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Laure NERIA

Clic & Chic Le web et les nouvelles technologies,

Au cœur de l’identité du luxe au XXIe siècle ?

Mémoire de recherche pour l’obtention du master 1 Culture et Métiers du Web

Tuteur : Edouard BOURBON

Soutenu en juin 2010

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Je remercie mon tuteur M. Edouard Bourbon pour son suivi pédagogique, son soutien et ses conseils expérimentés qui m’ont permis de mener à bien ce travail et notamment d’entrer en contact avec des professionnels du secteur du luxe et du web.

Je remercie mon maître d’apprentissage M.Sébastien Gayat ainsi que toute l’équipe du Groupware d’Essilor pour leur partage d’expérience et avis sur mon travail.

J’adresse mes plus sincères et chaleureux remerciements à ma famille pour leur soutien affectif constant.

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Sommaire 

Introduction

PARTIE 1 : HISTOIRE POLITIQUE, INDUSTRIELLE, SOCIALE ET CULTURELLE DU LUXE DE 1700 A NOS JOURS

A. Continuité et discontinuité dans l'histoire du luxe

B. L'industrie du chic à l'épreuve de la rareté

C. Le rêve agrégateur d'Internet et du luxe

PARTIE 2 : MARKETING ET IMAGE DU LUXE SUR INTERNET

A. Connaître le consommateur : les enjeux du webmarketing

B. Positionnement éthico-commercial des marques de luxe sur Internet

C. Les Social Media au service des marques de luxe

PARTIE 3 : L’INNOVATION : VERS LE SUCCES DE LA DISTINCTION DU LUXE SUR LA TOILE

A. Internet et le luxe at home

B. Le retour aux cinq sens

Conclusion

Bibliographie

Annexes

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Introduction

Lorsque Gilles Lipovetsky, à la fin du chapitre « luxe et comparaison provocante » du Bonheur paradoxal affirme : « Dans la société d’hyperconsommation, il ne s’agit plus tant de combattre des privilèges en ôtant des biens aux nantis que d’y accéder à des fins de jouissances émotionnelles »1, il met en valeur le rapport plus que jamais individualiste qu’entretient le consommateur avec les biens hauts de gamme qu’il désire. On consomme avant tout pour se faire plaisir, et chacun peut rêver de posséder l’excellence, comme le dit si bien le slogan de la marque de cosmétiques la plus glamour du moment « L’Oréal : parce que je le vaux bien ».

En France, le luxe (tel qu'on peut le définir par posséder un objet raffiné, couteux, somptueux) n’est plus réservé à une élite qui perçoit les privilèges comme c’était le cas au XVIIème siècle, mais est désormais accessible à un plus grand nombre grâce à la dématérialisation des supports d’accès, de visibilité voire d’achat de produits sur Internet. L’accès au haut débit est l’unique contrainte. Passée cette étape, l’internaute peut avoir accès à un très large éventail de sites de présentation d’une marque ou de boutiques en ligne. En effet, le web comme plateforme de développement du e-commerce est très prisé. La plupart des enseignes les plus connues, parmi celles des biens ordinaires, tendent à décliner leur présence physique sur la toile via des sites officiels, des boutiques en ligne, des vidéos de pubs et bien d’autres choses encore. Cependant, si les grandes marques trouvent un avantage à faire rêver le plus grand nombre et à vendre plus, elles courent aussi le risque de se banaliser aux yeux de tous, de perdre leur aura. En effet, la marque doit veiller à donner l’impression que la boutique et les produits sont inaccessibles car le consommateur va attacher plus de valeur à ce qui lui paraît inabordable. Par le passé, les marques françaises ont cherché à rivaliser d’imagination pour transmettre une image de qualité et de

1 LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages, p. 369.

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perfection autour de leurs produits. Le luxe reste et a souvent été réservé à une classe sociale privilégiée. Néanmoins, on voit que la première barrière, celle de l’entrée dans une boutique de luxe peut par exemple être dépassé par tous dans la mesure où la majorité des grandes marques de luxe possèdent une boutique en ligne qui permet de présenter les produits (via un site vitrine) ou encore de vendre. La présence quasi forcée des marques sur Internet, au même titre que les autres enseignes, peut laisser envisager la démocratisation totale du luxe. Si tout le monde peut avoir accès aux mêmes produits et services, alors qu’en est-il de l’exclusivité du consommateur du luxe ? L’alliance du luxe et d’Internet peut s’avérer prometteuse comme assez risquée. Ma recherche aura donc un aspect prospectif dans la mesure où j’essaierai de cerner les tendances futures en matière de management du luxe sur Internet.

Les récentes études sociologiques faites sur le désir de distinction par le goût montrent que nos façons de consommer ont évolué. Dans les sociétés modernes, les individus sont-ils caractérisés par leur appartenance à une multiplicité de mondes ? C’est la question que pose Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi.2 Dans ce livre imposant de près de huit cents pages qui utilise les résultats de plusieurs enquêtes menées par Bernard Lahire, avec l’aide de collaborateurs, collaboratrices et étudiant(e)s, l’auteur revisite les enquêtes et les théories développées par Pierre Bourdieu dans La Distinction : critique sociale du jugement pour mener une réflexion sur la compréhension sociologique des pratiques culturelles et, plus largement, des styles de vie. Il brosse le tableau de la situation culturelle considérée à l’échelle individuelle (en utilisant l’approche statistique et l’analyse de cent onze entretiens présentés sous forme de portraits). Il revient alors de manière détaillée sur les raisons principales des variations intra-individuelles : les mobilités sociales, scolaires ou professionnelles, les contraintes et influences relationnelles (celles des pairs, du conjoint(e), des collègues de travail), la baisse d’intensité de la croyance en la culture littéraire et artistique. Bernard Lahire montre que l’existence d’habitus culturels en tant que systèmes cohérents de dispositions, n’est pas ce qu’il y a de plus fréquent statistiquement. L’individu serait multidéterminé par des expériences sociales qui l’influencent tout au long de la vie. L’heure n’est plus à l’exposition de sa richesse, ou alors on passe du côté du « bling-bling » (expression qui désigne l’ostentation), mais le luxe réside plus dans un confort de vie qui regroupe le gain de temps, l’assurance de la sécurité à l’achat, l’innovation constante et

2 LAHIRE Bernard, Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2004, 777pages

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l’esthétique en général. C’est, entre autre, ce qu’explique l’essayiste et professeur agrégé de philosophie Gilles Lipovetsky dans Le bonheur paradoxal, essai sur la société d’hyperconsommation3. De ce fait, les nouvelles technologies jouent un rôle important sur le plan de la recherche et du développement des produits, ou encore pour le marketing du luxe via des sites internet design, créatifs et générateurs de rêve. A ce sujet, je m’appuierai largement sur le travail de Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer, dans l’œuvre Luxe oblige4, ainsi que sur l’étude de Nicolas Auray et Michel Gensollen, Internet et la synthèse collective des goûts.5

Il sera donc important de se positionner à la fois du côté du consommateur, que des annonceurs et personnels à l’origine de la conception, réalisation et gestion des projets de luxe sur internet. D’une part, pour mieux appréhender l’éventualité d’un changement de structure dans la consommation des produits de luxe, on veillera à interroger des personnes qui consomment de façon traditionnelle, c’est-à-dire qui sont habitués aux points de vente et aux services physiques ainsi que des consommateurs lambdas, omnivores, qui consomment le luxe sans distinction particulière avec d’autres types de produits, par exemple en se rendant sur leur site de vente privée favori. Mais on cherchera à savoir quelle est la particularité des sites et plus généralement, les moyens de visibilité du luxe sur Internet, et vers quoi ils doivent tendre pour assurer leur pérennité. D’autre part on enquêtera sur le classement des marques de maisons de luxe ; on comparera la démarche sur la toile en concomitance avec leur image. Les techniques actuelles permettent aux grandes marques de répondre précisément aux attentes de leurs clients et de capter l’attention d’un vaste public, attiré par la vente en ligne. Reste à savoir si elles ont envie d’élargir leur audience ou de fidéliser les bons clients. Sur ce point, l’étude de la stratégie de communication et de marketing de certaines marques de luxe permettra d’évaluer les risques et avantages de l’exposition ou la vente en ligne. On se tournera également vers l’appréciation du design des sites afin de montrer les potentialités visuelles et plus largement sensorielles développées par les nouvelles technologies numériques. Jusqu’ici les marques communiquent peu sur leurs chiffres mais on tentera d’analyser les premières répercussions du média Internet sur les

3 LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages 4 BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages

5 AURAY Nicolas, GENSOLLEN Michel, Internet et la synthèse collective des goûts, PDF, 2007, 22 pages

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usages et pratiques des consommateurs du secteur du luxe. Internet doit servir de faire-valoir aux grandes maisons sans cannibaliser les boutiques ou ternir l’image de grandeur de la marque. Pour se faire, l’étude d’ouvrages consacrés à la sémiologie de l’image servira de base à l’analyse des sites web rencontrés. La sociologie et la sociologie du goût seront des domaines très utiles à la compréhension de l’évolution des tendances et usages des internautes vis-à-vis de la consommation des biens luxueux. Les ouvrages disponibles actuellement ne traitent que très partiellement la question du luxe sur Internet : ils émettent quasi systématiquement une réserve vis-à-vis de la vente et ne tiennent pas compte des potentialités créatives à l’ère du tout numérique. En effet, on sait à présent qu’Internet est pour la majorité des Internautes (70%) un support adapté aux marques de luxe, tant par les possibilités qu'il offre (son, image) que par les outils qu'il propose (newsletter, courriers personnalisés). On se tournera vers les marques qui choisissent d’investir dans ce support et misent sur l’interactivité des ressources technologiques.

Ainsi notre terrain sera constitué d’interviews de professionnels du web des grandes maisons afin de connaître les différentes stratégies choisies en fonction de la marque, que ce soit du côté des annonceurs que du marketing ou de la communication. En parallèle, nous monterons des sondages pour connaître l’avis des principaux intéressés : les consommateurs du luxe sur internet et autres. Des micro-trottoirs viendront enrichir de témoignages les impressions laissées à travers les sondages. Par ailleurs l’analyse de sites web de marques de luxe sera essentielle à la compréhension générale du sujet ainsi qu’à la perception de la variété de stratégies.

D’abord nous étudierons l’histoire générale du luxe en France, afin de dégager les temps forts du marché du luxe et les caractéristiques, à travers les époques, convergentes avec l’époque actuelle pour comprendre quelles pistes sont à exploiter pour l’avenir. Cela nous mènera à distinguer la rareté comme un élément à redéfinir, et le rêve comme élément d’agrégation du luxe et d’Internet qui laisse présager un bel avenir. Après avoir dessiné les contours des principales notions en jeu, nous analyserons ensuite les techniques de communication et de marketing des grandes marques sur Internet. Nous verrons comment chacune d’elles agit en fonction de son image propre et fait des choix singuliers, selon qu’elle ait pour priorité la vente ou la mise en valeur de son image. Enfin, nous dévoilerons les potentialités créatives des nouvelles technologies sur le secteur du luxe.

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Partie 1 : Histoire politique, sociale et culturelle du luxe de 1700 à nos jours

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PARTIE 1 : Histoire politique,  industrielle,  sociale et  culturelle du luxe de 1700 à nos jours 

 Ma démarche vise à adopter un point de vue critique afin de comprendre le paradoxe du luxe sur Internet. Je pars du présupposé que l’avènement d’Internet représente un tournant majeur dans l’univers du luxe dans la mesure où le secteur a ainsi connu une remise en question de ses valeurs.

Afin de mieux comprendre la notion, on fera un détour par l’histoire de ses valeurs. En France, ce secteur existe depuis le XVIIIe siècle et l’histoire de la consommation montre l’importance des notions de distinction et de richesse dans le contexte de la vie de Cour. Dès la fin du XVIIe siècle, le monde littéraire qui gravite de près ou de loin autour du roi Louis XIV, engage une réflexion sur la société. De nombreux thèmes sont traités, par le biais de textes littéraires qui miment la conversation6, ou dans une forme souvent proche des sentences. Le style bref, elliptique vise parfois à énoncer, voire dénoncer une vérité générale sur la société et ses individus. Très en vogue à la cour du roi, le mouvement de pensée des moralistes français aborde plusieurs questionnements. Tantôt défenseurs de la morale chrétienne, comme Pascal avec ses Pensées7, tantôt partisans de la satire ou du rire plus généralement, les philosophes et humanistes français s’emparent de la question de la morale et des mœurs pour mener, notamment, une réflexion sur le pouvoir et les Grands. Je souligne ces deux derniers thèmes car ils introduisent la réflexion sur le luxe au XVIIe siècle. L’historien Daniel Roche, dont les travaux portent essentiellement sur l'histoire culturelle et sociale de la France de l'Ancien régime affirme : « Le luxe a d’abord une fonction politique : il entretient la différenciation culturelle, impose le respect dû à la puissance royale et à Dieu, dont on ne conteste pas la somptuosité accumulée pour son service. »8 Dès lors la France s’illustre comme le pays par excellence. Que ce soit dans les

6 Voir MONTAIGNE Michel Eyquem, Les Essais, Paris, Gallimard, imprimé en 2007 7 PASCAL Blaise, Les Pensées, Paris, Gallimard, 1999 8 ROCHE Daniel, « Consommation ordinaire et consommation de luxe », De la rareté au luxe, p. 85-91 in Histoire des choses banales, Naissance de la consommation XVII-XIXe siècle, Fayard, 1997, 330 p.

« D’autres modes de vie sont donc possibles, inimaginables il y a peu. La progressive réhabilitation de la dépense,

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habitudes de consommation des individus ou au sein de l’activité économique du pays en général.

Ce thème est donc particulièrement intéressant à étudier dans le contexte d’Internet. De par son lien avec le pouvoir, le désir et l’esthétique, le luxe est un bien de consommation singulier révélateur. Ses évolutions au fil des époques permettent de mettre en valeur les marques clés qui ont réussi à s’imposer sur le marché, à appréhender les raisons qui ont écarté ou enclin certaines à étendre leur périmètre au web. Les concepts de rareté et de rêve font tout particulièrement l’objet de mon attention dans la mesure où ils agissent comme des catalyseurs de la réflexion du luxe sur Internet.

l’éloge du luxe, le passage du mot d’ordre “dépensez ce que vous gagnez“ à l’impératif “gagnez ce que vous dépensez pour dépenser plus“, la réhabilitation des entrepreneurs marchent d’un même pas, dessinant une autre sensibilité, suscitant d’autres normes et d’autres consommations intellectuelles. La nouvelle philosophie qui unit échange et besoins accrus suppose plusieurs ruptures, avec l’autoconsommation familiale et régionale, avec une économie faiblement monétarisée, avec l’immobilité des choses.»[…]

« Le luxe agit en marge, car condamné par les prédicateurs, contrôlé par les lois somptuaires (au moins dans le principe) et par l’action mercantiliste sur le commerce et la production, moyen d’enrichissement extérieur et apanage d’une étroite élite intérieure. » […]

« Les économistes de la croissance par la consommation, Boisguilbert et Cantillon, les observateurs du miracle hollandais, Bayle, concourent à l réhabilitation du luxe. C’est le moyen de mesurer la compréhension nouvelles des hommes confrontés à l’expansion et appelés à un hédonisme.’ La nécessité du superflu s’impose par le détour d’un nouveau rapport au monde et aux objets qui sécurisent, embellissent et rassurent. La vertu n’est plus le fruit du renoncement mais de l’usage modéré et raisonnable des biens et des bienfaits qu’ils prodiguent. L’amour de soi ne sépare plus l’individu de la communauté des chrétiens. “ » Note 50. C. Walter, « Les lois somptuaires ou le rêve d’un ordre social. Evolution et enjeux de la politique somptuaire à Genève, XVIe-XVIIIe siècle », Equinoxe, 11, 1994, pp. 111-126 ; J. Séquora, Luxury, the concept in Western thought, Londres, 1977.

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A. Continuité et discontinuité dans l’Histoire du luxe

a. La naissance des valeurs du luxe en France du XVIe au XVIIIe siècle

A l’article LUXE du nouveau Petit Robert de la langue française 2007, on peut lire :

« 1. Mode de vie caractérisé par de grandes dépenses consacrées à l’acquisition de biens superflus, par goût de l’ostentation et du plus grand bien-être. 2. Caractère coûteux, somptueux (d’un bien ou d’un service). 3. Bien ou plaisir coûteux qu’on s’offre sans nécessité.»

On peut donc en conclure que le luxe possède la caractéristique de se distinguer des autres objets de consommation ordinaire. En effet, choisir un bien luxueux c’est être dégagé des contraintes du besoin, et en même temps tendu par le désir de posséder la chose, à tel point que l’on oublie de considérer (ou que l’on dénigre volontairement) le montant de l’objet. Ne dit-on pas que « l’amour rend aveugle » ? On peut effectivement comparer l’acte d'achat d’un produit de luxe à la pulsion amoureuse. Cependant, il semblerait que la confusion entre objet de luxe et bien ordinaire est de plus en plus courante. Une grande partie des objets est aujourd’hui relié au désir dans les publicités alors que je souhaite montrer qu’en fait, seul l’objet de luxe possède véritablement ce pouvoir de susciter et se substituer au désir. La femme dans la société occidentale contemporaine a pu être comparée à un objet dans les publicités. Depuis la lutte pour la reconnaissance des droits de la femme, il est assez commun de dénoncer la dévalorisation de sa représentation dans ces publicités. Le luxe semble intrinsèquement lié à la notion plus générale de désir à assouvir, que ce soit par la possession de l’objet de luxe, le goût du paraître ou le plaisir que l’on en retire.

Les mots « luxe » et « luxure » ont ainsi la même étymologie. Du latin, luxus, ils désignent tous deux la lumière. Cette racine commune suggère que l’aura joue une place prépondérante dans la compréhension et l’analyse du luxe. Louis XIV, connu pour son faste, se faisait d’ailleurs appeler « le roi soleil ». L’image que l’on donne de soi par la possession et l’ostentation d’objets de luxe peut être assimilée à une recherche de cette aura. Dans la quête, le désir joue un rôle primordial. C’est ce qu’explique Pascal lorsqu’il définit l’objet de luxe et le luxe en général à partir des trois libidos : la libido dominandi, la libido sentiendi et enfin la libido capiendi.9 A la libido dominandi

9 PASCAL Blaise, Les Pensées, Paris, Gallimard, 1999

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correspond une définition du luxe comme forme de paraître et de domination. C’est typiquement l’attitude des Grands que les Moralistes du XVIIème siècle ont dénoncé, en se jouant de la préciosité et des normes liées à l’étiquette. Les accessoires et les vêtements composés de tissus luxueux participent aux éléments de paraître. Le paraître et la domination incluent dans le rapport à l’autre la volonté de se démarquer par la magnificence. Par exemple, on note que dès la Renaissance on ne peut user du luxe qu’à condition que ce soit conforme à son statut. La libido sentiendi se traduit par l’épuisement des ressources et le désir de séduire. On veut plaire à autrui, et en même temps se satisfaire soi. La richesse de l’objet de luxe réside aussi dans le fait que pour maximiser l’effet, il doit mobiliser les cinq sens. L’individu à la recherche de luxe oscille entre le désir de liberté et la servilité dans le regard d’autrui. Les trois fonctions du parfum dans l’histoire peuvent signifier cette ambiguïté.10 Dans les cérémonies funéraires, le parfum devient somptuaire. Il peut servir à enfumer les dieux, adoucir la mort, prolonger le corps, et séduire. Symboliquement, l’embaumement sert à célébrer le corps car cela consiste à le protéger de la décrépitude de la mort. Mais chercher le pouvoir de résister au temps peut aussi s’interpréter comme la manifestation d’une grande crainte. Enfin, la libido capiendi fait référence à la connaissance et à l’acte patrimonial. L’objet de luxe, en plus de se devoir d’être résolument esthétique, entre dans l’histoire en ce que chaque pièce créée est unique car elle est le résultat d’un savoir-faire authentique. La tradition et la transmission de savoir sont les clés de voute du luxe français jusqu’au XIXe siècle. Résultat d’un riche héritage, les grandes maisons fleurissent en mettant en valeur un nom et la qualité de leur produit.

En conclusion, la citation de Colonna d'Istria 11 résume bien mon propos, à savoir que :

"Le luxe c'est, en somme, à la rencontre de l'homme et de son histoire, l'acte volontaire d'un individu dans ce qu'il a d'unique pour marquer sa liberté et pour, gratuitement et dans le plaisir, s'élever au dessus de sa condition."

