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LE JUGEMENT – L’IDÉE Formateur : Yves LIOGIER Collection Philosophique Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Novembre 2013

LE JUGEMENT - L'IDEE

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La philosophie doit-elle aller contre le sens commun ? Dans un essai intitulé "De la philosophie et du sens commun" (1824), le philosophe français Théodore Jouffroy observait que "l'histoire de la philosophie présente un singulier spectacle..." [Voyez maintenant le "Powerpoint" pour vous introduire dans une réflexion autour de ce sujet]

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Page 1: LE JUGEMENT - L'IDEE

LE JUGEMENT – L’IDÉE

Formateur : Yves LIOGIER

Collection Philosophique

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Novembre 2013

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

Au sens large, on entend par idée tout projet de la pensée en tant qu’il est pensé.

L’idée s’oppose ainsi au sentiment et à l’action.

Au sens restreint, l’idée est une représentation abstraite et générale, qui

s’oppose à la sensation (PERCEPTION) et à l’image (IMAGINATION).

L’idée est en ce sens synonyme de concept, et le problème se pose de savoir quel rapport

de dépendance elle entretien avec le système de signes qui la manifeste, c’est-à-dire avec

le LANGAGE.

Collection Philosophique

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L’idée

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

Au sens premier (qui n’est pas celui qui nous intéresse ici), le jugement désigne

l’action pour un tribunal, un magistrat, de rendre une sentence, ou cette sentence

elle-même. Il renvoie alors à la JUSTICE.

Au sens psychologique et logique, le jugement est l’acte par lequel

l’entendement affirme ou nie un rapport entre plusieurs idées ou concepts.

Par cet acte le contenu d’une assertion est donc à titre de VERITE.

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L’idéeLe jugement

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

On distinguera alors entre le jugement, c’est-à-dire la faculté de juger (on parle par exemple « d’exercer son jugement ») et un jugement, c’est-à-dire le résultat de l’acte

de juger (par exemple on « conteste un jugement »).

Ce sont ces jugements ou propositions qu’étudie la LOGIQUE.

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L’idéeLe jugement

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

La philosophie doit-elle aller

contre le sens communs ?

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

On ne demande pas si la philosophie va contre le sens commun mais si elle doit aller contre lui. Il convient donc de réfléchir sur le sens d’un tel

« devoir ». Mais pour ce faire, il est évidemment nécessaire d’élucider ce qu’on entend par

« sens commun », cette expression dans le langage philosophique contemporain signifiant

soit « l’ensemble des opinions généralement admises dans une société », soit « la faculté de juger sainement des choses, de constituer des connaissances à partir des notions communes,

immédiates, évidentes »

(Sylvain Auroux et Yvonne Weil, Nouveau vocabulaire des études philosophiques).

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujet

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

Dans un essai intitulé « De la philosophie et du sens commun » (1824), le philosophe français

Théodore Jouffroy observait que « l’histoire de la philosophie présente un singulier spectacle : un certain nombre de problèmes se reproduisent à

toutes époques ; chacun de ces problèmes inspire un certain nombre de solutions, toujours les

mêmes ; les philosophes se les partagent ; la discussion s’établit ; toutes les opinions sont

attaquées et défendues avec la même apparence de vérité ; l’humanité écoute, n’adopte l’avis de

personne, mais garde le sien, qui est ce qu’on appelle le sens commun »

(Mélanges philosophiques, Paris, 1860, p. 105).

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

a) Pas d’opinions universelles

Dans un Opuscule ou petit traité sceptique sur cette commune façon de parler :

N’avoir pas le sens commun, publié en 1646, La Motte le Vayer s’appliqua à

montrer que si tous les hommes ont des opinions et s’en satisfont, ils ne

s’accordent cependant sur à peu près rien, ni sur la religion, ni sur la politique

ni sur la morale.

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communes

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

a) Pas d’opinions universelles

Cette diversité même des opinions du sens soi-disant commun suffit à remettre en cause la véracité de

ses jugements, dont la prétendue universalité (puisqu’on les supposait communs à tous les hommes) était la seule justification. Dans ces

conditions, les opinions du sens commun doivent être ramenées à ce qu’elles sont en effet, à savoir

de simples opinions, et la philosophie, qui est recherche de la vérité, doit aller contre elles et tenter de conduire à la lumière ces hommes du

sens commun, que Platon comparaît à des prisonniers enchaînés au fond d’une caverne ne

pouvant voir que des ombres de la réalité. Collection

Philosophique8

L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communes

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Des idées claires communes à l’humanité ?

