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Texte de la soutenance de thèse de doctorat présentée le 7 novembre 2013 à l'Université Bordeaux Segalen. Mention très honorable avec félicitations du jury à l'unanimité. Cette recherche doctorale s’inscrit dans le cadre de la didactique de l’anglais et prend appui sur les champs théoriques propres à la didactique des langues et aux sciences du langage. Elle a pour objet l’étude de l’introduction d’approches plurielles fondées sur les langues inconnues (APLI) au sein du cours d’anglais et cherche à comprendre les effets d’une telle modification du savoir sur les acteurs de la relation pédagogique (l’élève et l’enseignant). Une quasi-expérimentation fut menée sur l’année scolaire 2011-2012 dans cinq classes de collège, de niveau cinquième. Les élèves, regroupés par tétrades, ont successivement été confrontés à trois langues inconnues (néerlandais, italien et finnois). Pour chacune de ces langues, ils ont été amenés à résoudre des problèmes d’ordre métasémantique, métasyntaxique, puis métaphonologique. Après avoir circonscrit le cadre institutionnel et théorique nécessaire à l’étude, le cadre méthodologique est précisé. Puis est abordée l’analyse des effets de la modification du savoir devenu plurilingue, tant sur les élèves que sur les enseignants. Lorsqu’on observe les effets des APLI sur la relation Savoir-Professeur, on constate que cette modification didactique a permis aux enseignants de mieux comprendre les concepts de situation-problème, de conceptualisation, de stratégies d’apprentissage et de compétence. La transposition didactique s’en trouve modifiée : les enseignants ont progressivement été amenés à concevoir des séquences didactiques donnant plus de place à l’élève, avec des exigences plus élevées. L’étude de la relation Enseignant-Élève met en exergue une modification de la pratique, essentiellement liée à la mise en place du travail de groupe. Le rôle de l’enseignant est alors révisé : il devient facilitateur du travail qui s’effectue en collaboration au sein du groupe. Finalement, l’analyse de la relation Savoir-Élève souligne la nécessaire conscientisation qui mène vers le développement de compétences plurilingues et la mise en oeuvre de stratégies d’apprentissage transférables à l’étude de la L2.
Citation preview
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Effets de l’introduction d’une approche plurielle fondée sur des
langues inconnues sur le système didactique
Des éléments de cadrage à la mise en place expérimentale
en classe d’anglais au collège
Soutenance de thèse Rebecca DAHM
jeudi 7 novembre 2013 - Université Bordeaux Segalen
Diapo 1
Cette présentation fait le point sur l’état de mon travail de recherche doctorale qui porte sur
les effets de l’introduction d’une approche plurielle fondée sur des langues inconnues sur le
système didactique.
Cette recherche s’inscrit avant tout dans un parcours de formation personnelle, d’apprenti
chercheur qui a débuté avec le master recherche. Je me suis alors intéressée aux effets de la
pratique réflexive sur la langue. De plus, fascinée par le courant de Language Awareness, j’ai
multiplié les lectures, tant sur les pratiques pédagogiques que sur les processus cognitifs sous-
jacents à l’apprentissage des langues.
J’ai alors découvert les recherches mettant en exergue les avantages cognitifs que possèdent
les plurilingues. Je me suis donc demandée si on pouvait aider nos élèves monolingues à
développer de tels avantages cognitifs. J’ai par conséquent choisi de créer des situations
plurilingues artificielles, s’appuyant sur des séances d’approches plurielles fondées sur des
langues inconnues (que j’appelle APLI) dans le cadre d’une expérimentation que je préciserai
ultérieurement.
Or, comme je viens de le dire, cette recherche s’inscrit dans un parcours et a vu son champ
s’élargir.
Diapo 2
En effet, c’est au fur et à mesure de mes investigations, que j’ai pris conscience de la portée
de la recherche en didactique qui est réellement une approche holistique, examinant à la fois
les 3 pôles et les trois axes du système didactique. Il s’agit non seulement de comprendre les
effets de la modification du savoir sur le professeur et sur l’élève, mais également d’examiner
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les trois heuristiques de la recherche en didactique : l’axe épistémologique qui examine la
manière dont l’enseignant procède à l’élaboration didactique, l’axe praxéologique qui va
étudier la manière dont l’enseignement est mis en œuvre et finalement l’axe
psycholinguistique qui permet de comprendre la manière dont l’élève s’approprie le savoir.
J’ai donc souhaité mener une recherche qui peut paraître très vaste ; l’étude d’un de ces axes
aurait pu suffire. Mais c’est la conscience de la nécessaire vision holistique, la conscience des
interactions entre tous ces éléments qui m’a amenée à élargir l’objet de ma recherche.