Cette définition regroupe à mon sens les principaux éléments qui font du luxe une notion qui a pu traverser les époques. Si la valeur symbolique des produits de luxe a évolué, les fondamentaux que sont l’esthétique et le désir de dépassement composent des points clé de ma pensée. Le présupposé qui admet que l’homme tend au renouvellement et à l’innovation dans le domaine du luxe va, plus tard dans cette étude, permettre de justifier l’intérêt des ressources exploitables par

10 CASTAREDE Jean, Le Luxe, Que sais-je ?, 2007, 128 pages, l’exemple du parfum est extrait de la page 50 11 COLONNA D’ISTRIA Robert, L’art du luxe, petit traité du luxe suivi d'un catalogue raisonné des objets, des lieux et des pensées y contribuant, Hermé, Paris, 1991, 224 pages

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Internet.

b. La notion de goût au cœur du luxe des XIXe et XXe siècles

Au XIXe siècle, l’innovation technologique dans le secteur du luxe s’exprime d’abord comme une tension. L’objet de luxe jusqu’alors présenté comme unique, peut aussi dès ce moment se concevoir comme issu d’une industrie. La dualité entre le caractère unique d’un objet de luxe et sa reproductibilité technique est apparue au XIXe siècle. Elle donne lieu au renforcement de l’image du luxe grâce à l’imposition du goût. C’est peut-être sur cet argument qu’ont réussi à se développer les marques au XIXe siècle. La révolution industrielle qui se joue à cette époque change les façons de fabriquer et de consommer. L’objet de luxe autrefois unique, devient le produit d’une série. L’auteur Bruno Remaury revient sur l’expression « Epiphanie de la marchandise » de Walter Benjamin, afin de montrer l’impact de l’industrialisation sur l’objet de luxe :

« Selon l’étymologie même du mot épiphanie, c’est le dispositif qui régit les conditions de l’apparition. Le moment fondateur est la naissance des grands magasins et les Expositions Universelles. Le XIXème siècle industriel aura pour volonté d’unir « l’industrie et l’art » afin, précisément, « d’arracher la marchandise à la sphère de l’humain », cherchant ainsi à lui conférer une aura d’autant plus problématique qu’elle s’applique à une fabrication en série, c’est-à-dire à l’infinie répétition standardisée d’un geste jusque là tissée d’exclusivité. »12

Les valeurs d’authenticité du savoir-faire technique et de création se dissipent au profit d’une production à plus grande échelle. Pourtant, le luxe est reconnu internationalement, et son succès ne décroît pas. La qualité de production fait encore du luxe une entité économique unique. Cette réussite s’appuie en grande partie sur la capacité à produire de la valeur ajoutée. Il procure le sentiment de pouvoir se dégager des contraintes matérielles premières. Malgré ce tournant dans l’histoire, le luxe a su conserver son aura en développant une idéologie du goût :

« Une rhétorique du goût accompagne déjà le catalogue de l’Exposition universelle de 1851 : « l’objet principal de la connaissance est le goût, qui n’est pas un simple effet du caprice mais le produit de la raison, aussi complètement que n’importe quelle autre conclusion à propos du bien et du mal ou du vrai et du faux que nous atteignons par le travail et par l’esprit ». Le débat, particulièrement nourri dans l’Europe de cette époque, entre tenants d’un « beau dans l’utile » et producteurs de copies de styles réalisées en grandes séries

12 REMAURY Bruno, « L’objet de luxe à l’ère de la reproductibilité technique » p371, « L’objet de luxe à l’épreuve de la marchandise », in ASSOULI, Olivier, Le luxe, Essai sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Institut français de la mode, Regard, 2005, 410 pages

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est moins, comme on l’a souvent analysée, une opposition entre artisans et industriels qu’une tentative de rédemption de l’avilissement mercantile de la marchandise par le goût, quel que soit par ailleurs son mode de production.

On préfère parler de « client » plutôt que de consommateur. Plus la marque est étendue et moins son consommateur a de chance d’être un connaisseur, plus elle place son discours dans la perspective d’une rhétorique du goût. »13

Cette définition du goût repose sur les concepts de la philosophie idéaliste de Kant. Ce philosophe allemand du XVIIIe siècle affirme : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept14 ». L’encyclopédie Wikipédia propose de l’expliquer ainsi. « Le but de Kant n'est pas de proposer des normes du beau, mais d'expliquer pourquoi une chose est belle, et en quoi consiste un jugement de goût. Le beau serait un produit du sens esthétique. En ce sens, ce qui est beau, ce n'est pas un objet, mais sa représentation. » Dans ce débat, Kant prône la «finalité sans fin » (le beau n’est pas l’utile) ; et le « plaisir désintéressé ». Le beau ne se confond pas avec « l’agréable », qui relève pour sa part d'une perception strictement personnelle :

« Quand je dis que le vin des Canaries est agréable, je souffre volontiers qu'on me reprenne et qu'on me

rappelle que je dois dire seulement qu'il est agréable à moi. », 15

Alors que pour l'exemple d'un jugement sur la beauté d'une chose, il explique :

« Je ne juge pas seulement pour moi, mais pour tout le monde, et je parle de la beauté comme si c'était une qualité des choses » 16

Si le beau apporte plaisir et satisfaction, c'est de manière désintéressée. Ce mouvement de pensée suffit à rehausser la vision du luxe alors un peu ébranlée. Cette philosophie idéaliste se convertit dans les mœurs en un moyen déguisé d’afficher une haute position sociale. L’objet de luxe s’entoure d’une aura particulière. Dès cette époque, on n’achète pas un objet mais un signe. Un peu à la manière des blasons au XVIe siècle, où l’illustration reflète l’armoirie familiale, chargée de son histoire. Au XIXe siècle, le regroupement de grandes maisons sous un nom de marque est

13 IBID « Le goût comme source d’achat » 14 KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Gallimard, Paris, 1985, p978 15 IBID

16 IBID Chapitre 7

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le résultat de l’adaptation des groupes à la révolution industrielle. Si Brunon Remaury parle de « rhétorique du goût », c’est bien que l’on a à faire à un langage parlé et corporel issu d’une nouvelle culture. Le terme « consommateur » est dénigré car associé à la culture de masse, à l’instar de celui de « client ». Ce dernier, beaucoup plus abstrait, (du latin cliens. on le rattache au latin cluere, entendre) indique que l’on quitte l'univers matériel pour entrer dans l'univers mental. Tout est mis en œuvre pour faire sentir au « consommateur » qu’il est un « client » particulier. Cela fait alors parti des codes naissant de la distinction sociale. A ce stade de l’étude on peut déjà créer un parallèle entre l’aura d’une marque basée sur l’univers immatériel, ainsi que le rêve d’un autre soi, et la sphère virtuelle sur Internet. Par exemple, les utilisateurs d’Internet n’ont pas de pays dans le sens où ils peuvent accéder à n’importe quelle culture depuis leur poste de travail. Via les réseaux sociaux sur le web, chacun peut également se créer un ou plusieurs avatars et ainsi rêver à d’autres univers. Tout le paradoxe réside cependant dans le fait qu’aujourd’hui le consommateur est mis en avant en tant, justement, que consommateur actif vis-à-vis de la marque, et non plus client passif. Néanmoins, je souhaite souligner le fait qu’au XIXe siècle le débat autour du goût démontre que l’affirmation de soi par des symboles ne fait que revisiter un lieu commun de la consommation ostentatoire. Par ailleurs, le concept du goût universel et désintéressé de Kant glisse vers le relativisme. Le jugement du goût est subjectif, on discute des goûts sans réel fondement. En outre la mode accompagne l’avènement de la philosophie du goût et devient un secteur du luxe à part entière, de plus en plus dynamique. En effet, on peut dire que la mode a toutes les caractéristiques du luxe. Elle fait appel à la magie du créateur ; elle vise à la beauté et la séduction ; elle renvoie à la fonction sociale17.

c. Evolutions notoires au XX et XXIe siècle : l’arrivée des marques

La notion de marque soulève à mon sens un paradoxe intéressant si on veut identifier les perspectives du luxe sur Internet. Elle implique d’étudier la position du client du luxe face à une entité qu’il intègre et rejette tout en même temps. D’un côté la marque joue sur sa capacité à influencer l’individu.18 Il s’identifie aux codes qu’elle diffuse à travers son image. De l’autre, il

17 CASTAREDE Jean, Le Luxe, Que sais-je ?, 2007, 128 pages, p35

18 JEON Hyeong-Yeon, Analyse des sites web de marques de luxe, support publicitaire, marketing et identité des marques, thèse soutenue sous la direction de M. le professeur Jean-François TETU, Université Lumière-Lyon2, 2003 p.12 « nommer, ce n’est pas seulement élire un nom, c’est conférer une identité, assigner une manière

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serait biaisé de croire que l’individu est entièrement passif face à cette image. Au contraire, dans le but de se distinguer et de fidéliser, la marque de luxe permet à l’individu de se réapproprier des valeurs. Le concept « d’image de marque » peut donc bien être perçu comme une interface entre le consommateur et la marque elle-même. La marque affiche un logo qui lui permet d’affirmer sa singularité. Les logos sont généralement issus d’une histoire, tel que le logo Lacoste.

« Selon René Lacoste lui-même, l'origine du logo de la marque (un crocodile vert) viendrait d'un pari que lui avait lancé le capitaine de l'équipe de France de tennis lors de la Coupe Davis en 1927 : celui-ci lui aurait promis une valise en crocodile s'il gagnait un match important. Le public américain aurait alors retenu ce surnom, qui « soulignait la ténacité dont [il faisait] preuve sur les courts de tennis, ne lâchant jamais [sa] proie ». C'est Robert George qui lui dessine le crocodile qu'il porte désormais sur son blazer, sur le court ou en dehors, et qui deviendra le symbole de la marque. La marque se réclame d’ailleurs comme étant le

premier exemple d'un nom de marque figurant à l'extérieur d'un article d'habillement. » 19

Chaque détail est étudié pour créer un univers et une histoire autour de la marque, à la manière des grandes maisons de luxe issues d’un héritage financier, culturel et patrimonial. Le logo peut être un signe qui s’accompagne d’un slogan. Tout objet vendu se doit de suivre le design propre à la charte graphique de l’entreprise, et ce jusqu’au moindre détail, comme par exemple l’emballage. Jean Castarède regroupe les principaux atouts des marques comme suivant. Tout est mis en œuvre afin que la marque réponde à une triple fonction :

1. Simplification et identité 2. Garantie 3. Imaginaire et symbolique20

Le premier point rejoint mon assertion selon laquelle la marque promeut une image qui influence l’identité de l’individu, ou inversement, une identité qui influence l’image que l’individu à de lui-même. Le second point est l’assurance de la qualité du produit vendu ; il doit se démarquer par rapport à la concurrence. Il montre que la marque vend avec l’objet son service au client. Le troisième point regroupe l’histoire et tous les signes et codifications qui entourent la marque. Afin

d’être, et peut-être une bonne ou mauvaise fortune. Aux créateurs de marque incombe pour une part la responsabilité du sort d’un produit : comment il sera, sur le marché, identifié, repéré, reçu, mémorisé, désiré...» 19Encyclopédie Wikipédia 20 CASTAREDE Jean, Le Luxe, Que sais-je ?, 2007, 128 pages, p35, p88

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d’affiner la réflexion sur la construction de la notion de marque au XXe et XXIe siècle, on peut distinguer plusieurs types de marques.

- la marque produit est une marque affectée de façon unique à chaque type de produit fabriqué par l’entreprise. C’est par exemple le cas de toutes les marques de champagne. 21

- la marque ombrelle est une « marque unique utilisée pour des produits différents, de manière à faire bénéficier ces produits de la notoriété et de l'image de la marque ombrelle. Par exemple, exprimant l'importante diversification du groupe Cartier, Hermès ou encore Yves Saint Laurent, sa marque est apposée sur de la maroquinerie, de la parfumerie, de la joaillerie, de l’horlogerie, etc. Elle devient marque mère lorsqu'elle est associée à diverses marques produits (alors qualifiées de marques prénoms). L'objectif est toujours de faire bénéficier le produit de sa notoriété et éventuellement de son image, tout en le dotant d'une identité spécifique facilitant la communication. 22

- la marque caution est caractéristique d'une marque qui, par sa notoriété et son image, authentifie le produit et éventuellement son origine et sa qualité. Elle est une sorte de garantie donnée par l'entreprise de la qualité de son produit. Acheter un produit de marque est un moyen pour le consommateur de se protéger contre le risque et de réduire son incertitude. C'est ainsi que certaines marques sont considérées comme marques-griffe car elles servent à garantir la fiabilité, la qualité et l'origine de produits ainsi que la compétence des concepteurs et des fabricants. Par exemple, Cardin soutient autant la mode, l’art, la gastronomie et l’art de vivre avec Maxim’s, que l’évènementiel.23

- la marque corporate : Elle est une mise en scène de l’entreprise. Au contraire de cette dernière, son rôle est moins de vendre que de « se faire des alliers » comme le dit si bien Muriel Humbertjean, directrice générale adjointe de TNS Sofres. Dans une interview24, elle essaie d'en expliquer l'importance en montrant que seule la marque corporate peut répondre à l'ensemble des

21 Site des professionnels du marketing/ Définition du glossaire du/ e-marketing.fr /en partenariat avec l’Encyclopédie du marketing de LEHU Jean-Marc, Eyrolles /consulté le 2 avril 2010. 22 IBID

23 http://www.pierrecardin.com

24 http://www.dailymotion.com/video/xchpek_la-marque-corporate-est-elle-morte_webcam

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publics. Elle ajoute également : « Les gens ne s'intéressent plus qu'aux produits mais aussi aux conditions dans lesquelles ce produit a été conçu et fabriqué. Les entreprises doivent donc apprendre à mieux articuler marques commerciales et corporate, assumer le développement durable et enfin apprendre à composer avec les marchés financiers. » LVMH est la marque corporate par excellence en France.

« En ligne depuis 1998, Lvmh.fr a fait l'objet d'une refonte complète en juillet 2002, graphique, ergonomique et éditoriale.[…] Un effort particulier a porté sur la visibilité des marques du groupe : actualisation régulière des pages d'accueil et des actualités produits, adresse des sociétés mères et de chacune des filiales dans le monde, et liens vers les adresses Internet de chacune. Lvmh.fr joue ici un rôle d'aiguillage vers les sites de marque. Pour cultiver "l'attachement au groupe via les marques", explique Evelyne Renard, un magazine dédié exclusivement à l'actualité et à l'événementiel produit a été mis en ligne, relayé par une newsletter. Créée fin juillet 2004, elle enregistre près de 500 nouveaux inscrits par mois dans plus de 80 pays. Le taux de clics de la dernière newsletter, envoyée mi février à 4.000 abonnés, a atteint 47 %.25 »

La marque corporate joue un rôle tampon face à la marque commerciale. L’élaboration d’un site web avec une rubrique dédiée à cette relation est donc un choix judicieux. L’important est de rendre le plus transparent possible les recompositions récentes :

« Le rachat de PME indépendantes liées à des marques prestigieuses a permis la constitution de groupes nouveaux pluriproduits et internationaux. Les synergies réalisées ont permis aux principaux groupes (LVMH, PPR et Richemont) de s’adapter aux évolutions du marché et des comportements des consommateurs. Derrière les combats médiatiques, comme celui autour du rachat de Gucci, se joue en fait une recomposition financière et industrielle de grande ampleur tant certains secteurs du luxe constituent des domaines fortement bénéficiaires.26

Le dernier exemple illustre bien la dynamique actuelle qui répond en fait aux aléas de la conjoncture. Les gains liés aux échanges internationaux se sont figés à la suite de deux évènements qui ont inversé la tendance : la guerre du golfe, et le 11 septembre 2001. Par exemple, une étude de la COFREMCA et le CCA, RISC SOFRES démontre la chute des flux

25 Article du site Le journal du Net, « LVMH.fr le changement dans la continuité », LEVEQUE Emilie, le 2 mars 2005, consulté le 02 avril 210.

26 CHATRIOT Alain, Entreprises et histoire ESKA, La construction récente des groupes de luxe français : mythes, discours et pratiques, I.S.B.N.2747212526, 208 pages, p. 143 à 156

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touristiques, surtout pour le Japon. 27

Dès le XIXe siècle l’innovation technologique pousse le secteur du luxe à se démocratiser et à se rapprocher du fonctionnement de n’importe quelle autre grande industrie. Jean Castarède décrit la position ambivalente du luxe à cette époque :

« Dès 1948, tout en conservant leur activité artistique vouée au vrai luxe, à celui de l'exceptionnel, celui du hors série, et du sur mesure qui satisfait de grands bourgeois fortunés et les expositions universelles, les créateurs d'objets d'art avaient développé le "demi-luxe" sous forme de séries d'objet de qualité à moindre prix. Ce sont les accessoires. »28

Le présupposé selon lequel Internet a un effet négatif sur le luxe du fait de ses répercussions en termes de démocratisation, ne fait en réalité que soulever un débat plus ancien. Ce secteur a les moyens financiers et les capacités artistiques, culturelles pour dépasser ce type de contradiction. En élargissant sa clientèle, il a complexifié sa définition. Déjà, plusieurs branches du luxe naissaient, et décomposaient par là même la définition connue du luxe. Cependant, l’extension sur des domaines plus nombreux doit à mon avis être interprétée de façon positive puisque cela signifie que le luxe parvient à évoluer en fonction du mouvement et des tendances de chaque période. Le passage du XIXe au XXe siècle montre une adaptation du concept de rareté du luxe. L’industrialisation de ce secteur doit abandonner le concept classique de rareté pour se tourner vers l’innovation. Si la rareté ne se situe plus dans l’unicité de l’objet car celui-ci est produit en série, elle peut néanmoins jouir des évolutions technologiques et profiter des apports de la techniques pour améliorer ses moyens de fabrication et de distribution. C’est ce que je souhaite démontrer dans la partie suivante.

27 CASTAREDE Jean, Le Luxe, Que sais-je ? 2007, 128 pages, p.72 28 CASTAREDE Jean, Histoire du luxe en France, Des origines à nos jours, Marsat, Eyrolles, 2007, Partie 3, « Le 19eme siècle et le luxe bourgeois », chapitre 8, « le luxe au XXe siècle : entre démocratisation et innovation »

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B. L’industrie du chic à l’épreuve de la rareté

Si tout ce qui est chic est cher, alors est-ce que tout ce qui est rare est cher ? L’émotion est souvent fondée sur le sentiment d’exclusivité, de rareté que procure la possession ou la consommation des objets exceptionnels. Le périmètre du secteur du luxe reste assez imprécis et la définition peut être à géométrie variable, mais les intervenants du secteur communiquent tous, à des degrés différents, sur la notion de rareté. Jochen Zeitz, CEO de Puma l’a explicitement revendiqué fin 2003 dans le magazine économique suisse Bilan lorsqu’il déclare : « les chaussures Puma ne devraient pas se vendre à chaque coin de rue, elles doivent être rares ».29 Mais cette quête de la rareté ne contredit-elle pas les impératifs de croissance suscités par des actionnaires qui, notamment dans le domaine du « nouveau luxe », veulent rentabiliser leurs investissements ? Surtout depuis que l’industrie est en partie contrôlée par des groupes de luxe comme LVMH avec Vuitton ou Dior, Richemont avec Cartier ou Dunhill, PPR avec Gucci ou Boucheron qui ne cachent pas leur souci de valorisation de leur cours boursier.

« En 2007, toutes les marques du groupe LVMH devraient gagner de l'argent. C'est du moins l'objectif affiché en marge de la présentation, hier soir, des résultats 2006 du numéro un mondial du luxe. Dans un souci d'équilibrer ses activités et ses profits, le groupe cherche à pousser la rentabilité de chacune de ses quelque soixante marques. Déjà, les quelques « moutons noirs » des analystes financiers ces dernières années ont commencé à faire leurs preuves. […] Il s'agit ainsi de prouver le succès de la stratégie de groupe multimarques initiée par Bernard Arnault dans les années 1990. À moyen terme, l'idée est de trouver des relais de croissance et de profits capables de diminuer la dépendance du groupe à l'égard de sa vache à lait Louis Vuitton qui rapporte encore grosso modo la moitié du résultat opérationnel. »30

La notion de rareté a plusieurs dimensions ; pour les uns, elle se traduit par des produits chers composés de matières premières précieuses ou peu accessibles. Récemment, la notion de rareté est devenue plus virtuelle, reposant sur des pratiques telles que les séries limitées, la distribution sélective ou encore les relations publiques, l’évènementiel, à l’instar de Breitling avec son tour du monde en ballon. Voici l’anecdote :

29 CATRY Bernard, Revue française de gestion, no171, Lavoisier, Cachan, 2007, article « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare? » pp. 49-63 30 Article du site Le Figaro, « LVMH pousse la rentabilité de ses petites marques » par COLLOMP Florentin, le 15 octobre 2007, consulté le 30 mars 2010

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« La Fédération aéronautique internationale parraine cette entreprise extravagante et en fixe les règles. Il s'agit de parcourir d'un trait au moins 26 700 kilomètres - les deux tiers de la circonférence de la planète - en franchissant tous les méridiens, sans moteur à bord.

Six équipes sont en lice, avec six ballons différents et six stratégies distinctes.[…] Deux candidats milliardaires, Richard Branson, le flamboyant patron de Virgin, et Steve Fossett, le roi du béton canadien, partis tout fiers de Marrakech, sont déjà tombés avec leur nacelle dans la mer. »31

Tandis que l’évènement apparaît marquant par sa grandeur, il révèle également la rareté technique des montres Breitling. La marque allie la fabrication de montres et d’instruments de précision pour l’aviation mondiale.32C’est autour de ces différents axes que se construit la partie suivante. Elle suit une perception linéaire de la rareté, c’est-à-dire en allant du sens conventionnel et large du terme ; puis j’aborderai la rareté technologique, pour enfin explorer les nouveaux contours de la rareté virtuelle.

a. De la rareté naturelle à la rareté virtuelle : la fin de la rareté ?

Voici la définition de la rareté proposée par le dictionnaire le Littré :

« Petit nombre, petite quantité, par opposition à abondance. La rareté de l'argent. La rareté des hommes après une longue guerre. »

31 Article du site L’Express.fr, « Le tour du monde en ballon » écrit par MONIER Françoise, publié le 14 janvier 1999, consulté le 02 avril 2010. 32 DEQUEANT Frédéric, GARNIER Stéphanie, Dossier Analyse Marketing Cartier, 2004- 2005, document PDF : « En 1884, Léon Breitling ouvre à Saint-Imiez, dans le Jura suisse, un atelier spécialisé dans la fabrication de chronographes et de compteurs de précision pour les sciences et l’industrie. En 1936, Breitling devient fournisseur officiel de la Royal Air Force. C’est le début de la grande coopération avec l’aviation mondiale.

En 1976, Ernest Schneider (pilote, fabricant de montres et spécialiste en microélectronique) reprend la marque Breitling de Willy Breitling, petit-fils du fondateur.

Plusieurs de ses modèles, tels la Navitimer et le Chronomat, sont devenus des objets-cultes pour les pilotes du monde entier.

