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  • Think Tank europen

    Pour la Solidarit

    Logement vert, logement durable ?Enjeux et perspectives

    Les Cahiers de la Solidarit n 26

  • Logement vert, logement durable ? Enjeux et perspectives

    Cline Brandeleer sous la direction de Denis Stokkink

  • Asbl Pour la Solidarit, mars 2011

    ISBN : 978-2-930530-13-0

    Dpt lgal : D/2011/11.262/2

  • Think Tank europen Pour la Solidarit

    Le Think Tank europen Pour la Solidarit (asbl) asso-

    ciation au service de la cohsion sociale et dun modle cono-mique europen solidaire tra-vaille la promotion de la soli-darit, des valeurs thiques et dmocratiques sous toutes leurs formes et nouer des alliances durables entre les reprsentants europens des cinq familles dac-teurs socio-conomiques.

    travers des projets concrets, il sagit de mettre en relation les chercheurs universitaires et les mouvements associatifs avec les pouvoirs publics, les entreprises et les acteurs sociaux afin de re-lever les nombreux dfis mer-gents et contribuer la construc-tion dune Europe solidaire et porteuse de cohsion sociale.

    Parmi ses activits actuelles, Pour la Solidarit initie et assure le suivi dune srie de projets europens et belges ; dveloppe des rseaux de comptences, suscite et assure la ralisation et la diffusion dtudes socio-conomiques ; cre des observa-toires ; organise des colloques, des sminaires et des rencontres thmatiques ; labore des re-commandations auprs des d-cideurs conomiques, sociaux et politiques.

    Pour la Solidarit organise ses activits autour de diffrents ples de recherche, dtudes et dactions : la citoyennet et la d-mocratie participative, le dve-loppement durable et territorial, la responsabilit socitale des entreprises et la diversit, et la cohsion sociale et conomique, notamment lconomie sociale.

    Rue Coenraets, 66 1060 BruxellesTl. : +32.2.535.06.88 Fax : +32.2.539.13.04

    [email protected]

  • 5Les Cahiers de la Solidarit

    Collection dirige par Denis Stokkink

    Publications rcentes :

    Tiphaine Delhommeau, Agir pour une sant durable : Priorits et perspectives en Europe. Cahier de la Solidarit, 2010.

    La lutte contre la pauvret en Europe et en France, Cahier de la Solidarit, 2010.

    Concilier la vie au travail et hors travail, Cahier de la Solidarit hors-srie, 2010.

    Responsabilit socitale des en-treprises : la spcificit des soci-ts mutuelles dans un contexte europen, Srie Cohsion sociale et conomie sociale, n 23, 2010.

    Faut-il payer pour le non-mar-chand ? Analyse, enjeux et pers-pectives, Srie Cohsion sociale et conomie sociale, n 22, 2009.

    Mobilit durable. Enjeux et pra-tiques en Europe, Srie dvelop-

    pement durable et territorial, n 21, 2009.

    Tiphaine Delhommeau, Alimen-tation : circuits courts, circuits de proximit, Srie dveloppe-ment durable et territorial, n 20, 2009.

    Charlotte Creiser, Lconomie so-ciale, actrice de la lutte contre la prcarit nergtique, Srie d-veloppement durable et territo-rial, n 19, 2009.

    Europe et risques climatiques, participation de la Fondation MAIF la recherche dans ce do-maine, Srie dveloppement du-rable et territorial, n 18, 2009.

    Thomas Bouvier, Construire des villes europennes durables, tomes I et II, Srie dveloppe-ment durable et territorial, n 16 et 17, 2009.

  • 6Europe, nergie et conomie so-ciale, Srie dveloppement du-rable et territorial, n 15, 2008.

    Dcrochage scolaire, comprendre pour agir, Srie Cohsion sociale et conomie sociale, n 14, 2007.

    Sverine Karko, Femmes et Villes : que fait lEurope ? Bilan et pers-pectives, Srie Dveloppement durable territorial et politique de la ville, n 12 (n 13 en version nerlandaise), 2007.

    Sophie Heine, Modle social euro-pen, de lquilibre aux dsqui-libres, Srie Cohsion sociale et conomie sociale, n 11, 2007.

    La diversit dans tous ses tats, Srie Cohsion sociale et cono-mie sociale, n 10, 2007.

    Francesca Petrella et Julien Har-quel, Libralisation des services et du secteur associatif, Srie Cohsion sociale et conomie sociale, n 9, 2007.

    Retrouvez toutes nos publications sur www.pourlasolidarite.eu/-publications-

  • 7Table des matires

    Prface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

    1. Le logement durable, quest-ce que cest ? . . . . . . . . . . . . . . .19

    2. Les enjeux dun logement plus durable . . . . . . . . . . . . . . . . .23

    3. Linnovation comme cl de russite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

    4. Quel rle pour les acteurs publics ? Perspectives nationales et europennes . . . . . . . . . . . . . . . . .27

    Economie et emploi : potentiel de croissance et mergence des Green jobs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

    Trois questions Denis Stokkink, Prsident du Think Tank Pour la Solidarit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

    1. Cration demplois et volution des mtiers de la construction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37

    1. 1 Les green jobs : une opportunit saisir au croisement dune crise conomique et environnementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37

  • 81.2 La ncessaire volution des mtiers de la construction .39

    1.3 Quel potentiel demplois et sous quelles conditions ? . .44

    1.4 La formation comme atout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

    1.5 Les emplois verts, vecteur dinsertion ? . . . . . . . . . . . . .52

    2. Acteurs publics et privs : quelles stratgies dans le secteur vert ? . . . . . . . . . . . . . . . . .55

    2.1 Organisation des acteurs face au tournant vert du secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . .56

    2.2 Un partenariat troit pour anticiper les besoins du secteur . . . . . . . . . . . . . . .59

    3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

    Lnergie au cur du logement durable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87

    1. Energie : consommer moins et mieux.... . . . . . . . . . . . . . . . . .89

    1.1 La Performance Energtique des Btiments (PEB) . . . . . .89

    1.2 Vers des btiments conomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93

    2 ... mais aussi produire son nergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99

    2.1 Le soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .100

    2.2 La biomasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .102

    2.3 La gothermie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104

    3. Les matriaux en question . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .107

    3.1 A la recherche de lnergie grise . . . . . . . . . . . . . . . . . .108

    3.2 Pour des matriaux plus cologiques . . . . . . . . . . . . . .110

    3.3 Une vision densemble : le mot dordre en matire de construction durable . . . . . . . . . . . . . . .113

    4. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115

  • 9Remettre le logement dans son contexte socital et urbain . . . . .133

    Trois questions Eric ROSSIAUD, prsident de la CODHA . . .135

    1. Des conomies dnergie mais pas nimporte quel prix . .139

    1.1 De la prcarit nergtique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .139

    1.2 Changer ses habitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .147

    2. Des co-quartiers aux habitats groups : une autre faon de se loger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .151

    2.1 Les co-quartiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .152

    2.2 Habitat group et habitat solidaire . . . . . . . . . . . . . . . .156

    2.3 Indpendance et adaptabilit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .159

    3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .163

    En Pratique : comment financer son projet ? . . . . . . . . . . . . . . . . .189

    1. Mcanisme du tiers investisseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .191

    2. Prts verts publics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .195

    3. Les solutions bancaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .197

    4. Fonds publics vertement sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .199

    5. Primes et autres subsides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .201

    Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .205

  • 11

    Prface

    La seconde moiti du XXe sicle a offert aux pays conomie indus-trialise la fois croissance conomique et prosprit. Le monde a connu un dveloppement dabord linaire, et puis, grce aux pro-grs techniques, croissance dmultiplie. Plus ne pouvait dbou-cher que sur mieux. Grce leur insertion dans lconomie mondiale, de nouvelles nations ont russi sortir une grande partie de leur population de la prcarit et sont devenues le nouveau moteur de la croissance.

    Tant la globalisation que lvolution dmographique ont pouss la plante aux limites de ses ressources et de ses capacits. On prend conscience aujourdhui cest luvre de la dcennie coule quil ny aura de dveloppement durable que si lon concilie notre qute de prosprit matrielle avec les limites de la biosphre. Cette don-ne nouvelle change du tout au tout nos critres de valeur et nos repres. Non plus seulement du progrs conomique mais aussi de notre rapport lenvironnement dpendra le progrs social.

    Cet effort de conscientisation nen est cependant qu ses dbuts. Il reste encore accomplir une tche considrable de sensibilisation de lensemble des acteurs de nos socits pour inverser le cours des choses et faire comprendre que le bien-tre futur passe par un chan-gement des comportements aujourdhui.

    Loin daffaiblir ou de freiner notre capacit crer de la richesse co-nomique, le dfi cologique pourra se rvler une formidable oppor-tunit pour les entreprises et le monde du travail. Les entreprises qui demain seront leaders dans leur secteur dactivits seront celles

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    Prface

    qui feront leffort danticiper ces contraintes et y verront un terrain dinnovation et de diffrenciation. Ces nouveaux dbouchs notre porte sont eux-mmes annonciateurs de nouveaux et importants gisements demplois.

    Sil est un domaine qui prsente dnormes potentialits pour notre pays, cest celui de lefficacit nergtique. Une tude a montr que lefficacit nergtique en Belgique est actuellement lune des plus faibles dEurope1.

    La consommation totale dnergie primaire est principalement le fait de trois secteurs : les btiments, le transport routier et lindustrie. Cest clairement le secteur des btiments qui prsente le potentiel dconomies dnergie le plus important. Ceci est tout particulire-ment vrai pour notre pays en raison du retard quaccuse lefficacit nergtique des btiments rsidentiels belges par rapport au reste de lEurope. La consommation nergtique rsidentielle moyenne en Belgique (348 kwh par m par an) est suprieure de plus de 70% celle enregistre dans lEurope des 25 (203 kwh). Plusieurs facteurs expliquent cet tat de fait comme la part plus leve de lhabitat indi-viduel par rapport lhabitat group, mais aussi lge lev du parc de logements. Cest dire le vritable dfi qui est pos aux construc-teurs dans notre pays.

