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JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE: Nationalité et fonction publiqueSource: La Revue administrative, 24e Année, No. 141 (MAI JUIN 1971), pp. 280-284Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40765062 .

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LA REVUE ADMINISTRATIVE _

• la mission interministérielle de l'eau. Le délégué à l'aménagement du territoire et à

l'action régionale assure la vice-présidence de ces organismes.

Le ministre chargé de la protection de la nature et de l'environnement assure la présidence du con- seil national de la protection de la nature. Il assure conjointement avec le ministre des affaires cultu- relles, la présidence de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages. 7 Enfin, afin de marquer le caractère gouverne-

mental de la politique menée dans ce domaine, l'article 5 du décret n° 71-94 du 2 février 1971 prévoit la création auprès du Premier Ministre d'un comité interministériel, chargé d'animer de coordonner et de contrôler les actions rela- tives à la protection de la nature et à l'environ- nement. Ce comité est notamment compétent pour les

Droblèmes nécessitant une coordination interminis- térielle en matière d'eau. Les programmes de l'emploi des crédits du fonds

d'intervention et d'action pour la nature et l'en- vironnement lui sont soumis. Le comité interministériel comprend, sous la pre

sidence du Premier Ministre, le ministre des af- faires étrangères, le ministre de l'intérieur, le mi- nistre de l'économie et des finances, le mi- nistre de l'éducation nationale, le ministre des affaires culturelles, le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé du Plan et de l'aména- gement du territoire, le ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé de la protection de la nature et de l'environnement, le ministre du déve- loppement industriel et scientifique, le ministre de l'équipement et du logement, le ministre de l'agri- culture, le ministre des transports, le ministre du

travail, de l'emploi et de la population et le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale.

Le ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé de la protection de la nature et de l'envi^ ronnement, prépare les délibérations du comité interministériel. Il suit la mise en œuvre des déci- sions prises.

Le secrétariat du comité interministériel est assuré par les soins du secrétariat général du gou- vernement. 8. Il est trop tôt pour apprécier l'action du minis-

tère de la protection de la Nature et de l'envi- ronnement, qui dépendra essentiellement des moyens financiers dont il disposera. A l'occasion de la séance inaugurale du Haut

comité de l'environnement, qui s'est tenue le 12 mai 1971, M. Robert Poujade, après avoir donné « l'assurance solennelle » que la politique de l'en- vironnement est «un des grands desseins de l'Etat», a fait allusion aux discussions budgétaires qui l'op- posent actuellement au ministre de l'économie et des finances : « Les efforts pour la protection de la nature et de l'environnement, a dit M. Poujade, devront, dans les années qui viennent, absorber une part croissante du budget de l'Etat et demanderont donc quelques sacrifices à chacun. On ne peut pas demander les résultats et refuser les moyens ».

Le ncuveau ministre devra également compter avec la volonté de coopération des Départements ministériels, dessaisis de leurs attributions dans ces domaines.

Il faut souhaiter que M. Robert Poujade, dont la tâche est particulièrement ingrate, réussira à vain- cre les résistances inhérentes au particularisme traditionnel de nos Administrations, qui sont trop souvent allergiques aux entreprises de caractère interministériel.

V.S

JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

Nationalité et fonction publique Conseil d'Etat 26 Mars 1971

Réf. N° 80.431 - Ministre de l'Agriculture contre sieur Mornet et snydicat national des vété- rinaires praticiens français.

L'Administration peut-elle légalement recruter par contrat des agents qui ne possèdent pas 3a nationalité française ? Telle est" la question que vous devrez trancher en statuant sur le recours formé par le Ministre de l'Agriculture contre un jugement en date du 18 Mars 1970 par lequel le Tribunal Administratif de Poitiers a annulé une décision nommant le sieur Ghenu, de nationalité roumaine, vétérinaire inspecteur à titre contrac- tuel de la section d'inspection sanitaire des denrées animales de Bressuire.

