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La science, l’éthique et le bien commun Présentation de l’enjeu et discussion

Recherche scientifique et bien commun

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Présentation powerpoint auto-narrée, Colloque La science que nous voulons, congrès de l'ACFAS, Montréal, 10 mai 2012

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  • 1. La science, lthique et le bien communPrsentation de lenjeu et discussion

2. Deux questions de dlibrationauxquelles tous sont invits rpondreQuestion 1 : Comment la recherche scientifiquepourrait-elle bien ou mieux rpondre auxproccupations et aux valeurs des citoyens de votrergion ?Question 2 : Si on dfinit le bien commun comme cequi est souhaitable du point de vue de lintrt de lacollectivit, comment ltat pourrait-il organiser etorienter la recherche scientifique pour quelle y soitlie, sans nuire la libert des chercheurs ? 3. Deux questions en amont Pourquoi la recherche scientifique devrait-elletre lie au bien commun? quelle conception du bien commun larecherche scientifique devrait-elle tre lie?Pour y rpondre, une exploration sous diffrentsangles, en commenant par lvocation de ladoctrine conventionnelle de la neutralitscientifique, encore trs vivante dans nosuniversits. 4. 1. La doctrine : La science est et doitrester hors de la Cit La science doit se dvelopper hors de la Cit, car cette distanceest ce qui garantit labsence dingrence externe dans lemouvement autonome de dveloppement de la science, fondsur la rationalit scientifique, un langage pur et desmthodes spcifiques. La science na pas de compte rendre en dehors de ceuxprvus par ses critres internes. La soif de connaissance, unemeilleure comprhension de la pense et du monde sont sesseules raisons dtre. La science est universelle et a-locale, elle transcende lessocits, les poques et les cultures. Elle nest pas concerne par les dbats politiques sur le biencommun, ni par les usages que font delle lescitoyens, ltat, les lus, lindustrie, la socit civile, etc. 5. Pas de fentre 6. 2. Le ralisme. Un contrat socialentre ltat et la science Quand mme, la science ne vit pas de rve et deau frache. Il lui fautdes ressources financires pour se dvelopper. En 1945, en pleinereconstruction post-conflit, cest ltat qui, seul, pouvait offrir cesressources. Do le contrat social de la science, rdig par VannevarBush aprs la Seconde Guerre mondiale et qui a donn lieu laNational Science Foundation et au concept de sciencepublique, dorganismes subventionnaires, etc. : ltat finance ledveloppement de la science sans trop sen mler en change dequoi les scientifiques sengagent faire des recherches qui, en toutou en partie, rpondent aux dsirs de ltat, assimils au biencommun. La National Science Foundation (NSF) se proposait ainsi de promouvoir lavancement de la science, faire voluer la sant, laprosprit et le bien-tre national et scuriser la Dfense nationale en subventionnant des travaux scientifiques. Elle voulait mettre la science au service du bien commun dfini icicomme lensemble des intrts de ltat, le grand responsable de laprotection et du dveloppement de lintrt gnral et desressources collectives. Bien commun = intrts et dcisions de ltat 7. Vannevar Bush,General of Physics,Mai 1944 8. 3. Fin du contrat social ? Ce contrat social, repris dans bien dautres pays, tait en fait uneconscription de la science. Il garantissait aux chercheurs des fonds derecherche quils nauraient pas obtenu de ltat autrement, en change detravaux scientifiques utiles aux projets de ltat (notamment larme). Ce contrat a dur longtemps, au point de paratre naturel plusieursgnrations de chercheurs. Mais il est actuellement menac par la transformation de ltat en tat no-libral. Cette transformation impose une rduction des dpenses publiqueset la recherche de partenariats avec le secteur priv, notamment la grandeindustrie, pour compenser. En change de ce transfert de responsabilits ausecteur priv, ce dernier doit recevoir des avantages. Linnovationcommercialisable est un de ces avantages que la science peut offrir. Une nouvelle forme de conscription de la science sest mise en place depuis1995 dans les tats nolibraux : le capitalisme cognitif ou lconomie dusavoir qui demande la science de gnrer des brevets ou des inventionssusceptibles daider lindustrie, notamment pharmaceutique ou agro-alimentaire. Cette nouvelle alliance entre ltat et lindustrie autour de linnovationsest incarne dans les dernires politiques scientifiques des tats no-libraux. 