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Norbert ROULAND [1948-]Docteur en droit, en science politique et en anthropologie juridique Professeur de droit l'Universit Paul Czanne.

Membre honoraire de l'Institut Universitaire de France

(1988)

Introduction historique au droitUn document produit en version numrique par Jean-Marie Tremblay, bnvole, professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi Courriel: [email protected] Site web pdagogique : http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/ Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales" Une bibliothque numrique fonde et dirige par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi Site web: http://classiques.uqac.ca/ Une collection dveloppe en collaboration avec la Bibliothque Paul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/

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Cette dition lectronique a t ralise par Jean-Marie Tremblay, bnvole, professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi partir de :

Norbert Rouland INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT. Paris : Les Presses universitaires de France, 1988, 722 pp. Collection : Droit fondamental, droit politique et thorique. [Autorisation formelle accorde par lauteur le 11 janvier 2011 de diffuser cette uvre dans Les Classiques des sciences sociales et autorisation confirme par lditeur le 14 janvier 2011.] Courriel : [email protected] Polices de caractres utilise : Pour le texte: Times New Roman, 12 points. Pour les citations : Times New Roman, 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. dition lectronique ralise avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5 x 11) dition numrique ralise le 29 janvier 2011 Chicoutimi, Ville de Saguenay, Qubec.

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Norbert ROULAND [1948-]Docteur en droit, en science politique et en anthropologie juridique Professeur de droit l'Universit Paul Czanne.

INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT

Paris : Les Presses universitaires de France, 1988, 722 pp. Collection : Droit fondamental, droit politique et thorique.

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[2] DU MME AUTEUR Chez le mme diteur : Anthropologie juridique, 1988, 496 p. ; trad. anglais (Stanford Univ. Press, Stanford ; Athlone, London), italien (Giuffr, Milano), russe (Norma, Moscou) [En prparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] L'anthropologie juridique, coll. Que sais-je ? , 1995 (2e d.), 128p. ; trad. indonsien (Penerbitan Universitas Atma Jaya, Yogyakarta) [En prparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] Droit des minorits et des peuples autochtones (avec J. Poumarde et S. Pierr-Caps), 1996, 581 p. ; trad. espagnol ( Siglo Veintiuno ed., Mexico) [En prparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] Chez d'autres diteurs : Le Conseil municipal marseillais et sa politique (1848-1875), Aix en Provence, Edisud, 1974, 408p. Les esclaves romains en temps de guerre, Bruxelles, Latomus, 1977, 106 p. Les Inuit du Nouveau-Qubec et la Convention de la Baie James, Qubec, 1978, 218 p. (puis) Les modes juridiques de solution des conflits chez les Inuit, numro hors srie d' Etudes Inuit, 3, 1979, 171 p. (puis) [En prparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] Pouvoir politique et dpendance personnelle dans l'Antiquit romaine : gense et rle des relations de clientle, Bruxelles, Latomus, 1979, 658 p. Rome, dmocratie impossible ?, Arles, Actes Sud, 1981, 360 p., (puis) ; trad. portugais (Ed. Universidade, Brasilia) [En prparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] Les lauriers de cendre, Arles, Actes-Sud, 1984, 446 p. ; trad. espagnol (Edhasa, Barcelona) Soleils barbares, Arles, Actes-Sud, 1987, 469 p. Aux confins du droit, Paris, Odile Jacob, 1991, 318 p. [En prparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] L'tat franais et le pluralisme (476-1792). Histoire politique des institutions publiques, Paris, Odile Jacob, 1995, 378 p. [En prparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] Les statuts personnels et coutumiers en droit constitutionnel franais, paratre.

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mes enfants et aux jeunes, qui vivront dans un monde chatoyant.

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SOMMAIRE

Introduction : Naissance d'une matire

Premire partie la recherche du droit et de l'tat Chapitre I. Le binme droit/tat Section I. Section II. Bref inventaire du concept de droit La transition tatique

Chapitre II. La diversit des systmes juridiques Section I. Section II. Les cultures juridiques non-occidentales: des visions alternatives du droit Les droits occidentaux

Chapitre III. La diversit des systmes tatiques Section I. Les naissances de l'tat Section II. La Cit-tat Section III. Les tats modernes Chapitre IV. La diversit des systmes explicatifs Section I. L'volutionnisme Section II. Les critiques de l'volutionnisme Section III. Les thories globales Chapitre V. Au-del des normes Section I. Section II. Les reprsentations du droit Les pratiques

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Deuxime partie Naissances et migrations des droits europens Titre I. La trame juridique de l'Europe : un systme pluriel Chapitre I. Les droits communs Section I. Section II. Section III. Section IV. La spcificit de l'Europe Les droits communs europens Les codifications europennes Les Dclarations europennes des droits de l'homme

Chapitre II. Les droits de Common Law Section I. Section II. Les caractres des droits de Common Law La formation historique de la Common Law en Angleterre

Chapitre III. L'tat de justice en France et en Europe Section I. Section II. Section III. Section IV. Les concepts : de l'tat de justice l'tat de droit L'tat de justice en France L'histoire des systmes judiciaires et la construction europenne La croissance du pouvoir lgislatif des souverains europens

Titre II. Les migrations des droits europens Chapitre I. Les transferts de droit Section I. Les agents des transferts Section II. Les types de transferts Section III. Les effets des transferts Chapitre II. Les migrations du droit franais Section I. Section II. Les conqutes rvolutionnaires et impriales L'expansion du droit franais hors d'Europe

Chapitre III. Les migrations du droit anglais Section I. Les principes gnraux du droit colonial anglais Section II. L'anantissement du droit autochtone : les Aborignes d'Australie

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Section III. La prise en compte des droits autochtones Section IV. Les fluctuations du droit colonial anglais en Amrique du Nord

Troisime Partie Les mutations de la Rpublique Titre I. Le destin du pluralisme juridique Chapitre I. La monarchie franaise et le pluralisme juridique Section I. Section II. Du droit ethnique au droit pluri-territorial La rduction du pluralisme juridique

Chapitre II. La Ire Rpublique et la passion de l'Un Section I. Section II. Section III. Section IV. Section V. Unit et diversit en Europe la veille de la Rvolution franaise La Dclaration des droits de l'homme de 1789 Le sacre de l'individu Le divorce entre la Rvolution et l'Eglise L'uniformisation

Titre II. La Rpublique transfigure : le droit positif Chapitre I. Les mutations du lien social Section I. Section II. L'individu et la socit La crise de la raison juridique

Chapitre II. L'mergence de la diversit en droit franais Section I. Section II. Droits de l'homme et diversit des cultures Les mutations de la conception franaise de la lacit

Chapitre III. La diffrence dans l'galit Section I. Section II. Section III. Section IV. Les sources du principe d'galit Les discriminations positives en droit franais Le principe d'galit et la diversit des territoires L'interprtation pluraliste de l'tat unitaire franais

Conclusion gnrale : pour sortir du dualisme Table des matires

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Introduction historique au droit

INDEX DES MATIRES

(les chiffres renvoient aux numros des paragraphes)

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acculturation 1,32, 33, 75, 101, 103, 139, 198, 201, 202, 203, 217, 221, 260, 346 Affirmative action 331, 340, 342 annexion 139, 194, 199, 203, 204, 207, 243, 251,355, 356 anthropologie 1, 2, 7, 9, 11, 12, 41, 43, 45, 77, 78, 83, 85, 86, 87, 88, 104, 131, 132, 192 , 229, 231, 237, 254, 260, 269, 270 apartheid 195, 269, 342 assimilation 32, 33, 55, 60, 61, 63, 67, 87, 129, 139,203, 205, 221, 222, 239, 242, 243, 246, 254, 263, 268, 270, 287, 288, 290, 326, 334, 340 autochtones 1, 12, 17, 43, 44, 45, 47, 48, 53, 74, 75, 87, 101, 129, 139, 140, 148, 195, 198, 205 208, 210, 215 219, 221, 226 234, 250 253, 255, 256, 259, 262, 265 269, 325, 333, 340, 351 354 avortement 23, Conclusion gnrale bouddhisme 18, 87, 247, 258, 308 Carolingiens 9, 13, 105, 114, 176

caste 13, 17, 20, 26, 87, 93, 120, 155, 199, 213, 247, 257, 258, 306, 307 Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires 74, 129, 290, 357 christianisme 26, 31, 41, 43, 80, 88 , 105 107, 111, 114, 118, 121, 173, 174, 191 , 271, 281, 283, 308, 313, 323 clan 15, 103, 138, 219, 340 code 11, 16, 17, 23, 25, 29, 30, 31, 75, 88, 94, 98, 101, 109, 122 124, 126, 136, 148, 188, 209 215, 219, 222, 224, 225, 239, 247, 259, 260 Code civil (franais) 17, 18, 19, 25, 38, 81, 89, 94, 100, 101, 103, 110, 123 126, 194, 196, 203, 204, 208, 210, 214, 225, 232, 243, 244, 275, 277, 280 collectivits locales 65, 66,345 347, 357 colonisation 46, 139, 196, 202 207, 210, 218, 220, 221, 229, 235, 236, 237, 239, 253, 257, 258, 263, 269, 270, 352

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communautarisme 210, 294, 326 Congrs de Vienne 59, 68 , 194, 225 Conseil constitutionnel 65, 73, 283, 286 290, 292, 329 333, 336, 345, 347 350, 353, 355, 357 Conseil d'tat 330 Constitution (France) 1, 16, 17, 20, 21, 37, 39, 56, 58, 65, 67, 68, 70, 71, 73, 90, 101, 103, 124, 127, 129, 133, 135, 137, 151, 152, 161 169, 181, 182, 192 194, 211, 213, 215, 222 225, 238, 240, 248, 254, 257, 278, 283 290 , 292, 329 333, 336, 345, 347 350, 353, 357 coutume 7, 13, 16, 24, 25, 27, 29, 30, 31, 34, 62, 63, 74, 75, 83, 85, 86, 87, 97, 101 104, 126, 129, 130, 131, 138 140, 149, 169, 175, 178, 184 188, 190, 214 218, 221 , 272 274 dmocratie 1, 17, 27, 37, 51, 68, 69, 77, 90, 103, 152, 161 163, 169, 183, 190 194, 270, 279, 294, 324, 342 345 dharma 13, 18, 307 Dite 57, 58, 74, 105, 189, 190, 193 Dieu 22, 23, 24, 26, 33, 43, 76, 77, 80, 88, 105, 107, 114, 115, 119, 120, 129, 154, 170, 172, 185, 194, 203, 206, 217, 223, 226, 229, 247, 282 284, 296, 300, 304, 309 311, 313, 315, 320 323 Digeste 26, 29, 31, 33, 35, 107, 109, 111, 113, 115, 142 , 144, 148 discrimination 51, 129, 253, 254, 256, 321, 326, 329 334, 338, 340, 341, 343 356 divorce 1, 12, 21, 31, 47, 81, 87, 90, 92, 94, 97, 100, 101, 104, 118 120, 123, 173, 215, 224, 281, 293, 317, 322, Conclusion gnrale dot 34, 35, 86, 173, 215, 244 drogman 197, 198

