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Effets de la digestion anaérobie sur les micropolluantset germes pathogènes

Christian Couturier

© SOLAGRO, 2 Juillet 2002

Le « retour au sol » de la matière organique desdéchets et sous-produits d’origine urbaine,industrielle ou agricole (sous forme de composts,boues, l isiers, granulés…), participe au« bouclage » des cycles du carbone et desminéraux. Ce bouclage du cycle des matièresorganiques est indispensable pour réduire lespollutions et les besoins en énergie. En effet :

• Il maintient les teneurs en humus et la quantité decarbone stockée dans les sols.

• Il réduit (directement ou indirectement) les besoinsen engrais minéraux, dont la production estparticulièrement énergivore, et les rejets d’azote etdes minéraux dans l’eau et l’air,

Cependant, les déchets organiques sontpotentiellement contaminés par différents polluantsorganiques ou métalliques (acides organiques,hydrocarbures et dérivés, pesticides, cadmium,…).Ces contaminants résultent de l’utilisation deproduits divers au long de la chaîne de production ettransformation des produits que nous consommons,ou du mélange des déchets organiques avec desdéchets non organiques (par exemple dans lespoubelles ou le tout-à-l’égout)1. Les déchetsorganiques contiennent également des bactéries,virus ou parasites dont certains sont pathogènespour l’homme, les animaux ou les végétaux.

Différentes stratégies permettent d’assurer le retourau sol des matières organiques tout enmaîtrisant les risques sur l’environnement et lasanté. Il conviendrait en premier lieu, de généraliserle recours à la source de produits et procédéspropres ; en second lieu, de séparer les flux enfonction de leur nature2, ensuite, de donner lapréférence aux traitements qui transforment lesmolécules polluantes contenus dans les déchets encomposés inoffensifs, ou qui permettent de lesisoler. C’est à ce stade qu’intervient laméthanisation. Son action est reconnue pour cequi concerne la réduction des pollutions organiques,des odeurs et nuisances, ainsi que pour son intérêtsur le plan énergétique. Elle est moins connue pour

1 Les susbstrats organiques ne « produisent » pas de polluants :ils ne sont que des vecteurs et non des sources de pollutions. Onsait que l’une des principales sources de Cadmium en Franceprovient de l’utilisation de phosphates minéraux. En supprimantla source (recyclage des phosphates), on arrête l’accumulation.2 Par exemple par la collecte séparative des déchets ménagersspéciaux.

ses effets sur les micropolluants et les germespathogènes.

Cet article donne un état des connaissance de ceseffets, à partir d’une étude bibliographique réaliséesous la direction de SOLAGRO pour le compte del’ADEME en 19993, et de publications plus récentes.Il ressort de ces travaux, présentés ci-après, que ladigestion anaérobie ou méthanisation :

• Dégrade ou transforme en composés non oupeu toxiques la plupart des composésaliphatiques ou monoaromatiques, halogénés. Lescomposés polycycliques plus résistants forment engénéral des composés moins toxiques.

• Fixe les métaux lourds sous des formesinassimilables et non toxiques par les organismesvivants.

• Réduit de 100 à 10.000 les concentrations enbactéries, virus et pathogènes.

Les micropolluants organiques4

Dégradation des micropolluants organiques

La plupart des hydrocarbures aliphatiques5 sontbiodégradables par fermentation anaérobie. C’est lecas bien entendu des acides organiques,aldéhydes, alcools, amines, cétones, esters… C’estaussi le cas des aromatiques monocycliques6.Ainsi, les micro-organismes présents dans lesboues urbaines sont capables de dégraderentièrement l’acide benzoïque et les composésphénoliques en méthane et gaz carbonique.