C'est une loi du 3 Juillet 1965 qui a prévu que l'inspection sanitaire des denrées animales serait assurée par un service d'Etat d'hygiène alimentaire constitué de vétérinaires spécialistes assistés de préposés sanitaires ayant la qualité d'agents de l'Etat. Le règlement d'administration publique du 31 Mars 1967 pris pour l'application de cette loi a

notamment précisé que le personnel technique de la circonscription vétérinaire d'inspection pouvait « suivant les nécessités du service... être complété par des vétérinaires inspecteurs ou par des préposés sanitaires ayant la qualité d'agents contractuels à temps complet ou d'agents à temps partiel rému- nérés à la vacation, désignés par le Ministre de Γ Agriculture ».

! Le recrutement de ces agents a été, dans cer- taines localités, des plus difficiles : les vétérinaires praticiens répugnèrent parfois à exercer ces fonc- tions de contrôle même à temps partiel, craignant de perdre leur clientèle et jugeant insuffisantes les compensations financières que leur offrait l'Admi- nistration. Bref, pour assurer le fonctionnement de certains abattoirs, et notamment de celui de Bressuire, le Ministre de l'Agriculture fit appel à des vétérinaires étrangers, malgré les vives pro- testations et les menaces de grève du Syndicat na- tional des vétérinaires praticiens français. C'est

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LEGISLATION ET JURISPRUDENCE

précisément ce syndicat, et le Docteur Mornet, vétérinaire dans les Deux-Sèvres, qui demandèrent au Tribunal Administratif de Poitiers - et obtin- rent de lui - l'annulation de l'arrêté du 27 Mars 1969 nommant le sieur Ghenu. Le jugement attaqué écarte tout d'abord, pour

l'essentiel, l'argumentation des demandeurs qui soutenaient que la nomination d'un vétérinaire inspecteur était contraire aux dispositions de l'ar- ticle 340 du Code rural prévoyant que « ceux qui exercent de façon habituelle, avec ou sans rému- nération, la médecine ou la chirurgie des ani- maux » doivent être de nationalité française et à celles de l'ordonnance du 4 Février 1959 portant statut général des fonctionnaires qui interdisent de nommer à un emploi public les personnes qui ne possèdent pas la nationalité française. En effet, les premiers juges rappe]aient que les dispositions du Code rural invoquées par les demandeurs pe concernaient que l'exercice de la médecine et de la chirurgie animale et non pas des fonctions de contrôle sanitaire et que le champ d'application de l'ordonnance de 1959, limité aux fonctionnaires titulaires, ne s'étendait pas aux agents qui, comme le sieur Ghenu, devait exercer des fonctions à temps partiel rémunérées à la vacation. Mais le Tribunal releva qu'aux termes de l'article

81 du Code de la Nationalité l'étranger naturalisé ne peut être nommé à des fonctions publiques rétribuées par l'Etat pendant un délai de cinq ans à partir du décret de naturalisation. Les fonctions de vétérinaire inspecteur étant des « fonctions publiques » au sens de ces dispositions ne pou- vaient donc être exercées, selon les premiers juges, par un étranger. 1/ Curieusement, ie Ministre de l'Agriculture ne

remet pas directement en cause cette analyse devant vous. Il ne îormule. à l'appui du recours qu'il a formé contre le jugement du 18 Mars 1970 que deux moyens qui ne sauraient vous retenir : - D'une part, le Tribunal administratif aurait à tort soulevé d'office le moyen retenu pour an- nuler la décision qui lui était déférée. Mais s'il est exact que les dispositions de l'article 81 du Code de la Nationalité n'étaient pas expressé- ment invoquées par les demandeurs, il reste que leur argumentation était fondée sur ce que la qualité d'étranger du sieur Ghenu faisait obstacle à ce que lui fussent confiées des fonc- tions publiques. Le moyen manque donc en fait. - D'autre part, le Ministre estime que la décision qu'il avait prise était justifiée par la nécessité impérieuse d'assurer la continuité du service public et par la situation exceptionnelle créée par la réticence des vétérinaires français à ré- pondre à ses appels. Pour préoccupants qu'aient pu être les problèmes posés par le contrôle sani- taire de l'abattoir de Bressuire, il est certain que l'Administration ne se trouvait pas en pré- sence de circonstances exceptionnelles qui lui eussent permis de s'affranchir du respect de la légalité : les différences existant entre le cas - de l'espèce et les hypothèses envisagées par votre jurisprudence Heyries sont trop évi- dentes pour qu'il soit besoin d'y insister."

