seulement lourde et conceptuelle-ment inélégante, mais elle se révéleraiten plus tout simplement erronée.

Nous avons toutefois une deuxièmeoption. Nous croyons que les élémentsde la structure, comme le font ceux de lastratégie, se regroupent à l’intérieur deconfigurations courantes. Qui plus est,ces configurations sont elles-mêmesinterreliées en ce qu’il existe des con-gruences naturelles entre certaines confi-gurations stratégiques, structurelles et,bien sûr, environnementales au sensindustriel du terme. Si cette thèse est untant soit peu vérifiée, la tâche de relier lesspécificités de la stratégie aux particula-rités de la structure en sera de beaucoupsimplifiée. Nous n’aurons qu’à démon-trer les combinatoires les plus fonc-tionnelles, et partant possiblement lesplus courantes, entre les configurations –nous référant aux attributs individuelsseulement pour refléter de façon pluséclatante le thème des configurationsglobales, et pour illustrer les interdé-pendances spécifiques les plus évidentesentre les configurations de la stratégie etcelles de la structure.

Pourquoi les configurations?

Avant de pousser plus loin l’étude denotre deuxième option, nous devonsdémontrer l’exactitude de ses hypothèsesde départ : notamment que les élémentsde la stratégie, de la structure et del’environnement se soudent ou se confi-gurent en un nombre malléable demodèles courants et utiles dans leurprédictibilité, qui sont caractéristiquesd’un grand nombre d’organisationshautement performantes. Les configura-tions (gestalts, «archétypes» ou «modèlesgénériques») sont présumées prédictiblesen ce qu’elles sont composées de cons-tellations étroitement intégrées d’élé-ments se soutenant mutuellement. Laprésence de certains éléments permetdonc de prédire avec confiance celle desautres (Miller et Mintzberg, 1984).

Il en découle trois arguments enfaveur des configurations. Des écritsrécents sur l’écologie des organisations(Hannan et Freeman, 1977; Aldrich,1979; McKelvey, 1981) soutiennent quel’environnement sélectionne différentesformes organisationnelles courantes. Il ya seulement un nombre limité destratégies et de structures possibles quel’on puisse faire au sein d’un environne-ment particulier. Un nombre limité destratégies et de structures privilégiéesamène les organisations qui les adoptentà prospérer aux dépens d’organisationsconcurrentes. Ces dernières doiventdonc recourir à des stratégies supé-rieures ou simplement périr. Dans lesdeux éventualités, le répertoire de confi-gurations stratégiques et structurelles,potentiellement viables, est limité. Miller(1982), Astley (1983), Tushman etRomanelli (1983) de même que Hiningset al. (1984) soutiennent que cetteconvergence des entreprises vers desconfigurations viables aura tendance à seproduire assez rapidement – en decourtes poussées – et qu’une fois enplace, un ensemble relativement stablede configurations se maintiendra surune période de temps assez longue.

Un deuxième argument, qui découledu premier, en faveur de l’existence deconfigurations est que les caractéris-tiques organisationnelles sont interre-liées dans des combinatoires complexeset globales. En d’autres termes, l’orga-nisation peut être amenée à choisir uneconfiguration courante dans le but deréaliser une harmonie interne entre leséléments de sa stratégie, de sa structureet de son contexte. Un thème central estalors poursuivi; celui-ci rassemble et meten ordre les différents éléments indi-viduels. Prenons la description de Milleret Mintzberg (1984 : 21) de la bureau-cratie mécanique :

«L’organisation a des tâches routi-nières hautement spécialisées, desmarches à suivre très formalisées et delarges unités opérationnelles. Leregroupement des tâches se fait systé-matiquement par fonctions, et lacoordination s’établit conformémentaux règlements et à l’ordre hiérar-chique. Le pouvoir de décision estrelativement centralisé, et il existe unestructure administrative élaborée quicomporte une ligne d’autorité hiérar-chique clairement définie3.»

Là, on met l’accent sur la standardi-sation, les statuts et règlements, les com-munications formelles et les contrôles

étroits. Ces grandes organisations nepeuvent fonctionner que dans des envi-ronnements stables et simples danslesquels leur manque de flexibilité n’estpas trop astreignant.

Manifestement, beaucoup de cescaractéristiques sont complémentaires etse renforcent mutuellement. L’envi-ronnement stable permet de systématiseret de formaliser les marches à suivre,mais ces dernières amènent à leur tourl’organisation à rechercher un envi-ronnement stable. La grande taille del’organisation favorise la standardisationpuisque les marches à suivre se multi-plient et que les contrôles doivent êtreimpersonnels – par ailleurs, la standardi-sation à son tour favorise la croissance,laquelle permet d’accroître les écono-mies d’échelle. Le leadership de coûts(Porter, 1980) en vient à être privilégié.La grande taille de l’organisationengendre la rigidité qui elle, déclenche larecherche d’un environnement stable.Une relation inverse peut parfois seproduire, car la stabilité favorise la crois-sance à un niveau tel que l’on peut tirerprofit de façon optimum des occasionsd’affaires. Ainsi chaque élément est toutà fait logique avec l’ensemble et priscollectivement, ces éléments forment unsystème cohérent (Miller et Friesen,1984b : 22). Les configurations cohé-rentes réduisent le nombre des possibi-lités combinatoires des éléments qui lesconstituent. Ainsi, la probabilité que lesconfigurations les plus courantesillustrent une partie importante desorganisations est d’autant plus grande.

Ceci nous amène à notre troisièmeargument en faveur de la prédominancede configurations courantes : les orga-nisations tendent à modifier les élémentsqui les composent, soit de façon à ren-forcer une configuration particulière,soit de façon à ce que l’organisation setransforme rapidement en une nouvelleconfiguration qui, elle, restera en placetrès longtemps. Les changements menésà la pièce détruisent souvent la complé-mentarité de nombreux éléments de laconfiguration; ils sont donc évités. C’estseulement lorsque les changements sontabsolument nécessaires ou extrêmementavantageux que les organisations tente-ront de se déplacer, de façon concertée etrapide, d’une configuration vers uneautre largement différente. Parce qu’ilssont très coûteux, de tels changementsne seront que rarement entrepris. Enconséquence, les organisations conser-veront leurs configurations pour des

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périodes de temps relativement longues.Astley (1983), Miller (1982), Miller etFriesen (1984b) de même que Tushmanet Romanelli (1983) ont justifié plusavant cette vision du changement au seindes organisations. Miller et Friesen(1980, 1982) ont de plus confirmé cesobservations par des évidencesempiriques.