Cependant on peut se demander si derrière ce sens commun fait d’opinions incertaines,

inexactes ou fausses, il n’existerait pas en tout homme un sens commun constitué

d’idées vraies innées et immuables, et si la raison ne consisterait pas à les consulter.

Telle était l’opinion défendue par Fénelon, qui observait qu’il existe certaines idées que

nous ne pouvons sérieusement remettre en question et que ce sont ces idées qui décident de ce que nous pensons :

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communes

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Des idées claires communes à l’humanité ?

« Quand j’examine, observe-t-il, si le néant peut penser, au lieu de l’examiner

sérieusement, il me prend envie de rire. D’où cela vient-il ? C’est que l’idée de la

pensée renferme clairement quelque chose de positif et de réel, qui ne

convient qu’à l’être. La seule attention à cette idée porte un ridicule manifeste

dans ma question. Il en est de même de certaines autres questions…

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe texte de

Fénelon

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Des idées claires communes à l’humanité ?

… Demandez à un enfant de quatre ans, si la table de la chambre où il est se promène

d’elle-même, et si elle joue comme lui : au lieu de répondre il rira. Demandez à un laboureur bien grossier, si les arbres de son champ ont

de l’amitié pour lui ? Si ses vaches lui ont donné conseil dans ses affaires domestiques ?

Si sa charrue a bien de l’esprit ? Il répondra que vous vous moquez de lui. En effet toutes

ces questions ont un ridicule qui choque même le laboureur le plus ignorant et l’enfant

le plus simple… Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe texte de

Fénelon

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Des idées claires communes à l’humanité ?

… En quoi consiste ce ridicule ? à quoi précisément se réduit-il ? A choquer le sens commun, dira

quelqu’un. Mais qu’est-ce que le sens commun ? N’est-ce pas les premières notions

que tous les hommes ont également des mêmes choses ? Ce sens commun qui est

toujours et partout le même, qui prévient tout examen, qui rend l’examen même de certaines questions ridicule, qui fait que malgré soi on rit

au lieu d’examiner, qui réduit l’homme à ne pouvoir douter quelque effort qu’il fit pour se

mettre dans un vrai

doute ;… Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe texte de

Fénelon

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Des idées claires communes à l’humanité ?

… ce sens commun qui est celui de tout homme, ce sens qui n’attend que d’être consulté, qui se montre au

premier coup d’œil et qui découvre aussitôt l’évidence ou l’absurdité de la question, n’est-ce pas ce que j’appelle mes idées ? Les voilà donc ces idées ou notions générales que je ne puis ni contredire, ni examiner, suivant lesquelles au contraire j’examine

et je décide tout, en sorte que je ris au lieu de répondre toutes les fois qu’on me propose ce qui est clairement opposé à ce que ces idées immuables me

représentent. »

Démonstration de l’existence de Dieu, II, dans Œuvres philosophiques, Paris, 1718, pp. 391-

393). Collection

Philosophique13

L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe texte de

Fénelon

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Des idées claires communes à l’humanité ?

Mais cette position de Fénelon peut, elle, être sérieusement remise en question. En effet, nombre des exemples qu’il donne sont loin

d’être incontestables ni probants : il n’est pas sûr (la psychologie contemporaine l’a montré)

qu’un enfant rira si on lui demande si la table de la chambre où il est se promène d’elle-même et

si elle joue comme lui : il est tout au contraire possible qu’il le pense ; de même, dans

certaines sociétés dites primitives (l’ethnologie nous l’enseigne), un homme pourra croire que

les arbres ont de l’amitié pour lui.

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communes

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Des idées claires communes à l’humanité ?

Ce texte de Fénelon témoigne ainsi de la difficulté à ne pas se laisser abuser par la pseudo-clarté d’idées que l’on prend trop

facilement pour des idées si claires et si distinctes qu’on ne saurait les mettre en

doute. Car Fénelon, lecteur de Descartes, partageait avec ce dernier l’idée que la

connaissance philosophique ne peut trouver d’assise solide qu’en se fondant

sur un doute méthodique. Collection

Philosophique15

L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communes

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

a) Nécessité du doute

Dans la première partie du Discours de la Méthode, Descartes expose son histoire

intellectuelle, c’est-à-dire l’histoire de ses déceptions, jusqu’à ce qu’il prenne la

résolution d’étudier lui-même. Il nous dit que « l’extrême désir » qu’il avait

d’apprendre à « distinguer le vrai d’avec le faux » n’a pas été satisfait par ses

précepteurs : il a très vite compris que les savoirs qu’on lui enseignait pouvaient

être faux. Collection

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

a) Nécessité du doute

Mais loin de le désespérer ou de lui inspirer quelque scepticisme sur les capacités de la

raison à atteindre la vérité, cette situation le conduit à donner au doute vague qu’il a

ressenti un statut philosophique : « Je pensai qu’il fallait que je rejetasse comme

absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s’il

ne resterait pas après cela quelque chose en ma créance qui fût entièrement

indubitable ».