Les micropolluants halogénés aliphatiques7 etmono-aromatiques8 sont dégradés par digestionanaérobie, par des mécanismes biologiques (lesplus répandus), ou chimiques, et parfois les deux(cas des composés du brome par exemple). Leshalogénés possédant 1 à 2 atomes de carbones

3 « Le devenir des agents de dangers au cours de la digestionanaérobie », ADEME - 1999. C. Couturier, L. Galtier(SOLAGRO), P. Pouech (ARM), H. Brugère, L. Marache (EcoleNationale Vétérinaire de Toulouse), M. Kaemmerer (EcoleNationale Agronomique de Toulouse).4 Molécules composées de chaînes d’atomes de carbone etd’hydrogène, combinés avec des atomes d’oxygène, d’azote, desoufre, ou d’atomes halogénés (chlore, fluor).5 chaînes non cycliques.6 benzène, toluène, benzoates, benzaldéhydes, phénols,phtalates, nitrobenzène… 7 composés de synthèse, toxiques voire cancérigènes8 qui entrent par exemple dans la composition des pesticides.Toxiques, génotoxiques

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sont biodégradables à 90 % par fermentationanaérobie en quelques jours. Ils sont transformésen méthane et gaz carbonique, et en chloreionique9.

Les hydrocarbures poycycliques aromatiques(HPA) et leurs avatars halogénés (notamment lespesticides, PCB et dioxines) sont plus toxiques etpersistants. Ils résistent également mieux à ladigestion anaérobie10.

Les HPA halogénés subissentg é n é r a l e m e n t l adéhalogénation rédutrice,avec le plus souvent formationde composés moins riches enatomes halogénés, plus oumoins biodégradables, et plusou moins toxiques. Certainss o n t totalementbiodégradables en quelques dizaines de jours.D’aures, comme le DDT et le Lindane convertisrespectivement en DDD et tétrachlorocyclohexane,aboutissent à des composés moins toxiques. Ladégradation anaérobie de la dioxine 2,3,7,8-tétraCDD, a été étudiée dans des sédiments. Elleest transformée en une autre dioxine, la 2-monoCDD, dont l’impact environnemental n’est pasdémontré11. Une étude française récente confirmeque les HPA peuvent être dégradés par digestionanaérobie : 50 % pour le fluoranthène par exemple.

Phénomènes en jeu

La dégradation des composés halogénés se déroulesouvent en plusieurs phases : après une premièreétape de dé-halogénation, le produit intermédiaireest à son tour dégradé en molécule simple (parexemple de l’acétate), puis ensuite en biogaz12.Dans d’autres cas, la conversion n’est pascomplète13. La dégradation dépend du t e m p sd’accl imatat ion des bactéries capables de

9 Par exemple, la biodégradation de 1,2 dichloroéthane : C2H4Cl2+ 3/2 H2O <-> 3/4 CO2 + 5/4 CH4 + 2 H+ + 2 Cl-

10 Une expérience montre que 3 composés sur 14 testés ont étésignificativement réduits par voie anaérobie. Le phénomène enjeu est ici chimique. La non dégradabilité n’est pas imputable àun problème de durée d’acclimatation. Une autre expérienceconclu à la dégradation de l’anthracène et du pyrène en 20 à 72heures, selon des voies biologiques. Ces résultats contradictoiresne permettent donc pas de conclure de façon univoque quant audevenir de ces composés en digestion anaérobie.11 Il se pourrait toutefois que les composés néoformés aientd’autres effets toxiques que la molécule de départ, et enparticulier des effets mutagènes12 Le 3-CBA (acide 3-chlorobenzoïque), molécule présente aussibien dans les boues urbaines papetières que dans les lixiviats dedécharge, est dégradée d’abord en chlore ionique et acidebenzoïque. L’acide benzoïque à son tour est transformé enacétate, hydrogène et gaz carbonique. Suivent enfin les voiesclassiques de méthanogénèse qui transforment ces composésen méthane et gaz carbonique13 Le tétrachloréthylène perd un atome de chlore et esttransformé en trichloréthylène. Les chlorophénols sonttransformés en méthane, gaz carbonique, 4-chlorophénol etphénol

transformer le composé en question14.