Va pour les arguments conceptuels enfaveur des configurations. Il y a parailleurs des preuves empiriques trèssolides démontrant l’existence de confi-gurations. On en trouve dans les travauxbien connus de Woodward (1965),Lawrence et Lorsch (1967), Burns etStalker (1961) et chez d’autres auteursdont tous ont observé des configurationsstructurelles complètes dans leur banquede données. Hambrick (1983b) de mêmeque Miller et Friesen (1984a) ontégalement découvert des configurationsparmi des éléments de stratégie desdonnées du PIMS – correspondantlargement aux stratégies de Porter(1980) et apparaissant dans différentsenvironnements. Dess et Davis (1984) demême que Miller et Friesen (1984a) ontmontré que les firmes poursuivant lestrois stratégies génériques de Porter sontnombreuses et qu’elles dépassent lesfirmes qui sont «coincées dans lemilieu».

Un des développements les plusréconfortants est qu’il existe un chevau-chement considérable entre les typo-logies et les taxinomies de structuresd’une part et celles de stratégies d’autrepart. Même si les auteurs étudiaient,comme les aveugles du célèbre proverbe,différentes parties de l’éléphant, leurstravaux semblaient largement converger,de telle sorte qu’il devient de plus en pluspossible de brosser un tableau completde l’animal. Par exemple, notre bureau-cratie décrite plus haut semble êtrereflétée dans les firmes qualifiées deconteneurs par Lawrence et Lorsch, dansles organisations mécanistes de Burns etStalker (1961), dans les producteurs demasse de Woodward (1965), dans lesmanufacturiers de produits standard dePerrow (1971) et dans la bureaucratiemécanique de Mintzberg (1979). L’adho-cratie de Mintzberg (1979) rappelle lesfirmes plastiques de Lawrence et Lorsch(1967), les organisations organiques deBurns et Stalker, les fabricants non stan-dard de Perrow (1971) et ainsi de suite.

Si on regarde la documentation sur lestypes de stratégie, on note des simili-tudes frappantes chez les organisations à

stratégie différenciée de Porter (1980),les firmes adaptatives de Miller etFriesen (1978) et les prospecteurs deMiles et Snow (1978). D’ailleurs, lesadeptes du leadership de coûts que l’ontrouve dans Porter (1980) rappellentvaguement les défenseurs de Miles etSnow (1978) de même que les géantsattaqués de Miller et Friesen (1978).

Loin de nous l’idée de soutenir que cestypologies sont interchangeables. Ellesvisent effectivement des focalisationsdifférentes. Il semble toutefois qu’ilexiste suffisamment d’aspects communspour présumer de l’existence de liensnaturels entre des types de structures etdes types de stratégies.

Le choix des configurationsstratégiques

Les concepts de stratégie, de structure etd’environnement sont tellement vastesque nous ne pouvons choisir qu’unensemble représentatif de catégories ouconfigurations pour caractériser chacuned’entre elles. Il s’agit d’une tentatived’interprétation qui s’inspire de la docu-mentation actuelle. Cette partie portesur la stratégie.

Nos critères pour la sélection desdimensions stratégiques étaient, parnécessité, quelque peu arbitraires. Enpremier lieu, les dimensions devaientporter sur le contenu de la stratégieplutôt que sur le processus relié à sonélaboration. En deuxième lieu, lesdimensions devaient être suffisammentspécifiques pour être à la fois identi-fiables et utilisables par les gestionnairestout en étant assez générales pours’appliquer à la plupart des industries.Troisièmement, les dimensions devaientêtre larges sous deux aspects : ellesdevaient collectivement couvrir un vasteéventail de stratégies possibles et ellesdevaient englober de nombreux élé-ments spécifiques capables de biencaractériser les stratégies de la plupartdes entreprises. Bien que la plus grandepartie de notre discussion se limite auxstratégies d’affaires plutôt qu’aux straté-gies d’entreprise, nous nous permettronsune exception dans le cas du conglomé-rat divisionnalisé. Finalement, pourrehausser la pertinence de la discussion,les dimensions doivent avoir suscité unintérêt considérable dans les écrits à lafois empiriques et théoriques sur lapolitique générale d’administration.

Le travail conceptuel de Porter (1980),Scherer (1980), Miles et Snow (1978) demême que de MacMillan et Hambrick(1983) suggère quatre catégories devariables ou «dimensions» qui reflètentd’importantes stratégies concurrentielles :la différenciation, le leadership de coûts, lafocalisation et l’utilisation parcimonieusedes actifs. Ces dimensions peuvent êtreutilisées pour comparer les avantagesconcurrentiels des firmes à l’intérieurd’un secteur, et d’une industrie à l’autre.Le tableau 1 montre quelques-unes desnombreuses variables représentatives quicomposent chaque dimension. Le travailempirique de Hambrick (1983b), Milleret Friesen (1984a) de même que Dess etDavis (1984) démontre à quelle fré-quence les variables individuelles seregroupent de façon à former les dimen-sions fondamentales. Ces dimensionsn’épuisent pas le concept de stratégie,mais elles en reflètent beaucoup de seséléments importants. Nous aborderonschaque dimension à tour de rôle.

La différenciation vise à créer un pro-duit qui est perçu comme possédant unattrait unique. Elle table sur de forteshabilités en marketing, des produitsinnovateurs et bien conçus, une tradi-tion de qualité, une bonne image socié-tale et une collaboration soutenue descanaux de distribution.

En dépit de l’argumentation de Porter(1980), il semble qu’il existe deux varié-tés de «différenciateurs», chacunpossédant différents pré-requis structu-rels et environnementaux. Les différen-ciateurs innovateurs ressemblent auxprospecteurs de Miles et Snow (1978) etaux firmes adaptatives (S1B) de Miller etFriesen (1984b). Les entreprises se diffé-rencient en arrivant avec de nouveauxproduits et de nouvelles technologies.Elles devancent leurs concurrents sur leplan de l’innovation et peuvent exigerdes prix plus élevés. Elles mettentl’accent sur la recherche-développementet font oeuvre de pionniers. Par con-traste, les différenciateurs en marketings’apparentent plus aux firmes S1A deMiller et Friesen (1984b) qui offrent unconditionnement attrayant, un bonservice, un emplacement de choix et unefiabilité continue de leurs produits ouservices. Ces firmes sont fortes en mar-keting, consacrant de grandes parts deleur budget en publicité, en force devente, en promotion et en distribution.Elles sont rarement les dernières àprésenter un nouveau produit.

