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Nucléaire : la filière françaisedu démantèlement à l'épreuve

de l'industrialisation

Nadège L'Hostis, Taha Zeggwagh

L'essor du démantèlement des centrales nucléaires constituera une opportunitépour développer la filière française qui peut aujourd'hui se targuer d'uneexpérience non négligeable. Pour se mettre en capacité de mener le nombreimportant de projets à venir, la filière française doit désormais se structureret s'industrialiser. Le développement d'une filière d'excellence reste conditionnépar la définition d'orientations stratégiques permettant aux différents acteursd'investir dès à présent et un assouplissement du cadre réglementaire existant.

La filière française du nucléaire civil, recon-nue comme une filière d'excellence, est à untournant majeur de son évolution. Les poli-tiques énergétiques sont en pleine mutation,la concurrence internationale s'exacerbe, cecidans un contexte d'exigences de VûUHtp et desécurité de plus en plus fortes. L'industrie nu-cléaire fait aujourd'hui l'actualité autour de sesrestructurations : recentrage d'AREVA sur sesactivités du cycle du combustible, rachat parEDF des activités réacteurs d'AREVA, question-nements sur les projets EPR Hinkley Point etOL3...Au regard de ces débats, le cycle aval de la

filière nucléaire, notamment le démantèlement,fait peu parler de lui. Il connaîtra pourtant iné-luctablement un essor important dans les an-nées à venir du fait de l'arrivée en fin de viedes installations, principalement celle du parcde réacteurs de deuxième génération.Pour asseoir l'industrialisation de la filière,

un certain nombre de défis doivent être rele-vés au cours des prochaines années : tirer partide l'innovation et de la R&D, développer lescompétences, adapter le cadre réglementaire etrenforcer les relations entre les acteurs. L'essordu démantèlement constituera une opportunité

pour développer une filière avec un haut ni-veau de savoir-faire, permettant ainsi de redy-namiser l'ensemble du secteur nucléaire.

1. Un marché incontournablequi nécessitera l'industrialisation

de la filière

1.1. Un marché de 35 milliards d'euros

Avec un marché français estimé à 35 milliardsd'euros

1répartis sur les 50 prochaines années,

les activités liées au démantèlement nucléairesemblent avoir de beaux jours devant elles.Cette estimation couvre la trentaine d'ins-tallations nucléaires de base actuellementen cours de démantèlement, mais égalementplus de 90 installations qui seront démante-lées dans les décennies à venir.S'il est certain que ce marché connaîtra une

croissance à terme du fait du vieillissement desinstallations nucléaires, l'enjeu pour la filièrefrançaise est d'être en mesure d'accompagner

1. Source : etudH «Modélisation du marché du démantè-lement des installations nucléaires de base » - ColombusConsulting et Centrale-Supélec - 2015

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ANALYSE Nucléaire : la filière française du démantèlementà l'épreuve de l'industrialisation

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40 ans -50 ans 60 ans

Figure 1 - Evolution du chiffre d'affaires du marché du démantèlement en fonction de la durée devie des réacteurs nucléaires(Source : Colombus Consulting)

son rythme de croissance. Il est complexed'estimer précisément le rythme d'essor de cemarché, en raison des multiples paramètres quiinfluencent son développement (grand caré-nage, loi transition énergétique, vieillissementdes centrales, compétitivité accrue des éner-gies renouvelables, ...). Toutefois, la décisionde l'ASN quant à la prolongation ou non de ladurée de vie autorisée des centrales nucléairesaura un poids déterminant sur le rythme decroissance du marché, ceci pour deux raisons :• le démantèlement de ces réacteurs représen-tera 50 % du volume global du marché ;

• la France a fait le choix d'une stratégie dedémantèlement immédiat et non différé, lesactivités de démantèlement devraient ainsi

DECHE

INGENIERIE

GESTION DEPROJET

SECURITE ETSURVEILLANCE REAMENAGEMENT

DU SITE

Figure 2 - Structure de FRûW du démantèlementd'une installation nucléaire(Source Colombus Consulting)

être initiées sans délai après la mise en arrêtdéfinitif.La durée de vie des 58 réacteurs REP mis en

service entre les années soixante-dix et quatre-vingt-dix, initialement fixée à 40 ans par l'ASNsera probablement prolongée à 60 ans. L'évo-lution du chiffre d'affaires du marché françaisdu démantèlement peut être modélisée enfonction de différents scénarios portant sur ladurée d'exploitation des réacteurs nucléaires(40, 50 et 60 ans).Les FRûWV opérationnels représentent 50 %

des FRûWV d'un projet de démantèlement. Lesautres centres de FRûW sont principalement lagestion des déchets, l'ingénierie et la gestionde projet.