9. Quest-ce quune politique publique scientifique ? Une politique publique scientifique est unoutil daction quune quipe lue (ungouvernement) se donne et implante pourfaire valoir sa conception de la contributionde la science sa vision du bien commun. Elle comporte des instances de dcision et dereddition de comptes, des budgets, desinstitutions (universits, centres derecherche, centre de transfert, etc.) qui ontpour but dorienter la science afin de lamodeler sur sa vision du bien commun. 10. Les politiques publiquesscientifiques au Canada La Stratgie qubcoise de la recherche et de linnovation (Gouvernement duQubec, 2006) fait la promotion dun environnement qui valorise larecherche et linnovation dans le but dinstaurer une relle conomie dusavoir : son objectif est de valoriser linnovation, augmenter le nombredentreprises qui investissent dans linnovation et amliorer lefficacit deces corridors o une avance scientifique se transforme en produitscommercialisables, en emplois et en richesse nouvelle (ibid. : 5). En 2007, le gouvernement fdral canadien publia sa propre stratgie en lamatire, Raliser le potentiel des sciences et des technologies au profit duCanada (Gouvernement du Canada, 2007). Cette politique publique vise crer une conomie plus comptitive, *+, plus concurrentielle et plusdurable, grce aux sciences et la technologie (ibid.), en impliquantdavantage le secteur priv. Cela passe dabord par la cration d un marchconcurrentiel et dun climat dinvestissement qui encourage le secteur priv faire concurrence au monde entier avec ses technologies, produits etservices innovateurs. Le Canada doit maximiser la libert des scientifiques demener des recherches et la libert des entrepreneurs dinnover . Le bien commun = la prosprit conomique dune lite industrielle etpolitique, dont on espre vaguement quelle profitera ensuite au reste descitoyens. Ce nest plus lintrt gnral de tous les citoyens mdiatis parltat. 11. La science est politique Ces politiques scientifiques, mme si elles sont mal connues deschercheurs, affectent directement leur quotidien : elles touchent leursalaire, leurs conditions de travail, les critres de promotion, lesprogrammes de subvention, les budgets, les lieux de diffusion et depublication. Cet impact touche mme le choix des sujets de recherche et desmthodes, soit le cur de la pratique scientifique : des programmes particuliers de subvention peuvent encourager tel outel sujet de recherche et, par contrecoup, en dcourager la composition des comits de pairs qui valuent les demandes desubvention peut privilgier telle ou telle mthode les programmes qui exigent la recherche en quipe sur uneproblmatique unique nuisent la diversit des approches dune mmequestion de recherche, etc. la performance calcule sur le nombre de publications encourage laquantit et non pas ncessairement la qualit lexpertise pointue peut tre prfre la culture gnrale scientifiquencessaire la synthse La science est modele par les politiques publiques de ltat. Elle estpolitique et, ce titre, devrait tre dbattue dans les institutionsdmocratiques. 12. 4. Rsister et revendiquer Plusieurs chercheurs et de nombreux autres citoyens sinquitent de plusen plus des consquences des dernires politiques scientifiques orientesvers linnovation et la marchandisation du savoir et le disent dans lespacepublic. Mais il est difficile aux chercheurs professionnaliss et forms laneutralit politique, cest--dire dpolitiss, de trouver les argumentspolitiques efficaces et lgitimes pour revendiquer une autre politiquescientifique. Ce nest possible qu la condition de sortir du dni et de reconnatrepleinement le caractre politique de la science : elle nappartient ni ltatqui veut de moins en moins la financer, ni lindustrie dont on sollicite lesinvestissements, ni aux seuls chercheurs qui dpendent des autres pourleurs moyens daction, mais la cit, lensemble de la socit : la scienceest au cur du bien commun, dun bien commun dmocratique, qui sediscute et se rinvente chaque dbat public. Lappui des citoyens au support par ltat de la recherche scientifique seradautant plus grand quil y aura rgulirement des dbats ou des rflexionscollectives sur les projets de recherche possibles, les avenues explorer ou ignorer, les priorits gouvernementales en science, les universits, etc. Ce dialogue sur la science peut aussi ouvrir de nouvelles voies larecherche, contre la rduction que lui impose lconomie du savoir. Il peutaussi nourrir la rflexion thique en science. 