    La performance nergtique des btiments est rgie par des rgles europennes quil appartient aux Etats membres de transposer dans leur droit national. Une rcente directive a fortement accentu les exigences nergtiques lhorizon 2020. A cette date, les nouveaux btiments devront pour ainsi dire tre neutres du point de vue ner-gtique. En outre, le seuil dapplication des critres de performance nergtique pour les rnovations a t substantiellement rabaiss. Cest de la rnovation du parc bti existant que proviendra lessentiel des gains de consommation dnergie escompts.

    Si lon retient comme instrument de mesure le niveau E, cest--dire la consommation dnergie annuelle dune habitation, les nouvelles exigences de performance nergtique impliquent que venant de E80, lon atteigne en 2020 de E10 E5 ! Pour passer de E100 E80, il a

    1. Vers une efficacit nergtique de niveau mondial en Belgique, Mc Kinsey & Company en collaboration avec la FEB, 2009.

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    Prface

    suffi dapporter aux modes constructifs existants une srie damlio-rations. Pour atteindre E60, il simposera dappliquer des techniques nouvelles peu implmentes ce jour. Sous E60, il sagira de repen-ser en profondeur la conception dun btiment. Tout cela dans un dlai extrmement court.

    Cest donc bien une rvolution qui sannonce pour les profession-nels de lart de construire, les producteurs de matriaux, les pres-cripteurs que sont les architectes et bureaux dtudes et bien sr les entrepreneurs, appuys par leurs centres de recherche.

    Une cl de la russite sera laccessibilit financire ces nouveaux modes constructifs, dont le cot natteindra des proportions raison-nables pour le matre de louvrage qu compter de leur diffusion large sur le march.

    Une autre cl essentielle sera le degr de prparation des mtiers de la construction aux nouvelles exigences la fois nergtiques et en-vironnementales. Les objectifs ne pourront tre atteints que moyen-nant une intense collaboration entre le secteur et les coles ainsi que les oprateurs de formation continue. Plus qu de nouveaux profils de formation, cest une ractualisation des profils existants que le secteur se prpare pour intgrer les nouvelles exigences.

    La construction est confronte un taux important demplois vacants. En raison de linsuffisance du niveau de formation mais aussi sans doute par dfiance pour des mtiers perus comme lourds et astrei-gnants. Lvolution des mtiers afin de tendre vers une construction rconcilie avec lenvironnement offre notre secteur de formidables dbouchs, mais aussi laidera reconqurir une place perdue dans le cur de trop nombreux postulants un emploi. Il sagit de faire en sorte quils nous disent : Ce nouveau mtier, cest le mien ! .

    Lensemble des enjeux que prsente la construction durable a t magistralement expos par les auteurs et initiateurs du cahier qui est entre vos mains et quils mont fait lhonneur de prfacer.

    En dcidant la publication de ce cahier, ils ont doublement fait uvre utile. Il aidera parmi dautres initiatives sensibiliser les diffrents acteurs lurgence quil y a intgrer les nouvelles exigences envi-ronnementales dans chaque nouveau projet de construction ou de

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    Prface

    rnovation. Il contribuera galement parfaire linformation des candidats-btisseurs, car une chose est de se laisser convaincre, une autre est de pouvoir accder une information pertinente, complte, actualise et clairement rdige.

    Robert de MUELENAERE

    Administrateur dlguConfdration Construction

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    Introduction

    Le verdissement du logement : un potentiel de dveloppement pour tous

    Par Denis Stokkink, Prsident de Pour la Solidarit

    Le logement touche le dveloppement durable dans ses trois di-mensions: conomique, sociale, environnementale, mais implique galement une dimension transversale de la durabilit, celle de la citoyennet. Cest pourquoi le logement prend progressivement sa place dans lagenda europen et est prsent comme vecteur dinclu-sion sociale, de renouvellement urbain, dopportunit conomique et comme outil de lutte contre les changements climatiques.

    Au-del des sphres techniques europennes, les politiques du lo-gement concernent le quotidien de tout un chacun: sa maison, son foyer. Lhabitat est aussi crateur demplois, de valeur ajoute, deffi-cience nergtique et porteur de solidarit. Cest pourquoi nous nous y intressons de prs.

    Les dimensions durables du logement sont gnralement penses de faon segmente. Lhabitat est rgulirement prsent comme un lment technique de la dfense de lenvironnement, mais sa dura-bilit est aussi un rempart important contre lexclusion sociale. Cela implique de capter les innovations manant des acteurs de terrain, qui apportent souvent une vision spcifique du dveloppement ur-bain, tant sous une vision classique de lhabitat que sous une vision alternative, avec des modles tels que lhabitat group ou les co-quartiers.

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    Introduction

    Lamlioration de lefficience nergtique du logement et lintgration des trois dimensions du logement durable dans les politiques ur-baines peuvent influencer, voire renforcer, la croissance conomique et la cohsion sociale. Linvention de nouveaux modles dhabitation peut crer de nouvelles solidarits. Sortir dune vision strictement environnementale du logement durable, cest lintgrer dans la pro-blmatique des villes et ses ralits socio-conomiques.

    Le logement durable se distingue du systme traditionnel des poli-tiques publiques puisquil exige une participation et une implication active des citoyens. Il demande aussi de linventivit dans les pra-tiques. Il ncessite un partenariat troit entre les pouvoirs publics et le secteur de la construction, tant au niveau local que national ou europen. Ce partenariat simpose si lon veut amliorer le diagnos-tic et lanticipation des besoins du secteur, et maximiser le poten-tiel demplois issus du verdissement de la filire. Nous ne pouvons que nous rjouir des initiatives publiques actuelles, tant en France quen Belgique, notamment en ce qui concerne les efforts pour adap-ter la main-duvre dun secteur en transition. Mais une impulsion politique vigoureuse de la part des Etats, des rgions et de lUnion europenne sera encore indispensable pour rpondre aux dfis de la mutation verte du logement et sassurer quelle profite tous.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    1. Le logement durable, quest-ce que cest ?

    Le logement durable, cela nous concerne tous, et dans plus daspects de notre vie que lon pense. Brandi comme outil de lutte contre les changements climatiques par les uns, piste vers une sortie russie de la crise conomique pour les autres, le logement ne fait-il pas gale-ment partie dun contexte socital et urbain spcifique ?

    Alors, le logement durable, quest-ce que cest ?

    Concept large et englobant, au croisement des dimensions cono-mique, sociale et environnementale (voir schma ci-aprs), le loge-ment durable sancre pourtant dans une ralit trs concrte : nos foyers. Puisque nous habitons peu prs tous quelque part, chacun dentre nous peut en faire une exprience quotidienne.

    Le logement a un impact environnemental (consommation dnergie et deau), un impact conomique (le secteur du bti-ment est un gros pourvoyeur demplois et le logement reprsente une part importante du budget familial) et un impact social (un logement inadquat risque daffecter la vie de ses occupants et, plus grande chelle, les relations quotidiennes dans les quartiers).

    Dimitri Verdonk, cit dans LEFEVRE Gabrielle, WAJNBLUM Admon, Logement

    durable : trois dimensions fondamentales , Le soir, jeudi 09 mars 2006, [http://

    bit.ly/gF347v]

    Souvent rduit sa dimension environnementale (co-construction), le logement durable sappuie pourtant sur deux autres piliers social et conomique tout aussi importants. Un logement sera vritable-ment durable, si lon arrive dpasser cette vision classique et adopter une approche intgre et englobante permettant dem-brasser pleinement toute la problmatique de la durabilit.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    Ainsi, un logement sera viable (aspects sociaux et environnemen-taux) si sa conception met laccent sur la qualit des matriaux de construction utiliss et leur mise en uvre et sur ladaptabilit deux niveaux : adaptabilit la succession doccupants et lvolu-tion des besoins dun mme occupant.

    Un logement sera quitable (aspects socio-conomiques) sil garan-tit laccessibilit en fonction de la capacit financire relle de loccu-pant, prend en compte les cots indirects (par exemple les dpenses de dplacement lies la localisation) et les impacts de lhabitat sur la sant physique et mentale de ses occupants. Mais galement sil est respectueux de la main-duvre mobilise lors de sa cration. Ainsi, un logement quitable participe la lutte contre le travail au noir et participe la cration demplois dcents pour tous.

    Enfin, un logement sera co-efficient (aspects cologiques et co-nomiques) sil permet une utilisation rationnelle et conomique des ressources nergtiques, utilise des matriaux sobres et cologiques et sil se montre parcimonieux dans sa dimension spatiale (ressource non renouvelable).

    Economie

    Viable

    Societ Environnement

    Eco-efficient

    LOGEMENTDURABLE

    Equitable

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    Il convient ds lors de complter la vision cologique du logement par une approche socio-conomique qui tient compte du bien-tre et des moyens financiers des occupants. En effet, le lien troit entre logement et qualit de vie est indniable : lhabitation constitue un pilier de lexistence des citoyens. Il apparat donc essentiel que les politiques du logement couvrent, dune part, les aspects socio-co-nomiques tels que laccessibilit financire du logement, la rha-bilitation des quartiers en difficult et, dautre part, les aspects dits cologiques ou co-efficients savoir lutilisation rationnelle et parcimonieuse des ressources naturelles non renouvelables, tant lors de la construction que de lutilisation du logement.

    Autres domaines pour lesquels il est indispensable dadopter une approche intgre : la sensibilisation et lducation. En effet, la par-ticipation citoyenne est un lment essentiel dun quartier durable et du succs dune politique durable en matire de logement. En termes de construction et de rnovation durable, le plus grand dfi consiste changer les mentalits. Il nest pas vident, mais pourtant nces-saire, de bouleverser les habitudes et mthodes utilises jusqu pr-sent. Cette transformation nest facile ni pour les particuliers ni pour les entreprises ni pour les pouvoirs publics. Ces derniers constituent la cl de vote du logement par leur rle dans les rglementations environnementales et lamnagement du territoire.

