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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 21 février 2011 B ORDIER & C IE 21 février 2011 M ais où sont donc passés les «déflation- nistes»? En «vacances» dans les pays européens du Sud probablement… Car ailleurs, ce sont des bases monétaires qui ont explosé, des flux de capitaux qui se sont accumulés dans les pays émergents, des prix immobiliers qui ne cessent de monter en Chine, des hausses vertigineuses de prix sur toutes les matières. Le trait du raccourci est gros, mais les tensions infla- tionnistes ne sont-elles pas ainsi frappantes? Plus inquiétant, ne voit-on pas crûment les conséquences de l’impossibilité à coordonner les différentes poli- tiques économiques dans le monde? Oui, nos banques centrales, qui ont créé ces politiques monétaires ultra-quantitatives pour nous sauver de la déflation, ne sont pas innocentes dans cet alignement malsain des événements. En maintenant les taux d’intérêt si bas pendant si longtemps, pour nous éviter une rechute économique terrifiante, elles ont poussé en masse les investisseurs à aller chercher des rendements plus attrayants dans les pays émergents, sortis plus vite que nous de la crise économique. Mais que dire des banques centrales des pays émer- gents qui, confrontées à ces arrivées de capitaux, ont préféré lutter contre la hausse de leurs devises sous prétexte qu’elle casserait leurs exportations et leur dynamique de croissance, quitte à ce que leur croissance s’échauffe trop? Malheureusement, pour le moment, ces nationalismes économiques ne semblent pouvoir être coordonnés et l’alarme inflationniste qui sonne dans les pays émergents résonne dans le vide. Il faut retirer ces excès de liquidités ici et ailleurs, sinon ce cycle hausse des prix – hausse des salaires qui se dessine dans les pays émergents ne restera pas anodin, ni là-bas, ni chez nous. Ici, certes, nos exportateurs pourraient profiter de l’augmentation des salaires et des dépenses de consommation dans les pays émergents. Mais la future augmentation du prix des produits exportés par les pays émergents viendra affecter le revenu réel de nos consomma- teurs, surtout les plus faibles, mettant ainsi une fin désagréable à la mondialisation désinflationniste. Et là-bas, si la croissance est charmante pour le moment, une «septantisation» stagflationniste (hausse des coûts de production, flux et reflux de capitaux) n’est pas impossible. L’investisseur de portefeuille doit sérieusement prendre en considération ce possible renversement de paradigme de la mondialisation dans son allocation d’actifs et déjà s’interroger sur certains marchés émergents: évaluations élevées, pression sur les marges, hausse de taux d’intérêt, révoltes sociales. Alors… «Dégage»? Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée. Département Recherche Bordier & Cie Genève - Nyon - Berne - Zürich T. +41 22 317 12 12 F. +41 22 311 29 73 [email protected] www.bordier.com Au coeur des marchés 1/1 Design ClPa Michel Juvet Analyste nancier et membre du comité de direction de Bordier & Cie Mondialisation inationniste

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Articles de Michel Juvet dans Le Temps, Banque Bordier Genève

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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 21 février 2011

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Mais où sont donc passés les «défl ation-nistes»? En «vacances» dans les pays européens du Sud probablement… Car

ailleurs, ce sont des bases monétaires qui ont explosé, des fl ux de capitaux qui se sont accumulés dans les pays émergents, des prix immobiliers qui ne cessent de monter en Chine, des hausses vertigineuses de prix sur toutes les matières.

Le trait du raccourci est gros, mais les tensions infl a-tionnistes ne sont-elles pas ainsi frappantes? Plus inquiétant, ne voit-on pas crûment les conséquences de l’impossibilité à coordonner les différentes poli-tiques économiques dans le monde?

Oui, nos banques centrales, qui ont créé ces politiques monétaires ultra-quantitatives pour nous sauver de la défl ation, ne sont pas innocentes dans cet alignement malsain des événements. En maintenant les taux d’intérêt si bas pendant si longtemps, pour nous éviter une rechute économique terrifi ante, elles ont poussé en masse les investisseurs à aller chercher des rendements plus attrayants dans les pays émergents, sortis plus vite que nous de la crise économique.

Mais que dire des banques centrales des pays émer-gents qui, confrontées à ces arrivées de capitaux, ont préféré lutter contre la hausse de leurs devises sous prétexte qu’elle casserait leurs exportations et

leur dynamique de croissance, quitte à ce que leur croissance s’échauffe trop?

Malheureusement, pour le moment, ces nationalismes économiques ne semblent pouvoir être coordonnés et l’alarme infl ationniste qui sonne dans les pays émergents résonne dans le vide.

Il faut retirer ces excès de liquidités ici et ailleurs, sinon ce cycle hausse des prix – hausse des salaires qui se dessine dans les pays émergents ne restera pas anodin, ni là-bas, ni chez nous. Ici, certes, nos exportateurs pourraient profi ter de l’augmentation des salaires et des dépenses de consommation dans les pays émergents. Mais la future augmentation du prix des produits exportés par les pays émergents viendra affecter le revenu réel de nos consomma-teurs, surtout les plus faibles, mettant ainsi une fi n désagréable à la mondialisation désinfl ationniste. Et là-bas, si la croissance est charmante pour le moment, une «septantisation» stagfl ationniste (hausse des coûts de production, fl ux et refl ux de capitaux) n’est pas impossible. L’investisseur de portefeuille doit sérieusement prendre en considération ce possible renversement de paradigme de la mondialisation dans son allocation d’actifs et déjà s’interroger sur certains marchés émergents: évaluations élevées, pression sur les marges, hausse de taux d’intérêt, révoltes sociales. Alors… «Dégage»?

Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée.

Département Recherche – Bordier & Cie – Genève - Nyon - Berne - ZürichT. +41 22 317 12 12 – F. +41 22 311 29 73 – [email protected] – www.bordier.com

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