13. Une science dans la citRappelons-nous le projet de solidarit intellectuelle et morale de lhumanit, inclus dans lActeconstitutif de lUnesco (16 novembre 1945). Au nom de leurs peuples, les gouvernements destats dclaraient alors: Quune paix fonde sur les seuls accords conomiques et politiques ne saurait entraner ladhsion unanime, durable et sincre des peuples et que, par consquent, cette paix doit tre tablie sur le fondement de la solidarit intellectuelle et morale de lhumanit.La science pourrait tre au cur de cette solidarit intellectuelle et morale, mais la conditionde rejeter le mythe de la neutralit et de sinscrire explicitement dans une socit du savoirplutt que dans une conomie du savoir. Voici quelques traits dune pratique scientifiquefavorable lavnement dune socit du savoir :Partage du savoir, des donnes, au lieu de comptition entre quipes, universits, etc.Accessibilit complte des publications scientifiques finances par les fonds publicsRecherche collaborative qui valorise la diversit des savoirs et des horizons de sensMultiplication des approches et des manires de crer de la connaissanceDbats publics sur les grands investissements publics ventuelsEnqutes sur les proccupations de la socit civileForums scientifiques hybridesFormation en thique et sociologie des sciences pour tous les apprentis chercheursCe sont des aspects de la pratique scientifique quune politique scientifique en dehors de lasphre de lconomie du savoir pourrait davantage appuyer et encourager partir des fondspublics, ct dune stratgie dinnovation appele par le secteur industriel. 14. Le bien commun comme inspirationpour la scienceDans la ligne des critiques du nolibralisme et de sa vision rtrcie du bien commun commeprosprit conomique de llite, voici donc une autre vision du bien commun, celle qui peutinspirer les chercheurs, sans dni et sans conscription.Le bien commun dune socit est constitu de: La richesse collective, les ressources publiques, le travail accompli par tous au quotidien Le patrimoine culturel matriel et immatriel qui inclut tous lestextes, littraires, journalistiques, mais aussi scientifiques, crits et lus par les citoyens : lascience fait partie du bien commun, mme dans ses dmarches les plus audacieuses Les ressources naturelles, la terre, leau, lair, la faune, la flore Les valeurs collectives de la culture publique commune et les institutions ducatives etdmocratiques qui les incarnent La diversit des visions davenir et des savoirs qui co-existent Des services publics accessibles tous, en toute galit Des citoyens soucieux du bien commun et qui ne dlguent plus son entretien ltat Une socit civile active et vigilante Une industrie socialement responsable et ancre dans une communaut Des espaces de dbat public intgres et indpendants 15. La science au cur du biencommun LAssociation science et bien commun, le projet La science que nousvoulons et les deux questions de dlibration proposent un doublevirage, sur la notion de bien commun et sur le rapport entre lascience et la cit: Le bien commun ne peut plus se limiter ce quen dit ou fait ltat qui, dans lidologie no-librale dsormais dominante (bien que conteste), se rapproche de plus en plus des intrts conomiques. La socit civile doit prendre le relais pour exprimer son refus de rduire le bien commun aux intrts conomiques. Les tudiants nous le montrent! Loin du mythe de la neutralit et des piges de la conscription, les chercheurs doivent redcouvrir une thique de la concitoyennet o le souci du bien commun nest pas un assujettissement des intrts quelconques ni une entrave aux joies de la connaissance, mais le fondement dun dialogue avec leurs concitoyens, les autres membres de la cit, pour crer une science ncessaire et bnfique lensemble de la socit, ne serait-ce que parce quelle nourrit lesprit critique et louverture sur le monde. Le mur doit tre transperc de multiples fentres!Une autre science est possible, disions-nous lan dernier. Une autrepolitique scientifique est possible. 16. Quelques suggestions recueilliesdans les dlibrations Ltat devrait mettre en place un organisme indpendant reprsentantquitablement toutes les disciplines scientifiques et responsable dtablir lespriorits scientifiques du Qubec en prenant compte des facteursconomiques ainsi que du bien commun. Des consultations publiques ouvertes, conviant autant la communautscientifique, la direction des universits, les acteurs conomiques que legrand public, devraient tre organiss en aval de la mise en place despolitiques scientifiques qubcoises. Le gouvernement du Qubec (comme celui du Canada) devrait accrotresignificativement le financement de la recherche fondamentale, tout enintgrant le critre dintrt collectif (et non de pertinence conomique)dans lvaluation des projets. Le gouvernement du Qubec devrait accrotre significativement lefinancement de la recherche dans le domaine des sciences sociales. Un organisme indpendant compos de chercheurs et professeurs de toutesles disciplines et champs interdisciplinaires devrait avoir la responsabilitvaluer les besoins en recherche de la socit pour faire face aux dfis venir, dvaluer en quoi la recherche ralise au Qubec correspond auxbesoins et formuler des recommandations quant aux lacunes combler.ENTREZ DANS LE DIALOGUE!