droit canon 31, 41, 47, 87, 102, 107, 110, 111, 113, 115 121, 130, 132, 139, 143, 152, 164, 172, 173, 184, 206, 207, 225, 248, 258, 271, 272, 313 droit romain 11, 15, 22, 26, 27, 29, 32, 33, 35, 38, 41, 99, 100, 101,106 113, 116, 203, 206 208, 212 215, 248, 273, 277 droits de l'homme 19, 23, 38, 41, 45, 64, 90, 92, 117, 121, 126 130, 152, 163, 165, 169, 181, 191, 211, 213, 230, 237, 278, 282, 283, 285, 286, 299 301, 303 305, 308 galit 1, 10, 13, 14, 21, 23, 27, 31, 60, 66, 70, 87, 90, 94, 100, 101, 123 126, 129, 151, 153, 159, 166, 183, 191, 193, 194, 197, 204, 211, 215, 223, 224, 268 , 278, 279, 284 286, 288, 291, 293, 294, 296 298, 300, 303, 304, 307, 309, 314, 315, 321, 326 331, 333, 334, 335, 336, 341, 343 345 Equity 134, 142, 143, 146, 149, 150, 177 , 259 esclave 22, 29, 33 35, 50, 106, 174, 206, 228, 242, 244, 257, 275, 284, 308 tat de droit 19, 38, 39, 45, 77, 129, 161 166, 169, 193 ethnie 62, 105, 138, 210, 216, 271, 272, 292, 294, 295, 308, 326, 338, 339, 340, 354, 356, 357 volutionnisme 2, 17, 44, 79, 80, 81, 84, 260 eyre 139, 140, 142 foulard (islamique) 319 321 Grande Charte 69, 127, 142, 163 habeas corpus 127, 279 harmonie 5, 7, 13, 14, 20, 21, 84 , 279, 300 hindouisme 258, 305, 307, 308 hiyal 102

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homosexualit 12, 119, 120, 131, 317 identit 1, 21, 32, 35, 40, 59, 62, 74, 88, 105, 130, 205, 216, 222, 244, 271, 272, 290, 293, 294, 297, 304, 311, 324, 325, 330, 336, 340, 345, 347, 353,355, 357, Conclusion gnrale immigration 75, 92, 195, 255, 315, 326 individu 5, 7, 9, 11, 14, 19, 20, 21, 37, 43, 48 50, 57, 65, 73, 74, 81, 84, 86, 87, 89, 90, 92, 93, 96, 105, 119, 120, 126 129, 148, 151, 152, 158, 161 163, 165 167, 169, 193, 200,219, 229, 231, 243, 244, 248, 254, 255, 260, 275, 279, 281, 282, 290, 292, 293, 294, 297, 303 306, 307, 318, 327, 339, 341, 344, 345, 351, 356 indivisibilit 65, 78,287, 288, 345, 347, 349, 350, 353 intgration 51, 55, 59, 179, 199, 246, 248, 318, 321, 326 Inquisition 173, 174 islam 10, 45, 54, 75, 76, 88, 102 104, 220, 240, 246 258, 308, 309, 311, 318, 319, 320, 326 jurisprudence 7, 19, 26, 28, 29 31, 38, 65, 88, 97, 101, 117, 119, 123, 125, 147 149, 162, 166, 169, 175, 179, 180, 191, 194, 222, 230, 237, 238, 246, 248, 250, 253 256, 261, 267 lacit 92, 103, 211, 258, 310, 312 315, 317, 320 325, 338 langue 5, 58, 63, 70, 71, 74, 76, 105, 124, 125, 132, 139, 199, 204, 214, 222, 226, 227, 236, 248, 252, 255, 256, 258, 275, 288 290, 294, 326, 339, 352, 357 libert 20, 26, 27, 30, 33, 34, 43, 49, 51, 56, 58, 64 66, 71, 73, 77, 81, 84, 87, 90, 92, 103, 105, 106, 120, 125 128, 151, 152, 157

160, 162, 164, 165, 169, 175, 186, 194, 204, 206, 207, 223, 224, 225, 244, 248 , 275, 279, 280 283, 284, 287, 289, 290, 294, 300, 303 , 304, 323, 324, 339, 340, 345, 347, 353, 356, 357, Conclusion gnrale mariage 18, 20, 24, 26, 30, 32, 38, 81, 86, 87, 90, 94, 98, 99, 100, 101, 103, 114 120, 126, 131, 159, 173, 184, 196, 206, 211, 215, 229, 241, 247, 248, 254, 263, 272, 281, 322 324, 326, 338 matrilinaire 49, 89, 103, 217 minorits 1, 45, 55, 56, 68, 74, 92, 129, 152, 193 , 199, 221, 253, 269, 295, 326, 331, 333, 340, 341, 343, 346, 351, 356, 357 multiculturalisme 294, 326, 357, Conclusion gnrale multi-ethnique 32, 56, 195 multinational 55, 56, 61, 66, 68, 70 74 natio 35, 62, 337 nazi 22, 33, 35 38, 71, 84, 87, 105, 110, 131, 168, 179, 215, 270, 294, 297, 305 noblesse 57, 59, 69, 110, 208, 273, 280, 281, 284 notaires 41, 96 98, 100, 102, 216, 248 ONU 71, 237,336, 351, 352, 357 oralit 5, 75, 199, 200 pape 23, 101, 105, 109, 111, 113, 114, 115, 117, 121, 154, 173, 174, 183 185, 189, 206, 225, 225, 227, 234, 271, 282, 308, 310, 312, 313 Ptition des droits 163 pluralisme 17, 31, 32, 38, 46, 47, 63, 68, 72, 74, 76, 91, 102 , 121, 122, 136, 139, 152, 176, 185, 190, 191, 204, 205, 218, 221, 225, 231, 237, 238, 240, 241, 248, 254, 258, 271 274, 289, 306,

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314, 315, 340, Conclusion gnrale pluri-lgislatif (Etat) positivistes 1, 11, 23, 25, 36, 38, 47, 67 pouvoir lgislatif 10, 39, 67, 103, 114, 115, 117, 165, 168, 184 188, 190, 222, 225 Proclamation royale (de 1763) 238, 267 protestants 120, 126, 128, 130, 194, 261, 282, 312 race 33, 34, 38, 40, 62, 73, 84, 101, 106, 229, 253, 255, 270, 294, 295, 305, 314, 327, 329, 331, 333, 337 343, 353 religion 1, 9, 13, 23, 26, 38, 40, 41, 51, 53, 67, 73 76,88, 90, 93, 105 108, 144, 173, 174, 176, 250, 258, 282, 294, 298, 308, 311 318, 320 324, 326, 329, 337, 338, 357 sexe 43, 44, 284, 286, 295, 297, 327, 329, 330, 333, 334, 335, 342, 343 souverainet 9, 16, 23, 31, 45, 46, 57, 64, 114, 117, 127, 129, 149, 151,

163, 166, 171, 172, 185, 191, 192, 204, 206, 207, 211, 227, 232, 233, 236, 238, 251, 255 , 279, 345, 349, 355 statut personnel 65, 196, 215, 218, 222, 239, 240, 248, 253, 259, 269, 326, 338, 353 terra nullius 205, 253, 254 TOM 65, 288, 340, 347 turc 103, 197, 198, 211, 290 uniformisation 17, 32, 49, 57, 59, 102, 106, 129, 150, 180, 190, 193, 287, 294 uniformit 19, 20,21, 31, 107, 125, 136, 152, 190, 191, 194, 204, 207, 253, 258, 279, 286, 288, 294, 321, 349, Conclusion gnrale unitaire (Etat) 16, 29, 54 60, 63, 64, 65, 67, 70, 152, 222, 224 unit normative 271, 275, 348, 355 universalisme 1, 21, 81, 83, 84, 87 , 105, 129, 152 , 294, 296, 299, 300, 304, 311, 325, 337 writ 139, 143, 177, 187

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[702]

Introduction historique au droit

INDEX DES NOMS PROPRES(personnes, pays, ethnies)

(les chiffres renvoient aux numros des paragraphes)Retour au sommaire

Aborignes (Australie) 36, 205, 251 255, 265, 269 Alexandre Algrie 1, 205, 239, 309, 318, 338 Allemagne 12, 38, 40, 41, 57, 58, 61 63, 68, 87, 105, 107, 109 111, 115, 120, 122, 123, 125, 126, 131, 152, 161, 169, 174 176, 179, 181 183, 191, 193, 194, 204, 206, 208, 213, 215, 222, 225, 235, 239, 270 , 297, 323, 326, 333, 343 Alliot M. 20, 21, 41, 45, 88, 201 203, 217, 221 Alsace-Moselle 222 Amrindiens 1, 14, 221, 226, 227, 229, 232 236, 238, 249, 265, 266, 268, 352, 353 Angleterre 10, 55, 59, 61, 62, 69, 87, 106, 115, 120, 123, 130, 132, 133, 136 141, 143, 151, 152, 166, 176, 177, 182, 186, 190, 191, 193, 194, 196, 197, 198, 201, 204, 205, 225, 227, 235, 249, 250, 251, 255, 258, 259, 262, 263, 265 , 266, 324, 326 Aristote 87, 105, 181, 188, 206, 247

Arkoun M. 104, 309, 326 Arnaud A.J. 78, 126, 131 Assier-Andrieu L . 5, 12 Autriche-Hongrie 68, 69, 71, 75 Aztques 48, 53, 199 Bacon 123, 144 Badinter R.et E. 41, 297, 311, 320 Bart J. 109, 110, 1120 Baxter (arrt) 333 Beaumanoir (Philippe de) 185 Bchillon (de) 4, 12, 38, 103 Belgique 59, 68, 70,120, 181 183, 193, 194, 204, 214, 225, 270, 323, 326, 336 Belkacemi N. 246 Blanc F.P. 104 Bodin 2, 87, 104, 116, 194, 226 Bonaparte 106, 123, 126, 164, 165, 223, 224, 246, 286, 313, 323 Borella J. 338 Boulvert G. 34, 41 Burke 125, 226, 304 Calvin (Affaire) 196, 204, 249 251, 258, 266 Canaques 219, 221, 338, 340, 350, 352 355 Carbasse J.M. 12, 192

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Carbonnier J. 94, 95, 209 Carr de Malberg 73, 157, 161, 193 Chine 10 19, 41, 44, 46, 48, 56, 75, 81, 86 88, 165, 195, 198, 199, 210, 212 , 213, 242, 270, 303, 325 Clastres P. 44 46, 78 Colbert 123, 156, 228, 274, 275 Confucius 14, 16, 21, 87, 88, 212,308 Coriat J.P. 41 Danemark 87, 124, 138, 193, 194, 324 David R. 12, 41, 102, 106, 107, 131, 132, 150, 151, 153, 193, 194 , 210, 269 Debbasch R. 78, 287, 288, 290 Deckker (de) P. 104 Deng Tsiao Ping 16, 19 Durand B. 54, 78, 104 Durkheim 5, 50, 89, 335 Ecosse 61, 250 Empire germanique 57, 60, 110 Empire romain 31, 32, 49, 75, 105, 107, 109, 110, 195, 248 Espagne 46, 55, 56, 67, 87, 90, 106 108, 119, 123, 160, 169, 174, 181, 182, 183, 187, 188, 191, 193, 194, 195, 206, 207, 225, 227, 235, 276, 322, 331, 348 Favoreu L. 336, 338 Garapon A ; 192 Gaudemet J. 12, 23, 24, 30, 41, 78, 110, 131, 190, 221, 248 Girault Gratien 1, 115, 117 Grce 15, 23, 41, 50, 51, 54, 129, 152, 169, 183, 208, 247, 248, 324, 326, 336 Grgoire IX 115, 174 Grewe C. 68, 165, 169, 191, 192, 193, 194 Grotius 43, 107, 128, 230 Guyane 104, 228, 232, 352 354 Habsbourgs 61, 115, 108, 110, 124,276