La marque s’est spécialisée dans les « instruments de poignet » fiables et performants, conçus pour les professionnels les plus exigeants. Ses chronographes, qui répondent aux plus hauts critères de robustesse et de fonctionnalité, et sont tous équipés de mouvements certifiés chronomètres par le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC), la plus haute référence en matière de précision et de fiabilité. John Travolta est l’égérie de Breitling. »

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Cette définition relativement simple de la rareté correspond bien aux critères traditionnels du luxe.

« A l’origine du luxe, la rareté naturelle se fonde sur la faible disponibilité de certaines matières premières, de composants ou même de capacité de production. C’est le cas de la joaillerie avec les métaux précieux, ou encore des vins et spiritueux avec la limitation naturelle de la talle des vignobles ou des conditions climatiques. Une politique de rareté naturelle à l’intérêt évident de générer un puissant avantage concurrentiel si l’entreprise peut sécuriser ses approvisionnements. Il s’ensuit que le succès d’une telle politique repose autant sur l’aptitude à négocier et établir des relations à long terme avec des fournisseurs de matériaux précieux, en amont, que sur la capacité marketing de convaincre le consommateur, en aval. » […] « La rareté naturelle relève du caractère provisoire ou partagé de l’indisponibilité de certains matériaux qui avaient pu, à l’origine, construire l’exclusivité d’un produit de luxe. […] La pénurie des composants est l’attribut de l’industrie, pas de l’entreprise qui doit donc en partager les bénéfices avec ses confrères. Cette pénurie est donc une condition nécessaire mais pas suffisante pour sécuriser les marges des maisons concernées. Le défi devient, comme le tente DeBeers dans les magasins qu’il gère avec LVMH en associant régulièrement le cuir aux diamants, de faire en sorte que la marque ajoute quelque chose à la rareté générique du secteur. » 33

Un exemple de rareté classique est Dormeuil. Le spécialiste des draperies de luxe déniche des matières rares et exceptionnelles qui s'adressent au gratin des tailleurs ainsi qu'aux spécialistes de la mode masculine de grand luxe. En 2008, ce fut le Royal Qiviuk _ une matière provenant de la fourrure intérieure du bœuf musqué, animal du grand nord canadien _, vendu 1840 euros le mètre. Ses fibres courtes et fragiles, récoltées à la main par les Inuits, étaient mélangées à la laine super 200s et à du cachemire.34

Dans une interview pour Monsieur, « le magazine de l’homme élégant » des mois de septembre-octobre 2004, Yann Moix dit : « Quand je vois des mannequins de chez Givenchy, j’ai l’impression que c’est des inaccessibles qui portent de l’inabordable ». 35Cet homme à tout faire de la culture, à la fois réalisateur (Podium, 2002) et écrivain (son premier roman, Jubilations vers le ciel, reçoit le prix Goncourt du premier roman et le prix François Mauriac de l'Académie française en 1996) montre bien que quelle que ce soit sa position dans la société (homme de

33 IBID 34 BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages, p125 35 AURAY Nicolas, GENSOLLEN Michel, Internet et la synthèse collective des goûts, PDF, 2007, 22 pages

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talent, reconnu, médiatique), personne n’échappe à la fascination que la rareté exerce. Les marques l’ont bien compris.

Elles continuent donc à cultiver le sentiment de rareté, d’autant plus que cela leur permet d’augmenter leurs tarifs et leurs marges. Les sociétés suivent une stratégie qui consiste à restreindre la distribution de certains produits dans le but de créer artificiellement une survaleur selon le principe que « ce qui est rare est cher ».

« Elles cherchent constamment à convaincre leurs publics, quitte à monter en gamme : Cartier a réduit le nombre de ces références dans sa ligne « Must », diminué le nombre de ses points de vente en particulier chez les opérateurs « Duty free », et lancé un département « Private collection » pour les montres de prestige. Gucci a créé une série de sacs et de chaussures sur mesure. Les clientes peuvent choisir le style, la couleur et le type de cuir de ces objets pour un prix relativement élevé. »36

Pourtant, l’extrait du document de Bernard Catry montre également que les marques ont pour mission de reconquérir le sentiment de rareté. La notion connaît aujourd’hui une large complexification de son sens. Elle implique désormais plusieurs paramètres telle l’augmentation de l’accessibilité aux biens et services partout dans le monde ; de façon tangible, de par la métamorphose des circuits de distribution, et de manière intangible, grâce à Internet. Ainsi, on constate un double phénomène : l’abandon de la rareté du fait de la désintermédiation des produits via Internet et l’exigence de plus d’information de la part du consommateur, dont résulte une plus grande transparence et visibilité des marques et des produits en général.

La qualité passe en effet par la connaissance et le savoir associé au produit. En effet, qu’appelle-t-on aujourd’hui « luxe » ? Les auteurs d’un ouvrage de marketing affirment :

« Par construction le luxe, étant réservé à une élite, est dès l'origine rare. Rareté et luxe sont donc consubstantiels. A partir du moment où le luxe se démocratise, s'il perd son attribut de rareté, il se sépare de son essence et risque de devenir vulgaire. 37»

Or, Internet a enrichi le débat dans la mesure où il est un réseau informatique et un média

36 CATRY Bernard, Revue française de gestion, no171, Lavoisier, Cachan, 2007, article « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare? » pp. 49-63 37BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages, p260 « La distribution doit gérer la rareté »

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mondial qui rend accessible au public de multiples services, parmi lesquels le World Wide Web. Grâce au protocole de communication IP (Internet protocol), il favorise donc également l’accès aux choses les plus rares. Par exemple, la connexion au réseau rend possible la commande en ligne, et nombreux sites, notamment ceux de luxe, en profitent pour détailler les qualités du produit. De plus, bien que l’information soit accessible partout, la notion d’effort n’est pas perdue. La recherche sur Internet est presque aussi longue que dans des livres. Malgré l’ouverture sur de grandes possibilités nouvelles, Internet est aussi perçu comme un média qui participe de la dépréciation de la rareté. Pourtant, la qualité de l’information existe. La rareté naturelle s’affaiblit et devient une valeur trop incertaine pour être soutenue par les nouveaux entrants dans le secteur, qui se tournent d’avantage vers une mise en valeur d’une image de rareté et d’exceptionnel par le biais de campagnes de publicité.

b. le mass luxury

Aux antipodes de la rareté, la démocratisation du luxe atteint son paroxysme à travers le concept de la "mass luxury".

Ainsi, aborder la notion de rareté implique une analyse de la redéfinition du périmètre du luxe de nos jours :

« Certains acteurs en proposent une version relativement inaccessible : haute couture avec Chanel ou joaillerie avec Boucheron par exemple. D’autres élaborent des produits valorisants mais moins exclusifs : montres Tissot ou stylos Mont-Blanc par exemple. Certains commercialisent des sensations et des plaisirs accessibles, à l’instar des cosmétiques Estée Lauder ou du champagne Mercier. Enfin, chaque année voit apparaître de nouveaux entrants dans le secteur qui, jusqu’à présent été perçus comme exclusivement « mass market » et souhaitent désormais monter en gamme. C’est le cas de Starbuck dans le secteur des cafés, de Ben & Jerry ou Haagen-Dasz pour les glaces, […] marques qui témoignent de l’émergence d’un « nouveau luxe », ou du « masstige » selon l’odieux néologisme à la mode. Ces objets sont bien plus accessibles que ceux du luxe traditionnel, mais moins que ceux proposés au grand public. Bien que leur stratégie repose sur les grands médias et la distribution moderne, ces produits prétendent eux aussi à une image d’exceptionnalité, même relative. »

Il faut souligner l’existence de ces catégories émergentes dont on doit tenir compte si l’on veut avoir une vue exhaustive de la conception du luxe au XXIe siècle. La citation exprime la multiplicité dans la manière de concevoir le luxe et la rareté.

Le dernier aspect suggère les possibilités de transfert entre les différents secteurs de

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consommation et permet d’identifier un mouvement général qui tend à l’horizontalisation des usages et pratiques, c’est-à-dire que l’on passe plus facilement d’un goût à un autre, d’un secteur à un autre :

« La frontière entre culture populaire et culture savante aurait tendance à se brouiller. De nombreuses enquêtes montrent l’apparition dans les normes de bon goût d’un éclectisme culturel, le dominant serait devenu culturellement omnivore, et l’omnivoracité serait même devenue une norme de bon goût (par opposition à l’ancien exclusivisme snob). L’édification des frontières symboliques se déplace des objets culturels vers les attitudes, la manière de consommer : le même produit culturel fait plus facilement l’objet de plusieurs lectures simultanées. Aujourd’hui, ceux qui ont adhéré sous l’étiquette "rock and roll" aux styles populaires de musique dans leur jeunesse, y compris aux styles de danse afro-américaines, ont conservé cet engouement à l’âge adulte : ils composent ainsi "la génération Woodstock" et cessent de se normaliser sur une échelle unidimensionnelle. Ils ont des goûts dissonants. »

La dernière partie de la citation fait référence à l’émergence de la contre-culture aux Etats-Unis dans les années 1960.38 Face à la guerre du Vietnam et à une baisse de confiance dans le pouvoir en place, le peuple américain est en proie à un véritable désenchantement de ses valeurs autrefois si solides. Mais dans le creux de la vague, une nouvelle culture apparaît, elle est issue de l’histoire du multiculturalisme aux Etats-Unis, ainsi qu’à la montée de la contestation qui s’établit peu à peu comme nouvelle valeur. Pourtant, la contre-culture va elle aussi venir envahir la culture de masse. Par exemple, Elvis Presley qui incarnait le rock et la rébellion, devient rapidement un emblème pour les foules. Ses disques sont vendus à des millions d’exemplaires. Bien sûr l’invention du disque microsillon facilite sa diffusion au large public. On peut présumer la même chose avec Internet. Si j’ai laissé entrevoir le rôle d’Internet comme nouveau média de communication, de marketing et même de distribution dans la fin de la rareté, il faut également étudier les répercussions des innovations sur l’avenir du luxe.

c. la rareté technologique

Les apports des nouvelles technologies sont si rapides et impressionnants quelles constituent des raretés à elles-seules. Loin de la tradition et de l’héritage, qui sont pourtant des valeurs chères au luxe traditionnel, la technologie est en train de devenir une denrée rare pour le luxe ! On peut

38 Pour plus de renseignements à ce sujet, consulter : KASPI, André, Les Américains, tome2 : Les Etats-Unis de 1945 à nos jours, Seuil, Paris, 2008, p344à 761 

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même dire que les deux univers sont inextricables :

"Le luxe étant à la fois intemporel et actuel, doit toujours mêler tradition et innovation, c'est même souvent lui qui est à la pointe de l'innovation, ses clients en étant friands et l'absence de la contrainte du prix le permettant : l'innovation est toujours coûteuse au début."39

D’après la citation, la notion de luxe contient une valeur de dépassement et de renouvellement qui implique qu’elle s’articule parfaitement avec les nouvelles technologies. En se tournant vers le passé, on s’aperçoit que c’était le cas dès l’entrée des nouvelles technologies au cœur de la société :

« Fondé en 1925 par deux ingénieurs Danois, B&O s'est toujours voulu à la pointe du design et de l'innovation technique. Jusque dans les années 70, le succès a été au rendez-vous : les produits étaient à la fois des objets au design exceptionnel (entrée au MOMA) et des produits à la pointe de la technologie. »

De par le côté fascinant, et au-delà de toute logique rationnelle (le travail sous-jacent semble incommensurable à l’échelle d’un individu) chaque invention est susceptible d’enrichir l’aspect d’un produit luxueux. En effet, être à la pointe du progrès c’est se permettre une complexité technique maximale. Ce critère entre en jeu de la phase de conception, réalisation par un maître d’œuvre, à celle de l’appropriation par l’usager. Le savoir-faire de fabrication, le processus de commercialisation, la capacité d’atteindre des niveaux exceptionnels de qualité sont importants. Par exemple, Valmont utilise des plantes de montagnes pour produire en Suisse des cosmétiques de haut de gamme. Leur rareté est plus fondée sur la technologie de fabrication que sur la disponibilité des plantes elles-mêmes. Le techno-luxe permet donc un retour aux produits de haute qualité.

De surcroît, la finesse du techno-luxe est de pouvoir faire preuve d’une transparence absolue. Cela revient en fait à jouir pleinement du progrès, sans avoir à s'en préoccuper ! Certains objets utilisés au quotidien peuvent se transformer en vrais bijoux. C’est le cas du téléphone mobile Vertu de la marque du constructeur finlandais Nokia. C’est une division orientée luxe appartenant à Nokia, composée principalement de designers et d’ingénieurs. Le parti pris de ne pas attribuer le nom de Nokia est d’ailleurs un choix stratégique du constructeur, afin de délimiter la gamme

39BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages, chapitre 13 : Les business modèles du luxe, "Luxe et innovation permanente : le business modèle high-tech" p331

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luxe de Vertu. Par ailleurs, cette marque n’est pas distribuée au travers de « simples » magasins d’électroniques ou d’opérateurs téléphoniques, mais seulement par l’intermédiaire de bijouteries.

« La marque Vertu propose des modèles de très haut standing, notamment composés et/ou intégrant des matières ultra nobles telles la platine, l’or, le cuir, les diamants.

Les prix sont bien évidemment en conséquence puisqu’un modèle Vertu peut s’échanger contre plus de 30 000 euros (pour les modèles les plus coûteux). »40

Les lourds investissements en Recherche et Développement demeurent un handicap qui peut néanmoins être rattrapé si l’on s’efforce d’améliorer la structure des coûts. L’enjeu se reporte alors sur la productivité de la fabrication et le coût de revient de cette technologie. La rareté technologique repose alors sur l'utilisation d'ingrédients et processus de fabrication complexes et a pour résultat de limiter le volume des ventes.

« Si l’innovation technologique trouve un écho favorable sur le marché, la concurrence cherchera à suivre, annulant ainsi l’avantage acquis par la firme innovante si elle n’est pas protégée par un savoir exclusif ou des brevets. » 41

Le techno-luxe doit s’encadrer d’une législation adaptée à la précision et au savoir technique, mais ces problématiques rejoignent celles bien connues du savoir-faire artisanal du luxe traditionnel. La reconnaissance de l’inventeur ou d’un constructeur est pareille à celle du créateur dans l’univers de la mode par exemple.

Un des enjeux pour réussir à se distinguer par l’innovation est de maîtriser parfaitement les moyens de production. En voici un exemple :

« La Trilogie des Grands Crus domine la gamme des champagnes Moët et Chandon maintenant que Don Pérignon est devenue une marque plus indépendante dans la société. Alors que la plupart des champagnes sont élaborés à partir d’un mélange de récoltes dans la région, la Trilogie repose sur un seul prestigieux cépage pour chacune de ses trois appellations : les « Vignes de Saran », « Les Champs de Romont » et « Les Sarments d’Ay ». Seules quelques 15000 bouteilles de chaque vin sont commercialisées, uniquement par l’intermédiaire de restaurants prestigieux : une innovation de production porteuse d’image. »

40 Site Génération Nouvelle Technologie, Article « Vertu, la division luxe de Nokia : demande très élevée » par Laurent T. , le 18 août 2006, consulté le 17 avril 2010  41 CATRY Bernard, Revue française de gestion, no171, Lavoisier, Cachan, 2007, article « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare? » pp. 49-63

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Si l’on est ici loin des enjeux liés aux nouvelles technologies, on peut penser que la production de champagne requiert tout de même un savoir singulier. C’est l’expression d’un terroir allié à la finesse d’une production d’exception. On peut dire qu’il existe un parallèle entre les technologies de pointe et les exigences de qualité et d’innovation requises par le luxe. En outre je pars du présupposé que nos envies et la quête du plaisir est une expérience de plus en plus individualisé. La contrainte de la rapidité d’acquisition et la volonté de plus d’information de la part des consommateurs laisse présager un avenir tourné vers les apports d’Internet et ses services.

D’après certains le sentiment de rareté est bafoué par Internet. Voici un résumé des présupposés communs auxquels on rattache le luxe :

« La diffusion perçue tue le rêve via la perte d'exclusivité, donc la perte du ressort social du luxe, et de la tension du désir de l'autre. Il faut donc réduire la diffusion, accroître les obstacles à l'accès à la marque. Cela passe d'abord par la hausse forte des prix : elle fait le tri entre les vrais et faux clients du luxe, ceux qui cherchent du sens et ceux qui consomment du signe, aujourd'hui de cette marque, demain de telle autre, en fonction des modes. Cela passe aussi par une réduction de la distribution, la hausse de la sélectivité, des exclusivités offertes aux clients, etc. »42

De mon point de vue, je retiendrai que c’est finalement l’expérience du luxe qui compte. Alain Etchegoyen, « un château Yquem n’est ni inabordable, ni réduit à un seul exemplaire, mais la bouteille, la robe, l’étiquette, la concentration qu’il exige en dégustation, l’imaginaire, le sucre, le soleil, l’invasion du palais, toutes ces sensations disent le luxe ». On peut se procurer à sa guise une bouteille d’un grand nom de domaine via Internet, mais cela ne remet pas en question la qualité du produit commandé, qui reste détenteur de tout son charme. L’expérience vécue avec et grâce au produit (de par sa qualité de fabrication, etc.) reste prioritaire. En l’occurrence, Internet facilite cette expérience.

42 BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages, Chapitre 6 : Développer le capital de la marque "Construire et préserver le rêve", p168

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C. Le rêve agrégateur d'Internet et du luxe

Dans une conférence de Presse, Georges Pompidou aura une de ces formules qui marquent cet exercice toujours très attendu :

« Chère vieille France… La bonne cuisine… Les Folies Bergère… Le gai Paris… La Haute couture, les bonnes exportations… Du Cognac, Du Champagne et même du Bordeaux et du Bourgogne… » Puis après un court silence durant lequel il remue le doigt en signe de négation, il ajoute : « C’est terminé ! La France a commencé et largement entamé une révolution industrielle ! ».

Car la France de Pompidou, c’est la France qui met en projet le TGV en 1974 peu de temps après la mort du président, la filière Airbus, le programme Ariane, le supersonique Concorde, le nucléaire civil dynamisé après les chocs pétroliers. Cette époque a bouleversé l’imaginaire et la symbolique d’un objet de luxe. Du rang de sacré il s’est aligné au banc du consumérisme et est devenu un simple objet en série.

Pourtant l’homme continue de vouloir du rêve, et se projette dans des univers qui assouvissent son désir d’individualité. A ce sujet le sociologue Gilles Lipovetsky écrit :

"N’ayant plus foi en un avenir qui serait mécaniquement meilleur et plus juste, il reste pour les individus, l'espoir d'un mieux être, la fête des sens, l'attente des beautés qui nous sortent de la grisaille du quotidien. Le luxe n'est plus la part maudite, mais la part du rêve, de l'excellence et du superlatif dont l'homme a besoin."

Selon une étude de la "société Ipsos France" sur les hauts revenus 2005, le luxe serait avant tout associé à un plaisir personnel (55%) destiné à éviter une forme de désœuvrement. Le luxe interviendrait comme une alternative à l'oisiveté, comme un divertissement au sens pascalien.43 Selon Pascal, le divertissement revient à se détourner de sa solitude car se retrouver seul face à soi-même a un côté inquiétant :

« Le silence des espaces infinis m’effraient. »

Ainsi, il est commun de retenir deux lectures différentes sur le luxe. D’une part, certains ont un regard péjoratif sur l’univers du rêve cultivé par le monde du luxe car ils croient au présupposé que cette réalité autre vise à nous faire croire que posséder des biens participent au bonheur. D’autre part, l’onirisme intrinsèque à l’image du luxe peut devenir créatif et novateur lorsqu’il est

43 CASTAREDE Jean, Histoire du luxe en France, Des origines à nos jours, Marsat, Eyrolles, 2007, 377pages, partie III « Embourgeoisement et démocratisation du luxe », chapitre 8 « Le luxe du XXème siècle entre démocratie et innovation », p357

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conjugué à l’univers virtuel d’Internet.

a. Le rêve impossible sans la notoriété

Pour faire rêver leur client, les plonger dans un univers à part, singulier, qui les sort de leur quotidien, les marques doivent cultiver une image du succès. Leur réputation et leur notoriété doivent être connues de tous. Les grandes maisons ont la possibilité de mettre au service de la création des moyens largement supérieurs à ceux dont disposent de petites entreprises. Tout le monde ne peut pas miser trois, cinq ou dix millions de francs sur tel ou tel niveau de création. De plus, la création peut prendre du temps : certaines entreprises ne prennent que six mois pour concevoir un parfum, mais Hermès va prochainement mettre en vente un nouveau parfum masculin qui est en préparation depuis sept ans. Il faut avoir les moyens d’attendre ! Etant donné que la médiatisation est essentielle à la notoriété, Internet joue désormais un rôle fondamental dans la diffusion de cette image. Il favorise donc le rêve. Il permet une notoriété à faible coût et avec une grande qualité d'exécution. En effet, pour une petite marque, un site très qualitatif constitue un renfort considérable de la stratégie de "buzz". Le premier principe des outils de buzz est d’être collaboratif :

« Le buzz c’est une nouvelle approche du marketing. C’est tout simplement le « bouche à oreille », le média le plus puissant du monde. On l’appelle plus communément « buzz », qui signifie bourdonnement en anglais. Le message sera diffusé par les internautes eux-mêmes. L’effet du message est donc décuplé, l’utilisateur devient un leader d’opinion. »44

De fait, ce sont d’excellents détecteurs de tendance. Wikio 45par exemple est un portail d’informations qui fouille dans les sites de presse et dans les blogs pour trouver l’actualité qui vous intéresse. Il existe donc une partie « presse » et une autre qui permet de connaître les blogs intéressants sur tout type de thématique ou secteur d’activité.

Cependant, la renommée d’une marque peut se retourner contre elle-même. Parmi les grandes marques nombreuses sont victimes de la contrefaçon. C’est notamment un des risques encourus

44 Glossaire « Luxe, web et nouvelles technologies »

45 http://www.wikio.com il existe différentes éditions de Wikio dans le monde

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par Internet.

