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Reprendre possession des terroirs, apporter davantage de la nourriture et de l’espoir FAITS SAILLANTS I 2014 31 LA PRODUCTION DE PARASITOïDES POUR LA LUTTE BIOLOGIQUE : UNE INDUSTRIE FAMILIALE EN DEVENIR AU SAHEL Les guêpes parasitoïdes pourraient bientôt rejoindre la gamme des « cultures » pratiquées dans les villages producteurs de petit mil à travers le Sahel. Si les essais au Niger en 2015 et 2016 sont couronnés de succès et parviennent à démontrer la volonté des villages d’acheter des guêpes pa- rasitoïdes pour la lutte contre les nuisibles dans leurs champs de petit mil, la lutte biologique locale deviendra une réalité commerciale pour les producteurs au niveau communautaire. La principale cible est le foreur de tige du petit mil (MHM) Heliochei- lus albipunctella (de Joannis) (Lepidoptera : Noctuidae), qui est un insecte nuisible chronique important du petit mil dans le Sahel et cause d’importantes pertes de rendement, allant de 40 % à 85 %. Ces dernières décennies, les chercheurs au Sahel ont démontré le potentiel que recèle H. hebetor pour la lutte biologique contre le fo- reur de tige du petit mil (MHM). Des lâchers progressifs de la guêpe parasitoïde Habrobracon (= Bracon) hebetor Say (Hymenoptera: Braconidae) ont conduit à un taux de parasitisme de 80 % de la larve de MHM, entraînant une augmentation des rendements d’au moins 30 %. Assurer une bonne lutte contre le foreur de tige avec des lâchers de H. hebetor ne garantit pas, cependant, l’élimination des épidémies du MHM au cours des années ultérieures. Compte tenu de la pénurie des hôtes de rechange pour la survie du parasi- toïde en contre-saison, il convient de procéder à de nouveaux lâ- chers de parasitoïdes au cours de chaque campagne agricole afin de rendre durable le programme de lutte biologique. Compte tenu du vif intérêt et de l’acceptation de la technologie par les agriculteurs et les ONG locales, il existe une demande crois- sante pour des lâchers d’agents de lutte biologique en Afrique de l’Ouest, ce qui soulève la question du nombre de suffisant de pa- rasitoïdes à produire pour satisfaire la demande. Les industries familiales ont servi de base à la commercialisation des parasitoïdes pour la promotion de la lutte biologique dans d’au- tres milieux. Par conséquent, l’accroissement de la production de parasitoïdes doit être optimisé afin de rendre l’industrie familiale viable à l’effet de satisfaire les besoins des agriculteurs. Depuis 2013, différentes expériences effectuées visaient à affiner et nor- maliser les techniques d’élevage de H. hebetor et optimiser la pro- duction de masse des parasitoïdes pour l’utilisation industrielle. En outre, des lâchers de différentes densités de parasitoïdes sont en train d’être testés en vue de l’identification du nombre optimal né- cessaire pour une lutte efficace contre le MHM. Les organisations paysannes ont été associées aux discussions afin d’identifier les meilleurs modèles de commercialisation des parasitoïdes. Les conclusions de l’ICRISAT-Niger indiquent qu’on obtient une plus grande production de parasitoïdes en nourrissant H. hebetor à l’étape de la larve avec le papillon du riz Corcyra cephalonica en vue de la parasiter. En outre, les résultats indiquent qu’une solution de miel et de sucre constitue le meilleur moyen de prolonger la vie du parasitoïde (jusqu’à un mois) de manière que les guêpes puis- sent servir pour un lâcher progressif en temps opportun. Par ail- leurs, l’on s’est aperçu que la période pour l’accouplement, la fertilisation de l’œuf et la production de descendants est plus opti- male, lorsque les femelles sont enfermées avec les mâles pendant 24 heures dans un bocal d’une capacité de 30 ml. En outre, le nombre de guêpes parasitoïdes produit peut augmenter de 50 %, lorsqu’on ajoute une petite quantité de farine de niébé au repas à base de petit mil de la larve de C. cephalonica. S’agissant du nom- bre de parasitoïdes nécessaires pour un champ de petit mil d’une superficie donnée, les lâchers des parasitoïdes ont augmenté considérablement le taux de parasitisme de MHM par rapport aux villages témoins qui n’ont pas reçu de parasitoïdes. L’incidence la plus élevée de parasitisme a été enregistrée dans les villages où 1 600 parasitoïdes ont été lâchés. Cette expérience sera poursuivie en 2015 et concernera également l’identification d’un meilleur ca- lendrier pour les lâchers de parasitoïdes en ce qui concerne la phénologie du mil. Les discussions avec les agriculteurs dans les villages sur le modèle commercial en vue de la commercialisation des agents de lutte biologique ont permis d’établir le caractère de « bien public » de la distribution des parasitoïdes. En d’autres termes, lorsqu’un agriculteur adopte la technologie, son voisin en tire profit, ce qui influe sur sa volonté à adopter la technologie. De toute évidence, la solution consiste à créer des entreprises à base communautaire qui vendraient les parasitoïdes à des groupes d’agriculteurs dans plusieurs villages. Ce modèle est en cours d’expérimentation en 2015 dans deux districts au Niger. Les parasitoïdes seront produits au siège de la coopérative locale des agriculteurs et un groupe de membres des coopératives des vil- lages voisins achètera les stocks de parasitoïdes pour toute la communauté sur le marché hebdomadaire. Entre temps, une ana- lyse des avantages économiques – rendement et impacts en termes de coût et d’excédents économiques – des lâchers de H. hebetor est en train d’être exécutée afin d’évaluer les impacts au niveau du marché. Ce travail, entrepris dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les céréales des zones arides, a été financé par le Laboratoire des innovations du sorgho et du petit mil (SMIL) et la Fondation McKnight. Panicule de mil endommagé par la mineuse de l’épi de mil