    Un logement durable est donc un logement respectueux de son envi-ronnement, qui prend en compte les normes en matire dcologie et de durabilit. Mais il ncessite galement dimpliquer lhabitant dans la gestion du logement ou de lespace public comme lillustre lexemple des co-quartiers. Lessentiel est dadopter une vision densemble , ces trois dimensions tant fortement lies les unes aux autres. Comme le rsume larchitecte Philippe Madec, toute conception durable requiert dadmettre le monde dans son irrductible complexit 2.

    2. MADEC Philippe, lusage du monde , in FAREL Alain (ed.), Btir thique et responsable, Paris, Le Moniteur Editions, Coll. Questions darchitecture, 2007.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    2. Les enjeux dun logement plus durable

    Les ministres du logement en runion informelle Tolde en juin 2010 ont adopt une dclaration3 prsentant le logement durable comme un instrument incontournable de la stratgie EU 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Le logement peut effectivement jouer un rle important dans la lutte contre les changements climatiques, linclusion sociale et la rgnration urbaine . Quen est-il concrtement ?

    Le logement durable prsente un potentiel conomique consid-rable. Lco-construction constitue un vivier demplois important, offre des niches pour de nouvelles PME et est le point de dpart dune volution de certains mtiers vers des green jobs . Pour certains, le logement durable serait ds lors un outil de rgnra-tion conomique pour des villes en dclin ou un moyen de mettre lemploi toute une catgorie de personnes.

    Au niveau environnemental, le logement est responsable de prs de 40% des missions de gaz effet de serre et, lorsque lon sait que le chauffage reprsente lui seul prs de 40% de la facture nergtique des mnages, lon comprend que la durabilit envi-ronnementale du logement constitue un enjeu majeur dans les ob-jectifs ambitieux que lUnion Europenne sest fixe en la matire. Cependant, le verdissement du logement ne peut passer que par un verdissement des villes de manire globale. En effet, sil est indispensable de pallier les lacunes en matire defficacit nerg-tique des btiments, lon aurait tort de sen contenter. Le verdis-sement des villes passe galement par une mobilit durable, une limitation de la priurbanisation, une amlioration de la gestion des dchets et de leau et un recours quasi systmatique aux ner-gies renouvelables.4

    3. Toledo informal ministerial meeting on urban development declaration , Tolde 22 juin 2010, [http://bit.ly/icYwIU] 4. Pour plus dinformation sur le dveloppement urbain durable, consultez notre

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    Dun point de vue social, une vue densemble est ncessaire. On ne peut considrer le logement isol de son quartier ou de son contexte urbain. Les villes concentrent 80% de la population europenne et possdent des dynamiques propres, affectant directement le tissu social dont les dfis en termes de prcarit, de mixit ou de cohsion sociale sont loin dtre ngligeables. Ds lors, les politiques de rnovation urbaine doivent imprativement intgrer les dimensions sociales car les amnagements techniques seuls ne suffisent pas rsoudre les problmes de consommation nergtique, daccessibilit ou dinclusion sociale.

    Cahier de la Solidarit n16 Construire des villes europennes durables ,2009.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    3. Linnovation comme cl de russite

    Le logement durable est un concept dynamique, pour lequel on a longtemps fait la part belle la dimension environnementale et donc linnovation technologique. Pourtant, comme nous lavons vu, les dimensions sociales et conomiques ont tout autant dimportance. L aussi linnovation joue un rle moteur. En dautres termes, les modalits du logement durable sont multiples et ses domaines din-novation le sont galement.

    Larticulation entre ces diffrentes composantes requiert de linventi-vit puisquil sagit dimaginer de nouvelles politiques, de nouveaux dispositifs sociaux ou stimulations conomiques. Des politiques plus participatives permettent, par exemple, de garantir un change-ment de comportement des habitants, mais demandent galement une prise en compte de leurs conditions sociales. Des formations aux green jobs vont dvelopper de nouvelles niches et des PME, mais peuvent galement tre adaptes la mise lemploi de catgories spcifiques, notamment via lconomie sociale. Linnovation nest donc pas que technologique, mais galement conomique, sociale et politique. De plus, une approche globale et intgre per-met souvent dviter les recoupements ou les effets pervers dune dimension sur une autre (par exemple, sachant quune maison est bien isole, les habitants auront tendance chauffer plus. Labsence de sensibilisation annule ainsi toute la plus-value nergtique).

    Faire du logement durable signifie donc intgrer ses diffrentes com-posantes de manire plus ou moins originale selon les projets. Cette intgration rend certains acteurs plus interdpendants, entranant une mutation dlicate de la sphre de la construction.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    Au-del des projets de btiments durables, cest la ville durable quil faut inventer. Dans la logique de linterdpendance, on ne peut imaginer les constructions durables comme des lots perdus dans leur environnement urbain. Cest une nouvelle vision de la ville quil faut crer, une ville qui rconcilie environnement co-nomique et cologique, soucieuse de la solidarit et de la mixit sociale, respectueuse de la qualit de vie de ses habitants, le tout avec une approche participative de la dmocratie : une ville plus humaine.

    CAO My-Lan, Les vrais enjeux dun projet de construction durable, Paris lHar-

    mattan, 2009, p.79.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    4. Quel rle pour les acteurs publics ? Perspectives nationales et europennes

    LUnion europenne nest pas directement comptente en ma-tire de logement, mais il existe des liens complexes avec de nom-breux sujets de politiques communautaires comme les normes de construction et dconomie dnergie, les rgles de concurrence, les politiques de protection des consommateurs, la fiscalit et notam-ment, les rgles de TVA, les politiques financires, linclusion sociale, les droits conomiques et sociaux, les statistiques, les fonds structu-rels et le soutien la recherche et au dveloppement technologique.5

    Par ailleurs, le logement se trouve au croisement de plusieurs pro-blmatiques rcemment mises lagenda europen : les probl-matiques climatiques et environnementales, la ncessaire rha-bilitation urbaine pour entamer la transition nergtique, mais aussi la mise en avant des politiques de cohsion sociale et ter-ritoriale. Dans chacune de ces thmatiques, le logement apparat comme un levier daction indispensable, dans la ligne de la stra-tgie EU2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive.

    Trois aspects des politiques du logement nationales et rgionales sont dsormais particulirement influencs par le niveau europen6 :

    Les exigences en matire de qualit nergtique du logement ont fait faire un bond au travers de la directive PEB relative la per-formance nergtique des btiments, aujourdhui intgre dans les rglementations rgionales (et rcemment rvise - voir plus loin). La russite de la transition nergtique passe indubitablement par une bonne gestion de la dimension urbaine, surtout lorsque lon

    5. Bndicte Heindrichs, Linfluence de lUnion europenne dans les politiques de logement , Etopia, 2009.6. Bndicte Heindrichs, Linfluence de lUnion europenne dans les politiques de logement , Etopia, 2009.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    sait que les villes concentrent 80% de la population europenne. Le rle de la rnovation nergtique du logement est dans ce cadre largement reconnu par la Commission europenne, qui souhaite par l parvenir des villes prorpes, sobres en nergie et intelli-gentes (Smart Cities). Mais cet enjeu nergtique du logement est double. Il touche la fois la ncessaire transition de nos modes de vie accusant une trop grande dpendance aux nergies fossiles mais galement lurgence des conditions climatiques. Ainsi, la nou-velle stratgie Energy 2020 de la Commission souligne que lun des secteurs prsentant le plus grand potentiel en termes de gains defficacit raliser pour atteindre lobjectif de 20% dconomie dnergie est le logement.7

    Plusieurs programmes europens concernent indirectement la production de logements permettant ainsi aux collectivits locales daccder des moyens financiers pour initier des projets. Les fonds structurels (Fonds Social Europen et Fonds Europen de Dveloppement Rgional) servent assurer non seulement la cohsion interterritoriale, afin de rduire les carts de dveloppe-ment entre les territoires de lUnion, mais aussi la cohsion intra-territoriale. Le FSE finance ainsi des projets pour rduire les carts de prosprit au sein mme des villes. Le FEDER peut tre sollicit dans certains cas pour des projets damlioration nergtique de logements sociaux. De plus, en lien avec ces fonds, des initiatives communautaires telles quURBAN II ou Urbact, en faveur de la rg-nration conomique et sociale de villes, participent dun change de bonnes pratiques, de cration de rseaux entre les villes euro-pennes et dapprentissage mutuel. Ces initiatives tentent notam-ment de renforcer les capacits daction des collectivits locales, souvent considres comme lun des moteurs du dveloppement durable en Europe.8

    Le logement comme outil de cohsion sociale est valoris tra-vers plusieurs textes europens. Le logement joue un rle impor-tant dans la mixit, la lutte contre lexclusion et la pauvret mais

    7. Communication de la Commission europenne nergie 2020 Stratgie pour une nergie comptitive, durable et sre, COM (2010) 639 final du 10 novembre 2010.8. Pour plus dinformation, consultez le Cahier de la Solidarit n16 ; Construire des villes europennes durables, mars 2009.

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    aussi dans le dveloppement conomique dune ville ou dune r-gion. A ces proccupations vient encore sajouter la problmatique de la prcarit nergtique (voir chapitre 3), renforant le triangle logement-climat-cohsion sociale au niveau europen.

    On le voit, lUnion europenne a la capacit dinfluencer substantiellement les politiques de logement, mais le niveau national nest pas en reste. Bien au contraire. Si le logement est reconnu comme un droit fondamental dans la plupart des Etats membres, la gestion des politiques de logement varie fortement dun pays lautre. La France, par exemple, contrairement ses principaux voisins europens, semble sengager dans la voie de la dconcentration des pouvoirs de lEtat central au niveau rgional et non pas vers une articulation des comptences Etat-Rgions.9

    En Belgique, par contre, ce sont les Rgions qui dtiennent les comptences en matire de logement. En effet, la Belgique se distingue des autres pays europens, en tant que seul tat membre de lUnion europenne ayant rgionalis intgralement la comptence en la matire. Cela signifie que la dfinition des objectifs et les dcisions sont formules exclusivement au niveau des trois rgions, flamande, wallonne et bruxelloise. Au niveau fdral subsistent seulement comme comptences, la fiscalit immobilire et la rglementation du march locatif priv, elles-mmes en voie de rgionalisation. Sil nexiste aucun cadre national dintervention au niveau du logement traditionnel, le logement durable, au carrefour de plusieurs domaines, est concern par les politiques de lEtat fdral en matire de climat, denvironnement et dnergie.