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La stratégie de leadership de coûts viseà produire des biens et services à meilleurmarché que la concurrence. Elle metl’accent sur les installations d’économiesd’échelle, la réduction des coûts de pro-duction et la minimisation des dépensesreliées aux produits de recherche-développement, aux services, à la venteet à la publicité. Les adeptes de cettestratégie essaient de fournir un produitstandard, sans fioritures, à haut volumeet à un coût le plus compétitif possible.Ces firmes font peu d’innovationpuisqu’une telle politique va à l’encontrede l’efficacité. Les innovations desconcurrents ne seront imitées qu’aprèsun important intervalle de sécurité dansle but de minimiser les risques. Lesprocessus de recherche-développement,l’intégration verticale rétroactive etl’automatisation de la production serontpeut-être mis en place pour réduire lescoûts. Différentes variantes de la straté-

gie de leadership de coûts ont été traitéespar Buzzell, Gale et Sultan (1975),Henderson (1979), Miles et Snow (1978)de même que Miller et Friesen (1984b).Porter (1980) soutient que la différen-ciation et le leadership de coûts ne vonthabituellement pas bien ensemble, queleur poursuite combinée peut amenerl’organisation à être «coincée dans lemilieu», position qui ne peut réaliser lesavantages ni de l’une, ni de l’autrestratégie.

Le terme focalisation a été utilisé parPorter (1980) pour désigner une straté-gie de créneaux qui concentre l’attentionde la firme sur un type particulier declient, de produit ou de territoire. Lafirme a recours à la différenciation ou àune stratégie de leadership de coûts (ouune combinaison des deux) à l’intérieurd’un segment spécialisé de l’industrie.Nous croyons que la focalisation peutêtre mieux servie comme dimension si

les deux extrémités du continuum – trèsfocalisé ou très non focalisé – ont desimplications plutôt différentes. Lesfirmes très focalisées poursuivent lastratégie de créneaux de Miller et Friesen(1978). Les firmes hautement diversifiéesrappellent la stratégie de conglomératsde Miller et Friesen (1984b) et la stra-tégie de diversification non reliée deRumelt (1974). Dans tous les cas, la foca-lisation complète, mais ne remplace pasla différenciation et le leadership de coûts.

Notons que la focalisation peut toutautant référer à une stratégie d’affairesqu’à une stratégie d’entreprise. Dans lepremier cas, la focalisation mesure ledegré avec lequel une firme couvre uneindustrie donnée. Au niveau de l’entre-prise toutefois, la focalisation décritl’étendue avec laquelle la firme s’estdiversifiée en différents secteurs. En fait,la même firme peut avoir recours à desstratégies d’affaires hautement focaliséesdans deux secteurs complètement diffé-rents. On peut alors dire d’elles qu’ellesont une stratégie d’entreprise non foca-lisée (diversifiée) et deux stratégiesd’affaires focalisées. Bien que notre typo-logie porte sur la stratégie d’affaires,nous nous permettrons une seule excep-tion dans le cas de la discussion sur lesconglomérats qui poursuivent une stra-tégie d’entreprise non focalisée. Cettestratégie d’entreprise courante comported’importantes implications à la fois pourla structure et pour les stratégiesd’affaires, et cet aspect mérite plus amplediscussion.

L’utilisation parcimonieuse des actifsreprésente notre dernière catégoriestratégique. Elle renvoit au ratio mini-mum d’actif par unité de production(MacMillan et Hambrick, 1983). Auxdébuts, les écrits sur la stratégie mon-traient que dans beaucoup de secteurs, ladensité du capital semblait nuire à laperformance (Schoeffer, Buzzell etHeany, 1974; Gale, 1980; MacMillan,Hambrick et Day, 1982). Elle tendait àréduire la flexibilité et à accroître la con-currence lorsqu’une industrie atteignaitune surcapacité de production. Toute-fois, MacMillan et Hambrick (1983) ontdécouvert qu’étant donné que la densitédes actifs pouvait prêter à une plusgrande efficacité, elle pouvait possible-ment être très adéquate pour les adeptesdu leadership de coûts oeuvrant dans desenvironnements stables. Par contre, là oùl’organisation devait demeurer flexible,comme c’est souvent le cas pour lesfirmes différenciatrices, l’utilisation

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TABLEAU 1

Variables stratégiques représentatives de chaque dimension

DIFFÉRENCIATION :

Innovation : Pourcentage des ventes tirées de produits lancés au cours des deux ou trois dernières annéesLa recherche-développement comme pourcentage des ventesÂge moyen des produitsFréquence des changements sur les produits importants

Marketing : Qualité des produitsImage des produitsDépenses de marketingPublicité et promotionForce de venteQualité des services

FOCALISATION :

Étendue de la ligne de produitsLargeur des types de clientsCouverture géographique

LEADERSHIP DE COÛTS :

Ratios imposés de coûts par unitéCaractère récent des installations de productionPolitique de prixUtilisation de la capacité productiveIntégration verticale rétroactiveProcessus de recherche-développement

UTILISATION PARCIMONIEUSE DES ACTIFS :

Intensité des immobilisations (valeur aux livres brute des installations de productionpar rapport aux revenus)Intensité des actifs à court terme (actifs à court terme par rapport aux revenus)

parcimonieuse des actifs est plus quenécessaire (MacMillan et Hambrick,1983).

