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Page 1: Les Cibles de Candide

Les cibles de Candide : une violente critique Voltaire va dans Candide caricaturer et attaquer avec ironie la société et les institutions de son siècle qui, selon lui, s’opposent au progrès.

L’EgliseInstitution la plus attaquée du conte, l’Eglise subit au moins trois types de critiques. Tout d’abord, elle n’est pas opposée à la logique GuerrièreDe plus, s’appuyant sur la naïveté des gens simples, l’Eglise se sert de puissantes organisations comme l’Inquisition pour garder un pouvoir entretenu par la superstition. Intolérante, elle tâche d’éliminer les tenants d’autres religions ou de pensées jugées païen. A ce titre, elle n’hésite pas à faire appel à la délation, au meurtre, à la torture et au mensonge. Ses membres n’hésitent pas à se laisser aller à leurs désirs : le grand Inquisiteur partage en secret Cunégonde avec un banquier juif. Quant à la vieille, elle est la fille du pape fictif Urbain X. Cela traduit la désobéissance de ce pape par rapport au vœu d’abstinence que tout religieux doit faire.

L’aristocratie

C’est principalement dans le premier chapitre et par l’image du jeune baron que Voltaire brosse le portrait d’une noblesse décadente, orgueilleuse et qui vive dans un monde irréaliste. Le château du baron ressemble à une propriété banale et le mode de vie est loin de l’apparence du château.Le discours de Pangloss précise que les châtelains mangent du porc toute l’année, viande la moins chère. Cela n’empêche pas de voir la famille du baron enfermée dans son illusion de puissance, prête à tout pour sauver les apparences. Si Candide n’est pas reconnu comme neveu du baron, c’est parce que son père n’était pas assez noble, bien qu’honnête gentilhomme. Ainsi, la noblesse préfère refuser un homme vertueux et considérer son fils comme un bâtard s’il n’a pas les titres requis.

L’esclavage et la guerreCes deux fléaux essentiels portent une atteinte majeure au respect et à la dignité de la personne humaine. La guerre est principalement montrée dans l’horreur extrême, au chapitre III. Un terrible écho au chapitre XXIII achève d’en peindre la cruauté. En effet, alors que Candide et Martin naviguent vers l’Angleterre, ils voient un amiral condamné à mort pour « n’avoir pas fait tuer assez de monde ».

Les armes de VoltaireLa satireLa parodie

Le décalage est omniprésent, renforcé par la naïveté du héros et la sottise de son maître. Ainsi, Candide ne comprend que tardivement les intentions des soldats bulgares, du familier de l’Inquisition ou du marchand hollandais qui le dépossède des moutons qui lui restent. Le lecteur perçoit avant lui les malheurs qui l’attendent. Il est à la fois amusé et horrifié du spectacle qui lui est offert.

CONCLUSION : L’IRONIE, ARME A DOUBLE TRANCHANTEn définitive, avec Candide, Voltaire atteint des cibles situées bien au-delà des adversaires qu’il prétend combattre. C’est le monde tout entier qui semble ne pas avoir de sens. MaisVoltaire n’est pas désespéré. Il convie au contraire son lecteur à rire avec lui

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Autre procédé de la satire : l’ironie qui repose principalement dans Candide sur le recours à l’antiphrase. Par exemple, Cacambo loue l’organisation instaurée par les jésuites au Paraguay : « Los Padres y ont tout, et les peuples rien ; c’est le chef d’œuvre de la raison et de la justice ». L’ironie permet de mettre en défaut la logique de la théorie optimiste tout au long du conte. Voltaire révèle, par ce procédé, l’ineptie des raisonnements de Pangloss avec le jeu sur les causalités en faisant établir par ses héros des relations fausses entre les évènements : « car, si Colomb n’avait pas attrapé dans une île de l’Amérique cette maladie, nous n’aurions ni le chocolat ni la cochenille ». L’utilisation de périphrases permet aussi cet effet : « des appartements d’une extrême fraîcheur » désignent la prison. 