11/ L'examen de l'affaire pourrait s'arrêter là, et nous pourrions conclure en vous proposant de rejeter les deux seuls moyens dont s'est prévalu le Ministre de l'Agriculture ; mais il n'aurait

pas été nécessaire de réunir votre Section pour prendre une telle décision, et si elle a été por- tée à - ce rôle, c'est que vous devez apprécier d'office la pertinence du motif retenu par le Tribunal administratif, faute de quoi vous vous exposeriez à méconnaître le champ d'applica- tion de la loi.

Pour qu'un moyen soit regardé comme relatif au champ d -application de la loi et puisse être soutenu d'office, 11 faut, on le sait, que deux conditions soient réunies (en ce sens les conclusions de M.A. Bernard sous l'arrêt de Section du 21 Mars 1958 Delteil p. 189) : D'une part, le moyen ne doit pas être déduit d'une simple violation de la loi ou d'une fausse application de la loi, mais de l'inapplicabilité de la loi ; d'autre part, il laut que le juge ne puisse statuer sur le litige qu'il doit trancher sans mé- connaître lui-même le champ d'application de la loi. C'est notamment le cas lorsque la réponse que devrait faire le juge à un moyen impliquerait l'ap- plication d'une disposition inapplicable. En l'espèce, la question qui se pose est celle de savoir si l'interdiction édictée par l'article 81 du Code de la Nationalité concerne les fonctions con- fiées à titre précaire à des agents contractuels. Si vous estimiez que le champ d'application de

cette disposition législative est limité aux fonc- tions exercées par des agents titulaires faisant partie des cadres permanents de l'Administration de l'Etat, il en résulterait que le jugement atta- qué serait fondé sur un texte inapplicable à l'es- pèce : vous ne pourriez vous-même écarter le mo- yen du Ministre tiré de ce que les circonstances exceptionnelles l'avaient contraint à agir illéga- lement, sans admettre au moins Implicitement que l'article 81 du Code de la Nationalité faisait obstacle au recrutement de l'intéressé.

Il vous faut donc examiner d'office la question. 111/ L'incapacité édictée par l'article 81, 3° du Code

de la Nationalité est formulée en termes très généraux : « pendant un délai de cinq ans à partir du décret de naturalisation, il (l'étran- ger naturalisé) ne peut être nommé à des fonctions publiques rétribuées par l'Etat, ins- crit à un barreau ou nommé titulaire d'un office ministériel ». Cette interdiction, qui vise les étrangers naturalisés depuis moins de cinq ans, frappe, a fortiori, les étrangers qui n'ont pas obtenu la nationalité française. Introduites dans notre droit par une loi du 19 Juillet 1934 modifiant la loi du 10 Août 1927, les dispositions restrictives que nous venons de citer paraissent en partie inspirées par l'idée exprimée voici trois siècles par Domat selon laquelle « on exclut les étran- gers des charges publiques parce qu'ils ne sont pas du corps de la société qui compose l'Etat d'une nation, et que ces charges deman- dent une fidélité et une affection au prince et aux lois de l'Etat qu'on ne présume pas dans un étranger ». C'est une affirmation assez proche de celle que 'on trouve sous la signature de M. le Conseiller Lachaze, dans la thèse qu'il a publiée en 1928 sous le titre : « les étrangers dans le droit Oublie français ,>: « En tant que la fonction publique confère un pouvoir à son titulaire, elle ne peut être exer- cée par un étranger car l'on ne conçoit pas aue la fraction la plus minime du pouvoir étatique soit dévolue à un autre qu'à un natio-