"Sur EBay, beaucoup d'offreurs vendent en réalité des contrefaçons : c'est pourquoi les marques ayant signé le protocole vero peuvent faire supprimer de ce site des offres dont la provenance n'est pas assurée. LVMH a obtenu une sévère condamnation d’eBay pour la vente de produits Louis Vuitton contrefaits en juillet 2008. Chose intéressante, le préjudice a été calculé à partir de nombre de clics et du manque à gagner en royalties si ces produits avaient été authentiques."46

C’est également le résultat de la large médiatisation du luxe et de sa tendance à la démocratisation. Le phénomène des stars illustre bien cette tendance à la médiatisation et la démocratisation du luxe. Edgar Morin propose une réflexion intéressante sur le rapport que l’on entretient avec elles.

« Comme tout culte spontané et naïf mais entretenu par ceux qui en profitent, le culte des stars s’épanouit en fétichisme. L’amour impuissant veut se fixer sur un fragment, un symbole de l’être aimé, à défaut de sa présence réelle, par exemple les photographies, présences-fétichistes universelles du XXe siècle.47 »

« En outre, la star marchandise ne s’use ni ne se dépérit à la consommation. La multiplication de ses images, loin de l’altérer, augmente sa valeur, la rend plus désirable. Autrement dit, la star demeure originale, rare, unique, lors même qu’elle est partagée. Très précieuse matrice de ses propres images, elle est ainsi une sorte de capital fixe. […]La star est comme l’or, matière à ce point précieuse qu’elle se confond avec la notion même de capital, avec la notion même de luxe (bijou) et confère une valeur à la monnaie fiducière. » […] Elle est aussi comme des produits manufacturés dont le capitalisme, devenu industriel, assure la multiplication massive. Après les matières premières et les marchandises de consommation matérielle, les techniques industrielles devaient s’emparer des rêves et du cœur humain : la grande presse, la radio, le cinéma nous révèlent dès lors la prodigieuse rentabilité du rêve, matière première libre et plastique comme le vent qu’il suffit de former et de standardiser pour qu’il réponde aux archétypes fondamentaux de l’imaginaire. »48

L’image de luxe que nous renvoient les stars dans les magazines people sont effectivement des mini représentations qui peuvent servir de modèle pour certaines jeunes personnes influencées par des looks, des styles de vie, des paroles. L’invasion des célébrités, notamment sur le marché des cosmétiques est significative du désir de projection des individus. Les ambassadrices de

46 BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages, Chapitre 11 « Manager le rêve par la communication », "Contrefaçon et Internet" p 177 47 MORIN Edgar, Les Stars, Evreux, Editions du Seuil, 1972, 188 pages, « La liturgie stellaire » p83 48 IBID « La star marchandise » p100

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l’Oréal par exemple, sont l’incarnation d’un mode de vie, de valeurs ; elles apportent de la modernité au produit et génèrent de la projection. On observe donc à la fois une volonté de proximité avec le consommateur et d’offrir du rêve, du divertissement à une échelle plus collective via l’imaginaire que représentent les stars.

b. Internet et le rêve d’authenticité

Les marques de luxe ont le choix entre une communication forte s’adressant à un public assez large, ou une faible communication destinée à une élite. Néanmoins, on peut aussi dire que chaque objet luxueux réclame une communication particulière et abondante.

L’univers du luxe oscille entre deux tendances : la tentation de l’ostentatoire et celle d’un luxe plus culturel, valeur d’accomplissement de soi. Aujourd’hui il est clair que l’affirmation du luxe comme signe extérieur de richesse a perdu sa superbe. Depuis plusieurs années déjà, la communication des marques de luxe utilise la sociologie et l’éthique. Le luxe est désormais fondé sur l'épanouissement de l'être, à la fois moral, physique et spirituel. Ce n'est plus un objet (comme avant) mais une nouvelle manière d'être comme l’exprime cette citation de Jean Castarède :

« Nos aspirations profondes sont elles-mêmes liées au désir de luxe. L'homme, cet être insatisfait, poursuit en rêve un but inaccessible qui l'aide pourtant à progresser. Le luxe est aussi une forme de dépassement, source de progrès et donc incitation à obtenir d'avantage ou à être meilleur. [...] la créativité, l'innovation reposent sur cette volonté de l'homme d'aller toujours plus loin et de ne pas se contenter de la satisfaction

des besoins immédiats. »49

Le concurrent du luxe au XXIe siècle c’est la communication authentique, celle qui veut se rapprocher d’un savoir éternel.

"Les années 1980 ont été celles de l'argent facile, du clinquant, du frivole et parfois de l'imposture. Les années 1990 seront celles du retour au sérieux, au simple et à l'authentique. Le grand banquet matérialiste est terminé. Les consommateurs n'achètent plus pour la galerie. Tous les secteurs sont touchés : dans la publicité, la gastronomie, et même dans l'art ou la littérature, les français récusent le bluff et retournent aux vraies valeurs" 50

49 CASTAREDE Jean, Le Luxe, Que sais-je ? 2007, 128 pages, p8

50 IBID, Le Point, 16 novembre 1991, n°1000

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Jean Castarède exploite les résultats d’une étude de la COFREMCA pour montrer les métamorphoses dans le secteur. Le luxe met en avant la créativité et s’appuie sur le choix personnel guidé par une communication intelligente et de bon goût.

"Quelque chose a changé dans la tête des français. Moins capricieux, plus experts, plus exigeants, ils dépensent autrement, et recherchent des produits simples, pratiques51,

En amont, l'acte d'achat implique une connaissance, du goût, et un choix délibéré. En aval, on attend de lui un enrichissement au même titre qu’avec la culture. La consommation devient alors une sublimation.

51 IBID, n°2105

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PARTIE 2 : Marketing et image du luxe sur Internet  

 Après des débuts hésitants, les maisons de luxe se sont finalement positionnées sur la toile, pour y tisser leur univers virtuel et resserrer les liens avec une clientèle de plus en plus « cyberphile ». Comment les Maisons de luxe gèrent-elles leur image, leur distribution et leur relation clients à l’ère de la mobilité interactive ?

Dans cette partie on étude dans un premier temps le portrait de l’internaute du luxe afin de comprendre les enjeux sociologiques du goût, à savoir : est-ce que l’internaute peut avoir des goûts de luxe ? On croyait que les consommateurs de produits de luxe sont par essence des être privilégiés faisant partie d’une élite. Mais ces maisons de luxe ne permettent pas aux élites de faire vivre l’économie de luxe. C’est pour cela que les marques orientent leurs images et leur discours vers le grand public qui peut lui aussi faire parfois des excursions dans l’univers du luxe. Ensuite on évaluera les risques à prendre pour une maison de luxe à s'imposer sur la toile ainsi que les avantages du côté des annonceurs à communiquer via le web. La thèse avancée sera que les valeurs et moyens propres aux médias sociaux sont adaptés à la vente ou, du moins, à la visibilité d’une marque de luxe sur Internet, dans la mesure où le luxe peut aujourd’hui s’adresser à tout le monde.

A. Connaître le consommateur : les enjeux du webmarketing

Dès qu’il y a interchangeabilité, banalisation, destruction par la consommation, le luxe peut se heurter à un risque existentiel, c’est-à-dire à une consommation plus banalisée. Les deux termes ont un commun dénominateur comme la définition de Baudrillard : « on n’achète pas un objet mais un signe »52. On quitte l’univers matériel pour entrer dans l’univers symbolique. Et c’est cette osmose de l’un et de l’autre, cette interaction de l’un sur l’autre qui donne sa spécificité au luxe. Dans cette situation, comment se fait-il que les marques de luxe gardent leurs aspects d’inaccessibilité, de désir, de rêve, avec un taux de pénétration d’environ 60% ? Quand les

52 ECO Umberto, « Sémiologie des messages visuels », in Communications, n°15, Paris, Seuil, 1970, p.11-51

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marques de luxe arrivent à la production de masse, elles ne peuvent pas insister dans la même logique de marché. Donc ce secteur a changé de système, mais il est encore dans une logique très élitiste. Il est néanmoins vrai que la perception des marques de luxe évolue.

a. Portrait du consommateur du luxe sur Internet

Pour devenir un marché de masse, le luxe s’adapte à une nouvelle logique et passe à la vitesse supérieure en matière de connaissance de la clientèle. Dans Système de la mode, Roland Barthes explique que :

« La mode apparaît essentiellement – et c’est la définition finale de son économie – comme un système de

signifiants, une activité classificatrice, un ordre bien plus sémiologique que sémantique ».53

A cet égard, on peut parfaitement appliquer cette explication au luxe. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, leurs stratégies de marketing moderne se focalisent sur leur volet électronique. Les marques de luxe sont en mesure de mieux répondre aux attentes de leurs clientèles, elles utilisent leurs sites Internet pour créer un lien avec leurs clients, pour les tenir informés des nouvelles collections, des ouvertures de boutiques ou tout simplement de l’actualité de la marque.

« Votre adresse IP, les mots clés que vous avez saisis pour trouver le site de réservation, les sites que vous avez visités, votre destination, toutes ces informations ont été analysées pour déterminer quelle publicité pourrait vous intéresser… Avec le développement de la géolocalisation (fonctionnalités GPS incluses dans les téléphones couplés à un accès Internet), la publicité sera à l’avenir ciblée au plus près de l’internaute. »54

Ce qui a poussé les marques de luxe à développer un site moderne, ce n’est justement pas la notoriété de la marque, qui n’est plus à faire, mais bien son image. Certes, l’Internet est aujourd’hui encore un vecteur de modernité pouvant aisément contaminer favorablement la marque qui s’y présente. Le site Web induit de nouveaux comportements d’achat et amène de nouveaux consommateurs aux marques de luxe. Un site Internet, c’est d’abord une vitrine ouverte

53 EVERAERT-DESMET Nicole, La communication publicitaire : étude sémio-pragmatique, Louvain-la-Neuve, Cabay, 1984, 307p. 54 Article du site CNIL, Marketing ciblé sur Internet : vos données ont de la valeur, PEYRAT Bernard, le 5 février 2009, consulté le 26 novembre 2009

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24h sur 24, accessible partout dans le monde, visible par n’importe qui. Tout le monde peut rentrer dans cette boutique virtuelle.

Depuis plusieurs années, toutes ont pour cible les mêmes 18-25 ans et pour obsession le rajeunissement de leur clientèle et de leur image. Certes, le pouvoir d’achat et la puissance de prescription des jeunes augmentent. Ils consomment du luxe avec appétit, comme tout le reste, zappant volontiers d’une marque à une autre. Par ailleurs, les marques de luxe se présentent sur l’Internet, en comptant sur l’audience des jeunes générations riches qui utilisent les nouvelles technologies et sont de plus en plus attirées par les objets de luxe. Mais elles misent à présent aussi sur l’arrivée dans leurs boutiques de nouveaux clients qui auront effectué une visite préalable sur leur site Internet. De l’autre côté, les clients habituels ont aussi à leur disposition une information plus précise et connaissent donc mieux les produits. Ils peuvent aussi bénéficier de services particuliers.

En ce qui concerne les jeunes millionnaires sur Internet, citons une rubrique de CB News « spécial luxe »55 : « de jeunes millionnaires branchés sur Internet et animés par une furieuse envie de dépenser en ligne. Reste que du côté des maisons de luxe, on hésite à franchir le cap. Ils sont jeunes. Ils sont riches. Ils sont connectés. Millionnaires en euros et en dollars, ils ne demandent qu’à combler leurs besoins. Ils vivent dans des pays matures ou émergents et ont une valeur commune : l’épicurisme. Pas question donc de s’embourber dans des questions de délais ou de déplacement. Quoi de plus simple pour eux que de céder au plaisir d’effectuer leurs achats d’un simple clic, confortablement installés devant leur écran de PC ? Pour la marque Lancôme, la vente en ligne représente aujourd'hui 1 % des revenus de la marque de produits de beauté. Mais l'attitude et la confiance des clientes Internet évoluent, et Lancôme espère en tirer partie. 56

Du côté des grandes maisons, on hésite encore à franchir le pas de la vente en ligne. Ce n’est pourtant pas l’envie qui manque du côté des cyberconsommateurs. Pour preuve, aux Etats-Unis,

55 FAURE Blandine, « L’optimisation de l’impact des affiches publicitaires », in Ecrit, image, oral et nouvelle technologies, Actes de séminaire, 1993-1994, Sous la direction de Marie-Claude VETTRANO- SOULARD, Université Paris VII, p.54-67. 56 Site Journal du net, article « E–COMMERCE, Lancôme pense aux achats d'impulsion en ligne » par ARNAL

Philippine, le 22/06/2004

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ils seraient 91% de « nouveaux riches » à surfer régulièrement en ligne57. Mieux 76% se seraient déclarés prêts à acheter au moins un produit de luxe au cours de l’année 2002. Du côté européen, le chiffre n’est pas mal non plus. Il y a moins d’un an, ils étaient ainsi 48% à prévoir des achats haut de gamme on line dans les mois à venir58. Et contrairement aux idées reçues, les jeunes nababs du Net ne seraient pas plus difficiles à contenter que la moyenne des acheteurs : environ 90% d’entre eux seraient satisfait de leurs récentes acquisitions sur la Toile.

Comment se rendre compte alors des besoins de cette population désireuse de dépenser sur le Net ? Pour Simon Nyeck, professeur associé au département marketing de l’ESSEC, les sites de luxe doivent s’axer sur les exclusivités, le côté pratique et la facilité.

« Dans cette logique, il faut des rubriques précises, affirme le professeur de l’ESSEC. Les portails doivent aussi avoir un certain design et posséder des animations en 3D pour permettre aux visiteurs d’observer la

marchandise. » 59

Les marques tentées par l’expérience n’ont plus qu’à s’exécuter. Mais nul doute que la route sera longue avant que les jeunes internautes voient leurs attentes mercantiles comblées par la fée Internet.

Finalement on sait qu’il n’y a pas qu’une seule sorte de clients des marques de luxe. Le produit de luxe, parce qu’il n’est pas très inaccessible, est l’objet d’une très forte communication, et l’arrivée d’Internet va sans doute amplifier le phénomène. C’est la raison pour laquelle on parle si souvent de « démocratisation du luxe » au niveau de la communication. Dans cette situation de démocratisation du luxe, est-ce que le luxe peut être indépendant dans la société ? Quelles relations existe-t-il entre le contexte social et les marques de luxe ?

57 FLOCH Jean-Marie, « La génération d’un espace commercial », in Actes sémiotique – Documents, IX, 89, 1987. 58 FLOCH Jean-Marie, «Kandinsky : sémiotique d’un discours plastique non figuratif », in Communications, n°34, Les ordres de la figuration, Paris, Seuil, 1981, p.135-158. 59 FLOCH Jean-Marie, Identités visuelles, Paris, Presses Universitaires de France, 1995, 220p.

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b. D’où vient l’internaute du luxe ?

La question de l’origine sociale du consommateur de produits luxueux apparaît cruciale dans la compréhension des usages et pratiques liés au luxe sur Internet. Quelles sont les habitudes de consommation des internautes et sont-elles compatibles avec celles du luxe ? Longtemps, la thèse du sociologue Bourdieu selon laquelle l’individu est déterminé par sa classe sociale 60 a dominé la pensée sociologique en France. Bernard Lahire revisite les enquêtes et les théories développées par Pierre Bourdieu dans La Distinction : critique sociale du jugement pour mener une réflexion sur la compréhension sociologique des pratiques culturelles et, plus largement, des styles de vie. Il brosse le tableau de la situation culturelle considérée à l’échelle individuelle (en utilisant l’approche statistique et l’analyse de cent onze entretiens présentés sous forme de portraits). Il revient alors de manière détaillée sur les raisons principales des variations intra-individuelles : les mobilités sociales, scolaires ou professionnelles, les contraintes et influences relationnelles (celles des pairs, du conjoint(e), des collègues de travail), la baisse d’intensité de la croyance en la culture littéraire et artistique. Bernard Lahire montre que l’existence d’habitus culturels en tant que systèmes cohérents de dispositions, n’est pas ce qu’il y a de plus fréquent statistiquement. L’individu serait multidéterminé par des expériences sociales qui l’influencent tout au long de la vie.

« Les variations culturelles intra-individuelles dépendent de l’ensemble des petits ou des grands écarts culturels entre les différentes influences culturelles passées (plus ou moins fortement incorporées sous la forme de dispositions et de compétences culturelles) et présentes.61

De façon générale, on peut dire qu’Internet favorise la multiplication et la variété de nos achats, quelque soit notre classe sociale. L’essayiste français Gilles Lipovetsky nomme ce type de comportement le «turbo-consommateur » et le décrit ainsi :

60 BOURDIEU Pierre, La Distinction, critique sociale du jugement, Paris, Les Editions de Minuit, 1979, 670 pages, Chapitre 3 « La dynamique des champs », « La correspondance entre la production des biens et la production des goûts » p257 "L'accord qui s'établit ainsi objectivement entre des classes de produits et des classes de consommateurs ne se réalise dans les consommations que par l'intermédiaire de cette sorte de sens de l'homologie entre des biens et des groupes qui définit le goût : choisir selon ses goûts, c'est opérer le repérage de biens objectivement accordés à sa position et assortis entre eux, parce que situés en des positions grossièrement équivalentes de leurs espaces respectifs, films ou pièces de théâtre, bandes dessinées ou romans, meubles ou vêtements, aidé en cela par des institutions, boutiques, théâtres (de rive droite ou de rive gauche), critiques, journaux, et hebdomadaires, que l'on choisit d'ailleurs selon le même principe et qui, étant définies par leur position dans un champ, doivent elles-mêmes faire l'objet d'un repérage distinctif. » 61 LAHIRE Bernard, Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, 2006

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« Une mutation s’est opérée : dans le cadre de la société d’hyperconsommation, on n’achète plus nécessairement ce qu’achètent ceux qui nous sont proches socialement, l’éclatement des sentiments et des impositions de classe ayant ouvert la possibilité de choix particuliers et la libre expression des plaisirs et goûts personnels. Au « à chacun sa place » exprimant la primauté du groupe social, se substitue un principe de légitimité adverse : « chacun fait ce qu’il lui plaît ».62

Allant plus loin que Bernard Lahire dans son étude des modes de culture et de consommation, il pose le présupposé que :

« Dans la société démocratique d’hyperconsommation, chacun est enclin à prétendre à ce qu’il y a de meilleur et de plus beau, à porter ses regards vers les produits et marques de qualité. Tandis que les modes de socialisation n’enferment plus les individus dans des univers étanches, tout le monde considère avoir

droit à l’excellence et aspire à vivre mieux dans les conditions les meilleures. »63

La légitimité de l’internaute est totale et on note donc un engouement général pour l’idée que tout le monde peut prétendre à consommer du luxe.

On consomme d’autant plus de biens culturels au sens large du terme, que les réseaux d’échanges peer-to-peer permettent un vaste brassage des styles et des goûts. Dans le domaine de l’information et de la communication, l’évolution technologique a remis en cause le modèle légitimiste des goûts consonants. En effet Internet a abondamment contribué à rendre les préférences plus hétérogènes.

« La mise à disponibilité croissante, grâce à Internet, de contenus diversifiés a élargi le phénomène d’horizontalisation des goûts, comme l’illustrent les pratiques exploratoires d’échantillonnage culturel des adeptes des réseaux P2P. En donnant accès gratuitement, par le piratage, à des fichiers musicaux que les consommateurs n’auraient pas consommé sinon, Internet suscite même des ventes induites, et cet "effet de sampling" peut même contrebalancer l’effet de substitution du bien piraté au bien acheté. En permettant d’explorer de nouveaux goûts, de tester de nouveaux produits, Internet est ainsi constitutif d’un paradigme exploratoire et par conséquent de goûts plus dissonants. »64

Ainsi, on peut largement imaginer qu’Internet constitue un moyen fort pour les maisons de luxe de mettre en valeur de nouveaux produits sur le marché.

62 LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages, p128 63 IBID p52

64 AURAY Nicolas, GENSOLLEN Michel, Internet et la synthèse collective des goûts, 2007, 22 pages

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c. Plonger dans l’univers du consommateur

La personnalisation et l’intégration des marques dans le nouvel environnement participatif est dû au boom du « social networking » et à l’importance accordée au fait de gagner en proximité avec le consommateur. La marque doit réussir à créer un vecteur d’adhésion, que ce soit par le ludique, grâce à l’élaboration d’un discours personnalisé et non plus froid et corporate. Le site « Love Cartier » utilise la musique comme vecteur d’adhésion. La playlist qui vous est proposée semble spécialement choisie pour les amoureux. Ainsi, pour se rapprocher des attentes du consommateur, la marque propose également des publicités plus sincères qui jouent sur l’aspect divertissant et léger du ton de son contenu, tout en étant informatif. Cela a donné lieu au nom « advertainment », néologisme issu de « advertizing » et « entertainment ». Finalement l’objet est moins important que l’univers qui lui est associé.

Le principe est poussé à l’extrême lorsque le consommateur participe de l’univers de la marque. Il peut par exemple participer à l’élaboration de la politique produit ou de communication, que ce soit en amont ou en aval. L’interactivité qui opère alors, aura une forte influence sur la manière dont le consommateur va percevoir la marque et ses produits par la suite. Enfin, le consomm’acteur est de plus en plus sollicité lorsqu’il surfe sur les sites web de luxe.

.