Comment ces quatre dimensionsstratégiques interagissent-elles pourproduire des configurations ou des typesstratégiques efficaces? Probablement deplusieurs façons. Nous n’en isoleronsdonc que quelques-unes. Trois règlespragmatiques ont été utilisées commeguides pour déterminer cinq configura-tions stratégiques courantes. La premièrea déjà été abordée plus haut : les firmesqui réussissent tendent à adopter soitune stratégie de leadership de coûts, soitune stratégie de différenciation, maishabituellement pas les deux à la fois(Porter, 1980). La deuxième règle veutque l’utilisation parcimonieuse des actifssoit pertinente pour les firmes différen-ciatrices qui doivent rester flexibles, maismoins adaptée pour celles qui visent unleadership de coûts, car elles sont axéessur l’efficacité (MacMillan et Hambrick,1983). Selon la troisième règle, la plupartdes stratégies peuvent avoir différentsdegrés de focalisation, évidemmentdéterminés par quelques contraintes : lesfirmes qui visent un leadership de coûtsne peuvent être focalisées de façon trèsétroite à cause de leurs besoins en écono-mies d’échelle (Scherer, 1980); les firmesinnovatrices ne peuvent être focalisées defaçon très large sous peine d’épuiserleurs ressources en essayant d’être chefsde file dans trop de marchés; en même

temps, elles ne doivent pas être focaliséesde façon trop étroite étant donné queleurs innovations peuvent les conduire àdes marchés nouveaux, plus lucratifs(Miles et Snow, 1978); les conglomératsqui ne sont pas du tout focalisés auniveau de l’entreprise peuvent avoir desdivisions qui elles, poursuivent la plu-part des autres stratégies d’affaires.L’analyse qui suit indique toutefoisqu’elles atteignent leurs meilleurs résul-tats lorsqu’elles adoptent des stratégiesde différenciation de marketing et deleadership de coûts.

À la lumière de ce qui précède, noscinq configurations stratégiques sontprésentées au schéma 1.

Le lecteur peut avoir l’impression quenous avons présenté une présomptionnon fondée, au moins à deux égards. Enpremier lieu, seulement quatre dimen-sions et cinq modèles stratégiques ontété retenus. En deuxième lieu, nousavons constitué les dimensions et lesmodèles de façon relativement large, detelle sorte qu’il n’est pas évident que leséléments ou variables adhèrent les unesaux autres. La première objection nepeut être formellement rejetée puisqu’ily a effectivement d’autres variables oumodèles stratégiques dont nous n’avonspas tenu compte (par exemple lesvariables d’une stratégie financière, lesmodèles de créneaux innovateurs). Cen’est pas qu’ils ne sont pas importants,mais ces variables ne s’intègrent pas de

façon très évidente à celles que nousavons abordées. Par conséquent, il esttrop tôt pour les intégrer à notre cadrede référence. Qui plus est, les modèlesstratégiques qui n’ont pas été retenus nesont pas bien développés dans la docu-mentation existante et par conséquent, ilserait difficile de les relier à quelquecontexte structurel que ce soit.

La réponse à la deuxième objectionpeut être formulée de façon plus satis-faisante. Les taxinomies empiriques deHambrick (1983a, b), Miller et Friesen(1984a), MacMillan et Hambrick (1983)de même que Dess et Davis (1984) ontdémontré comment les variables et lesdimensions du tableau 1 se regroupentsouvent pour produire les modèles stra-tégiques efficaces du schéma 1. Cesétudes fournissent non seulement uneconfirmation empirique des trois règlesutilisées pour générer les modèles, maiselles montrent également que ces der-niers tendent à s’appliquer seulementaux configurations qui réussissent. Parexemple, utilisant l’analyse du regroupe-ment, Miller et Friesen (1984a) de mêmeque Hambrick (1983b) ont montré quequatre des cinq modèles stratégiquesétaient parmi ceux qui apparaissaientavec une régularité remarquable dans lesentreprises à succès (les conglomératsont été exclus des données du PIMS).

Ayant identifié quelques modèlesstratégiques courants, nous allons main-tenant examiner les structures qui

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SCHÉMA 1

Cinq configurations stratégiques réussies

Stratég

ied

’entrep

rise

Différenciation et utilisation parcimonieuse des actifs

Leadership de coûts et intensité des immobilisationsFocalisation

d’affaires

Haute

De modéréeà faible

Focalisationd’entreprise

Faible

Les adeptes d’un marketing de créneaux (voir par exemple les stratégies S1A et S5 de Miller et Friesen, 1984b, et les firmesentrepreneuriales de Miller, 1983)

Les innovateurs (les prospecteurs de Miles et Snow, 1978; les firmes S1B de Miller et Friesen, 1984b; les prospec-teurs de Hambrick, 1983b)

Les adeptes du marketing (les différenciateurs de Porter, 1980)

A1

A2 Les adeptes du leadership de coûts (les adeptes du leadership de coûts de Porter, 1980; les fabricants disciplinés de biens d’équipement de Hambrick, 1983b)

B

A3

Les conglomérats (les conglomérats de Miller et Friesen, 1984b; les diversi-ficateurs non reliés de Rumelt, 1974)

C

Stratég

ied

’affaires

peuvent les soutenir adéquatement, et lesenvironnements dans lesquels ilspeuvent réussir.

Relier stratégie et structure

Les écrits ont montré qu’il existe denombreux modèles de structures d’orga-nisations et de types d’environnements.Il y a aussi beaucoup d’éléments ouvariables qui peuvent être utilisés pourles caractériser. Encore une fois, nousnous attacherons seulement à une sélec-tion d’éléments qui ont déjà été prouvésimportants dans leurs conséquencespossibles sur la stratégie. À partir de ladocumentation existante, nous allonsétablir une synthèse de ces éléments endes modèles courants pour les relierchacun à nos cinq configurationsstratégiques. Nous soulignons au départque nous ne croyons d’aucune façonqu’il n’existe que cinq bonnes combi-natoires entre la stratégie et la structure.Elles doivent être considérées comme desexemples représentatifs, et non commeun inventaire exhaustif des possibilités.

Les cinq modèles structurels deMintzberg (1979) fournissent uneexcellente synthèse des écrits sur la struc-ture. Tandis que ses bureaucraties pro-fessionnelles ne sont pas, en général, desorganisations d’affaires, et sont parconséquent hors de notre propos, sesautres modèles sont très pertinents, àsavoir la structure simple, la bureaucratiemécanique, la forme divisionnalisée etl’adhocratie. Nous comptons adapter etagrandir quelque peu le cadre de réfé-rence de Mintzberg de façon à le relierplus facilement aux stratégies courantes.Les dimensions de chaque modèle sontrésumées au tableau 2.

