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La Dialectique de la Volonté: la tension entre la “volonté voulante” et la “volonté voulue” Clément TSANGA MBIA Cette réflexion que nous tirons de la philosophie de Maurice Blondel dans son livre l’Action captive notre attention dans la mesure où l’être humain vit en tension entre un monde de désir permanent et un autre de désir acquis. Comment pouvons-nous comprendre cette tension. Sans toutefois avoir la prétension de répondre à cette thématique, nous voulons juste mettre en exergue les raisons pour lesquelles l’être humain se trouve entre le vouloir et le voulu. Pour enclencher notre pensée, nous présentons deux cas. D’une part, celui du petit Michel qui s’est rendu au centre comercial avec ces parents dans le but de recevoir de ceux çi un cadeau pour sa réussite au brevet. Michel avait souhaité avoir un vélo VTT et finalement son souhait s’est fait réalité. Une fois en possession de ce vélo, Michel exprima un autre désir, celui d’avoir en même temps le VTT et un scooter, avant même qu’il ne quitte le centre comercial, il a reçu une photo de son ami à travers son téléphone. Ce dernier était à bord d’une Ferrari. Michel décida de laisser le vélo qu’il avait rêvé avoir pour postuler pour la Ferrari. Devant cette indécision et cette soif répétée, les parents de ce dernier se sont trouvé en tension entre avoir accompli leur promesse et promesse transformée en une nouvelle soif. Un autre cas plus naturel est le besoin que chaque humain ressent au moment d’alimenter son corps. Lorsque nous avons soif, nous voulons tout de suite nous abreuver mais ce verre d’eau que nous consommons suffit-il pour étancher définitivement notre soif? Cette soif qui va ressurgir quelques minutes après est juste là pour nous montrer notre limite humaine. Par cette nature limitée, nous devons comprendre pourquoi nous n’avons pas toujours ce que nous désirons avoir. Car le voulu se transforme toujours en voulant et ainsi de suite. Qu’est ce qui pourrait donc justifier ce désir répétée qu’exprime l’être humain? Cette question nous emmène à entrer dans la pensée que développe Maurice Blondel. En lisant son ouvrage l’Action, on se rend compte que pour lui, l’action est conçue comme une nécessité, une demarche inevitable qui ne peut être suspendue comme l’activité speculative de l’être. Il s’agit d’une activité pour laquelle rien ne peut être considéré comme acquis ou comme définitif. Or la volonté dans sa quête permanente trouve toujours quelque chose en elle-même mais cette chose n’est jamais définitive. La déproportion entre la volonté

La Dialectique de la Volonté: la tension entre la “volonté voulante” et la “volonté voulue”

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La Dialectique de la Volonté: la tension entre la “volonté voulante” et la “volonté

voulue”

Clément TSANGA MBIA

Cette réflexion que nous tirons de la philosophie de Maurice Blondel dans son livre

l’Action captive notre attention dans la mesure où l’être humain vit en tension entre un monde

de désir permanent et un autre de désir acquis. Comment pouvons-nous comprendre cette

tension. Sans toutefois avoir la prétension de répondre à cette thématique, nous voulons juste

mettre en exergue les raisons pour lesquelles l’être humain se trouve entre le vouloir et le

voulu. Pour enclencher notre pensée, nous présentons deux cas. D’une part, celui du petit

Michel qui s’est rendu au centre comercial avec ces parents dans le but de recevoir de ceux

çi un cadeau pour sa réussite au brevet. Michel avait souhaité avoir un vélo VTT et finalement

son souhait s’est fait réalité. Une fois en possession de ce vélo, Michel exprima un autre désir,

celui d’avoir en même temps le VTT et un scooter, avant même qu’il ne quitte le centre

comercial, il a reçu une photo de son ami à travers son téléphone. Ce dernier était à bord

d’une Ferrari. Michel décida de laisser le vélo qu’il avait rêvé avoir pour postuler pour la

Ferrari. Devant cette indécision et cette soif répétée, les parents de ce dernier se sont trouvé

en tension entre avoir accompli leur promesse et promesse transformée en une nouvelle

soif.

Un autre cas plus naturel est le besoin que chaque humain ressent au moment

d’alimenter son corps. Lorsque nous avons soif, nous voulons tout de suite nous abreuver

mais ce verre d’eau que nous consommons suffit-il pour étancher définitivement notre soif?

Cette soif qui va ressurgir quelques minutes après est juste là pour nous montrer notre limite

humaine. Par cette nature limitée, nous devons comprendre pourquoi nous n’avons pas

toujours ce que nous désirons avoir. Car le voulu se transforme toujours en voulant et ainsi

de suite.

Qu’est ce qui pourrait donc justifier ce désir répétée qu’exprime l’être humain? Cette

question nous emmène à entrer dans la pensée que développe Maurice Blondel.

En lisant son ouvrage l’Action, on se rend compte que pour lui, l’action est conçue

comme une nécessité, une demarche inevitable qui ne peut être suspendue comme l’activité

speculative de l’être. Il s’agit d’une activité pour laquelle rien ne peut être considéré comme

acquis ou comme définitif. Or la volonté dans sa quête permanente trouve toujours quelque

chose en elle-même mais cette chose n’est jamais définitive. La déproportion entre la volonté

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voulante et la volonté voulue stimule la progression et l’action d’obtenir de nouveaux

objectifs.

Face à cela il est bien de remarquer que le monde extérieur et le corps humain sont

des manifestations de sa propre volonté. L’homme en tension entre le vouloir et le voulu est

cet éternel insatisfait qui vit de façon latente en nous. À toutes les dimensions de notre

existence nous faisons face à cette tension. Cela devient donc intéressant si nous comprenons

cette tension dans la perspective ontologique de l’être humain.

Nous sommes des êtres limités par conséquent nous ne saurons jamais assouvir notre

soif. La critique cependant que nous pouvons apporter ici est la suivante: pourquoi l’être

humain n’utilise t-il pas ce désir constant pour pouvoir aspirer à une vie meilleure? Lorsque

nous disons qu’il nous manque l’espérance, ne serions-nous pas entrain de renier notre

humanité? Si nous comprenions le langage des animaux, on pourrait dire que pour l’animal,

nul n’est besoin d’espérer car son mécanisme psychologique ne fonctionne pas comme celui

de l’être humain. Se servir donc de son espérance, de ce désir inassouvi serait déjà reconnaître

avant tout que nul n’est parfait et ensuite reconnaître que nous sommes en tension vers la

perfection. L’être humain ne saura jamais offrir à sa volonté le voulu, sinon le vouloir. Car

plus on s’approche de la volonté voulue, plus elle s’eloigne de nous.

N’allons donc pas croire que nous avons tout acquis. La vie se renouvelle chaque

jour. L’amour est aussi une forme de manifester cette volonté. Aussi bien pour deux êtres

qui s’aiment profondémment que pour un riche qui a beaucoup amassé au point de croire

qu’il est suffisant. Nul ne se suffit à et par soi. On a toujours ce besoin d’aspirer à des choses

nouvelles. Qui cesse d’aspirer est semblable à une momie qui sert d’archétype à l’histoire de

la science. L’espérance humaine trouve son fondement dans l’effort de s’auto dépasser et par

conséquent dans son désir d’atteindre la parfaite perfection qui est la volonté voulue. L’effort

est en tension et cette tension est source de l’Action. Agir serait donc entrer dans la logique

de cette nouvelle dialectique que nous offre notre volonté.