(Discours de la méthode, IV). Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Une méthode philosophique

Le doute devient ainsi méthode philosophique. Il n’est pas ce qui menace la rationalité, mais ce

qui permet d’accéder à elle. Pour cela, il est nécessaire de douter de façon systématique,

radicale, afin de se défaire de toutes les opinions reçues, celles du sens commun comme celles

des savoirs qui se prétendent scientifiques, et de parvenir, si possible, à une vérité fondamentale.

Un tel doute porte consciemment même sur ce dont « on ne peut pas raisonnablement douter »

(par exemple que nous avons un corps), même sur ce dont l’examen, selon les mots de Fénelon, « fait que malgré soi on rit au lieu d’examiner ».

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Une méthode philosophique

Il s’agit en effet d’un doute rationnel et non raisonnable, c’est-à-dire non pas un doute ordinaire, adaptant notre être au monde ordinaire, mais d’une

volonté de douter qui cherche si quelque chose peut échapper au doute. D’où le caractère hyperbolique de ce doute (traiter comme

absolument douteux ce qui n’est que partiellement douteux). Je peux ainsi suspendre toujours mon

jugement, jusqu’à ce point limite où l’acte de douter en quelque sorte s’inverse et se saisit avec

évidence comme condition de possibilité du doute : je suis « être qui doute », je doute (je pense), je

suis, c’est la première vérité radicalement et paradoxalement indubitable au sens strict.

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

c) Un doute toujours à reprendre

On voit qu’une telle pratique philosophique du doute, une telle ascèse, rompt avec la

démarche habituelle de l’esprit. Elle met en cause toutes les valeurs, celles du sens

commun comme celles qui sont issues de la raison (les vérités mathématiques ne font

pas exception, et Descartes était mathématicien), mais cette mise en cause

nous met en présence de l’essence de notre être (substance pensante) ; la raison,

faculté de connaître cette essence, parvient dans le doute à sortir du doute.

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

c) Un doute toujours à reprendre

Descartes peut alors définir la première règle de la méthode qui permettra de construire sur

un fondement inébranlable l’édifice philosophique : « ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n’eusse aucune occasion de le mettre

en doute » (id., II). Le doute est toujours à reprendre, si l’on veut passer de l’incertitude à la conviction rationnelle. De toute façon, il

accompagne le cheminement ultérieur du philosophe.

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

a) Un jugement commun

Mais si par sens commun on entend généralement un ensemble d’opinions

admises, contre lesquelles, nous venons de le voir, il faut qu’aille le philosophe en exerçant son doute méthodique, on peut

également prendre cette expression en un tout autre sens. C’est ce qu’observait

le philosophe écossais Thomas Reid (1710-96), en faisant remarquer que

« sens commun » signifie d’abord « jugement commun ».

Collection Philosophique

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

a) Un jugement commun

« Dans la langue commune, écrit-il, le mot sens implique toujours le jugement. Un homme de

sens est un homme judicieux ; le bon sens est un bon jugement ; un non-sens est ce qui est dépourvu de jugement ; le sens commun est

ce degré de jugement qui est commun à tous les hommes avec qui on peut converser et

contracter dans les occurrences les plus ordinaires de la vie »

(Essais sur les facultés de l’esprit humain, VI, II, trad. Th. Jouffroy, Œuvres complètes

de Th. Reid, Paris, 1829, V, p. 29). Collection

Philosophique23

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Le sens commun, premier degré de la raison

Or, « le même degré d’intelligence qui suffit pour agir avec la prudence commune dans la

conduite de la vie, suffit aussi pour découvrir le vrai et le faux dans les choses évidentes

par elles-mêmes, quand elles sont distinctement conçues » (id., p. 32).

Ainsi « il serait absurde d’opposer le sens commun à la raison. A la vérité il a sur elle un droit d’aînesse ; mais ils sont inséparables de leur nature, et nous les confondons dans nos

discours et nos écrits… Collection

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Le sens commun, premier degré de la raison

… Nous attribuons à la raison deux offices ou deux degrés : l’un consiste à juger des

choses évidentes par elles-mêmes ; l’autre à tirer de ces jugements des conséquences

qui ne sont pas évidentes par elles-mêmes. Le premier est la fonction propre,

et la seule fonction du sens commun ; d’où il suit que le sens commun coïncide avec

la raison dans toute son étendue, et n’est que l’un de ses degrés. » (id., p. 41) …

Collection Philosophique

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Le sens commun, premier degré de la raison

Le sens commun peut donc être conçu d’abord comme une faculté de bien

juger, avant que d’être un ensemble de jugements ; il est cela-même que

Descartes nommait le « bon sens », qui, disait-il, est « la chose du monde la

mieux partagée », c’est-à-dire la « lumière » ou « raison naturelle ».