Harouel J.L. 12, 159, 160, 192, 223, 224 Hauriou 40, 47 Hayek 297 Henri II (dAngleterre) 139, 140, 141, 187 Hilaire J. 96, 97, 101, 104, 185, 192 Inca 46, 48, 49, 199 Inde 10 14, 41, 44, 46, 75, 76, 195, 197, 205, 246, 247, 257 260, 308, 350 Inuit 221, 229, 253, 267 Irlande 61, 139, 151, 152, 194, 219, 249, 323, 324 Italie 40, 46, 52, 62, 67, 87, 90, 108, 110, 120, 121, 123, 126, 152, 162, 169, 174, 178, 181, 182, 183, 191, 193, 194, 197, 204, 210, 211, 212, 223 225, 248, 305 , 322, 331, 336, 348 Japon 12, 17, 18, 41, 87, 211 213, 220, 270, 307 Juifs 1, 12, 22, 26, 33, 38 41, 110, 114, 120, 145, 173, 183, 184, 226, 248, 258, 270, 282, 284, 292, 309, 311 Justinien 1, 26, 29, 31, 107, 109, 115, 120, 121, 142, 144, 188 Kalanke (arrt) 343 Karpe 238 Kelsen 37, 38, 47, 72, 73 Lajoie A. 231, 232, 246 Lapierre W. 44 46, 78 Le Pourhiet A-M. 294, 344 Le Roy E. 7, 45, 85, 218, 219, 221, 242, 269 Legr H. 244 Lvi-Strauss C. 1, 5, 20, 46, 83, 86, 102, 199 Lvy J-P. 97, 104 Liang Zhiping 15, 41 Lochak D. 12, 40, 41, 327, 330, 338, 340 Locke 43, 116, 127, 128, 194 , 226, 296

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Lombard J. 8, 10, 12 Louis XIV 2, 33, 63, 123, 156, 159, 163, 164, 186, 190, 225, 235, 274, 275 Luxembourg 119, 129, 152, 323, 343 Maastricht 55, 74, 290 Mabo (arrt) 235, 253, 269 Madiot Y. 325, 344,345 Maine 2, 12, 43, 44, 78, 80, 81, 26 Maistre 304 Malinowski 5, 8, 20, 44, 49, 50, 82 Mao Dze Dong 16, 212 Maori Marckx (arrt) 343 Mareschal J.R. 279 Marschall (arrt) 343 Marx K. 1, 44, 80, 297, 304, 338 Melin F. 331, 338 Mnager L.R. 27, 35, 41 Mestre J.-L. 164 Metternich 70, 194 Michalon T. 350 Modrzejewski J. 248 Montesquieu 20, 29, 67, 93, 120, 128, 164, 181, 226, 296 Morabito M. 35, 41 Morin M. 236, 246, 269 Moutouh H. 294, 295, 320, 325, 342 Moyrand A. 65, 67 Napolon 16, 33, 58, 70, 75, 120, 122, 125, 126, 136, 151, 152, 160, 165, 194, 204, 208, 214 , 224, 225, 250, 275, 277, 289 Norvge 48, 87, 124, 169, 193, 194 Nouvelle-Caldonie 205, 215, 216, 219, 239, 253, 254, 288, 338, 340, 348, 350, 353 355 Nouvelle-Zlande 255, 256, 269 Papachristos A.C. 208 , 214, 221 Pays-Bas 59, 68, 93, 119, 120, 152, 169, 181 183, 193, 194, 204, 213, 221, 277, 323, 326 Pierr-Caps S. 12, 56, 64, 69, 71 74, 78 , 221, 346 Poirier J. 12

Pologne 110, 115, 129, 190, 191, 210, 225, 276 Polynsie 340, 352, 355 Portalis 124, 126 Portugal 67, 107, 129, 169, 174, 178, 181, 182, 183, 193, 194, 206, 235, 332 Poumarde J. 11, 12, 62, 63, 131, 158, 246 Ptolme 247, 248 Renan 337 Renner 68, 72 74, 78 Rials S. 128 Rigaudire A. 117, 155, 175, 192, Rigaux F. 37, 38, 41 Robespierre 101, 283 286, 313 Rome 8, 9, 15, 22 33, 35, 41, 44, 50 52, 79, 99, 105, 111, 114, 115, 120, 123, 129, 139, 172, 204, 210, 223, 225, 244, 248 Rouland N. 12, 41, 221, 246, 269 Roume 218 Rousseau J. J. 43, 45, 78, 87, 105, 106, 128, 151, 159, 194, 210, 279, 296, 297, 328 Royer J.-P. 12, 41, 131, 181, 182, 192 Ruiz-Fabri H. 165, 169, 191 194 Savigny 125, 126, 194, 204, 304 Schmitt C. 38, 41 Siys 42, 64, 279, 283, 284, 286, 338 Suisse 56 58, 68, 110, 126, 152, 193, 212, 224, 225, 277 Tanistry (Affaire) 249 Throigne de Mricourt Todd E. 86, 87 Touraine A. 294, 296, 320 Troper M. 4, 12, 38, 41 URSS 129, 224, 234, 242 Vanderlinden J. 4, 12, 196, 198, 221, 242, 269 Vattel 230, 243 Verdier R. 7, 12, 45, 78, 84, 85, 269 Viala A. 56, 59, 78, 106, 108, 131, Vichy 11, 12, 22, 35, 39, 40, 41, 183, 200, 304

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Vitoria 206, 221, 230 Voltaire 43, 80, 105, 106, 120, 159, 163, 301 Waitangi (Trait de) 255, 256, 269

Webert F. 347 Wieviorka M., 320 Yougoslavie 68, 70 72, 87, 120, 129 Zeldin T. 290

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Introduction historique au droit

INTRODUCTION NAISSANCE D'UNE MATIERE... nous [les Franais] faisons abstraction de toute diffrence nationale, nous nous montrons souvent d'un amourpropre collectif ombrageux l'excs, mais nous nous fermons volontiers aux ides trangres et aux trangers eux-mmes (...) nous n'prouvons que peu le besoin (...) de nous mler de la vie du dehors. E. Durkheim, L'Education morale, (1925).

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1. UNE HISTOIRE DES DROITS. - L'histoire passe souvent pour un luxe dans les facults de droit. En ces temps de chmage, on valorise toujours plus la finalit professionnelle des enseignements, qui s'essoufflent suivre l'inflation des normes juridiques. Reconnaissons-le : beaucoup de professions juridiques ne requirent aucune comptence historique. On peut tre un trs bon fiscaliste ou avocat d'affaires sans connatre le moindre mot du Digeste de Justinien, du Dcret de Gratien, sans parler du Miroir des Saxons. De manire logique, l'enseignement du droit reflte en grande partie ce constat. On lui prescrit de s'adapter toujours plus aux demandes des milieux professionnels. Paralllement, parmi les universitaires, dominent les positivistes, attachs une approche purement technique du droit qui laisse loin derrire elle la ncessit d'une rflexion thorique et critique. La dtermination du contenu et de l'orientation des enseignements sen ressent ncessairement. Ajoutons que la fonction descriptive est trs importante en droit : l'ex-

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pos souvent complexe des mcanismes juridiques prvaut sur leur ventuelle mise en cause. La clbre anthropologue M. Mead disait que le candidat aux tudes de psychologie avait des problmes de personnalit, celui intress par la sociologie ne se sentait pas l'aise dans sa socit d'origine... quant l'aspirant l'anthropologie, il cumulait ces deux traits. Elle avait en grande partie raison. En gnral, les juristes n'prouvent gure ce genre de doutes. Mais que serait la recherche sans des mes inquites ? Le droit peut servir aux sciences humaines. Aujourd'hui en tout cas, il n'en constitue pas une. [10] Par ailleurs, il n'est nullement prouv que, mme sur un plan thorique, l'histoire serve quelque chose. Ses partisans soulignent toujours qu'elle peut clairer le futur. Mais le clbre constat de P. Valry donne rflchir : L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne absolument rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout. Elle est le produit le plus dangereux que la chimie de lintellect ait labor . L'histoire annonce-t-elle l'avenir ? Certainement, mais d'une manire qui nous demeure opaque : les historiens qui ont pris le risque le prdire se sont presque toujours tromps. Au-del du court terme, l'enchevtrement des facteurs engendre une complexit trop grande pour qu'on puisse tracer son volution. Aprs tout, la Rvolution ne devait pas ncessairement accoucher de la Rpublique : en 1789, l'opinion tait hostile aux privilgis, mais croyait toujours en la monarchie, dailleurs prsente dans notre premire Constitution (1791). Il y a plusieurs manires de parvenir la dmocratie : l'exemple anglais le montre bien, o elle naquit de la monarchie parlementaire. On peut mme soutenir que si l'histoire ne prdit pas l'avenir, le prsent explique histoire. En effet, nous interrogeons le pass en fonction des transformations de notre poque 1. Des objets de recherche nouveaux surgissent tandis que d'autres s'effacent. On s'est ainsi intress l'histoire des femmes partir des annes soixante et dix ; nous nous tournons maintenant vers celle du droit des homosexuels ou des minorits, sans compter la floraison des ouvrages sur le droit musulman, autrefois parent pauvre du droit compar. Simultanment, les commentaires de la pense de Marx sont en chute libre. Cette posture face au pass explique la naissance de la matire1 Pour quelques exemples de reconstruction des identits nationales (dont celle de la France), cf. : Mmoires des peuples, Projet, 248, dcembre 1996. Sur lidentit culturelle, cf. Memmi A., Les fluctuations de lidentit culturelle, Esprit, janvier 1997, 94-106.