Parasitoid wasps for biological control to become a new Sahel cottage industry (French)

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Reprendre possession des terroirs, apporter davantage de la nourriture et de l’espoir

FAITS SAIllAnTS I 2014

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LA pRODuCTION DE pARASITOïDES pOuR LA LuTTE BIOLOgIquE : uNE INDuSTRIE fAMILIALE EN DEvENIR Au SAhEL

Les guêpes parasitoïdes pourraient bientôt rejoindre la gamme des « cultures » pratiquées dansles villages producteurs de petit mil à travers le Sahel. Si les essais au Niger en 2015 et 2016 sontcouronnés de succès et parviennent à démontrer la volonté des villages d’acheter des guêpes pa-rasitoïdes pour la lutte contre les nuisibles dans leurs champs de petit mil, la lutte biologique localedeviendra une réalité commerciale pour les producteurs au niveau communautaire. La principale cible est le foreur de tige du petit mil (MHM) Heliochei-

lus albipunctella (de Joannis) (Lepidoptera : Noctuidae), qui est uninsecte nuisible chronique important du petit mil dans le Sahel etcause d’importantes pertes de rendement, allant de 40 % à 85 %.

Ces dernières décennies, les chercheurs au Sahel ont démontré lepotentiel que recèle H. hebetor pour la lutte biologique contre le fo-reur de tige du petit mil (MHM). Des lâchers progressifs de la guêpeparasitoïde Habrobracon (= Bracon) hebetor Say (Hymenoptera:Braconidae) ont conduit à un taux de parasitisme de 80 % de lalarve de MHM, entraînant une augmentation des rendements d’aumoins 30 %. Assurer une bonne lutte contre le foreur de tige avecdes lâchers de H. hebetor ne garantit pas, cependant, l’éliminationdes épidémies du MHM au cours des années ultérieures. Comptetenu de la pénurie des hôtes de rechange pour la survie du parasi-toïde en contre-saison, il convient de procéder à de nouveaux lâ-chers de parasitoïdes au cours de chaque campagne agricole afinde rendre durable le programme de lutte biologique. Compte tenu du vif intérêt et de l’acceptation de la technologie parles agriculteurs et les ONG locales, il existe une demande crois-sante pour des lâchers d’agents de lutte biologique en Afrique del’Ouest, ce qui soulève la question du nombre de suffisant de pa-rasitoïdes à produire pour satisfaire la demande.