Diapo 3
Après ces éléments de contextualisation, je vous présenterai mes hypothèses et questions de
recherche, la méthodologie mise en œuvre et l’analyse effectuée. Ces différents éléments me
permettront de vous présenter les résultats et de proposer qqs pistes pour la recherche et la
formation.
Diapo 4
Voici mes hypothèses et questions de recherche
Diapo 5
Comme mon étude porte à la fois sur l’élève et l’enseignant, j’ai émis deux séries
d’hypothèses : des hypothèses portant sur les effets des APLI sur l’élève et son apprentissage
et des questions cherchant à comprendre l’impact des APLI sur l’enseignant et son
enseignement.
J’ai donc émis l’hypothèse que la mise en œuvre des APLI au sein du cours d’anglais permet
à l’élève de prendre conscience des stratégies d’apprentissage qu’il met en œuvre lorsqu’il
cherche à résoudre le problème d’accès au sens du texte en langue inconnue. De plus, j’ai
postulé que le travail de réflexion métalinguistique requis par la résolution du problème de
création de phrases nouvelles pouvait contribuer au développement de ses compétences
plurilingues. Finalement, en tant que didacticienne de l’anglais, j’ai souhaité comprendre si de
tels apprentissages pouvaient être transférés vers la L2 anglais.
Pour étudier les effets sur l’enseignant et son enseignement, j’ai cherché à comprendre
l’élaboration didactique et les stratégies d’enseignement mises en œuvre par l’enseignant et
j’ai souhaité vérifier si travailler avec une APLI permet de développer ses compétences
professionnelles, ce qui pourrait alors avoir un effet sur l’enseignement de sa discipline, en
l’occurrence l’anglais L2.
3
Diapo 6
La méthodologie de recherche mise en œuvre s’appuie sur un double dispositif d’observation.
Diapo 7
Pour vérifier les hypothèses portant sur l’élève et son apprentissage, une quasi-
expérimentation a été menée en 2011-2012 dans 9 classes de collège, mais mon étude ne
prend en compte que les résultats des 5 classes de 5° (elle concerne 136 élèves mais les
données analysées ne portent que sur 88 élèves, qui se sont déclarés monolingues dans leur
environnement familial). Les élèves ont été regroupés par groupes de 4 afin de favoriser la
conscientisation par l’interaction de groupe : j’ai donc étudié les résultats de 22 groupes. La
quasi-expérimentation prend appui sur 9 séances d’APLI : les élèves on été confrontés
successivement à 3 langues inconnues (néerlandais choisi pour sa proximité typologique avec
l’anglais, l’italien pour sa proximité avec le français et finalement le finnois, qui ne présente
aucun point d’ancrage immédiat). Pour chacune de ces langues, 3 types d’activités
métalinguistiques ont été proposes : des activités métasémantiques (accès au sens),
métasyntaxiques (création de phrases nouvelles), métaphonologiques (association phonie-
graphie).
Les séances ont été menées de manière régulière et systématique, de manière à pouvoir
obtenir des éléments comparables.
Les effets des APLI sur l’enseignant et son enseignement ont été étudiés à travers le dispositif
de recherche-action. Cette recherche-action a été menée avec une équipe de réflexion et de
recherche composée de 9 enseignants de collège, ayant tous mis en œuvre les séances d’APLI,
en 5° ou en 3°.
Pour chacun des dispositifs, on obtient un corpus différent :
Pour la quasi-expérimentation, j’ai à la fois les vidéos des séances, les enregistrements et
transcriptions des interactions des 22 groupes. Des Pré- et post-tests stratégiques et
syntaxiques ont été administrés à la fois aux classes expérimentales et à des classes-témoin.
Les tests stratégiques sont des tests permettant de mesurer la capacité des élèves à prendre
conscience des stratégies qu’ils mettent en œuvre pour comprendre un texte en anglais qui est
difficile, de niveau C1. Les tests syntaxiques ont permis de mesurer leur maîtrise de concepts
grammaticaux et leur aptitude à les utiliser pour répondre à des exercices de grammaire.
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Finalement des questionnaires pré- et post-expérimentation permettent d’obtenir des
informations complémentaires.
Les données concernant l’enseignant/l’enseignement ont été récoltées grâce à la recherche-
action.