B. Positionnement éthico-commercial des marques de luxe sur Internet

Il est intéressant de revenir sur le paradoxe sous-jacent entre luxe et utilisation de l’Internet comme vecteur marketing et publicitaire. A priori, le présupposé le plus massif serait de penser qu’Internet s’adresse au plus grand nombre alors que le luxe est par définition réservé à quelques privilégiés. Pourtant un phénomène général est que, de plus en plus, les marques assistent à une multiplication de leurs clientèles. On peut dire que c’est le résultat d’une politique de distribution sélective et contrôlée, mais aussi relativement ouverte et étendue. A cet égard, la stratégie de Cartier, joaillier et horloger montre comment il garde leur image de luxe en se démocratisant et en s'industrialisant. C’est lui qui a inventé, en 1973, le concept des « Must » : il s’agissait de décliner des produits de luxe destinés à la classe moyenne supérieure des pays industrialisés. Cela a très bien fonctionné : les gens se reconnaissaient à ces must et entre membres de la classe moyenne supérieure des pays industrialisés. Bien que l’industrialisation soit une caractéristique qui lie Internet et la

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démocratisation, la position des marques de luxe vis-à-vis de l’Internet reste délicate. Interrogé sur son rôle, Bernard Fornas, le PDG de Cartier International, répondait : "Je dois gérer la désirabilité de cette maison, il faut maintenir le ratio entre disponibilité et rareté." 65Et chaque maison semble adopter une attitude particulière. Pour la disponibilité, Cartier créa le concept des "Must". La haute joaillerie est là pour signifier et créer de la rareté en contrepoids.

Ainsi, nous tenterons d’étudier les dissymétries pouvant exister entre les valeurs et l’imaginaire véhiculés par les moyens de communication traditionnels (catalogue, boutique, …) et les sites web de quelques entreprises du secteur du luxe. Ceci nous conduira à partir de l’analyse des différents positionnements des marques sur le marché on line, que ce soit en termes de communication, de marketing ou de vente.

a. Une typologie des comportements variés sur le marché du luxe on-line

Les initiatives et les positionnements pris sur le marché du luxe on-line diffèrent. On peut néanmoins dresser une typologie des divers comportements observés :

• Les pionniers. Ce sont des pure-players multimarques dans les parfums ou accessoires. Les plus pérennes ont su gagner en taille grâce à une organisation cohérente, et parce qu’ils ont su créer un nouveau merchandising et une nouvelle relation client ;

• Les opportunistes. On trouve dans cette catégorie des maisons de luxe de taille suffisante pour risquer des investissements dans ce nouveau médium. Leur entrée précoce dans la vente en ligne s’inscrit dans une double logique : financière (valorisation boursière) et d’apprentissage. Le pari n’est pas encore gagné mais ils seront familiarisés avec l’outil Internet pour tirer profit du marketing on-line ;

• Les légitimes. Ce sont les distributeurs ayant une forte affinité historique avec le luxe (grands magasins, vépécistes). Ils développent la vente en ligne en cohérence avec leur métier traditionnel et disposent d’atouts naturels pour s’imposer sur ce nouveau médium ;

65 Air France Magazine, août 2007, p108

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• Les attentistes. Cette catégorie englobe les maisons de luxe qui attendent d’avoir vu valider les best practices pour entrer sur le marché. Ils ont à peine mis en ligne un site vitrine et ne sont qu’aux prémisses d’une stratégie internet. 66

On doit donc bien faire la distinction entre les sites officiels de marque et les sites internet de vente en ligne de produits de luxe de différentes marques. Le premier met le web au service de la communication, tandis que le second cherche majoritairement à attirer une nouvelle clientèle, plus jeunes. Dans tous les cas, l’enjeu reste de recréer l’univers du luxe sur Internet. Quels sont les codes qui permettent de se différencier des marques d’autres univers sur le web ? Pour résumer on peut dire qu’il est nécessaire d’avoir une qualité d’exécution irréprochable, des images de haute qualité et une créativité en adéquation avec l’image de marque. La qualité et la richesse des contenus et des services offerts doit être également en phase avec les attentes de la clientèle de luxe. Le site internet doit apporter autant de satisfaction et de plaisir à l’internaute que lorsqu’il visite un magasin. L’internaute doit vivre une expérience en visitant le site de la maison, pénétrer dans un univers unique reflétant les valeurs de la maison.

Internet est un média interactif qui permet d’établir des relations particulières avec chaque client. Cet atout est indispensable dans le commerce traditionnel de l’objet de luxe. Le contact se fait que ce soit par le biais d’un questionnaire du fournisseur, d’un commentaire laissé par le client, la possibilité de sélectionner les informations, de naviguer et de choisir un univers particulier pour visiter le site. Les avantages sont donc autant du côté de la marque que de celui du client. Ce dernier peut voir et se fournir des informations précises sur les produits, comme les références, dimensions, matières, couleurs disponibles, etc. La marque, elle, présente souvent des informations très formelles sur son histoire, le styliste ou couturier de la maison. Par exemple le site de Pierre Cardin permet en quelques visuels d’avoir une vue panoramique de son activité et de sentir l’époque rattachée à l’homme et la marque.67 La rubrique « le Créateur » lui est dédiée, mais celles nommées « Arts&Spectacles », « Mode&Design » ou encore « Maxim’s » proposent des informations sur les activités de la marque : défilé, spot télévisé, exposition… Les actualités

66 JEON Hyeong-Yeon, Analyse des sites web de marques de luxe, support publicitaire, marketing et identité des marques, thèse soutenue sous la direction de M. le professeur Jean-François TETU, Université Lumière-Lyon2, 2003

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sur les évènements liés à la marque sont disponibles sur «Evènementiel» ou « News ». Sur le plan du graphisme le site reprend à son compte les éléments phares du style des créations par Cardin. Il nous plonge véritablement dans son univers avant-gardiste.

b. La vente en ligne : le développement de e-boutiques

On a longtemps considéré Internet comme un média de masse à partir duquel le e-commerce s’articulerait autour d’une culture de la comparaison des prix et une politique de rabais. Pourtant, la vente en ligne peut constituer une grande opportunité pour une marque de luxe. Elle permet avant tout : de toucher une nouvelle clientèle, de fidéliser la clientèle existante, elle compose un canal de vente supplémentaire, elle permet de vendre à moindre coût, et enfin de moderniser son image.

Pour les sites de marques qui possèdent aussi des points de vente physiques, comme c’est très principalement le cas, l’e-shop permet d’ouvrir la porte à de nouveaux clients et les préparer à rentrer dans une boutique. L’enjeu pour les grandes marques comme Dior ou Hermès est d’éviter de cannibaliser leurs ventes en boutique.68 C’est aussi le cas pour les Galeries Lafayette.

« Annoncée il y a un an, la galerie marchande des Galeries Lafayette vient d'ouvrir ses portes. 3.000 produits de 55 marques haut de gamme sont en ligne. Le site vise 100 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015. […] Bruno Teboul, directeur du marketing Internet et de l'e-commerce : le site à pour ambition de présenter l'ultra frais en matière de mode et de tendance". 3.000 produits ont pour l'instant été mis en ligne, livrables en 48 heures partout en Europe et en 3 heures à Paris. »69

Bien qu’elles regroupent sous leur enseigne plusieurs grandes marques, les Galeries Lafayette reflètent toutefois la même volonté de ne pas présenter le même univers, ni les même produits qu’en magasin afin d’éviter la concurrence interne. Ils choisissent également de mettre en valeur leur service livraison car il est particulièrement rapide. Ces détails permettent au site de se distinguer du reste de la Toile.

68 Le luxe et Internet : Les grandes marques de luxe ont-elles intérêt à commercialiser leurs produits en ligne ? Le 15 mai 2008

69 Site Le journal du net, « Les Galeries Lafayette vendent le luxe sur Internet », par Marine de Saint Seine, le 22 avril 2008, consulté le 10 novembre 2009 

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Afin d’utiliser Internet comme un canal de vente supplémentaire, de nombreux sites cherchent donc aujourd’hui à rentabiliser leurs produits par un merchandising adapté au web. Ils misent sur les techniques de préparation à l’achat. YouTube offre la possibilité de rendre cliquables certaines zones de vidéos afin d’être rediriger vers des visites préventives de magasins, ou encore des consultations de vidéos courtes dédiées à chaque produit.

Réduire les coûts liés à la vente et la distribution sont des atouts majeurs d’Internet. Ainsi Adamence est une marque de joaillerie spécialisée en diamant sur la toile. Voici les explications recueillies lors d’une interview du PDG d'Adamence.com, Alexandre Murat70,

- « la création de bijoux sur Internet permettrait d’aller plus vite et serait plus pratique pour les clients. »[…] - « pour certaines personnes, entrer dans un magasin de luxe peut être extrêmement intimidant. La question

ne se pose plus avec Internet. En outre il offre une réelle confidentialité, qui est l’une des caractéristiques du luxe »

- « Il existe trois niveaux de transparence : les explications que l’on donne sur le diamant, la monture (origine…), le certificat du diamant et les trente jours pour essayer le bijou. L’idée est que l’achat se fasse le plus sereinement possible ».

Ce projet est d’autant plus marquant que l’on imagine mal que de la transaction de telles sommes soient faites sans risque. Mais au-delà de l’enjeu de sécurité apparemment rempli par Adamence, la question de l'affichage des prix sur Internet pour le très haut de gamme s’avère délicate. Surtout si on se réfère au modèle du luxe traditionnel :

« Même au rayon des montres des Galeries Lafayette, il est significatif que le prix des neuf modèles Chanel présentés côte à côte n'est indiqué sous aucun d'eux : l'ensemble des prix est indiqué à côté, bien à part, dans une présentation qui reproduit l'agencement visuel des neufs montres afin que l'on sache à quel bijou correspond quel prix. Les vendeurs en magasin ne sont pas là pour vendre, mais pour faire comprendre, partager le mystère, l'esprit des lieux, des objets, le temps incorporé dans chaque objet... Lorsque que le client découvrira le prix, il le trouvera finalement peu élevé pour la qualité du produit qu'il achète, alors que s'il avait identifié le prix avant de connaître les qualités du produit, il aurait peut-être renoncé à son achat."71

Reste peut –être à analyser les vraies répercussions des différences de prix entre les boutiques physiques et en ligne pour découvrir qu’Internet joue un rôle positif sur l’image des marques.

70 Site LUXE, un supplément du journal des femmes, article Le luxe et internet ne sont pas antinomiques par Caroline Feufeu le 03 Décembre 2005, consulté le 10 novembre 2009 71 BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages, Chapitre 10 « La distribution du luxe et le dilemme d'Internet », p250

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« Internet permet aussi de faire gagner du terrain aux produits de luxe car 83% des consommateurs estiment que ces articles doivent être vendus moins cher une fois mis en ligne. Aussi, une majorité d'acheteurs (75%) déclarent qu'Internet permet à ces produits de luxe d'être plus accessibles. Contrairement aux idées reçues, le Web ne dévalorise en rien l'aspect luxe de ces articles (85%). Aussi, les prix cassés ne nuisent pas à l'image de ces produits, selon 83% des répondants. »72

Si la stratégie Internet d’une grande marque ne nuit pas à son image, elle est également de plus en plus acceptée par les internautes qui n’hésitent pas à acheter des produits de luxe sur Internet. Il y a quelques années encore, les consommateurs se méfiaient du e-paiement, or aujourd’hui il sont conscients des efforts fournis pour assurer la sécurité de leurs données personnelles. Les numéros de carte de paiement ne sont pas conservés sur le site de la marque mais sur le site sécurisé d'un établissement bancaire. Un service ou espace clients permet généralement à l’internaute de connaître la politique en matière de confidentialité, de suivre la livraison de sa commande, afin d’assurer la confiance des internautes envers le site web et de participer au développement de la vente en ligne.

Les sites Internet des grands noms de la mode peuvent être l’occasion d’ajouter de l’esthétisme à leur image. Un site comme Journeys73 de louis Vuitton donne une nouvelle orientation à sa communication en revenant à une imagerie plus classieuse.

« La nouvelle campagne, Journeys, en ligne dès le 30 août 2007, se concentre sur la valeur originelle du célèbre malletier, le voyage. Mais plus encore que le voyage, c’est son héritage que Louis Vuitton veut valoriser. […] Nous découvrons ainsi un triptyque de personnalités d’exception shootées par l’objectif d’Annie Leibovitz. Tour à tour Steffi Graf et André Agassi, Catherine Deneuve, et Mikhaïl Gorbatchev nous font partager leurs coups de cœur pour une ville. »74

Cependant il faut rester méfiant quant aux logiciels utilisés pour concevoir le site web. Par exemple des pages réalisées sous Flash vont poser un problème à l’internaute qui ne possède pas cet outil. De plus, la lenteur du chargement des pages peut faire perdre sa patience à l’internaute et risquer de perdre en audience. Les risques encourus par les grandes maisons du luxe qui souhaitent voir leur présence sur la toile restent de réussir à retranscrire de l’émotion via leur site

72 Site Droit-finance.net, article « Internet : les prix rendent attractifs les produits de luxe » publié le mardi 26 mai 2009 par Relax News, consulté le 21 avril 2010 73 http://www.louisvuittonjourneys.com/  74 Site Vanksenculturebuzz, Journeys vous invite aux voyages extraordinaires par Gérald Julia le 29 août 2007, consulté le 21 avril 2010

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web, d’apprendre ne pas vouloir résister au changement mais plutôt adapter ses valeurs, et être capable de répondre à une forte demande.

c. L’éthique des marques et de leurs sites web

Quoi de plus paradoxal que de se vouloir unique à l’heure du tout numérique ? Pour affirmer une éthique en correspondance avec son époque, une marque de luxe on line doit être consciente de la richesse du moyen de réception de l’internaute. En effet l’objet perd en unicité mais il gagne en réception personnelle de la part du consommateur. AURAY Nicolas et GENSOLLEN Michel expliquent ce phénomène dans leur œuvre Internet et la synthèse collective des goûts75 :

« L'authenticité dans le monde numérique, c’est une authenticité qui n'est plus unicité physique au niveau de l'œuvre mais plutôt, au niveau d'un schéma général, la capacité d'être copié, sans perdre son caractère, de pouvoir faire l'objet de nombreuses variations, transformations et réemplois, comme jadis les œuvres vivantes de la tradition orale. […] L’œuvre culturelle commence à substituer à sa valeur rituelle, une valeur d’exposition : alors que dans la situation technique antérieure le goût était lié à un recueillement, il est désormais l’objet d’une expérience fondue dans la masse (cinéma) ou transformée par la participation. La reproduction technique des œuvres permet de vivre l’expérience culturelle en étant immergé dans une foule ou dans une masse. Internet prolonge ce mouvement en créant une autre forme de collectif. Le développement des équipements numériques permet ainsi l’individualisation de la réception culturelle : l’écoute d’un enregistrement quand on veut, où l’on veut, grâce à la portabilité des appareils de lecture et à la généralisation du visionnement à la demande. »

Le propos met l’accent sur la réception d’un produit culturel, ou autre, qui subit la médiation par Internet. Cela permet de mettre en valeur l’importance accordée au consommateur de nos jours. Il est au cœur de la démarche des marques qui visent à rendre unique le client lui-même, dans son rapport à l’objet et non plus l’objet lui-même. Le parallèle avec la tradition orale et les troubadours au Moyen-âge me paraît judicieuse car il accentue l’idée de transmission et d’interactivité sur la toile. Les avis des internautes sont partagés sur différents forums de discussions ou via les sites de réseaux sociaux qui regroupent des passionnés du luxe. Ainsi, le plaisir est à la fois individualisé et partagé avec le reste de la communauté. On voit donc les entreprises se rapprocher d’un modèle marketing basé sur le relationnel. Dans cette dynamique,

75 AURAY Nicolas, GENSOLLEN Michel, Internet et la synthèse collective des goûts, 2007, 22 pages, chapitre « Le bon goût et la recherche de l'authentique »

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plusieurs sites ont fait leur début à partir d’échanges entre aficionados, c’est le cas d’Ebay :

« Dans le domaine des biens numériques, une voie pour reconstruire le goût comme "goût de collection" a consisté à restituer des gisements d’authenticité. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont ainsi été sollicitées pour rendre plus facile la rencontre avec de nouveaux types de biens, susceptibles de réhabiliter une expérience d’authenticité et de découverte.[…] Ainsi, le site de vente aux enchères eBay a été conçu au départ, par son fondateur Pierre Omydiar, pour servir de plate-forme d’échange à une communauté de collectionneurs.76 »77

On peut imaginer le même fonctionnement pour les amateurs d’une marque particulière qui peuvent désormais retrouver des modèles anciens, s’échanger des pièces de collections rarissimes, etc.

Internet a permis de mettre en œuvre de nouvelles réalisations dans la communication du luxe. En fait, actuellement, des grandes marques de luxe étendent chaque jour leur domaine en rejoignant sans cesse de nouveaux consommateurs. Le luxe s’adapte à une nouvelle logique en matière de connaissance de la clientèle. Nous pouvons dire que ces consommateurs cherchent à combler principalement des besoins sociaux, des besoins d’estime et des besoins d’accomplissement. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, leurs stratégies de communication se concentrent sur leur espace électronique. Les marques de luxe sont en mesure de mieux répondre aux attentes de leurs clientèles, elles utilisent leurs sites Internet pour créer un lien avec leurs clients, les tenir informés des nouvelles collections, des ouvertures de boutiques ou tout simplement de l’actualité de la marque. Ce qui a poussé les marques de luxe à développer un site moderne, ce n’est justement pas la notoriété de la marque mais bien son image. Car il est vrai que l’Internet est aujourd’hui encore un vecteur de modernité qui peut facilement transmettre une image favorable à la marque de luxe.

76Site Le Journal du Net, article de Marie-Thérèse Chedeville, auteur du livre J’ebay, j’ebay pas (2006) 77 AURAY Nicolas, GENSOLLEN Michel, Internet et la synthèse collective des goûts, 2007, 22 pages, Chapitre 3 « Le bon goût et la recherche de l'authentique »

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C. Les Social Media au service des marques de luxe

Qu’importe les chiffres (le nombre de fans ou de followers sur vos pages) qu’importe les outils employés (de l’application iPhone ou Facebook, aux plateformes Youtube et Twitter) ce qui compte, c’est la stratégie de destination. Les médias sociaux sont l’avènement d’un monde où les gens interagissent entre eux, sur un mode C to C (consumer to consumer) plutôt que B to C (Business to Consumer). Les médias sociaux regroupent les réseaux sociaux, blogs, forums, fonctions et sites de partage de diffusion de contenus (vidéos, photos, favoris musique…). S’agit-il alors d’animer les communautés pour développer son e-commerce, ou bien est-ce que la présence sur les médias sociaux est une question vitale pour gérer son e-réputation ? Les médias sociaux sont-ils simplement de nouveaux canaux de communication pour exercer son aura de luxe, autrement dit, son e-influence ?

Afin de comprendre le rôle des médias sociaux au cœur des stratégies des marques, on doit commencer par en parcourir son périmètre et l’évaluer à l’échelle d’une marque. Ensuite, on montrera l’impact des médias sociaux sur la construction de l’e-réputation de la marque. Enfin, on étudiera l’exemple du social-shopping, très prometteur et déjà en vogue.

a. L’industrie du luxe à l’épreuve de la globalisation

Une marque de luxe utilisant tous les moyens à sa disposition, une stratégie Internet est incontournable pour elle. La distribution sur Internet est une des problématiques du luxe, c'est là que sont faites les erreurs les plus fréquentes et les plus coûteuses pour la marque. A cet égard, la distribution est une partie délicate à gérer dès que la marque possède une couverture mondiale. Assurer la cohérence et la rigueur stratégique tout en étant rentable, quand on est implanté dans des pays totalement différents culturellement et économiquement, relève souvent de la gageure et demande de la part du management un engagement et une énergie considérables. En outre, la distribution est souvent confiée à des partenaires locaux, ce qui revient de fait à leur confier l'expérience et le service client si le management de la marque ne se déplace pas très fréquemment. Sur la toile, comment se gère le contenu d’un site web d’une marque de luxe, qui doit tout à la fois concilier les objectifs de vitrine internationale de la marque et une nécessaire

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localisation des contenus ? Entre le siège historique de la marque et ses filiales étrangères, il peut être délicat de diffuser une image homogène et internationale tandis que les cultures locales sont différentes et l’univers concurrentiel, intégrant les marques locales, varie de façon parfois significative. Nathalie Lemonnier, consultante, qui a été tour à tour directeur du marketing client chez Louis Vuitton et directeur de la communication CRM Internet & Media chez Christian Dior Parfums est interviewée par Mercator :

« Il demeure souvent un contenu global homogène concernant l’offre produit internationale, l’histoire de la maison, son savoir-faire. Des différences apparaissent cependant dans la présentation de l’offre produit locale bien sûr mais surtout dans la diffusion des contenus dont les détails attendus sont différents selon les continents. Ainsi, les asiatiques par exemple, ont globalement une attente de détails concernant les images et les explications autour du produit. Pour qu’un produit soit perçu comme légitime au Japon, il est nécessaire de détailler l’offre et d’apporter beaucoup de contenu pour satisfaire les attentes pointues des japonais. Pour répondre à cette problématique de localisation, des espaces locaux, proposés sur les sites de marque, sont gérés par les équipes locales et la gestion du contenu global est personnalisable en partie par version

locale. »78

Les médias sociaux obéissent finalement au même paradigme dans la mesure où une marque peut avoir (et il est même devenu quasi incontournable qu’elle possède) une page Facebook par marque et par pays. On observe que les Grandes Maisons sont de plus en plus sensibilisées à la technologie de pointe et conscientes de l’importance de développer leur stratégie digitale. Depuis cinq ans, le Club e-Luxe propose aux grandes maisons de luxe françaises et internationales des conférences thématiques et des tables rondes sur toutes les tendances technologiques du moment. Le sommet du Club e-Luxe aura lieu le 3 juin au Ritz avec pour thématique : « Integrating innovation in the online and offline luxury universe ». La société organisatrice de l’évènement est un cabinet de conseil pionnier en Stratégie &Management spécialisé dans l’industrie du luxe.