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laquelle est consacr cet ouvrage : une introduction historique au droit, qui, suivant les recommandations des promoteurs de la rforme des enseignements d'histoire du droit, doit dsormais accorder une place importante aux droits europens. Car la construction de l'Europe est aujourd'hui une de nos proccupations majeures. Le prsent modle le pass : on y cherche des solutions -les intgristes poussent cette dmarche l'extrme - alors qu'il faudrait se satisfaire d'y trouver des ides... et aussi du plaisir (l'tude du pass fait voyager), ce qui ne compte pas pour rien. [11] Cependant, supposer qu'elle soit un luxe, la dmarche historique en est des plus utiles. Elle donne des ides gnrales, dans une poque qui en a grand besoin. D'abord parce que nous devons faire face la disparition des grands systmes explicatifs. Ensuite en raison d'un effet pervers des techniques modernes de communication : la surinformation peut dgnrer en dsinformation. Jamais l'adage Nul n'est cens ignorer la loi n'a t aussi fictif. Personne ne sait avec prcision combien de lois sont actuellement en vigueur : 100,000 peut-tre... mais combien dappliques ? Car l'excs de droit conduit son ineffectivit, mme l'ge des ordinateurs. D'autre part, l'histoire ne peut se contenter de dcrire le pass. Elle doit aussi tenter d'expliquer les causes des transformations qu'elle constate, ce qui ncessite le recul salutaire que se refusent les positivistes. L'historien du droit constate notamment que le droit n'est pas toujours la trane des moeurs, contrairement aux lieux-communs. Quand les rvolutionnaires instituent le divorce et l'galit successorale entre hommes et femmes, ils bousculent les habitudes de la majorit des Franais. Dailleurs, leurs adversaires leur reprocheront moins l'excution du roi que ce qu'ils estimaient tre la mise mort de la famille. De nos jours, on sait que la suppression de la peine de mort continue diviser la France. Mais pourquoi parler de recul salutaire ? D'une part parce qu'il permet de relativiser des volutions, et d'tre moins surpris par les changements inopins. Il y a trente ans, qui aurait cru au retour sinon des religions, du moins des proccupations religieuses ? Surtout en France, la loi d'une inluctable sparation entre le monde du droit et celui de la religion semblait grave dans l'airain. Dautre part, ce recul ncessite de sortir du droit pour mieux l'expliquer. Et donc de rencontrer en chemin dautres ordres normatifs, comme la morale ou la reli-

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gion, et d'viter certaines drives. Car pousse l'extrme, la machine positiviste peut s'emballer. Les exemples sont de toute poque. Les juristes romains ont assimil un vice cach ltat de grossesse (non apparent) dune esclave mise sur le march. Beaucoup plus prs de nous, en 1824, la Cour de Cassation n'est pas en reste quand elle cherche dfinir la nature juridique de lesclave franais : L'esclave est une proprit dont on dispose son gr (...) ; cependant, la femme, le mari et les enfants impubres ne peuvent tre vendus sparment sils sont sous la puissance d'un mme matre ; (...) cette proprit est mobilire toutes les fois que l'esclave n'est pas attach la [12] culture, mais (...) dans ce dernier cas, il devient immeuble par destination ; (...) il ne jouit d'aucun droit civil ; (...) ne possde rien qui n'appartienne son matre ; (...) ne peut se marier sans le consentement de celui-ci ; (...) sa postrit nait comme lui dans l'esclavage (...) l'enfant [suivant] toujours la condition de la mre 2. On sait aussi que sous le rgime de Vichy, aprs la publication des statuts concernant les Juifs, une partie de la doctrine n'hsita pas disserter sur les critres de qualification de leur identit, comme sur la nature des procdures destines les dpossder de leurs biens. Un nouvel objet juridique se prsentait, il fallait bien en traiter. Souvent ces auteurs n'taient pas particulirement antismites, ce qui aggrave encore ce constat. Outre qu'elle permet de tresser certains colliers au droit, la dmarche historique conduit mieux dlimiter les contours des enjeux que certains tirent du pass. En effet, il y a plusieurs demeures dans la maison du droit. L'histoire ne hante pas celle du spcialiste de la TVA. Mais elle peut tre ailleurs dterminante. Songeons ce nouveau droit qui nat un peu partout dans le monde : celui des minorits et des peuples autochtones. Tous ces diffrents groupes se rclament, tort ou raison, d'une situation particulire ancre dans leur histoire qui leur donnerait dans le prsent des droits spcifiques. L'histoire est ici sollicite, de manire souvent contraire par leurs partisans et leurs adversaires. Il convient d'autant mieux de la connatre. C'est pourquoi la plupart des Franais nont rien compris au conflit yougoslave, ces proccupations ethniques leur semblant rserves des peuples lointains. Plus profondment, on remarquera avec Claude Lvi-Strauss2 Conclusions prsentes par Favard, Req., 1/12/1824, Jur.gn., 1re d, p.674 ad.not. Cf. aussi Merlin, Rpertoire universel et raisonn de jurisprudence, t.4, Esclavage, p.737 744.

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que ces utilisations diffrentielles de l'histoire rappellent celles de la mythologie dans les socits traditionnelles. Les mythes sont appropris par des groupes sociaux diffrents qui les utilisent pour expliquer leur promotion ou leur dchance, justifier des privilges existants ou revendiqus. Aujourd'hui l'histoire, passion bien franaise, remplit souvent ce rle (il y a plusieurs histoires de la Rvolution franaise... ou de la guerre d'Algrie suivant les lieux politiques d'o on les observe aujourd'hui). Lhistoire est un palimpseste 3. [13] Admettons donc que, contrairement certaines impressions prliminaires, l'histoire n'est pas un luxe gratuit. Reste savoir si aujourd'hui il convient de faire celle du droit ou des droits. Longtemps on a pu croire que suffisait la forme singulire : on enseignait l'histoire des institutions franaises sous le titre gnrique d'Histoire du droit, sans penser mal. Une telle position n'est plus tenable. Le changement vient bien sr de la construction europenne : danciens adversaires sont devenus nos allis, un ordre juridique nouveau apparat en Europe. La tentation est donc grande de juger l'aune de l'histoire l'innovation dont il procde : y a-t-il des prcdents ? Il serait rconfortant d'en trouver, puisque nous sommes toujours dans l'esprance d'un sens de l'histoire. Encore faut-il le vrifier. Donc, une histoire des droits car pour l'historien il n'y a pas un seul droit en Europe, ni mme un seul droit europen. Mais l'Europe elle-mme n'est qu'une partie du vaste monde qu'elle a tt entrepris d'explorer, faisant voyager ses droits : l'historien ne peut ignorer ces migrations. Dans le pass, elles taient surtout sens unique : les droits franais et anglais se sont imposs aux Amrindiens, et non l'inverse. Aujourd'hui, le tableau est moins clair. Les droits europens vivent toujours hors d'Europe, mais des droits venus d'ailleurs la pntrent : on pense au droit musulman, en en attendant peut-tre d'autres. Enfin, une histoire des droits en raison de la mondialisation. On en souligne aujourd'hui surtout les aspects conomiques. Mais l'uniformisation de la consommation ne va pas ncessairement de pair avec celle des cultures. Au contraire, on observe un peu partout (y compris en France) des mouvements identitaires qui3 Parchemin dont le texte original a t gratt et portant un nouveau texte, cela par conomie une poque (mdivale) o le matriau de support de lcriture cotait cher.

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vont chercher loin dans l'histoire leurs justifications. L'accent est mis sur le spcifique au dtriment du commun (on connat le leitmotiv de l exception franaise , agit dans bien des domaines par notre pays qui, par ailleurs, se veut universaliste... d'autant plus facilement que l'ignorance de l'tranger est un trait bien franais). Au point qu'un auteur amricain, S. Huntigton, a rcemment prdit que le XXIe sicle serait celui d'un nouveau type d'affrontements 4. Les traditionnelles causes conomiques ou idologiques passeraient derrire des motivations d'ordre culturel jaillissant d'inluctables conflits de valeurs : Les lignes de fracture [14] entre civilisations seront les lignes de front de l'avenir . On sait ce qu'il faut penser des prdictions base historique. Cependant, ce danger n'est pas illusoire. Pour le conjurer, on peut interroger l'histoire d'une autre manire et s'attacher mettre en relief les phnomnes d'acculturation rsultant des transferts de droit. Une troisime voie, entre l'universalisme abstrait et le repli identitaire. L'histoire des droits est aussi celle des mtissages juridiques. Mais l'ampleur de la tche entrane des contraintes non ngligeables. Prcisons-les.

2. LES LIMITES DE CETTE HISTOIRE DES DROITS. - La matire ainsi assigne notre dmarche est quasiment infinie. On renoncera d'emble tenter de la subjuguer en sept cents pages. La tentative a pourtant dj t faite au sicle dernier, par les auteurs volutionnistes. Dans l'esprit du temps, ceux-ci pensaient qu'existaient des grandes lois de l'volution valables dans toutes les socits, occidentales ou non. Il tait donc ncessaire et suffisant de collecter toutes les informations disponibles sur tous les droits et de classer ces donnes suivant un certain nombre de schmas pr-tablis qui rvleraient un ordre uniforme derrire l'apparence de la diversit. Les auteurs allemands (H.E. Post, J. Kohler) se sont illustrs dans cette dmarche et ont accompli un travail titanesque, malheureusement difficile utiliser aujourd'hui en raison des prsupposs qui les animaient. Non sans raison, on fait remonter cette poque la naissance de l'anthropologie juridique moderne, dans le sens tymologique d'un discours sur l'tre humain dans sa plus grande gnralit. Si les auteurs allemands ont construit un volutionnisme rigide, H. Sumner-Maine, un grand juriste anglais considr comme le fondateur4 Cf. le dossier consacr ses thses dans : Commentaire, volume 18, n 66, 1994, pp 238-280.

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de cette anthropologie, tait plus mesur. Il croyait nanmoins en une origine commune indo-europenne de notre civilisation, dont il s'efforait de retrouver la trace dans l'volution des diffrents droits europens depuis la matrice indienne. Quoi qu'il en soit des diffrences entre ces auteurs, il suffit de consulter leurs ouvrages pour constater que nous y verrions beaucoup plus aujourdhui des historiens du droit attirs par un certain exotisme que des anthropologues. Mais au dbut du sicle suivant, des enqutes menes directement sur le terrain ont montr le caractre exagrment systmatique des thses volutionnistes, qui entreront dans un dclin rapide. De plus, la premire moiti du XXme sicle europen a t domine [15] par les nationalismes. Cette ouverture en direction des systmes juridiques trangers n'a donc pas dur et lhistoire du droit s'est engage dans des perspectives principalement nationales, mme si l'heure actuelle la plupart des anthropologues du droit franais ont eu une premire formation d'historiens du droit ( la diffrence des milieux anglo-saxons). Une exception notable cependant : celle des travaux de la Socit Jean Bodin, publis sous la forme de nombreux Recueils thmatiques (La femme, La ville, La coutume, La preuve, etc.), qui envisagent l'histoire des droits (occidentaux et autres) dans leur pluralit. On peut par ailleurs effectuer avec profit des incursions chez les comparatistes. Si leurs proccupations essentielles concernent le droit positif, les donnes historiques ne sont pas absentes de leurs oeuvres. D'autre part, les systmes d'origine europenne les occupent principalement et on trouvera chez eux beaucoup d'informations sur les droits de Common Law, profondment exotiques pour un juriste franais. Par un chemin diffrent, il est donc temps de renouer avec une tradition pluraliste de l'histoire des droits. Pluraliste, et d'autant moins exhaustive. Car un ouvrage de cette dimension ne peut avoir qu'une ambition limite par rapport aux domaines auxquels il se propose d'introduire, qui couvrent une bonne partie de l'histoire de l'humanit. Nous avons donc d prendre le parti de laisser bien souvent le lecteur insatisfait, nous contentant d'ouvrir devant lui quelques pistes sur lesquelles il lui faudra poursuivre seul. Nous procderons donc le plus souvent par ide gnrales, appuyes par quelques exemples : c'est aprs tout la fonction d'une introduction. La mme contrainte s'impose la bibliographie. Dans les rubriques Pour aller plus loin, situes la fin de chaque chapitre, nous ne donnerons que quelques titres partir desquels le lecteur pourra par ricochet largir le cercle de ses rfrences. Par ailleurs, dans un souci d'allgement du texte, nous avons choisi