Quatre regroupements ont eu lieu tout au long de l’année. Le corpus est donc constitué des
• Vidéos des regroupements
• Transcription des interactions
• 4 questionnaires
Diapo 8
L’analyse qui s’ensuivit peut être représentée de la manière suivante :
Diapo 9
La matière première de la quasi-expérimentation est constituée des élèves, de leurs
enregistrements et des divers documents produits alliés à l’intervention de la chercheure (lors
de la réalisation des questionnaires, du recueil des données ou encore lors des
retranscriptions) MAIS AUSSI des enseignants (qui ont participé à l’élaboration des fiches de
travail). J’obtiens donc le matériau suivant duquel seront extraits les données : il s’agit des
transcriptions et des fiches de groupe. J’ai tout d’abord conduit une première analyse de
contenu en optant pour une approche qualitative, manuelle afin de découvrir les éléments
extraits des enregistrements permettant de déterminer les processus cognitifs en jeu. Ensuite,
j’ai mené une deuxième analyse de contenu, quantitative (avec Excel), pour mettre en
perspective les premiers éléments de résultats obtenus précédemment. On aboutit ainsi à la
compréhension des phénomènes relatifs à l’utilisation de stratégies ou le développement de
compétences. Il apparaît alors nécessaire de croiser ces résultats avec les données qualitatives
et quantitatives issues des questionnaires, ce qui permet d’obtenir des informations
complémentaires concernant la transférabilité des apprentissages.
Diapo 10
Pour la recherche-action, la matière première est constituée par les enseignants et les divers
documents recueillis alliées à l’intervention de la chercheure, et le matériau est constitué par
les enregistrements et les questionnaires. L’approche fut tout d’abord qualitative, manuelle et
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menée avec le logiciel NVivo pour parvenir à extraire des nœuds significatifs puis elle fut
complétée par une analyse quantitative, avec Excel pour compléter les résultats obtenus
précédemment. On obtient ainsi des informations permettant de comprendre les stratégies
utilisées par les enseignants ou le développement de leurs compétences plurilingues et
professionnelles.
Diapo 11
Les résultats ont été analysés en prenant en compte, une fois de plus, le système didactique de
Chevallard
Diapo 12 :
• Le savoir présenté se trouve modifié, puisqu’il est désormais inscrit dans un contexte
plurilingue. Il véhicule des valeurs d’ouverture et de tolérance comme dans tout
enseignement de langues, mais il est également centré sur l’épanouissement de
l’individu. De plus, il devient objet de réflexion et n’est plus un objet d’apprentissage
• Cette modification du savoir a tout d’abord un effet sur l’enseignant : le regard qu’il
porte sur l’élève se trouve modifié. De la même façon, son attitude vis-à-vis des
langues inconnues évolue puisqu’il a moins de préjugés sur facilité/difficulté d’accès à
la langue. Finalement, il effectue plus de tentatives personnelles pour accéder à la
compréhension des textes en langue inconnue ET pour concevoir de séances si bien
qu’on peut considérer que l’enseignant a développé à la fois ses compétences
plurilingues et professionnelles.
• En ce qui concerne l’élève, on constate que celui-ci a modifié son attitude vis-à-vis de
l’objet-langue et a développé à la fois son estime de soi, son envie d’apprendre à
apprendre et sa curiosité vis-à-vis des langues inconnues
• Lorsqu’on examine l’axe épistémologique, on remarque que l’enseignant a une
meilleure compréhension des concepts (que ce soit la situation-problème, la
conceptualisation, les stratégies d’apprentissage ou le concept central de compétence).
De plus, la transposition didactique qu’il effectue se trouve modifiée : il conçoit
désormais des séquences didactiques donnant plus de place à l’élève, avec des
exigences plus élevées.
• Lorsqu’on examine l’axe praxéologique, on remarque que le rôle de l’enseignant se
trouve révisé : il devient facilitateur, voire passeur. la gestion de la classe est
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également modifiée, puisque l’organisation se fait par groupes ce qui permet de
mettre en place un travail de collaboration qui mobilise le savoir social.
• Finalement, l’axe psycholinguistique met en exergue la prise de conscience des
stratégies d’apprentissage mises en œuvre par les élèves et souligne le développement
de leurs compétences plurilingues
• On peut donc considérer que non seulement l’élève agit, mais également qu’il
réfléchit.
Diapo 13
Les effets de l’introduction des APLI sur l’enseignement/apprentissage de l’anglais L2 ont
également été analysés
Diapo 14
• Lors de l’analyse des pré- et post-tests stratégiques (donc des tests portant sur la
compréhension des textes de niveau C1), j’ai fait une découverte surprenante qui
n’était pas une hypothèse initialement formulée : il semblerait que les élèves
réutilisent les stratégies d’apprentissage qu’ils ont mises en œuvre lors des séances
d’APLI mais ceci à condition que l’intervention de l’enseignant pendant ces séances
soit limitée.
• Les pré- et post-tests syntaxiques (qui évaluaient la maîtrise de concepts
grammaticaux et prenaient appui également sur des exercices de grammaire) n’ont pas
permis de mesurer une meilleure appropriation et réutilisation des concepts étudiés.