    Les rgions belges navancent pas toujours la mme vitesse en matire de logement durable, ni dans la mme direction, mme si le combat contre le gaspillage dnergie et ses consquences envi-ronnementales reste une proccupation commune. Il semble cepen-dant que la Rgion wallonne et la Rgion bruxelloise parviennent combler leur retard, en reprenant certaines recettes flamandes, mais galement en dployant leur propre vision, plus participative

    9. Laurent Ghkiere, Politiques du logement en Europe. Un processus de d-centralisation largement engag , in La dcentralisation en France et en Europe, dossier Datar Territoires 2020 , n8, La Documentation Franaise, 2 trimestre 2003. Document disponible sur [http://bit.ly/gLKVBG]

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    Bruxelles-Capitale, plus sociale en Wallonie. Les grands plans dac-tions en relation avec le logement seront dvelopps tout au long de cet ouvrage mais retenons dj le Plan Marshal2.vert de la Rgion wallonne qui prvoit un redploiement des activits vers le dvelop-pement durable, dont le cinquime axe tente de lier emplois et en-vironnement au travers de lamlioration de lefficacit nergtique des btiments. Du ct de la Rgion bruxelloise, lAlliance Emplois-Environnement poursuit les mmes objectifs. Par ailleurs, le Plan Rgional de Dveloppement Durable entend faire de Bruxelles une ville durable et amliorer lenvironnement gnral en ville en faisant la part belle au logement durable, tant dans ses dimensions conomiques, sociales quenvironnementales.

    En France, le contexte institutionnel est bien diffrent. Le rle de lEtat est trs centralis en matire de logement mais est de plus en plus partag avec les collectivits locales et sinscrit dans une mutua-lisation croissante des ressources.10 La question de la rpartition des comptences et des responsabilits dans le domaine du logement est dune grande complexit. Les frontires des comptences de chacun sont floues et les responsabilits dilues. Malgr une cer-taine tentative de dcentralisation, lEtat garde un rle de program-mation et dvaluation, laissant la responsabilit de lexcution et de la gestion des fonds aux collectivits locales.11 Cependant, le rle de ces dernires nest pas ngliger pour autant. Certaines agglomrations ont commenc prendre en compte les enjeux du dveloppement durable dans leur politique de lhabitat, au travers de leurs documents rglementaires comme les plans locaux durba-nisme (PLU), les programmes locaux de lhabitat (PLH), les schmas de cohrence territoriale (Scot), ou les permis de construire dli-vrs par les administrations communales. Les collectivits locales peuvent donc avoir des pouvoirs importants en matire de loge-ment et durbanisme.12 Au niveau nationale, la force motrice du d-veloppement durable est le Grenelle de lEnvironnement, dont

    10. Thierry Bert et Sabine Baietto Beysson Rapport sur les dispositifs de contrle des acteurs du logement social Inspection Gnrale des Finances et Conseil Gnral de lEnvironnement du dveloppement durable, octobre 2010.11. Samuel JABLON, Dcentralisation et territorialisation des politiques du logement , AITEC (Association internationale de techniciens, experts et cher-cheurs), septembre 200712. Pascal Canfin, Logement, urbanisme: laction des collectivits locales , Alternatives conomiques, Dossier Web n 017 - octobre 2008

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    le plan btiment a pour mission de mettre en uvre le programme du Grenelle dans la filire btiment et datteindre les objectifs ambi-tieux de rduction de la consommation nergtique.

    Quel que soit leur niveau, les acteurs publics jouent un rle majeur dans lvolution du logement vers un logement durable. Ce rle se dcline de trois manires:

    Obliger : cest du niveau europen qua t initi le changement, avec la directive portant sur lefficacit nergtique des btiments rsidentiels et non rsidentiels (PEB voir chapitre 2). Les Etats membres ont d transposer intgralement la directive dans leur lgislation nationale. Cette directive sinscrit dans la mme logique de rduction plus drastique de la consommation nergtique en Europe. Les mesures quelle impose consistent en la mise en place dun certificat de performance nergtique pour la construction, la vente ou la location dun btiment, permettant ainsi aux parti-culiers de connatre la consommation laquelle ils doivent sat-tendre. Elle impose galement une mthode de calcul pour mesu-rer la performance nergtique des btiments accompagne de normes minimales de performance nergtique, au sein de chaque Etat membre.

    Inciter : actuellement, en attendant la mise niveau de tous les btiments, vise sur le long terme par la directive, de nombreux incitants, primes et aides existent au niveau des Rgions et des localits, ayant pour but dencourager la rnovation et la construc-tion durable, ou moindre chelle les installations permettant des conomies dnergie. Le problme tant souvent linvestissement initial mais galement le manque dinformation ou de sensibilisa-tion, les Rgions tentent dlargir leur panel de solutions destina-tion de tous les mnages.

    Eduquer : dfaut de pouvoir habiter immdiatement dans un logement basse nergie, plusieurs bonnes pratiques peuvent tre mises en uvre par les mnages, afin de raliser un certain nombre dconomies dnergie.

    Lenjeu majeur en termes de logement durable consiste faire vo-luer les mentalits, tant des particuliers que des constructeurs. Cest cette dimension que nous souhaitons privilgier dans ce cahier. Il ne

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    Le logement durable : un concept dynamique port par linnovation

    sagit pas de dterminer qui a tort ou raison, mais dinsister sur la plus-value de cette interdpendance et de donner des pistes dinno-vation aux acteurs de terrain, notamment par la dcouverte de pro-jets pilotes, de pratiques innovantes et de nouveauts durables.

    Nous avons choisi de structurer cet ouvrage selon les trois dimen-sions principales du logement durable et de leurs enjeux respectifs, tout en les mettant en relations les unes avec les autres. Le premier chapitre est ddi aux aspects conomiques du logement par lex-pos de son potentiel en termes demploi et de cration de green jobs . Nous consacrons le deuxime chapitre aux aspects environ-nementaux, et principalement lnergie. Dans le troisime chapitre, nous replaons le logement dans une optique socio-urbaine, avec les conceptions nouvelles de la ville et les habitations alternatives. Enfin, nous tenterons dexposer quelques pistes pratiques qui vous permettront de financer votre projet.

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    Economie et emploi : potentiel de croissance et mergence des Green jobs

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    Economie et emploi : les Green jobs

    Trois questions Denis Stokkink, Prsident du Think Tank Pour la Solidarit

    Quest-ce quun emploi vert ?

    Plusieurs dfinitions coexistent mais retenons simplement que ce ne sont pas uniquement les emplois crs dans le sec-teur des nergies renouvelables ou de lagriculture bio, loin sen faut. Les emplois verts, cest lensemble des emplois qui toutes activits et tous secteurs confondus naissent de la prise en compte de la dimension environnementale dans chaque rouage de notre conomie, chaque tape de notre systme de production et de consommation.

    Le Bureau fdral du Plan rvle que la Belgique ne compte actuellement que 77 000 emplois verts, soit seulement 2% de lemploi total. Lintrt grandissant des pouvoirs publics belges et europens pour ce type demploi pourrait toutefois changer la donne. Cest en tout cas le sentiment qui prvalait au sortir de la Confrence organise sur le sujet dans le cadre de la prsidence belge de lUnion europenne, pour saisir la balle au bond et permettre lUnion europenne de se montrer la hauteur de lenjeu.

    Quel est lintrt des emplois verts pour lconomie ac-tuelle ?

    Lenjeu est immense, car les emplois verts dpassent la simple niche bio pour concerner lensemble des activits de lcono-mie classique, mais aussi les secteurs de lconomie sociale et de linsertion. Car les emplois verts ce sont aussi de relles opportunits en termes de cohsion sociale et dinsertion sur le march du travail pour celles et ceux qui en sont exclus, comme certaines personnes souffrant dun handicap ou les chmeurs de longue dure par exemple. Enfin, soulignons que

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    Economie et emploi : les Green jobs

    les emplois verts restent aujourdhui majoritairement rservs aux hommes ce qui justifie de les considrer le plus rapide-ment possible sous langle du genre.

    Pourquoi les emplois verts occupent-ils de plus en plus souvent le devant de la scne politique ?

    Trs certainement parce que dans le contexte de crise colo-gique et conomique que nous connaissons, ils reprsentent un espoir rel de concilier la protection de lenvironnement et la lutte contre le chmage, deux enjeux combien majeurs de ce dbut de sicle. Avec les emplois verts, exit le capitalisme polluant hrit de la rvolution industrielle, au profit dune conomie verte, responsable et durable.

    Source : daprs linterview parue dans La Libre Entreprise, le 09 octobre 2010.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    1. Cration demplois et volution des mtiers de la construction

    1. 1 Les green jobs : une opportunit saisir au croisement dune crise conomique et environnementale.

    Les dcideurs politiques ont choisi de combattre la rcente crise conomique et financire sur les fronts de la croissance et de lemploi, avec les difficults que lon sait. Cet objectif de croissance et demploi concide bien avec la crise cologique, souvent dcrite de manire lgitime, la fois comme une menace climatique et comme une opportunit de crer des emplois nouveaux, dits verts car respectueux de lenvironnement.

    Ds lors, une rponse pertinente aux dfis du rchauffement climatique, consistant en un redploiement de nos conomies dans une direction soutenable , pourrait tre lun des remdes la crise conomique actuelle. La cration future de centaines de milliers d emplois verts a t annonce dans de nombreux Etats membres : cet engagement transcende les pays et les partis et nul gouvernement ne peut aujourdhui le ngliger au cours de son action. LUnion europenne elle-mme a un rle important jouer en la matire.