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LA REVUE ADMLNISTRATIVE

nal ». De même les auteurs du projet de loi voté en 1934 insistèrent sur la nécessité d'é- carter les étrangers - même naturalisés - « de certaines fonctions qui réclament plus que d'autres une complète assimilation aux idées, aux habitudes et' à la langue de notre pays ». Ces trois idées auxquelles il faut peut- être ajouter un souci de protection de la main-d'oeuvre nationale expliquent encore au- jourd'hui notre législation : c'est sans doute parce qu'il suspectait la pureté de leur loya- lisme et la réalité de leur assimilation et qu'il estimait inconvenant de confier une par- celle de l'autorité publique à des non cito- yens que le législateur a édicté l'incapacité générale qui fait l'objet de l'article 81 du Code de la Nationalité. C'est pour les mêmes rai- sons que de manière plus précise, il a limit.5 aux nationaux les nominations à un emploi de fonctionnaire titulaire de l'Etat (article 16 de l'ordonnance du 4 Février 1959) ou des com- munes, l'entrée dans la magistrature (articles 16 et 22 de l'ordonnance du 22 Décembre 1958), a exclu les étrangers des fonctions de jurés, d'assesseurs des tribunaux pour enfants, de délégués à la liberté surveillée, leur a interdit d'être experts judiciaires, témoins dans les actes notariés, et même concessionnaires de service public (D.L. du 12 Novembre 1938).

On peut certes se demander si les considéra- tions qui ont motivé l'intervention du législateur restent intégralement valables à l'heure actuelle. Pour en revenir à l'article 81 du code, il est clair que l'ouverture des frontières d'une part, l'exten- sion considérable du champ d'intervention de l'E- tat d'autre part, permettraient de poser aujour- d'hui le problème de la collation de certaines fonc- tions administratives à des étrangers dans des conditions très différentes de celles qu'avait envi- sagées le législateur de 1934. Mais, si ce rappel historique n'était peut-être pas inutile pour mieux mesurer les intentions du législateur, il reste que c'est le texte, tel qu'il est, que vous devez appliquer. En interdisant aux étrangers naturalisés depuis moins de cinq ans l'accès aux « fonctions publiques rétribuées par l'Etat », le législateur a-t-il prohibé la participation des intéressés à toute fonction rémunérée qui pouvait leur être confiée par l'Etat, quelle que soit la nature des fonctions envisagées et quelle que soit la nature des liens qui unissent les intéressés à la puissance publique ? - On peut se demander, en premier iieu, si 3a question n'est pas tranchée par votre décision de section du 2 janvier 1959 Müller (p. 8 avec les conclusions de M. le Président Chardeau à ΓΑ.- J. 1959, p. 120). Vous avez affirmé, par cette déci- sion, que la règle du stage de cinq ans dans !o nationalité française, « établie pour les emplois publics les plus divers doit être regardée comme entrant au nombre des dispositoins générales relatives à l'accès aux fonctions publiques » aux- quelles se référait un décret concernant le recru- tement des médecins des hôpitaux. En réalité, il s'agissait seulement dans cette affaire, de savoir si la condition de stage pouvait être exigée de candidats à un emploi de fonctionnaire titulaire alors que le statut applicable prévoyait simplement que les intéressés devaient être de nationalité fran- çaise : cette condition de stage étant statutaire- ment exigée des fonctionnaires de l'Etat, des agents communaux et des membres du personnel hospitalier, vous avez estimé qu'elle devait néces-