Les phénomènes en jeu sont les suivants :

• D’abord une déhalogénation réductrice, qui aboutità la formation d’un composé non (ou moins)halogéné

• Ensuite, dans le cas de composés monocycliques,une rupture du noyau aromatique qui génère des

composés alphatiques

• Ces composés sontensuite dégradés par lesmécanismes classiquesde la méthanogénèse

On pense que les deuxpremiers mécanismessont biologiques plutôtque chimiques. Lesbactéries méthanogènes

sont riches en cofacteurs métalliques réducteurs etpourraient catalyser les réactions d edéchlorination réductive en milieu anaérobie.

En conclusion, la digestion anaérobie dégrade outransforme en composés non ou peu toxiques laplupart des composés aliphatiques oumonoaromatiques, halogénés ou non, sous réserved’une durée de digestion suffisante pour permettrel’acclimatation des bactéries. Les composéspolycycliques sont plus résistants et partiellementdégradés. Ils perdent une partie de leurs atomeshalogènes et forment en général des composésmoins toxiques.

En milieu aérobie, certains composés aromatiqueshalogénés ont tendance à polymériser, et lesmolécules ainsi formées sont résistantes à touteautre attaque bactérienne. Cependant, certainesexpériences montrent que les mécanismes aérobiespeuvent attaquer des molécules qui ne sont pasbiodégradables par voie anaérobie. D’où l’intérêt depoursuivre un traitement anaérobie par un post-traitement aérobie (ou de le faire précéder d’unpré-traitement aérobie), pratiques d’ailleursfréquentes : maturation du digestat de biodéchetsmunicipaux, finition aérobie du traitement d’effluentsindustriels, compostage de boues urbainesdigérées.

Effet des micropolluants organiques sur lesphénomènes de fermentation

La présence de micropolluants organiques peutthéoriquement inhiber la digestion soit parmodification du milieu (pH, potentiel rédox) soit paraction directe sur l’activité microbiologique. Aucuncas d’inhibition n’a été mis en évidence, les seuilsd’inhibition sont plus élevés que les concentrationsrencontrées pour les boues15. Si nécessaire, on peut

14 Le temps nécessaire pour dégrader le 3,4 et 3,5 chlorophénolpasse de 6 semaines à 14 jours lorsque les bactéries sontacclimatées. Dans le cas du 4-chlorophénol, cette durée passede 16 semaines à 8, durée cependant supérieure au temps deséjour habituel dans un digesteur.

Déhalogénation puis rupture du cyclebenzénique�: Lindane, DDT, Dioxine,fluoranthène, sont détruits par l’actionmicrobiologique et les conditionschimiques propres aux conditionsanaérobies.

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recourir à des pré-traitements pour diminuer lepouvoir toxique de ces composants16.

Les micropolluants métalliques17

Spéciation des micropolluants métalliques

La toxicité des métaux, et notamment des métauxlourds, est lié non seulement à leur concentration,mais aussi et surtout à la forme (ou « spéciation »)dans laquelle ils se trouvent. Seule la forme libre dumétal comporte un risque de toxicité, et laconcentration en métaux solubles n’estgénéralement que de 0,5 à 4 % de la concentrationtotale en métaux. La digestion anaérobie ne détruitpas les métaux, mais elle modifie leur spéciationpar différents mécanismes chimiques et, surtout,biologiques : adsorption par chimiesorption,précipitation chimique ou biologique, complexationintracellulaire ou extracellulaire sur des composésorganiques ou inorganiques.

Phénomènes en jeu

Les ions sulfures sont lep r i n c i p a l a g e n tprécipitant chimique desmétaux, qui conduit à laformation de sulfatesm é t a l l i q u e s n o ns o l u b l e s . Lescarbonates conduisent aussi à des précipités. Laprécipitation peut également être d’originebiologique : elle est alors liée à la production desulfures par les enzymes bactériennes18, ce quiconduit à la précipitation de métaux à la surfacecellulaire.

