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Mme Marie-José KOTLICKI

Secrétaire générale de l 'UGICT-CGT 263 rue de Paris Case 408 - Montreuil cedex [email protected] M. Emmanuel ZEMMOUR Président de l 'UNEF 112 bd de la Villette 75019 PARIS [email protected] Paris, le 18 avril 2012

Madame la Secrétaire générale, Monsieur le Président, J’ai bien reçu votre série d’interpellations sur l'emploi des jeunes et c’est avec un grand plaisir que j’y réponds. Alors que chaque génération avait, jusqu'à présent, la perspective de connaître une vie meilleure que la précédente, le mouvement s’est aujourd'hui inversé : les jeunes s’attendent à connaître un destin plus difficile que leurs parents. Les difficultés qu'ils rencontrent pour étudier, se former, se soigner, se loger et travailler se sont accrues. La mobilité sociale s’est elle-même ralentie, pour ne pas dire inversée. Quand la République trahit sa promesse, ce ne sont pas les jeunes qui sont défaillants, c’est la République. C'est pourquoi j’ai choisi de mettre la jeunesse au cœur de mon projet. Nous savons que les étudiants issus de milieux modestes travaillent de plus en plus pour financer leurs études ; et malheureusement, il existe une corrélation étroite entre ce travail, qui s'allonge en termes de durée hebdomadaire, et l'échec. La condition étudiante ne cesse de se dégrader : la précarité augmente et les inégalités s'accroissent. C'est pourquoi je lancerai, si je suis élu, un plan national pour la vie étudiante, en concertation avec le CNOUS. Une allocation d'études supérieures et de formation sous conditions de ressources, pilier essentiel d'un véritables parcours d'autonomie, sera créée. Elle permettra aux étudiants issus de milieux modestes de se consacrer pleinement à leurs études. Mais mon premier combat pour la jeunesse sera celui de l'emploi. Le taux de chômage chez les 15-24 ans atteint près de 25 %. Intérim, CDD et stages à répétition sont devenus les passages obligés de leur insertion sur le marché du travail. La précarisation des jeunes doit cesser. Les stages seront strictement encadrés afin de leur redonner une véritable utilité pédagogique et mettre un terme au sous-emploi déguisé qu’ils sont trop souvent devenus. L'emploi ordinaire, le droit commun doit être la norme pour les jeunes, avec toutefois un coup de pouce et un

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accompagnement spécifique pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, à travers la création de 150 000 emplois d’avenir pour faciliter leur insertion, en priorité dans les quartiers populaires. La règle doit être l'accès au CDI. C’est la raison pour laquelle les jeunes actifs seront les premiers destinataires du "contrat de génération". L'objectif de ce nouveau dispositif sera, dans une même démarche, de permettre l'embauche d'un jeune de moins de 30 ans en CDI et d'assurer le maintien en emploi d'un senior de plus de 55 ans jusqu'à la retraite, en contrepartie d'allègements de cotisations. De même, j'ouvrirai des pré-recrutements, en particulier pour ceux qui se destineront aux carrières de l'enseignement à travers les Ecoles supérieures du Professorat et de l'Education que nous créerons dans le cadre des Universités. La lutte contre le chômage, en particulier des jeunes, passera également par un renforcement responsable des moyens de Pôle emploi. Le recentrage des efforts de l’opérateur sur l’accompagnement et la personnalisation de celui-ci sont essentiels mais il faudra, conjointement avec les partenaires sociaux, réfléchir dans une démarche cohérente à l’accompagnement, l’indemnisation et la formation des demandeurs d’emploi pour permettre à chacun de choisir son emploi et de se donner toutes les chances d’y accéder. Chacun doit pouvoir trouver un emploi pérenne et sécurisé qui lui garantisse une rémunération juste. Cette ambition se matérialisera par la création effective d’une Sécurité sociale professionnelle, outil d’un véritable « droit à la carrière » garantissant à chacun les moyens de progresser dans sa vie professionnelle et dans son niveau de qualification. Pour cela, les parcours professionnels doivent être pensés à l’échelle d’une vie, incluant la garantie d’une formation initiale de qualité, d’une insertion professionnelle correspondant à ses attentes, mais aussi de la possibilité d’organiser et de pérenniser les droits à la formation continue pour que les périodes de chômage permettent aussi de se former pour "rebondir" positivement. Les entreprises doivent être financièrement incitées à faire preuve d'une gestion responsable et équitable. C'est pourquoi les cotisations chômage seront augmentées pour celles qui abusent des contrats précaires. L’impôt sur les sociétés sera également modulé en fonction des bénéfices réinvestis ou distribués afin de responsabiliser les entreprises. Je mettrai enfin en place un dispositif de notation sociale obligeant les entreprises de plus de 500 salariés à faire certifier annuellement la gestion de leurs ressources humaines au regard de critères de qualité de l’emploi et de conditions de travail. Je lutterai également contre toutes les formes de précarité qui peuvent exister dans le secteur public, car les employeurs publics doivent, plus encore que les autres, donner l’exemple en matière de gestion de leurs ressources humaines. Comme vous le savez, un accord majoritaire avec les syndicats a été signé sur cette question importante de la précarité. Les sénateurs socialistes, dans le cadre de la nouvelle majorité au Sénat, ont amendé le projet de loi du gouvernement sur l’accès à l’emploi titulaire dans la fonction publique pour le rendre plus juste et plus efficace.