sairement s'appliquer aux médecins des hôpitaux. Mais vous n'avez pas jugé que les dispositions de l'article 81 du code de la nationalité devaient s'appliquer à tous les emplois publics. La question reste donc entière. - Entière, pas tout à fait, car il est temps de dire que, quelques semaines après l'intervention de la loi du 19 Juillet 1934, vos formations administra- tives avaient été consultées par plusieurs départe- ments ministériels sur l'interprétation qu'il con- venait de donner aux mots « fonctions publiques rétribuées par l'Etat »qu'avait employé le législa- teur. Par un avis du 27 Décembre 1934. invoqué par le Ministre chargé de la Fonction Publique dans ses observations et d'ailleurs publié en son temps à la Revue Critique de droit international privé (1936, p. 438) et abondamment commenté par la doctrine, votre Commission spéciale avait pré- cisé qu' « en interdisant aux étrangers naturalisés l'accès aux fonctions publiques, la loi du 19 Juillet 1934 a entendu prohiber la participation desdits étrangers naturalisés à ces fonctions en qualité de factionnaires publics ; que cette qualité n'appar- tient qu'aux personnes qui sont comprises dans les cadres permanents d'une administration publique et qui perçoivent un traitement, une solde ou rétri- bution soumis à retenue pour la constitution d'une pension de retraite ». Et l'avis ajoute, plus loin, que si les stagiaires ont la qualité de fonctionnaires publics au sens de la loi de 1934, tel n'est pas le cas des « simples auxiliaires ou aides temporaires dont l'emploi n'est pas expressément prévu par des textes organisant les cadres ou qui ne sont liés avec les administrations publiques que par un contrat de travail dans les conditions du droit privé ».

L'exégèse de cet avis présente quelques diffi- cultés : il est évident, tout d'abord, que Ton ne peut attacher une valeur permanente et définitive à certains des critères retenus en 1934 pour détnir la notion de « fonctions publiques ». L'existence - ou l'absence - d'un régime de retraites est, par exemple, une ligne de partage qui parait aujour- d'hui tout à fait insuffisante dès lors que tous les agents publics - titulaires ou contractuels - bé- néficient d'un tel régime. De même, si l'avis évoque les agents liés à l'ad-

ministration par un contrat de droit privé, pour les exclure du champ d'application de la loi de 1934, il ne précise pas quel sort doit être réservé aux agents contractuels de droit public - pro- blème que vous devef précisément trancher. Mais quelle conclusion tirer de ce silence ? On peut certes soutenir que la Commission a entendu englober les contractuels de droit public dans la catégorie des « fonctionnaires pubics » au sens large, telle qu'elle était alors définie par la juris- pjrudence. Il était couramment jugé à cette épo- que qu'un agent contractuel « appelé à concourir de façon permanente à l'exécution d'un service public administratif » aurait la qualité de « fonc- tionnaire public » (Section 9 Février 1934 Dulos. p. 196. Section 19 juin 1936 Mandrin p. 666. Tribunal des conflits. 15 Janvier 1938. Eric de Mare p. 1 001). Mais il est permis, en sens inverse, de faire res-

sortir que la jurisprudence ne s'était pas encore entièrement dégagée à cette époque de la conception contractuelle de la fonction publique d'arrêt De- moiselle Minaire n'a été rendu qu'en 1937) et que l'opposition entre agents statutaires et agents