1.2 Des chantiers complexes

La chaine de valeur d'un projet de déman-tèlement fait la part belle aux activités degestion de projet, en raison de la durée d'unprojet (entre 15 et 25 ans selon l'INB 2 ) et desnombreux aléas à traiter. Chaque installation,de par sa spécificité, requiert une stratégie dedémantèlement bien spécifique. La conception,les matériaux utilisés et les modifications inhé-rentes au cycle de vie font de chacun de cessites un projet de démantèlement différent desautres, nécessitant des travaux de diagnostic etd'ingénierie poussés.

2. Source : Comité Stratégique de la Filière Nucléaire.

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Caractérisation

Compétences demesure et gestion de

données,

radioprotection,ingénierie

Conception des

Compétencesd'ingénierie, de gestion

de données, de

modélisation etsimulation

Opérations

Compétences deconfinement, ventilation,

radioprotection,

robotique, génie civil,radioprotection,manutention

Gestion des déchets

Compétences deradioprotection, gestionde déchets, transport,conditionnement

Gestion de projetCompétences de gestion de planning, gestion des FRûts, gestion des risques, gestion des fournisseurs

Figure 3 - Chaîne de valeur d'un projet de démantèlement d'une installation nucléaire

Toutefois, les installations de type réacteursnucléaires pourront bénéficier d'un effet desérie et d'optimisation au cours des étapestechniques de travaux d'aménagement, d'assai-nissement et de démantèlement. Ces effets desérie seront quasi inexistants pour les autresinstallations dédiées au cycle du combustible(conversion, enrichissement, recyclage, ...), àla R&D ou encore à l'entreposage des subs-tances radioactives.Le large spectre d'activités nécessaires au

démantèlement d'une installation fait inter-venir des compétences techniques aussi bienque des compétences transverses de pilotage,d'analyse des risques ou encore d'optimisa-tion financière. Pour cette raison, l'un des pré-requis à l'essor du marché est la constitutiond'un vivier de compétences conséquent, ceciau sein des entreprises exploitantes et dessous-traitants.

1.3 L'essor du marché, opportunité pour lesnouveaux entrants

Les projets de démantèlement en cours etles premiers projets à venir représentent uneopportunité pour de nouveaux entrants, quipourront aider à la structuration de la filièreet constituer le vivier de compétences néces-saires pour accompagner l'essor du marché.Les industriels auront d'autant plus d'intérêtà se positionner sur le marché qu'ils pourrontfaire valoir l'un des deux atouts suivants :• la différenciation grâce à une solution inno-vante, tels que les outils de simulation ou de

robotique pour les investigations télé-opé-rées en milieux irradiés ;

• la création de synergies avec les autres ac-tivités de l'entreprise, par exemple en dé-veloppant des offres intégrées ou - clé enmain » lorsque l'entreprise est présente surd'autres activités de la filière nucléaire ousur d'autres secteurs industriels.Pour entrer sur le marché du démantèlement

nucléaire, les potentiels nouveaux entrantsdoivent travailler sur quatre axes de dévelop-pement incontournables :• Maîtriser les compétences : le secteur dudémantèlement nucléaire requiert des com-pétences spécifiques, telles que l'interven-tion en milieu irradié, la culture sûretp, lerespect des exigences qualité

• Gagner la confiance du marché : pourêtre reconnu, la stratégie classique consiste àremonter la chaîne de sous-traitance en vued'atteindre la contractualisation directe avecle donneur d'ordre

• Qualifier sa solution : la solution doitrépondre aux exigences sectorielles, notam-ment la garantie d'une traçabilité de bouten bout ainsi que les qualifications requises(essais non destructifs par exemple)

• S'adapter au cadre réglementaire : laconnaissance des réglementations et normesspécifiques du secteur et la maîtrise deleur mise en notamment au traversde certifications ou qualifications par lesexploitants, représentent un investissementconséquent mais sont essentielles pour inté-grer le marché (CAEAR, CEFRI, ...).