    En ce qui concerne le domaine du logement, nous savons quil concentre 40% de la consommation totale dnergie et dmission de gaz effet de serre (nous dvelopperons cet aspect essentiel du logement dans le chapitre suivant). Mais le secteur de la construction et de la rnovation de btiment est galement celui qui offre le plus fort potentiel technique et conomique de rduction des missions, et

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    Economie et emploi : les Green jobs

    o le potentiel de cration demplois est le plus important. Ces emplois sont gnralement exercs par des personnes travaillant dj dans le secteur du btiment, mais sont redfinis par la rvolution verte et les exigences defficacit nergtique.13

    Ainsi, les mesures et les investissements dans la promotion de lefficacit nergtique des btiments auraient des effets positifs sur lemploi et lconomie, et en particulier dans le secteur du btiment, large filire professionnelle aux caractristiques et mtiers si particuliers. Mais dans quelles mesures exactement ?

    Il semble important de faire un tat des lieux des perspectives et volutions du secteur face lobligation de verdissement de ses activits et danticiper les changements afin de prparer cette filire la mutation qui sengage vers un dveloppement durable, aussi bien environnemental, conomique que social. Ce verdissement concerne, en effet, toute lconomie et si, dans le secteur de la construction, certains emplois sont appels tre crs, il sagit principalement de la transformation verte demplois existants. Cette transformation est dautant plus un dfi dimportance quelle concerne absolument tous les mtiers en relation avec le logement durable.

    13. Programme des Nations Unies pour lenvironnement, Emplois verts : Pour un travail dcent dans un monde durable, faibles missions de carbone Messages politiques et principales conclusions lintention des dcideurs septembre 2008.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    1.2 La ncessaire volution des mtiers de la construction

    La crise conomique na pas pargn le secteur du btiment qui accuse un repli marqu de ses activits, paralllement aux difficul-ts conomiques des autres secteurs. En effet, qui dit crise cono-mique dit diminution des investissements, dont font partie les in-vestissements immobiliers, tant en matire de construction que de rnovation. Dune part, le taux de chmage lev met sous pression les revenus et la confiance des mnages, les rendant plus prudents en matire de dpenses dinvestissements privs qui reprsentent presque 40 % de lensemble du secteur de la construction en Bel-gique. Dautre part, les investissements des entreprises diminuent galement en raison de la crise conomique alors que la part des investissements privs dans la construction non rsidentielle slve 21,5% de lactivit totale du secteur belge.14

    Ce ralentissement se fait sentir tous les niveaux de produc-tion et pour tous les acteurs de la filire. Mme si la construc-tion rsiste mieux que dautres secteurs, limpact de la crise est donc bien rel et non ngligeable pour ce domaine dactivit. En France, la construction tait en net recul en 2009, avec -17% de chantiers par rapport lanne prcdente. Cependant, la rnova-tion parvenait se maintenir plus ou moins niveau (-3% par rap-port lanne prcdente).15

    En Belgique, on a pu noter une certaine reprise de lactivit du secteur (+4,3% sur une base trimestrielle) au cours du deuxime tri-mestre 2010. Celle-ci fait suite au trs net recul (-3,5%) enregistr au cours des trois premiers mois de lanne, durant lesquels la s-vrit de lhiver a fortement perturb la production.16 Malgr cette

    14. Conseil Central de lEconomie, Commission Consultative spciale de la Construction, Rapport sur la Conjoncture dans le secteur de la Construction en 2009 et les perspectives pour 2010 , Bruxelles, juin 2010.15. Plan Btiment Grenelle Comit de filire Mtiers du Btiment : Rapport 20 Dcembre 2009, Prsent par Philippe Pelletier, Prsident du comit stratgique du Plan Btiment du Grenelle de lEnvironnement.16. Le baromtre mensuel de la Confdration de la Construction, Tendance ngative pour les rnovations avec permis , dcembre2010.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    lgre reprise, on est encore loin de rattraper le niveau dactivit davant la crise. Dautant que la fin des mesures de relance (princi-palement labaissement temporaire de la TVA pour la construction rsidentielle) signe la fin dun incitant important linvestissement des mnages dans de nouveaux logements. Comme en France, seule la rnovation maintient le cap, pousse par la ncessit damlio-rer la qualit du parc de logement vtuste en Belgique et par les primes et interventions fiscales des pouvoirs publics incitant les mnages effectuer des travaux permettant daccrotre lefficacit nergtique de leur maison.17

    Le baromtre mensuel de la Confdration de la Construction Dcembre 2010.

    Paralllement cette ncessit de relance conomique, le rfrentiel du logement durable a fait sa place dans les esprits et les attentes des clients voluent : ils souhaitent rduire efficacement leur fac-ture nergtique, sans perte de confort, et sont attentifs limpact de leur habitation sur lenvironnement, en prenant en compte len-semble des aspects du bti (isolation, ventilation, chauffage, mat-

    17. Conseil Central de lEconomie, Commission Consultative spciale de la Construction, Rapport sur la Conjoncture dans le secteur de la Construction en 2009 et les perspectives pour 2010 , Bruxelles, juin 2010.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    riaux,...). Ils dsirent donc bnficier de travaux de qualit qui r-pondent durablement ces attentes.18 De mme les rglementations environnementales en matire de construction ou de rnovation se renforcent dans tous les Etats membres. Par exemple, laffichage de la Performance Energtique des Btiments (PEB)19 lors de la vente dune maison unifamiliale a t rendu obligatoire tant en France quen Wallonie. Cette mesure vise une amlioration du dia-gnostic nergtique et de linformation des acqureurs ou loueurs potentiels du bien. Lobjectif de cette politique est de faire de la performance nergtique un lment dterminant dans le choix dune habitation.

    Ainsi, Benoist Apparu, secrtaire dtat franais charg du Loge-ment et de lUrbanisme, a prsent le 27 octobre 2010 ses nou-velles mesures relatives laffichage de la performance nerg-tique des btiments pour les annonces immobilires partir du 1er janvier 2011. Le plan en sept points du secrtaire dEtat vise, entre autres, classer et recenser les btiments selon leur performance nergtique, harmoniser les mthodes de diagnostic nergtique et inciter des travaux disolation et dconomie dnergie. En Wallonie, le certificat de la Performance nergtique des Btiments (PEB) est rendu obligatoire depuis le premier janvier 2011 avec amende la cl dans le cadre de la vente dune maison unifami-liale, quelle que soit son anne de construction. Avant cette date, seules les constructions avec un permis durbanisme postrieur 1996 devaient respecter cette obligation. Elle est aujourdhui ten-due tout le parc rsidentiel.

    Le verdissement du secteur apparat de plus en plus comme une opportunit saisir dans cette priode de stagnation conomique. Mais quels changements cette croissance verte va-t-elle induire sur lconomie et sur lemploi ? On peut schmatiquement identifier trois types dvolutions20 :

    18. Formation aux conomies dnergie des entreprises et artisans du btiment (FEE BAT), des attentes des clients qui voluent , [http://www.feebat.org/contexte_objectifs.html].19. La Performance Energtique dun Btiment (PEB) est une norme technique qui dsigne la consommation dnergie du btiment pour un service rendu maximal. Laugmentation de lefficience nergtique permet une rduction des consommations dnergie tout en conservant un service rendu gal (voir chapitre suivant).20. Conseil dOrientation pour lEmploi, Croissance verte et emploi , 25

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    Economie et emploi : les Green jobs

    De nouvelles activits vont se crer, autour de nouveaux mtiers spcifiquement consacrs lenvironnement ;

    Des activits vont se dvelopper en se transformant, en se ver-dissant (construction et rnovation des btiments) ;

    Des activits vont se dvelopper, sans modification majeure de leur contenu (transports collectifs, traitement des dchets, dpol-lution).

    Si pour la majorit du secteur de la construction, le tournant vert semble invitable, il ne faudrait pas oublier limportante lhtrognit du secteur. En effet, la construction rassemble un grand nombre de mtiers trs diversifis : de la conception la construction, en passant par lexploitation ou la rnovation, toutes les tapes de la vie dun btiment font appel des corps de mtiers bien diffrents. Tous cependant sont touchs par la rvolution verte , quils en tirent parti ou y rsistent, nen pas douter, la vague verte finira par lemporter. La segmentation de la filire btiment est classiquement prsente comme suit :

    Source : Plan Btiment Grenelle Comit de filire mtiers du btiment , rapport du 20 dcembre

    2009.

    janvier 2010, p.7. [http://bit.ly/edVAxv]

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    Economie et emploi : les Green jobs

    Le tournant vert de la construction ne peut se faire en un tour de main : ladaptation ne pourra seffectuer que graduellement, couche par couche, tous les chelons et dans toutes les parties de la filire, afin de rpondre efficacement aux nouvelles exigences et aux difficults du secteur. Ds lors, qui veut agir sur le secteur du btiment doit forcment prendre en compte la diversit et la multiplicit de ses acteurs.

    Si toutes les catgories sont touches, la rvolution verte va gale-ment entraner des mutations importantes aux frontires du secteur. Par exemple, les exigences en matire defficacit nergtique vont promouvoir la cration de nouveaux mtiers dans les domaines lis aux mesures de dperdition de chaleur ou au conseil nergtique. Lco-construction, dans sa soif dinnovation, proposera de nouvelles techniques appelant galement de nouvelles comptences.

    Mais lorsque lon rflchit en termes de logement durable, il faut prendre en compte tout le cycle de vie dun btiment, incluant la gestion et le recyclage des dchets et le choix judicieux des matriaux. Cest notamment pour cette raison que le logement durable ne peut tre rduit lco-construction. Lorsque lon considre le logement dans son ensemble et dans tous les aspects de la durabilit, de nouveaux mtiers apparaissent, dautres subissent une adaptation, dautre encore sont redcouverts. Cette ncessit dune vision globale du logement demande une nouvelle approche de lorganisation et de linteraction des acteurs, mtiers et comptences dans le projet.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    1.3 Quel potentiel demplois et sous quelles conditions ?

    On la compris, la croissance verte sera un vecteur de changements structurels importants dans le secteur du btiment. Comme le r-sume Alain Lipietz, directeur de recherche au CNRS et ancien dput europen (Verts), Un immeuble neuf 0 kilowatt-heure par mtre carr demande pour linstant 15 % de travail en plus quun immeuble standard actuel, mais reconvertir tout le parc ancien mobilisera du-rablement une arme dartisans .21

    Quen est-il concrtement du potentiel de cration demplois ? Les chiffres sont nombreux et pas toujours concordants... Tentons toute-fois de faire le point.