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contractuels ne pouvait, à l'époque, avoir de jus- tification précise. Ce qui reste important, dans l'avis de 1934, c'est que le Conseil a opté pour une conception restric- tive de l'incapacité dont il devait fixer le champ d'application, d'abord en liant la notion de « fonc- tion publique » résultant de la loi à ia notion - alors jurisprudentielle - ae fonctionnaire public, et en définissant le fonctionnaire public par une formule qu'on ne peut manquer de rapprocher de celle qui a été retenue 12 ans plus tard par le sta- tut général de la fonction publique. C'est la per- manence des fonctions et la rigidité du cadre institutionnel dans lequel ils se trouvent placés qui permettent d'identifier les fonctionnaires pu- blics, par opposition aux agents qui exercent leurs fonctions à titre précaire et occasionnel. - L'analyse juridique faite par le Conseil en 1934 ne peut évidemment être transposée sans nu- ances à la sitation actuelle, mais pour l'essentiel, les principes alors dégagés nous paraissent conser- ver leur valeur, et ce sont eux qui inspirent en pra- tique la « doctrine » de la direction de la Fonction publique le Ministre chargé de la Fonction publi- que estime en effet que les dispositions de l'article 81 ne font pas obstacle à l'utilisation des étran- gers dans la fonction publique dès lors que ]e recrutement garde un caractère précaire et révo- cable. Cette position nous parait consacrer une interprétation raisonnable de la volonté du légis- lateur : elle permet d'une part, d'utiliser les com- pétences de techniciens, d'experts ou de savants étrangers, pour ie plus grand profit du service public - ce qui n'a d'ailleurs jamais suscité d'op- position. Vivien disait déjà - un peu pompeu- sement il est vrai - que « jamais la science et le génie n'ont eu besoin de lettres de nationalité dans un pays qui met sa gloire à les honorer ». Mais cette interprétation de la Direction de la Fonction Publique permet aussi à la puissance publique de se libérer aisément d'un concours qu'elle ne jugerait plus désirable, dès lors que les emplois qu'elle pourrait conférer à des étrangers seraient toujours précaires et révocables. - Convenons, cependant, que des arguments de simple opportunité administrative ne peuvent em- porter votre décision. Est-il juridiquement possible d'admettre que les « fonctions publiques » réser- vées par le législateur aux seuls nationaux sont nécessairement les fonctions permanentes exercées par un agent titularisé dans un grade de la hiérar- chie, alors que des fonctions précaires d'agent con- tractuel ne seraient pas interdites aux étrangers ? Avant de préciser les raisons qui nous conduisent à vous suggérer de répondre par l'affirmative à cette question, nous voudrions - prévenant les objections qui ne manqueront par d'être adressées à cette solution - en faire tout d'abord l'examen critique. 1/ La solution envisagée fait prévaloir la nature formelle des liens unissant» l'agent à la collecti- vité publique sur la nature des fonctions effec- tivement exercées, alors que votre jurisprudence retient en général des critères plus réalistes notamment lorsqu'il s'agit de distinguer uri agent de droit public d'un agent contractuel de droit privé : c'est la participation directe a 1 execution d'un service public qui entraine l'application d'un régime de droit public, depuis

TpS342)retS OffOrtit et Vin^tain du 4 juin 1954

On peut précisément se demander si la ligne de partage essentielle en matière de fonction publique n'est pas celle qui permet d'opposer, selon le ré- gime juridique applicable, les agents de droit pu- Diic - qu'us soient titulaires ou contractuels - eu les agents de droit privé. Les premiers exer- ceraient toujours des « fonctions publiques » au sens de l'article 81, dès lors qu'ils sont par défi- nition associés étroitement au fonctionnement d'un service public. Mais il faut mesurer les con- sequences a'une telle interprétation, notamment dans les services publics de l'Enseignement et de ia Recherche et, dans une moindre mesure, dans îes services français " à l'étranger. Qualifiera-t-on

" d'irrégulier le recrutement par contrat d'étrangers comme proiesseurs de langues, comme chercheurs au C.N.R.S., comme interprètes, comme agents de vos services culturels ou com-

merciaux à l'étranger Remarquons à cet égard que les textes autorisant le recrutement d'étrangers par voie contractuelle sont en général des décrets, qu'il s'agisse des engagements dans la Légion étrangère (Décret su 14 Septembre 1864, modifié par décrets du 12 Mai 1904, puis du 4 Novembre ii*50), du recrutement exceptionnel d'étrangers dans les corps de sapeurs-pompiers des départe- ments méditerranéens (décret du 10 Juillet 1948) ou du recrutement des professeurs associés des îacultés (décret du 5 Janvier 1955, pris il est vrai, sur le fondement d'une loi générale d'habilitation). Si la loi d'orientation universitaire prévoit bien la possibilité de recruter des enseignants étrangers, c'est parce qu'il s'agit d'autoriser la nomination d'agents titulaires et non pas de contractuels. Mais alors, dira-t-on, à supposer que ia pratique

