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Annales de pathologie (2014) 34, 157—159

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

HISTOSÉMINAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PATHOLOGIE

Tumeurs rares du rein. Cas no 6. Métastaserénale

Rare renal tumors. Case no. 6. Renal metastases

Nathalie Rioux-Leclercq

Service d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux,35033 Rennes cedex 9, France

Accepté pour publication le 6 fevrier 2014Disponible sur Internet le 16 mars 2014

Renseignements cliniques

Patient de 60 ans ayant bénéficié d’une néphrectomie élargie gauche en mars 2010 pourune tumeur du rein gauche. Le scanner retrouvait un syndrome tumoral polaire supérieurde 81 × 57 mm hypodense avec, en périphérie, une discrète prise de contraste. Il existaitune extension partielle dans la veine rénale mais la veine cave inférieure était libre.

Diagnostic

Localisation métastatique rénale d’un adénocarcinome d’origine bronchopulmonaire.

Description histologique

La tumeur rénale est d’architecture glandulaire faite de glandes de taille variable souventgrandes sans stroma réaction vasculaire (Fig. 1). Les cellules sont cubocylindriques à cyto-plasme clarifié ou éosinophile et comportent un noyau à chromatine décondensée avec1 à 2 nucléoles proéminents. Il existe de nombreuses mitoses avec des zones de nécroseconfluente (Fig. 2). Cette tumeur est très infiltrante avec une extension dans la graissehilaire, des emboles vasculaires microscopiques et des images d’engainements périner-veux. Il y a une infiltration par contiguïté de la veine rénale. La tumeur s’étend entre lestubes et les glomérules de la corticale rénale (Fig. 3). En immunohistochimie, les cellulestumorales étaient positives pour les anticorps antiCK7, Vimentine, TTF1, et négative pourles anticorps anti CD10, CK20 et P504S.

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Figure 1. Métastase rénale d’un adénocarcinome bronchopulmo-naire présentant une architecture glandulaire faite de glandes detaille variable souvent grandes sans stroma réaction vasculaire.Renal metastasis of a lung adenocarcinoma presenting a glandulara

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rchitecture with no vascular stroma.

igure 2. Les cellules carcinomateuses sont cubocylindriques àytoplasme clarifié ou éosinophile et comportent un noyau à chro-atine décondensée avec 1 à 2 nucléoles proéminents.

umor cells are cylindric with a clear to eosinophilic cytoplasm.uclei are atypical with prominent and numerous nucleoli.

Lors de la présentation du cas en réunion de concerta-ion pluridisciplinaire d’urologie, il a été mentionné que leatient avait bénéficié, 10 ans auparavant, en 2000, d’uneobectomie pulmonaire inférieure gauche pour un adénocar-inome bronchopulmonaire. Un statut EGFR et ALK a étééalisé sur cette métastase.

ommentaires

es métastases rénales ont été individualisées dans lalassification OMS des tumeurs urologiques de 2004 [1].’incidence des métastases dans le rein est difficile à évaluert provient de séries autopsiques : 7,6 % à 12 % des patientsutopsiés ayant un cancer connu avaient une métastaseénale de leur cancer primitif [2]. Ainsi en cas d’antécédente cancer chez un patient, la découverte d’une masse rénaleoit faire évoquer en premier lieu une métastase, le risqueans ce contexte de développer une métastase rénale étant

fois supérieur à celui d’avoir une tumeur rénale primitive3,4].

N. Rioux-Leclercq

igure 3. La tumeur s’étend entre les tubes et les glomérules dea corticale rénale.nfiltration of the lung adenocarcinoma between renal tubules andlomeruli.

Le mode de découverte est similaire à celui des tumeursrimitives rénales : douleur lombaire, hématurie, masseombaire. Les métastases rénales sont plus fréquemmentultiples et/ou bilatérales même si des formes uniques

nt été décrites et elles n’évoluent que très rarement vers’insuffisance rénale.

Les tumeurs qui métastasent plus volontiers au niveauu rein sont par ordre de fréquence le poumon (19,8 %), leein (12,3 %), le tube digestif (11 %) surtout l’estomac, leancréas, l’œsophage, les voies biliaires et le côlon, puislus rarement le mélanome cutané, le rein controlatéral, lahyroïde, l’ovaire, le col utérin, le testis (séminome majo-itairement), la prostate, l’os et les tumeurs ORL [2].

Le diagnostic doit être évoqué quand l’histologie et’immunohistochimie ne sont pas celles d’une tumeur rénalerimitive classique, et surtout quand la tumeur s’étendntre les glomérules et les tubes et qu’il existe un anté-édent de cancer même ancien [3,5].