Les créneaux simples

La structure simple

La structure simple est utilisée par lespetites firmes dirigées par un P.-D.G.dominant, qui en est souvent lepropriétaire-dirigeant. La structure esttrès libre et la coordination des tâchess’accomplit par supervision directe.Toutes les stratégies sont élaborées d’enhaut. Il y a peu de spécialisation destâches, un faible degré de bureaucra-tisation et de formalisation, c’est-à-direpeu de programmes, de procédés etméthodes (Pugh, Hickson et Hinings,1969), et les systèmes d’information sont

extrêmement sommaires. Parce qu’il y apeu de différenciation dans les objectifs,dans les orientations interpersonnelles,dans les méthodes et dans les horizonstemporels des différents services, il n’estdonc pas nécessaire d’avoir des méca-nismes sophistiqués d’intégration ou de«liaison» (Lawrence et Lorsch, 1967). Lepouvoir est centralisé au sommet. Latechnologie se rattache à l’ingénierie ouà la fabrication non automatisée dePerrow (1971) ou à la variété surmesures de Woodward (1965).

De toute évidence, les structuressimples ne peuvent convenir à tous lesenvironnements et à tous les secteurs.Elles existent typiquement là où l’indus-trie est fragmentée (faible concentra-tion) et composée de petites firmeshautement compétitives. La rivalitéconcurrentielle restreint les potentialitésde l’environnement et accentue la vulné-rabilité de la firme. Parce que les techno-logies simples sont souvent utiliséespour la production de biens, les barrièresà l’entrée sont presque inexistantes.L’instabilité des parts de marché et lespressions sur les coûts et les prix peuventdonc représenter de fortes menaces. Lesfirmes ont habituellement peu de margede manoeuvre vis-à-vis de leurs clientsdans ce contexte aussi concurrentiel(voir le tableau 2). Effectivement, l’envi-ronnement rappelle la «foule déchaînée»de Hambrick (1983a).

La stratégie de marketing de créneaux

Étant donné la structure simple et l’envi-ronnement concurrentiel, lequel descinq modèles stratégiques serait le plusadéquat? De façon typique, les firmessimples doivent viser quelque forme destratégie de différenciation pour réussir.Elles sont trop petites et trop vulnérablespour investir de façon intensive dans desimmobilisations, ce qui serait extrême-ment risqué compte tenu de l’instabilitéconsidérable de l’industrie (MacMillanet Hambrick, 1983). De plus, les techno-logies simples et la petite taille des entre-prises ne permettent pas une stratégie deleadership de coûts. Finalement, lesstructures sont trop primitives, tropindifférenciées et trop centralisées poursupporter une innovation complexe(bien que des innovations très simples,menées par des chefs de direction soientcourantes). Ainsi les firmes dotées destructures simples doivent en généraladopter une stratégie de créneaux ou dedifférenciation de marketing. Elles

peuvent prospérer en produisant desbiens quelque peu distincts, destinés aucréneau de marché le moins concur-rentiel. Ceci compense pour les désa-vantages associés à la petite taille del’entreprise. Pour défendre leurs cré-neaux, ces firmes peuvent différencierleur offre de produits en fournissant plusde commodité, un service plus fiable oudes produits plus attrayants – meilleurevisibilité ou meilleure qualité – à ungroupe choisi de clients (stratégies A1 ouA3 du schéma 1). Aucune de ces forcesconcurrentielles ne nécessite une com-plexité structurelle. En conclusion, lesstratégies de créneaux ou de différen-ciation de marketing et les structuressimples devraient donc bien s’harmo-niser (voir le tableau 2). Le tableau 3résume quelques-unes des raisons del’adéquation et du conflit entre la struc-ture simple, son contexte et les cinqmodèles stratégiques.

Le leadership de coûts

La structure de bureaucratie mécanique

Nous avons abordé plus haut la structuremécaniste (Burns et Stalker, 1961) ou detype bureaucratie mécanique. Il s’agitd’une structure très rigide dans laquellela coordination des tâches se fait aumoyen de la standardisation du travail.Une partie clé de l’organisation est latechnostructure (Mintzberg, 1979) quiconçoit le système de production. Latechnologie est relativement automatiséeet intégrée. Elle est normalement de typeligne de production ou fabrication parlots (Woodward, 1965). La firme esthautement spécialisée étant donné queles tâches y sont fractionnées par lemenu. Comme son nom l’indique, lastructure est extrêmement bureaucra-tique et hiérarchique, avec ses nombreuxrèglements, programmes et marches àsuivre (Burns et Stalker, 1961; Pugh,Hickson et Hinings, 1969). Les systèmesd’information sont assez développés,mais ils servent surtout à déterminer lescoûts et les extrants plutôt qu’à rensei-gner sur le marché. La structure desservices, articulée de façon fonctionnelle,n’est que modérément différenciée en ceque l’accent est partout mis sur le respectdes programmes et des plans. L’intégra-tion s’effectue surtout à la faveur de cesprogrammes (Lawrence et Lorsch, 1967).Le pouvoir repose dans les mains descadres supérieurs et des concepteurs desprocessus de production. Les niveaux

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TABLEAU 2

Structures, environnements et stratégies

DIMENSIONS Structure Bureaucratie Structure Structure STRUCTURELLES simple mécanique organique divisionnalisée

Centralisation du Concentré au sommet Chef de la direction Scientifiques, technocrates Responsables de pouvoir de l’organisation et concepteurs des et gestionnaires de divisions

processus de production niveau intermédiaire

Bureaucratisation Faible et informelle Nombreuses règles, Organique Bureaucratiquepolitiques et marches

à suivre formelles

Spécialisation Faible Étendue Étendue Étendue

Différenciation Minimale Modérée Très haute Haute

Intégration et Par le chef de la Par les technocrates Par l’intégration du Par des comités officiels coordination des efforts direction au moyen au moyen des marches personnel et des groupes au moyen de plans

de la supervision à suivre formelles de travail au moyen et de budgetsdirecte d’ajustements mutuels

Systèmes d’information Rudimentaires, Contrôle des coûts Balayage électronique Systèmes de gestion informels et des budgets non systématique, informatisés et

communications ouverte centres de profits

DIMENSIONS Structure Bureaucratie Structure Structure ENVIRONNEMENTALES simple mécanique organique divisionnalisée