La complexation résulte d’un échange de cationsmétalliques avec des protons (H+). Elle peuts’opérer à l’extérieur des cellules, sur des moléculesorganiques comme inorganiques, ou à l’intérieur descellules. Notamment, les molécules extracellulairesde haut poids moléculaire synthétisées par lesbactéries19 présentent de nombreux sitesdisponibles. La matière organique forme ainsi descomplexes avec les métaux20.

L’adsorption des métaux à la surface des cellulesserait due à un mécanisme de chimiesorption pardes groupements fonctionnels d’acides organiques.Son importance est liée à la quantité de matièresolide présente, et au degré d’affinité de chaque

15 le seuil d’inhibition par 2-chlorohénol est supérieur à 100 mg/l.16 par exemple par oxydation chimique, ozonisation, etc.17 On parle aussi d’Elements-Trace (ET),18 sulfates réductases contenues dans la membrane cellulaire19 polysacchardes, protéines, acide ribonucléique20 99 % du Cuivre sera fixé par la matière organique lors de laméthanisation, le Cuivre restant sera principalement sous formechlorée (CuCl) ou hydroxylée (Cu(OH)x).

métal21.

D’autres mécanismes sont susceptibles d’intervenirlors de la méthanisation, sans que leur importancen’ait été pour le moment clairement démontrée,comme la biométhylation, l’exocytose, le rôle desplasmides.

La biométhylation consiste à fixer un ionmétallique22 par un groupement méthyl. Il s’agit d’unprocessus de détoxification, peu étudié en digesteuranaérobie. Le mécanisme de l’exocytose, connupour de nombreux métaux23, est basé sur lasynthèse de biopolymères par les cellules, capablesde piéger les métaux dans les vacuoles. Dans unsecond temps, ces polymères assurent le transportdes métaux hors de la cellule. Enfin, on a démontrél’existence de plasmides dans au moins 3 bactériesméthanogènes : elles assurent une meilleurerésistance cellulaire à la toxicité dans le cas d’unstress engendré par la présence de métaux.

Effet des micropolluants métalliques sur lesphénomènes de fermentation

A forte concentration, lesmicropolluants métalliquespeuvent être toxiques pour labiomasse microbienne etd o n c i n h i b e r l afermentation24. Les seuilsd’inhibition sont plus élevésavec des substrats réels

qu’en cultures pures utilisées en laboratoire25, du faitdes nombreux mécanismes qui conduisent à réduirela teneur en métaux sous forme soluble.

Le mode d’alimentation du digesteur joue égalementun rôle important : une alimentation « pulsée » estplus sensible qu’une alimentation progressive. Lespopulations bactériennes sont en effet capables des’acclimater à des concentrations plus élevées,sous réserve d’un temps de séjour suffisant. Enoutre, l’inhibition est réversible : les métaux ont uneffet bactériostatique et non bactéricide. On noteraenfin que les fermentations thermophiles sontgénéralement plus sensibles aux risques d’inhibitionque les fermentations mésophiles.

Par ailleurs, les éléments métalliques n’ont pas quedes effets négatifs, puisqu’un certain nombre d’entreeux sont essentiels au déroulement des réactionsenzymatiques, car ils entrent dans la composition del’enzyme en tant que cofacteurs métalliques26.

21 de la plus forte à la moins forte affinité : plomb > cuivre >cadmium > fer, zinc ou nickel22 mercure, plomb, arsenic, chrome, étain…23 cuivre, zinc, fer, nickel, cobalt, cadmium, mercure…24 Des tests ont montré que le nickel est inhibiteur à 10 mg/l, lecuivre à 40 mg, le chrome hexavalent à 130 mg/l25 le seuil d’inhibition passe de 200 mg/l pour le chrome pour unTRH de 17 jours, à 300 mg pour un TRH de 21 jours26 comme le Fer, le Nickel, le Cobalt

Les métaux lourds sont fixés sous desformes inassimilables par les organismesvivants, principalement sous formes desulfures insolubles.

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En sortie de digestion, la majeure partie des métauxsont contenus dans la fraction insoluble desboues, et notamment dans le milieu intracellulaire27.Pour la majorité des espèces, très peu se retrouventsous forme biodisponible dans la fraction soluble.