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Développer l'innovation et la R&D

Améliorer la maîtrise l'état initial

Optimiser les scénarios de démantèlement

Optimiser et sécuriser les opérations de

démantèlement

Optimiser la filière des déchets

oDévelopper les compétences y ^ ^MglijiMM y ^ Renforcer les relations entre les acteurs

Disposer d'un vivier de compétences ^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Créer des synergies entre les acteurs

Gérer la transition de l'exploitation au , Faire évoluer les modèles contractuels et

démantèlement & partager les risques

MlllUt

Adapter le cadre réglementaire

Avoir de la visibilité sur les programmes de

démantèlement

Figure 4 - Les défis de la filière du démantèlement nucléaire (Source : Colombus Consulting)

L'attractivité du marché est aujourd'hui re-lativement faible avec une marge inférieure à5 % pour les industriels 3 notamment en rai-son des FRûts importants liés à la complexitédes réponses à appel d'offres. Pourtant, pourse positionner sur ce marché et bénéficier deson développement prévisible, les industrielsdoivent investir dès aujourd'hui. Le marchédu démantèlement se caractérise en effet pard'importantes barrières à l'entrée et la duréemoyenne pour atteindre le « breakeven point »se situe entre 10 et 15 ans4.

2. Les défis à releverpar la filière française

Grâce aux déconstructions déjà en cours,ainsi qu'à une longue tradition de produc-tion d'électricité de source nucléaire, la filièrefrançaise du démantèlement peut aujourd'huise targuer d'une expérience non négligeable.Pour se mettre en capacité de mener le nombreimportant de projets à venir, la filière françaisedoit désormais se structurer et s'industrialiser.

3. Source : etuGe «Modélisation du marché du démantè-lement des installations nucléaires de base » - ColombusConsulting et Centrale-Supélec - 20154. Source : etuGe «Modélisation du marché du démantè-lement des installations nucléaires de base » - ColombusConsulting et Centrale-Supélec - 2015

2.1 Développer l'innovation et la R&D

Les projets de démantèlement sont deschantiers complexes à forts enjeux techniqueset financiers. L'innovation et la R&D contri-buent à répondre à ces enjeux lors des diffé-rentes étapes d'un démantèlement, que ce soitpour maîtriser l'état initial, pour optimiser lesscénarios et les opérations de démantèlementou encore pour optimiser la filière des déchets.

2.1.1 Améliorer la maîtrise l'état initial

La maîtrise de l'état de l'état initial est uneétape cruciale d'un projet de démantèlementpuisqu'elle permet de :• Définir les meilleurs scénarios de démantè-lement, alliant sécurité des intervenants etperformance technico-économique ;

• Sélectionner les techniques d'interventionrépondant au mieux aux exigences de sûUe-té, de sécurité et de radioprotection ;

• Disposer d'une classification des déchetsproduits lors du démantèlement et anticiperles exutoires associés.Cette étape nécessite la réalisation d'un

inventaire physique et d'un inventaire radiolo-gique des installations tenant compte de l'his-torique d'exploitation. Cette activité peut êtrerendue difficile par la conjonction de plusieurséléments parmi lesquels : l'ancienneté des ins-tallations, le manque de précision des plans,

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l'inaccessibilité de certaines parties de l'ins-tallation, l'incertitude sur l'état de substancesradioactives, ou encore le manque de traçabi-lité des modifications apportées à l'installationlors de son exploitation. Il est à noter que cesdifficultés portent principalement sur les ins-tallations les plus anciennes conçues dans lesannées 1950 et i960, pour lesquelles les exploi-tants disposent d'une moindre traçabilité.Une mauvaise connaissance de l'état initial

peut fortement impacter les délais du projet,et ainsi les FRûWV associés. L'innovation peutpermettre de répondre à ces problématiquesde caractérisation. Le CEA a par exemple misen place « la technologie 'gamma caméra' quipermet de repérer, situer et quantifier les pointschauds dans des zones inaccessibles »5. Le CEAa également « mis au point, en partenariat avecla société IVEA, une technologie d'analyse àdistance de la matière : la Libs (Laser inducedbreakdown spectroscopy) »

6.