    Pour la Belgique, une rcente tude de Bruxelles Environnement a dtermin que, pour faire face laugmentation dmographique, la pnurie de logements et aux exigences environnementales, prs de 1 000 2 500 quivalents temps plein (ETP) devraient tre crs dici 2020 en Rgion de Bruxelles-Capitale, ceci concernant unique-ment les emplois en lien direct avec la Performance Energtique des Btiments (certificateurs et conseillers PEB, techniciens et conseillers chauffage)22 ce qui donne une ide de lnorme potentiel de la filire. Dautant que la Belgique, avec un parc de logement vtuste, a toujours grandement besoin de logements et dinfrastructure de qualit. Pour le dire autrement, si les pouvoirs publics accordent suffisamment dattention et de moyens lindustrie de la construc-tion, ils peuvent contribuer stimuler la croissance conomique.23

    Pour la France, une tude de lAdeme-Alliance Ville Emploi24, per-

    21. Alain Lipietz, Climat, emploi, mme combat! , Alternative Economique, 26.02.10.22. Bruxelles Environnement, Rgion de Bruxelles-Capitale : mtiers en transition dans le secteur de la construction durable. Manques et domaines de comptences acqurir par mtier , juin 2010.23. Conseil Central de lEconomie, Commission Consultative spciale de la Construction, Rapport sur la Conjoncture dans le secteur de la Construction en 2009 et les perspectives pour 2010 , Bruxelles, juin 2010.24. Synthse de ltude Projet exprimental Ademe - Alliance Ville Emploi avec trois maisons de lemploi , Octobre 2009.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    met de conclure que les marchs du btiment lis lefficacit nergtique et aux nergies renouvelables devraient connatre une forte progression dans les annes venir avec, en moyenne, un doublement en cinq ans. Les professions les plus sollicites seraient les menuisiers (notamment pour lisolation), les chauffa-gistes, les peintres, les plaquistes (isolation, toiture,...), les cou-vreurs (photovoltaques,...) et les lectriciens.25

    Mais ces estimations sous-entendent des mesures politiques fortes. Si tous les acteurs ont un rle jouer dans la transition verte du secteur, lune des plus grandes responsabilits incombe aux pou-voirs publics. Ils interviennent dans la production de mesures et normes environnementales qui, en matire dactivit conomique, constituent souvent un catalyseur d(co-)innovation et de dyna-misme, pour autant que les entreprises et mtiers soient accompa-gns dans leur mise en uvre.26 Ainsi, tant les exigences techniques que les primes nergtiques auraient une impulsion positive sur lactivit du secteur et lemploi. Et les mesures cibles (voir ci-aprs) renforcent encore cet effet de levier rglementaire.

    Sans initiatives publiques, limpact total sur lemploi sera proba-blement faible, dautant que la crise conomique actuelle entrane une certaine stagnation du secteur de la construction et laisse pla-ner un flou sur les capacits effectives de relance, aussi verte soit-elle. Ce flou provient en partie dincertitudes quant aux facults dadaptation et de formation de la filire. La grande faiblesse de la construction pour aborder sa mutation verte provient essen-tiellement de son manque criant de qualification adapte.

    En effet, les nouveaux mtiers crer sont gnralement des m-tiers hautement qualifis, lis la ncessit dexpertise de nou-velles technologies ou mesures, mais galement des comptences organisationnelles dans la modification de la chane logistique, entrane par la conception holistique du logement durable. Il est en effet indispensable que chaque corps de mtier sache quel niveau du processus de construction il intervient et mesure les

    25. Plan Btiment Grenelle Comit de filire Mtiers du Btiment : Rapport 20 Dcembre 2009.26. Conseil Central de lEconomie et le Conseil National du Travail, Russir la transition vers une conomie basse mission de carbone second avis concernant la thmatique des emplois verts , 16 mars 2010.

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    implications de ses actions sur les actes prcdents et suivants (par exemple, llectricien qui, en faisant passer ses fils lectriques, diminue ltanchit lair). La complexification des chantiers et laugmentation du nombre dintervenants impliquent une impor-tance et un poids plus grands de la gestion et la coordination du chantier.27

    En dfinitive, il ressort de ces travaux et auditions que les enjeux de la croissance verte sont tout autant des volutions plus ou moins profondes sur les emplois et les mtiers actuels que des crations demplois proprement parler [...] Les mtiers vritable-ment nouveaux seront relativement peu nombreux, en revanche de trs nombreux mtiers verront leur contenu modifi. Mais au-del de ces volutions, le verdissement de lconomie impliquera un redploiement des emplois entre secteurs, au dtriment notamment des secteurs producteurs ou fortement utilisateurs dnergies fossiles, redploiement quil convient danticiper et daccompagner avec soin.

    Conseil dorientation pour lemploi Croissance verte et emploi , 25 janvier

    2010. [http://bit.ly/edVAxv]

    27. Bruxelles Environnement, Rgion de Bruxelles-Capitale : mtiers en transition dans le secteur de la construction durable. Manques et domaines de comptences acqurir par mtier , juin 2010.

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    1.4 La formation comme atout

    Le secteur du btiment fait face une pnurie de main duvre qualifie relativement proccupante. En rponse cette situation, des filires de formations et des incitations publiques et prives sont mises en place. La question de lemploi dans le btiment est dautant plus cruciale quelle a une influence directe sur la capacit des entre-prises rpondre une demande grandissante et aux besoins nou-veaux des consommateurs, y compris en matire dco-construction. En effet, derrire les enjeux de formation et demploi se profilent des opportunits trs intressantes en termes de nouveaux marchs et de croissance pour les entreprises.

    Face aux nouvelles comptences acqurir, la pnurie de main-duvre dans certains domaines et lmergence de nouveaux m-tiers, les besoins en formation sont normes, dautant que la demande et les exigences en matire de logement durable ne fai-blissent pas. Cependant, les besoins varient selon les mtiers. Ces disparits des besoins et les diffrents chanons manquants dans le secteur durable requirent une identification prcise afin de faci-liter et dorganiser au mieux la transition verte de la filire btiment en lui permettant de rpondre au niveau de qualit et de qualifica-tion exig par le logement durable. Pour la France, par exemple, les besoins de formation varient entre 9 000 350 000 personnes for-mer dici 2013, selon les besoins et les comptences requises par les catgories de mtier.

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    Catgorie dacteurDonnes dmographiques

    (anne 2008)

    Nombre total de personnes

    former lhorizon 2013

    Effectif sala-rial total

    S a l a r i s concerns

    1

    Matrise douvrage, commanditaires, gestion-naires

    1 600 000 375 000 95 000

    2

    Matrise doeuvre, assis-tant matrise douvrage

    115 000 90 000 15 000

    3

    Artisan et entreprise de ralisation de travaux

    1 200 000 1 000 000 350 000

    4

    fabricant, importateur et distributeur de produit

    535 000 267 000 27 000

    5

    Fournisseur de services exploitation et mainte-nance

    34 000 16 000 9 000

    Ensemble de la filire btiment

    3484 000 1 748 000 496 000

    Tableau de synthse de la quantification des besoins de formation par mtier, an-

    nexe du Plan Btiment Grenelle - rapport Comit de filire Mtiers du Btiment ,

    dcembre 2009.

    La formation est un enjeu crucial du logement durable, dautant que la qualit des btiments, tant en termes de construction ou de rno-vation que dexploitation, dpend fortement de la comptence trs

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    Economie et emploi : les Green jobs

    spcialise et actualise de ces mtiers. Loffre de formation se doit donc dtre adapte :

    aux volutions techniques de plus en plus interdisciplinaires (par exemple, la performance nergtique demande des connais-sances pointues en matire disolation, de ventilation, dlectricit, des proprits des matriaux, mais aussi de sant et dhygine) ;

    aux nouvelles exigences rglementaires (ouvrant de nouveaux domaines en matire de diagnostic, contrle et mesure des perfor-mances nergtiques etc.) ;

    aux nouveaux modes de consommation et de gestion de lner-gie, notamment par le dveloppement des nergies vertes.

    Cependant, les formations classiques restreignent gnralement les comptences un seul mtier, alors que le logement durable exige justement une coordination entre tous les acteurs. Cette approche globale est pourtant fondamentale, si lon veut viter quun effort ne soit contre-productif ou namoindrisse les effets dun autre. Dans cette ligne, un aspect indispensable de la formation, et sou-vent nglig, est celui de la relation avec le client. En effet, nous avons dj voqu la prdominance traditionnelle de laspect envi-ronnemental et technique dans le logement durable. Cette technicisa-tion fait galement un pari sur la standardisation des pratiques des habitants, sur la rationalit des utilisateurs, sur leur compr-hension du fonctionnement optimal des nouveaux appareils, voire mme sur une certaine adhsion aux nouveaux enjeux verts . Or, force est de constater que ce pari est loin dtre gagn davance. A titre dexemple, lon estime que la plupart des technologies destines conomiser de lnergie ne sont utilises qu 20 ou 30% de leurs capacits, cause dun manque de comprhension quant leur utilisation. La tendance est donc plus la dlgation aux systmes techniques (thermostats rgulateurs, rpartisseurs de chaleur,...) qu la rationalit cologique ou conomique. En consquence, lon obtient des effets de contre-performance : on va davantage utiliser un appareil parce quil consomme moins.28

    28. Daprs lintervention de Marie-Christine Zlem, Les exclus du logement durable, quelques pistes de rflexion lors dune confrence organise par la Prsidence belge de lUE Logement durable : outil de cohsion sociale ? ; 23 novembre 2010.

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    Les professionnels constituent gnralement la source dinformation principale des mnages en matire dconomie et de gestion dner-gie. Les mtiers du logement durable doivent donc apprendre faire passer leurs connaissances, de faon simple et didactique. Vulgarisation peu vidente lorsque lon est habitu travailler dans un jargon technique, mais indispensable pour que les efforts mat-riels portent tous leurs fruits.