Le diagnostic différentiel doit se faire avec :

un carcinome des tubes collecteurs ou de Bellini quiinfiltre également entre les tubes et les glomérules maisdans le carcinome des tubes collecteurs, la présencedes 5 critères suivants permet d’établir le diagnostic : unstroma collagène desmoplasique abondant, une architec-ture tubulaire prédominante complexe avec souvent desstructures glandulaires et tubulaires anastomosées, descellules très atypiques avec souvent un aspect en « clou detapissier » et l’absence d’aspect évoquant un carcinomerénal ou urothélial [6] ;un carcinome urothélial. Les métastases rénales de car-cinome urothélial sont exceptionnelles et il s’agit le plussouvent d’une infiltration du parenchyme rénal par conti-guïté d’un carcinome urothélial développé au niveau dubassinet ou des cavités pyélocalicielles. Il faut alors multi-plier les prélèvements au niveau des calices à la recherched’une composante urothéliale papillaire ou de lésions decarcinome urothélial in situ. Les cellules sont positives enimmunohistochimie avec l’Ac anti p63 ;un carcinome rénal primitif folliculaire thyroid-like qui,histologiquement, est identique à la métastase d’un car-cinome thyroïdien de type folliculaire ou vésiculaire maisqui en immunohistochimie est positif pour l’anticorps antiCK7+ et négatif pour les Ac anti TTF1 et thyroglobuline [6].

Tumeurs rares du rein. Cas no 6. Métastase rénale

Figure 4. Métastase d’un carcinome mammaire dans un carci-

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-

nome à cellules claires du rein.Breast carcinoma metastasing into a clear cell renal cell carcinoma.

Figure 5. Extension métastatique rénale entre les glomérulesd’un adénocarcinome colorectal.Metastatic extension of a colorectal adenocarcinoma between renaltubules and glomeruli.

Enfin les métastases rénales doivent être différenciéesdes cas de métastase dans un carcinome rénal primitif(majoritairement les carcinomes à cellules claires du rein)appelées dans la littérature « cancer to cancer métastases ».Pour porter ce diagnostic, il faut que les critères suivantssoient réunis : présence de 2 tumeurs histologiquement dif-férentes provenant d’organes ou de tissus différents, latumeur hôte doit être une tumeur maligne, la métastaseintratumorale doit avoir une croissance et une invasionintratumorale excluant l’extension par contiguïté ou parembols tumoraux et il ne peut s’agir de l’invasion lympha-tique d’un ganglion [7]. Les tumeurs qui métastasent le plussouvent dans un carcinome rénal primitif sont le poumon,la prostate, la thyroïde et le sein, le carcinome rénal étanttoujours un carcinome à cellules claires (Fig. 4). Le fait que

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ces métastases se localisent préférentiellement dans un car-cinome rénal à cellules claires peut s’expliquer par le débitsanguin rénal élevé (1000 à 1500 mL/mn/1,73 m2) avec unpassage facilité des cellules tumorales dans les capillaires durein, la néoangiogénèse développée des carcinomes à cel-lules claires et le milieu de croissance favorable, les cellulestumorales claires étant riches en glycogène et en lipidesavec un système immunitaire peu actif [8].

Enfin, le statut mutationnel EGFR peut être demandésur les métastases (comme dans le cas présenté) quand latumeur primitive ne comporte pas assez de cellules tumo-rales.

POINTS IMPORTANTS À RETENIR

• Les métastases au niveau du rein doivent êtreévoquées devant toute tumeur difficilementtypable en histologie et en immunohistochimie quin’est évocatrice ni d’une tumeur rénale primitiveni d’un carcinome urothélial.

• Penser aux métastases rénales quand la tumeurinfiltre entre les glomérules et les tubes du rein(Fig. 5).

• Avoir le contexte clinique et les antécédents dupatient.

Déclaration d’intérêts

tion avec cet article.

Références

[1] World Health Organization Classification of Tumors.Eble JN, Sau-ter G, Epstein JI, Sesterhenn IA, editors. Pathology and Geneticsof tumours of the urinary system and male genital organs. Lyon,France: IARC Press; 2004.

[2] Bracken RB, Chica G, Johnson DE, Luna M. Secondary renal neo-plasms: an autopsy study. South Med J 1979;72:806—7.

[3] Wagle DG, Moore RH, Murphy GP. Secondary carcinomas of thekidney. J Urol 1975;114:30—2.

[4] Choi H, Noh T, Ham BK, Park JY, Shim KS, Bae JH. Metastaticsquamous cell carcinoma of the kidney from cholangiocarci-noma. World J Mens Health 2012;30:198—201.

[5] Belghiti D, Hirbec G, Bernaudin JF, et al. Intraglomerular metas-tases. Report of two cases. Cancer 1984;54:2309—12.

[6] Srigley JR, Delahunt B, Eble JN, et al. The International Societyof Urological Pathology (ISUP) Vancouver classification of renalneoplasia. Am J Surg Pathol 2013;37:1469—89.

[7] Sella A, Ro JY. Renal cell cancer: best recipient of tumor-to-tumor metastasis. Urology 1987;30:35—8.

[8] Lopez-Beltran A, Scarpelli M, Montironi R, Kirkali Z. 2004 WHOclassification of the renal tumors of the adults. Eur Urol2006;49:798—805.


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