Technologie Simple, sur Production de masse, Produits complexes, Variablespécifications par lignes de montage automatisés ou

ou par lots importants sur spécifications

Concurrence Vive Haute Modérée Variable

Dynamisme / incertitude Modéré Très faible Très élevé Variable

Croissance Variable Lente Rapide Variable

Coefficient de concen- Très faible Élevé Variable Variabletration de la croissance

Barrières à l’entrée Aucune Barrières d’échelle Barrières de Variableconnaissance

STRATÉGIE Stratégies d’af faires Stratégies d’entreprise

PRIVILÉGIÉE Différenciation Leadership Différenciation Conglomérationpar créneaux de coûts par l’innovation

Accent sur le marketing Qualité, service, Prix bas Nouveaux produits Imagecommodité de haute qualité

Accent sur la production Économie Efficacité Flexibilité Intégration verticale

Gestion des actifs Utilisation Intensité Utilisation Variableparcimonieuse parcimonieuse

Innovation et Faibles Presque nulles Très élevées De faibles recherche-développement à modérées

Envergure du marché Très étroite Moyenne Moyenne Très large

inférieurs ou intermédiaires de gestion ypossèdent peu d’autorité.

Les environnements de ces firmes sonttrès différents de ceux des adeptes dumarketing par créneaux. Les firmesmécanistes peuvent prospérer seulementdans un contexte stable. Les industriessont souvent hautement concentrées etmatures, et toutes les firmes sont assezimportantes. Il y a peu d’incertitudepuisque les comportements de la con-currence et de la clientèle sont relati-vement prévisibles. La demande est assezstable, tout comme les parts de marché.Les environnements de type «produc-teurs systématiques», tels que décrits parHambrick (1983a) sont évoqués (voir letableau 2).

La stratégie de leadership de coûts

Manifestement, les options stratégiquesouvertes à ces firmes sont assez limitées.Les structures sont extrêmement rigideset axées sur l’efficacité; ainsi les stratégiesd’innovation sont hors de question. Deplus, comme les marchés ne sont pas encroissance (étant à maturité) et commeles firmes sont de tailles importantes, iln’est pas recommandé de focaliser surun segment trop étroit d’une industrie.Ceci augmenterait les risques de baissede la demande et de la sous-utilisationdes installations. Seulement deux stra-tégies prometteuses demeurent doncpossibles : le marketing de différen-ciation et le leadership de coûts. Cettedernière stratégie est très naturellepuisqu’elle exige le moins de flexibilité etle plus d’efficacité productive, caracté-ristiques qui sont inhérentes à ces struc-tures. Certaines firmes sont capables defaire un excellent usage de leurs struc-tures de type mécaniste. Elles coupentleurs coûts au maximum : soit qu’ellesréalisent des marges supérieures à cellesde leurs concurrents, soit qu’ellesconquièrent des parts de marché envendant à des prix plus bas. Bien qu’ilsoit peu probable que les structuresmécanistes puissent supporter une stra-tégie de différenciation de marketing,cela n’est pas totalement hors de ques-tion. En effet, cette situation peut sur-venir lorsque la firme vend un produitrelativement standard à haut volume,mais qu’elle offre des services, des com-modités et une qualité supérieurs à laconcurrence. Elle doit donc se diffé-rencier d’une façon qui ne nuise pas àl’efficacité et à la mécanisation de laproduction, et qui ne soit pas facile àimiter. Par exemple, une tactique de

faible différenciation serait de frag-menter la production en fabriquant lesproduits sur spécifications. Cette mesureaurait pour effet immédiat de gonfler lescoûts et de favoriser les représailles. Demeilleures options seraient peut-être defaire de l’intégration en aval (en achetantpar exemple le réseau de distribution),d’améliorer la qualité ou de mousserl’image de marque par la publicité.Aucune de ces tactiques n’exige de flexi-bilité structurelle et toutes sont facilitéespar la grande taille de la firme. Le thèmeest clair : ces structures et ces contextesfavorisent le leadership de coûts. C’estseulement dans des conditions inhabi-tuelles qu’elles peuvent soutenir unestratégie de différenciation de marketing(voir le tableau 3).

Les adhocraties innovatrices

La structure organique

La forme organique (Burns et Stalker,1961) ou l’adhocratie (Mintzberg, 1979)est une structure très différente – certainspourraient même dire totalementopposée – de la bureaucratie mécanique.Elle est idéale dans le cas de tâches inha-bituelles et complexes qui tendent àchanger constamment. De telles tâches seretrouvent dans les firmes de recherche-développement de Perrow (1971) où il ya de «nombreuses exceptions» dans laproduction et aucune manière évidented’effectuer le travail. De façon typique,les groupes de spécialistes hautementformés et provenant de secteurs trèsdifférents travaillent intensivementensemble afin de concevoir et de fabri-quer des produits complexes et sujets àdes changements rapides. Des représen-tants de la recherche-développement, desservices de marketing et de productioncollaborent face à face au moyen d’ajus-tements mutuels (Thompson, 1967) defaçon à coordonner leurs apports respec-tifs. Un haut degré de différenciationprévaut étant donné que ces spécialistes,qui possèdent des habiletés, des objectifset des horizons temporels différents, ontà travailler ensemble (Lawrence et Lorsch,1967). Des rencontres fréquentes, l’inté-gration de personnel, la mise sur pied decomités et autres mécanismes de liaisonsont utilisés afin d’assurer une colla-boration efficace (Galbraith, 1973). Lepouvoir est décentralisé étant donnéqu’il réside en grande partie chez lestechnocrates et les scientifiques res-ponsables de l’innovation. Le pouvoir est

donc contextuel et fondé sur l’expertise(Burns et Stalker, 1961). Il y a peu derègles bureaucratiques ou de marches àsuivre standard puisque ces dernièressont trop restrictives et deviendraient detoute façon rapidement désuètes. Lessystèmes sophistiqués de cueilletted’information sont développés pourproduire des analyses de l’environne-ment, et les communications verticaleset horizontales sont ouvertes et fré-quentes. La technologie de productionvarie à la fois dans son niveau d’auto-matisation et dans sa complexité. Elle estpar exemple hautement automatisée etcomplexe dans l’industrie des semi-conducteurs, mais elle demeure de typeatelier ou sur spécifications dans lesfirmes aérospatiales.