Les germes pathogènesVirus, bactéries, parasites, champignons : le risqueinfectieux est lié étrotement à la dose subie, c’est-à-dire à la quantité de microorganismes en relationavec l’hôte potentiel – humain, animal, plante. Letraitement vise à réduire l’exposition en éliminant ouinactivant les organismes pathogènes28.

Elimination des pathogènes

L’essentiel des travaux de recherche sur le devenirdes pathogènes au cours de la digestion anaérobie,porte sur ceux qui sont susceptibles d’affecterl’homme et les animaux.

Les principaux paramètres d’élimination des agentspathogènes sont le temps et la température.

Globalement, la digestion mésophile classique(autour de 37°C) permetd’éliminer en ordre degrandeur 99 % desgermes pa thogènes(facteur 100), et lad igest ion thermophile(autour de 55°C) 99,99 %(facteur de réduction de10.000)29.

Cependant, ces termes recouvrent des plages detempérature large : ainsi la zone « mésophile » estsouvent comprise au sens large, parfois à partir de25°C, d’où des résultats pouvant être très variablesau sein de la zone dite mésophile.

On peut observer également de grandes disparitésdans l’efficacité rapportée au temps de séjour. Lanotion habituellement utiliée est le temps derétention hydraulique (TRH), durée moyenne deséjour du susbstrat dans le digesteur. Dans la

27 une étude montre que 90 % des métaux se retrouvent au seinde particules de plus de 100 microns. D’autres travaux montrentque Cuivre, Nickel, Zinc et Mercure se retrouvent à 99,5 à 99,8dans la phase solide, et 75 % pour le chrome.28 La pathogénicité est la capacité pour un microorganismed’induire une maladie, c’est-à dire être en mesure de s’implanter,se multiplier chez l’hôte et produire des troubles. Elle dépend enpremier lieu du degré d’exposition : il faut mettre en relation unhôte sensible et une dose suffisante d’agent pathogène. Lapathogènicité propre à chaque agent dépendra donc decaractères intrinsèques - durée de survie, possibilité de semultiplier, existence d’hôte intermédiaire, de formes derésistances – ou extrinsèques - milieux de vie rencontrés, chargeen pathogènes.29 Les streptocoques fécaux sont ainsi réduits de 4 log10 (c’est àdire de 99,99 %) en thermophile, contre 1 à 2 log 10 enmésophile (soit 90 à 99 %).

pratique, les cheminements préférentiels conduisentà extraire des produits qui ont séjourné plus oumoins longtemps que la durée moyenne. D’où lerecours à la notion de temps de rétentionminimum garanti (TRMG), durée minimale deséjour30, plus représentative que le TRH en termesde réduction des agents pathogènes.

Les agents pathogènes les plus résistants sont lesclostridium et les bacillus cereus, qui résistent à ladigestion thermophile, ainsi que les entérovirus etparvovirus qui résistent à la digestion mésophile.Résistent également certaines formes sporulées,que l’on trouve cependant largement à l’état naturel.

Il n’existe semble-t-il pas encore de résultats derecherche sur l’élimination du prion. Dans l’étatactuel des connaissances, on ne peut pasconsidérer que la méthanisation permette untraitement final des déchets animaux à haut risque :elle peut néanmoins être employée commeprétraitement permettant de réduire et assainir lesdéchets avant traitement final.

Phénomènes en jeu

D’autres facteurs, comme la concentration enmatières sèches, en azote, en acides gras volatiles,

ou le pH, peuvent intervenir.Pour les virus, le pH lié àl’augmentation de la teneuren ammoniac pourrait jouerun rôle31. De même,concentration en AGV,condition de pH et absenced’oxygène, seraient fatals

aux oocystes.

Le taux de réduction dépend de nombreux autresparamètres intervenant dans la pratique :concentration initiale en agent pathogène, moded’alimentation du digesteur, compétition avec lesautres micoorganismes.