« Le Club e-Luxe est le premier Club exécutif dédié au développement stratégique du luxe sur Internet. L’objectif du Club e-Luxe est d’offrir un développement professionnel permanent grâce à l’accès aux stratégies avancées, aux tactiques, aux avis et à l’expertise indispensables pour relever les défis de l’e-Business et de l’e-Commerce des produits et des services de luxe. Sa valeur essentielle repose sur la maîtrise de l’e-Marketing et de l’e-Commerce, sur une connaissance approfondie du secteur, et sur la

78 Site Mercator Publicitor, article « luxe et internet, distinguez-vous : cliquez ! », posté le 27 novembre 2008, consulté le 23 avril 2010

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pratique au quotidien de ses fondements. »79 Cet article montre l’importance de l’émergence de nouveaux secteurs d’étude du luxe sur Internet à travers les exemples du : Club e-Luxe, le premier Club exécutif dédié au développement stratégique du luxe sur Internet ; Luxe E.t.c. (Conseil en Stratégie) ; Luxe-Mag.Com (Magazine de Luxe en ligne). Le focus sur l’utilisation d’Internet comme source d’avantage compétitif, dans un environnement particulièrement difficile est un angle d’analyse intéressant. Cela montre bien combien Internet est devenu une plateforme rentable et sur laquelle les marques ont envie de se distinguer.

b. La réputation du chic on-line

La gestion de la réputation on line d’une marque de luxe est un point primordial lorsqu’elle commence une stratégie via les réseaux sociaux. Ceux-ci étant constitués d’internautes pouvant venir de tous les horizons, contrôler ses membres dans la communauté du web que l’on a créé est une nécessité. Stéphanie Jolivot qui gère Chanel pour Mediaedge depuis des années, est catégorique : « 70 % de ce qui est dit d’une marque sur le Web n’émane pas d’elle ! C’est un problème. »80Mais vouloir contrôler sa communauté, n’est-ce pas un désir impossible ? En effet, il existe plusieurs types de communautés, dont la génération digitale (the Digital Natives) est

79 Blog Interactive Luxury Tendances et réflexions autour du Luxe et du e-Commerce, article «  Club e-Luxe : Le club dédié au développement stratégique du luxe sur internet » posté le mercredi 15 avril 2009, consulté en octobre 2009 Pour en savoir plus : « Le club est conçu pour des professionnels qui travaillent dans le marketing et le commerce en ligne de l’industrie du luxe, tels que les PDG, les directeurs marketing, les directeurs commerciaux, les directeurs Internet, les directeurs e-Commerce, les directeurs de la communication en ligne, et les décideurs des entreprises du luxe. L’inscription au Club e-Luxe est annuelle; elle permet aux professionnels de l’E-Business du Luxe d’échanger sur les meilleures pratiques dans le domaine du Luxe Online, et de bénéficier de sessions de consulting personnalisées. Le Comité Exécutif de Luxe Corp a récemment indiqué que : “La Conférence 2009 du Club e-Luxe promet d’être un événement stimulant, avec un focus sur l’utilisation d’Internet comme source d’avantage compétitif, dans un environnement particulièrement difficile.” Quarante sociétés participantes sont attendues cette année. Luxe Corp propose des services aux professionnels de l’industrie du luxe à travers trois principales divisions : Luxe E.t.c. (Conseil en Stratégie), Club e-Luxe (Club Exécutif pour les professionnels de l’E-Business du Luxe) et Luxe-Mag.Com (Magazine de Luxe en ligne). La société Luxe Corp est basée à Paris, New York et Shanghai. »  80 Site Prestigium.com article « Luxe et Internet : un mariage obligatoire ? » par Elisa Morère, posté le 10 février 2009, consulté le 10 octobre 2009

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friande. L’une des plus utilisées est la communauté ouverte de type Facebook ou Twitter, pour ne citer que les plus connues en France. Mais il existe un autre genre de plateforme, fermée, comme aSmallWorld. Cartier y est présent sur, mais rencontre un problème majeur : il ne peut pas contrôler la qualité de ses membres. Néanmoins le contenu éditorial présent sur les pages de leur profil doit permettre de créer un engagement fort, voire une relation unique qui dépasse le simple achat en boutique. Ce contenu vise avant tout à divertir, informer et rendre service. Cela peut leur servir à maintenir avec les clients existants un courant d'échange efficace et légitime sur l'après-vente, la présentation voire la réservation de nouveaux produits, l'objectif restant de faire venir régulièrement le client au point de vente pour qu'il garde un lien physique avec la marque. Néanmoins le vieux préjugé selon lequel la stratégie des maisons de luxe est de se protéger par le cloisonnement de leur univers et de contrôler strictement leur communication s’estompe de plus en plus. L’agence de Social Relationship Management Vitrue propose un Social Media Index pour suivre, évaluer le buzz de toutes les marques ou mots clés sur les médias suivants : Facebook, MySpace, Twitter, Youtube, Vimeo, Flickr, Google Blog Search, Technorati. Elle vient de publier son top cent des marques les plus sociables. On trouve alors les marques de luxe suivantes :

« Gucci #27

Louis Vuitton #81

Prada #88

et Burberry #94

Source : vitrue.com

Sur le site www.tweetedbrands.com, on peut également voir quelles sont les 50 marques qui génèrent le plus de buzz sur Twitter. Par exemple, à 16h20 ce jour, il y a 1050 Twitts contenant la marque Chanel (46eme place) et 3496 Twitts pour Gucci (34eme place).

L’émergence des outils qui permettent la mesure et le classement de la communication des marques va sans doute accroitre l’importance du SRM (social relationship management) au sein de chacune d’entre elles.

D’ailleurs, la tendance des marques de luxe à être “sociables” nous offre de plus en plus de surprises comme Hugo Boss qui organise son casting sur Facebook. »81

81 Blog Flair, article « les marques de luxe les plus sociables » posté en Luxe, Web 2.0 par F. le 9 janvier 2010, consulté le 16 avril 2010.

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Cependant, afin de comprendre l’impact réel des médias sociaux au cœur d’une stratégie multicanal, on peut s’interroger sur leur retour sur investissement (ROI). C’est ce qu’a fait le site Mercator :

« Mercator : Les Maisons telles que Dior, Vuitton, Jean-Paul Gautier, Moët & Chandon mettent en place des dispositifs de communication toujours plus innovants en termes de nouveaux supports média (i-Phone, Second Life, sites éphémères…). Comment mesurer le ROI de cette communication multicanale ?

Nathalie Lemonnier : La plupart des expériences innovantes des maisons de luxe ont pour intérêt de tester des nouveaux comportements, « l’acceptabilité » de telle ou telle technologie et de développer leurs valeurs d’innovation de marque via la technologie. La première mesure est la notoriété et l’image innovante générée. La plupart de ces opérations ont eu un impact de relation public fort mais la nouveauté de chacun des medias utilisés réduit le volume d’utilisateurs potentiels (prenons pour exemple le mini-site du parfum Midnight Poison de Dior développé à l’occasion du lancement de l’iphone en France, par définition la cible directe se réduisait aux « early adopters » tandis que la nouveauté du concept a généré beaucoup d’articles dans la presse généraliste et spécialisée). Le retour sur investissement se mesure en impact image, il est difficile d’en attendre (et de mesurer) un retour sur investissement en ventes. Ces expériences viennent nourrir la communication multicanale et la résonnance de ces différents dispositifs de communication amplifie l’efficacité de chacun d’eux. La cible visée a beaucoup plus de possibilités d’être réceptive si l’émetteur prend en considération la consommation media globale de chaque individu et développe les occasions d’être vu. »

On comprend donc qu’à ce stade, la rentabilité des médias sociaux pour les marques est difficile à évaluer mais elle est partie intégrante d’une stratégie qui doit être multicanal pour être vraiment efficace. Pourtant on voit déjà que les marques cherchent à intégrer les médias sociaux sur le long terme, comme par exemple Louis Vuitton qui a inauguré l’API Facebook Live Feed pour un défilé. Le site MédiasSociaux.com explique :

« La création d’onglet avec l’intégration de flash ou toute autre application offre une vraie liberté créative (graphique et fonctionnelle) dans l’ajout de contenus sur une fan page. C’est le cas de l’application statique FBHTML peut être utilisée pour rendre les pages plus attrayantes en y intégrant un contenu HTML. Par exemple, la retransmission en direct par vidéo du défilé Louis Vuitton, dans le cadre de la semaine de la mode en octobre dernier sur leur fan page officielle, et la possibilité de commenter celle-ci via le module Live feed de Facebook a permis à la marque de recruter plus de 100 000 fans dans le cadre de cet

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événement. »82

Les médias sociaux sont donc un outil pour promouvoir la nouveauté et suivre les évaluations du public. Facebook montre aussi qu’ils sont un outil fédérateur, grâce à la création des groupes. Avec plus de 500 group pages différentes par nom de marque pour les plus célèbres et le plus souvent une dizaine de Pages (non officielles) contenant des informations plus ou moins fiables, le potentiel de nuisance peut être plus ou moins important pour l’image des marques. Il est par conséquent important pour une marque d’officialiser sérieusement une page et collaborer de près avec les groupes les plus influents par mesure de précaution et de considération du phénomène. Pour le groupe Louis Vuitton crée par Stephen Green, l’administrateur a établi des règles strictes sensibilisant à une éthique de circonstance : 

“Group Rules: 1.Counterfeit articles will not be tolerated, posting these will result in immediate removal. 2. Spamming is NOT allowed, this group is about LOUIS VUITTON. Nothing more. 3. Keep the negativity OUT of the group. 4. Reposting pictures is NOT allowed, if you feel your picture was deleted mistakenly DO NOT HESITATE to contact any of the admins. 5. Stock Photos of bags other than limited editions or insider pictures will be deleted. If its on eluxury, or Louis Vuitton.com–Do not post it. 6. We want to see pictures of your bags. Not window displays or pictures of LV stores, we all know what they look like so please don’t post photos of them.”83

Mieux qu’une base de données achetée dans un institut d’étude, Facebook rassemble des informations aussi précises que personnelles sur ses utilisateurs. Pour donner l’accès aux applications du portail, l’utilisateur accepte de communiquer les informations personnelles qui le concernent.

c. La stratégie multicanal et l’exemple du social shopping

L’entreprise Athomedia, spécialisée en marketing communautaire, est une agence de communication interactive qui propose d’élaborer des stratégies sur les médias sociaux. Lors

82 Sites MédiasSociaux.com, article « Facebook Fan Pages : principes et bénéfices, publié par DENIAUD Cédric, le 8 décembre 2009, consulté le 24 avril 2010 83 Blog Flair, article « Louis Vuitton présente son défilé en direct sur Facebook », publié par F. le 4 octobre 2009, consulté le 10 avril 2010

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d’une worksession réalisée au mois de février 2010, elle affirme l’importance « d’inclure cette stratégie dans une réflexion plus globale incluant les autres canaux de gestion de contacts (communication, vente, commande). » Les objectifs de la stratégie de management de la relation avec les clients sont d’établir une conversation cohérente, au moyen de canaux multiples (Réseaux physiques, centres d’appels, sites d’Internet, SMS) ; la gestion des canaux de contact (communication, vente, commande).84

Les médias sociaux sont un support particulièrement adapté à la jeune génération, la génération Y, celle née dans l’univers du tout digital et cible privilégiée du luxe on-line. Bien sûr, ce constat vaudra également pour les générations futures dans la mesure où l’utilisation du web va croissant. L’ancienne génération doit faire l’effort de quitter ses habitudes de consommation, bien que les boutiques, évènements et maisons demeurent une totalité physique. Par exemple l’achat dans les lieux de vente traditionnels existe toujours mais il est complété par des services on-line qui offrent plus de disponibilité et deviennent un complément virtuel intéressant. La documentation en ligne sur les produits, la marque, le créateur est très précise (elle fait partie des atouts majeurs des sites web de marques), et semble plus facile à s’approprier. En effet, l’interactivité favorise la mémorisation et la compréhension car elle repose sur le jeu et l’échange avec l’internaute. Cela permet aussi de créer une proximité entre le produit vendu et l’internaute tout en lui donnant envie de le posséder. La marque de cosmétique de luxe Biotherm (appartenant au groupe L’Oréal) lance Force, un nouveau parfum pour homme, de façon tout à fait innovante. Elle multiplie les canaux pour créer une stratégie digitale novatrice. En effet, Biotherm a créé pour l’occasion toute une campagne autour du thème de la force. Du clip mettant en scène un homme qui maîtrise la nature et les éléments au site en réalité augmentée en passant par une application iPhone et des bornes interactives chez des enseignes comme Sephora, Biotherm a véritablement accompagné son lancement de produit d’une stratégie de grande ampleur. En ce qui concerne le site en réalité augmentée, Biotherm nous propose de calculer notre quotient force en participant à un jeu en réalité augmentée. Un tutoriel permet d’apprendre à se servir de se webcam pour voir la réalité augmentée. L’application iPhone, quant à elle, propose à l’utilisateur de créer des formes reproduisant la surface de l’eau. En montrant une de ses formes dans une boutique partenaire, le client se verra offrir deux échantillons de la marque. Le site met en image et en texte des informations sur les composantes du parfum, le tout de façon riche mais assez suggestive pour

84 Intégrer les médias sociaux à une stratégie multicanal, la présentation

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Partie 2 : Marketing et image du luxe sur Internet

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que l’on ressente l’envie de sentir la fragrance. L’interview du créateur du parfum, Bruno Jovanovic, est une vidéo qui permet de le découvrir dans son laboratoire de nez. Tout est fait en sorte pour que l’on éprouve le mouvement, la proximité et la sensibilité face au produit et à sa mise en scène. Avec la participation au jeu concours, la marque s’assure d’avoir des renseignements sur les internautes ayant visité son site. D’une efficacité prodigieuse, tant d’un point de vue esthétique, interactif, marketing, et ergonomique, le site est bien représentatif du succès du luxe sur Internet, reste à savoir si la marque va réussi son pari d’introduire fortement et durablement ce parfum sur le marché.

La stratégie muticanal permet donc d’assurer à la stratégie de communication traditionnelle, un ancrage auprès d’un autre type de consommateurs qui nécessite une nouvelle voix. Le social shopping semble être un exemple de dérive d’une stratégie multicanal dans la mesure où il exploite les bases de la vente en boutiques pour les appliquer aux médias sociaux. Le social shopping ou shopping collaboratif ou encore shopping communautaire est une application du e-commerce. Le social shopping a pour ambition de reproduire sur Internet les usages sociaux des consommateurs des boutiques traditionnelles. Ainsi, les utilisateurs communiquent entre eux et enrichissent les informations sur les produits, les prix, les avis de consommateurs. Plusieurs sites permettent aux utilisateurs de regrouper des produits dans des listes thématiques et de partager ses listes avec ses amis. En effet, il faut souligner que : « La confiance est le domaine dans lequel Internet domine les autres dans le plus grand nombre de catégories, et celui dans lequel la complémentarité entre sites et publicités de marques, comparateurs de prix, contributions des internautes via le web 2.0 est la plus grande.85

En conclusion, on peut dire que les attentes des consommateurs sont de plus en plus tournées vers les services délivrés par Internet mais Internet peut-il être plus qu'un média parmi d'autres au service d'une stratégie de luxe? Dans la partie suivante, nous essaierons de montrer le potentiel des nouvelles technologies au service du luxe sur Internet et en quoi elles constituent un atout majeur pour redorer l’image du luxe.

85 Voir l’annexe n° 1, baromètre « influence des médias sur les décisions d'achats », source Ifop, octobre 2009

 

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PARTIE 3 : L’innovation : vers le succès de la distinction du luxe sur Internet 

 En peu de temps, il semblerait que les maisons de luxe commencent à rattraper leur retard en matière de présence sur Internet. Toutes se dotent aujourd’hui d’un community manager pour gérer et étendre leur réputation sur les médias sociaux. Leur pôle web touche des campagnes de publicité et de défilé et de présentation de leur identité qui leur permettent concilier le luxe et la modernité. L’instantanéité et l’immédiateté de ces réseaux peuvent être considérées comme une manière de retranscrire l'aura du luxe à travers la virtualité d'Internet. Tout le monde peut y avoir accès et l’enjeu devient alors pour les maisons de luxe de se distinguer par un site web qui regroupe plusieurs qualités, à la fois l’ergonomie et l’esthétique par exemple. Ceci est d’ailleurs réversible. En effet selon un sondage que l’on a réalisé, à la question : « qu’attendez-vous d’un site de luxe ? » une majorité de 30 % des individus interrogés souhaitent un design créatif, suivi par 26% pour un certificat d’authenticité des produits vendus. Les propos de Lipovetsky complètent cette étude :

« Dans la société démocratique d’hyperconsommation, chacun est enclin à prétendre à ce qu’il y a de meilleur et de plus beau, à porter ses regards vers les produits et marques de qualité. Tandis que les modes de socialisation n’enferment plus les individus dans des univers étanches, tout le monde considère avoir droit à l’excellence et aspire à vivre mieux dans les conditions les meilleures. »86

Les qualités propres aux objets de luxe possèdent ces fonctions. Admirés, ils sont le désir d’un grand nombre d’individus qui aspirent au confort et au bien-être. A cet égard, les marques tentent également d’attirer leur client grâce à des activités ludiques et divertissantes sur leur plateforme.

« Les économistes notent l’essor de la consommation de loisirs mais, de fait, ce sont des pans entiers de la consommation qui fonctionnent comme des loisirs. Aujourd’hui dans Homo consumans il y a plus que

86 LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages, Partie I. La société d’hyperconsommation, « Au-delà du standing, la consommation émotionnelle » p52

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jamais Homo ludens, le plaisir de la consommation se rapprochant de celui procuré par les activités de jeu. »87

On voit alors de plus en plus se développer les applications web à personnaliser, l’utilisation de la 3D, et le retour à un rapport plus sensuel avec les objets présentés sur la toile afin de pallier à ce manque. En effet, longtemps Internet a fait l’objet de critiques quant à son immatérialité. L’individu qui utilise ce média attend aujourd’hui des services personnalisés et performants en termes de nouvelles technologie. Le luxe ne peut pas se permettre de ne pas vivre avec son temps et ses moyens à disposition.

A. Internet et le luxe at home

Avant de comprendre les attentes de l’internaute en termes de qualité et de services sur le web, il est important de comprendre les réorientations marketing de la grande distribution. Dans « l’organisation Post Fordienne de l’économie », Gilles Lipovetsky décrit les nouveaux comportements de la distribution en concomitance avec ceux du consommateur :

« […] maximiser « l’achat-plaisir » : rotation rapide des collections, mise en scène des produits, animations diverses, qualité de l’environnement, bar et restaurant, qualité de l’assortiment. Autrefois focalisé par les stratégies sur les prix, la grande distribution commence à mettre au premier plan de ses priorités la satisfaction de la personne du client. Dans la production comme dans la distribution, l’heure est à la différenciation de l’offre, au supplément d’âme apporté aux produits, à la satisfaction de clientèle ciblée, à la diversification croissante des concepts commerciaux et des services.» […] l’hyperconsommateur « professionnel » et réflexif, est d’avantage sensible aux critères de technicité et à la thématique de la « qualité », davantage capable également d’interpréter l’information et de comparer les offres. »88

Si autrefois les marques pouvaient se passer de faire figurer leurs tarifs (il était mal vu d’afficher le prix d’un produit trop cher), aujourd’hui elles suivent une logique de transparence des prix et de visibilité de leurs produits en vente sur Internet. Dans la continuité de cette démarche, elles attachent de l’importance à la présentation de la marchandise, fait de mise en scène de concepts et de produits. Elle s’accompagne souvent d’écrans vidéo, d’habillage musical, ainsi que de qualités

87 IBID p75 88 IBID p91

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sensorielles et décoratives.

Néanmoins, selon un sondage que l’on a réalisé, 36 % des personnes qui se rendent dans une boutique de luxe ressentent de l’intimidation. Alors, le site de vente en ligne constitue une bonne alternative. Cependant, on peut se demander quel type de stratégie est à privilégier. Nathalie Lemonnier, consultante, qui a été tour à tour directeur du marketing client chez Louis Vuitton et directeur de la communication CRM Internet & Media chez Christian Dior Parfums, revient sur son expérience du développement d’Internet chez les grandes marques de luxe. A la question « Comment valoriser l’acte d’achat sur Internet pour que le client éprouve la même satisfaction que lors d’un achat en boutique ? », elle répond :

« Notre objectif était de recréer l’expérience vécue en magasin. Nous sommes partis du principe que le client en ligne devait bénéficier des mêmes attentions que le client qui se déplace dans un point de vente réel. Il s’agit d’offrir des images qui permettent de découvrir le produit « comme si on le touchait », détails de la matière et des finitions doivent être perçus grâce à la qualité des images et à la technologie permettant de zoomer sur le produit et de le découvrir en 3D lorsqu’il s’agit d’un produit complexe. Après cette première étape de découverte du produit, la navigation doit être aisée, les services explicites et facilement accessibles (ex proposition d’accompagnement de la commande par une conseillère au téléphone). La richesse des contenus est également un facteur important afin de permettre à l’internaute de découvrir l’histoire de la maison, le savoir-faire, l’actualité. Ainsi, des liens contextuels positionnés dans une fiche produit, apportent une richesse de contenu indispensable à un « catalogue » de luxe. »

Néanmoins, les avis divergent à ce sujet. D’une part, on peut penser qu’au lieu de chercher à se substituer à la boutique, le site internet doit la compléter. Il faut alors veiller à apporter plus d'informations sur les produits, leur entretien, le service après-vente, des conseils pour mieux choisir afin d’aider le consommateur dans ses achats. D’autre part, on sait qu’il existe plusieurs freins à l’achat d’un produit de luxe sur Internet. Hormis la difficulté de navigation sur le site, (en partant du principe que le site web a été conçu convenablement), le fait de ne pas pouvoir essayer le produit ou bien le manque de choix (pas la totalité des collections sont à l'achat en ligne) peuvent être rédhibitoires.

a. Dans l’intimité du luxe

Malgré l’arrivée assez récente du luxe sur Internet et les risques liés à ses usages, ce média

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apparaît très adapté au mode de vie des consommateurs du luxe. On peut constater que parmi les personnes aisées ou omnivores89, la plupart sont également des adeptes des voyages, que ce soit en déplacement professionnel ou personnel. En connexion permanente au monde et à leurs proches via le web, l’homme du XXIe siècle a pris l’habitude d’avoir accès illimité à tout de partout. Les marques ont donc tout intérêt à reconstituer sur leur plateforme des habitudes et un chez soi, à diffuser une bulle de confort en lien avec la marque, accessible sur le web n'importe où dans le monde. Bien qu’en mouvement, l’homme du XXIe siècle aspire à retrouver un « chez soi » partout. Ainsi,

"Au luxe du "sur soi" succède aujourd'hui celui du "chez soi" qui est aussi la marque du repli vers la vie domestique ce qui est désigné en anglais comme le cocooning".90

L’idée que la désintermédiation de l’objet lui enlève de la valeur semble révolue. L’exemple du défilé de Louis Vuitton sur Live Feed de Facebook montre comment l’utilisateur peut s’approprier les choses par la déportalisation. Retiré de son portail (le site Vuitton), le défilé devient l’objet de tous sur sa page Facebook. Ainsi, on peut consommer chez soi, sur Internet et accorder de la valeur à l’objet consommé. Gilles Lipovetsky affirme à ce sujet :

« Le confort bourgeois était associé à l’indolence, à la chaleur du home, aux dispositifs permettant de jouir de sa plénitude. A ce modèle se juxtapose dorénavant le confort dématérialisé ou digitalisé des réseaux, un confort abstrait de communications, de rencontres et d’informations délivrés du corps sensible. »91

On peut y voir également un affaiblissement du rôle de l’envie de faire étalage mais plutôt de vivre le luxe pour soi.