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de rduire au minimum les notes de bas de pages. Quand un auteur est cit dans le corps du texte, on trouvera la rfrence l'oeuvre vise dans ces mmes rubriques bibliographiques. Autre limite tracer dans un ouvrage historique : la chronologie. La rforme des enseignements dont procde celui-ci prescrit de mettre laccent sur l'poque moderne : les historiens la font dbuter la fin du Moyen Age. Nous nous y conformerons donc, en nous rservant cependant la facult de pousser parfois jusqu' l'poque immdiatement [16] contemporaine. Mouvement logique, dans la mesure o nous interrogeons l'histoire partir de notre prsent. Le nouveau programme prsente une dernire exigence. Avant de plonger dans nos passs, il convient d'clairer les principaux concepts que nous allons rencontrer tout au long de nos explorations : le droit et l'tat. Ce qui n'est pas une mince tche, tant ce couple entretient des relations complexes. Il sera donc ncessaire de consacrer sa recherche la premire partie de cet ouvrage, o l'anthropologie juridique sera particulirement prsente. Puis nous aborderons des rivages dcoups, mais plus fermes : ceux des droits europens, envisags dans leurs naissances et migrations. Enfin, suivant un choix dont nous ne nions pas la part d'arbitraire, nous consacrerons une dernire partie aux mutations de la tradition juridique franaise. Qu'entendons-nous par l ? On affirme communment qu'en France plus qu'ailleurs l'tat a construit la Nation, la diffrence d'autre pays europens ou celle-ci a pr-exist l'unification tatique. Fond dans son principe, cet argument plonge d'autres ralits franaises dans une pnombre parfois trop sombre. L'tat la franaise s'est certes construit par la rduction des particularismes et la centralisation politique, administrative et juridique. Mais cela au cours d'un processus trs lent, qui a dur des sicles. En fait, la majeure partie de l'histoire de la France est domine par des systmes juridiques pluriels, ce qu'on oublie trop facilement. Quand Louis XIV, notre souverain le plus absolu, parcourait son royaume, le franais ne lui servait pas longtemps : quelques lieues de Paris, on l'interpellait en picard. Et Marseille, il avait besoin d'un interprte... En 1684, une enqute cartographique lui rvle que la superficie du royaume est d'un tiers infrieure ce que l'on croyait 5. Il faudra donc revenir sur certaines ides reues. D'autant plus qu' l'heure actuelle, notre systme juridique voit se transformer les5 Cf. Harouel J-L. et alii, Histoire des institutions de lpoque franque la Rvolution, Paris, PUF, 1993, p. 426.

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fondements hrits de la priode rvolutionnaire : la France demeure un tat unitaire, mais son interprtation pluraliste est dsormais possible. La troisime partie de cet ouvrage portera sur ces problmes.

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Introduction historique au droit

Premire partie la recherche du droit et de ltat

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3. LA DIVERSIT DES HYPOTHSES. - Dans la tradition juridique franaise comme dans les mentalits actuelles, un couple semble bien assur de durer : celui du droit et de l'tat. Les normes juridiques sont produites par des institutions tatiques s'exprimant par les pouvoirs lgislatifs et rglementaires, et accomplies par des tribunaux qui jugent au nom du peuple franais 6. Pour autant, cette conjugalit n'est pas universelle. Dj dans les droits de Common Law, le juge parat plus important que le lgislateur tatique, au moins si l'on compare sa place celle qu'il occupe dans le systme franais. Plus loin de nous dans l'espace et le temps, la complexit s'accrot. Des socits tatiques peuvent naccorder qu'une place restreinte au droit et on peut se demander si celles qui n'ont pas connu l'tat ne pratiquaient pas malgr tout un type de rgulation juridique. Comme on le devine, les rponses aux questions que soulvent ces problmes dpendent largement des termes initiaux : y a-t-il des dfinitions universellement6

Cf. Viallet L., La justice est-elle rendue au nom du peuple franais ?, Mmoire DEA Thorie Juridique, Aix-en-Provence, 1997.

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reconnues du droit et de l'tat ? Prliminaires importants, qui seront l'objet d'un premier chapitre, consacr au binme droit/tat. Munis de ce viatique, nous pourrons ensuite nous aventurer dans un monde d'une diversit foisonnante, dont les expriences historiques tmoignent de la diversit des systmes juridiques (Ch.2) et des systmes tatiques (Ch.3). Aprs ces explorations, une halte sera ncessaire. Car le constat de la diversit n'est utile que dans la mesure o il sert amorcer une rflexion sur la possible existence d'un ordre sous-jacent cette diversit. Un [18] quatrime chapitre sera donc consacr l'expos de quelques systmes explicatifs. Enfin, au risque de rintroduire l'incertitude, dans un cinquime chapitre, nous essaierons d'entrevoir la face cache du droit, ou en tout cas celle qui est traditionnellement minore dans son enseignement : et s'il ne consistait pas seulement en normes ?

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Introduction historique au droit Premire partie : la recherche du droit et de ltat

Chapitre ILe binme droit/tat

Les hommes s'habitueront graduellement respecter les rgles lmentaires de la vie en socit (...) sans violence, sans contrainte, sans soumission, sans cet appareil spcial de coercition qui a nom : l'tat. Lnine, L'tat et la rvolution.

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On ne peut parler du droit que sous bnfice d'inventaire. Il ne correspond pas partout et toujours aux mmes objets, aux mmes fonctions, et ne revt pas les mmes apparences. Il dpend aussi dinstitutions qui interfrent avec lui : l'tat, notamment.

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Section IBref inventaire du concept du droit

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4. LE DROIT NE VA PAS DE SOI. - Le droit et l'tat appartiennent la famille assez tendue des concepts qui ne sont clairs quentrevus de loin. Ds qu'on cherche s'en approcher, la vision se brouille. Ce constat n'est pas neuf. Dj Kant crivait que les juristes en taient toujours dfinir leur concept de droit. Aujourd'hui, des thoriciens comme M. Troper et D. de Bchillon constatent qu'aucune dfinition universelle du droit n'existe, et, pis encore, qu'il faut renoncer l'espoir d'en dcouvrir une, car le droit est une opration intellectuelle de qualification, et non un objet rel donn a priori par la nature. Une exprience tente en 1989 par Droits, une importante revue franaise de thorie juridique, semble le montrer. L'ide de la rdaction tait de demander une cinquantaine d'auteurs de donner en quelques pages leur conception du droit. Ensuite, un travail de synthse aurait dgag quelques grandes options, dfaut de parvenir une solution unique. Les contributions furent runies, mais l'objectif ne put tre atteint en [20] raison de la trop grande diversit des dfinitions donnes. Un des grands matres de notre temps, le doyen Vedel, eut mme la franchise d'crire : Voil des semaines et mmes des mois que je sche laborieusement sur la question (...) Qu'est-ce que le droit ? (...) me voil dconcert tel un tudiant de premire anne remettant copie blanche, faute d'avoir pu rassembler les bribes de rponses qui font chapper au zro . Il concluait quand mme : ... si je sais mal ce qu'est le droit dans une socit, je crois savoir ce que serait une socit sans droit . Le tableau n'est gure plus rassurant du ct des comparatistes. J. Vanderlinden a ainsi relev que cherchant comparer les systmes juridiques, ils n'utilisaient pas moins de quatorze critres, ce qui semble repousser d'autant l'espoir d'une thorie unitaire du droit.

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5. LE DROIT ET L'TAT, UN COUPLE INSTABLE. - Fatalement, le problme se complique encore quand on cherche dfinir la nature de la liaison entre le droit et l'tat. Pour un Franais, elle est si vidente qu'il n'est mme pas utile de s'interroger sur sa lgitimit. L'anthropologue ici s'alerte : il sait bien que les vidences les plus naturelles sont souvent celles les plus culturellement dpendantes. Il reste que traditionnellement, les juristes, l'exception des historiens du droit des priodes anciennes, ne s'intressent pas aux socits dont le droit n'est pas fermement arrim l'tat. Quand ce dernier n'existe pas ou peu, ils concluent en gnral l'existence d'un droit de qualit infrieure (le droit coutumier) notamment parce que non crit, ou mme linexistence de tout droit. Pourtant, un adage romain dit bien que l ou il y a vie en socit, se trouve aussi le droit (ubi societas, ibi ius). Ainsi pos, le dbat est assur de tourner indfiniment en rond. notre sens, mieux vaut sortir des dfinitions binaires. Que la part de l'tat soit dterminante dans la production juridique de nos socits, qui pourrait le nier ? Ce qui ne signifie pas qu'il en soit le seul auteur : les thories du pluralisme juridique s'attachent dcrire des lieux o il se forme l'extrieur de l'usine tatique. l'autre extrme, la thse du panjuridisme n'est recevable qu'avec d'infinies nuances. Le fait que dans beaucoup de langues n'existe pas d'quivalent exact du terme droit permet dj de le supposer. Si on veut nanmoins continuer tenir que le droit est partout, il faut admettre que c'est sous des formes et avec une ampleur dont les degrs de variation sont tels qu'ils peuvent parfois atteindre son essence. Par exemple, entre les conceptions amricaines et [21] orientales du droit et de la justice, un immense espace s'tend dont il faut prendre la mesure. Car d'autres formes de normativit existent. Le droit partage avec elles le champ de la rgulation sociale dans des proportions qui varient suivant l'histoire culturelle des socits. Finalement, on trouvera peut-tre l'approche la moins frustrante du droit l o on ne l'attendait pas. Du ct des anthropologues du droit, souvent accuss de relativisme. Car si la diversit est la rgle, tout se vaut, ce qui n'est pas fait pour plaire aux juristes. On les comprendra d'autant mieux que ce constat n'est justement pas celui de lanthropologue du droit. Car au-del de la variation, il recherche -et parfois trouve, nous le verrons- des constantes. (Quand il y a un demisicle Claude Lvi-Strauss ouvrait le gigantesque chantier des structures de la parent, il entendait bien dcouvrir quelques grands systmes logiques expliquant

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leur foisonnante diversit. Ce quil fit.). Dans un rcent essai 7, L. Assier-Andrieu entreprend ainsi une approche globale de l'irritante question de la prsence du droit. Au-del de la mouvance de ses objets et de ses formes, qui varient dans le temps et l'espace, le droit sert prvenir et traiter les conflits survenant dans la socit au nom d'une rfrence partage. Fonction opratoire dans des socits avec ou sans tat. Le noeud gordien n'est pour autant pas tranch, supposer qu'il doive tre dfait. Car on peut poser principalement le droit dans l'une des branches de l'alternative : assurer l'harmonie sociale, ou sanctionner les conflits. Au dbut du sicle, le grand anthropologue B. Malinowski passe plusieurs annes dans l'archipel mlansien des Trobriand, au nord-est de l'Australie. Il dduit de cette exprience que le droit nat avant tout de l'interaction des obligations rciproques que contractent les membres d'une socit ; il ne dcoule pas principalement de la crainte de sanctions, surnaturelles ou non. Pour lui, le champ juridique est la configuration des obligations qui rend impossible [l'individu] de ngliger sa responsabilit sans en souffrir ultrieurement. Bien entendu, en cas d'infraction des procdures de rglement des conflits peuvent se dclencher. Mais dans la pense de Malinowski, elles ne constituent que l'accessoire du droit, non son essence. Vision roborative, qui contraste la fois avec l'image rpandue (notamment par Durkheim) des socits traditionnelles adeptes d'un droit essentiellement rpressif et celle de nos socits modernes, qui dfinissent le [22] droit par sa sanction (comme la plupart des manuels de droit). Mais d'autres anthropologues du droit (comme K.N.L Lewellyn, qui dans la premire moiti de ce sicle, tudie les Indiens Cheyenne) prfrent se tourner vers le litige pour y dceler le droit. Cette attitude ne traduit pas seulement une inclination intellectuelle. Elle peut aussi rsulter de contraintes mthodologiques. En effet, les socits chres aux ethnologues du droit sont souvent celles de l'oralit. Pour connatre le droit, on ne peut donc se rfrer des volumes o seraient consignes les normes : situation droutante pour un juriste franais, o sancre fermement le rflexe codificateur. Il faut donc recueillir des tmoignages, observer des situations concrtes dans lesquelles l'ordre a t troubl, et la manire dont il est rtabli. D'o l'accent mis sur le litige comme lieu d'closion du droit. La culture juridique de l'observateur intervient galement. Or la plupart des anthropologues du droit, au cours de notre sicle, sont anglo-saxons : il participent donc une culture juridique o le juge7 Cf. Assier-Andrieu L., Le droit dans les socits humaines, Paris, Nathan, 1996.