législative et réglementaire n'autorise pas à admet- tre que le législateur ait entendu écarter les étran- gers de toutes fonctions les associant directement a l'exécution du service public, il faut, en tout cas, réserver aux seuls nationaux l'accès aux emplois comportant l'exercice de prérogatives de puissance publique. Pour revenir à l'espèce, il est permis de juger anormal qu'un agent non titulaire des droits civiques soit admis à prêter serment et se voit conîérer qualité, par commission ministérielle, pour constater les infractions à la réglementation sani- taire. La prise en considération de cette objection conduirait à ressusciter la vieille distinction entre les agents d'autorité et les agents d'exécution ou de gestion, abandonnée depuis longtemps, en même temps que la distinction qui lui servait de support, des actes d'autorité et des actes de gestion. Et l'on retrouverait ainsi une très ancienne jurisprudence, admettant, par exemple, qu'un étranger peut être employé au service intérieur des Ponts et Chaus- sées (14 Mars 1863 Sauphor - p. 249) alors qu'il ne peut accéder à des « fonctions dont les titulaires ont le dépôt de l'autorité et le droit de commander aux citoyens » (Rep. Becquet). 2/ Malgré ces objections, dont certaines, on le voit, ne manquent pas de force, nous croyons possiole de vous proposer de vous en tenir à la ligne de

partage simple que suggère l'avis de 1934 et d'ad- mettre qu'il n'est de fonctions publiques, au sens de l'article 81 du Code de la Nationalité que celles qui sont exercées par des agents inves- tis d'une emploi permanent et nommés dans un corps de la fonction publique - c'est-à-dire par des fonctionnaires titulaires (ou, naturellement, des stagiaires puisque ces derniers ont vocation a être titularisés).

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LA REVUE ADMINISTRATIVE

- Cette solution repose d'abord sur un rappro- chement grammaticalement évident des notions de fonctionnaire pubûç et de fonction publique. Seuls doivent être regardés comme exerçant une fonction publique, les fonctionnaires publics au sens précis que le s;atut, votre jurisprudence et le langage courant donnent à cette notion. Ce rapprochement a aéjà été fait par l'avis de 1934. mais dans un contexte à la vérité un peu différent. - La solution envisagée est surtout justifiée par la conception statutaire de la fonction publique qui est la vôtre aujourd'hui. N'exerce une fonction publique qu'un agent situé dans une hiérarchie, appartenant à un corps, se trouvant placé dans une s.tuation réglementaire et objective par rap- port à l'administration. Il est frappant, à cet égard, que de nombreux textes paraissent lier l'exercice de fonctions publiques à la possession d'un statut (outre le statut général on peut se reporter, par exemple, aux articles 12 et 20 de l'or- donnance du 24 Octobre 1958 relative aux condi- tions d'éligibilité et aux incompatibilités parle- mentaires). - Cette solution peut enfin s'autoriser de ce que l'article 81 du cede de la nationalité évoque la nomination à une fonction publique, semblant

ainsi écarter l'hypothèse d'un lien contractuel entre l'agent et l'administration. Cet argument n'est toutefois pas déterminant, car le processus de coilation d'un emploi à un agent contractuel se décompose en général en deux phases : d'une part, ia signature a'un contrat, d'autre part, un acte unilatéral de nomination de l'agent contractuel ; tel est bien le cas de l'espèce.