« Les plaisirs élitistes ne se sont pas évaporés, ils ont été restructurés par la logique subjective du néo-individualisme créant des satisfactions d’avantage pour soi qu’en vue de l’admiration et de l’estime d’autrui. […] l’Oréal parce que je le vaux bien. »92

Désormais l’expérience du luxe devient plus « intérieure », elle se fait plus intime.

89IBID p53 « on achète des marques onéreuses n’ont plus en raison d’une pression sociale mais en fonction des moments et des envies, du plaisir qu’on en escompte, beaucoup moins pour faire montre de richesse ou de rang que pour jouir d’un rapport qualitatif aux choses ou aux services. » 90 CASTAREDE Jean, Le Luxe, Que sais-je ?, 2007, 128 pages, p5 91 IBID p257 92 LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages, chapitre 8 « Dionysos: société hédoniste, société anti-dionysiaque », p51

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b. Un contact distant avec le produit

Selon mon sondage, 35 % des personnes interrogées regrettent de ne pas pouvoir toucher et sentir le produit à cause de la barrière de l'écran. Pourtant, des efforts importants sont faits par les marques pour la précision et l'inventivité dans les moyens de représenter l'objet. On peut souligner l’ironie de notre époque qui consiste à célébrer les valeurs sensibles alors que l’ère est au numérique, la vitesse et l’instantanéité. Or l’esthétique et la qualité demandent un travail de longue haleine. Les marques développent des interfaces qui privilégient l’expérience avant tout. Chanel choisit de présenter sa nouvelle collection printemps-été 2010 à travers la scénarisation de photographies sur le thème Latin Lover de façon originale.

« Le site dédié permet la traversée immersive d ‘un récit visuel grâce à la fonction plein écran qui vous embarque comme au cinéma. Le dispositif de lecture se veut manifestement exploratoire puisqu’il fait place à une manipulation intuitive et appropriée des clichés que l’on peut attraper, écarter, approcher ou écarter tel un geste de main dans les pièces d’un puzzle. Ce concept de mise en scène peu fréquent sur les sites des marques de luxe modifie fondamentalement la relation à la navigation pour se débarrasser de toute logique absolue, émanation d’ordre, de structure ou de hiérarchie de messages commandée par la marque. Le mode de lecture peut enfin se faire de manière propre à chacun. »93

Il est aujourd’hui fréquent de découvrir les défiles des grandes marques en 3D. Chanel propose même une application iPhone dédié à cela. Depuis les premiers podcasts, les marques font de gros efforts pour enrichir les contenus de leurs produits technologiques. Toutefois il n’est pas facile de véritablement différencier l’utilité et la particularité des applications de celle du web. Pourtant il est évident que la révolution iPhone accentue davantage l’ancrage dans l’immédiateté, ainsi que la dépendance au téléphone multi-tâche. Néanmoins la nouvelle Gucci App apparaît singulière. Le concept illustre parfaitement l’introduction du mobile comme maillon clé des usages de la décennie à venir. L’idée s’appuie sur deux tendances : la recherche d’exclusivité et le goût de la musique sur mobile. La marque s’adresse au segment le plus jeune de sa cible en proposant de la musique et un modèle exclusif de baskets signées Marc Ronson via iPhone. Le projet témoigne d’une forte capacité d’anticipation de la marque et sa volonté de participer à la modélisation des usages de demain. En effet, la démarche se concentre sur le développement des comportements de consommation inédits résultants de l’innovation technologique. Hier personne ne se serait

93 Blog Flair, article « Expérience digitale by Chanel » par F, publié le 28 février 2010, consulté le 18 avril 2010

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servit d’un téléphone pour faire ses achats et d’ailleurs personne n’en avait besoin. Mais qu’en est-il de demain si les marques et les médias vous apprennent ou vous incitent à agir autrement? Dans le Figaro du 29 Octobre, Frida Giannini, la Directrice Artistique, s’exprime sur cette opération et parle d’une préparation au luxe d’après crise. “Notre désir est de nous rapprocher de la génération Facebook (…) Ces jeunes n’ont plus besoin d’aller dans les boutiques, ils veulent voir les produits en ligne, pouvoir les commenter, les partager. Nous devons surveiller cette évolution, attirer des consommateurs et développer leur fidélité d’une façon inédite. Nous leur adressons un message subliminal qui portera ses fruits plus tard.” En effet, la jeune génération actuelle, celle qui a grandit avec le haut débit est une cible privilégiée. Il appartient aujourd’hui aux marques de savoir communiquer leur langage et de s’approprier leurs usages à venir.

La génération Y connaît donc un tournant majeur dans le contexte de la vente en ligne. Avant de voir fleurir les sites officiels de marques et les campagnes de webmarketing innovantes, d’autres acteurs ont fait leur place. Les sites ventesprivées.com, ou encore, brandalley.com se positionnent comme des déstockeurs en ligne de produits de grandes marques. Ils privilégient surtout les surstocks et les fins de collection avec des remises assez significatives. Ainsi ils ne constituent pas vraiment des concurrents pour les marques de luxe. Néanmoins ils correspondent aux désirs des clients actuels. Gilles Lipovetsky en dresse un portrait évoquant :

« Le néo-acheteur ne veut pas moins consommer, il veut obtenir autant pour moins cher. Il ne tourne pas le dos à la qualité, le marché rendant possible une offre de produits éco de qualité égale à des produits de marque vendus parfois deux à trois fois plus chers. Il n’a pas honte de payer moins cher, l’achat « malin » devenant valorisant, marque d’intelligence. Pour beaucoup de consommateurs, ce n’est pas l’image du produit qui importe : c’est d’abord le prix et le fait de pouvoir accéder, grâce à cet achat, à une expérience sensorielle, émotionnelle, relationnelle. »94

Pour ne pas créer l’amalgame entre les sites de ventes privées qui sont multimarques et les sites de luxe qui développent une réelle identité digitale autour de la marque, nous nous consacrons donc à étudier l’impact des nouvelles technologies sur les sites et applications web propre à chaque marque.

c. Le conseil au consommateur en réalité augmentée

94LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages, p103

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Etablir un dialogue avec le consommateur, dévoiler des valeurs en osmose avec lui, répondre à des vrais besoins, ce sont les nouveaux enjeux des marques de luxe. Ce changement de sensibilité qui induit une redécouverte des valeurs d’authenticité est lié à la transparence que génère Internet. Développer un discours plus sincère, porter sur la traçabilité des produits est un critère de choix pour les consommateurs. 95Les innovations ajoutent toutefois ce pendant de rêve auquel le luxe reste attaché. Ainsi les marques développent tous les moyens pour satisfaire les désirs des consommateurs et être au plus proche d’eux.

Cependant, le succès du Web 2.0 fait réaliser à quel point l’internaute est entré au cœur de toutes les communications, car lui aussi recherche de l’attention. Il est ainsi devenu évident que pour fédérer les publics au sein d’un site de marque, il faut que les internautes puissent se l’approprier. L’exemple de Burberry et de son site Art Of The Trench est une démonstration de l’échange et de l’interaction possibles entre la marque et ses publics en plaçant au cœur de son dispositif un symbole de sa distinction. Le site accorde aux internautes la possibilité d’être de vrais ambassadeurs, portant le fameux trench-coat icône de la marque anglaise. Chacun peut apprécier sa galerie de photos après avoir téléchargé son portrait en trenchcoat. Ensuite on peut noter, commenter ou partager chaque portrait sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Delicious), voire utiliser Facebook Connect pour partager avec son réseau d’amis sur Facebook. Le site développe son un ancrage sur les médias sociaux grâce au photographe New Yorkais Scott Schuman qui participe à l’initiative. Son blog The Sartorialist traite des tendances de la mode de la rue new yorkaise dans lequel il publie ses photos de parfait(e)s inconnu(e)s au style vestimentaire excentrique, mais chic. Le site devient en quelques mois une source d’éclairage différent pour les créatifs et les maisons de couture.96Si l’internaute est ici au cœur de l’action du site, on remarque encore une tendance à assister le client d’un conseiller pour reproduire l’expérience d’une boutique physique traditionnelle.

Afin de fournir un service personnalisé et proche du client, les sites web mettent à disposition des internautes des conseillés en images de synthèse. Proche des ambassadrices de l’Oréal, qui fait office de précurseur dans le domaine, ses conseillés apportent vraiment une touche humaine au

95 Cf. Vidéo en l’honneur du livre Marketing anatomy de Nicolas Riou, le blog Darkplanneur dans l’article « Tendances Marketing dans Darketing » sur le blog Web&Luxe, posté par Diana et David le 12 avril 2010, consulté le 12 avril 2010 96 Blog Flair, article « web social : Burberry et ses ambassadeurs « next door », publié par F. le 28 janvier 2010, consulté le 20 avril 2010

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concept du site web. Le site de la watch Avenue dédié aux montres de luxe propose aux internautes une ballade virtuelle sur la célèbre avenue et les invite à rentrer dans des boutiques de montres haut de gamme tout en trois dimensions. C’est une véritable nouveauté en matière de communication que la création de cet espace virtuel d’information consacré aux horlogers. On peut y découvrir les produits de manière ludique et didactique d’une douzaine d’horlogers. On y trouve une librairie de l’horlogerie, dans laquelle on peut acheter les ouvrages. La boutique de la marque Raymond Weil met à disposition des internautes une conseillère tandis que l’on peut également avancer dans la boutique sur un simple clic et accéder à des descriptions techniques et plus d’informations encore sur chacun des produits. L’Ecole d’horlogerie de Genève propose le même service avec un chercheur posté devant son bureau et une aide qui indique des questions. Le chercheur offre des réponses aux nombreuses questions au sujet des mécanismes de l’horlogerie. On a, en plus, la possibilité d’accéder à chaque site officiel et de vente des marques visitées.

Les innovations en matière de nouvelles technologies web et multimédia constituent le support privilégié d’une renaissance du rêve dans le luxe. En effet, les effets visuels créés à partir de logiciels complexes de montages, retouches et créations d’images, revêtent des impressions de perfection esthétique et de surnaturel propre au rêve. Chaque objet devient partie prenante d’une expérience totale du luxe, par le biais du produit lui-même. Les sensations qui lui sont liées sont recréées, voire augmentées, grâce à la mise en scène web et multimédia inventée à l’occasion de sa sortie et de son développement. L’expérience autour de la marque et de ses produits fait l’objet principal de la dernière partie. Nous souhaitons montrer la singularité de cette démarche qui vise véritablement, et parvient avec succès à faire revivre un luxe digne du faste de Louis XIV.

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B. Le retour aux cinq sens

Actuellement en exposition au Centre Pompidou de Paris à Beaubourg, l'œuvre du designer Ron Arad est toute entière tournée vers l'utilisation d'une technologie de pointe au profit de la forme. Ses créations se distinguent par un répertoire de formes reconnaissables entre toutes : sinusoïdales, elliptiques, ovoïdes, elles composent avec douceur mais non sans efficacité un ensemble reconnu comme l'un des plus pertinents de cette fin de XXème siècle. Son œuvre est exemplaire d’un mouvement de pensée et de vie qui se tourne d’avantage vers l’appréciation des sens alliée à la technologie. L’omniprésence du design montre l’impact de l’art sur les objets du quotidien aussi bien que l’intérêt des individus pour un nouveau goût. L’esthétisme et l’ergonomie jouent effectivement un rôle important dans le choix des objets d’intérieur ainsi que dans l’architecture et le monde qui nous entourent en général. Néanmoins, on note un mouvement précis tourné vers le rapport sensuel aux choses. Prenant comme source d’inspiration la nature et l’humain, les nouvelles technologies participent à des projets centrés sur l’émotion et l’expérience. C’est d’ailleurs le défi que le web et le multimédia se donnent tant l’entreprise semble a priori paradoxale. Gilles Lipovetsky le phénomène d’attrait pour l’expérience d’un point de vue sociologique :

« Le sensitif et l’émotionnel sont devenus des objets de recherche marketing destinés d’une part, à différencier les marques au sein d’un univers hyperconcurrentiel, d’autre part à promettre une « aventure sensitive et émotionnelle » à l’hyperconsommateur en quête de sensations variées et de mieux-être sensible. »97

D’ailleurs, l’auteur s’appuie sur le paradigme du design polysensoriel pour exprimer le passage de l’ère purement industrielle à celle de l’expérience à tout prix.

« C’est un imaginaire de sensualisme apollinien ou eurythmique que diffuse toute une tendance du design contemporain. … Le design de produits tend à devenir un design d’expériences sensibles dont la valeur ajoutée ne réside plus seulement dans la forme visuelle mais dans la dimension sensitive des produits

97 LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages, p48

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industriels. »98

Le règne du sensible et de l’expérience étant la conquête principale du luxe nous allons étudier sous quelle forme il apparaît sur le web ainsi que ses répercussions sur l’internaute consommateur du luxe.

a. Hypersophistication de l’objet : le marketing sensoriel

Mélange d’art, de quotidien et de ludique, le design envahit notre univers. Si chaque objet semble pensé à travers le prisme du design, c’est encore plus le cas dans le domaine du luxe. Nuancé sous différentes formes, le design qui est actuellement mis en avant vise à accentuer l’expérience sensible avec l’objet.

« Face à l'exacerbation de la concurrence et à la saturation de l'offre en termes de produits, et notamment face à l'émergence de produits "Mass Market" qui sont de très bonnes copies (mais réalisées à moindre coût) de ce que sont capables de produire les grandes marques, ces dernières ont entamé une démarche d'hypersophistication de l'objet de façon à tirer le marché vers le haut et à pouvoir conserver des marges suffisantes. Cette hypersophistication se traduit notamment par l'émergence d'un design sensoriel. Par design sensoriel, on entend les qualités visuelles (couleurs-matières, formes) mais aussi tactiles et odorantes, tout comme l'impact sur la kinesthésie et la cinématique de l'objet. C'est un travail très fin et tout en subtilité qui agit essentiellement sur la qualité perçue du produit. »99

Il correspond parfaitement à l’univers du luxe puisqu’il met en valeur la qualité du produit. Ainsi, le site de la marque Hermès propose de découvrir leur univers à notre manière, en passant des boîtes orange aux artisans, des jeux aux textes, des magasins aux expositions. Les couleurs chaudes rouge, orange et jaune dominent largement. On découvre les produits comme par magie avec des carrés de soie qui apparaissent sous les coups d’une baguette magique par exemple. On peut également déplacement des cravates ou des foulards avec des cliquez-glisser, comme si on fouinait sur un étalage. Les pages sont parsemées de dessins à l’aquarelle aux tons très clairs. Les produits apparaissent donc comme dans un rêve mais éclatant de couleur et de matière. En effet une loupe très précise permet de voir le grain du cuir de façon très rapprochée. Des vidéos

98 IBID p259 99 Site pédagogique Place au design, article « le design sensoriel » dans « les mots du design », consulté le 24 avril 2010

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proposent aussi de suivre la confection d’objets en cuir comme par exemple le gantier de Niel M. Jean Monestier, dont on ne filme que les mains et le plan de travail pour bien mettre en valeur l’ouvrage. Cela apporte une touche d'authenticité qui vient peut-être contrer les accusations faites sur le faux. Néanmoins, la totalité du site est conçue de façon à rappeler l’enfance, avec des jeux et des sons qui nous renvoient à une sorte âge d’or pas si lointain. Le thème de l’enfance est riche d’expériences de la vie et justifie que l’on nous fasse découvrir les produits à travers de jeux qui révèlent des couleurs, des matières, textures et sons. Les personnages dessinés nous font entrer dans un récit de fiction et donne un côté affectif aux objets.

Le marketing sensoriel vise donc à déployer tous les moyens pour que le consommateur se sente personnellement touché par l’atmosphère mise en place dans le site web (par la navigation, le graphisme, le choix des contenus) et par la manière de présenter les produits. Le retour aux cinq sens par différents moyens comme la réalité augmentée, la 3D, le jeu sur la polysensorialité servent entre autres à pallier l’absence de conseillère et vendeuse personnalisées comme on peut en avoir en boutique. Sur le site web, l’attention est portée sur le consommateur et son rapport avec le produit et la marque.

b. Luxe et sensualité : la polysensorialité

L’innovation et les différentes technologies créées pour retranscrire des émotions sont des atouts pour les sites de marques. Ainsi, en plus de fidéliser leurs clients, les marques se distinguent des sites multimarques qui se contentent de proposer la vente de produits sans aucun habillage particulier. Seules des informations rudimentaires sur les articles sont proposées aux internautes. Le plaisir lié au produit et au site ainsi que les émotions ressenties par le consommateur sont donc mis en scène pour favoriser l’achat. Chaque sens est traité de façon singulière pour attirer l’attention du client du luxe. Le luxe parvient à se distinguer car les acteurs de ce secteur répondent à des enjeux de taille. Ils cherchent à dépasser les obstacles du tout digital en misant sur un concept a priori paradoxal, retranscrire le sens du toucher par exemple. L’écran de l’ordinateur est une barrière à l’appropriation par le consommateur du produit si rien n’est instauré pour compenser ce manque. Pourtant, les nombreuses matières précieuses des objets du luxe gagnent à être mises en valeur.

« Depuis les années 90, probablement influencé par la culture japonaise, le designer s'attache désormais à prescrire non seulement la couleur et les effets spéciaux qui s'y rattachent, comme le reflet, la matité ou la

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taille du grain métallisé, mais également le toucher qui peut être sec, caoutchouteux, grainé, chaud ou glissant. » 100

En effet, le toucher est une sensation qui va influencer le consommateur dans son choix. Lorsqu'il y aura cohérence entre la perception visuelle et la sensation tactile, le consommateur sera conforté dans la confiance qu'il aura mise a priori dans le produit. Cette nuance peut faire la différence face à une offre concurrentielle car elle renforce les critères de choix irrationnels mais indiscutables que sont les "goûts et couleurs". Enfin, cette sophistication sensorielle permet également de positionner les produits sur des créneaux plus "haut de gamme”, aux marges plus confortables. Une autre révolution dans le domaine du web et du luxe consiste à diffuser les odeurs à l’internaute installé derrière son écran.

« Le domaine du multimédia, avec l’ampleur d’Internet et sa capacité commerciale, n’échappe pas au design sensoriel. France Télécom et ses partenaires ont mis au point, en septembre 2000, le premier dispositif expérimental de diffusion d’odeur sur Internet. Un usager peut de ce fait sentir en temps réel, via un diffuseur local, des odeurs associées au contenu multimédia qu’il consulte. A l’aide de sa souris l’internaute peut, par exemple, humer un parfum commercialisé par une grande marque »101

En partenariat avec la société allemande Ruetz Technologies et l’ISIPCA (Institut Supérieur International du Parfum, de la Cosmétique et de l’Aromatique Alimentaire), le dispositif nécessitera le téléchargement d'un logiciel commandant la diffusion d'une odeur à partir d'un boîtier placé près du PC pendant la visite d'un site Web parfumé. Le modèle économique s'est donc d'abord lancé sur des niches de marché, en particulier dans l'évènementiel et les kiosques de démonstrations sur les lieux de vente. Cette invention connaît un succès au Japon, pays à la pointe de la technologie et féru de parfums français. Les premières applications portaient sur des diffusions interactives d'odeurs de vins dans de grandes écoles hôtelières japonaises, mais désormais, on propose des kits de plus en plus simples, qui permettront des applications grand public, que ce soit sur PC ou connecté à un lecteur DVD. 102

Enfin, le marketing son est le type de marketing sensoriel le plus développé actuellement, car il

100 Site Place au design, rubrique « les mots du design », article « design sensoriel », consulté le 24 avril 2010 101 IBID 102 Blog Le journal d’une start-up, article “La diffusion d’odeurs sur Internet via Exhalia, par Ghislain Moncomble, publié le 15 octobre 2007, consulté le 28 avril 2010

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Partie 3 : L’innovation : vers le succès de la distinction du luxe sur Internet

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est facile à développer. Le rôle affectif joué par la musique est très important pour la jeune génération amatrice de musique. D’autant plus que les réseaux peer-to-peer facilitent l’échange de musique. Néanmoins, créer une ambiance avec des bruits, et non pas un morceau artistique, aide aussi à plonger dans un univers. Des bruits d’eau, et un fond musical apaisant sont présents sur le site « yourforce » du nouveau parfum pour homme de Biotherm. S’imprégner de l’univers d’un produit donne aussi plus envie de voir le parfum en vrai en l’occurrence, et de sentir sa fragrance, tandis que déjà, tout est fait pour que l’on ressente une impression de fraîcheur, et de vitalité. En créant des interfaces orientées vers l’exploration des sens, les marques développent des sites proches des musées en ligne.

c. L’expérience au cœur des sites en 3D

Un des artistes américain le plus connu du mouvement Pop Art né dans les années 1960, Andy Warhol affirmait : "tous les grands magasins vont devenir des musées, tous les musées vont devenir des grands magasins". Cette citation montre combien l’artiste était visionnaire. La réversibilité du propos de Warhol joue sur plusieurs aspects. D’une part, on peut noter le recours à des architectes prestigieux pour la construction de mégastores, d’autre part les musées d’art contemporain, et ce notamment depuis l’émergence du pop art, font entrer dans leurs salles des objets du quotidien, issus de la culture de masse, employés à des fins artistiques. Luxe et art s’imbriquent grâce au mécénat et les boutiques n’hésitent pas à exposer les "performances". Par exemple, l'artiste américaine Vanessa Beecroft a créé une composition avec ces corps entremêlés aux valises Vuitton dans l'espace bagage du magasin des débuts 2006.