L’environnement tend à être très com-plexe et dynamique. Les technologieschangent rapidement, comme le font lesdesigns de produits et les besoins desconsommateurs. Une large proportionde la production peut être exportée. Lescapacités de l’industrie de pointe créentdes «barrières de connaissance» àl’entrée (Scherer, 1980). En conséquence,la rivalité concurrentielle n’est habi-tuellement pas aussi intense qu’avec desstructures simples. La concurrence estdavantage réduite par un taux relati-vement accéléré dans la croissance de lademande. L’instabilité des parts de mar-ché peut toutefois survenir si les firmesse devancent constamment les unes lesautres avec de nouvelles poussées inno-vatrices. La sophistication des produitsest souvent significative. En bref, l’envi-ronnement est dynamique, incertain etmodérément concurrentiel (voir letableau 3).

Stratégie de différenciation innovatrice

Une de nos stratégies s’impose commeparticulièrement bien adaptée à cettestructure et à cet environnement. Il s’agitde la différenciation par l’innovation(A1). La structure est flexible et permet lacollaboration entre spécialistes, laquelleest tellement nécessaire pour créer denouveaux produits. Burns et Stalker(1961), Lawrence et Lorsch (1967) demême que Mintzberg (1979) ont déjàsouligné ce thème. L’information et lessystèmes de balayage électroniquegardent les gestionnaires et les techno-crates à jour sur les développementsscientifiques et concurrentiels. Lesmécanismes de collaboration intensive etde liaison, communications ouvertes etdécentralisation du pouvoir (en fait, la

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confiance dans le pouvoir fondé surl’expertise), facilitent l’innovationcomplexe et continue. L’adaptationrapide à un environnement dynamiqueest essentielle, et elle ne peut se produirequ’avec une stratégie de l’innovation.L’utilisation parcimonieuse des actifspeut être utile étant donné qu’une hauteintensité de capital réduit de façonmarquée la flexibilité (MacMillan etHambrick, 1983). (La stratégie de leader-ship de coûts est évidemment inappro-priée puisqu’elle empêche l’innovation etfreine la capacité d’adaptation. Voir letableau 3.)

Les adhocraties innovatrices feraientbien de ne pas focaliser de façon troplarge ou trop étroite dans leur choix demarché. Alors que l’expansion géogra-phique et l’exportation peuvent être àconseiller à cause des barrières à l’entréeet de la sophistication des produits,d’autres types d’expansion devraientprobablement être limités. Par exemple,si la firme entre dans un trop grandnombre de marchés qui ont des condi-tions de concurrence et des exigencesdifférentes dans la demande, elle peuttrouver que ses efforts se déploient defaçon trop mince pour réussir dans

n’importe lequel de ces marchés.N’oublions pas que le dynamisme demarché privilégie la flexibilité, l’inno-vation et la sophistication de produit, cequi engendre un lourd fardeau admi-nistratif et structurel même dans unmarché limité. D’un autre côté, lesfirmes ne devraient probablement pasfocaliser aussi étroitement que lesadeptes du marketing de créneaux. Cecipourrait augmenter leur dépendance vis-à-vis d’un petit marché cyclique et lesempêcher de commercialiser leursdécouvertes dans un domaine nouveauet en pleine croissance. La diversification

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TABLEAU 3

Appariement entre stratégie et structure

LA STRUCTURE ET SON FONDEMENT LOGIQUE ADÉQUATION / STRATÉGIECONFLIT

La structure simple

Offre la qualité, la commodité et un meilleur service puisqu’il n’y a aucune A Différenciation de marketingincidence sur la structure.

Évite la concurrence dans un environnement hostile; réduit les inconvénients A Différenciation par créneauxde la petite taille de la firme.

L’innovation complexe est impossible dans une structure centralisée et C Différenciation par l’innovationmonolithique.

L’échelle est insuffisante; la structure beaucoup trop primitive. C Conglomération

L’échelle est insuffisante. C Leadership de coûts

Bureaucratie mécanique

Possibilité de faire des économies d’échelle substantielles; accent sur A Leadership de coûtsl’efficacité pertinente dans un contexte stable.

Approprié seulement si la différenciation ne nuit pas régulièrement à la A Différenciation de marketingproduction et à l’efficacité (par exemple la publicité, un bon service).

La structure est trop rigide. C Différenciation par l’innovation

La structure par fonction et par services est inappropriée. C Conglomération

Rigidité, intensité des immobilisations. C Différenciation par créneaux

Structure organique

La structure est flexible, innovatrice. A Différenciation innovatrice

Peut être appropriée si le créneau est assez large pour faire appel au potentiel A Différenciation par créneauxinnovateur; prudence de rigueur.

Ne doit pas gaspiller les ressources sur des efforts de vente puisque le produit C Différenciation de marketingde pointe est en forte demande.

La structure est trop inefficace. C Leadership de coûts

Déploierait les efforts d’innovation de façon trop superficielle; de plus, la structure n’est pas divisionnalisée. C Conglomération

Structure divisionnalisée

Les divisions, les centres de profit, les contrôles du siège social, les plans A Leadership de coûtsofficiels, etc., sont appropriés à la diversification.

Cohérent avec la tendance bureaucratique; économies d’échelle et intégration A Leadership de coûtsverticale lorsque les divisions utilisent des matières premières reliées.

Là où le leadership de coûts est contre-indiqué, la différenciation de marketing A Différenciation de marketingpeut être appropriée lorsque le degré de bureaucratisation est moyen.

En règle générale, les divisions sont poussées par le siège social à devenir C Différenciation par l’innovationtrop bureaucratiques pour être innovatrices.

peut permettre aux firmes de se dirigerplus facilement vers des créneaux plussûrs lorsqu’elles sont attaquées.

Nous avons traité des aspects inno-vateurs de la différenciation étant donnéqu’ils peuvent être le mieux exploités parles adhocraties. Les variables de diffé-renciation de marketing devraientgénéralement jouer un moindre rôle. Lesclients veulent des produits sophistiqués,à la fine pointe des dernières décou-vertes. S’ils ne les obtiennent pas, aucuneffort de publicité ou de promotion neréussira à les convaincre. En fait, il seraitplus profitable pour les firmes de limiterleurs dépenses de marketing afin deconserver les ressources nécessaires àl’innovation. Une stratégie de diffé-renciation de marketing qui pourraitréussir ici mettrait l’accent sur la hautequalité. Certains consommateurs seraientsans doute prêts à sacrifier la nouveautéau profit de la fiabilité.