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Je respecterai cet accord et je serai très attentif à sa mise en œuvre effective, en ce qui concerne les titularisations toute comme les conditions d’emploi des personnels contractuels. Un certain nombre de situations n’ont pas été traitées par cet accord : il sera nécessaire de les examiner dans la concertation. Je mettrai également un terme à la RGPP qui, par l'application automatique et absurde d'une règle purement comptable, a brutalement bouleversé les services de l’Etat et détérioré la qualité des services rendus à la population. Je souhaite mettre un terme à cette démarche technocratique, mais sans renoncer à moderniser nos services publics. Je veux le faire avec les agents publics et non contre eux ; pour les usagers et non pour des raisons purement budgétaires. J'engagerai pour cela une démarche de rénovation et de modernisation raisonnée de nos services publics qui intègrera la question des compétences respectives des différentes administrations, qu’elles relèvent de l’Etat, de ses établissements publics ou des collectivités locales. Je souhaite réformer en abordant les réformes par le seul prisme de la qualité du service rendu à l’usager, en conjuguant efficacité, lisibilité, proximité. Pour mener ces réformes, nous aurons besoin de l’appui des fonctionnaires. Ils ont été malmenés ces dernières années ; je souhaite rétablir la confiance. Pour cela, je veux privilégier des relations de partenariat et de dialogue avec les syndicats de la fonction publique. Vous m'interrogez également en matière de lutte contre les discriminations. L'égalité est au cœur de mon projet. La lutte contre les discriminations sera donc logiquement une de mes grandes préoccupations. Il conviendra tout d’abord de développer des outils pour lutter contre les discriminations dans la fonction publique, car l’Etat doit être exemplaire. En ce sens, j'ouvrirai le droit d'ester en justice devant les juridictions administratives pour les associations de lutte contre les discriminations, afin de protéger les agents plaignants. Mais la lutte contre les discriminations ne concerne pas uniquement le secteur public. Nous devrons mettre en place de nouveaux outils pour combattre les discriminations dans le secteur privé. Il est possible d’influencer efficacement la politique des entreprises par l’intermédiaire de la commande publique. Les organisations syndicales ont aussi un rôle à jouer au moment des discussions sur le bilan social qui devra mentionner les efforts faits pour lutter contre les discriminations. Enfin, que les entreprises rendent des comptes en matière de lutte contre les discriminations, voilà une première étape à laquelle je ne peux que souscrire. Je ne peux achever ce courrier sans évoquer avec vous la question de l'école. C'est en premier lieu à elle que revient la responsabilité - de l'enseignement primaire jusqu'au supérieur - de donner aux élèves les capacités et les compétences qui leur permettront de devenir des citoyens libres et autonomes, de construire leur projet de vie et de trouver l'emploi auquel ils aspirent. C'est pourquoi elle constituera également une priorité de mon action. Espérant avoir répondu à vos interrogations, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’assurance de ma parfaite considération.