Il existe peu de travaux sur le devenir desphytopathogènes, susceptibles de parasiter lesplantes. Les rares résultats disponibles sont trèssat is fa isants : le Fusar ium oxysporum(champignon), le Corinobacterium michiganense(bactérie) et le Globodera pallida (nématode) sonttotalement éliminés à 35°C en respectivement 4, 7et 10 jours.

Maîtrise de la température et des temps deséjour

La méthanisation réduit donc significativement laconcentration en germes pathogènes. Le fait dedisposer d’un gaz combustible stockable offre en

30 Lorsqu’un digesteur est alimenté 1 fois par jour, par exemple,le TRMG est de 24 heures. De même, en digesteur « piston », letemps minimum de séjour se rapproche de la durée moyenne, cequi n’est pas le cas avec les digesteurs infiniment mélangés31 par exemple l’agent d’élimination de F2 Coliphage seraitl’ammoniac

Division par 100 à 10.000 des quantitésde virus, bactéries et parasites�:l’efficacité dépend avant tout de latempérature, paramètre maîtrisable grâceà l’utilisation du biogaz.

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outre deux avantages fondamentaux.

Le maintien de la température de consigne estassuré par le chauffage du digesteur, isoléthermiquement, et peut donc être assuré de façontotalemet fiable, indépendamment des processusmicrobiologiques. Dans les procédés aérobies(compostage), le niveau de température dépenddirectement des processus microbiologiques, etsont affectés par les conditions climatiques, ce quinécessite une parfaite maîtrise du processus(homogénéisation, températures en surface), et unsuivi attentif.

Si une hygiénisation plus poussée est nécessaire, ilest possible d’utiliser le biogaz pour pasteuriserle substrat, sans dépenses supplémentaires defonctionnement. La pasteurisation peut interveniravant ou après digestion : la première solutionpourrait être plus appropriée, dans la mesure où ladigestion favorise le développement d’unepopulation microbiologique susceptible d’entrer encompétition avec les agents pathogènes.

ConclusionLa méthanisation présente plusieurs atoutsfondamentaux, liés :

• A la puissance des mécanismes biologiquesmis en jeu, qui assurent un taux de dégradationélevé de la matière organique, y comprissynthétique (composés organiques volatils)

• Aux conditions chimiques particulières del’anaérobiose (milieu réducteur, productiond’hydrogène sulfuré, d’ammoniac…) quiinterviennent directement dans les mécanismeschimiques ou biologiques (déhalogénationréductr ice, précip i tat ion des sul furesmétalliques…)

• Au fait de travailler en réacteur fermé, qui limiteles risques d’exposition aux micropolluantsorganiques et germes pathogènes, et permetd’assurer une température homogène etconstante.

• A la disponibilité en énergie, qui permet decontrôler les températres sans contrainteséconomiques ou météorologiques, et de mettre enœuvre des traitements complémentaires(pasteurisation, séchage thermique).

La méthanisation permet d’obtenir des taux élevésd’élimination des polluants organiques et desgermes pahtogènes. Les hydrocarburesaromatiques polycycliques sont partiellementdégradés, les quantités résiduelles sont fixées à lamatière solide, avec une très faible sortie vers laphase liquide. Les micropolluants métalliques nesont pas éliminés mais fixés dans la fraction solidesous une forme non biodisponible.

La digestion thermophile est considérée commeun traitement hygiénisant des produits à haute

concentration en agents pathogènes. La digestionmésophile convient pour des produits peucontaminés, mais elle peut être complétée par destraitements hygiénisants (pasteurisation, post-compostage…) si nécessaire.

La méthanisation constitue donc une réponseadaptée pour le retour au sol des déchetspotentiellement contaminés par des micropolluantsorganiques et les organismes pathogènes.

Bibliographie rapide

• Dosier documentaire « Les boues d’épurationmunicipales et leur utilisation en agriculture »,ADEME, Janvier 2001, réf. 3832 - ISBN 2-86817-561-9, www.ademe.fr

• Les dossiers du Club Atout Bous, par EmmanuelAdler : perso.wanadoo.fr/atout.boues/


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