    La formation est vritablement un atout pour le logement durable, encore faut-il quelle soit effectivement adapte et que le plus de monde possible puisse en bnficier. Loffre est prsente et diver-sifie. Pour renforcer sa pertinence et son attractivit, les ensei-gnants doivent tre les premiers tre forms aux connaissances et gestes lis lefficacit nergtique, mais galement motivs se tenir informs des volutions techniques, pratiques et des comp-tences acqurir.

    Par ailleurs, la filire btiment semble parfois boude par les jeunes et cette faiblesse dattractivit contribue encore aux difficults de recrutement pour une main-duvre qualifie. Leffort de formation, quelle soit initiale ou continue, doit contribuer attirer et fidliser les personnes dans le secteur vert.

    Dans ce contexte, les initiatives publiques ont un rle majeur jouer. En France, par exemple, la FEE Bat29 (Formation aux cono-mies dnergie des entreprises et artisans du btiment) propose un dispositif de formation adapt aux techniques durables et aux co-nomies dnergie selon tous les mtiers de la filire. En avril 2010, la FEE Bat avait dj form plus de 23 000 personnes au travers de trois modules leur permettant didentifier le potentiel damlioration nergtique des btiments, de matriser les outils pour mettre en uvre cette amlioration et de sapproprier les technologies les plus performantes pour y parvenir. Lobjectif de cette formation est non seulement dactualiser et de verdir les connaissances techniques des professionnels de la construction, mais galement de leur permettre dchanger leurs pratiques avec dautres mtiers du secteur afin de parvenir une vision globale de la construction et de la rnovation durables.

    29. Pour plus dinfo : [www.feebat.org]

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    Autre exemple en Belgique, o le FOREM Formation Environnement de la Rgion wallonne poursuit un but similaire en offrant aux pro-fessionnels des formations spcifiquement ddies aux nouvelles techniques et pratiques en relation avec la gestion des nergies et les nergies renouvelables.

    In fine, quelles que soient loffre et ladaptation des formations, cest la motivation et la mobilisation des acteurs du logement durable qui en dterminera le potentiel et le rsultat.

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    1.5 Les emplois verts, vecteur dinsertion ?

    Les initiatives publiques de mise lemploi et les formations pro-fessionnelles visent parfois des catgories sociales spcifiques, par exemple des jeunes en situation de dcrochage scolaire, des deman-deurs demploi en risque dexclusion, ... Lutilit de cette dmarche est certaine et bon nombre dexemples positifs sont l pour le prou-ver (voir bonnes pratiques), notamment dans le domaine de lcono-mie sociale.

    Cependant, une question fondamentale persiste : quel genre de mtiers sont repris dans ce potentiel demplois considrable li au logement durable ? Lun des dangers est, en effet, de faire passer pour durables des pratiques qui ne le sont pas. La qualit et la dcence30 des emplois verts pose donc encore question. Certains secteurs comme le recyclage sont parfois lorigine demplois pr-caires, et dangereux pour des personnes peu qualifies. Or lin-clusion sociale ne consiste pas confier aux populations les plus fragiles les mtiers les plus difficiles et les moins valorisants, sous peine de recrer de lexclusion lintrieur du march du travail. Il va plutt sagir de dnicher parmi ces emplois verts des mtiers adapts aux comptences et aux spcificits dune main-duvre potentielle laisse aujourdhui labandon.

    Cette proccupation est essentielle, car elle exige que les emplois verts existants et venir pousent lidal de dveloppement durable dans ses trois dimensions indissociables : conomique (cest le sens du mot dveloppement : il sagit bien de crer de nouveaux em-plois), environnementale (cest lun des sens de lpithte durable, faisant rfrence la ncessaire prennit des ressources naturelles essentielles au dveloppement de lhumanit) et sociale (cest lautre sens du mot durable, les travailleurs ne devant pas tre considrs comme une simple ressource, mais en mesure daccder des em-

    30. Selon lOIT, un travail dcent reprsente lensemble des aspirations des gens en ce qui concerne leur vie professionnelle aspirations concernant les possibilits et le revenu, les droits et la reconnaissance, la stabilit familiale, le dveloppement personnel, lquit et lgalit entre les sexes , Confdration europenne des syndicats, [http://www.etuc.org/a/4313]

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    Economie et emploi : les Green jobs

    plois dcents) : on laura compris, les emplois verts doivent aussi tre linstrument dun dveloppement socialement durable.

    Dans cette optique, les efforts de formation se doivent, dune part, de complter le soutien aux entreprises afin dexploiter pleinement les opportunits de cration demploi et de croissance et, dautre part, dviter que de nouvelles fractures sociales napparaissent, au dtriment surtout des personnes peu qualifies (ou autres groupes risque comme les travailleurs gs, les personnes avec un handicap, les allochtones, ...).31

    Les emplois verts peuvent reprsenter un gisement demplois pour tous, du moins qualifi au plus qualifi, condition de bien prendre en compte tous les enjeux qui y sont lis : formation, information, implication de tous les acteurs conomiques, qualit des emplois, financement, indicateurs, etc.

    Plus quune catgorie spcifique marginale de mtiers propres , les emplois verts se situent la rencontre entre un idal, le dveloppement durable, et une ralit sociale, le march du travail. Lon nobtiendra du vert quen prenant soin de mler dans sa composition deux ingrdients : la sauvegarde de lenvironnement dune part, la fondation dune socit socialement durable dautre part.

    Le dveloppement durable, on la rappel, accorde une importance gale ses volets social et environnemental. Cest pour cela quune politique publique dinclusion sociale par les emplois verts doit constituer un tout cohrent, en vitant deux cueils. Le premier serait de considrer la cration demplois verts comme un simple moyen de favoriser linclusion sociale, et le second, lin-verse, consisterait ne voir dans linsertion des exclus quun instru-ment au service de la protection de lenvironnement. Dans le pre-mier cas, cest la vise cologique de la politique qui serait sacrifie, puisque lon se servirait du label vert comme dun slogan de poli-tique sociale sans prendre le temps de se demander si les nouveaux emplois crs sont effectivement favorables lenvironnement ; dans

    31. Conseil Central de lEconomie et le Conseil National du Travail, Russir la transition vers une conomie basse mission de carbone second avis concernant la thmatique des emplois verts , 16 mars 2010.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    le second cas, on courrait le risque de se servir des populations fra-gilises comme dune main-duvre corvable, dune arme verte qui, au nom de la cause environnementale, pourrait se trouver dans des situations professionnelles peu valorisantes, voire dangereuses. Limportant est donc que la finalit sociale et la finalit colo-gique dune telle politique soient galement considres, afin dviter que lune ne devienne le simple instrument de lautre. Les politiques demploi vert doivent donc promouvoir le dvelop-pement durable au sens le plus large du terme.

    En conclusion, les emplois verts venir sont porteurs dinsertion professionnelle dans la mesure o ils ncessitent plus de travail et moins de ressources naturelles, mais ne peuvent constituer un gisement dembauche crdible que si une impulsion politique vigoureuse de la part des Etats, des rgions et de lUnion euro-penne vient amorcer la pompe.

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    Economie et emploi : les Green jobs

    2. Acteurs publics et privs : quelles stratgies dans le secteur vert ?

    Il semble quune prise de conscience sopre progressivement au ni-veau du secteur priv sur la ncessit dencourager et de financer le dveloppement durable, et notamment au niveau des constructeurs, le logement durable. Cet intrt du secteur rsulte en partie, nous lavons vu, dune forte hausse de la demande des particuliers et des exigences croissantes des pouvoirs publics en matire de logement durable au cours des dernires annes. Le potentiel demplois pou-vant tre gnrs par ce march joue galement sur la motivation du secteur.

    Mais comment les acteurs publics et privs sorganisent-ils pour rpondre cette demande verte ? Quelles stratgies mettent-ils en place pour promouvoir concrtement la cration demplois ? Com-ment russissent-ils adapter la main-duvre dun secteur en tran-sition ?

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    2.1 Organisation des acteurs face au tournant vert du secteur

    Les principaux acteurs du secteur de la construction semblent miser sur la synergie des comptences et des initiatives afin de pallier la mconnaissance de nombreux constructeurs dans le domaine du du-rable mais galement dagir de manire concerte en faveur du loge-ment durable. Pour ce faire, le cluster semble constituer le mode organisationnel de prdilection, tant en France quen Belgique.

    Le cluster, que lon traduit par le terme de grappe en franais, a t dfini par le Gouvernement wallon comme un mode dorga-nisation du systme productif tabli linitiative des entreprises (avec ventuellement la participation de centres de recherches) et se caractrisant par un cadre de coopration portant sur des activits lies, le dveloppement volontaire entre les entreprises de relations de complmentarits, verticales ou horizontales, marchandes ou non marchandes, la promotion dune vision com-mune de dveloppement.

    Daprs une tude confie en 2000 par le Ministre wallon de lconomie et la

    Division de la Politique conomique au MERIT (Universit de Maastricht) et Ernst

    & Young France.

    Il sagit donc de regroupements spontans dacteurs (collectivits ou autorits locales, matres duvre, confdrations, industriels, asso-ciations,...), ports par une vision commune au service de la muta-tion environnementale du secteur.

    Les clusters sont gnralement de trois types32 :

    Animation, formations, diffusion dinformations et promotion de lco-construction

    Dveloppement conomique, mise en rseau dentreprises et struc-turation de filire

    32. Les clusters, moteurs locaux du Grenelle , [http://bit.ly/fLKTnA]

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    Economie et emploi : les Green jobs

    Centres de transferts technologiques, ples de comptitivit, inno-vation.

    En France, le site web du Plan Btiment du Grenelle de lEnvironne-ment33 reprend une liste non exhaustive - des clusters consacrs lco-construction ou au logement durable. Notons que leur efferves-cence est telle quelle pousse mme crer un groupe inter-clus-ters , tmoignant de limportance de ces regroupements et de leur ncessaire coordination. Lobjectif de ces clusters est de produire un effet dappropriation territoriale dune vision commune au ser-vice de lco-construction, afin de rendre le secteur plus comptitif et de diffrencier de faon plus claire, notamment sur le plan de la qualit, les initiatives durables et locales, par rapport la construc-tion dite classique .