Collection Philosophique

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Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

b) Le sens commun, premier degré de la raison

C’est pourquoi Reid écrit :

« Le sens commun est un pur don du ciel : s’il nous l’a refusé, l’éducation ne saurait nous le

communiquer. La raison a son enseignement et ses règles ; mais elle présuppose le sens

commun. Quiconque est doué du sens commun peut apprendre à raisonner ; mais celui qui

n’est point éclairé de cette lumière, étant incapable de reconnaître les principes évidents par eux-mêmes, n’apprendra jamais à en tirer

des conséquences logiques. » (id., p. 42).

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

c) Le rôle du sens commun :

réfuter plutôt que prouver

Dans ces conditions, il est évident que la philosophie ne saurait aller contre le sens commun, puisque le sens commun, étant

le premier degré de la raison, est la racine même de la réflexion philosophique. Et

non seulement la philosophie ne peut aller contre lui, mais elle pourrait, selon

Thomas Reid, s’en servir comme pierre de touche pour s’assurer de la validité de

certaines de ses conclusions.Collection

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

Page 30: LE JUGEMENT - L'IDEE

LE JUGEMENT – L’IDÉE

c) Le rôle du sens commun :

réfuter plutôt que prouver

« La prérogative du sens commun, écrit Reid, consiste plus à réfuter qu’à prouver. La

conclusion d’une suite de raisonnements appuyés sur des principes certains ne peut

jamais contredire une décision du sens commun, parce que la vérité ne peut pas être

en opposition avec elle-même. D’un autre côté le sens commun ne peut jamais donner d’autorité à une conclusion de cette nature,

parce qu’elle n’est point dans les limites de sa juridiction…

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

c) Le rôle du sens commun :

réfuter plutôt que prouver

… Mais il est possible que de faux principes, ou une erreur commise dans le raisonnement conduisent à une

conclusion contraire au sens commun. Dans ce cas, celui-ci est le juge légitime de la conclusion, quoiqu’il ne le soit pas

du raisonnement qui l’a donnée ; et il lui appartient de rejeter l’une, quoiqu’il ne

sache point indiquer l’erreur qui s’est glissée dans l’autre…Collection

Philosophique30

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

c) Le rôle du sens commun :

réfuter plutôt que prouver

… Ainsi, s’il arrivait qu’un géomètre, ayant failli dans quelque partie de sa

démonstration, fût conduit à ce résultat, que deux quantités égales chacune à une troisième, ne sont pas égales entre elles, le sens commun, sans prétendre juger de

la régularité de la démonstration, serait en droit de prononcer que le résultat est

absurde »

(id., pp. 42-43).Collection Philosophique

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Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelle

Page 33: LE JUGEMENT - L'IDEE

LE JUGEMENT – L’IDÉE

La réponse à la question de savoir si la philosophie doit aller contre le sens

commun dépend évidemment de ce que l’on entend par sens commun : si ce

dernier n’est qu’un ensemble d’opinions généralement admises, le rôle de la

philosophie est précisément, par l’exercice du doute méthodique, d’aller

contre elles pour examiner leur fondement objectif ; si, en revanche, on

fait du sens commun le premier degré de la raison, la philosophie ne saurait aller

contre lui, sauf en un mouvement suicidaire où elle s’annihilerait.Collection

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelleConclusion

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LE JUGEMENT – L’IDÉE

Cependant, on ne voit guère alors l’utilité d’un tel concept à côté de celui de la raison ; bien plus, on voit aisément tout le danger qu’il y a à le maintenir et à ériger un tel sens commun

en juge des conclusions de nos raisonnements, car rien ne s’opère plus

facilement que le glissement et la confusion entre ce qui relève des éléments constitutifs

de la raison et des convictions prétendument primitives que l’on intègre dans ces éléments

alors qu’elles ne sont en réalité que des préjugés. Ainsi l’évidence du sens commun

se révèle le plus souvent n’être qu’un leurre et sa lumière une enténébrante clarté.

Collection Philosophique

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L’idéeLe jugementLa question

Le sujetIntroduction

Le sens commun,

ensemble des opinions

communesLe doute cartésien

Le sens commun,

lumière naturelleConclusion

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C’était un cours de philosophie

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