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ment est davantage porteur du droit que l'nonc lgislatif. Tout naturellement, ils seront donc ports transporter cette configuration dans la socit observe. Entre les deux orientations, il ne convient pas d'opter, mais simplement de constater leur utilisation alternative dans le temps et l'espace. Les socits font leur choix en fonction de leur histoire, de leurs structures politiques et sociales : on en trouvera tout aussi bien qui valorisent le conflit ou son vitement. Notons d'ailleurs que celles qui lient le droit au conflit peuvent user de noeuds diffrents. Le rtablissement de l'ordre peut se faire par la recherche prioritaire de la restauration de l'harmonie (transaction et mdiation entre les parties, accomplissement de sacrifices d'animaux qui dvient la violence potentielle), ou celle de l'tablissement d'une responsabilit. Deux modles trs diffrents, l'un qui efface la confrontation, l'autre qui la solde. Ainsi, pendant longtemps, la justice mdivale des litiges de la vie quotidienne va chercher faire prvaloir l'harmonie. Cette tendance est toujours prdominante dans les socits orientales. Elle se manifeste aussi actuellement dans les ntres dans la recherche de solutions ngocies dun certain nombre de conflits, notamment familiaux : c'est le champ, en expansion, des justices dites alternatives. On peut se demander si l'absence ou l'existence de l'tat constitue un panneau signalisateur dans ces embranchements.

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Section IILa transition tatique

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6. L'TAT ET LA VIOLENCE. - L'tat tend en gnral limiter l'exercice de la vengeance dite prive, puis s'attribuer le monopole des rglements officiels des conflits. Au Moyen-Age, le pouvoir royal, imitant d'ailleurs l'Eglise, commence limiter la guerre fodale dans le temps et lespace, puis transforme le droit de guerre en droit royal. Plusieurs adages juridiques en tmoignent : Nul ne peut pendre son voleur , Nul ne peut se faire justice lui-mme . En gnral, les justifications invoques -et largement reues par les juristes- rsident dans le maintien de l'ordre et la diminution de la violence. L'intervention d'une tierce partie, a fortiori quand elle est tatique, limiterait cette dernire. Pourtant, la corrlation n'est pas certaine. Les donnes ethnographiques montrent que beaucoup de socits valorisant la paix ne sont pas tatiques et ne connaissent pas ou peu de modes de rglement des conflits faisant intervenir une tierce partie. De plus, il y a dj trente ans, K.F. et C.S. Otterbein ont montr l'absence de corrlation entre l'augmentation de la centralisation du pouvoir et la valorisation des modes pacifiques de rglement des conflits. Il faut donc chercher ailleurs. Dans le mode d'organisation familiale : sans qu'on sache exactement pourquoi, il apparat que le recours la vengeance est plus frquemment dans les socits o dominent le principe de rsidence masculine et la polygynie. Le type d'organisation socioconomique est galement dterminant. En gnral, les socits de chasseurscueilleurs nomades ou semi-nomades privilgient les modes pacifiques de rglement des conflits, l'inverse des socits d'agriculteurs sdentaires. On observera d'ailleurs que l'tat est en gnral absent parmi les premires, et tend se dvelopper au sein des secondes, ce qui nuance la thse classique associant l'tat la

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croissance des modes pacifiques de rglement des conflits. Cependant, l'existence de l'tat semble bien marquer une transition importante dans les modes de rglement des conflits et l'utilisation de l'arsenal des peines. [24]

A. Ltat et les modes de rglement des conflits

7. ORDRES NEGOCIE ET IMPOS. - Dans un ouvrage qui a fait date (1979), l'anthropologue du droit anglais S. Roberts a prsent une description gnrale des modes de rsolution des conflits, dans les socits non tatiques comme tatiques. On trouve aussi de nombreuses rflexions sur ces thmes dans les contributions des anthropologues du droit franais, notamment E. Le Roy et R. Verdier. Dans toutes les socits, un certain nombre de rgles ont pour but d'assurer la prvisibilit des comportements. Mais dans les premires, o rgne un ordre dit ngoci, la base normative de cette rgularit n'est pas clairement conceptualise en droits et obligations, ni spcifie en termes d'une catgorie dite juridique. L'application des sanctions obit un principe de flexibilit : des infractions similaires n'entranent pas ncessairement les mmes ractions sociales. On cherche avant tout rtablir l'harmonie. L'intervention du tiers dans le rglement des conflits requiert en gnral la collaboration des parties. Les normes de rfrence sont constitues par des modles de comportement. On peut en trouver des exemples dans les socits tatiques ( le bon pre de famille ), mais ils sont en nombre beaucoup plus rduits. Car avec l'tat et l'introduction souvent concomitante de l'criture, les logiques changent, et on passe un ordre davantage impos. Les groupes sociaux se diffrencient et entretiennent des formes de coopration plus complexes, les ingalits socio-conomiques sont plus marques. La densit des normes s'accrot. Les anciens modes de rsolution des conflits ne disparaissent pas ncessairement, mais deviennent secondaires par rapport d'autres. L'harmonie s'efface devant la ncessit de dire le droit (vere dicere : verdict), c'est--dire de dterminer qui a tort ou raison en utilisant des rgles supposes gnrales et impersonnelles, inscrites dans des textes lgislatifs (la loi l'emporte sur la coutume) ou des jurisprudences. Leur interprtation devient une science, rserve une

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certaine catgorie d'individus : les juristes. Le juge dtient les pouvoirs d'imposer une dcision aux parties, mme s'il peut aussi choisir d'intervenir en tant que conciliateur, avec leur accord. L'organisation judiciaire acquiert une dimension verticale avec la possibilit de l'appel des dcisions devant une juridiction ou une autorit suprieures (alors que dans les socits [25] non-tatiques, le plaignant peut souvent choisir entre plusieurs institutions de rglement des conflits, mais ne peut faire appel. Signalons enfin une confusion ne pas commettre : celle qui restreindrait la notion de socits tatiques aux seules socits modernes et occidentales. Comme nous le verrons plus loin, l'tat a exist ailleurs qu'en Occident et depuis longtemps. On s'en aperoit d'ailleurs quand on examine l'influence qu'il semble jouer dans l'arsenal des peines dont une socit se dote (Naturellement, l'exemple des rapports entre l'tat et la peine n'est qu'un aspect du problme plus vaste de la dfinition du droit. Laquelle dpend largement de l'investiture qu'opre l'tat du juridique en se donnant le pouvoir de tracer ses contours).

B) L'tat et l'arsenal des peines

Notre tradition juridique associe troitement la peine l'tat : avant lui, c'est le rgne sauvage de la vengeance, exerce par des individus ou des groupes qui dfendent leurs intrts propres ; compter de sa naissance domine la peine, dicte au nom de la socit toute entire. On retrouve frquemment ce schma chez les pnalistes contemporains, o il a valeur d'axiome. Malheureusement, l'avantage de sa clart est vici par le constat de son inexactitude. La peine peut fort bien se passer de l'tat ; l'tat ne succde pas la vengeance En revanche, son empreinte est ferme dans les procdures de sanctions et certaines formes des peines. Pour nous en convaincre, examinons quelques donnes prises aussi bien dans l'histoire que l'anthropologie du droit.

8. LA PEINE DECROCHEE DE L'TAT.- Constatons d'abord que ltat n'est pas le seul facteur dterminant dans la variation de la nature et des formes de la peine. Celles-ci dpendent largement des valeurs culturelles. Dans les socits, avec ou sans tat, dans lesquelles le pouvoir est thocratique, les infractions majeures sont celles qui touchent les divinits et le domaine du sacr. Dans l'gypte

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pharaonique, le meurtre des animaux sacrs est puni de mort. Au Moyen-Age, dans certains cas, on perce la langue du blasphmateur. En France, jusqu'au XVIe sicle, la mort punit ceux qui commettent des vols dans les glises ou les profanent ; sous la Restauration, ils sont condamnables aux travaux forcs perptuit. Ce n'est qu'en 1830 que le crime de [26] sacrilge est aboli. La sorcellerie est un crime majeur dans la plupart des socits sans tat, elle le demeure souvent ailleurs. Rome, la loi des XII Tables punissait de mort le recours la magie. Le Moyen-Age, mais aussi le XVIIe sicle, ont connu leurs grands procs de sorcellerie. Et aujourd'hui, mme si l'tat franais est devenu laque, les tribunaux ont connatre d'infractions perptres par des groupes se rclamant de Satan et de violations de spultures, au point que rcemment on a d accorder au cadavre une protection juridique. L'existence d'infractions -et de peines religieuses- n'est donc pas lie celle de l'tat qui substituerait sa sanction celle des forces surnaturelles. Car on trouve ces infractions religieuses aussi bien chez les socits chres aux ethnologues que chez celles tudies par les historiens du monde occidental. Comme l'crit J. Lombard : La lacisation de la faute n'est pas contemporaine de l'apparition de l'tat, surtout quand celui-ci est de nature thocratique ou troitement associ une glise 8. Remarquons ensuite que la peine n'a pas toujours besoin de l'tat pour exister. De nombreuses socits croient l'automatisme de la sanction. tudiant le tabou, Freud a montr qu'en cas de violation, le chtiment se dclenche automatiquement. Dans de nombreuses socits africaines, on pense que les anctres peuvent se venger du non-respect des tabous en gtant les rcoltes ou frappant le btail de maladies. Les Diola du Sngal croient que la femme adultre sera punie par un accouchement difficile. Chez les Yap de Caroline de l'Ouest, ceux qui commettent l'inceste verront un des membres de leur famille frapp de mort. La sanction peut aussi prendre la forme de l'auto-rpression. Malinowski rapporte un cas tir de ses expriences dans les les Trobriand. Un jeune homme avait commis l'inceste avec sa cousine maternelle. Le prtendant de la jeune fille l'avait appris et port contre lui une accusation publique. Le coupable s'tait alors jet du haut d'un cocotier, ce qui avait entran sa mort. La peine peut aussi tre dcide par la communaut, en dehors de toute structure tatique. Pour les Inuit, la sorcellerie ainsi que le meurtre8 Cf. Lombard J., La peine et la rpression, dans : Poirier J. (dir.), Histoire des moeurs, vol. II, Paris, Gallimard, 1991, 611-698.