Les conglomérats

La structure divisionnelle

Une organisation peut être fractionnéeen divisions responsables de fabriquer etde mettre en marché des types distinctsde produits. D’habitude, ces divisionssont des centres de profit autonomesdirigés par un gestionnaire dont les res-ponsabilités sont semblables à celles decadres supérieurs de la plupart desentreprises indépendantes. Les divisionsindividuelles peuvent être en fait trèsdifférentes les unes des autres – quelques-unes ayant recours à des structures orga-niques, beaucoup d’autres utilisant desstructures bureaucratiques. Nous devonsdonc partir des structures et des straté-gies d’affaires pour nous attarder à cellesqui s’appliquent au niveau de l’entreprise.

Mintzberg (1979) soutient que la plu-part des structures de sa configuration«divisionnalisée» sont poussées à devenirquelque peu bureaucratiques et forma-lisées. Le siège social standardise lesprécédés et méthodes partout où il estpossible d’améliorer les contrôles sur lesdivisions (Chandler, 1962; Channon,1973). Il met l’accent sur le contrôle dela performance au moyen de systèmesperfectionnés d’information de gestion,de centres de coûts et de centres deprofits. Une grande part du pouvoirdécisionnel demeure toutefois dans lesmains des responsables de divisions quiconnaissent le mieux leurs marchés. Lesdivisions tendent à fonctionner de façon

relativement indépendante les unes desautres, alors que les questions d’intérêtgénéral pour l’entreprise sont traitéespar des comités interdivisions et desservices fonctionnels rattachés au siègesocial (voir le tableau 2).

L’environnement varie d’une divisionà l’autre. Mintzberg (1979) croit que lesorientations bureaucratiques des divi-sions exigent que l’environnement soitstable et simple. Il apparaît évidenttoutefois qu’il y a des exceptions comptetenu que certaines firmes divisionna-lisées oeuvrent dans des secteurs plutôtturbulents de l’activité économique.

La stratégie de conglomération et de diversification

Les auteurs s’entendent de façon presqueunanime sur le fait que les stratégies deconglomération de niveau d’entreprisequi oeuvrent dans des industries trèsdifférentes nécessitent des structuresdivisionnalisées. La complexité admi-nistrative causée par la diversification setrouve accrue de façon à ce que chaquemarché significatif soit traité par sonpropre spécialiste et ses propres gestion-naires généralistes. Le siège social estuniquement préoccupé de contrôler etd’évaluer les divisions, d’allouer lecapital et de découvrir de nouvellesavenues de diversification.

Cette relation entre la diversificationet la divisionnalisation a donnénaissance au fameux dicton de Chandler(1962) selon lequel «la structure suit lastratégie». Nous ne sommes pas du toutcertains toutefois que cela soit toujoursvrai. Une stratégie d’entreprise visantune structure par conglomérat et unestructure divisionnelle peuvent très bienêtre des parties intégrantes d’une mêmegestalt – la diversification crée le besoinde la divisionnalisation; mais les struc-tures divisionnalisées, avec leurs groupesde projets à risque et leurs services deplanification greffés au siège social,recherchent de nouvelles acquisitions.Ainsi, il arrive souvent que la stratégiesuive la structure. Une chose est toutefoiscertaine : les structures divisionnaliséestendent à être reliées à des stratégiesd’entreprise qui sont les moins focalisées– qui ne tiennent pas compte de l’originede la relation (voir le tableau 3).

Nous avons mentionné plus haut queles divisions font l’objet de mesures decontrôle en provenance du siège social,lesquelles engendrent souvent la bureau-cratisation, la formalisation et une pertede flexibilité. Ceci freine les stratégies

d’affaires axées sur la différenciation parl’innovation. Les stratégies de diffé-renciation de marketing et de leadershipde coûts peuvent s’avérer fort utiles. Leurpertinence sera fonction du degré destabilité de l’environnement, de la pers-pective d’économies d’échelle et, biensûr, du degré de bureaucratisation desdivisions. Plus ces qualités sont pré-sentes, plus le leadership de coûts estadéquat. Moins ces éléments sont pré-sents (toutes choses étant égales parailleurs), plus sera appropriée la stratégiede marketing par différenciation oumême par créneaux. Bien sûr, desdivisions différentes peuvent suivre desstratégies d’affaires différentes.

Un élément du leadership de coûts– l’intégration verticale rétroactive auniveau de l’entreprise – peut être trèsappropriée pour certains conglomérats.Dans les cas où les divisions utilisent desmatières premières semblables, leurdemande collective de fournitures peutjustifier une intégration rétroactive. Cecipeut permettre des économies de fabri-cation pour toute l’organisation sansréduire les possibilités de différenciationde la division. Le même argument vau-drait aussi pour une intégration en aval.

Conclusion

Tout au long de cet article, notre argu-mentation a été présentée de façonquelque peu aride, car nous visionsprincipalement à proposer une nouvelleméthode permettant de relier la stratégieà la structure et à suggérer des configu-rations et des liens en guise d’illustra-tion. Il n’y a aucun doute qu’il existebeaucoup d’autres façons, toutes aussiefficaces, de relier stratégies et structures,que celles que nous avons présentées. Deplus, la pertinence d’une stratégie engénéral, tout comme l’efficacité relativede ses divers éléments vont au-delàd’une structure. Elles sont également tri-butaires de facteurs économiques etconcurrentiels, de la demande des con-sommateurs, de même que de l’état desmarchés internationaux. C’est pourquoinotre propos doit être pris sous toutesréserves étant donné que nous en con-naissons encore si peu sur le sujet. Nousespérons vivement que le lecteur n’ensera pas rebuté mais qu’il en développeraplutôt le goût d’approfondir davantageles relations entre les configurationsstructurelles et stratégiques courantes etleurs implications sur la performance

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dans différents environnements. Destaxinomies empiriques plus englobantesdevraient se révéler d’une aide considé-rable dans cette quête de connaissance.

Notes1. Danny Miller est chercheur titulaire à l’École desHautes Études Commerciales de Montréal. À compter dejuin 1996, il sera professeur visiteur à la Graduate School ofBusiness de l’Université Columbia à New York.

2. N.D.T. : Profit Impact of Marketing Strategies ou Effetsur le profit des stratégies de marché.

3. Traduction libre.

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