2.1.2 Optimiser les scénarios de démantèlement

Le choix d'un scénario de démantèlement estintimement lié à la maîtrise de l'état initial, quidétermine les options quant aux opérations àmener et à la gestion des déchets. Un optimumtechnico-économique doit être atteint prenanten compte de multiples paramètres interdépen-dants tels que les aspects techniques et finan-ciers, la VûUeWp, la sécurité, la radioprotection,la gestion des déchets ou encore la faisabilitédes opérations en termes d'accessibilité. Dansces circonstances, simulation et modélisationsont essentielles pour appuyer la prise dedécision. Les gains apportés par les technolo-gies numériques constituent ici un réel levier.À titre d'exemple, le logiciel d'aide à la décision« DEMplus » développé par Oreka Solutionspermet d'intégrer l'ensemble des paramètres.Une collaboration avec le CEA a permis d'affi-ner les simulations générées par cet outil pourles rendre aussi réalistes que possible.

2.1.3 Optimiser et sécuriser les opérationsde démantèlement

Du scénario retenu découleront les diffé-rentes opérations à mener sur un chantier :

5. Source : CEA6. Source : CEA

découpe, décontamination des structures etdes sols, traitement et conditionnement deseffluents et des déchets, assainissement etconfinement.Certaines de ces opérations doivent être

menées en milieux hostiles et inaccessibles àl'homme. La téléopération permet de répondreà cette forte contrainte : elle garantit la sécuritédes intervenants en réduisant leur expositionà la radioactivité. Par exemple, le robot Maes-tro, développé par le CEA et Cybernetix, réa-lise différentes opérations nécessaires dans lecadre d'un projet de démantèlement : mesure,découpe ou encore décontamination. Le robotRIANA (Robot for Investigations and Assess-ments of Nuclear Areas), conçu par AREVA,constitue également une avancée puisqu'il estcapable d'intervenir en zone nucléaire poury réaliser des opérations de cartographie, deprélèvement d'échantillons ou de mesure de laradioactivité

7.

La technologie de réalité virtuelle prometégalement de faciliter le travail des équipes. LeCEA a ainsi mis en place une « salle immersive »à Marcoule pour la formation des opérateurs.

2.1.4 Optimiser la filière des déchets

D'un point de vue économique, l'optimisa-tion de la gestion des déchets représente unenjeu majeur puisque la gestion des déchetsconstitue 20 % des FRûWV d'un projet de dé-mantèlement. En effet, le démantèlementd'une installation nucléaire génère une quan-tité importante de déchets, en moyenne 80 %de déchets conventionnels et 20 % de déchetsradioactifs 8. A titre d'illustration, le démantèle-ment d'un REP de 900 MW produit en moyenne100 000 m3 de déchets 9.Le zonage des déchets effectué lors de la

caractérisation de l'état initial permet d'éta-blir la frontière entre déchets conventionnelset déchets radioactifs. La filière de traitementde ces derniers dépend de leur catégorie, dé-finie à partir de deux critères : le niveau deradioactivité et la période radioactive. A cejour, tous les exutoires n'existent pas, commepour les déchets de graphites provenant de la

7. Source :AREVA8. Source : ANDRA9. Source : ANDRA

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première filière française de réacteurs UNGG(Uranium Naturel Graphite Gaz). Le démarragedu stockage profond, via le projet Cigéo, pourles déchets de haute activité et les déchets demoyenne activité à vie longue, est prévu à ho-rizon 2025.Les travaux de R&D portent principalement

sur la caractérisation des déchets, les méthodesde traitement et les nouveaux matériaux deconditionnement. L'un des principaux objectifdes travaux sur cette thématique est la réduc-tion des volumes afin d'optimiser l'utilisationde la ressource rare qu'est l'espace de stockage.Ainsi, l'ANDRA estime que l'unique centre destockage des déchets de très faible activité(Centre industriel de regroupement, d'entrepo-sage et de stockage - Cires) sera saturé entre2020 et 2025. L'IRSN propose d'examiner denouvelles pistes pour la gestion de ce type dedéchets via la valorisation des matériaux, lestockage en site conventionnel et la libérationdes anciens sites nucléaires 10 . L'usage de seuilsde libération apparait alors comme un prére-quis pour industrialiser cette filière.

2.2 Développer les compétences

En plus d'être un défi technique et indus-triel, le démantèlement comporte une fortedimension humaine et sociale. Les ressourceshumaines constituent l'un des facteurs clés desuccès d'un projet de démantèlement. Les en-jeux associés sont, d'une part, d'être en mesurede disposer du vivier de compétences suffisantpour mener à bien l'ensemble des chantiersà venir et, d'autre part, de réussir la transi-tion de la phase d'exploitation à la phase dedémantèlement.