Les industries familiales ont servi de base à la commercialisationdes parasitoïdes pour la promotion de la lutte biologique dans d’au-tres milieux. Par conséquent, l’accroissement de la production deparasitoïdes doit être optimisé afin de rendre l’industrie familialeviable à l’effet de satisfaire les besoins des agriculteurs. Depuis2013, différentes expériences effectuées visaient à affiner et nor-maliser les techniques d’élevage de H. hebetor et optimiser la pro-duction de masse des parasitoïdes pour l’utilisation industrielle. Enoutre, des lâchers de différentes densités de parasitoïdes sont entrain d’être testés en vue de l’identification du nombre optimal né-cessaire pour une lutte efficace contre le MHM. Les organisationspaysannes ont été associées aux discussions afin d’identifier lesmeilleurs modèles de commercialisation des parasitoïdes. Lesconclusions de l’ICRISAT-Niger indiquent qu’on obtient une plusgrande production de parasitoïdes en nourrissant H. hebetor à

l’étape de la larve avec le papillon du riz Corcyra cephalonica envue de la parasiter. En outre, les résultats indiquent qu’une solutionde miel et de sucre constitue le meilleur moyen de prolonger la viedu parasitoïde (jusqu’à un mois) de manière que les guêpes puis-sent servir pour un lâcher progressif en temps opportun. Par ail-leurs, l’on s’est aperçu que la période pour l’accouplement, lafertilisation de l’œuf et la production de descendants est plus opti-male, lorsque les femelles sont enfermées avec les mâles pendant24 heures dans un bocal d’une capacité de 30 ml. En outre, lenombre de guêpes parasitoïdes produit peut augmenter de 50 %,lorsqu’on ajoute une petite quantité de farine de niébé au repas àbase de petit mil de la larve de C. cephalonica. S’agissant du nom-bre de parasitoïdes nécessaires pour un champ de petit mil d’unesuperficie donnée, les lâchers des parasitoïdes ont augmentéconsidérablement le taux de parasitisme de MHM par rapport auxvillages témoins qui n’ont pas reçu de parasitoïdes. L’incidence laplus élevée de parasitisme a été enregistrée dans les villages où1 600 parasitoïdes ont été lâchés. Cette expérience sera poursuivieen 2015 et concernera également l’identification d’un meilleur ca-lendrier pour les lâchers de parasitoïdes en ce qui concerne laphénologie du mil. Les discussions avec les agriculteurs dans lesvillages sur le modèle commercial en vue de la commercialisationdes agents de lutte biologique ont permis d’établir le caractère de« bien public » de la distribution des parasitoïdes. En d’autrestermes, lorsqu’un agriculteur adopte la technologie, son voisin entire profit, ce qui influe sur sa volonté à adopter la technologie.

De toute évidence, la solution consiste à créer des entreprises àbase communautaire qui vendraient les parasitoïdes à desgroupes d’agriculteurs dans plusieurs villages. Ce modèle est encours d’expérimentation en 2015 dans deux districts au Niger. Lesparasitoïdes seront produits au siège de la coopérative locale desagriculteurs et un groupe de membres des coopératives des vil-lages voisins achètera les stocks de parasitoïdes pour toute lacommunauté sur le marché hebdomadaire. Entre temps, une ana-lyse des avantages économiques – rendement et impacts entermes de coût et d’excédents économiques – des lâchers de H.

hebetor est en train d’être exécutée afin d’évaluer les impacts auniveau du marché.

Ce travail, entrepris dans le cadre du Programme de recherche du CgIAR sur les céréales des zones arides, a étéfinancé par le laboratoire des innovations du sorgho et du petit mil (SmIl) et la Fondation mcKnight.

Panicule de mil endommagé par la mineuse de l’épi de mil

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