Néanmoins la comparaison entre le musée et le magasin peut également valoir entre le musée en ligne et le site web de marque. Tous deux cherchent à faire vivre une expérience par le biais d’une navigation contrôlée, d’une ergonomie adaptée à tous, d’un design en accord avec la charte graphique de la marque ou de l’architecture du musée. Enfin, ils jouent chacun sur l’interactivité pour attirer l’attention de l’internaute.

Si un magasin de luxe est souvent situé dans un lieu symbolique, le site web permet également de jouer un rôle d’écrin, particulièrement attractif pour les consommateurs, en développant des techniques qui rendent précieux, non plus l’objet mais celui qui le possède, c’est-à-dire l’internaute. Les auteurs Vincent BASTIEN et Jean-Noël KAPFERER affirment à cet égard :

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Partie 3 : L’innovation : vers le succès de la distinction du luxe sur Internet

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"Le magasin est écran (de projection de l'histoire de marque), mais aussi une métaphore de l'écrin qui met à distance l'objet du désir, pour accroître celui-ci."103

Désormais il semble que les sites web actuels jouent encore mieux que les boutiques le rôle de l’écrin puisque le média Internet impose l’immatérialité, tandis que les technologies développées rendent les produits et les services toujours plus performants et esthétiques. En effet, après la grande vague de popularisation de la 3D grâce au film Avatar de James Cameron, cette technologie de sophistication de l’image s’inscrit dans le nouveau paradigme de l’esthétique noble du multimédia. Elle devrait permettre d’exprimer la singularité de chaque création pour mieux différencier l’œuvre de contemplation et l’image de masse. C’est aussi une manière de travestir la réalité du quotidien pour faire de l’hyper réalité digitale. L’activité de création qui sous-tend les sites web amène ainsi les grandes maisons de luxe vers une identité de marque fondée sur une dimension artistique.

103 BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages, Chapitre « La distribution du luxe et le dilemme d'Internet », p253

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Conclusion

Cette réflexion sur le luxe et le web analyse les avancées en matière de communication et

de démocratisation des produits de luxe. Internet montre son efficacité en véhiculant des liens avec la clientèle existante mais aussi en séduisant de nouveaux consommateurs. A l’avenir, les études sur l'offre et la demande permettront de proposer une gamme toujours plus large de produits prêts à s'imposer en ligne. Si la société précédente était pyramidale, l’innovation se propageait du haut vers le bas, une classe intermédiaire diffusait alors les inventions en se les appropriant et en tâchant d’imiter les élites. Ainsi elle se démarquait du peuple, mais ce modèle a fait son temps. En effet l’innovation en matière de web, multimédia et nouvelles technologies touche désormais toutes les catégories sociales, et elle permet de développer la pensée des mutations du luxe à travers Internet. D’abord, l'enjeu majeur d'Internet reste sa fonction de vitrine des produits de luxe et son accessibilité à la clientèle, ensuite son efficacité dans la conception des sites web et leur graphisme élaboré qui pourront séduire et attirer de nouveaux consommateurs.

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TABLE DES MATIERES

Introduction………………………………………………………………………………………..4

PARTIE 1 : HISTOIRE POLITIQUE, INDUSTRIELLE, SOCIALE ET CULTURELLE DU LUXE DE 1700 A NOS JOURS ............................................................................................. 8

A. Continuité et discontinuité dans l'histoire du luxe…………………………………………….11

a. La naissance des valeurs du luxe en France du XVIe au XVIIIe siècle ………………………11

b. La notion de goût au cœur du luxe des XIXe et XXe siècles………………………………….13

c. Evolutions notoires au XX et XXIe siècle : l’arrivée des marques……………………………15

B. L'industrie du chic à l'épreuve de la rareté…………………………………………………….20

a. De la rareté naturelle à la rareté virtuelle : la fin de la rareté ?...................................................21

b. le mass luxury………………………………………………………………………………….24

c. la rareté technologique ………………………………………………………………………...25

C. Le rêve agrégateur d'Internet et du luxe……………………………………………………….29

a. Le rêve impossible sans la notoriété…………………………………………………………...30

b. Internet et le rêve d’authenticité……………………………………………………………….32

PARTIE 2 : MARKETING ET IMAGE DU LUXE SUR INTERNET .................................. 33

A. Connaître le consommateur : les enjeux du webmarketing…………………………………...34

a. Portrait du consommateur du luxe sur Internet………………………………………………...34

b. D’où vient l’internaute du luxe ?................................................................................................38

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c. Plonger dans l’univers du consommateur……………………………………………………...40

B. Positionnement éthico-commercial des marques de luxe sur Internet………………………...40

a. Une typologie des comportements variés sur le marché du luxe on-line……………………...41

b. La vente en ligne : le développement de e-boutiques………………………………………….43

c. L’éthique des marques et de leurs sites web…………………………………………………...46

C. Les Social Media au service des marques de luxe…………………………………………….49

a. L’industrie du luxe à l’épreuve de la globalisation ……………………………………………49

b. La réputation du chic on-line…………………………………………………………………..51

c. La stratégie multicanal et l’exemple du social shopping………………………………………54

PARTIE 3 : L’INNOVATION : VERS LE SUCCES DE LA DISTINCTION DU LUXE SUR LA TOILE ............................................................................................................................ 56

A. Internet et le luxe at home……………………………………………………………………..59

a. Dans l’intimité du luxe………………………………………………………………………...60

b. Un contact distant avec le produit……………………………………………………………..62

c. Le conseil au consommateur en réalité augmentée…………………………………………….63

B. Le retour aux cinq sens………………………………………………………………………..66

a. Hypersophistication de l’objet : le marketing sensoriel………………………………………..67

b. Luxe et sensualité : la polysensorialité………………………………………………………...68

c. L’expérience au cœur des sites en 3D………………………………………………………….70

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Conclusion………………………………………………………………………………………..72

Bibliographie……………………………………………………………………………………..74

Table des annexes………………………………………………………………………………...82

Annexes…………………………………………………………………………………………..83

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BIBLIOGRAPHIE

ANDERRUTHY Jean-Noël, Techniques de veille et e-réputation, comment exploiter les outils Internet ? Editions ENI, Paris, 2009, 355 pages

ASSOULI, Olivier, Le luxe, Essai sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Institut français de la mode, Regard, 2005, 410 pages

AURAY Nicolas, GENSOLLEN Michel, Internet et la synthèse collective des goûts, PDF, 2007, 22 pages

BARTHES, Roland, L’empire des Signes, Genève, Editions Albert Skira, 1993, 150 pages

BASTIEN Vincent, KAPFERER Jean-Noël, Luxe oblige, Paris, Eyrolles, 2008, 383 pages

BOURDIEU Pierre, Questions de sociologie, Paris, Les Editions de minuit, 1984, 269 pages

BOURDIEU Pierre, La Distinction, critique sociale du jugement, Paris, Les Editions de Minuit, 1979, 670 pages

CASTAREDE Jean, Le Luxe, Que sais-je?, 2007, 128 pages

CASTAREDE Jean, Histoire du luxe en France, Des origines à nos jours, Marsat, Eyrolles, 2007, 377pages

CASTAREDE Jean, Luxe et civilisations, Paris, Groupe Eyrolles, 2009, 303 pages

CHEVALIER Michel, MAZZALOVO Gérald, Management et Marketing du Luxe, Dunod, Paris, 2008, 360 pages

COLONNA D’ISTRIA Robert, L’art du luxe, petit traité du luxe suivi d'un catalogue raisonné des objets, des lieux et des pensées y contribuant, Hermé, Paris, 1991, 224 pages

ECO Umberto, « Sémiologie des messages visuels », in Communications, n°15, Paris, Seuil, 1970

EVERAERT-DESMET Nicole, La communication publicitaire : étude sémio-pragmatique, Louvain-la-Neuve, Cabay, 1984, 307 pages

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FAURE Blandine, « L’optimisation de l’impact des affiches publicitaires », in Ecrit, image, oral et nouvelle technologies, Actes de séminaire, 1993-1994, Sous la direction de Marie-Claude VETTRANO- SOULARD, Université Paris VII, p.54-67.

FLOCH Jean-Marie, « La génération d’un espace commercial », in Actes sémiotique – Documents, IX, 89, 1987.

FLOCH Jean-Marie, «Kandinsky : sémiotique d’un discours plastique non figuratif », in Communications, n°34, Les ordres de la figuration, Paris, Seuil, 1981, p.135-158

FLOCH Jean-Marie, Identités visuelles, Paris, Presses Universitaires de France, 1995, 220 pages

JEON Hyeong-Yeon, Analyse des sites web de marques de luxe, support publicitaire, marketing et identité des marques, thèse soutenue sous la direction de M. le professeur Jean-François TETU, Université Lumière-Lyon2, 2003

JOLY Martine, Introduction à l’analyse de l’image, Paris, Editions Nathan, collection 128, 1993, 128 pages

KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Gallimard, Paris, 1985, 978 pages

KASPI, André, Les Américains, tome2 : Les Etats-Unis de 1945 à nos jours, Seuil, Paris, 2008, p344à 761 LAHIRE Bernard, Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2004, 777pages

LIPOVETSKY Gilles, Le Bonheur paradoxal, Essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, 2006, 455 pages

MONTAIGNE Michel Eyquem, Les Essais, Paris, Gallimard, imprimé en 2007

MORIN Edgar, Les Stars, Evreux, Editions du Seuil, 1972, 188 pages

PASCAL Blaise, Les Pensées, Paris, Gallimard, 1999

REMAURY Bruno, « L’objet de luxe à l’ère de la reproductibilité technique » p371, « L’objet de luxe à l’épreuve de la marchandise », in ASSOULI, Olivier, Le luxe, Essai sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Institut français de la mode, Regard, 2005, 410 pages

ROCHE Daniel, « Consommation ordinaire et consommation de luxe », De la rareté au luxe, p. 85-91 in Histoire des choses banales, Naissance de la consommation XVII-XIXème siècle, Fayard, 1997, 330 pages

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REVUES

CHATRIOT Alain, « La construction récente des groupes de luxe français : mythes, discours et pratiques », Entreprises et histoire ESKA, I.S.B.N.2747212526, 208 pages, p. 143 à 156

CATRY Bernard, « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare? », Revue française de gestion, no171, Lavoisier, Cachan, 2007, pp. 49-63

DEREUMAUX René-Maurice, « Le Luxe et l’image de marque », Entreprises et histoire ESKA, I.S.B.N.274721254096 pages 70 à 78

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WEBOGRAPHIE

Sites de marques de luxe :

http://www.pierrecardin.com

http://www.hermes.com/index_fr.html

http://www.burberry.fr/

http://www.love.cartier.fr/

http://www.louisvuitton.com/

www.louisvuittonjourneys.com/

http://www.chanel-latinlover.com/

http://www.yourforce.fr/

Vidéos :

http://www.dailymotion.com/video/xchpek_la-marque-corporate-est-elle-morte_webcam

Cf. Vidéo en l’honneur du livre Marketing anatomy de Nicolas Riou, le blog Darkplanneur dans l’article « Tendances Marketing dans Darketing » sur le blog Web&Luxe, posté par Diana et David le 12 avril 2010, consulté le 12 avril 2010 http://www.webandluxe.com/?s=vid%C3%A9o+darkplanneur

Blogs d’actualités sur le luxe :

http://www.webandluxe.com

http://www.publicitor.fr/interview-nathalie-lemonnier-luxe-et-internet

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http://the-flair-paris.com/

http://www.buzz2luxe.com/

http://luxurysocialmedia.wordpress.com/

http://www.darkplanneur.com/

Articles

Site LUXE, un supplément du journal des femmes, article « Le luxe et internet ne sont pas antinomiques » par Caroline Feufeu le 03 Décembre 2005, consulté le 10 novembre 2009 http://www.adamence.com/fr/infos/presse/docLC/6.pdf

Site Vanksenculturebuzz, article « Journeys vous invite aux voyages extraordinaires » par Gérald Julia le 29 août 2007, consulté le 21 avril 2010 http://www.culture-buzz.fr/blog/Louis-Vuitton-Redecouvrez-le-voyage-1424.html

Site Le journal du net, « Les Galeries Lafayette vendent le luxe sur Internet », par Marine de Saint Seine, le 22 avril 2008, consulté le 10 novembre 2009 http://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/actualite/les-galeries-lafayette-vendent-le-luxe-sur-internet.shtml

Site des professionnels du marketing/ Définition du glossaire du/ e-marketing.fr /en partenariat avec l’Encyclopédie du marketing de LEHU Jean-Marc, Eyrolles /consulté le 2 avril 2010. http://www.e-marketing.fr/Definition-Glossaire/Marque-ombrelle-5850.htm

Site Le journal du Net, article « LVMH.fr le changement dans la continuité », LEVEQUE Emilie, le 2 mars 2005, consulté le 02 avril 210. http://www.journaldunet.com/0503/050302lvmh.shtml

Site Le Figaro, article « LVMH pousse la rentabilité de ses petites marques » par COLLOMP

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Florentin, le 15 octobre 2007, consulté le 30 mars 2010 http://www.lefigaro.fr/temp/2007/02/15/04010-20070215ARTFIG90088-lvmh_pousse_la_rentabilite_de_ses_petites_marques.php

Site L’Express.fr, article « Le tour du monde en ballon » écrit par MONIER Françoise, publié le 14 janvier 1999, consulté le 02 avril 2010. http://www.lexpress.fr/informations/le-tour-du-monde-en-ballon_632360.html

Site Génération Nouvelle Technologie, Article « Vertu, la division luxe de Nokia : demande très élevée » par Laurent T. , le 18 août 2006, consulté le 17 avril 2010 http://www.generation-nt.com/s/nokia+marque+vertu+demande+elevee/?or

Blog Interactive Luxury, article « Le luxe et Internet : Les grandes marques de luxe ont-elles intérêt à commercialiser leurs produits en ligne ?», posté 15 mai 2008, consulté le 15 décembre 2009 http://interactive-luxury.com/2008/05/15/les-marques-de-luxe-ont-elles-interet-a-vendre-sur-internet/

Site CNIL, article du « Marketing ciblé sur Internet : vos données ont de la valeur », PEYRAT Bernard, le 5 février 2009, consulté le 26 novembre 2009 http://www.cnil.fr/es/la-cnil/actu-cnil/article/article/91/marketing-cible-sur-internet-vos-donnees-ont-de-la-valeur/

Site Le journal du net, article « Les Galeries Lafayette vendent le luxe sur Internet », par Marine de Saint Seine, le 22 avril 2008, consulté le 10 novembre 2009 http://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/actualite/les-galeries-lafayette-vendent-le-luxe-sur-internet.shtml

Site Droit-finance.net, article « Internet : les prix rendent attractifs les produits de luxe » publié le mardi 26 mai 2009 par Relax News, consulté le 21 avril 2010 http://droit-finances.commentcamarche.net/news/100634-internet-les-prix-rendent-attractifs-les-produits-de-luxe

Site Vanksenculturebuzz, par Gérald Julia le 29 août 2007, consulté le 21 avril 2010

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http://www.culture-buzz.fr/blog/Louis-Vuitton-Redecouvrez-le-voyage-1424.html

Site Le Journal du Net, article de Marie-Thérèse Chedeville, auteur du livre J’ebay, j’ebay pas (2006) http://www.journaldunet.com/magazine/chat/retrans/061005_chedeville.shtml.

Site Web&Luxe, luxe, web et nouvelles technologies, article « Sommet 2010 du Club e-Luxe: une fenêtre sur l’avenir du luxe » par Diana et David, le 16 avril 2010, consulté le 23 avril 2010 http://www.webandluxe.com/?s=luxe+corp

Site Mercator Publicitor, article « luxe et Internet, distinguez-vous : cliquez ! », posté le 27 novembre 2008, consulté le 23 avril 2010 http://www.publicitor.fr/interview-nathalie-lemonnier-luxe-et-internet

Blog Flair, article « les marques de luxe les plus sociables » posté par F. le 9 janvier 2010, consulté le 16 avril 2010. http://the-flair-paris.com/2010/01/09/les-marques-de-luxe-les-plus-sociables/

Site Prestigium.com article « Luxe et Internet : un mariage obligatoire ? » par Elisa Morère, posté le 10 février 2009, consulté le 10 octobre 2009

Baromètre « influence des médias sur les décisions d'achats », source Ifop, octobre 2009 http://www.athomedia.com/blog/2010/02/16/medias-sociaux-strategie-multicanal/

Sites MédiasSociaux.com, article « Facebook Fan Pages : principes et bénéfices, publié par DENIAUD Cédric, le 8 décembre 2009, consulté le 24 avril 2010 http://www.mediassociaux.com/2009/12/08/facebook-pan-pages-principes-et-benefices/

Blog Flair, article « Louis Vuitton présente son défilé en direct sur Facebook », publié par F. le 4 octobre 2009, consulté le 10 avril 2010 http://the-flair-paris.com/2009/10/04/defile-louis-vuitton-facebook/

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Site pédagogique Place au design, article « le design sensoriel » dans « les mots du design », consulté le 24 avril 2010 http://www.placeaudesign.com/reperes/lexique/senso.htm

Blog Le journal d’une start-up, article “La diffusion d’odeurs sur Internet via Exhalia, par Ghislain Moncomble, publié le 15 octobre 2007, consulté le 28 avril 2010 http://nevisto.blogspot.com/2007/10/la-diffusion-dodeurs-sur-internet-via.html

Cf. Vidéo en l’honneur du livre Marketing anatomy de Nicolas Riou, le blog Darkplanneur dans l’article « Tendances Marketing dans Darketing » sur le blog Web&Luxe, posté par Diana et David le 12 avril 2010, consulté le 12 avril 2010 http://www.webandluxe.com/?s=vid%C3%A9o+darkplanneur

Blog Flair, article « web social : Burberry et ses ambassadeurs « next door », publié par F. le 28 janvier 2010, consulté le 20 avril 2010 http://the-flair-paris.com/2010/01/28/web-social-burberry-et-ses-ambassadeurs-next-doors/

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Tables des annexes

1. Intégrer les médias sociaux à une stratégie multicanal : la présentation

2. Site YourForce pour la sortie du dernier parfum homme de Biotherm

3. Web social : Burberry et ses ambassadeurs « next door »

4. Site Chanel Latin Lover pour le marketing sonore

5. Page de présentation des différentes boîtes du site Hermès

6. Page d’aide à la navigation du site Hermès

7. Page de site de Pierre Cardin

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1. Intégrer les médias sociaux à une stratégie multicanal : la présentation

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2. Site YourForce pour la sortie du dernier parfum homme de Biotherm

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3. Web social : Burberry et ses ambassadeurs « next door »

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4. Site Chanel Latin Lover

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5. Capture d’écran de la page de présentation des différentes boîtes du site Hermès

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6. Page d’aide à la navigation du site Hermès

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7. Page de site de Pierre Cardin

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Abstract :

L’émergence du web a bouleversé le secteur du luxe car Internet a accentué le phénomène de la démocratisation des objets de luxe. Ainsi, on est passé d’un secteur réservé à une élite, contraint par des codes, à un domaine ouvert à toutes les cultures et notamment celles du web 2. 0. Bien que souhaitant conserver leur aura, les maisons de luxe ne peuvent plus se passer d’une présence sur Internet via un site web officiel, ou réservé à la vente, ou encore des pages sur les médias sociaux. Cette concession a pour mérite d’élargir leur clientèle et d’agrandir leur couverture mondiale grâce à la globalisation des échanges. Toutefois, la qualité des sites web et des applications mises en place permettent d’établir un nouveau lien de proximité avec le consommateur et de développer des idées innovantes. Depuis Internet, l’esthétique et l’éthique des marques de luxe ont connu un changement en faveur de l’authenticité et de la sensorialité exacerbée via les nouvelles technologies. Internet a donc tout d’un nouveau terrain de conquête pour les grandes marques prestigieuses.

The emergence of the Web disrupted the luxury area because Internet accentuated the phenomenon of democratization of luxury items. Thus, the luxury field went from, reserved for an élite, strained by codes, to open to every cultures and notably the Web 2.0 culture. Although wishing to maintain their aura, the luxury houses can not do without a presence on the Internet via an official website or reserved to sale, or pages on social networking websites. This concession permits them to broaden their customers and enlarge their global coverage thanks to the globalization of trade. However, the websites quality and the applications set up permit to establish a close link with the consumer and to develop innovative ideas. Since Internet, the aesthetic and ethic of luxury brands have known a change in favor of authenticity and an exacerbated sensoriness via new technologies. So Internet is a whole new land of conquest for the prestigious luxury houses.

Mots clés

Luxe, rareté, distinction, goût, hyperconsommateur, webmarketing, 3D, polysensorialité, marques, sites web