2.2.1 Disposer d'un vivier de compétences

Le démantèlement des installations nu-cléaires s'étalera sur plusieurs décennies, il estdonc essentiel de disposer d'une politique deformation sur le long terme. Les chantiers dedémantèlement font appel à des compétencesaussi diverses que la gestion de projet, la ges-tion de risques, la simulation de scénarios dedémantèlement, la radioprotection, la sûUetp,

10. Source : IRSN (rapport 2016 : «Déchets de très faibleactivité : La doctrine doit-elle évoluer »)

les méthodes d'assainissement, de démantèle-ment et de gestion de déchets.Certaines compétences sont particuliè-

rement longues à acquérir, avec une duréemoyenne de formation de 7 ans11 pour unepersonne intervenant dans ce secteur, etd'autres, comme la télé-opération en milieuxirradiés ou la radioprotection, sont identifiéescomme critiques. Anticiper l'acquisition, parcompagnonnage ou par formation, des savoir-faire nécessaires aux projets de démantèlementest critique pour pouvoir absorber les volumesd'activité des décennies à venir.

2.2.2 Gérer la transition de l'exploitationau démantèlement

Les compétences nécessaires au démantè-lement d'une installation nucléaire diffèrentnotablement de celles requises pour son ex-ploitation. Certaines d'entre elles sont d'ail-leurs spécifiques au démantèlement, commela modélisation et simulation de scénario. Cecisoulève une problématique socio-économiqued'emploi local puisqu'à la mise en arrêt d'uneinstallation les activités d'exploitation dispa-raissent ou sont fortement réduites. Au final,l'effectif nécessaire pour le démantèlementd'un site est quatre à dix fois inférieur à l'effec-tif d'exploitation 12.Pour anticiper cette transition et maîtriser

son impact social, une politique de gestionde l'emploi et de reconversion s'avère essen-tielle. Il est par ailleurs courant de maintenirdes intervenants présents au cours de l'exploi-tation du site lors des premières phases du dé-mantèlement pour pérenniser la mémoire del'installation et transférer les connaissances in-dispensables pour une caractérisation précisede l'état initial. La politique nationale d'inves-tissement déterminera les possibilités de pro-motion et de soutien de l'emploi.

2.3 Adapter le cadre réglementaire

Les exploitants et les industriels s'accordentpour qualifier le cadre réglementaire régissantle démantèlement de très contraignant, cadre

11. Source : etuGe • Modélisation du marché du démantè-lement des installations nucléaires de base » - ColombusConsulting et Centrale-Supélec - 201512. Source : Comité Stratégique de la Filière Nucléaire

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plus adapté à l'exploitation des installationsnucléaires qu'à leur démantèlement 13. Sa sim-plification permettrait de réduire les risquesd'allongement de délais allongés et risquesfinanciers associés.Le code de l'environnement définit le cadre

réglementaire pour l'arrêt définitif, le démantè-lement et le déclassement d'une installation. Ilprévoit que « lorsque l'exploitant prévoit d'ar-rêter définitivement le fonctionnement de soninstallation ou d'une partie de son installation,il le déclare au ministre chargé de la VûUetpnucléaire et à l'Autorité de 6ûUetp Nucléaire »14,au moins deux ans avant la date d'arrêt pré-vue. L'exploitant dispose alors de deux annéespour remettre son dossier de démantèlementau ministre chargé de la VûUetp nucléaire quidoit l'instruire sous un délai maximum de troisans

15. Par la suite, « le démantèlement de l'ins-

tallation nucléaire de hase ou de la partie d'ins-tallation à l'arrêt définitif estprescrit par décretpris après avis de l'Autorité de 6ûUetp Nucléaireet après l'accomplissement d'une enquête pu-blique »1S. Ce décret détermine, entre autres, lesprincipales étapes du démantèlement, le délaide réalisation et l'état final visé.Parmi les contraintes générées par ce cadre

réglementaire, citons par exemple :• des dossiers de démantèlement exigeantdes informations de plus en plus détailléesavec un délai d'instruction qui s'en retrouveallongé, l'ASN pouvant demander des com-pléments au dossier initial ;

• la nécessité de demander une nouvelle auto-risation en cas de retard dans les opérationsde démantèlement. En effet, le décret relatifà la mise à l'arrêt définitif et au déman-tèlement spécifie le délai de réalisation desopérations ;

• l'impossibilité d'anticiper certaines d'opéra-tions d'assainissement ou de démantèlementen phase d'exploitation ;