• Par contre, l’analyse des séances d’activités métasyntaxiques met en exergue une
mobilisation efficace des diverses ressources (savoirs, savoir-faire et savoir-être), si
bien qu’on peut considérer que la compétence métalinguistique est développée.
Malheureusement, le type de test proposé n’a pas permis de mesurer une telle
transférabilité à la L2.
• On ne peut pas non plus prouver un développement de la compétence linguistique
puisque celle-ci ne saurait être directement mesurée et est indépendante de la
compétence métalinguistique.
Diapo 15
• En ce qui concerne l’effet sur l’enseignement L2, plusieurs résultats sont saillants :
tout d’abord, les enseignants maîtrisent mieux les concepts et conçoivent plus
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aisément des séquences d’enseignement en anglais sous forme de résolution de
problème.
• De plus, 7 enseignants sur 9 ont réorganisé leurs classes et font travailler leurs élèves
en groupes, de manière très fréquente.
• Certains enseignants ont naturellement développé une valorisation des langues de
l’environnement de l’élève et certains utilisent ce savoir social pour débloquer des
situations de communication en L2. (Si vous le souhaitez, je pourrai vous donner un
exemple ultérieurement).
Je voudrais cependant souligner quelques limites de cette recherche :
• L’absence de phase d’institutionnalisation, que ce soit lors de l’expérimentation ou
lors des séances de recherche-action semble préjudiciable au transfert qui de fait, est
resté ‘spontané’. Il s’agit d’un choix maîtrisé puisque je cherchais à analyser le
transfert naturellement mis en œuvre. Néanmoins, si on veut aider l’élève (ou
l’enseignant !) à mettre en œuvre des stratégies, il semble nécessaire de
l’accompagner, de manière consciente, dans son cheminement.
• De même, il est nécessaire de bien définir la situation-problème si on veut aider
l’élève à donner du sens aux tâches
• On rejoint ainsi la nécessaire pratique de référence qui n’a pas été suffisamment
développée dans cette expérimentation.
Diapo 16
Voici quelques perspectives, tant pour la recherche en didactique que pour la formation des
enseignants.
Diapo 17
En me basant sur le corpus existant, non encore exploité à ce jour, on pourrait imaginer les
prolongements suivants : il serait intéressant d’étudier l’impact des activités
métaphonologiques, d’explorer les résultats des niveaux 3° afin d’établir une comparaison
avec les résultats des élèves de 5° ou bien d’examiner les résultats des élèves ayant l’allemand
comme L2. De la même façon, je pourrais comparer les résultats des plurilingues à ceux des
monolingues.
Il est évident que les résultats présentés ici n’ont qu’une validité interne. Par conséquent, il
serait intéressant d’en vérifier la réplicabilité en mettant en œuvre ces mêmes séances d’APLI
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dans d’autres établissements, voire dans un contexte d’enseignement différent (par ex, en
Grande Bretagne ou en Finlande). On pourrait alors étudier l’impact de l’environnement sur
les différentes variables observées.
Il semble également intéressant d’étudier, de manière comparative, l’anxiété ressentie lors des
séances d’APLI et lors des séances d’enseignement/apprentissage de l’anglais L2. Il en est de
même pour l’étude de la mise en place de l’étayage par les pairs. Or, pour cela, il est
nécessaire de construire un dispositif d’observation différent, incluant des questionnaires ou
grilles adaptés.
Mais en tant que didacticienne et formatrice à l’ESPE, il me semble important d’explorer la
formation des enseignants.
Diapo 18
Inscrire les APLI dans la formation, qu’elle soit initiale (dans le cadre du Master MEEF, par
exemple) ou continue me paraît une piste très intéressante.
• Permettre aux étudiants ou enseignants de réfléchir sur les langues inconnues,
en résolvant les différents problèmes rencontrés, devrait autoriser le
développement de leur maturité cognitive. Ils abordent les concepts
grammaticaux différemment, en leur donnant plus de sens.
• De plus, de telles activités permettraient de modifier leurs attitudes vis-à-vis
des langues inconnues ou de l’apprentissage des langues en général.
• Finalement, ils sont amenés à réfléchir sur eux-mêmes, en tant qu’apprenants,
ou sur leur future pratique.
Je pourrais donc associer rechercher et formation en analysant, par exemple, le corpus
constitué par les extraits des « journaux » complétés par les étudiants en formation Master
MEEF. Chaque année, je leur fais vivre les différentes séances d’APLI, puis je leur demande
de noter dans un journal en ligne, leurs impressions en tant qu’apprenant et leurs observations
en tant que futur enseignant…
Pour conclure, je voudrais vous soumettre quelques extraits : ce sont, après tout, les
utilisateurs qui en parlent le mieux… Mais auparavant, j’aimerais vous remercier pour votre
attention.