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commis avec rcidive constituaient des infractions particulirement graves : le coupable devenant un danger pour le groupe tout entier, il devait tre limin. La dcision prise par la collectivit, la sanction tait excute cours d'une partie de chasse [27] par le plus proche parent de la victime. Non par sadisme. Mais les Inuit taient assez fins juristes pour bien distinguer entre la peine et la vengeance. S'agissant d'une raction du groupe tout entier, il fallait viter qu'elle ne soit confondue avec un acte de vengeance, susceptible d'entraner des reprsailles de la part de la famille du meurtrier excut. Ds lors, le fait que cette excution soit accomplie par ses plus proches parents montrait bien qu'elle ne pouvait tre imputable un groupe familial rival. Dans d'autres socits sans tat, la peine peut-tre dcide par des institutions de formes diverses. J. Lombard rapporte ainsi que chez les Nandi du Kenya, les Anciens d'un groupe de villages se constituaient en assemble de justice en prsence de la population adulte. Le plus estim des Anciens prenait la parole et incitait chacun donner son point de vue. L'accord tait recherch sous la forme de l'unanimit, ce qui pouvait ncessiter une discussion de plusieurs jours. La sanction dcide, elle tait applique par la classe d'ge des guerriers. Toujours en Afrique, la justice pouvait tre exerce par des socits secrtes dont les membres formaient une aristocratie : c'tait le cas des socits d'homme-lopards d'Afrique centrale. Tous ces exemples montrent que la peine peut-tre aisment dcroche de l'tat. Cependant, on ne peut que constater la disparition des mcanismes que nous venons de citer dans nos socits modernes. Ds lors, on est tent de dduire qu'il y a bien une volution, et que cette volution a un sens : l'tat finit par assurer le rgne de la peine.

9. L'TAT, VECTEUR DE LA PEINE ?. - La peine est gnralement assure de la faveur des juristes. Ils y voient un point d'aboutissement des modalits de sanction, plus ou moins confondu avec les progrs de la civilisation. Dans la premire moiti du XXe sicle, plusieurs juristes europens (franais : Fliniaux, G. Vidal, H. Donnedieu de Vabres, H. Decugis, R. Charles ; ou anglais : R.R. Cherry, G.W. Kirchney) imaginent un schma volutionniste encore largement admis de nos jours par les pnalistes. Les socits non tatiques recourent la raction primitive de la vengeance sans frein ; un stade suprieur marqu par l'apparition du lgislateur et d'un systme judiciaire nat la rgle du talion, premi-

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re limitation de la vengeance ; dans une troisime phase, le talion devient rachetable par le versement de compositions volontaires, puis lgales ; enfin, dans les socits les plus civilises, l'tat se charge titre exclusif de la rpression et met en [28] oeuvre le systme des peines publiques, prononces et excutes au nom de la socit. Mais une fois de plus, l'histoire et l'anthropologie du droit dmentent ce schma simpliste. Remarquons d'abord que l'tymologie du mot peine ne permet pas de lui attribuer exclusivement le sens de chtiment. Au contraire, dans les droits antiques, la pon grecque et la poena latine signifient compensation, composition, le plus souvent pcuniaires, apportes pour le trouble caus par une infraction. Mais ces mmes poques, ces termes revtent aussi la signification que nous leur attribuons aujourd'hui : Eschyle parle de pon pour qualifier le chtiment de Promthe. La peine est alors expiation, signification que lui donneront les religions judochrtiennes. Une douleur inflige au coupable. Cependant, l'ide de restitution, trs prsente dans la vengeance et la loi du talion, n'est pas pour autant dcroche de la peine. La souffrance est ncessaire, mais elle obit une logique : le rtablissement de l'ordre qui a t troubl. Autrement dit, l'ide de vengeance n'est pas exclue de la peine. C'est toute l'ambigut de la peine de mort : elle repose sur la fiction du retour une situation quivalente l'ordre antrieur l'infraction (alors qu'en ralit un meurtre est irrparable). Pour autant, cette peine n'est pas uniquement inscrite dans l'arsenal des socits primitives : elle connat un regain de frquence aux tats-Unis, et reste lgitime pour la moiti des Franais. Au sein de la peine, il y a donc co-existence de sens. On la dcle aussi sur le plan historique. En effet, les donnes historiques et ethnologiques nous montrent clairement qu'il n'existe pas une ncessaire succession chronologique entre la vengeance, la composition et la peine (au sens moderne de chtiment). Dans la cit athnienne dmocratique, le meurtre, suivant les circonstances dans lesquelles il est commis, peut avoir pour consquence le dclenchement de la vengeance, le paiement de compositions, ou des poursuites publiques. A Rome, jusqu' la fin du IIe sicle avant notre re, le crimen ne dsigne que les atteintes la souverainet de la cit. L'adultre, le viol, le rapt, l'inceste, le meurtre ne sont que des dlits privs sanctionns par une procdure mlangeant peine et vengeance. La partie lse s'adresse au tribunal qui, dans les cas les plus graves, met en oeuvre une procdure abou-

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tissant la remise du coupable au demandeur. Durant toute la Rpublique, le recours aux tribunaux peut trs bien se combiner avec le systme vindicatoire : les parties sont des mandataires de leurs groupes qui cherchent se venger les uns des [29] autres par la voie de poursuites judiciaires. Sous d'autres cieux, on constate la mme ventuelle co-existence entre des systmes diffrents. Ainsi chez les Indiens des Prairies, certains meurtres dclenchent la vengeance, d'autres se rglent par la composition, tandis que l'autorit tribale connat des crimes intressant la socit tout entire (essentiellement la rbellion). Si peine et vengeance peuvent coexister, il en va de mme de la vengeance et des compositions volontaires. Chez les Bdouins de Jordanie, la possibilit d'offrir une compensation intervient aprs qu'un certain temps s'est coul dans le processus vindicatoire. Une des parties peut alors proposer l'autre le chameau du sommeil , qui fait passer l'oubli sur l'infraction. D'autre part, comme le fait remarquer G. Cardascia, le schma volutionniste repose sur un contresens logique. Le talion ne peut constituer une catgorie primitive gnrale de sanction rpressive. En effet, il n'est applicable qu' un petit nombre d'infractions, en gnral les agressions physiques. On ne peut en frapper les crimes contre les dieux, les rois, la Cit, car le crime commis dpasse de beaucoup la seule personne du criminel. Il en va souvent ainsi des injures et des prjudices moraux. Mme les infractions contre les biens n'chappent pas ce problme de proportionnalit. Dans la plupart des systmes juridiques, le voleur n'est pas puni par la soustraction dun bien gal celui qu'il a drob. La peine est le plus frquemment celle d'un multiple. Confront ces divers exemples qui infirment le caractre systmatique de la thse volutionniste, on est fond se demander si la prsentation classique de la squence conduisant de la vengeance (archaque) la peine (civilise) ne procde pas en ralit d'une vision moderne, postrieure l'instauration de l'tat, lui servant lgitimer son monopole de la contrainte et de la sanction. Cependant, ne tombons pas dans l'excs inverse. Les formes de pouvoirs tatiques sont elles-mmes diverses : elles connaissent des degrs varis de concentration et de spcialisation, comme nous le verrons plus loin. Quand l'tat s'affermit, il semble que la peine progresse. Rome, le rgime imprial se traduit par l'instauration d'un tat fort, dot d'une vritable administration, ce qui n'tait pas le cas de la cit rpublicaine. Ds lors, on note une inflation de la peine. Simultanment, les auteurs condamnent la vengeance en laquelle ils ne voient plus qu'une

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forme quasi-sauvage de raction. Snque la situe ainsi entre l'humanit civique et la nature animale, tout juste bonne pour ces [30] marginaux que sont les Barbares, les femmes et les enfants en bas-ge. Inversement, l'affaiblissement de l'tat redonne de la vigueur la vengeance : la dcadence du pouvoir des monarques carolingiens engendre la gnralisation de la guerre fodale. Plus gnralement, on peut penser que la croissance de l'tat ne met pas fin la vengeance (opposant des individus), mais provoque plutt le dclin du systme vindicatoire (opposant des groupes), dans la mesure o l'tat accomplit les fonctions autrefois ou ailleurs dvolues ces groupes. L'existence de l'tat n'est donc pas dpourvue de consquences. En fait, nous pouvons identifier plusieurs de ses empreintes dans le domaine de la rpression pnale.

10. LES EMPREINTES DE L'TAT DANS LA RPRESSION PNALE. - On peut faire plusieurs observations, les unes portant sur les procdures, les autres sur la nature des sanctions. Dans les systmes politiques o la hirarchie des pouvoirs est plus nettement affirme, la spcialisation des instances judiciaires apparat. Celle-ci est dcelable dans des socits qui peuvent tre non-tatiques. Les Indiens Cheyenne se regroupaient en bandes, qui se rassemblaient l't au sein de la tribu. Le conseil des chefs de ces bandes exerait alors une fonction judiciaire, tandis que des associations militaires taient comptentes pour juger certains types de dlits. Quand l'tat apparat il est loin de possder toujours le monopole du pouvoir lgislatif ou judiciaire. D'autres institutions peuvent l'assurer. Dans l'Isral ancien, le roi n'a pas de pouvoir lgislatif mais juge en appel. Paralllement, existent des juridictions communales d'Anciens ainsi qu'une juridiction sacerdotale, le Sanhdrin. Au Moyen-Age, dans tous les tats europens, les juridictions ecclsiastiques ont exerc des comptences dans de nombreux domaines, notamment le droit des personnes. Entre les Xe et XIIIe sicles, ces juridictions absorbent mme une grande partie des affaires criminelles, le roi ne conservant qu'une justice de type seigneurial et n'exerant qu'un pouvoir lgislatif extrmement limit sur le plan territorial et ncessitant souvent l'approbation des barons. Il faut attendre la fin du Moyen-Age, et surtout l'poque moderne, pour que l'tat monarchique reconquire le monopole du pouvoir de juger. D'une part, sans supprimer les juridictions ecclsiastiques et seigneuriales il rduit le champ de leurs comptences, qu'il d-

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membre au profit de ses juridictions. D'autre part, les juristes qu'il emploie -les lgistes- [31] mettent au point un certain nombre de concepts lgitimant ses ambitions. Ainsi de la clbre distinction entre justice retenue et justice dlgue. Toute justice est cense maner du roi. Mais elle est exerce principalement de deux manires. Soit le roi la rend personnellement, dans son Conseil : c'est la justice retenue. Soit, la plupart du temps, il la dlgue ses juridictions, qui lexercent en son nom : cest la justice dlgue. Quand l'tat est associ un processus de lacisation du droit, les sanctions les plus importantes se dplacent du domaine du religieux celui du politique. Dans les cits grecques, le tratre est puni de mort, son cadavre est jet hors de la ville, ses biens brls. Le simple citoyen qui omet de dnoncer un complot contre la cit est exil. Athnes, le dbiteur du trsor public encourt la contrainte par corps. Dans la France d'Ancien Rgime, comme l'a fait observer Michel Foucault, le rgicide est : ... le criminel total et absolu, puisque, au lieu d'attaquer, comme n'importe quel dlinquant, une dcision ou une volont particulire du pouvoir souverain, il en attaque le principe dans la personne physique du prince . l'poque actuelle, notre Code pnal a prvu jusqu'en 1994 une peine de prison vie en cas de tentative de modification de l'ordre constitutionnel 9. Quand l'tat est particulirement fort et centralis, J. Lombard note que gnralement il dveloppe des chtiments corporels incluant la torture et les supplices. Cependant, des nuances sont obligatoires. Tout dpend d'abord du degr d'autorit exerc. En France, jusqu' une poque rcente, l'tat rpublicain a t fortement centralis mais il tait moins autoritaire que l'tat monarchique. On peut observer que sa naissance correspond la substitution de l'emprisonnement aux peines corporelles sous l'influence des philosophes des Lumires, ce qui souligne aussi l'importance accorder au facteur culturel. C'est la thse brillamment soutenue par Michel Foucault. La finalit de la peine change. Auparavant, l'emprisonnement tait relativement exceptionnel. La prison servait garder un dtenu dans lattente de son jugement. Seule lEglise, ds le Moyen-Age, l'utilisait sous le nom de peine du mur , employe notamment l'encontre des hrtiques afin de les9 Larticle 86 de lancien Code pnal punissait de la dtention criminelle perptuit lattentat visant dtruire ou changer le rgime constitutionnel de la France. Larticle 410-1 du Nouveau Code pnal, entr en vigueur en 1994, ne reproduit pas les termes de cette incrimination, mais vise les intrts fondamentaux de la nation : la forme rpublicaine de ses institutions, lintgrit de son territoire.