13- Source : etude « Modélisation du marché du démantè-lement des installations nucléaires de base » - ColombusConsulting et Centrale-Supélec - 201514. Code l'environnement, article L593-2615. Décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif auxinstallations nucléaires de base et au contrôle, en matièrede VûUetp nucléaire, du transport de substances radioactives16. Code l'environnement, article L593-28

• la multiplicité des parties prenantes (ASN,IRSN, ministère chargé de la VûUetp nucléaire,Commission Locale d'Information, ...).Au final, il conviendrait de rendre plus

flexible le cadre réglementaire du démantè-lement afin de fluidifier le déroulement desprojets et maîtriser les FRûtV et les délais, touten garantissant le respect des exigences de Vû-reté, sécurité et radioprotection inhérentes aunucléaire.

2.4 Renforcer les relations entre les acteurs

Pour renforcer la structuration de la filièrede démantèlement, une plus forte collabora-tion entre les acteurs est nécessaire. Elle peutpasser par la création de synergies, l'amélio-ration des modèles contractuels ou encore lepartage de la visibilité sur les programmes dedémantèlement.

2.4.1 Créer des synergies entre les acteurs

Les premières actions sont déjà entamées, àl'image de la création en 2014 du Pôle de Va-lorisation des Sites Industriels (PVSI). Le PVSIregroupe notamment des acteurs de l'industrie,de la recherche, de l'innovation et de la forma-tion et permet de renforcer les synergies entreses membres. Un autre exemple de collabora-tion est l'accord conclu entre le CEA et VeoliaEnvironnement, notamment dans le domainede la cartographie radiologique. Chacun de cesdeux acteurs, en apportant son savoir-faire etson expérience, favorise ainsi l'innovation touten mutualisant les FRûtV.

2.4.2 Faire évoluer les modèles contractuels

Les modèles contractuels entre les exploi-tants et les industriels sont relativement lourds.Dans le secteur du démantèlement nucléaire,les contrats sont généralement forfaitaires. Lesrisques et les aléas rencontrés lors de la réa-lisation des travaux sont alors supportés parles sous-traitants. Ces derniers peuvent êtreréticents à engager des investissements consé-quents pour renforcer leur positionnementau sein du secteur du démantèlement. Pour yrépondre, les modèles contractuels devraientintégrer un partage des risques plus équilibréentre les acteurs.

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Une analyse des risques en amont dela contractualisation, issue d'un échangeconstructif entre exploitant et industriels, peut

permettre d'identifier les responsabilités dechaque partie en cas d'imprévu sur un chantieret les actions à mettre en place pour y pallier.Les modèles contractuels anglo-saxons peuventservir d'exemple. Certains modèles prévoientde procéder à une réévaluation systématiquedu marché dès lors que l'avancée des travauxrévèle de nouvelles données à prendre encompte pouvant mettre en cause les donnéesd'entrée stipulées dans le contrat initial.

La relation entre les exploitants et les indus-triels gagnera à évoluer vers une logique departenariat et une relation gagnant-gagnant.

2.4.3 Avoir de la visibilité sur les programmesde démantèlement

Les industriels ont un besoin fort de visibi-

lité sur les programmes de démantèlement àvenir pour déclencher les investissements né-cessaires à la structuration de la filière et audéveloppement d'un tissu industriel compétitif,créant ainsi une filière d'excellence valorisable

à l'étranger.

Afin d'atteindre cet objectif, il est essentield'avoir une vision claire de la stratégie énergé-tique nationale. Or, si la loi de transition éner-gétique promulguée en Doût 2015 prévoit lalimitation du nucléaire à 50 % du mix énergé-tique, cet objectif pourrait finalement être revu.La programmation pluriannuelle de l'énergie,qui devra mettre en cohérence les trajectoiresdes différentes filières énergétiques, viendraconfirmer ou infirmer cette volonté étatique.Une fois cette volonté confirmée, les pro-grammes de démantèlement pourront être lan-cés selon un planning qui devra prendre enconsidération l'ensemble des éléments évo-qués précédemment, laissant notamment letemps à la constitution et à l'utilisation efficaced'un vivier de compétences.

Des diverses activités de la filière nucléaire,le démantèlement est sans doute celle possé-dant les perspectives de croissance les plusprometteuses. La filière française est en mesurede relever le défi d'industrialisation de ce sec-teur. Toutefois, le développement d'une filièred'excellence est conditionné par la définitiond'orientations stratégiques permettant aux dif-férents acteurs d'investir dès à présent. •

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