Au totai, nous ne voyons pas de raison décisive de vous proposer de donner une interprétation de Taríide 81 plus restrictive que celle qui est suggérée par lavis de 1934 et par la doctrine (Traité de D.L. privé de Niboyet. Traité de la Nationalité de ßeuibes) alors surtout que cette disposition, ins- tituant une incapacité, doit être d'interprétation étroite. Nous pensons donc que le sieur Ghenu, agent contractuel, recruté à titre précaire, rému- néré à la vacation, ne peut être regardé comme investi de fonctions publiques au sens de l'article 8i et ne tombait pas sous le coup de l'interdiction formulée par cet article. Par ailleurs, les autres moyens des demandes du

Syndicat National des Vétérinaires français et du sieur Mornet ont été à bon droit écartées par les premiers juges : les dispositions de l'article 16 du s:atut général de la fonction publique ne s'appli- quent évidemment pas au cas de l'espèce; quant aux dispositions du code rural prévoyant que les vétérinaires exerçant de façon habituelle la méde- cine ou la chirurgie des animaux, elles sont égale-

ment inapplicables puisque les fonctions de sur- veillance sanitaire exercées par le sieur Ghenu n'impliquent nuhement qu'il ait à accomplir des actes médicaux ou chirurgicaux.

Nous concluons donc, par ces motifs : - à l'annulation du jugement attaqué ; - au rejet des demandes du syndicat national des vétérinaires français et du sieur Mornet ; - à ce que ces derniers supportent les dépens

de première instance et d'appel * *

Conformément à ces conclusions de M. Gentot, commissaire du gouvernement, le Conseil d'Etat a rendu l'arrêt suivant :

Considérant, d'une part, que le contrat que tout candidat aux fonctions de vétérinaire inspecteur chargé de Γ inspec- tion des denrées animales souscrit, avant d'être désigné , en qualité d'agent contractuel, pour exercer ces fonctions dans les établissements visés aux articles 257 et suivants du Code rural, fait participer l'intéressé à l'exécution du service public et a, par suite, le caractère d'un contrat de droit public ; que Γ article 81 du Code de la nationalité française promulgué par l'ordonnance du 19 octobre 1945 interdit de nommer à des fonctions publiques rétribuées par l'Etat des étrangers tant qu'un délai de cinq ans ne s'est pas écoulé à partir du décret qui a prononcé leur naturalisation ; que celle disposition s'oppose à ce qu'un étranger exerce, même en qualité d'agent contractuel de droit public, une fonction publique rétribuée, par l'Etat ; qui, dès lors, le Ministre de l'Agriculture n'est pas fondé ' soutenir que c'est à tort qu*>* par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poi- tiers a annulé l'arrêté en date du 27 mars 1969 par lequel il avait nommé vétérinaire inspecteur contractuel, chargé d<* l'inspection sanitaire des denrées animales à l'abattoir de Bressuire, le sieur Chenu qui était de nationalité rou- maine :

Considérant, d'auire part, qu'il ressort des pièces du dos- sier que le moyen tiré par le ministre de ce que le Tribunal a retenu un moyen qui n'aurait pas été soulevé par les demandeurs manque en fait ;

Considérant, enfin que si le ministre fait état des diffi- cultés qu'il aurait éprouvées à pourvoir l'emploi dont s'agit, ces difficultés ne constituaient en tout cas pas des circons- tances exceptionnelles de nature à lut permettre de mécon- naître la disposition législative susanalysée ;

DECIDE : Article 1er - Le recours survisé du Ministre de Γ Agricul- ture est rejeté. Article 2 - L'Etat supportera les dépens exposés devant le Conseil d'Etat. Article 3 - Expédition de la présente décision sera trans- înise au Ministre de l'Agriculture et au Secrétaire d'Etat auprès du Premier Ministre, chargé de la fonction publique.

Promotion immobilière et droits de propriété ou l'anti-construction

Cour de Cassation, Troisième Chambre Civile 19 février 1971

S.C.I, de l'Etoile c. Henri Rabeau et autres La Cour de Cassation,

Sur la Requête... Sur le rapport de M. le Conseiller Decaudin ; les obser-

vations de Messieurs Boréf Talamon, Boulloche et Bouliez ; les conclusions de M. Paucot, Avocat Général ;

Sur le premier moyen : Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué

que la Société Civile Immobilière île l'Etoile a fait cons- truire sur un terrain lui appartenant un immeuble de 21

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