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forcer la repentance de leurs erreurs. Mais cette interprtation curative [32] de la prison tait exceptionnelle. partir de la Rvolution, elle devient au contraire la rgle. Car la peine doit dsormais moins punir que rduquer : S'efface donc au dbut du XIXme sicle, le grand spectacle de la punition physique ; on esquive le corps supplici, on exclut du chtiment la mise en scne de la souffrance, on entre dans l'ge de la sobrit punitive crit M. Foucault. videmment, nous en sommes revenus, aprs avoir constat que le systme carcral, tel au moins qu'il a t appliqu, ne correspond pas ces espoirs. On cherche donc d'autres solutions, visant l encore l'amendement du coupable. Par exemple, pour certains types d'infractions, les travaux d'intrt gnral, qui requirent l'accord pralable du condamn. Aux tats-Unis, on note aussi le recours des sanctions afflictives et infmantes. A la diffrence de celles de l'ancienne Europe, elles n'entendent toucher que la conscience du coupable, et non pas aussi son corps. Ainsi, le mari coupable de violence conjugale peut tre contraint de faire ses excuses son pouse la tlvision. Celui qui a commis un vol dans un supermarch peut se voir condamner dfiler durant plusieurs jours devant l'entre du centre commercial avec une pancarte o sont crits son infraction et le regret qu'il en prouve. Autant de piloris modernes... D'autre part, les atteintes portes au corps du coupable dpendent aussi de la forme d'exemplarit attache la sanction. Dans de nombreuses socits traditionnelles comme dans le systme rpressif de la France d'Ancien Rgime, son symbolisme s'est exprim sous la forme des peines dites rflexives . La peine doit manifester immdiatement l'infraction commise. En Afrique et dans la tradition islamique, on tranche la main du voleur rcidiviste. En Inde, on coupait le doigt de l'impudique. En Chine, une femme volage pouvait tre condamne se dplacer nue et quatre pattes devant le public. Au Dahomey, celui qui avait commis ladultre avec une pouse du roi tait enfoui et abandonn nu dans une fourmilire avec sa partenaire. Au Moyen ge et en France, le viol tait puni de mort aprs castration. Michel Foucault cite l'exemple d'un supplice inflig Cambrai en 1772 une servante qui avait tu sa matresse. La sentence prvoit qu'au pied de la potence sera install le fauteuil o tait assise la victime quand sa domestique l'avait assassine : ... et y tant place, l'excuteur lui coupera le poing droit et le jettera en sa prsence au feu, et lui portera, immdiatement aprs, quatre coups du couperet dont elle s'est servie [pour assassiner sa matresse] dont le

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premier et le second sur la tte, le [33] troisime sur l'avant-bras gauche et le quatrime sur la poitrine ; ce fait tre pendue et trangle ladite potence sur ledit chafaud [...] . Enfin, J. Lombard note que l'ingalit des peines est d'autant plus accentue qu'une socit connat une forme tatique, mais que ce constat doit tre accompagn d'un certain nombre de nuances. En effet, l'ingalit crot avec le degr de complexit d'une socit. Or, comme nous le verrons, l'apparition de formes tatiques de pouvoir politique parat fortement lie au degr de complexit d'une socit. Donc, historiquement, la plupart des socits tatiques ont t jusqu'ici marques par l'ingalit sociale. Ds lors, il est logique de retrouver cette ingalit dans l'arsenal rpressif. Ingalit sociale : au Moyen ge, en Angleterre (dans le Kent), l'offense contre le roi ou l'un de ses envoys, celles commises l'gard d'un noble, de mme que le meurtre d'un roturier ou celui d'un noble constituent autant d'infractions diffrentes, punies par des peines de degrs varis. Diffrenciation sexuelle aussi, qui peut se traduire par des modalits d'application diffrente des sentences : au Moyen ge, les femmes condamnes mort taient enfouies dans la terre ou brles, mais gnralement ni pendues, ni dcapites. La Rvolution franaise, dans sa passion de l'galit, mettra fin ces subtils distinguos. La guillotine tranchera la tte des nobles comme celle des roturiers, des femmes comme des hommes. Pour autant, une galit moins sinistre rgne bien dans nos socits modernes, qui sont toujours tatiques : en principe, les peines sont les mmes pour tous les citoyens. Car l'tat dmocratique repose sur le principe de l'galit juridique. L aussi, il est normal de la retrouver dans notre systme rpressif. L'tat n'est donc par nature associ ni l'galit, ni l'ingalit des peines : le choix est ailleurs, d'ordre culturel.

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Pour aller plus loin

11. L'VOLUTION DE L'HISTOIRE DU DROIT EN FRANCE. - L'Histoire du droit a une histoire. Il y a une vingtaine d'annes, J. Poumarde en posait les jalons (cf. J. Poumarde, Pavane pour une histoire du droit de dfunte, Procs, 6, 1980, 91-102). Tout commence par un dcret du 28 dcembre 1880 qui introduit en premire anne un cours d' histoire gnrale du droit franais . Jusquel, l'histoire n'intressait pas les juristes. En effet, les tudiants des coles de droit fondes en 1804, plis la doctrine de l'Exgse, devaient commenter les codes article par article sans du tout s'attacher la profondeur historique des rgles juridiques, et [34] encore moins leur mise en situation par rapport un contexte politique et social. Le droit romain existait bien, mais il tait conu comme un pur exercice. Le nouveau cours d'histoire du droit chut souvent aux esprits les plus ouverts. En 1896, la matire avait conquis assez de spcificit pour que fut cr un concours d'agrgation dhistoire du droit. Victoire la Pyrrhus, car elle appartint ds lors un corps de spcialistes et se coupait par l de l'tude du droit positif. Etait ainsi occult le lien que nous avons soulign ds le dbut de cet ouvrage : on ninterroge le pass que par rapport au prsent. Matire de spcialistes, elle n'tait pas pour autant politiquement neutre. Trs proche de l'instauration dfinitive mais prilleuse de la Rpublique, elle sert la justifier, en un temps o elle ne compte pas que des amis. L'histoire du droit doit faire penser que la forme rpublicaine du gouvernement est le fruit heureux d'un processus historique sculaire, de mme que la croissance de l'tat est par nature bnfique. Dans l'entre-deuxguerres, cette idologie dominante se nuance. Certains historiens du droit temprent cet optimisme et voient dans les institutions de l'Ancien Rgime un heureux quilibre entre l'tat et la socit, organise suivant une logique de groupes plus que d'individus. videmment, ses travaux seront rcuprs par les thoriciens de la Rvolution Nationale du rgime de Vichy attachs au corporatisme. En 1954, nouveau tournant, qui marque un certain rapprochement avec les sciences sociales. Un dcret instituant la licence en quatre ans substitue au vieux cours d'histoire du droit franais un enseignement d'histoire des institutions et des faits sociaux.

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Paralllement la monte de l'tat-Providence, le social semble faire irruption dans le droit. Il n'alla pas trs loin, face d'importantes forces d'inertie. D'autant plus qu'en 1960,une nouvelle rforme rduit considrablement l'importance des enjeux conomiques et sociaux dans le cours de premire anne. Plus tard, la suite des vnements de mai 68, un retournement paradoxal se produit. On se souvient que les tudiants les plus engags reprochaient leurs matres de leur dispenser un enseignement trop loign du rel. D'une certaine manire, ils furent entendus... car commence alors une priode de grandes souffrances pour les enseignements juridiques qui ne sont pas lis des perspectives professionnelles. Les tenants des options les plus conservatrices en furent les grands bnficiaires : le droit devait tre un ensemble de techniques directement utilisables sur le march du travail, et certainement pas un instrument de lecture de la socit et de ses volutions. Depuis une quinzaine d'annes, des tendances contradictoires agitent le monde des juristes. Incontestablement, les positivistes et leurs puissants groupes de pression tiennent la place. Cependant, on doit paralllement constater un certain regain pour les matires de rflexion, telles que la thorie et la philosophie du droit, l'pistmologie, la sociologie et l'anthropologie du droit. Il est largement d aux vertiges prouvs par certains des positivistes devant l'inflation des rgles juridiques et l'clatement des matires traditionnelles, perus comme autant de pertes de points de repres. Toutefois, ces matires ne sont en gnral enseignes qu'en troisime cycle : la quasi-totalit des tudiants ignoreront jusqu' leur existence mme. D'autre part, les chercheurs et enseignants qui choisissent de s'y adonner ne bnficient en gnral que d'une tolrance limite. Dans ce paysage flou, l'histoire du droit se maintient, mme si le droit romain est sur la voie d'une extinction qu'on peut craindre parvenue un stade terminal. On regrettera cependant que se perptue la coupure profonde instaure en 1896 entre l'histoire du droit et les matires de droit positif. Dans d'autres pays europens, une tradition respecte veut que les historiens du droit enseignent aussi une matire de droit positif, contribuant ainsi un salutaire dcloisonnement des disciplines. Les tudes de droit portent en effet juste titre sur la priode actuelle. Dans ces conditions, et la diffrence des facults de Lettres, une apprhension historique du droit ne peut tre coupe de ses prolongements dans le monde d'aujourd'hui. L'anthropologie juridique semble heureusement pargne par ce travers, dans la mesure o elle

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rassemble aujourd'hui en France en proportions gales des historiens du droit, des juristes et des publicistes. [35]

12. INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES. - nouvelle matire, nouveaux manuels. Compte tenu de la date rcente de la rforme des enseignements d'histoire du droit, il en existe fort peu aujourd'hui. Le plus proche de cet ouvrage est : J. Gilissen, Introduction historique au droit, Bruxelles, Bruylant, 1979. Trs complet (754 pages), il accorde une large place aux systmes juridiques nonoccidentaux. Il offre en outre lavantage de comporter en annexes de nombreux t