    En Belgique francophone, on dnombre trois principaux clusters : le cluster co-construction et le CAP2020 de la Rgion wallonne, ainsi que le cluster Ecobuild de la Rgion de Bruxelles-Capitale. Ces clusters revendiquent tous une vision durable et profitable lco-nomie rgionale, mais les mthodes employes diffrent, oscillant entre le choix de loptimalisation du potentiel local et lappel aux apports internationaux, entre le club et la dmarche participative, entre le positionnement de niche et le positionnement concurrentiel. Ils se diffrencient galement par leur chelle et leur porte. Les clus-ters wallons et bruxellois participent la promotion et la visibilit de lco-construction, en la mettant de surcrot au service du dyna-misme conomique de leur Rgion et de la cration demplois. Ils peuvent se faire aussi les relais des politiques plus traditionnelles, en ouvrant la porte une participation plus active des acteurs de la socit civile, dont la sensibilisation la question de lco-construc-tion devient une priorit si lon souhaite acclrer le changement, de plus en plus ncessaire, dans la faon de se loger et de consommer lnergie.

    En conclusion, ces clusters ont pour objectif gnral de crer des rseaux dacteurs et de promouvoir lco-construction en tant que pendant dune vision globale du dveloppement durable, mais ga-lement dans une perspective conomique, puisquils ont t conus pour activer le potentiel de croissance et crer des emplois locaux et non-dlocalisables .

    33. Ibidem.

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    2.2 Un partenariat troit pour anticiper les besoins du secteur

    Quelles stratgies les acteurs publics et du secteur mettent-ils en place pour promouvoir concrtement la cration demplois ? Beau-coup de mesures ont des effets plus ou moins directs sur lemploi puisquelles visent le march de la construction (primes nerg-tiques, btiments exemplaires, plans daction locaux ou nationaux pour une meilleure gestion de lnergie,...). Cependant, certaines mesures sont spcifiquement ddies la promotion et la cration demplois dans le secteur du logement et de la construction durables.

    En France, linitiative principale est Maison de lEmploi et D-veloppement durable , projet port conjointement par lAlliance Villes Emploi et lADEME. Comme son intitul lindique, ce projet a pour objectif de relier les Maisons de lEmploi locales et les perspec-tives de dveloppement rgional durable. Parmi les filires daction identifies, celle du btiment est considre comme lun des viviers demplois les plus importants. Aprs trois projets pilotes mens Bayonne, Lille et Nancy, linitiative a t tendue toutes les rgions en 2010. Lchelle locale permet didentifier les besoins spcifiques en formation et emploi, pour la mise en uvre des dispositions du Grenelle dans la filire btiment. Dun point de vue national, ce pro-jet doit permettre 34 :

    Didentifier les mtiers en dveloppement ou en transformation du fait de la croissance verte et de lvaluation des besoins en recru-tement ce titre.

    De dfinir les besoins en formation, organiser des parcours de formation et de qualification. Procder un tat des lieux des dis-positifs de formation initiale, de formation continue et de Valida-tion des Acquis par lExprience, afin dadapter les rfrentiels des mtiers et des comptences partir des besoins des entreprises.

    De mieux orienter et mettre en cohrence loffre et la demande demplois dans les filires dactivit concernes.

    34. Prsentation du projet Maisons de lEmploi et Dveloppement Durable , [http://bit.ly/eLgwI8]

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    De valoriser les formations et les mtiers qui devront tre pourvus en plus grand nombre.

    En Belgique, l Alliance Emplois-Environnement est le levier daction principal des acteurs publics, tant Bruxelles quen Wallo-nie. Les deux Rgions ont choisi la construction durable comme axe principal.

    En Rgion de Bruxelles-Capitale, lAlliance Emplois-Environne-ment est une alliance pour la promotion de la construction durable et constitue le premier volet du futur Pacte de Croissance Urbaine Durable depuis le dbut 2010. Lobjectif de lAlliance est dlaborer, en concertation avec tous les acteurs, des outils et politiques visant encourager la cration demplois verts, principalement dans le do-maine de la construction. Outre le dveloppement conomique de la Rgion par la cration demplois de qualit dans des filires promet-teuses, lAlliance doit galement faire de Bruxelles un modle urbain de durabilit en Europe.

    En ce qui concerne le processus de cette Alliance, la ministre de lEn-vironnement, de lEnergie et de la Rnovation urbaine, Evelyne Huy-tebroeck, soutient que lon est face une nouvelle mthode de tra-vail. Traditionnellement, il appartient au gouvernement de dfinir les actions quil compte mettre en uvre pour raliser telle ou telle politique aprs, le cas chant, diverses consultations, enqute pu-blique ou autre processus dinformation pralable. Ici, le gouverne-ment a chang de mthode. Il a dfini lenjeu ainsi que les problmes auxquels il fallait rpondre. Il a ensuite fait appel aux acteurs de terrain concerns par la problmatique : partenaires sociaux, fd-rations concernes, scientifiques, organismes de formation privs et publics, acteurs de linsertion socio-professionnelle. Enfin, le gouver-nement leur a demand dmettre des propositions ensemble. Ainsi, plus de 110 participants, 24 groupes de travail et 44 propositions daction oprationnelles, sont ns de cette collaboration indite entre acteurs qui nont ni lhabitude de se rencontrer ni de collaborer.35

    35. Intervention de la Ministre bruxelloise de lEnvironnement, de lEnergie et de la Rnovation urbaine Evelyne Huytebroeck, Alliance Emploi Environnement Axe Construction durable , 14 octobre 2010.[http://bit.ly/hlGugk]

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    Economie et emploi : les Green jobs

    Bilan des travaux, Alliance Emploi-Environnement - premier axe: Construction Durable, 14 octobre 2010. [http://bit.ly/eWuGN4]

    Concrtement, cette Alliance se droule en deux phases. La premire phase dlaboration, qui vient de sachever, est un temps de diagnos-tic qui a permis de faire ltat des besoins du secteur en huit ateliers (outils de soutien aux entreprises et leur accs au financement, lco-nomie sociale, lenseignement et la formation, linnovation, lexcel-lence et les mthodes de mise en uvre pour atteindre celle-ci voir schma) et de mettre sur pied le programme de la deuxime phase daction, reprenant 44 mesures pour stimuler la transformation verte du secteur de la construction.

    En Wallonie, les Alliances Emploi-Environnement font partie int-grante du Plan Marshall 2.vert et sont considres comme une strat-gie davenir pour crer de lemploi et des opportunits conomiques tout en positionnant la Wallonie comme leader du dveloppement durable en Europe. La premire Alliance va se concentrer sur les conomies dnergie et la construction durable, et portera particu-lirement sur lamlioration nergtique et environnementale des btiments existants (co-construction, PEB, co-rnovation), pour

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    Economie et emploi : les Green jobs

    gnrer de lemploi, et accrotre la formation. Des objectifs chiffrs et des normes en matire dconomie dnergie seront tablis en concertation avec les secteurs.36

    La mise en uvre de cette premire Alliance prvoit deux grandes tapes.37 Premirement, llaboration dun plan pluriannuel fixant des objectifs chiffrs et des normes en matire dconomie dner-gie (en commenant par lisolation) et damlioration environnemen-tale, pour la rnovation du bti existant. Cette tape consiste en un diagnostic et une dfinition des objectifs et des incitants financiers adapts, mais passe galement par une sensibilisation du public et ladoption de normes nergtiques strictes et efficaces. Pour ce faire, cinq groupes de travails ont t constitus sur des thmatiques dif-frentes : conomie verte, formation, normes et certification, clauses sociales dans les marchs publics et logement social. Lconomie sociale y est chaque fois reprsente, ce qui constitue une reconnais-sance importante pour le secteur.38

    La deuxime tape de lAlliance, prvue dbut 2011, se fera au tra-vers de llaboration et de lencadrement de la mise en uvre dun contrat multisectoriel, dfinissant les chantiers prioritaires et les structures de contrle de certification, en concertation avec tous les partenaires (autorits publiques, partenaires sociaux, acteurs du sec-teur ou oprateurs), en vue de stimuler concrtement loffre et de structurer la demande en matire de construction durable.

    En conclusion, ces mesures sont gnralement le fruit dun parte-nariat troit entre les pouvoirs publics et les reprsentants du secteur de la construction, tant au niveau local que national, et visent diagnostiquer et anticiper les besoins du secteur afin de maximiser le potentiel demplois du verdissement de la filire.

    36. Premire Alliance Emploi-Environnement : conomies dnergie et construction durable. [http://planmarshall2vert.wallonie.be/?q=node/94]37. Voir [http://lampspw.wallonie.be/planmarshall2vert/]38. Marie-Caroline Collard et Jean-Marie Coen, Alliances Emploi-Environnement et co-construction : une chance saisir pour lconomie sociale ! , analyse de la SAW-B, mai 2010. [http://bit.ly/h0zYxN]

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    3. Conclusion

    La reconversion de nos conomies vers le vert possde un atout indniable en termes demplois, puisquelle implique une rorienta-tion de notre modle conomique vers lhumain, au dtriment de lutilisation irrationnelle des ressources. Si la conversion de nos conomies vers la croissance verte suppose certains cots (prix des technologies, restructuration du tissu industriel), les cots de la non-conversion pourraient tre encore bien plus importants.

    Outre les consquences environnementales et climatiques de la non-conversion (voir chapitre suivant), la non-intgration de la compo-sante verte dans les processus de production et dexploitation du logement aurait des consquences conomiques et sociales tout aussi importantes. Par exemple, rater la transformation des mtiers du logement reviendrait manquer lopportunit dune relance verte dun secteur en stagnation. De mme, le statu quo dans la rnova-tion du parc immobilier, alors que les prix de lnergie ne cessent de grimper, signifierait le dbordement du phnomne de prcarit nergtique (voir chapitre 3) des catgories de la population par-gnes jusqualors.

    Ces exemples dmontrent que lvolution du logement vers un loge-ment durable ne reprsente pas seulement une transition technolo-gique, mais galement c