Parodie

 La philosophie de LEIBNITZ est simplifiée et caricaturée dans le personnage de PANGLOSS. • Le paradis terrestre est démystifié dans le chapitre I (l’origine de la chute, le rôle de la femme etc…) : parodie de la Genèse. • L’héroïsme guerrier est ridiculisé dans l’épisode de la guerre entre les Arabes et les Bulgares (parodie de récits épiques). • On trouve quelques traces de parodie de « Mille et une nuits » (traduit en 1704 par Galland) mais ces contes sont peu utilisés. • Le conte traditionnel (Perrault) est constamment parodié : les retrouvailles sont une inversion du conte : Cunégonde est devenue laide et acariâtre. L’Eldorado par contre, est un archétype du conte que Voltaire respecte et ne parodie pas.• Le roman picaresque (très à la mode en 1750 avec le diable boiteux de LESAGE par exemple, 1707) et le roman d’aventures sentimentales (le feuilleton) sont parodiés sans vergogne : enlèvements, duels, naufrages, accumulation invraisemblable de malheurs…Le lecteur se perd littéralement … c’est le but poursuivi par Voltaire : faire sentir, par la parodie, que l’essentiel n’est pas là, que les évènements sont uniquement au service d’une idée philosophique.

Le titre, Candide ou l’Optimisme, montre déjà en partie que l’auteur prend parti ; il critique une thèse alors à la mode, l’optimisme. La force de persuasion consiste à rendre les optimistes ridicules et leurs idées absurdes en montrant la contradiction entre une réalité horrible et les discours théoriques de Pangloss. Voltaire caricature ses adversaires en déformant leur pensée ce qui devient absurde : persuadé que « tout est au mieux », Pangloss le justifie par des raisonnements artificiels, vide de sens, les réalités plus douloureuses. De même, l’absurdité de l’optimisme repose aussi sur la récurrence des raisonnements « des causes et des effets ».

La parodie est omniprésente dans le conte. Voltaire se sert de genres à la mode pour exprimer le plus efficacement ses idées. Deux catégories littéraires sont particulièrement parodiées : le conte et le roman sentimental.Le conteLes caractéristiques du conte sont observées dans Candide. L’apparence du château rappelle l’univers des contes de fées. L’élément perturbateur que constitue le baiser échangé avec Cunégonde pousse le héros à chercher sa bien-aimée tout le long du conte. Candide va ainsi vivre des événements qui vont le faire progresser dans sa réflexion. Ainsi, la métairie semble correspondre à l’idéal auquel parvient le héros. Ayant tout perdu, il finit plus heureux encore qu’au début : en plus d’avoir retrouvé celle qu’il a aimée, il acquiert de la tranquillité et une forme de bonheur.Mais à la différence du conte traditionnel, les péripéties sont volontairement exagérées. L’amour de Cunégonde se transforme en pitié et le bonheur se réduit à manger « des cédrats confits et des pistaches ». Cette fin n’a rien de commun avec l’épilogue des

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contes, qui offre au héros de nombreux enfants, la richesse, la royauté ou d’autres caractères propres à faire rêver.Candide est rendu au monde avec une réalité froide à appréhender. Lui qui n’a pas été capable de se satisfaire de l’Eldorado (XVIII)parvient à une vie certes sage, mais finalement modeste. Le merveilleux du conte s’abîme alors dans une série de déceptionspoussant le lecteur à remettre en question ses propres illusions.Le roman sentimentalLe roman sentimental est également tourné en dérision. Cunégonde est l’objet du désir qui pousse Candide à tuer, à fuir et à quitter l’Eldorado. Toujours tourné vers cet amour inaccessible, il ne voit qu’elle, en partie sans doute car la fille du baron est la seule femme de son âge en sa présence. Toujours ému par le désir de la retrouver, il est déçu à la fin de sa quête, car il la découvre vieillie et avec un sacré caractère. Candide comprend l’illusion de l’amour adolescent et perçoit alors la grossièreté de sa quête. Par cette morale à l’encontre des romans sentimentaux, Voltaire s’amuse à détruire les rêves qui éloignent les héros du réel.


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